Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
HistoriqueS
Introduction :
Avant de définir l’objet du cours, il nous faut prendre conscience d’un fait : la diversité
ou pluralité des canons (listes) scripturaires. Mais c’est quoi un canon ? Un Canon est une
liste des écrits reconnue comme inspirée et retenue comme norme de foi par une communauté.
*Le Canon Hébraïque représenté par le texte massorétique ou Canon Palestinien (TM)
et Septante ou Alexandrin (LXX).
Le Canon de la Bible Hébraïque est tripartite, alors que celui de la LXX opère un
regroupement en quatre groupes. L’ordre des classements ou l’ordonnancement des livres à
l’intérieur de ce canon n’est pas toujours identique. Par ailleurs, non seulement la LXX
adjoint plusieurs écrits tardifs écrit ou parvenu en grec, on y remarque aussi le phénomène dit
de « suppléments » internes ou externes.
Il y a des livres qui sont plus long dans la LXX que dans le TM du fait qu’on y
remarque des chapitres en plus ajoutés au début ou à la fin (supplément externe) ; Ou de récit
entier, ou de paragraphe insérés dans le texte, mieux dans le corps de texte (supplément
interne). On retrouve ce phénomène par exemple dans le livre de Daniel, Esther et Jérémie
(Textes courts et textes longs).
Les divergences peuvent affecter même le sens (signification) du texte. Notre cours
s’occupera des livres Historiques. Les traductions moderne de la Bible ont adopté ou
réaménagé soit le canon hébraïque, soit le canon de la LXX par la Vulgate (Cf. l’Église
Catholique)
1. Objet du cours
Notre cours s’occupera de livres historiques d’après le canon de l’Église Catholique. Il
s’agira des livres suivant :
*Josué jusqu’à 2Rois ;
*1 et 2 Chroniques ;
36
HistoriqueS :
*Esdras et Néhémie.
Si nous auront le temps nous les étendrons aux livres à prétentions historiques ou
didactique (Tobie, Judith, Esther, 1et 2 Maccabées).
2. Plan
Schématiquement ce cours aura 2 parties.
1ère Partie : l’Historiographie Deutéronomiste (Josué-2Rois)
Il s’agira ici de présenter les points de vue de savants scribes et prêtres théologiens sur
l’histoire de la création à la chute de Jérusalem. Disons que si l’histoire est constituée,
l’historiographie concerne la façon d’on on interprète l’histoire.
2è Partie : Historiographie Chroniste
3. Objectif pédagogique
Ce cours n’a pas la prétention d’être une encyclopédie, encore moins un palmarès, pas
même un panorama des études sur ces deux projets historiographiques. Il sera plutôt cours en
tant que discours d’initiation à la lecture de ce projet.
Le fait à l’état brute : histoire ; c’est une présentation de l’histoire qui vise une finalité :
historiographie donc comment on oriente le fait.
36
HistoriqueS :
4. Bibliographie :
- BILLON, G., « Le livre de Josué, critique historique », dans Cahiers Evangile n° 134
(décembre 2005). Paris, Cerf.
- Catherine Vialle, Abimélek ou l’homme qui voulut être roi, Juges 9, Péricopes,
Lessius,…
- DELHEZ, Ch., Apprendre à lire la Bible. Kinshasa, Ed du Saint Paul Afrique,
1986.
- KABASELE MUKENGE, A. Le viol de Tamar, la fille de David (2 Samuel 13), Un
récit biblique miroir de notre société, Mont Sinaï, Kinshasa, 2006.
- MARCHADOUR, A. « Venez et vous verrez », Nouveau commentaire de l’Évangile
de Jean, Bayard,…
- RÖMER, T. La Bible, Quelles Histoires !, Les derni-res découvertes, les dernières
hypothèses, Bayard, Labor et Fides, …
- RÖMER, T. Jean-Daniel Macchi et Christophe Nihan, Introduction à l’Ancien
Testament, Labor et Fides, …
- SKA, J.-L. Étranges visages de Dieu, Bayard, …
- SKA, J.-L. Les énigmes du passé. Histoire d'Israël et récit biblique. Bruxelles,
Lessius, 2001.
- Ska, J.-L. Le chantier du Pentateuque, Le livre et le rouleau, Lessius, …
- VOGELS, w. Le petit reste dans la Bible, Lire la Bible, …
- WALTKE, B.K., Théologie de l’Ancien Testament. Une approche exégétique,
canonique et thématique. Charols, Excelsis, 2012.
- WÉNIN, A. La Bible ou la violence surmontée, Desclée de Bouwer, …
- WÉNIN, A. Dieu, le diable et les idoles, Esquisses de théologie biblique, Lire la
Bible, Cerf, …
36
HistoriqueS
ERE
:
1 PARTIE : L’HISTORIOGRAPHIE DEUTERONOMISTE (Josué-2Rois)
Cette thèse mérite une petite nuance car il existe des textes Deutéronomistes plus
positifs à l’égard de la royauté (2 Samuel 7, 2 Rois 23, 25). En 2 Rois 23, 25, Josias est
présenté comme le roi exemplaire qui a accompli fidèlement les commandements (loi de
Dieu) de Dieu contenus dans le Deutéronome. Ces deux textes Dt 6,4, et 2Rois 23, 25,
forment ainsi une inclusion et on peut penser qu’ils représenté à l’origine l’ouverture et la
clôture d’une édition de l’historiographie avant l’exil, à l’époque de Josias. Telle fut la thèse
de Cross que considère que les livres de Josué et de Rois sont caractérisés par deux thèmes
majeurs : le péché de Jéroboam et la promesse d’une dynastie Davidique éternelle. Cross
postule en effet une 2 édition de l’historiographie deutéronomiste.
HistoriqueS
catastrophe rend celle-ci: compréhensive. Et l’insistance sur la Torah comme clé de lecture
permet à Israël de garder cette identité.
Comme on le sait la religion d’Israël repose sur les promesses : Promesse d’une terre,
d’une dynastie royale, d’un lieu où Dieu se fait adoré : le Temple. Or avec l’Exil, toutes ses
promesses s’envolent en éclat. Israël est déporté loin de sa terre, le roi également et avec lui la
monarchie en fin. Le Temple de Jérusalem est profané, détruit et incendié.
Tout compte fait, les promesses faites à David sont encore de rigueur (2Samuel 7). Si
les exilés se repentent et se tournent vers Dieu, celui-ci, montrera à nouveau sa faveur pour
Israël. C’est ainsi que nous pouvons interpréter la finale de l’historiographie Deutéronomiste
qui parle du rétablissement de Joiaqim pendant l’exile (2R25, 27-30).
