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Introduction
Le nom « Pentateuque » désigne les cinq premiers livres de la Bible. Ce nom vient du
mot grec πεντάτευχος et il est la traduction d’une expression hébraïque « ḥāmišâ ḥumšê hattôrâ »,
littéralement les « cinq cinquièmes de la Torah ».
Pour la tradition juive, ces livres constituent la Tôrâ, un terme qu’on traduit
souvent par « Loi », mais qui signifie d’abord « enseignement, instruction ».
Ces cinq premiers livres de la Bible ont été considérés par la tradition hébraïque
comme un seul livre nommé : la Tôrâ (hr"At). La Tôrâ est donc le plus ancien titre donné à
ces cinq premiers livres de la Bible ; et les Juifs continuent encore aujourd’hui à l’appeler ainsi.
Dans l’AT, il y a diverses expressions qui apparaissent pour désigner ces cinq
premiers livres : « livre de la Loi » (hr"ATh; rp,,se) en Ne. 8,3 ; « Loi de Moïse » (hv,mo
tr:At) en 2 Chr. 23,18 ; 30,16 ou bien « livre de la loi de Moïse (hv,mo tr:At rp,,se) en 2
R. 14,6 ; Ne. 8,1 et autres analogues.
C’est à partir de Philon d’Alexandrie (1er siècle ap. J.C.) que les Juifs de la diaspora et
ensuite les chrétiens de langue grecque et latine donnèrent à la Tôrâ le nom de πεντάτευχος.
Par le nom Pentateuque, les Juifs de la diaspora et les chrétiens de langue grecque et
latine indiquaient la division en cinq livres ce que les Hébreux voyaient comme un seul livre.
Les Pères de l’Eglise n’utilisaient que très rarement le terme πεντάτευχος. Ils
préféraient parler de la « LOI » ou de la « LOI de MOISE » comme on le faisait parmi les Hébreux et
dans le NT (Mt. 5,17 ; 7,12 ; 11,13 : Lc. 16,16 ; 24,44 ; Ac. 13,15 ; Rm. 3,21 etc….).
(Au commencement)
hL,aeªw>
(Et ceux-ci sont les noms)
ar"Þq.YIw:
(et il appela)
~yrIªb'D>h; hL,aeä
(Celles-ci sont les paroles)
Chapitre 1
A - LA QUESTION DE L’AUTEUR
C’est cette attribution de la Loi à Moise qui a permis aux traditions juive et
chrétienne d’en faire l’auteur de tout le Pentateuque (cfr. Philon d’Alexandrie, De
vita Mosis, I § 84 ; Mc. 12,26 ; 2 Co. 3,15, etc.).
Au Moyen Age, les savants Juifs Isaac ben Jesus et Abraham Ibn
Ezra dressèrent des listes des « post-mosaïca », des textes qui ont dû être écrits à
des moments plus tardifs de l’histoire d’Israël ( par exemple, Gn. 36,31
présuppose l’époque de la monarchie ; en Dt. 1,1 : « Voici les paroles que Moise
adressa à tout Israël, de l’autre côté du Jourdain », l’auteur de ces paroles doit se
trouver dans le terre promise, c’est-à-dire dans l’actuelle Cisjordanie. Or, Moise
est toujours resté en Transjordanie. Nb. 22,1 désigne la Transjordanie comme
pays au-delà du Jourdain, ce qui est en contradiction avec Moise écrivant en
Transjordanie ; En Gn. 22,14 après « l’épreuve », Abraham donne un nom au lieu
du sacrifice : « YHWH verra / pourvoira. » Le narrateur, qui selon la tradition
devait être Moise, ajoute : « pour cela on dit aujourd’hui : Sur la montagne YHWH
apparaît (pour la TOB : C’est sur la montagne que le Seigneur est vu). » Pour Ibn
Ezra, cette montagne est le mont Sion sur lequel est construit le temple où
« YHWH apparaît ». En conséquence Moise ne saurait dire « aujourd’hui l’on
dit… », parce que le temple a été construit bien longtemps après lui, sous
Salomon. Dt. 31, 9 énonce : « Moise écrivit toute cette loi… ». Pourquoi Moise ne
dit-il pas : « J’écrivis… » (à la première personne) ? Toutefois, ces auteurs
n’osèrent pas critiquer ouvertement la tradition reçue parce qu’ils craignaient la
censure, voire la persécution.
1
La critique littéraire est une méthode dont l’exégèse historico-critique se sert pour déceler les différentes couches d’un
document et qui se base sur des observations de logique interne, (rupture de) cohérence, etc.
influence sur la manière de faire l’exégèse. Après avoir, pendant plusieurs siècles,
lu et interprété la Bible dans sa version latine, les chrétiens d’Occident retournent
aux langues originales.]
2
Cf. A. Lods, "Un précurseur allemand d'Astruc, Henning Bernhard Witter", ZAW 42, 1925, pp.134-135; R.
de Vaux, "A
propos du second centenaire d'Astruc. Refléxions sur l'état actuel de la critique du Pentateuque", SVT 1, 1953, pp.182-198.
le travail d’Astruc et l’affiner. Il défendra encore l’origine mosaïque du
Pentateuque, mais changera d’opinion après les découvertes de de Wette.
D- MYTHE OU HISTOIRE ?
3
Dictionnaire philosophique, art. « Abraham », Paris, 1964.
signifiaient un immense déplacement dans l’interprétation des premiers livres de
la Bible.
Cette idée était déjà envisagée bien avant Wellhausen, mais l’ordre
chronologique des différents documents n’était pas encore très clair. Pour
formuler cette conclusion, Wellhausen a eu besoin des travaux antérieurs de
4
Cf. J.W. Rogerson, W.M.L. de Wette. Founder of Modern Biblical Criticism. An Intellectual Biography;
JSOT Suppl. Series 126, Sheffield, 1992.
beaucoup d’autres. Signalons, avant de voir comment il a donné la chronologie
des différents documents, que le document contenant la législation sacerdotale
(P) (grosso modo Ex.25ss, Lv., Nb. 1-10 ainsi que les textes narratifs faisant
apparaître le même style) était longtemps considéré comme le document le plus
ancien.
1) => De Wette
Aussi bien, ce livre ne peut pas être plus ancien que la Réforme qu’il
légitime. Il doit donc dater du 7 e siècle av.J.C. Cela signifiait que le point
d’ancrage chronologique du Deutéronomique se trouvait en dehors des
événements relatés dans le Pentateuque.
2) => De de Wette à Wellhausen
L’enquête qu’il mène à partir de cinq institutions (le lieu du culte, les
sacrifices, les fêtes, le clergé, la dîme) fait apparaître chaque fois le même schéma
d’évolution : pluralité, centralisation, ritualisation. Il en arrive ainsi à distinguer
trois grandes périodes dans la religion d’Israël : les débuts de la monarchie, la
reforme deutéronomique et la période postexilique (le second Temple).
Sur les fêtes : Pour la source JE (cf. ex 23,14-19 ; 34,18-26), les fêtes sont
purement agraires, visant la fertilité du sol et l’abondance des récoltes, ce qui
trahit, selon Wellhausen, leur origine cananéenne. Pour D (cf. 16,1-17), les fêtes
sont historisisées, c’est-a-dire mises en rapport avec les événements historiques
décisifs de l’histoire d’Israël (notamment la sortie d’Egypte, cf.Dt16). Pour P, les
fêtes, tout en gardant leurs références « historiques » sont ritualisées et
« dénaturalisées ». (Lev. 23, 1-44 ; Nb 28,29).
Sur le clergé : A l’époque monarchique, chaque sanctuaire avait son clergé
particulier (1 S 21,2). Josias supprime les sanctuaires locaux et tente de ramener
les lévites à Jérusalem (Dt 18,6-8), mais en vain (cf. 2 R 23,9). Les lévites sont
alors réduits au rang des simples serviteurs pour avoir continué à servir dans les
hauts lieux. Pour P, cette situation est confirmée et le sacerdoce légitime est entre
les mains des fils d’Aaron, avec à leur tête le grand prêtre revêtu des insignes
royaux (manteau et onction), et véritable chef de la théocratie.
Sur la dîme : Avant l’exil, la dîme n’est qu’une taxe royale (1 S 8,15), mais après
elle devient une redevance due aux prêtres (Nb 18,24).
SYSTEME DE WELLHAUSEN.
Les exégètes du 19ème siècle vivent dans un monde intellectuel influencé par la
« philosophie des Lumières » ou « illuminisme » (en allemand Aufklärung) qui revendique
l’autonomie de la raison face à toute forme d’autorité. Le monde chrétien (protestant et catholique)
répond à ce défi en essayant de concilier foi et raison, lecture critique de la Bible et interprétation
religieuse de son message. Concrètement se manifeste la nécessité de séparer le contenu religieux
de la Bible de certaines hypothèses ayant trait à son origine.
Un autre mouvement (« le romantisme ») exerça une influence considérable sur les
exégètes pendant le 19ème siècle, et tout particulièrement en Allemagne. Son héraut dans le monde
de l’exégèse est Johann Gottfried Herder (1744-1803), célèbre pour son livre Vom Geist der
hebräischen Poesie. Herder donnera à de nombreux exégètes le goût des manifestations originelles,
spontanées et naturelles de la culture biblique. Pour cette raison naît le désir de retrouver dans le
passé les moments où la pensée était encore « vierge » et exempte de toutes les déviations
postérieures. Pour cette même raison se développe une attitude négative envers les périodes plus
récentes de l’histoire biblique, tout particulièrement l’époque postexilique, marquée, selon ces
auteurs, par un légalisme et un pharisaïsme exacerbés.
Enfin, dans le monde universitaire germanique (au 19ème toujours) prédominent les
catégories de l’« histoire ». Pour les historiens et les exégètes de cette époque, les cultures
connaissent des phases de développement analogues à celles du monde biologique : après la
naissance vient la période créative de la jeunesse, puis la maturité qui correspond à un premier
déclin des énergies vitales, et enfin la décadence de la vieillesse qui prélude à la mort.
Comme pour le romantisme, l’évolution n’est pas perçue comme une chose
positive, parce qu’elle ne conduit pas vers un sommet. Au contraire, l’évolution est cause de
sclérose, de déclin, de dépérissement de toute forme de vie intellectuelle et religieuse.
5. GUNKEL et la « Formgeschichte »
Avec Gunkel, l’exégèse étudie les récits isolés à leur stade pré-
littéraire. On ne comprend plus la Genèse comme une compilation opérée à
partir de trois ou quatre sources écrites. Les sources ne sont plus des
compositions de grande importance pour l’exégèse.
Pour Noth également, ces traditions furent transmises oralement dans les
sanctuaires. Leur Sitz im Leben est donc cultuel. La substance des traditions était déjà
fixée avant leur rédaction écrite. Quand les auteurs des sources (J, E et P) sont
intervenus, ils se sont contentés de mettre par écrit les traditions qui étaient déjà
parvenues à leur forme quasi définitive. Ils ont donc ajouté bien peu de choses :
l’histoire des origines serait l’œuvre de J et les chronologies celle de P. Noth
démontrait ainsi l’importance de l’histoire des traditions comme champ d’investigation
pour l’exégèse scientifique de l’AT.
> >Pour relier les histoires patriarcales à l’exode, il insère entre les deux
« l’histoire de Joseph ». Le héros de ce dernier récit représente aux yeux de
von Rad l’idéal de l’administrateur avisé selon l’esprit « éclairé » de la cour
de Salomon.
> > J fit précéder cette partie introductive de l’histoire d’Israël en tant que
peuple d’un « prologue » universaliste, l’histoire des origines (Gn 1-11), qui
a pour cadre l’ensemble de l’humanité.
b) Critique historique
Jusque 1930, les théories sur le Pentateuque étaient liées à une datation très
ancienne des textes Yahvistes. A partir de cette époque, plusieurs avis contraires se font
jour :
John van SETERS souligne de son côté le fait que la plupart des traditions
en Gn 12 – 25 reflètent le contexte historique du 6 ème siècle, c-à-d l’époque exilique. Pour
lui, le Pentateuque se forme sur une base narrative de base, qui est l’œuvre de J (un
Yahwiste exilique), et qui est ensuite complété par différents ajouts, dont P (rédaction
sacerdotale). P devient ainsi la rédaction finale du Pentateuque. On retrouve là une
conception proche de celle de von Rad, à la différence près que le Yahwiste de van
SETERS ne se trouve plus à la cour de Salomon, mais il vit à l’époque de l’exil.
Tous ces textes « J » analysés ont tous des liens étroits avec la
littérature deutéronomique. Ex : - le récit de la vocation de Moise en Ex 3, 10 ss est un
résumé de la vocation de Jérémie et de celle d’Ezéchiel. En imitant ces récits (du 7/6 ème !)
l’auteur d’Ex 3 veut faire de Moise le prophète par excellence. – Les récits de la
désobéissance du peuple dans le désert ( Ex et Nb) [suivent ou ] sont construits selon le
même schéma de « faute et sanction » que l’on retrouve dans l’historiographie
deutéronomiste (cf par exemple Jg 2, 6ss).
Martin ROSE.
R. RENDTORFF
=>1) Il existe un texte fondamental qui permet de séparer les cinq premiers
livres de la Bible de ceux qui suivent. Il s’agit de Dt 34, 10-12 « Il n’y a plus paru en Israël de
prophète semblable à Moise, que Yhwh connaissait face à face. Nul ne peut lui être comparé
pour tous les signes et les miracles que Yhwh l’envoya faire au pays d’Egypte contre Pharaon,
contre ses serviteurs et contre tout son pays, et pour tous les prodiges de terreur que Moise
accomplit à main forte sous les yeux de tout Israël. »
* Moïse est plus grand que tous les autres prophètes. En raison de ceci, la
« Loi de Moïse» est supérieure à toutes les autres formes de révélation. Sa Tôrâ est
incomparable et demeurera toujours valable. En d’autres mots, la révélation faite à Moïse est
supérieure à toutes les autres révélations qui remontent aux prophètes. Pour cette raison,
dans le canon Moise précède les « prophètes antérieurs » (Jos-2 R) et les « prophètes
postérieurs » (Is.-Ml). Il précède aussi les « Ecrits » ou livres sapientiaux. L’autorité du
Pentateuque dépend en fin de compte de l’autorité supérieure de Moïse.
* Ce denier n’est pas appelé « serviteur de Yhwh » comme Moïse, mais « ministre de
Moïse » : Il est défini donc dans sa relation subordonnée à Moïse. Le succès de ses aventures serait
essentiellement lié à sa fidélité à « la Loi de Moïse », considéré comme un livre écrit (Jos 1,7-8).