Conclusion
Pour conclure, nous pouvons-nous demander si les deutéronomistes ont utilisé des
sources pour rédiger leur histoire. Cela est fort probable d’autant plus que dans le livre de
Rois on renvoie aux Annales des Rois d’Israël. L’établissement des annales était monnaie
courante dans le Proche-Orient ancien.
36
HistoriqueS
Chapitre II. Le livre de:Josué
II. 0. Introduction
Parmi les livres bibliques qui posent problème à nos contemporains, le livre de Josué
occupe l’une de toutes 1eres places. En effet, le peuple d’Israël et surtout son Dieu Yahvé y
font preuve d’un militantisme et d’une cruauté hors du commun. Il y est question du massacre
des villes entières sous le commandement divin exigeant l’extermination des populations
locales. Avant de condamner ce livre ou d’en faire une apologie, il faut essayer de
comprendre sa genèse et le contexte historique qui a vu naître la conquête et le partage du
pays.
À n’en point douter, le livre de Josué nous présente un Dieu qui agit personnellement
dans l’histoire du peuple d’Israël. Le lien entre Dieu et Israël y est si patent que pour la foi
vétérotestamentaire Adonaï est celui qui a donné à son peuple le pays de Canaan et lui a fait
triompher devant ses ennemis. Pour les juifs autant que pour les chrétiens, dire que cette
affirmation n’a aucun enracinement historique pourrait impliquer que la foi d’Israël est bâtie
sur des sables mouvants. Or aujourd’hui, nous dit Jean-Louis SKA, le monde est devenu
critique au sens positif du terme2. Il n’est plus possible de prendre la Bible à la lettre, encore
moins de se contenter ingénument de certaines affirmations séculaires en apparence
inébranlables. L’homme moderne redoute de laisser sa foi reposer sur des légendes. Sur ce,
doit-on soutenir encore la position traditionnelle en affirmant l’historicité des récits de la
conquête et de l’installation des tribus juives à Canaan ? Ou bien faut-il abandonner la
tendance par trop historicisante du livre de Josué ?
C’est la réponse qu’entend donner la présente dissertation qui se veut une lecture
commentée de Les énigmes du passé. Histoire d’Israël et récit biblique de Jean-Louis SKA3.
Pour mener à bon port cette entreprise, notre propos se subdivise en deux grands points. Le
premier s’interroge sur l’historicité de la conquête et le second expose les plausibles théories
sur l’installation des tribus israélites dans le pays de Canaan.
2
Cf. J-L SKA, Les énigmes du passé. Histoire d’Israël et récit biblique, Bruxelles, Lessius, 2001, p. 7.
3
Notre exposé porte essentiellement sur le cinquième chapitre du livre sous-examen, titré « Conquête de la
terre, sédentarisation de pasteurs nomades, rébellion rurale ou évolution sociale ? », p. 70-82.
36
HistoriqueS : Livre
II. 1 : Plan et contenu du
Josué II – XII qui contient un ensemble des récits relatant la conquête du pays et ses
préparatifs.
Josué XIII – XXII qui présente les listes au sujet du partage du pays en 12 tribus
d’Israël.
Ces deux parties sont encadrées par des discours. D’un côté, Josué I (discours de
légitimation de Josué) et de l’autre Josué 23-24 (discours d’adieu).
D’une façon ramassée, on peut faire ressortir le contenu de ces différentes parties de la
manière suivante :
Jos 1 opère la transition entre le Pentateuque et les Prophètes et insiste sur le parallèle
entre Josué et Moise.
36
HistoriqueS
Jos 2-5 raconte :
des préparatifs à la conquête et rappelle de nombreux épisodes du
Pentateuque. Par exemple : le récit des espions chez la prostituée Rahab (Jos 2), corrige
l’histoire parallèle des espions en Nb 13. Le récit de la traversée de Jourdain (Jos 3) contient
plusieurs allusions au passage de la mer des roseaux.
Jos 6- 12 témoigne également d’une certaine logique dans son arrangement. En effet,
le récit détaillé de la conquête en Jos 6-10 se situe dans la zone limitrophe de Juda, territoire
traditionnel de Benjamin : Jéricho, Aї, Gabaon. Par contre, les Chap. 11 et 12 élargissent la
conquête vers le Nord et vers le Sud. Les Chap. 13-19 contiennent des listes et des documents
territoriaux qui présentent l’installation des tribus comme le résultat d’un tirage au sort.
Les deux discours conclusifs ont des perspectives différentes. Jos 23 prédit la perte du
pays en cas de désobéissance du peuple, alors que Jos 24 résume toute l’histoire depuis les
patriarches jusqu’à la conquête.
De son côté, Jacques Briend propose un schéma dans lequel il expose les étapes
rédactionnelles du livre :
Pour la tradition rabbinique, l’auteur du livre est Josué. On admet cependant que la fin
du livre est l’œuvre d’un autre auteur qui aurait rapporté la mort de Josué. Assez tôt, cette
attribution à Josué fut contestée. Ainsi, au 16 ème siècle, on tient que le livre proviendrait des
matériaux épars compilés à l’époque d’Esdras. À la suite de l’exégèse historico-critique, le
livre fut considéré comme appartenant à l’Hexateuque (J. Weil).
Ce point de vue fut modifié par A. Alter et M. Noth pour qui Jos 2-9 est constitué des
récits étiologiques (des récits qui expliquent l’installation de la tribu de Benjamin sur son
territoire). La figure de Josué qui n’est pas benjaminite, mais éphraïmite n’aurait été insérée
qu’après coup. M. Rose pense que ce texte s’explique mieux à l’époque de Josias dans
le contexte de la menace assyrienne où certains scribes auraient voulu réaffirmer le fait que le
pays a été donné à Israël par Yahvé.
HistoriqueS :
Ex 1 : Oracle de salut adressé à Assarhaddor
Ne crains pas … Je suis Ishtar d’Arbela qui met tes ennemis à tes pieds
Ex 2 : Victoire de Sargon II
Le reste du peuple s’était enfui pour sauver leur vie. Haddad poussa un grand cri contre eux.
À l’aide d’une pluie torrentielle et des pierres du ciel, il annihila ceux qui restaient.
Jos 10, 11
Or, tandis qu’ils fuyaient devant Israël, YHWH lança contre eux de grandes pierres et ils
moururent. Plus nombreux furent ceux qui moururent par les pierres de grêle que ceux
qu’Israël tua par l’épée.
Ce parallèle suggère que le livre de Josué utilise le même langage et partage le même
genre littéraire épique (épopée) que les autres documents de l’époque.
Le livre de Josué est l'un des rares exemples de la littérature "épique" dans la Bible. Le
caractère épique du livre de Josué se manifeste surtout par la manière de décrire les batailles
d'Israël contre les populations du pays. Excepté dans un cas, lors de la première tentative de
conquête d’Aï (Jos 7), Josué gagne toutes les batailles et il les gagne largement. Personne ne
réussit à l'arrêter. Dans le cas de Aï, la défaite n'est pas de la faute de Josué, mais d'un
israélite, Akân, qui n'a pas observé la loi de l'anathème. Le but du récit est on ne peut plus
clair: personne ne peut impunément désobéir à la loi du Seigneur. En somme, dans le livre de
Josué comme dans l'épopée, les victoires sont complètes ou n'en sont pas. Il est impossible de
ne vaincre qu'à moitié.
Le livre de Josué nous transporte donc dans le monde exaltant et idéalisé de l'épopée.
C'est pourquoi son récit cherche à exalter ses héros, à embellir les acteurs et les événements,
à célébrer et à engendrer chez le lecteur des sentiments d'admiration. Son premier but n'est
certainement pas celui d'aiguiser le sens critique.
Voilà pourquoi l'enquête historique doit forcément se servir d'autres éléments, tels que l'étude
des documents extrabibliques et des données archéologiques, pour arriver à des conclusions
plus solides sur ce qui s'est passé en réalité.
Comment comprendre ces parallèles avec des textes extra-bibliques ? Il semble que
Josias ait tenté de récupérer manu militari (très vite) une partie de l’ancien royaume du Nord,
devenu la province assyrienne en 722. Il aurait ainsi réussi à occuper pour quelque temps la
zone frontalière sud de l’ancien royaume du Nord, de Jéricho à Bethel. Or, il s’agit
précisément du territoire qui sert de théâtre au récit de la conquête en Jos 6-8. Ces chapitres
peuvent être lus dans la perspective d’une légitimation de l’occupation de Bethel et Jéricho
par Josias.
Mais puisque le récit du livre de Josué ne permet pas de comprendre comment s’est
effectivement opérée la conquête, les exégètes ont proposé plusieurs théories pour expliquer
l’installation d’Israël sur la terre de Canaan. Voici un aperçu de trois principales :
La conquête militaire
36
HistoriqueS : le récit biblique dans ses grandes lignes : Israël se serait vraiment
Cette théorie accepte
emparé de la terre de Canaan après une série des conquêtes militaires. Cette théorie fait
difficulté, parce qu'il n'y a pas des preuves archéologiques. Il n’est pas possible d’admettre
que le pays de Canaan ait été conquis en un seul moment ; tout au plus on peut considérer la
conquête comme un phénomène graduel et progressif qui s’est étendu sur une longue période.
La sédentarisation progressive de semi-nomades
Ici, on pense à une infiltration pacifique des semi-nomades provenant des régions
désertiques. Ils occupèrent peu-à-peu les territoires les moins peuplés, en particulier les
collines, et plus tard ils conquirent les villes Cananéennes. Sur le plan des données
archéologiques, la difficulté persiste, car il n’y a pas de continuité entre la céramique de la
Transjordanie et celle de la Cisjordanie.
La Rébellion de Paysans contre les villes cananéennes
D'après cette hypothèse, les hébreux formaient essentiellement une population des
paysans et des esclaves au service des villes cananéennes. Tout change lorsqu’un petit nombre
des lévites, arrivé d’Égypte, après avoir passé un temps dans le désert sous la conduite de
Moise, réussit à inculquer aux paysans une nouvelle foi (en Yhwh). L’adoption de ce nouveau
Dieu réveille une conscience de l’identité propre et creuse un fossé entre les cananéens au
pouvoir et les classes opprimées. C’est la religion qui a été l’élément-clé. Les paysans fuirent
vers les collines et les montagnes. Les villes cananéennes affaiblies par la perte de la main
d’œuvre, ont perdu la bataille contre ces paysans qui les attaquèrent à partir des collines.
Selon cette théorie, il n’y aurait eu aucune invasion de l’extérieur. Israël était depuis toujours
dans les pays. Seul un petit groupe vint de l’extérieur.
Cette troisième théorie est fascinante parce qu’elle traduit les données bibliques en
termes sociologiques. Mais; il y a lieu de combiner les éléments de la 2 eme et de la 3ème
hypothèse. Sur la critique de ces hypothèses, voir Jean-Louis Ska, Les énigmes du passé.
Histoire d'Israël et récit biblique, p. 71-77.
HistoriqueS :
là d’une question embarrassante d’autant plus que, non seulement le livre a la prétention
mesurée de nous fournir, au travers les conquêtes, les origines d’Israël et sa sédentarisation,
mais également il appartient à un monde littéraire et culturel bien distant de nous. Pour tenter
une résolution de l’aporie, il convient, à la suite de Jean-Louis SKA, d’enquêter sur l’origine
du livre et son genre littéraire.
HistoriqueS :
la problématique de l’intégration des étrangers répond à un débat du temps d’Esdras et
Néhémie, i.e de l’époque perse. Nous y reviendrons.