* La 3ème partie de la Bible hébraïque (les K etûbîm) commence par les psaumes. Le ps.1
qui sert d’introduction à toute la 3ème partie de la Bible hébraïque contient lui aussi des allusions à la
Loi. Ps.1,1-3 : Voici quelques affirmations de ce Ps. qui ont pour but de situer le Psautier et les Ecrits
en relation avec la Loi.
§ 1. Le critère qui distingue le juste de l’impie est la méditation de la Loi. La loi
constituera aussi le critère du jugement (Ps. 1,5-6). Ce Ps. applique à l’individu ce que « les
prophètes antérieurs » affirmaient à propos du peuple.
§ 3. Le Ps.1 invite à lire tous les Ps et tous les « Ecrits » comme une méditation de
la Loi de Yhwh.
5. Rapport avec le NT
La vie publique de Jésus, dans les quatre Evangiles, commence sur les rives du
Jourdain, où Jean Baptiste baptise. Pourquoi ce cadre ? Moise est arrivé face au Jourdain avec le
peuple et il est mort sans avoir pu franchir cette dernière frontière. Son œuvre est donc demeurée
inachevée. La conclusion du Pentateuque est une conclusion ouverte en direction de la terre que
Moise contemple. Josué achèvera l’œuvre commencée.
Qui est ce Josué ? C’est celui qui achève l’œuvre commencée ; il complète le
Pentateuque. Jésus est un autre Josué. Les deux noms sont identiques : Josué en est la forme
hébraïque et Jésus la forme araméenne. En Jn 5, le récit de la guérison du paralytique à la piscine de
Bethesda, fait allusion à cette thématique quand Jésus dit : « Moïse a parlé de moi » (Jn 5,46). Moïse
a annoncé que Yhwh avait choisi Josué pour accomplir la promesse faite aux patriarches de donner
la terre au peuple. (Dt 31,1-3.7)
Selon Jn 5, Jésus est ce Josué annoncé. Pour cette raison, les évangiles commencent
sur les rives du Jourdain où le peuple se trouve encore en Dt 34 quand le rideau tombe sur le
Pentateuque et sur Moïse.
Oui, quand Jésus apparaît dans les évangiles, sa mission est semblable à celle de
Josué : il annonce le venue « du Royaume » c-à-d la venue du moment où Israël pourra finalement
prendre possession de sa terre. Le début du NT se présente comme l’accomplissement de l’œuvre
inachevée de Moïse. « Je ne suis pas venu abolir la Loi et les prophètes, mais les accomplir » (Mt
5,17). Cette parole montre quel rôle Jésus a revendiqué par rapport à la révélation qui l’avait
précédé. S’adressant à des Juifs, il suppose acquis tous les enseignements positifs de l’AT. Il les
confirme en les complétant.
=> Quand on lit les paroles de Jésus dans les évangiles, il ne faut donc pas perdre de vue
les textes de l’AT auxquels elles font plus ou moins explicitement allusion.
l. « HISTOIRE » ET « LOI ».
Le pentateuque se divise de manière égale, entre les textes législatifs et les textes
narratifs. Pour la tradition juive, le Pentateuque est compris comme La Loi d'Israël. Par contre,
la tradition chrétienne l’a lu comme l’histoire d’Israël. Dans les deux cas, Dieu est 1'initiateur à
la fois de 1'histoire et de la Loi. La question essentielle est la suivante : le Pentateuque était-il à
l'origine une histoire ou une loi ?
Si pour Wellhausen et Noth, les lois restent « secondes » par rapport aux récits,
B.J. Diebner se propose de prendre au sérieux la tradition juive de la Torah. II considère les
parties narratives du Pentateuque comme un cadre explicatif et homilétique qui se serait
cristallisé autour de la Loi. Ainsi, la plupart des textes de la Genèse ne seraient rien d'autre que
des midrashim sur la Torah du judaïsme postexilique. C'est la piste de la Torah qui nous
donnerait la clef pour le déchiffrement de la composition du Pentateuque.
Cette position de B.J. Diebner est sans aucun doute excessive, mais elle oblige à
poser plus clairement le problème de la relation entre « Loi » et « Histoire », et de la fonction
de ces deux pôles, lors de la mise en forme du Pentateuque, notamment au moment de la
rédaction finale.
I1 est certain que P a connu et a réinterprété les textes présacerdotaux. Gn 17, par
exemple, réagit sur Gn 15 et Ex 6 sur Ex 3. Une grande question demeure toujours sur P : est-il
un ouvrage indépendant, autonome, ou faut-il voir en lui une couche rédactionnelle ?
Pour van Seters, le concept est né dans 1' .esprit du yahwiste postexilique qui, à la
manière des premiers historiens grecs (Hellanikos, Hérodote, ect), est vu comme un «historien
intellectuel». Comme ses cousins grecs, le yahwiste forge une «tradition nationale» en faisant
usage de mythes et de légendes locales, et en les insérant dans un cadre chronologique
complexe allant des temps x« mythiques » aux « temps historiques ».
Rendtorff avait ciblé des « unités majeures » tout à fait hétérogènes. La rupture
la plus évidente se remarque au passage entre 1'histoire des patriarches et celle de 1'exode.
Mais il s’avère plus difficile d'établir l'indépendance des unités majeures à partir du livre de
1'Exode. Exode, désert et Sinaï sont si profondément imbriqués et connectés que l'on ne voit
pas, comment on pourrait postuler une histoire rédactionnelle indépendante pour des unités
présentes dans le complexe Exode-Nombres.
CONCLUSION.
La génération des exégètes précédents était habitée par une certaine nostalgie des
origines. La génération de la nouvelle critique est fascinée par 1'exil et par 1'époque postexilique.
Le « grand chantier » du Pentateuque est à nouveau largement ouvert à
1'exploration. Cette tâche est importante parce que son résultat nous permettra de comprendre la
formation du Pentateuque, de renouveler notre vision des théologiens d'Israël, de l'histoire de ses
traditions et de son histoire tout court. Tous ces domaines offrent aujourd'hui encore, de nouveaux
horizons de recherche.
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CHAPITRE 2
I : Gn 1-2,3
1. Structure du récit
Introduction :
Dans la Bible une organisation à sept éléments met trois de ces éléments en évidence : les extrémités et le centre.
Ainsi, à côté du sabbat, le premier et le quatrième jours ont une importance particulière. De fait, on constate que ces trois jours sont ceux
où se mettent en place les grands points de repère du temps : le premier jour instaure le rythme fondamental jour/nuit; le quatrième jour
voit la création des astres grâce auxquels le temps est scandé par les fêtes, les saisons et les années (calendrier); le septième jour
détermine quant à lui le rythme hebdomadaire de la vie.
D’après le récit, Dieu crée le monde en réalisant huit oeuvres en six jours.
Mais il le fait en prononçant dix paroles qui ont toutes la forme d'ordres donnés. En effet,
par dix fois, le récit introduit une parole de Dieu par ces mots : «Et Dieu dit»
(vv.3.6.9.11.14.20.24.26.28.29). Dans cette série, le v.28 est particulier, car un pronom suit
le verbe et désigne l'interlocuteur de Dieu, l’humanité : « Et Dieu dit à eux». Pour la
première fois, Dieu trouve quelqu’un à qui parler, détail significatif de la position
assignée à 1'humanité dans l’univers créé et face à Dieu. Autre indice dans le même sens :
c’est seulement pour la création de l’humanité que Dieu se donne un ordre à lui-même
(« Faisons… », au v.26). Enfin, on peut encore remarquer deux éléments sont mis en
évidence dans une série de dix : le cinquième et le dernier. Dans notre récit, la cinquième
parole est celle de la création des astres le quatrième jour – ce qui renforce encore le
caractère central de ce jour. Quant à la dixième et dernière parole, c'est une parole de don
(Cette parole a d’ailleurs une forme particulière : elle n’apparaît pas comme un ordre,
même si la fin du v.29 – « pour vous ce sera à nourriture » - pourrait être entendue comme
un ordre. La parole est formellement l’énoncé d’un don, mais on verra plus loin que ce
don représente, selon l’expression de P. Beauchamp, « la racine cachée d’une loi »). Dieu
y donne leur nourriture aux vivants de la terre. Il faudra revenir sur ce point pour montrer
en quoi cette parole a une importance spécifique et tout à fait essentielle.
2. L'univers créé
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le Dieu de la Genèse ne crée pas le
monde de rien. La première affirmation biblique à parler d'une création ex nihilo (à partir de
rien) se trouve dans le deuxième livre des Martyrs d'Israël appelé aussi livre des Maccabées :
«Regarde le ciel et la terre, contemple tout ce qui est en eux et reconnais que Dieu les a
créés de rien» (2 M 7,28. voir He 11,3). Ce livre est récent : il date du 2ème siècle avant J.-
C. Avant cela, la tradition biblique est unanime à rejoindre les idées communes du Proche
Orient ancien concernant la création : Dieu a organisé le monde à partir du chaos. Le verbe
–« créer »- (bara’) ne signifie donc pas : faire de rien, comme on le pensait spontanément
jusqu'il y a peu. En hébreu, il veut dire essentiellement : faire du neuf, de 1'inoui, du jamais
vu.[ Dans le premier Testament, Dieu est 1'unique sujet de ce verbe bara'. Il crée non
seulement au début (Gn 1,1; 1s40,26.28;42,5;45,12.18), mais aussi dans 1'histoire (J r 31,22;
Is 41,20; 43,1.7.15; 45,8; 48,7).]
Toujours est-il que le second élément du chaos à être maîtrisé par Dieu, c'est la
ténèbre. Le créateur y fait jaillir la lumière qui est bonne parce qu'elle permet la vie. Alors
s'instaure une alternance entre ténèbre et lumière, entre nuit et jour. En séparant la lumière
de la ténèbre, Dieu ne supprime donc pas cette dernière ; il la maintient, mais comme en
tension avec la lumière. Il fera de même avec les eaux de 1’abîme. Elles ne sont pas
détruites, mais maîtrisées en deux étapes : d'abord, Dieu coupe en deux la boule des eaux à
1'aide d'une voûte qui retient les eaux d'en haut et dégage un espace libre au-dessus des
eaux d'en bas (1'océan). Cette première séparation a lieu le deuxième jour, mais elle n'est
pas suffisante car elle ne permet pas la vie. C’est la raison pour laquelle Dieu ne trouve pas
la chose « bonne ». [Le refrain "Et Dieu vit : «que c'est bien!» manque pour le seul
deuxième jour]. En effet, il lui faut encore faire émerger le sol sec de 1'amas des eaux, la
terre de la mer, une seconde séparation qui, elle, est bonne parce qu'elle offre à la vie un
lieu où se développer.
On le voit : Dieu n'abolit aucun des éléments du chaos. Il leur laisse une place,
mais en instaurant une alternance avec leur contraire, une alternance qui est bonne. Cette
attitude de respect dans la maîtrise tranche sur le comportement violent des dieux créateurs
du Proche-Orient ancien : c’est au terme d'une lutte très violente, entraînant la mort de
certains dieux, que le créateur peut imposer son pouvoir aux autres divinités et organiser
l'univers [Dans le premier Testament, on a des traces de ces combats de création, courants
dans l’imagerie du Proche-Orient. Voir p. ex. Is 51,9-10; Jb 26,12-13; Ps 74,13-17, 89,10-12.].
Dans la Genèse, aucune destruction : même les éléments négatifs trouvent leur place dans
cet univers dont 1'harmonie est un signe de la maîtrise de Dieu, une maîtrise sans violence
puisqu'elle s'exerce par la parole. Il faut d'ailleurs remarquer que cette organisation aboutit
à la mise en place des deux constantes de tout le créé : le temps (jour et nuit) et l'espace
(haut, bas; ciel, terre et mer). C'est le cadre essentiel où se situe toute réalité créée.
Une dernière remarque à propos de cette partie. Quand Dieu se met à parler,
c'est pour dire : «Que soit!» Cette forme du verbe "être" (y ehî) est utilisée en Gn 1 pour la
création des objets célestes (vv.3.6.14). Il est intéressant de la relever dans la mesure où le
nom de YHWH (le Seigneur) semble être dérivé de la racine du même verbe "être" (hayâ);
sous cette forme, le nom divin pourrait signifier «il est», ou «il fait être». Si c'est le cas,
« alors, l’intuition de notre auteur, c'est que la parole créatrice jaillit du nom divin lui-
même. Elle est la mise en œuvre par Dieu de son propre nom, c'est-à - dire de son essence
divine.» À ce propos, ce n'est peut-être pas un pur hasard si ce verbe ha yâ est utilisé vingt-
six fois dans le récit de création proprement dit (vv.3-31). En effet, vingt-six est le résultat
de 1'addition de la valeur numérique des lettres du nom YHWH [ En hébreu ancien, il n'y a
pas de signes spéciaux pour noter les chiffres. On utilise les lettres qui ont chacune une
valeur numérique propre. Y =10, H = 5 et W = 6 : d'où, 10+5+6+5 = 26]. Ainsi donc, si le
chapitre 1 de la Genèse ne mentionne pas le nom du Dieu YHWH qui a fait alliance avec
Israël, il le cache en quelque sorte sous 1'action du Dieu qui dit : « Que soit!» et qui se
révèle dans son faire-être 1'univers.
Les végétaux et les luminaires (vv.11-19)
Créer, dans la première page de la Genèse, ce n'est pas seu lement ordonner le
chaos en opérant les séparations nécessaires. Ce n'est pas seulement faire apparaître du neuf
comme la lumière. C'est aussi rendre le créé productif. C’est ainsi que la terre reçoit 1'ordre
de produire les végétaux qui vont l’orner. Ceux-ci à leur tour sont créés capables de se
reproduire puisqu’ils contiennent la semence nécessaire à leur survie. L’acte de création
prend donc une dimension nouvelle : celle de donner fécondité au créé.
Par analogie avec 1'armée des cieux, l'auteur décrit le peuplement de l’univers
comme une armée. Ce n'est pas sans raison : dans ce récit, en effet, les vivants semblent
répondre aux ordres du créateur qui les appelle à l’être, et leur apparition ne manque pas
5
Le mot ma ôr désigne le lampadaire du temple en Ex 25,6 ; 27,20 ; 35,8.14.28 ; 39,37 et Lv
24,2.
d'ordre : poissons d’abord, puis oiseaux, et enfin animaux terrestres, tous classés «selon
leur espèce».
Le cinquième jour, Dieu crée les animaux marins et les volatiles. Le récit précise
même qu'il crée les grands monstres marins : c’est un nouveau signe de la volonté de l'auteur
sacerdotal d’ôter toute trace de mythologie de son texte. En effet, ces monstres divinisés jouaient
un rôle dans les mythes de Babylone, en particulier dans les mythes de création où ils sont associés
au chaos des eaux. Ici, ce sont de simples créatures.[ on trouve ces animaux ailleurs dans la Bible-
Voir Jb 40,15-41,26; Is 27,1;51,9-10; Ps 148,7.]