Le cadre narratif du récit biblique se comprend mieux à travers la saisie de son genre
littéraire. Et pour le livre de Josué, son cadre narratif est à situer dans le genre épique. Jean-
Louis SKA estime que le livre « nous transpose dans un monde exaltant et idéalisé de
l’épopée et ne nous fait pas emprunter les sentiers arides de l’historiographie. »5 Mais il ne
faut pas, poursuit le même auteur, en conclure hâtivement que l’épopée est une légende. Pour
notre auteur, qui s’approprie la pensée de Victor Hugo, « l’épopée c’est de l’histoire écoutée à
la porte de la légende. »6 Autrement dit, l’épopée, bien n’étant pas une chronique historique, a
indéniablement un fonds historique, en ce qu’elle part des personnages et des faits réels mais
que l’imaginaire collectif s’est mis à broder par la bouche de ses griots pour susciter chez le
lecteur des sentiments d’admiration. Voilà pourquoi Charles DELHEZ définit l’épopée
comme « de l’histoire que l’art a changé en poésie et que l’imagination populaire a changée
en légende. »7
Dès lors, nous pouvons dire, pour le livre de Josué, le caractère épique parait au
grand jour sur deux points essentiels. En premier lieu, c’est au niveau de la description des
batailles d’Israël contre les populations du pays8. Cette description, loin d’être le compte
rendu des faits historiquement vérifiables, obéit mieux aux conventions littéraires de l’épopée
où le relatif cède la place à l’absolu : « victoires ou défaites sont totales, l’enjeu en est la vie
ou la mort, les tergiversations et les compromis sont impensables. »9 Pourtant, cette
description ne résiste pas à la critique historique car, bien de villes dont le récit biblique
attribue la conquête à Josué (entre 1.200 et 1.100 av JC) n’existaient plus ou pas encore
pendant la campagne-éclair de celui-ci. Tel est le cas des villes de Heshbon, d’Arad, de
Jéricho, d’Aï dont la chute nous est décrit en détail. Il s’agit là, estime Jean-Louis SKA, d’une
attribution a posteriori10.
5
J.-L. SKA, O. c., p. 71.
6
Ib.
7
Ch. DELHEZ, Apprendre à lire la Bible, Kinshasa, Saint Paul Afrique, 1986, p. 63.
8
J.-L. SKA, O. c., p. 70.
9
Ib., p. 85.
10
J.-L. SKA, O. c., p. 69.
36
HistoriqueS : plus célèbre, est soutenue par l’école de W.F. Albright qui
La première théorie,
cherche à fonder l’historicité du récit biblique d’installation. Elle stipule qu’il y aurait eu
effectivement en 1200 avant J-C une campagne entrainant la destruction de certaines villes,
ainsi que la régression du niveau culturel. C’est à cette période que W.F. Albright situe la
conquête de la terre de Canaan, quand bien même la difficulté d’expliquer valablement la
prise complète de ce pays demeure. Pour l’auteur, cette croisade militaire est rendue possible
pendant la monarchie qui permit à une culture probablement homogène à s’imposer sur le
territoire de Canaan.
12
B. K. WALTKE, Théologie de l’Ancien testament, Charols, Excelsis, 2012, p.544.
13
Hatsor le rare ville située sur les collines à être incendiée
36
HistoriqueS :
d’Avril à Octobre, à la recherche 14
de pâturages pour leurs troupeaux. » . Ainsi ont-ils occupé
au fur et à mesure les régions cananéennes d’abord les moins peuplés, plus précisément les
collines. Ensuite, ils ont occupé les régions fertiles. Et c’est seulement à l’époque de la
monarchie qu’ils conquirent les villes cananéennes et y ont imposé leur autorité. Dans un
même ordre d’idée, Léonard Thomson affirme que « le Pays devient un code secret signifiant
l’ordre social total. L’entrée dans le Pays est l’équivalent du passage du chaos au cosmos
ordonnée ».15 Cela, pour justifie la portée combien symbolique de la traversée du Jourdain
pour Israël à sa sortie du désert hostile.
Toutefois, Jean-Louis SKA est convaincu de la difficulté sur laquelle bute cette
deuxième théorie. En fait, soutenir l’infiltration progressive de groupe semi-nomade par la
Transjordanie ne permet pas de comprendre la raison de l’adoption d’un nouveau type de
céramique après la traversé du Jourdain. Cela traduit largement le manque de continuité entre
la céramique ordinaire de la Transjordanie et celle de Cisjordanie.
La rébellion des paysans contre les villes cananéennes semble être la théorie la plus
répandue. Cette troisième théorie est l’œuvre de deux exégètes anglais G. Mendenhall et N.K.
Gottwald qui se chargent d’expliquer l’évènement d’installation dans une perspective
religieuse en y incluant une argumentation à caractère sociologique. En fait, la théorie stipule
que les hébreux étaient essentiellement constitués d’une population des paysans et d’esclaves,
tous assujettis au service des villes cananéennes. Les dirigeants de ces villes exerçaient leur
pouvoir de domination sur les campagnes par le truchement de l’armée professionnelle.
Un tournant décisif s’opère quand arriva un petit groupe de lévites venu d’Égypte
après avoir séjourné au désert. Il parvient à inculquer la nouvelle doctrine au peuple opprimé :
la Foi au vraie Dieu, Yahvé en qui l’adhésion a permis l’éveil des consciences individuelles,
14
J-L, SKA, O.c., p. 72.
15
B. K. WALTKE, O. c., p. 546.
36
Cette troisième théorie, même si elle a le mérite de récuser toute invasion extérieure
du peuple d’Israël dans les territoires cananéens, n’est pas sans faille. Jean-Louis SKA note en
fait deux objections. La première consiste à se demander pourquoi la Bible n’évoque aucun
souvenir précis de l’évènement crucial. Pourquoi ne raconte-t-elle pas plus fidèlement cette
naissance du peuple d’Israël ? La deuxième, plus percutante, est d’ordre culturel. Les experts
s’accordent à croire qu’il n’y a aucun rapport (de continuité) entre la culture des villes
cananéennes de plaine et celle des populations occupant la partie de colline ou de montagne.
Par conséquent, il n’est pas possible que les habitants de colline dérivent des simples paysans
opprimés ou de région environnante.
Éclairé par ces trois plausibles théories et s’appuyant sur plusieurs chercheurs, Jean-
Louis SKA préconise une théorie qui semble gagner l’unanimité dans le monde de
chercheures aujourd’hui : celle combinant les éléments de la deuxième et troisième théorie 16.
En fait, cette théorie voudrait expliquer deux moments phares : d’une part la fin de la
domination cananéenne bâtie sur des forteresses et d’une armée bien outillée en arsenaux et,
d’autre part, expliquer le début de l’emploie par Israël de la culture agricole et pastorale.
16
Cf. J.-L. SKA, O.c., p. 76.
36
HistoriqueS
repeuplement. Plusieurs:chercheurs estiment que cette période coïncide avec la conquête ou
l’installation d’Israël dans le pays de Canaan.
De plus, la culture nouvelle qui a remplacé la culture cananéenne des plaines est
issue de la population autochtone habitant depuis toujours les collines. Cette population
autochtone s’avère être la mieux indiquée pour renseigner sur les ancêtres historiques d’Israël.
A en croire I. Finkelstein, les ancêtres d’Israël ont été dès le départ des pasteurs nomades qui
ne se sont sédentarisés que progressivement dans de petites agglomérations s’étendant de la
plaine d’Yzréel jusqu’à celle de Beersheba. Ces peuples pasteurs ont développé à côté de
l’élevage, la culture agricole, précisément les céréales puis celle de vigne et d’olivier.
A s’en tenir à ce qui vient d’être dit, il est clair, pour Jean-Louis SKA que la
contribution du livre de Josué sur les origines d’Israël n’est pas tout à fait satisfaisante. Pour
le prouver, il évoque trois arguments17. D’abord, il souligne la mention du nom d’Israël sur la
stèle de Merneptah où est reprise une liste de peuples vaincus par pharaon durant une
campagne menée en Asie. La même stèle stipule qu’Israël, anéanti, a perdu de semence, c’est-
à-dire une population. Même si cette inscription ne trouve pas d’écho dans la Bible, et que son
interprétation semble ardue, elle nous renseigne pourtant qu’Israël désigne un clan ou une
tribu qui aurait donné naissance à toute la nation.
Ensuite, il s’agit de la parenté linguistique entre les hébreux et les hapirous, ces
derniers étant un groupe d’esclaves ayant envahi les villes de Canaan et dont les traits nous
sont décrits dans les lettres de Tell el-Amarna. Enfin, il s’agit de la parenté établie entre les
philistins, désignés par peuples de la mer, et les israélites. Cette parenté semble accréditer les
données bibliques sur l’installation des tribus à Canaan car, bon nombre de documents du
Proche-Orient ancien reconnaissent l’invasion de ces peuples dits de la mer.
II. Conclusion
17
Cf. J.-L. SKA, O. c., p. 78-81.
36
Avec Jean-Louis SKA, nous avons montré que le livre de Josué est « l’un des rares
exemples de littérature épique dans la Bible »18. Il ne prétend pas à un compte rendu précis et
méticuleux de la conquête et de la première occupation de la terre promise par les hébreux 19.
Ces récits épiques fournissent moins des renseignements utiles que l’archéologie sur la
thématique abordée par tout le livre. Non pas qu’ils manqueraient un fondement historique,
mais plutôt parce que ces récits épiques, dans leur état actuel, ne nous autorisent pas à repérer
les événements y rapportés avec certitude.
Introduction
Au plan canonique le livre de juge se présente selon la chronologie biblique, (le livre de
Juges se situe) entre la période de la conquête de Josué et le début de la monarchie. Et à
plusieurs titres, ce livre peut être considéré comme un livre de passage. Passage d’une terre
conquise à une terre habitée, passage d’un temps où chacun faisait ce qui semblé bon à ces
yeux à la monarchie. Il est le lieu d’un-entre-deux, entre Josué et Samuel ; entre la conquête et
la fondation de la royauté.
L’impression de confusion et de violence qu’on peut avoir à premier vue est renforcée
par le manque d’organisation apparente de l’ensemble. On y lie les notices de tailles valables
concernant de personnage guerrier et de chef charismatique engagés dans le conflit
territoriaux et épisodique avec leur voisin. Mais à travers ces différentes figures des héros, de
gagnants ou de perdant, et des femmes défendant la vie ou affrontèrent la mort, le livre
montre comment un projet de société peut se construire ou se détruire en en faisant apparaitre
souvent par la caricature les risques et les chances.
18
J.-L. SKA, O. c., p. 70.
19
Cf. Ib., p. 83.
36
HistoriqueS :
1) Le Nom du livre
Le nom de juge vient de la racine (shaphate) … qui veut dire juger ou gouverner.
Exceptez Déborah (Jg4, 4) aucun autre personnage évoqué dans la bible ne remplit cette
fonction de manière juridique. De plus hormis els résumé de Juge 2,16-18 (où il est écrit :
Yawéh suscita des juges) personne ne porte le titre de juge dans le livre, sauf Adonaï
(YHWH) en Jg 11,27).
Cependant un certain nombre de personne sont évoqués dont il dit qu’ils jugent ou
qu’ils sauvent. Du coup apparait deux catégories de personnages, ou deux séries de figures.
La première est celle de ceux qui sauvent (« des sauveurs »), qui délivrent leur peuple ou
tribus de l’oppression. La Deuxième est composée de figure dont l’activité est composée par
le verbe Juger. En réunissant les deux listes on obtient une série de 12 noms dont certains
cumulent les deux fonctions : de juger et de sauver. Mais d’autres personnages figures dans le
livre qui ne jugent ni ne sauvent.
On put le remarquer, les récits sont développer en séquences narratives pour certains
juges, tandis que pour d’autre il n’y a que de notice brève. En fait, le récit du livre de juge se
rattache à un genre littéraire qui s’appelle Roman historique : dans lequel les figures
paradigmatiques sont puisées dans les traditions populaires et traitées avec humour et
caricatures. À côté de ce récit, en trouve en juge quelque forme poétique :
*fable 9,8-15 ;
*chant de victoire 15
*Devinette 14,14
La période des Juges est considérée comme une période de grandes infidélités qui
contraste avec celle de Josué. Voilà pourquoi la terre semble échapper. On s’accorde à repérer
dans le livre un schéma récurrent dont la première mention ou occurrence se lit en Juges 2,
11-19. (À l’infidélité correspond la punition et à la repentance le salut).
36
HistoriqueS
Selon ce schéma :
les fils d’Israël firent ce qui est mal aux yeux du Seigneur…
La colère d’Adonaï s’enflamma contre eux et le livra entre les mains des
ennemis.
Les fils d’Israël crièrent vers Adonaï et celui-ci leur suscita un juge qui le sauve.
; A la mort du Juge, les fils d’Israël recommencèrent à faire ce qui est mal aux
yeux du Seigneur.
C’est donc une période d’infidélité à la Torah comme le suggère la formule suivante :
« en ce temps-là, il n’y avait pas de roi en Israël et chacun faisait ce qui lui semblait bon »
(17,6 ; 18,1 ; 19,1-21,25).
L’origine du livre de Juge serait à chercher dans une collection d’histoire de héros
tribaux (tous les héros tribaux deviennent des héros nationaux et en fait suivre ce livre de la
chronologie). Ce rouleau de facture antimonarchique daterait de l’époque de Jéhu (9è s av JC)
et avait été composé dans le royaume du Nord. Le rédacteur deutéronomiste de l’époque de
Josias avait ensuite développé ce travail en présentant les exploits de ces héros locaux ou
tribaux dans le cadre de guerre de Yahvé. Pour eux c’est le culte à Yahvé qui donne la
victoire. Cette vision s’accorde avec l’esprit de la réforme de Josias.