J'ai souligné plus haut comment la création biblique contraste avec les
cosmogonies (mythes de création) du Proche Orient ancien. Aucune destruction n’a lieu.
Au contraire, Dieu intègre dans 1'ordre de la création tous les éléments négatifs du chaos
initial (la ténèbre, les eaux de 1'abîme et le vent de la tempête).Il les maîtrise par sa parole
en leur imposant une limite pour qu'ils s'intègrent à une construction qui est bonne parce
qu'elle permet à la vie de jaillir. S'il y a maîtrise, elle n'est donc pas destructrice; elle ne
porte pas la mort. D'ailleurs, il faut le noter, cette maîtrise s'exerce par la parole. Et cette
parole met de 1'ordre et appelle à la vie, signe d'une maîtrise sans violence, tout empreinte
de douceur, cette douceur dont parle 1'harmonie du créé tel qu'il sort des mains divines.
Un second élément souvent négligé est fondamental pour 1'image de Dieu qui
émerge de ce premier récit de création. Le plus souvent, on 1'oublie parce qu'il se cache
dans un des refrains du texte : «Et Dieu vit : que c'est bien!» (vv.4.10.12.18.21.25.31). La
répétition de ces mots semble avoir produit chez les commentateurs un effet inverse de
celui recherché. Ce refrain en effet a sombré dans la banalité, comme des mots trop souvent
entendus, alors qu'il attire 1'attention sur un point fondamental. Chaque jour en effet, Dieu
semble se mettre à distance de ce qu'il a créé. Il prend le temps de regarder et d'admirer, de
s'extasier devant ce qui n'est pas lui et qui est comme sorti de lui. Son émerveillement
devient comme un chant :, «Que c'est bien, que c'est bon!». [. Les mots kî tôv sont une
formule que l'on retrouve dans les hymnes à la louange de Dieu: voir Ps100,6;
106,1;136,1;1Ch16,34.Ici, c'est le créateur qui les emploie pour chanter la louange du créé. ]
On ne soulignera jamais assez 1'importance pour l'acte créateur lui-même d’un tel regard
émerveillé. En effet, créer ou donner vie, ce n'est pas seulement mettre de 1'ordre, produire
du neuf, transformer. Tout qui vit sait que la seule existence ne suffit pas : il faut encore
le regard d’une autre, d’un autre ; un regard d’amour qui donne d’exister parce qu’il ouvre
un espace de vie, de confiance et de croissance, un regard qui donne toute son importance
et toute sa dignité à celle ou celui qu’il regarde. Tel est le regard créateur de Dieu sur le
monde créé. C’est une image qui vient corriger l’impression de puissance, en lui ajoutant
une touche de tendresse, de douceur, de respect infini. Cette touche est confirmée par un
troisième élément du récit : le repos du septième jour : c’est un jour différent, séparé des
autres, un jour « sanctifié », comme le souligne le récit (2,3) : jour à part puisque Dieu n’y
donne pas d’ordre et ne travaille pas, ne transforme ni ne produit rien. Mais l’auteur le
souligne : c’est ce repos qui achève vraiment la création. Sans lui, elle ne serait pas
achevée, parfaite (v.2). C’est pour cette raison que le septième jour est béni (v.3) : c’est un
jour de vie, un jour fécond, créateur, même si le Créateur n’y fait rien que prolonger son
émerveillement devant l’univers : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voici : c’était très
bien ! » (1,31).
Bref, «le sabbat souligne encore la douceur au cœur de 1'image de Dieu. Loi
de douceur qui corrige les projections d'un Dieu surpuissant, confondu avec notre rêve de
surpuissance, c'est-à-dire un Dieu à notre image.»[P. Beauchamp, « Au commencement Dieu
parle, ou les sept jours de la création », Etudes, juillet-aout 1986, p.113] En ce sens, la toute-
puissance de Dieu est la douceur de celui qui garde la maîtrise de sa puissance elle-même.
Non la douceur d'un faible qui n’a pas d'autre choix, mais la douceur qui est force plus
forte que la force [À la suite de la citation dans le crochet avant celui-ci, P. BEAUCHAMP
ajoute : «Une définition de la douceur comme force plus forte que la force est nécessaire, en
même temps, pour écarter un choix préférentiel de la faiblesse dicté par le ressentiment de
ceux qui seraient privés de cette force »]24. Comme le dit le livre de la Sagesse en
s’adressant à Dieu (12,16-18) : «Ta force est la source de ta justice et ta maîtrise sur tous te
fait user de clémence envers tous. II fait montre de sa force, celui dont le pouvoir absolu est
mis en doute...Mais toi qui maîtrises ta force, tu juges avec sérénité et tu nous gouvernes
avec tant de ménagements.»
Le terme utilisé ici pour parler de 1’être humain, c’est le mot « adam », un
mot générique pour parler de 1’être humain ou de l'humanité. Il ne s'agit donc pas ici de la
création du premier homme et de la première femme, mais de l’appel à la vie du genre
humain. Celui-ci est lié à Dieu sous un double rapport : « image et ressemblance», dit le
texte. II est difficile de préciser la nuance des deux termes, mais il semble qu'on puisse dire
ceci. Comme le montre le rapprochement avec Gn 9,6, le terme image semble être lié à la
maîtrise du monde: l’être humain est à 1'image de Dieu en tant qu'il exerce seigneurie sur la
terre à 1'image du Dieu Seigneur de 1'univers (voir Si 17,2-4), Quant à la ressemblance, si
1'on en croit le rapprochement possible avec Gn 5,1-2a, elle semble se rattacher davantage
à 1'aspect de fécondité et donc au caractère sexué de 1’être humain. S'il en est ainsi, le fait
d'être à l’image de Dieu implique aussi la ressemblance : si 1’être humain doit maîtriser la
terre, il doit d'abord la remplir et donc se multiplier, d'où la nécessité d’ être «mâle et
femelle» (v.28).[ Au v.28, la paire «mâle et femelle» remplace le terme «ressemblance»
pour faire pendant au mot «image» dans les phrases parallèles. On peut noter aussi que la
paire «image et ressemblance» revient en Gn 5,3 pour indiquer le rapport entre un père et
son fils. Cet élément n'est peut-être pas absent de 1'image que le rédacteur sacerdotal se fait
du rapport entre Dieu et les humains.]
En tout cas, il semble clair que les mots «image et ressemblance» ne sont pas
une description de 1’être humain, mais plutôt 1'indication de la mission de 1'humanité.
D'ailleurs, les paroles divines précisent elles-mêmes la portée de ces termes : «qu'ils
maîtrisent le poisson de la mer et le volatile des cieux et le bétail et toute la terre, et
tout rampant qui rampe sur la terre» (v.26). Être à 1'image de Dieu renvoie donc bien à la
maîtrise de toute la terre par domination sur ses autres habitants, les animaux. La parole de
bénédiction du v. 28 va dans le même sens : il s'agit bien de «soumettre la terre en
maîtrisant le poisson de la mer, le volatile des cieux et tout vivant qui rampe sur la
terre». [Ici « ramper » signifie évoluer sur la terre sans pouvoir s’envoler.] Ainsi donc,
en la créant à son image, Dieu assigne à 1'humanité une mission, un devoir-être : elle sera
maître ci u monde terrestre à l'instar du créateur dont la maîtrise s'étend sur 1'univers. C'est le
motif de la louange du Ps 8 : «Tu l'as voulu un peu moindre qu'un Dieu, le couronnant de
gloire et d’honneur; tu mets toute chose à ses pieds» -et de citer alors les animaux que
l'homme maîtrise.
La dixième et dernière parole divine prend, sur cet arrière-fond, une importance
capitale. Apparemment, elle est anodine puisqu'elle parle du don de la nourriture à 1’être
humain et aux animaux. Mais sa seule position dans la série des dix paroles créatrices
suggère qu'elle pourrait bien avoir plus de poids qu'on ne veut bien lui en prêter d'ordinaire.
De plus, cette parole contient une énigme : seules les plantes constituent la nourriture de
1'humanité (céréales et fruits) et des animaux (herbe). Quelle est la portée de ce «végétarisme
primitif »? Comme 1'indique P. Beauchamp, cette énigme est à réfléchir à partir du contexte
immédiat. En bénissant l’humanité, on vient de le voir, Dieu lui fixe un devoir-être, une
responsabilité éthique : dominer la terre.
Sur cet arrière-fond, le don par Dieu d'une nourriture végétale constitue «la
racine cachée d'une loi». En effet, de manière discrète, ce type de nourriture suggère qu'il est
possible à 1'humanité de maîtriser 1'animal sans lui faire violence, sans le tuer. Un tel
comportement suppose que l’être humain accepte de mettre une limite à sa maîtrise, de ne
pas 1'exercer jusqu'en ses dernières possibilités, pour laisser à l’animal -à 1'autre que lui- un
espace pour sa vie. À côté du devoir de maîtrise, Dieu propose ainsi à 1'humanité un
pouvoir-être, une manière de réaliser sa vocation : la maîtrise maîtrisée, la douceur, force
plus forte que la force. Placé sous une telle maîtrise, le monde animal peut lui aussi ignorer la
violence puisqu'il est également herbivore (v.30).
Ce dernier trait a quelque chose d'irréel, d'utopique, qui invite à chercher dans le
végétarisme le signe qui s'y inscrit en filigrane. En réalité, à travers le rapport avec le monde
animal, c'est le rapport entre les humains et entre les groupes humains qui est visé. Le
végétarisme, qui signifie la volonté d’une relation pacifique avec le vivant, est signe du
projet d'un monde réconcilié, d'un vivre-ensemble de 1'humanité où l'on garde la maîtrise de
toute animalité, et donc aussi de la violence. Utopie et projet d'un monde d’où la violence est
bannie et où la douceur fait loi, d'une société où place est faite à 1'altérité et aux différences,
à celles de I'homme, des autres vivants et de 1a terre. On le voit: ce qui se joue ici, pour
l'humanité, c’est sa capacité à devenir ce qu'elle est : 1'image d'un Dieu dont la puissance est
douceur et don de vie à l’autre, un Dieu qui maîtrise sa propre maîtrise pour ouvrir un espace
d'autonomie à la création.
4. Conclusion
Bref, le don d'une nourriture végétale suggère que ce n'est pas par la seule
suprématie sur le créé que l’être humain réalise l’image. C’est tout autant, sinon davantage,
quand sa puissance de maîtrise se refuse à toute violence destructrice et s’ouvre au respect de
l’altérité. Ainsi, l'être humain devient image de Dieu quand, maître de sa propre maîtrise, il
crée une société pacifique, un monde réconcilié, avec cette douceur qui est renoncement à
l’illusion de la toute-puissance et ouverture dynamique à la différence. Il est alors un vivant
qui suscite la vie et est capable d'alliance – image de Dieu.
Ce qui se vérifie pour un individu est vrai aussi pour des groupes humains. Car
si la vocation de 1'humanité est d'être à l'image de Dieu, cette image inclut aussi 1'unité.
Construire son unité à 1'image de Dieu et à 1'inverse du monde animal, fait de pure
diversité puisque chacun est créé «selon son espèce», [L'expression revient sept fois à
propos des animaux, aux vv.21.24 et 25.] telle est la tâche de 1'humanité. Une telle tâche
n'est réalisable que si la violence des personnes et des groupes est contenue par le respect
des différences et par la volonté de construire 1'harmonie. De ce point de vue, l'image
chrétienne de Dieu représente un progrès par rapport à l'image du premier Testament. En
effet, l'image d'un Dieu un en trois personnes est celle d'une unité qui n'abolit pas l'altérité
de chacun, mais plutôt la valorise dans une dynamique d'alliance.
INTRODUCTION
Israël n’a jamais eu une discussion théorique sur le péché, sur sa nature, sur ses
conséquences. Il n’a jamais eu donc de traité sur le péché. Israël a fait l’expérience du péché ;
expérience multiple – du péché collectif (exemple dans le désert) et du péché individuel (comme
ceux de David ou de Salomon). Israël exprime cette expérience du péché dans la narration de Gn. 3
et aussi dans les confessions des péchés (Ps 51 ; 130 ; Neh 9 ; Dan 9).
La mise en scène de la femme dans ce récit a comme but de montrer que l’homme
est faible. L’auteur met en scène l’élément faible de l’humanité (homme et femme). Oui, la femme
est considérée selon les apparences comme étant plus faible que l’homme, même si en réalité c’est
elle qui est plus forte. Ici on parle donc selon les apparences. Cette faiblesse de l’humanité est
signalée par exemple dans Gn 6,5 ; Gn 8,1 ; Dt 10,16 ; Jr 17,9 ; Ps 40,13 ; Ps 103,14
V.1 le serpent : il est présenté sans explication, sans préambule comme s’il était déjà
connu. Dans le texte hébreu, il est précédé par l’article défini « le ». Le texte ne dit pas par
exemple « il y avait une fois un serpent… » pour le présenter. Il apparaît comme une figure
définie, connue. Mais qu’est-ce que c’est que ce serpent pour J ? Comment le connaissait-il lui ?
- Symbole de longue vie, parce que le serpent est censé faire peau
neuve chaque année : chaque année les serpents sont frais, nouveaux et beaux. Ils sont donc
toujours là
Pour nous chrétiens c’est vraiment le diable, mais il ne faut pas le faire dire à
l’auteur de Gn 3. Il ne savait pas trop où situer cette bestiole là. Et le symbolisme ici est lié d’abord
à la représentation du mal, à la volonté de perdre l’homme. ( C’est pour cela que la LXX a
directement spécifié en écrivant δίαβολος à la place du serpent.)
La nature du serpent doit être dégagée non par sa forme mais par ce qu’il fait, ce
qu’il opère, ce qu’il réalise.
La femme a compris le 2ème sens et a répondu : « Mais si, mais si nous pouvons
manger de tout, sauf d’un seul. C’est là que réside l’astuce du diable. Il présente la tentation de
façon tout à fait anodine. La sollicitation est tellement faible et fragile qu’on peut la repousser
comme un rien du tout. La femme augmente la défense « Dieu nous a dit vous ne toucherez
pas ». La femme est solide pour défendre la cause de Dieu et capable même d’en rajouter à la
défense. Avec ça, elle est entrée dans le dialogue avec l’adversaire ; elle a mis le petit doigt dans
l’engrainage => elle va être entraînée. ==> On peut bien comprendre la prière du Pater
Noster : selon le texte grec il est dit « ne nous laisser pas entrer dans la tentation » (comme
EVE).