Introduction
36
HistoriqueS
Ce livre (corpus):relate la transition de l’époque des juges à celles des Rois à travers
des récits mettant en scènes trois grandes figures : Samuel le prophète, Saül et surtout David.
La LXX présente une tradition interprétative qui désigne I et II Samuel et I et II Rois
respectivement par I, II, II, IV Règnes, soulignant ainsi la continuité du thème de la
monarchie ou de l’histoire de la royauté en ces livres. L’attribution de ce livre à Samuel vient
de la tradition hébraïque qui met l’accent sur le rôle joué par le prophète au commencement
de la royauté. De fait, c’est Samuel qui oint aussi bien Saül que David.
La transition entre Juge et Samuel est préparée par la formule récurrente en Juges 21,
25 : « En ce temps-là, il n’y avait pas de Roi en Israël et chacun faisait ce qu’il lui semblait
bon ».
On peut distinguer deux sections principales entre 1S 15, 26 et 1S 16, 1-13. Ces deux
récits sont composés selon un jeu d’opposition entre le verbe Rejeter ( )ׇמ ַאשׂet choisir ()ׇבּ ַﬣ ﬧ. 1
Samuel 15 se conclut avec un rejet et le chapitre 16 commence avec un de choix, l’élection de
David. De la sorte, la structure du livre de Samuel se construit autour de l’opposition entre
deux Rois : Saül et David. Schématiquement, on peut la présenter de la manière suivante :
Il faut dire un mot sur l’état du texte du livre de Samuel. En effet, ce livre a connu une
transmission complexe. Les témoignages de Qumran confirment que la traduction de la LXX
s’est fondée sur un original hébreu différent du texte massorétique. Le principal manuscrit de
Samuel (4Q Sama) retrouvé à Qumran préserve des nombreuses leçons qui concordent avec le
texte massorétique.
36
HistoriqueS :
III. ORIGINE ET LA FORMATION DU LIVRE
Le récit de l’Arche (1 Sm 4-7 ; 2Sm 6) : il s’agit d’un récit indépendant à l’origine qui
relate la capture de l’Arche, son retour en Israël et son transfert à Jérusalem. Ce récit
présuppose la coutume antique de déporter temporairement les statues des peuples
vaincus. Cette culture était systématiquement pratiquée par l’Empire Néo-Assyrien.
Dans ce contexte, la rédaction du récit de l’Arche développe donc la théologie du 7 ème
siècle après le retrait de l’Armée assyrienne devant Jérusalem en 701 (1R 18-20/ 1Sm
36s).
Le récit de l’Ascension de David (1Sm 16-2Sm 8) : on s’accorde généralement à avoir
dans ce récit une légitimation divine de David et de sa dynastie. Quand ce récit-a-t-il
été composé ? Certains auteurs avancent une datation haute, soit au temps de David,
soit au temps de Salomon, soit encore à l’époque de Roboam, immédiatement après le
schisme. Cette datation est pourtant remise en cause par les découvertes
archéologiques récentes qui démontent qu’avant le 8 ème siècle, on n’a pas connue
d’œuvre aussi structurée. Il faut plutôt envisager un document composé lorsque
Jérusalem se dote progressivement d’une véritable administration, après la disparition
du Royaume du Nord. On peut donc penser à deux règnes : sous Ézéchias (716-687)
ou sous Josias (640-609).
La période de Josias que certains présentent comme un « David Revivuvus » (David
ressuscité) paraît la plus favorable à la rédaction du récit de l’ascension de David.
Dans cette optique, le récit servirait à légitimer la politique d’expansion militaire de
Josias en direction des terres du Nord, notamment de la tribu de Benjamin dont Saül
est originaire. Le but du récit serait de monter que la lignée davidique est l’héritière
légitime de Benjamin voire de tout l’ancien Royaume du Nord. C’est en ce sens que
nous pouvons comprendre le couronnement de David sur tout Israël en 2Sm 5, 1-5.
Le récit de la succession 2S, 2, 12-4 ; 2 Sm 9-10 // 1R 1-2) : l’origine et la date de cet
ensemble littéraire sont également très discutées. Traditionnellement, on voit dans ce
récit une œuvre composite à la cour du roi Salomon. Pour plusieurs auteurs, il s’agit
essentiellement d’une œuvre de propagande destinée à légitimer la royauté
salomonienne après la disparition de David. L’exégèse moderne fait des propositions
suivantes qui ne font pourtant pas l’unanimité :
36
Pour conclure, disons que ces ensembles narratifs indépendants les uns des autres des origines
ont été rassemblés dans une narration cohérente et structurée par l’École deutéronomiste.
Dans leur état actuel, canonique, les livres de Samuel se construisent autour d’une
tension fondamentale et tout à fait constructive. D’une part, leur récit met en valeur David,
« grand ancêtre » et roi fondateur de la dynastie Jérusalémite, dont de nombreux textes font
l’apologie ; en ce sens, ces livres ont, au moins jusqu’à un certain point, une dimension
proprement épique, en renvoyant le lecteur à l’page d’or de la dynastie Judéenne. D’autre
part, plusieurs textes développent déjà une réflexion critique sur l’institution monarchique, et
annoncent, à bien des égards, le dépassement de cette institution qui n’a pas survécu aux
événements de l’Exil.
Pour ce livre, nous allons étudier le viol de tamar. Et de là voir que ce qui fait tomber
le royaume ce sont les problèmes internes. Le livre de Samuel, du point de vue de la critique
textuelle, c’est un livre difficile à retracer. Mais à Qumran 20 on a trouvé un manuscrit. On peut
distinguer de grands ensembles. Dans le livre, il y a un grand contraste. Il y a les textes
monarchiques et des textes pré-monarchiques. D’une part, l’exaltation de David, on le met en
valeur comme le fondateur d’une monarchie et de l’autre on démontre les faiblesses d’une
monarchie. Pour des thèmes théologiques contenus dans ce livre, il y en a plusieurs.