VV. 4-5 : Ici la tentation ou le serpent attaque la femme de front avec une
assurance qui déconcerte et laisse pressentir une science spéciale de la part du serpent. -->
« Vous ne mourez pas. Mais Dieu sait que … vos yeux s’ouvriront»
{Alors lui sait, pouvait se dire la femme. Ou bien Dieu nous a trompé ou bien il
n’est pas puissant, il n’est fort, il est limité} Le serpent introduit le doute dans la conscience de
l’homme, de la femme. ==> « Le doute rend mauvais le bien » disait Goethe. Le doute est
l’arme la plus efficace du Satan pour faire entrer sa force dans l’homme.
« Vous serez comme Elohim ». Elohim ici signifie Dieu. => Vous serez comme
Dieu lui a-t-il dit littéralement. C.-à-d. l’aspiration de la tentation est de devenir comme Dieu,
comme la divinité. C’est un souci de l’homme qui veut souvent faire sauter les limites pour
devenir comme une divinité (voir la tour de Babel, les géants de Gn 6 ; Ez 28). La tentation est
pareille à ce phénomène de vouloir devenir un surhomme. C’est cette poussée, cette ambition vers
le dépassement total (de toute limite) qui est instillée dans la conscience de l’homme par la
tentation. Le péché de l’homme le saisit par « en haut ». [Il faut donc se débarrasser de l’idée selon
laquelle ils auraient (les premiers parents) péché par la chair ; comme si l’acte conjugal serait
contraire à ce que Dieu leur avait prescrit au départ. Ne leur a-t-il pas demandé de se multiplier et
de remplir la terre ? ]
V.6 Le résultat de cette tentation est là. Le serpent se tait et laisse le trouble agir dans
la conscience de Eve par le biais du doute. Maintenant tout va se passer à l’intérieur de l’homme.
Et ce qui est important à souligner est tout va se passer selon un processus qui est naturel à
l’homme. La tentation nous pousse dans une ligne qui est naturelle à l’homme. Elle ne propose pas
des choses aberrantes, extraordinaires qui sortiraient de la nature de l’homme. S’il en était
autrement, l’homme s’en défendre bien. La tentation le pousse dans la ligne de ce qu’il est.
Travailler la terre, avoir le fruit et en jouir : tout cela est naturel à l’homme ; Dieu le
lui a confié. L’homme a reçu l’ordre de Dieu de pouvoir valoriser toutes ces possibilités (travailler
le jardin …) Mais il faut bien remarquer que même les péchés importants (capitaux) ne sont que le
prolongement des virtualités innées à l’homme. Tenez :
* L’avarice : c’est un péché capital. Mais qu’est-ce que l’avarice ? C’est le sens de
l’économie, de l’ordre, du rendement qui est poussé à bout, qui est exagéré.
* La luxure : C’est une perversion d’un instinct noble de la procréation et de la
signification de valeur, des gestes d’amour. C’est l’aberration de quelque chose de bon et de
naturel.
C’est exactement la tentation d’Adam et d’Eve => Vouloir toucher à tous les arbres,
c’est ce dépassement des limites qui rend le désir mauvais. Et le texte de la Bible montre bien la
gradation de ce désir de dépassement. Il montre que le péché en général résulte d’un ensemble
d’attirance, d’un ensemble de forces qui pousse l’homme à transgresser les limites qui lui sont
imposées par le créateur.
« Bon à manger ». Cette expression relève de l’appétit sensible, tout ce qui est à la
limite de l’animal en nous.
« Le fruit était séduisant à voir » Il était attirant pour les yeux. C’est l’expression de
la beauté esthétique, le prestige, le désir d’éblouir. - On dirait en français, le désir de se faire voir.
« Fais-toi voir un peu ! » ou bien « je vais leur faire voir ce que je suis! » => Le Christ a été
soumis à cette tentation. C’est la deuxième ! « Jette-toi en bas – montre un peu qu’on applaudisse !
Cette tentation s’est répercutée dans sa vie (Lc 4,23 Fais ici aussi comme tu l’as fait à… pour que
nous puissions aussi t’applaudir. Dans Marc, le secret messianique est la résistance à la tentation
de se faire voir avant. Sur la croix : « descends un peu si tu es fils de Dieu ! Baisse-toi un peu !
Montre-nous et nous allons croire ! » Mc 15,32).
« Le fruit est désirable pour l’intelligence » => littéralement « le fruit est désirable
pour comprendre » ( Sakal en hébreu ) Ce verbe qui a un sens très très fort, est souvent réservé au
messie dans la Bible. La science du messie est une science qui est exprimée par le verbe sakal.
Voir Is 41,20 Is 52,13 (les traductions n’ont toujours pas les nuances de l’hébreu) ; Jr 3,15 ; Jr
23,5. Donc cette science qui est proposée à l’homme est comme une qualification quasi modifiée
du messie. Une fois que le messie commence à fonctionner dans la Bible, il est toujours présenter
comme quelqu’un de supérieur. Dans le livre de Daniel, il est présenté carrément comme un
personnage divin. « Le fils de l’homme qui est d’en haut est pour ainsi dire le messie achevé.
D’ailleurs notre Seigneur se rapportera à cette allusion du livre de Daniel quand il se qualifiera de
fils de l’homme.
==> Partant de toutes les qualifications du fruit, on peut dire que ce fruit n’est pas un
fruit particulier, un acte déterminé. C’est au contraire un ensemble de concupiscence de : - de la
chair - des yeux - de l’esprit (orgueil de l’esprit comme le dit 1Jn 2,16. Il reprend pratiquement
la poussée qui est dans la tentation proposée à l’homme dans Gn 3). C’est aussi la modalité des
tentations de Jésus dans les synoptiques : le pain, la chute… La 3ème tentation dit « Je te donnerai
les empires » c-à-d la possession totale de l’univers. Jésus repousse ces tentations avec les paroles
de l’Ecriture. Curieusement les trois paroles de Jésus qu’il utilise dans sa défense sont les textes du
Deutéronome (auteur soucieux d’obéissance, de fidélité à l’alliance. C’est dans ce livre que Jésus
va puiser son arsenal contre les tentations qui lui sont proposées.
« Manger du fruit » est une l’expression qui signifie l’une ou l’autre fois dans la
Bible commettre le péché. Voir Os 10,13. => Si l’homme a aussi mangé du fruit, ceci signifie que
la tentation était commune au couple humain. Mais pour les besoins du récit, l’auteur a voulu
manœuvrer d’abord un personnage, puis l’autre dans la suite. C’est plus facile de manœuvrer
d’abord un acteur puis un deuxième dans un récit que le faire pour les deux à la fois. Voilà
pourquoi on a mis Eve à l’avant scène. ==> La deuxième signification de cette manœuvre est que
le péché n’est jamais solitaire ; ça ne touche pas qu’un individu, celui qui le commet. {La LXX a
traduit : » elle donna à son mari et ils mangèrent les deux}
V.7 « Leurs yeux s’ouvrirent » => C’est une réalité. Leurs yeux s’ouvrirent sur une
nouvelle expérience : C’est-à-dire qu’ils découvrent quelque chose qu’ils ignoraient jusque là.
Quoi ? La nudité. Maintenant leur nudité est transformée en misère. La nudité odieuse et
douloureuse est la conséquence du péché. Cette nudité révèle qu’un désordre s’est introduit dans
leur vie.
- Le premier signal. Ils se rendent compte qu’ils n’ont rien sur eux
- Le 2ème signal. La peur devant Dieu. (Saint Jean dira juste le
contraire : l’amour chasse la peur 1Jn 4,18).
En hébreu « nu » se dit « harum ». Le mot « rusé » se dit aussi « harum ». L’homme
dénudé est la victime du serpent rusé. La ruse du serpent dénude l’homme.
VV. 8-11
« Ils entendent la voix ». La proximité de Dieu par rapport à l’homme n’est pas un
simple anthropomorphisme. C’est une affirmation théologique très forte. Le paradis est le domaine
de Dieu ; c’est là que Dieu est chez lui. Il va et vient (selon le texte hébreu. Les traductions disent
« il se promenait »). Aller et venir signifie que Dieu avait une vue d’ensemble sur le jardin. Sa
présence est simultanée partout, peut – on – dire. L’homme était donc en présence de Dieu partout
où il pouvait se trouver.
« La voix qui s’approche » n’est pas une voix qui parlait, mais une rumeur. C’était
une sorte de bruissement qui manifeste « l’approche de Dieu » ou « une apparition avec un bruit
qui précède». Cf. 2 Sam 5,24 ; 1 R 14,6 ; 2 R 6,32. Donc Adam reçoit comme une apparition,
comme une théophanie, une manifestation de Dieu. Dieu se manifeste à lui (comme il le fera plus
tard à Moise et aux prophètes). Alors on comprend mieux ce phénomène de la peur. Tous les
prophètes ont eu peur avant l’apparition de Dieu. Voir Is 6. Quand Dieu s’approche, il n’y a plus
de protection qui tienne.
« Adam, où es-tu ? ». C’est la question que Dieu pose. Pourquoi la pose-t-il, lui qui
avait une vue d’ensemble du paradis ? C’est une question qui doit aider l’homme à expliciter sa
faute, à la clarifier. Par la question Dieu invite à la confession. => C’est un autre qui révèle ce que
nous sommes (Les questions du confesseur nous aident à clarifier notre faute, notre péché). Mais
cette question de Dieu n’a aucun effet. Le premier dialogue entre l’homme et Dieu ; la première
fois que l’homme parle à Dieu c’est un mensonge : « J’ai eu peur ». Il ne dit pas sa faute ; il ment
Dieu. C’est un dialogue faussé dès le point de départ. Il se dérobe à Dieu au lieu de s’ouvrir à lui et
d’être sauvé. D’autant plus que c’est Dieu qui prend l’initiative de venir à lui. Ce n’est pas Adam
qui a crié vers Dieu : « Seigneur, Seigneur, j’ai fait une bêtise. Adam est tout nu là, il n’est plus
rien, il est écrasé. Dieu vient à lui pour lui apporter une possibilité d’être sauvé => par la
confession de son péché.
VV. 12-13 « L’homme répond c’est la femme… qui m’a tenté ». L’aveu est
pratiquement nul. Et la défense qu’Adam présente pour se justifier, il la retourne en accusation :
« C’est la femme que TOI, tu as mise à mes cotés qui m’a tenté ». Il dit « la femme » comme s’il
ne la connaissait plus. Ce n’est plus la sienne, c’est celle de Dieu. => Dieu n’avait qu’à ne pas la
lui donner, et le malheur ne serait pas arrivé. Mais quand il l’avait vue pour la première fois, il
avait même fait un joli poème. Il l’a vite oublié ! ==> Le péché obscurcit le sens de la réalité, de
ce qu’on est, de ce qu’on a ; et le péché divise. Adam en ce moment crée une distance avec sa
femme, il s’en sépare. Les complices dans le péché deviennent des ennemis (voir le cas des
gangsters !) Le péché sépare de Dieu et des hommes [Contre Dieu : « que toi, tu m’as donnée » ;
Contre la femme : « la femme que tu as donnée »] => C’est l’attitude du frère aîné dans la parabole
du fils prodigue : « ton fils qui est venu » ; « toi, tu ne m’as jamais rien donné »
« Le serpent mange la poussière » => La poussière dans la Bible est souvent le signe
de désagrégation, de mort. On peut comprendre que le serpent mange la mort. Le serpent est un
être de mort : le diable est un être qui mange la mort et qui la recrache sur le monde : Is 65,25 ;
Ps 72,9 ; Michée 7,7.
Face à l’homme, le serpent est dans une position d’inimitié « Je mettrai une
hostilité entre toi et la femme ». Le mot hébreu utilisé « heba » est très fort. Il signifie hostilité
permanente, invétérée, illimité. On trouve ce même mot dans Nb 35,21 (haine invétérée) ; Nb
25,15.
La forme du verbe en hébreu est au qal (ce n’est pas dans un sens intensif pour que
ça finisse vite. C’est-à-dire qu’il n’y aura pas de victoire éclair, mais une guerre à usure ==>
L’auteur constate que la victoire n’est pas encore là ; la lutte se poursuit. Cependant il faut qu’il y
ait une supériorité de l’homme. Oui, la supériorité de l’homme est nécessaire sinon la malédiction
du serpent n’aurait pas de sens. Cette victoire est exprimée par la différence de position
stratégique. La femme écrase la tête du serpent. Et ceci va bien avec la théologie du Yahviste, car
lui est optimiste. Sa théologie va de l’avant, ce n’est pas une théologie à l’avenir bouché. Cette
victoire entrevue est déjà une vue messianique. En effet, les jours du messie sont les jours où le
mal sera vaincu ; ce sera le sens de toutes les prophéties jusqu’à l’arrivée de Jésus. Le mal sera un
jour vaincu dans les jours du messie. Or à l’époque de J, le messie commence à poindre à
l’horizon. Un messie personnel. Cf 2 Sam 7 (prophétie de Nathan), Gn 49,10-11 ; Nb 24,17.
Le raisonnement analogue doit être fait avec le terme « femme. Qu’est-ce que c’est
que cette femme qui doit écraser la tête du serpent ? = השיla femme ; il s’agit d’une femme bien
déterminée. C’est nécessairement Eve en un premier temps. Eve comme interlocutrice et
protagoniste en face du serpent. Mais ça ne durera pas longtemps, parce qu’elle ne joue aucun rôle.
Dans le texte, on ne voit pas comment elle écrase la tête du serpent. L’annonce est faite d’ailleurs
pour plus tard. Donc la personne d’Eve est dépassée dans le texte pour plusieurs raisons :
° Le texte qu’on a est un oracle. C’est une poésie qui porte toujours plus loin que le
moment présent, le moment où cet oracle est prononcé. Tous les oracles prophétiques portent
toujours plus loin que le moment où ils sont prononcés. Exemple : Is 7,14. [=> Ici la jeune femme
c’est la femme du roi qui enfantera au milieu de la situation de désarroi, de détresse où on est.
Annonce positive pour donner courage au peuple au moment de détresse qu’on traverse. C’est le
premier sens. Mais cette prophétie si lourde : « donner l’Emmanuel », ce n’est pas quelque chose
de banal, pas ordinaire, ça ne doit pas être limité à la date de 704 ou 702. Elle va plus loin. C’est
pourquoi les théologiens depuis l’AT ont travaillé et lui ont trouvé un sens plus riche et
parfaitement valable] Dans cet oracle (voir la disposition dans BHS) c’est la femme qui est mise en
relief dans cette lutte contre le serpent.