INTRODUCTION
20
4 Q S ama = 4ème grotte de Qumran du livre de Samuel manuscrit a.
36
HistoriqueS
D’aucuns:n’ignorent la souffrance psychologique et sociologique qu’endure
une femme dont on s’est servi (par force) pour de fins sensuelles et quand la seule punition
du délinquant consiste à l’obligation du silence à la victime. Telle est la réalité peinte dans le
tableau du récit du viol de Tamar (2Samuel XIII) selon l’analyse narrative effectuée par
André Kabasele. Ce dernier, signalons d’entrée de jeu, est préoccupé par le traitement
combien ignominieux et insensible tant au niveau comportemental que politique des victimes
des viols dans la société congolaise. En trois sections, l’auteur veut d’abord porter son lecteur
à la hauteur de la lecture du texte à travers la méthode narrative. Il poursuit, ensuite, à travers
son analyse des rôles que jouent les acteurs de deux intrigues du texte en face, à conduire son
lecteur à cerner les différents enjeux herméneutiques dudit texte. La pierre d’attente de cette
étude étant de faire retentir l’écho des situations analogues et pressantes de notre société,
l’auteur porte son lecteur, enfin, à une vision assez contextualisée du viol et des différentes
pistes pour la réparation.
Ainsi, à notre tour, pour permettre un voyage confortable, nous prendrons une
démarche bipartite durant notre travail de restitution. D’une part, nous poserons les clés de
lecture du texte tel qu’il se présente. Et, d’autre part, nous jetterons le dévolu sur les
considérations actuelles découlant de l’herméneutique du texte et de situations de l’homme.
I. QUESTIONS DU TEXTE
Par questions du texte, nous voulons relever les faits techniques que l’auteur
nous suggère afin de situer le texte en main et les matériaux qui se donnent comme clés de
lecture et de les mettre en action.
21
Cf. A. Kabasele Mukenge, Le viol de Tamar, la fille de David (2 Samuel 13). Un récit biblique miroir de notre
société. Kinshasa, Edition Mont Sinaï, 2006. P. 7.
36
HistoriqueS
Secundo, :le texte en main peut être vu sous plusieurs angles, selon ses origines
rédactionnelles. On y distingue deux souches. Il y a, d’abord, le texte primitif relatant
l’histoire du viol à la même teneur que la scène de l’abus de David sur Bethsabée, la femme
d’Urie. Le récit est compris dans les V. 1-2.6*.7-12a.13b-15a.17.18b-19.20b.21 (TM).
Ensuite, les additions. La première, c’est celle qui intervient avec les résonances
salomoniennes montrant la faiblesse de David dans sa gestion des affaires familiales et son
manque de sagesse : préfiguration de l’image de Salomon, roi sage par excellence. La couche
comprend les V. 3-5.6ß.18a.21 (le plus de la LXX). Enfin, l’école deutéronomiste ajoute les
notes de culpabilité d’Amnon. L’addition prend les V. 12b-13a.15b-16.20a. 22 En dépit de
toutes ces adjonctions le texte forme un tout cohérent si l’on doit le situer dans la
problématique de la succession au trône de David, où, tour à tour, les fils aînés, Amnon,
Absalom et Adonias se feront éliminer pour laisser la place à Salomon, le Sage.
22
Cf. A. Kabasele Mukenge, Le viol de Tamar, la fille de David (2 Samuel 13), O.C., p. 11-12.
36
HistoriqueS :
processus de changement elle prépare soigneusement la son ordre à ses serviteurs.
nourriture devant lui, il lui
demande d’approcher dans sa
chambre avec les gâteaux.
Du coup, il lui signifie son
idée de coucher avec elle.
tamar refuse sans succès et
elle est violée.
Dénouement : Liquidation Pas de liquidation de la Débandade : les autres fils de
de la tension initiale tension initiale : l’amour David, mauvaise rumeur aux
d’Amnon se change en haine oreilles du roi que tous ses
pour Tamar. Il la chasse. enfants seraient morts.
Situation finale : Honte de Tamar, colère Absalom s’exile et David
Liquidation du manque silencieuse et passive de s’endeuille pendant
initial ou solution David, haine d’Absalom pour longtemps.
Amnon.
Après coup, il nous revient de revoir les grandes lignes du texte afin d’en dégager les idées-
phare.
En vérité, avant tout, il convient de signifier la manière dont Amnon est arrivé
à abuser de Tamar est connoté de prémices importantes à signaler : Tamar était vierge et
belle ; Amon est devenu malade pour n’avoir pas eu de possibilité de l’aborder. C’est en ce
moment qu’on peut insérer la présence de Yonadab comme un homme sage qui peut lire
l’inquiétude dans les yeux d’Amnon et l’amener à délier sa langue. L’on se demanderait en
quoi consiste cette sagesse. En effet, Yonadab veut favoriser les conditions d’un dialogue vrai
et sincère.23 Malheureusement, Amnon placera son désir égoïste avant la voie respectueuse de
la négociation. Son stratagème de feindre en malade peut être considéré comme une option de
Yonadab pour qu’Amnon porte au grand jour son état de malade.24
Ensuite, à côté de Yonadab qui sait voir l’inquiétude d’Amnon, il y a David qui
se fait leurrer, sans soupçonner la moindre perfidie dans la pensée ou l’attitude de son fils. Il
libère ainsi Tamar et l’envoie à Amnon, son demi-frère. De bonne foi, elle apporte les
23
A. Kabasele Mukenge, Le viol de Tamar, la fille de David (2 Samuel 13), O.C., p. 22.
24
Cf. Id., Ibid., p. 23.
36
HistoriqueS : de tout son cœur pour Amnon tandis que celui-ci l’attend dans
ustensiles et apprête le gâteau
un autre contour. Il fait sortir tous ses serviteurs de sa chambre et viole sa sœur. Malgré le
viol, Tamar ouvre la possibilité d’un dialogue, cependant Amnon la hait plus violemment
qu’elle ne l’aimait. Tout à coup la désinence de Tamar change : de « sœur de mon frère
Absalom » et « ma sœur » à « celle-là ou cette fille ». Au vrai, c’est qu’il n’a considéré que
son plaisir égoïste25 et Tamar, comme cet objet dont il devait se servir.
Enfin, la douleur de l’infamie infligée sur Tamar cause la colère chez Absalom
à propos de l’acte et le silence de David. Il calme cependant sa sœur. Une possibilité du
dialogue vient encore de manquer dans la gestion de ce conflit déclenché qui durera deux ans.