° Si c’est la femme, elle doit alors avoir un rôle particulier dans cette lutte. Or du
temps de l’auteur, la femme avait encore une situation subalterne dans la société. En valorisant la
femme, l’auteur valorise quelqu’un auquel on ne s’attendait pas. Jusque là, peu de femmes ont
émergé dans l’histoire publique pour qu’elles soient données comme modèle de performance
religieuse. Les grandes femmes jusque là sont Sara, Rébecca, Rachel, Léa et Débora. Et pourtant
l’auteur entrevoit un rôle particulier de la femme dans la lutte, dans l’écrasement de la tête du
serpent. On peut donc conclure que dans ce verset Jésus et Marie sont présents de façon encore
obscure, voilée, implicite mais tout de même déjà réel. (Beaucoup d’exégètes ne voient pas Jésus
et Marie dans ce verset. Ils affirment que c’est la lutte indéfinie entre l’homme et la méchanceté, le
mal sans émergence d’un individu, descendant de la femme). Mais nous pouvons dire que dans ce
verset il y a le mystère de Jésus vainqueur du Satan d’un coté et la victoire sur le diable par la
conception immaculée de Marie (Quand Jésus dit : J’ai vu Satan tombé du ciel comme un éclair
dans Lc -> n’est-ce pas là une affirmation de la victoire sur le serpent ? Dire seulement qu’il y a
lutte, ça ne suffit, car il n’y aurait pas de victoire. Or la victoire sur Satan est inscrite dans le texte.
C’est donc dans ces deux personnes que s’accomplit la prophétie de Gn 3,15.
v.16 Il s’agit ici de la femme comme telle (non plus de la femme symbole de
l’humanité, mais de la féminité). Il est question ici du «châtiment» de la femme qu’on envisage
dans sa qualité d’épouse et de mère. Remarquez que la femme n’est pas maudite. Elle reçoit la
détermination de son destin. Elle est touchée dans sa particularité d’épouse et de mère c-à-d
maternité douloureuse au lieu d’une pure joie créatrice, penchant irrésistible vers l’homme (c’est
une exigence de la maternité : tension extrême de la femme vers l’enfant qu’elle ne peut pas avoir,
le drame de la stérilité. Voir les tourments des femmes entre elles : Sara et Haggar ; Rachel et Léa,
les filles de Loth qui couchent avec leu père pour avoir la descendance ; Tamar avec son père) ; la
subordination de la femme vis-à-vis de l’homme est exprimée là. Les relations du couple ne sont
plus équilibrées comme auparavant. Il faut maintenant ramer, faire des efforts pour que l’unité du
début se réalise. La femme reste fondamentalement ce qu’elle est par vocation ; partenaire égal de
l’homme. Mais la réalisation de cette vocation est hypothéquée. Les conséquences du péché se
manifestent dans les différents aspects de la condition féminine. C’est pour cela que à l’ère
messianique, ou au fur et à mesure que le messianisme se réalise (que le péché diminue), cette
sorte de suggestion diminue (voir par exemple Cantique des cantiques 7,11 => les conditions
douloureuses diminuent). Cette situation de domination de l’homme n’est pas dans le plan de Dieu.
* Gn 2,17
VV.20-24. Ces versets ne sont pas homogènes entre eux ni par rapport au reste du
chapitre. On y voit la mention de la femme et de l’arbre de vie qui réapparaît alors qu’il n’a joué
un aucun rôle jusqu’à présent. Ensuite, une fois dans la situation de péché ( où nous sommes déjà
arrivés), ça n’a plus de sens dire que l’homme n’avance pas la main vers l’arbre de vie. C’est déjà
fait ! Donc on peut penser que ces versets sont le reste d’un autre récit de la chute ( peut-être du
même auteur J) => Ceci fait que ces versets ont une autre signification, car ils ne sont plus le récit
d’une chute ( qui est déjà arrivée). Ils sont une grande et impérative mise en garde contre toute
autre tentation qui viendra ; contre tout autre désir de reprendre l’arbre de vie et d’essayer d’être
encore une autre fois immortel ; ce n’est plus possible d’autant plus que Dieu dit « voici l’homme
est devenu comme l’un de nous, connaissant le bien et le mal ». La connaissance du bien et du mal
ici n’a plus le même sens que ci-haut { Connaissance universelle, désir absolu de dépasser toutes
les limites} ; maintenant il a le sens moral {l’homme a appris quelque chose qu’il n’aurait pas dû
apprendre c.-à-d. il connaît maintenant le bon et le mauvais dans le sens moral.
De ce fait, ces versets constituent une grande et sévère mise en garde ; que ce qui est
arrivé ne se répète plus, que cela ne se reproduise plus. Ne recommencez plus le geste orgueilleux
d’Eve et d’Adam, restez bien à votre place.
III : Gn 4
Gn 4, 1-6. Nous donnons d’abord quelques remarques sur le texte ,puis viendra le
sens fondamental du texte.
Au V.1, nous avons Caïn. En hébreu on a Qain et en grec Kain. L’orthographe que
nous avons dans nos Bibles nous vient de latin. Ce nom est un substantif en hébreu désigne « la
lance ». Le verbe qnah signifie façonner, modeler (spécialement les objets de métal). Ce verbe est
aussi utilisé pour signifier, parler de la création du monde. Yhwh a aussi façonné, modelé. C’est le
ses qu’on trouve dans Gn 14,19 et Ps 115,15. Donc le cri d’Eve : « j’ai procréé un homme,
avec le Seigneur » signifie « J’ai façonné, J’ai engendré, J’ai acquis, J’ai formé un homme avec
Dieu ». Ce cri est en même temps un acte de profession de foi où Eve reconnaît que toute
procréation vient de Dieu.
Au V.2 on a Abel. En hébreu ce mot s’écrit Hebel (ou Habel en pause).Il signifie
souffle, vapeur, brise légère, et par extension Vanité.
V.7 est un texte difficile car le texte est altéré. Toutes les Bibles (BJ, TOB)
l’indiquent. On peut reconstruire un sens valable en comparant ce verset avec deux autres versets
Gn 49,9 et Nb 23,24 (qui sont des textes contemporains de celui de J). => En comparant les trois
textes, on peut dire qu’il s’agit de la tentation comparée à un fauve, un animal couché devant la
porte, ce fauve qui menace et qui doit être vaincu. C’est une affirmation importante de la liberté
de l’homme face au péché. Liberté qui est réelle mais qui fonctionne souvent de travers. C’est
important pour J après la narration de la chute et du péché qu’il réaffirme la liberté de l’homme.
Au V.9 On a la réponse insolente de Caïn qui contraste avec la frayeur qu’a éprouvée
Adam lorsque Dieu lui a parlé. Caïn se comporte en effronté qui révèle une baisse grave du
sentiment religieux. Nous sommes déjà au commencement de cette dégradation que le Yahwiste va
nous décrire dans les pages suivantes.
Le récit concerne d’abord les origines et les caractéristiques du clan des Qénites Ils
sont apparentés (ou proches des) aux hébreux ; et dans certains nombreux passages fidèles
yahwistes. On verra dans l’Exode Moise qui fuira chez les Madianites apparentés aux Qénites ; et
selon le texte ils sont adorateurs de Yhwh. Il y a là une sorte de familiarité, un bon jugement porté
à l’égard des Qénites. Ils sont aussi adorateurs de Yhwh : On les rencontre en Nb 10,29 ; Jug
4,11 ; Nb 24,21 ; Jug 1,19 ; Jug 4,11.17 ; I sam 15,16 ; I sam 27,6 ; I sam 30,29 ; 2 R 10,15 ; Jer
35 1 Chr 2,55. Le Yahviste ne les a pas beaucoup estimés. Mais ce n’est pas ce qui était sur
terrain : C’est pour trouver chez eux l’illustration de la croissance du péché.
Le Yahviste a repris leur tradition populaire en les transposant sur le plan
religieux. C’est dans les rangs des Qénites qu’il a trouvé des figures pour illustrer sa théologie.
C’est pour illustrer sa théologie : la croissance rapide du péché et la miséricorde de Dieu. Le péché
grossit subitement jusqu’à l’assassinat et la suppression du partenaire au dialogue.
b) Le plus grave des péchés qui a entraîné la malédiction ; qui a même défiguré
physiquement Caïn (vv.5-6) trouve un pardon auprès de Dieu. Cela a été exprimé par le signe qui
doit protéger Caïn de toute agression injustifiée. C’est Dieu qui le punit ; l’homme n’a pas à le
punir, à se venger du sang, et d’un assassinat. C’est Dieu qui reste maître de la vie et de la mort.
=> On a pensé habituellement que ce signe représente un tatouage de la tribu des Qénites interprété
alors dans un sens religieux. Le signe aurait été tracé par Dieu lui-même. Plus tard, on verra dans
la Bible les anges tracer un signe sur les fidèles (à l’alliance) toujours avec ce sens de protection
(Ez 9 et Ap 7), de sauvegarde. C’est ainsi que saint François a pris ce signe. Les Rabbins ont
toujours une signification en plus. Ils disent que Dieu avait tracé une de quatre lettres du
tétragramme.
c) C’est Dieu lui-même qui se réserve le châtiment du péché. C’est lui seul qui est le
maître de la vie et de la mort. La vengeance sauvage (coutume primitive parmi les nomades) n’est
pas admise par la Bible. => La vengeance sauvage n’a aucune limite ; elle est totalement arbitraire.
La torah ne l’admet pas. La loi du Talion, la loi du châtiment est réglée par un droit de la
communauté Ex 21,12-14 => Pour la protection du meurtrier. Celui qui doit accomplir le
châtiment, ce n’est pas un proche parent, mais le « Goel » c’est-à-dire le vengeur du sang, qui a
pris dans le temps la signification de « rédempteur », racheteur Job 19,25.
Cette généalogie est très incomplète. Elle ne sera plus reprise. Elle est donnée dans
l’esprit de J pour caractériser une nouvelle étape de la dégradation morale. Elle peut provenir
d’une tradition différente de la précédente parce qu’on y parle encore des villes de Qénites. Deux
idées principales à retenir dans ce passage :
° Le progrès technique se situe dans la lignée de Caïn, il ne faut pas l’oublier. C’est-
à-dire que J est réservé en face du progrès technique parce qu’il en voit les dangers de la ville et
les inconvénients de la technique par la création des armes et de la guerre. La technique n’est
innocente, elle crée les abus que nous voyons. On voit comment la Bible est toujours sa vérité pour
tous les temps. On voit les méfaits de grosses accumulations urbaines avec des millions
d’habitants.(la ville de Mexico regorge 18 millions d’habitants ! Un homme ordinaire est perdu
dans cette masse humaine effrayant. Cette critique que le J fait à l’égard des villes et du progrès est
justifiée ; le chrétien doit toujours veiller à la surveiller de sorte qu’elle ne soit pas nuisible à
l’humanité). Toubal- Caïn inaugure l’art du métal, celui des forgerons. Il fabrique les armes qui
favorisent la guerre et les luttes sanglantes et introduit en quelque sorte le chant de vengeance, le
chant de guerre, le chant de Lamek qui suit immédiatement. [ Ce texte peut être indépendant du
début de la descendance de Caïn, mais il a été repris par le Yahviste pour exprimer la croissance
du péché par la polygamie qui porte atteinte à l’idéal monogamique présenté en Gn 2. Cette
polygamie existe déjà au temps de J. Cf. la polygamie modeste et paisible chez Elkana, le père de
Samuel ; polygamie déjà plus accentuée avec David (8 femmes et les concubines) ; polygamie
peut-être aussi du temps de Salomon auquel on attribue 700 femmes et 300 concubines. C’est un
chiffre rond pour expliquer deux choses : la puissance de Salomon et la multiplication des
étrangères considérées moins bien. Voilà pourquoi J a réquisitionné ce texte pour faire la critique
de la polygamie.]
A ces deux versets (25 et 26), il faut ajouter Gn 5,29-30. P a utilisé la généalogie de
J pour présenter Noé en 5,29. [ Il y a une terminologie du Yahviste. En effet, il dit Noé va nous
« consoler » en parlant des travaux de le terre qui est maintenant maudite]. Qu’est ce que ça veut
dire ? La malédiction du sol en Gn 3 est annulée par la justice de Noé. Quand le péché recule dans
les personnages justes, les conséquences du péché reculent aussi. Noé est un cultivateur ; il n’est
pas un industriel. Il cultivera de façon droite et juste, et la terre donnera la consolation. Il y aura de
la vigne.
« Il ne fut plus parce que Dieu l’a pris » => c’est une indication d’une relation
particulière entre Dieu et cet homme. Henok vécut 365 ans. C’est le nombre d’une année solaire.
C’est-à-dire cet homme a accompli un cycle parfait ( Les autres ont leur durée qui tourne autour de
900 ans). « Il ne fut plus parce que Dieu l’a pris » est rendu ailleurs par « il disparut… ». Le terme
hébreu rendu par le verbe prendre est un terme spécifique pour les enlèvements vers le ciel. Il n’est
pas souvent utilisé, chaque fois qu’il est employé c’est une ascension, un enlèvement mystérieux
(cf. 2 R 2,3.5.9 ; Ps 49,16 ; Ps 73,24 ). Ce terme exprime donc une conviction d’une vie
personnelle dans l’au-delà. Dieu accorde donc à Henok une vie totale, une vie en plénitude en ne le
laissant pas voir la mort parce que c’est un homme juste. Henok échappe à la destinée normale de
tous les pécheurs. Ce sort d’Henok a eu un succès énorme dans la suite des traditions. Le
personnage a été honoré, vénéré, regardé comme synonyme de toute la science, de toute la
connaissance et détenteur de toute la révélation de Dieu (Cf. Sir 44,6 ; Sg 4,10 ; Hb 11,5 ; Jude
14-15). Voir aussi le fameux livre d’Henok dans les écrits intertestamentaires). [Les trois
personnes qui ont été pris dans la Bible sont : Henok (avant la Loi) ; Eli (sous la Loi) et Jésus].
En regardant la généalogie de Adam à Noé telle qu’elle est donnée dans Gn 5, cette
liste présente une grande ressemblance avec une liste babylonienne. Chacune de deux comporte
dix noms ; ce n’est pas par pur hasard. Mais les personnes citées dans celle des Babyloniens sont
des rois. Le troisième personnage de ces deux listes a le nom de « homme »[ : Enosh dans Gn 5 et
« amedou » dans la liste babylonienne. (Amedou = homme en babylonien)], et le 7 ème est en
relation spéciale avec Dieu [ : Ici Henok ; et Entoranti chez Babyloniens, parce qu’il y anime le
culte dans le sanctuaire de Babylone. Le 10 ème c’est Noé et de l’autre côté c’est … qui signifie « les
jours de l’esprit » c-à-d des longs jours.
b) Les deux premiers noms dans la liste de Babylone sont des demi-dieux ; chez
P ce n’est pas le cas.
c) Les chiffres de P sont artificiels et symboliques. Tous les ages ici sont
divisibles par 5 ou bien divisible par 5 plus 7 ( par exemple 977= 970 +7 c’est le cas du
v.26. ). % est un chiffre parfait et 7 un chiffre encore plus parfait. => C-à-d que le calcul de P
a un but : il nous mène depuis la création du monde jusqu’à l’Exode qui se situe en 2666
avant notre ère. 2666 c’est les 2/3 de 4000. ( Les chiffres expressifs sont 3,5,7,12,50). La liste
de P conduit vers quelque chose qui est la libération. L’humanité marche vers une libération,
vers un salut. Au bout du salut il y a le messie, le sauveur qui n’est pas exprimé explicitement
ici. Il y a donc une marche vers un jour. L’histoire selon P n’est pas une marche aveugle, une
chose désordonnée et sans but, puisque P se situe à l’exil et exprime sa confiance dans
l’avenir.
V : Gn 6
Gn 6 est un chapitre mystérieux avec le mariage des anges ( les fils de Dieu) qu’il
renferme. Ce récit évoque la mythologie des géants. Chaque peuple a aux origines des
personnages de grandes dimensions, même physiques. Les Grecs étaient convaincus que leurs
héros anciens étaient de demi-dieux issus du mariage des divinités avec des femmes humaines.
( Zeus était marié à la Lune et eut Achille comme enfant). En Israël, on a connu aussi des
légendes relatives à des géants. Voir Nb 13,31-33 ; Dt 2,10 ; Dt 3,11 ; Jos 17,15. L’auteur a
utilisé cette croyance, cette légende pour ramener les choses à leur juste dimension.
VV.1-4 C’est l’entrée du déluge, l’introduction qui est ici donnée avec sa
signification morale. On y parle de la décadence morale de l’humanité ; des géants qui sont le
symbole d’une volonté de puissance démesurée (Sg 14,6 ; sir 16,7). Ces géants sont des êtres
hybrides.
Gn 6,5 – 9,17 c’est le corps du texte relatif au déluge. Ce texte provient de deux
sources J et P mélangés. Ce récit occupe le 1/3 de toute l’histoire primitive : 81 versets sur 223.
Cela montre peut-être aussi l’importance que la tradition biblique attache au déluge. La part de P
y est prépondérante (53 versets).
6,5 Le jeux des mots expressifs pour caractériser le mal : « Son cœur était
uniquement, seulement méchant et toute la journée » = c’est-à-dire son cœur était totalement
méchant.
6,7 Il y a une énumération de l’homme, de bétail, reptile… Ceci peut être une
addition de P.
6,8 Noé trouve « grâce » devant Dieu (en hébreu « hen » . C’est le charme qui
attire, qui rend agréable, spécialement quand cela se dit du charme féminin). Le sens s’est déplacé
vers la signification morale. Etre trouvé agréable c’est-à-dire celui qui trouve agréable a trouvé
chez l’autre les dispositions affectueuses suite aux qualités de celui qui est trouvé. Cette racine
« hanan » donne aussi le nom de Johanan (Jean) et Hanana (la gracieuse – la gratifiée la mère de
Samuel le prophète et Anne la prophétesse dans la NT)
Le récit de J provoque le déluge par l’inondation due à des pluies excessives (7,12).
Au 7,4 et 7,12 Nous avons la première mention de 40 qui exprime ici une durée
exemplaire de l’épreuve au bout de laquelle survient le salut. Quelles sont les étapes
chronologiques du récit de J :
7,4 annonce
7,17 le déluge
La justice de Noé est caractérisée avec deux termes : - Tsadiq et tamim. Tsadiq =
juste ( au sens d’abord d’un juge juste, équitable ; puis c’est passé sur le sens moral qui se trouve
défini dans Ez 18 = Observance de la Loi cultuelle et observance de la justice sociale) => Noé est
déjà présenté comme « le juif parfait » selon les canons, les normes postexiliques. Tamim = sans
défaut, pur, parfait. C’est le sens rituel de la victime sans défaut. Puis c’est passé aussi au sens
moral. Juste au sens de sainteté. Noé marche avec Dieu, dit le texte. Ce qui insinue une familiarité
avec Dieu. => Noé atteint aussi le statut du juste de la première période de l’humanité.
1 coudée = 50 cm
Le vaisseau tel qu’il est indiqué avec ses dimensions est impropre à la navigation. Il
serait un navire de 43 mille tonneaux = 420 mille mètres cubes. C’est énorme ( surtout qu’il était
sans moteur). Les chiffres donnés pour les mesures du navire sont symboliques : 300 et 30 sont des
multiples de 3 et de 10. Quant à 50, il est en lui-même un nombre expressif.
6,17 le déluge est désigné avec un terme particulier « maboul » qui vient de
« nabal » . Nabal signifie déranger, faner, détraquer, décomposer. La racine hébraïque représente
dans un premier sens le réservoir, la cruche, c’est-à-dire qu’elle évoque l’idée d’eau, d’humidité.
Maboul signifie aujourd’hui détraqué, un fou. C’est le sens qu’on trouve déjà dans 1Sam 25,25 (il
s’appelle Nabal, car en réalité il l’est) ; Sir 44,17-18 (on utilise Maboul pour le déluge).
7,24 c’est la durée qui est différente de celle de J : 150 jours
8,14…
Total : on trouve une année lunaire + 11 jours = une année solaire = c’est bien
symbolique
8,15 sortie de l’arche sur l’ordre de Dieu ( dans J, ce n’était pas le cas ; l’initiative
venait de Noé). La sortie est comme une procession jusqu’à 8,19.
Sur ces lois positives, les juifs ont développé les fameuses « lois noachiques » (les
lois de Noé). Ce sont les 7 lois positives qui gouvernent le monde ( pour tous ceux qui ne sont pas
sous la Loi de Moise. La loi de Moise concerne le peuple juif et puis le christianisme. Mais il y a
tous les autres : Comment doivent-ils vivre devant Dieu ? Quelles conditions pour eux pour avoir
le salut ? pour être en ordre, si vous voulez, face à Dieu ?) Nous le énumérons simplement sans
donner l’explication.
- l’idolâtrie
- la débauche et l’adultère
- le vol. Les juifs disent toujours, nous nous avons l’alliance, la loi de
Moise, toute la torah ; les autres ont la loi noachique. S’ils vivent selon cette loi là, ils sont
des hommes droits. Le seul commandement qui est tombé pour les non juifs, c’est
l’interdiction de manger le sang dans la viande. Cette loi est tombée, elle est caduque. Elle a
été donnée à une époque où cette importance du sang animal était tellement grande, on ne
voulait pas y toucher. Ceci s’est relativisé maintenant pour nous.
Dieu conclut une véritable alliance avec l’homme. Ça, c’est la sortie
du déluge aussi bien dans le récit de J que dans le récit de P. Une alliance qui est donnée
par Dieu « Voici que moi j’établis mon alliance ». Elle est due à l’initiative personnelle
de Dieu. Il n’y a pas de contrat ; On verra plus tard avec Moise, il y a un contrat (Tu seras
mon peuple et moi je serai ton Dieu, à condition que tu sois mon peuple.) Ici Dieu donne
son alliance sans contre-partie, dans une gratuité totale. Elle est garantie pour J par la
permanence des saisons ( jour et nuit ; été et hiver ne cesseront plus), et dans P par l’arc-
en-ciel ( voici mon arc dans la nuée qui est le témoin que moi j’ai fait alliance avec vous).
C’est un signe qui doit rappeler cette alliance et la relation particulière de chaque homme
avec Dieu. En effet, l’arc-en-ciel apparaît après les grands orages. Les grands orages sont
comme un petit déluge => Après ces orages d’une heure ou deux avec tonnerre éclairs et
foudre, l’arc-en-ciel revient pour dire : Rassurez-vous, vous n’allez pas périr. C’est le
symbole de la garantie, de la protection de Dieu sur l’humanité.
C’est encore P (Jusqu’au v.19). Le récit reprend une tradition relative à Noé un peu
différente de celle qu’on a vu jusqu’ici. En effet, dans les vv.18-19, on a les trois fils de Noé qui ne
sont pas mariés. Dans ce qu’on a vu jusqu’ici, ils étaient entrés dans l’arche avec leurs femmes.
Mais ici ils sont célibataires : Pourquoi sont-ils célibataires ? (on peut bien le vérifier), parce
qu’ils habitent encore la même tente que leur père. C’est pour cela que Cham commet ce péché
grave du manque de respect à l’égard de Noé qui s’était dénudé après avoir bu du vin. C’est donc
une autre tradition qui ne se relie pas à la précédente. Ensuite il y a un petit détail auquel on n’est
souvent pas attentif : « Noé fut le premier agriculteur. Il planta la vigne » (v.20). Si ce texte suivait
immédiatement les événements du déluge, on peut se demander comment Noé a-t-il pu faire pour
avoir un pied de vigne et commencer à planter la vigne ? Il faut donc comprendre qu’ici c’est un
autre récit. Ce problème de savoir comment Noé s’est procuré le pied de vigne le targum le sait. Le
targum et le midrash savent tout. Comme ils savent tout, ils savent que Noé l’a eu grâce à un des
fleuves du paradis qui a transporté un cep de vigne vers lui. => Naturellement c’est une légende,
mais très significative. Ça signifie que la vigne est un produit paradisiaque dont on peut si bien se
réjouir. Il canonise en quelque sorte la vigne en la faisant provenir directement du paradis. Le
paradis d’une certaine façon continue dans notre temps, notre temps de misère, de péché et de
malheur grâce à la vigne qui console : Noé le vigneron console (Voir Gn 5,29).
Deuxièmement, le Yahviste donne ici une leçon de pudeur, de respect. Parce que les
maîtres en lisant ce texte de l’Ecriture instruisaient les enfants, les jeunes gens. Une leçon de
pudeur,de respect. Et en effet, la Bible est toujours très délicate lorsqu’elle parle des choses
relatives au sexe, malgré certaines phrases qui sont très dures, en particulier dans le livre d’Ez. ,
elle utilise a toujours des périphrases qui marquent le respect de l’homme, de la femme. Par
exemple Lev 18 ( c’est chapitre relatif aux relations non permises, relations incestueuses dans la
famille. On utilise toujours l’expression «tu ne découvriras pas la nudité » au lieu de le dire
comme on le fait généralement en français « tu ne coucheras pas avec ta tante, ou ta sœur ». La
même expression est utilisée pour l’homme. C’est le respect du corps. C’est une éducation de la
délicatesse qui est exprimée dans ce passage. Cela vient de la conception élevée de l’homme-
image de Dieu, qu’il faut respecter et non pas tourner en dérision. D’ailleurs la pudeur et le respect
des parents se retrouvent dans plusieurs proverbes ( cf. Pr 30,17 par exemple).
Sem est béni. Sem, en Gn 10 représente d’abord Israël et les peuples avoisinants. Si
Cham doit devenir esclave de Sem => donc il représente une petite entité ethnique, car pour être
esclave de quelqu’un il ne faut pas être dix fois plus nombreux que le maître. Dans le texte on a
donc la traduction de la situation de Canaan qui vit à l’intérieur d’Israël et qui est déjà réduit. Il est
déjà un peuple sans consistance, sans liberté, sans structure politique indépendante. Au moment où
Israël est arrivé d’Egypte, les Cananéens occupaient le pays et ils étaient tout un peuple.
Progressivement Israël s’est développé au milieu d’eux Ils étaient alors en voie de disparition.
L’oracle exprime cette situation là. Japhet désigne dans Gn 10 les pays du Nord par rapport à la
Palestine, les pays grecs, la méditerranée et l’Europe. Comment le faire habiter dans ses tentes ?
qu’est-ce que ça signifie et qui est ce Japhet ? C’est une partie de la grande vague des descendants
de Japhet = les Philistins. Au moment où l’auteur écrit, il subsistait un certain nombre des
Philistins au bord de la méditerranée, au bord de la Palestine qui sont plus ou moins inféodés à
Israël. Ils habitent la tente. Ils sont arrivés en Palestine venant de l’Ile de Crète au même moment
où Israël arrive du désert. Puis ils se sont beaucoup disputés, beaucoup bagarrés. Finalement les
Philistins ont été intégrés étymologiquement dans Sem.
L’oracle traduit cette situation là. Et c’est le mot Philistin qui a donné le nom
Palestine. En grec παλεστινος c’est le nom des philistins. Là où habitent les philistins c’est
παλεστινα.
En outre, les Philistns habitant à l’intérieur d’Israël sont appelés à partager leur sort.
S’ils doivent habiter les tentes de Sem, ils doivent partager son sort. Il est appelé aussi à la
connaissance de la Torah, à la connaissance du vrai Dieu. Donc il y a une idée missionnaire dans
ce verset. Idée missionnaire qui se réalise en Ac 8,26 ( ville de la côte sont les villes philistines.
On a également cette idée dans Zach 9,4-7 (Idée de J qui vient de loin)
C’est du P tout craché. Il repartit les descendants des fils de Noé en trois grandes
familles : les Chamites (descendants de Cham : l’Ethiopie-Koush, => l’Afrique) ; Sem au milieu
(Palestine et Moyen Orient) et ensuite Japhet (La Grèce = les îles)
Dans le livre d’Isaïe et les psaumes on parle souvent des îles et leurs habitants =
c’est les Grecs. Et au-delà on a l’Europe qui s’appelle Ashkénaz dans le texte c’est l’Europe.
Ashkénaz qui a donné le nom aux juifs d’Europe. Les Juifs d’Europe sont les Ashkénazim tandis
que les Juifs de Palestine, d’Afrique du Nord s’appellent les Cépharades. (Ce sont les deux
familles spirituelles des Juifs)
Contenu théologique :
C’est la croissance prodigieuse de l’humanité et l’accomplissement de la bénédiction
donnée à Noé (quant à vous, soyez féconds et prolifiques, pullulez sur la terre, et multipliez-vous
sur elle. Gn 9,7 ). Leur variété est un hommage à la beauté de la création ; beauté relevée dans
10,5.20.31 toutes ces langues peuples et nations
Introduction
Il est le fruit d’une élaboration progressive très longue. A partir d’un fait
« historique » : la sortie d’Egypte ressentie vigoureusement comme une délivrance totale due à la
puissance de Dieu, les traditions parallèles ou successives ont construit un grand complexe qui se
continue dans le livre des Nombres.
Plus qu’un récit, qu’une narration historique, le livre de l’Exode est une réflexion
théologique sur la sortie et un grand nombre des textes législatifs qui sont venus se greffer sur cet
événement et qui ont accompagné le peuple dans le désert et surtout après ( au cours de
l’installation jusqu’à l’exil. Ils ont été rejetés artificiellement en arrière et mis sur le dos de Moise).
Exo 1,1 C’est le texte de P reconnaissable parce qu’il s’intéresse aux familles ( les
enfants d’Israël…)
VV.1-7 C’est l’introduction qui crée un lien verbal entre Gn et Ex. Entre la fin de
Gn et le début de l’Ex, il y a une lacune.
Joseph est un sémite. Providence de Dieu qui retourne le mal en bien. Le lien entre
les patriarches et l’Exode : souci légitime mais mal exécuté parce qu’il n’y a pas de lien.
La vie de famille était sans histoire. Ces gens étaient bien fusionnés entre les gens ;
rien de tout cela n’a été dit.
Autre caractéristique
A partir de l’exode commence l’histoire collective du peuple. En Gn 12 c’est le
début de l’histoire des individus ou d’un petit groupe.
Exode et histoire
Donc l’exode est un événement, du point de vue historique, qui n’est raconté que
dans la Bible. Et le récit de la Bible lui-même ne nous permet pas :
Comme toutes ces preuves manquent, et par le fait qu’il n’y a même pas de
sources extra-bibliques, cela ne signifie pas que la Bible soit une falsification. L’argument du
silence ne dit rien. La tradition qui concerne l’exode est tellement bien ancrée qu’on ne l’aurait pas
inventée. Il y a certainement un point de départ qui doit être historique :
Les chiffres qui se trouvent par exemple dans Ex 12,37 ne peuvent pas être pressés.
Ce n’est pas possible de déplacer un million de personnes de l’Egypte vers le désert( comment le
pouvait-on sans eau par exemple ?). Il s’agit probablement de quelques milliers. Et plus tard, on a
continué à augmenter le nombre de ceux qui étaient sortis ( Philon parle par exemple de 2
millions !).
Pour rattacher l’exode à l’histoire, on peut dire qu’il s’est réalisé vers le milieu du
13ème siècle. En effet, pour donner un cadre chronologique de l’exode dans la Bible, nous avons
peu de référence, malgré les divers éléments qu’on peut rencontrer dans la Bible. Il faut rappeler
d’abord les travaux forcés (Selon Philon !) des Hébreux pour la construction des ville-magasins de
Pithom et Rames (Exo 1,11 :J). La cité de Rames disparut des documents égyptiens avant la fin de
la 20ème dynastie, alors on peut identifier Rames II avec le pharaon de l’oppression. Il appartient à
la 19ème dynastie (1304-1184). Les documents – papyri – de cette période parlent aussi des soldats
’Apirû ( à identifier partiellement avec les hébreux) engagés dans la construction de la région de
Memphis.
Mais Exo 2,23a dit que le pharaon mourut durant le séjour de Moise à Madian. Donc
pour l’exode, il faudrait penser au règne du successeur de Rames II, c-à-d Merneptah (1224-1214).
Mern=grâce
La divinisation des chefs vient de l’Egypte ; même celle de Jésus vient toujours
de là ( Cfr Athanase). Les romains ont copié des Egyptiens lorsqu’ils ont divinisé leurs chefs. Les
Sémites ne connaissent pas ce problème de nature. L’Islam n’accepte pas que Mohamed soit dieu,
mais les rabbins pensent que le messie sera fils de Dieu.
Au cours de la période indiquée pour le règne de Ramses et son fils, l’Orient
connaissaient deux grandes puissances : l’Egypte et les Hittites. Il y avait eu une guerre entre les
deux ( la titanique guerre de Qadeš), et chacun écrit dans ses documents qu’il avait gagné cette
guerre. Ceci signifie qu’il n’y avait ni vainqueur ni vaincu. Et à partir de cette époque, l’Egypte
avait changé de politique internationale. L’Egypte s’était renfermé chez soi ; il avait entamé les
grands travaux de construction (Comme Pithom et Ramses dans le Delta). Le pharaon se servit des
étrangers pour réaliser ses constructions (villes-magasins et les protections contre les invasions).
C’est en ce moment-là, que le pharaon avait utilisé les hébreux. Donc les conditions de vie de ces
hébreux étaient devenues difficiles. Dans l’entre-temps, la partie de la Palestine qui, auparavant
était dominée par l’Egypte s’était retrouvée libre, car l’Egypte s’était replié sur lui-même. Il y avait
donc, en outre les travaux pharaoniques, un affaiblissement du contrôle égyptien dans cette zone:
et tout ceci advint avant la fin du 13 ème siècle av.J.C. C’est dans ce cadre que l’on peut expliquer
l’exode.
On a trouvé une stèle de 1224 – 1214 sur laquelle le pharaon de ce temps avait
écrit ses victoires obtenues dans le Sud de la Palestine et même dans le Nord. C’est sur cette stèle
qu’apparaît pour la première fois dans l’histoire le nom d’Israël. Il est écrit : « Israël est anéanti. Il
est sans vie, il ne pourra plus se relever ». Ce nom d’Israël est précédé d’un signe qui indique
qu’Israël n’est pas un individu mais un peuple. Donc, le phénomène historique est explicable
même si on ne sait pas combien d’exodes il y a eu. On peut dire qu’il y a un fondement historique
de l’exode biblique.
L’Exode et la géographie
De l’Egypte jusqu’au Sinaï, les fils d’Israël avaient trois possibilités, c-à-d il y avait
trois voies de sortie :
Ces hommes n’ont même pas emprunté cette troisième route parce qu’il y avait des
forteresses ( il y avait des gardes : probablement à Etam (13,20). Donc ils ne pouvaient même pas
prendre cette route du désert qui conduisait jusqu’à Qadeš et Bersheba. La route prise par les Fils
d’Israël se dirige vers le sud jusqu’à Soukkot dans le Wadi Tumilat entre le lac Timsah et les lacs
Amari.( Cfr Boschi p.36-37). Ils avaient donc suivi la route la plus difficile pour échapper aux
gardes.
Nous avons parlé des Apiru. Qui sont-ils ? Ils étaient des nomades dans les déserts
qui faisaient des razzias. Beaucoup d’auteurs ont assimilé ces apiru aux hébreux. { A P (I) R (U)
A B R}
LORETZ n’accepte pas ce lien qu’on établit entre apiru et les hébreux. On ne peut
pas nier ce lien comme tel, car pour les romains par exemple, les hébreux et les chrétiens c’est la
même chose. Pour les Egyptiens, cela pouvait être une même chose.
Nous avons dit que le cadre de l’exode est compréhensible et nous l’avons situé au
13ème siècle. Mais l’exode est lié à la personne de Moise.
Il y a des exégètes qui sont très réservés sur l’historicité de Moise à cause de toutes
les difficultés d’harmonisation du texte sur le plan littéraire. On peut être réservé, mais les
positions excessives ne sont pas bonnes. Beaucoup d’exégètes acceptent l’historicité de Moise.
Du point de vue historique, le nom Moise : Mosheh est un nom Egyptien qui signifie
« fils de ; engendré par ». Cet épithète est le suffixe des noms de plusieurs pharaons :exemple :
Tutmoses ; Ramses ; Kamos ; Amose. Donc Moise est né en Egypte et a reçu un nom du pays, de
la population locale. C’est la fille de pharaon qui donne ce nom. Mais on veut, selon le récit
biblique, faire dériver ce nom de MASHAK= extraire de…tirer de. Moise a une étymologie qui n’a
aucun lien avec « tiré des eaux ». Si on voulait donner le nom selon étymologie hébraïque on dirait
il s’appellera mosheh c-à-d sauveur parce que mosheh est un participe présent (de = השׁמretirer,
sauver) qui veut dire sauveur, celui qui sauve.
Aaron serait aussi un nom égyptien qui signifie « le tanneur ». Certains exégètes
pensent que Aaron est un personnage imaginaire, créé de toutes pièces. S’il était un personnage
créé il aurait bien un nom hébraïque.
La naissance de Moise en exode 2 doit être traitée avec beaucoup de prudence. Elle
présente le caractère d’un récit populaire. C’est un récit relatif à la naissance de grands hommes
dont la destinée sera particulièrement élevée. Les caractères du récit qui montrent que le récit
relève d’un récit populaire :
Le caractère légendaire se retrouve ailleurs dans les parallèles bien connues (autres
cultures) => Les enfants sauvés des eaux et qui ont des destins particulier dans la suite. Il faut voir
par exemple la légende de Sargon, futur roi d’AKKAD autour de 1600 av.J.C. [Il est dit qu’il était
exposé dans un panier couvert de bitume. Un jardinier l’a retiré de l’eau et élevé. Plus tard la
déesse Ishtar vient placer ce Sargon sur le trône]
Dès sa naissance, Moise a été entouré d’un secours particulier qui le préparait à sa
grande mission. C’est cela que toute cette fabrication légendaire veut dire. Avec un brin d’humour,
le texte veut aussi relever le fait que c’est pharaon, par l’intermédiaire de sa fille, qui élève celui
qui sera par après son grand ennemi ; un grand opposant qui deviendra libérateur de son peuple.
( Comme pour dire : C’est bien fait. Vous voyez comment Dieu a bien joué !)
Une question ( que vous ne vous êtes peut-être pas encore posés). Est-
ce Moise a eu une sœur et un frère ? Il faut un peu de réserve. Dans Ex 2,4 on parle de la
sœur de Moise. Si la sœur est là pour s’occuper de l’enfant, ce n’est pas une petite
gamine. Or elle n’est pas mentionnée (une personne si importante par son rôle!) Si on
prend le début du chapitre, Moise est le premier né. Après le mariage, on mentionne
Moise. La sœur est amenée à cette situation pour jouer le rôle, pour sauver le fils. C’est ça
le but du moins dans ce passage.
D’où vient alors cette affirmation « Myriam sœur de Moise et Aaron frère de
Moise » ? Elle vient des généalogies que l’on façonne pour exprimer une parenté, une fraternité.
Exo 6,20 ; Nb26,59-60 ( Qui est en tete ici ? C’est Aaron et non pas Moise. P veut mettre Aaron en
relief parce qu’il est considéré comme le chef des prêtres au Temple ; surtout après l’Exil où la
communauté se réunit autour du Temple car il n’y a plus de roi ni de prophètes) ; 1 Chr 5, 29. Tout
ça, ce sont des textes de P. La paternité est une fabrication de P (cela ne met pas en doute
l’historicité de Moise).
L’éducation de Moise
Il y a des exégètes qui n’admettent pas cette affaire de l’éducation de Moise à la cour
du pharaon. Beaucoup d’autres, et parmi lesquels une majorité des catholiques, disent que c’est
plausible parce que le pharaon avait besoin de polyglottes pour exercer la fonction de secrétaire et
pour tenir sa correspondance. Ceci peut nous aider à comprendre Ac 7 où on dit que Moise était
élevé dans toute la science des Egyptiens.
Dire de Moise qu’il est un assassin est quelque chose qui résiste à toute invention.
On n’invente pas une telle chose pour un héros, pour un juste, un prophète. Quand on crée les
héros ce sont les êtres exemplaires, et pas des assassins. Ce fait peut être aussi une indication
historique.
MADIAN
Madian est un groupe apparenté aux Hébreux. Cette parenté viendrait de Gn 25,1ss,
c’est un fils de Qetoura , la troisième femme d’Abraham. Ceci a été fait ainsi pour rapprocher
Abraham des autres peuples. Dans la suite, Madian était devenu ennemi d’Israel (cf. Jug 6-8).
Malgré l’altération des relations entre Israel et Madian, le bon départ dans leur rapport n’a pas été
effacé, oublié. Cf. Is 9,3
LE ROLE DE JETHRO
Cet homme a trois noms : Réouel (Ex 2,18) ; Jéthro (3,1 ; 4,18 ; 18,1) ; Hobab (Jug
4,11) ; (Hobab ? Nb 10, 29 Cf Note dans la Bible TOB). Cela est probablement dû aux traditions
différentes sur cet qui n’ont pas été harmonisées. Jethro appartient au groupe des Madianites.
Après la sortie d’Egypte, le groupe de Moise a trouvé un refuge en Madian. Là, les fugitifs ont
trouvé un homme religieux propice à leur formation religieuse. Et c’est dans cette région de
Madian qu’il y a eu la révélation du nom de Yhwh.. Jethro et Moise (Ex 18) offrent ensemble le
sacrifice au même Dieu. => Ceci montre que Jethro a une religion proche de celle de Moise. Dans
la suite du chapitre, c’est lui Jethro qui donne des conseils à Moise pour juger le peuple.
En Nb 10, 29-32, il lui est proposé d’être guide du groupe de Moise. On voit bien
quelle est sa réponse. Mais au moment où le peuple est installé, on trouve qu’il y a des gens de
Jethro, donc des Madianites qui sont installés au Sud. Cela signifie qu’ils n’ont pas été seulement
guides, ils se sont collés à ce peuple pour voyager avec lui.
MOISE HABILLÉ.
Le récit dit au chapitre 3 que la théophanie se fait dans le désert. SANEH (= buisson.
C’est ce mot qui serait probablement à l’origine du mot Sinai)
La flamme. Elle est une des nombreuses manifestations de Dieu. Voir par exemple
Gn 15 lorsque Dieu passe à travers les animaux coupés en deux. Ce symbole du feu signifie que
Dieu n’est pas figé, qu’il n’est pas immobile. Dieu s’exprime comme un être mobile, comme le feu
( changement de forme, insaisissable).
Le buisson. Il symbolise l’aridité, la sécheresse, l’austérité. D’après le texte, le
miracle ce n’est pas que « ça brûle », car il y a des buissons qui brûlent à cause du soleil. Le
prodige est que « ça ne se consume pas ».
Horeb signifie désertique. Donc le récit dit au chapitre 3 que la théophanie se fait
dans le désert. Et SANEH signifie buisson. C’est ce mot qui serait probablement à l’origine du mot
Sinaï. => Tout cela veut dire que Dieu n’est pas habillé en prince lorsqu’il se révèle, il apparaît
dans un contexte de dépouillement qui appelle le dépouillement de celui qui accueille. Et cela
caractérise Dieu, car il est « celui qui habite le buisson » (Dt 33,16).
v.4 « Moise, Moise. Me voici ! » On trouve cette formule aussi ailleurs. C’est le
style élohiste. On trouve le même style aussi chez les prophètes.
V.5 « retire tes sandales…une terre sainte. Le lieu sacré : la conception hellénistique
est différente de la conception sémitique. Dans le texte, il est question d’un espace limité qu’on
considère comme sacré. Cet espace est à ciel ouvert. La conception hellénistique est d’avoir un
espace limité dans un volume comme une basilique.
V.7 Il entend la voix. Il reçoit une mission, celle d’aller libérer le peuple. La
réponse de Moise on la trouve chez tous les hommes choisis. Cf. par exemple les prophètes : Isaïe,
Jérémie,…
« Je suis avec toi », cette déclaration divine est classique de la théologie du Nord
(Elohiste). Voir par exemple : Emmanuel : Dieu avec nous. Les vv.7.8.16.20 en tant que mission
confiée à Moise ne sont pas une révélation. Ces versets manifestent la gratuité de l’initiative de
Dieu. A chaque instant nous cognons sur ce comportement de Dieu qui donne gratuitement. En
effet, il faut voir dans le texte que le peuple n’a pas encore prié. Il crie seulement ( cf. v.7).
La Bible traduit ce cri par lamentation ou plainte. En comparant ce cri avec les
chants de lamentation dans l’AT par exemple, on notera une petite différence mais importante.
Dans une prière de lamentation trois éléments sont constitutifs :
2. il crie à Yhwh
vv. 5-6 = 1
v. 7a = 2
vv.7b-8 = 3
Dans le cas de l’exode, nous trouvons les trois éléments avec une différence surtout
dans le deuxième élément. Le texte ne dit pas que « les fils de Jacob élevèrent leur cri à Yhwh », il
ne dit pas que « les fils de Jacob demandèrent l’aide à Yhwh ». Le texte affirme par contre que les
fils de Jacob crièrent, demandèrent de l’aide. Il n’est pas dit à qui ils demandèrent l’aide ni vers qui
ils crièrent. Le texte dit : « du fond de l’esclavage, leur cri monta vers Dieu », car Dieu entendit ce
cri. Le peuple ne sait pas invoquer le nom de Dieu parce qu’il ne le connaît pas. Que signifie alors
ce cri du peuple ? C’est le cri instinctif de la nature humaine oppressée et violentée. Le terme
hébraïque employé est Sa‛aq ( )קעצou Za‛aq qui sont synonymes. Dans notre contexte Za‛aq n’est
pas une simple lamentation, mais un cri au secours qui émerge d’une grave nécessité, le cri
d’angoisse d’une bouche réduite au silence. Ce terme se retrouve par exemple dans Dt 22,24-27 ;
Gn 4,10 (le sang d’Abel).
Le peuple n’a donc pas prié ; Moise non plus. Ce dernier n’a pas dit « Seigneur, c’est
gentil que tu sois venu me saluer, mais va un peu plus loin en Egypte pour voir le peuple ». Il n’y
a prière ni du peuple ni de Moise.
Mais Dieu va dire « J’ai entendu la misère de mon peuple et je vais le sauver ». C’est
Dieu lui-même qui prend l’initiative. Et c’est là que Moise va lui demander : « qui es-tu » ? On
pouvait dire qu’il est Elohim ou El. Ce sont les anciens noms ou les noms génériques de dieux.
Cela ne suffit pas. Il faut un nouveaux nom qui donne la nouvelle connaissance de Dieu. La
connaissance du nom de la divinité était nécessaire et capitale pour une mission à accomplir. Sans
ce nom, on ne pouvait pas être sur de la puissance de ce dieu, de son intervention, de sa protection.
La connaissance du nom était indispensable pour une relation personnelle avec un dieu. En
donnant son nom, Dieu donne en quelque sorte une possibilité de le joindre et une possibilité de se
souvenir de lui dans le culte. Le nom est en quelque sorte un mémorial, un monument ; comme
quelque chose auquel on peut se référer (Exemple Exo 20,24. Dieu donne la possibilité de
rappeler son nom.). Il faut avoir un nom pour pouvoir l’invoquer. Dans la Bible invoquer le nom
de Dieu signifie offrir un culte ( cf. Gn 12,8 ; Gn 4,26).
Dieu accepte de donner son nom Ex 3,14. Il dit : « Je suis celui qui suis » selon la
BJ ou « je suis qui je serai » TOB.
Dans l’entre-temps cependant, la réponse que Dieu donne à Moïse est un refus de
se dévoiler complètement. En réalité, Dieu manifeste à l'homme seulement ce qui concerne
l'homme et non pas toute son essence. Ainsi le nom Yhwh indique deux choses : une proximité et
une distance. Proximité: Dieu révèle son nom, celui-ci est signe de grâce et d’amour. Son nom
signifie vie, présence. Cette présence de Dieu ne reste pas inefficace: c'est une présence puissante
et agissante; vraiment avec son nom Dieu fait savoir qu'il s'engage en faveur d'Israël ; qu’il
instaurera entre lui et Israël un rapport spécial. Dieu est et il sera présent à Israël comme il l’était
toujours. Distance: Le nom de Dieu est en même temps intouchable. Le nom Yhwh dévoile
également son « incomparabilité » et son inaccessibilité. Le respect de l'absolu et de son nom est la
première loi à l'Israël. Dieu est le seul puissant. Les homme lui sont soumis et Dieu n'est soumis à
personne.
Dieu s’était exprimé sous une forme verbale qui dure. Ce nom a été révélé chez les
Madianites. Et ce nom a une origine lointaine : on le trouvait en Babylonie sous les formes Yahou,
Yahoum… Ce Dieu est conçu comme « Dieu personnel », à la différence de « El » ou « Elohim »
qui signifie le dieu ordinaire, quotidien et sans cette particularité personnelle ( de moi, mon dieu).
Je suis qui je suis (présent). Parfois dans la Bible on écrit « Je suis
celui qui est ». Cette deuxième traduction « …celui qui est » n’est pas bonne du point de
vue grammatical. Le sens au présent et au futur est le même.
Qu’est-ce ça veut dire ou qu’est-ce que ça signifie un tel nom, du moment qu’il y
avait déjà le nom de « El » qui circulait ?
On peut dire que Dieu révèle son nom à Moise en lui assurant sa présence. Cette
même révélation est aussi un refus de dire qui il est. Cela vient la formule utilisée par Dieu lui-
même. C’est une formule qui indique une indétermination synonyme du refus de révéler ce qu’on
attend. Exemple dans Exo 33,19 « J’accorde ma bienveillance à qui je l’accorde » = j’aime qui je
veux ; ( les autres références ci-après les traductions ne rendent pas textuellement l’hébreu : Ez
12,25 = « Je dirai ce que je dirai » ; 2 Sam 15,20 = « Je vais séjourner où je vais séjourner » c-à-d
je ne sais où, mais là où je serai. C’est dans la même ligne qu’est donnée la réponse de Moise en
Exo 4,13 = « envoie qui tu envoies » ( et donc pas moi). La TOB a mis « envoie –le dire par qui tu
voudras ». En 2 R 8,1 = « Séjourne où tu séjourneras » c-à-d n’importe où tu peux aller. Ces
formules de répétition sont en réalité aussi des formules de refus. Dans d’autres passages le refus
de Dieu pour donner son nom est encore plus explicite. Gn 32,30 ; Jug 13, 13-20 (surtout le v.18) ;
Exo 33,18 où Moise demande à Dieu : « fais moi voir ta face . => Ma face tu ne la verras pas Cf. la
note dans la TOB.
Dieu en révélant ce nom, il voulait dire quelque chose. Cette révélation est en
rapport avec la situation. Moise a besoin d’un nom pour communiquer au peuple afin que le peuple
puisse l’appeler, l’invoquer. Exemple : Ps 20,8 (appeler le nom); Nb 6,27 (placer le nom) ; 2 Sam
6,18 (appeler le nom du Seigneur comme secours). Par conséquent la formulation donnée par Dieu
a sa signification. Plusieurs divinités se disputaient le cœur des fidèles. Il y avait beaucoup de
divinités. Il fallait de la part du Dieu qui se révèle qu’il s’affirme, qu’il affirme son existence. Dieu
ne dit pas « je suis l’être en soi ». il n’a pas donné une formule abstraite. Les Grecs ont mis ό ων =
l’étant (l’etre) Je suis l’etre. Philon d’Alexandrie a mis …το ων = je suis ce qui est ( il n’y a rien
de personnel dans cette formule =>ça devient la chose.
La formule donnée par Dieu veut dire que les autres dieux ne sont rien ( ce sont des
morceaux de bois, de fer…, ils ne sont rien du tout, mais Dieu est). {Jésus prendra ici son
affirmation définitive : έγω ειμι.} Le « je suis qui je suis » signifie je suis quelqu’un de vivant.
Dieu se manifeste comme un vivant, par une action. Cf. Ps 104. (Pour « …Tu es si grand » du v.1
en hébreu on dit et c’est ce qui est écrit « Tu grandis magnifiquement ; tu es vivant dans ta
grandeur.) C’est celui là qui va agir. Mais avec les mécréants, Dieu ne pourra etre avec eux, il ne
pourra pas agir. Cf. Os 1,9. Mais dans Zach 2,9 Dieu promet qu’il sera de nouveaux avec son
peuple = il revient pour etre avec eux , pour réaliser son salut.
C’est un texte qu’on n’explique presque jamais. Ce texte a quelque chose à dire sur
Moise. L’acte de circoncision du petit garçon qui n’est pas nommé est accompli par la femme,
Cippora. Jamais dans la Bible on ne voit une femme circoncire ; aujourd’hui non plus, car chez les
juifs la circoncision se fait par un homme. On dirait que c’est l’homme dans les familles juives qui
est ministre de la circoncision ( Dans Gn 17 on voit Abraham qui la réalise pour Isaac). Une
femme qui pratique la circoncision est quelque chose d’anormal.
Le récit est mis à cette place à cause du voyage qui est mentionné ; voyage relatif à
la mission de Moise. L’attaque pour faire mourir Moise se fait la nuit. Donc dans la nuit il y a
toujours quelque chose de mystérieux qui est exprimé. Voir par exemple la ressemblance partielle
avec d’autres textes bibliques sur ce fait : Gn 32 (à partir de 23)= il y a un exterminateur ; Nb 22 :
à deux reprises Dieu se montre contre Balaam.
Ces attaques se passent dans un lieu ; ce n’est pas dans un sanctuaire ( car l’être
malfaisant ne vient dans le sanctuaire). Cet être mystérieux et malfaisant, la Bible l’a transformé en
Yhwh . En effet, on ne voit pas pourquoi Yhwh après avoir fait la révélation de son nom, après
avoir donné une mission à Moise ; on ne voit pas pourquoi il aurait le désir malfaisant de le tuer.
Donc ce n’est pas Yhwh au départ c’est quelqu’un d’autre. Donc ce texte exprime autre chose
avant d’être ramassé par le Yahviste.
Dans la Bible, les pieds sont souvent une parole de remplacement pour désigner le
sexe. (cf. Is 7,20). La circoncision a en quelque sorte un certain caractère sacramental, car il
introduit l’enfant ( même un adulte) dans la communauté. Le rite de sang a un caractère
sacrificiel, donc un caractère de rédemption. Saint Paul parle de la circoncision en terme de sceau
– en rapport avec le baptême.
Ex 7- 11 est un ensemble bien constitué, un ensemble bien délimité, bien fermé sur
lui-même. Il se concentre sur les 9 premières plaies. C’est une composition littéraire qui a comme
arrière-fond les calamités d’Egypte. Il est fait d’éléments divers (P et J) et manifestent l’opposition
opiniâtre de Pharaon contre Moise et contre Dieu.=> C’est pour cela qu’on reprend souvent dans le
texte : »Le cœur de pharaon s’endurcit ». le Ps 27 rappellera cet endurcissement.
IX : EX 11
Dans ce texte , on a comme une reproduction de ce qui est présenté dans le déluge
( Péché – Punition )
Le peuple égyptien est présenté ici de façon sereine. Au v.3, l’auteur fait un effort
pour pouvoir séparer les braves gens qui ont dû subir les calamités. Il essaie de mettre les choses
en place : le chef est responsable de ces calamités, et pas les braves gens. Comme il est solidaire
avec son peuple, « tout le monde a trinqué », les braves gens ont aussi attrapé le coup.
Les fils d’Israël ont vécu cet événement comme une libération. A partir du salut
opéré sur le terrain, un mémorial (un souvenir) s’est développé dans la liturgie, et avec le temps
cela s’est enrichi et a donné le complexe très lourd qui est la présentation de la Pâques au chapitres
12-13. Le cœur de la célébration pascale se trouve dans Ex 12,1 – 13,6.
Cet ensemble pascal n’a pas été composé par un seul homme dans un bureau ! C’est
une succession d’éléments théologiques et liturgiques qui sont venus se greffer sur l’événement de
la sortie. Pour comprendre tout ce qu’il y a dans ce complexe, il faut faire des avenues. Il y a deux
grandes parties :
2. Présentation ancienne d’une fête des azymes (Mazzot : pain non levé
qu’on mange à Pâques) Ex 13, 3-10
La paques sera associée à la mention des azymes. C’est un signe que cette fête est
très ancienne, antérieure à l’introduction de la célébration des azymes, car ces azymes font partie
d’un régime agricole qui sera possible seulement lorsque le peuple sera en Canaan dans une terre
fertile et se sera mis au régime sédentaire et agricole. Dans Ex 12, 21-24 il n’ y avait pas de repas.
Donc pas de raison de présenter les azymes dans ce texte là. Dans Ex 12,21-24 c’est le sang qui
intéresse l’auteur et non pas les azymes. La description de cette deuxième étape ( la fête des
azymes) est assez simple, mais on voit que cette description se charge d’éléments deutéronomistes
(Dtr). Et cette fête est connue dans le code de l’Alliance Ex 23,15 ( c’est au mois d’Aviv qu’elle
doit avoir lieu. Mois d’Aviv = mois d’épis). Elle est décrite sous forme élémentaire. Et il n’ y a pas
de lien ici entre cette fête et la Pâques. La fête est présentée pour elle-même. Ce lien avec la
Pâques est assez lâche et viendra après. Et l’accent est mis sur le souvenir sans allusion à
l’immolation.
C’est le texte qu’on lit à la vigile pascale. Cette description est récente par
rapport aux deux autres présentations. Il y a des éléments anciens et récents. Voici les indications
relatives au caractère récent de quelques éléments :
Ce n’est pas n’importe qui, qui peut entrer. Les circoncis = les fils authentiques.
Ger = étranger qui séjourne depuis longtemps et qui est pratiquement assimilé et qui a reçu
aussi la circoncision.
Donc – rappel de l’insistance sur la circoncision => On est loin du désert, car là
il n’ y a pas d’ouvrier saisonnier.
Cette fois – ci, la fête des mazzot est formellement liée à la paques. Les mazzot sont
liés à l’immolation ; il y a la date à laquelle cette fête doit commencer. Tout n’existait pas dans la
première présentation. Les deux fêtes Mazzot et immolation sont fusionnées.