Après ce long parcours d’étude d’une telle réalité, on ne peut qu’ouvrir les
yeux à la situation de notre société. Certes, les faits tels que présentés dans 2 S 13 nous
interpellent dans la gestion des conflits dus au viol. Tellement que la situation est un
opprobre, au nom de la dignité de ceux qui ne la méritent pas, les victimes sont obligées de
faire le deuil en silence, en taisant leur souffrance ; si les unes se taisent sans manifestations
extérieures de leur souffrance, il en existe qui développent des plaies de non-existence, c’est-
à-dire, leur ouverture au monde extérieur connait une sorte de mort, elles s’enferment, perdent
25
Id., Ibid., p. 30.
26
Id., Ibid., p. 34.
36
HistoriqueS
espoir et sens de la vie:; d’autres encore, se font justice d’une manière ou d’une autre, à
travers les situations de la vie. Elles font souffrir les autres jusqu’à des générations
descendantes ou ascendantes du délinquant sans s’en rendre compte et, parfois, elles en sont
conscientes. On doit le savoir. Justice n’est ni silence ni violence.
En effet, le viol n’est aucunement une situation normale, même si dans notre
contexte, il produit au quotidien des victimes. Au lieu de rendre justice, les plus vulnérables
souffrent en plus du manque de la parole. Nulle part, on nous a montré David interroger
Tamar sur ce qui lui est arrivé ni chercher des voies de réparations, même pas celles que
Tamar proposait elle-même. L’amour de David pour Amnon l’a même empêché de faire
justice. Ce récit nous montre que quand on tait une telle réalité, on ne fait qu’ouvrir le champ
pour l’inimitié, la haine, voir le meurtre. Le crime d’Amnon joue (donc) un rôle déclencheur
du futur schisme.27 Absalom ira jusqu’à se faire roi à Hébron, le lieu de la consécration de son
père. Il deviendra ennemi à son propre père. Une blessure mal soignée donne lieu à la haine.
Le silence, c’est en aucun cas, une solution pour dissoudre la douleur du viol sur la victime ou
ses proches. Mais encore, on le voit dans notre société, à cause de la précarité, certaines
familles arrivent à demander le mariage pour leur fille qui a été violée par le violeur. Cette
manière de faire, même si Tamar elle-même l’a aussi demandée, fait de la victime un objet.
Puisqu’elle ne servira plus à rien, que le violeur assume de la prendre en mariage. On se
demande que serait le sens du mariage avec un destructeur. Donc, il faut faire justice.
Justice n’est pas violence. Quand les unes sont obligées de se taire, les autres,
par contre, choisissent la violence comme une possibilité de résolution. Les deux cas sont
présents dans notre récit. Le même Absalom qui demande à sa sœur de se taire, projette une
cruelle vengeance deux ans après le crime. Malheureusement, la violence n’est pas la voie
pour restaurer la justice.28 Absalom sera obligé de fuir et de s’exiler. Encore, il faut signifier
qu’on ne parle plus de Tamar pendant que son frère punit le délinquant par le meurtre. Cela
montre que ce meurtre n’a nullement soigné la blessure qu’avait Tamar. Il n’a fait que
produire de nouvelles hostilités, de nouveaux crimes. Et l’on peut s’interroger sur la
procédure pour solutionner un tel problème.
Il est certes une situation limite que de demander de résoudre à l’amiable une
pareille situation. Toute entreprise de solution ne doit pas ignorer la victime. C’est elle qui est
27
A. Kabasele Mukenge, Le viol de Tamar, la fille de David (2 Samuel 13), O.C., p. 50.
28
Id., Ibid., p 49.
36
Les animateurs de sociétés doivent tenir compte de la voix des sans voix.
David n’a pas été un chef modèle. Il n’a pas su juger l’affaire. S’il n’a pas su être sage pour
prévenir le crime, il ne s’est pas, une fois de plus, donné la peine d’écouter la victime. Pour
lui, il s’en était fini au constat. Il n’a pas su que « ce qui est recherché dans le procès ce n’est
pas tant la punition pour la faute que le souci d’établir le juste rapport avec l’autre ».30 Ainsi,
les autorités doivent promouvoir beaucoup plus les voies de réintégration sociale des victimes
et empêcher l’impunité dans ce domaine afin d’avoir une société juste.
CONCLUSION
La lecture contextuelle des faits tel que le viol mérite un regard assez attentif
dans la société moderne où la voix des sans voix réclame se faire entendre. Pour mieux voir
le problème, le texte d’André Kabasele sur « Le viol de Tamar la fille de David (2 Samuel 13)
nous a permis de nous représenter comment une telle situation est vécue et quelles en seraient
les voies pour la résolution. L’analyse narrative à travers le schéma quinaire nous a donné de
voir dans ce texte deux intrigue. L’une parlant du viol avec ses contours, et l’autre, de la
violence qui en a découlé. On a vu que la responsabilité de ces violences (viol et meurtre) a
été portée non sur les adjuvants (Yonadab et les serviteurs) que les auteurs eux-mêmes. Il a
incombé aussi au roi la responsabilité de ces actes car, à chaque fois, c’est par lui qu’on passe
pour déclencher la situation en défaveur de ses enfants et lui, reste impertinent et
imprévisible. Même après coup, il reste incapable de solutionner les problèmes surgis dans sa
maison. Dans ce tableau peint, nous avons tenté de relever les traits qui concernent notre
société, car c’est en cela même qu’est consisté le leitmotiv de notre auteur.
Il reste encore à notre devoir de trouver des voies toujours nouvelles pour
résoudre les problèmes de notre société, et le tout, en faveur de la vie et de la cohésion de
tous.
29
A. Kabasele Mukenge, Le viol de Tamar, la fille de David (2 Samuel 13), O.C., p. 51.
30
Id., Ibid., p. 53.
36
HistoriqueS :
II PARTIE : HISTORIOGRAPHIE CHRONISTE
Introduction
En 1832, L. Züng a émis l’hypothèse largement admise depuis, d’une unité d’auteur
entre Chroniques, Esdras et Néhémie. Cette hypothèse reposait sur les particularités
stylistiques et thématiques communes. Voici des arguments qui peuvent renforcer cette
hypothèse :
1. La répétition au début d’Esdras (Esd. 1, 1-4) des versets qui terminent 2 Chroniques
(2Chr 36, 22-23). La fin de Chroniques appelle le début d’Esdras.
2. Une même utilisation des sources généalogiques dans le traitement des écrits.
3. La présence dans la LXX de 1Esd (apocryphe) qui reprend à la fois 2Ch 35-36, Esd 1-
6 et Ne 8.
Tous ces éléments pris ensemble poussent à parler d’une histoire Chroniste qui serait
parallèle et prolongerait l’histoire deutéronomiste. Cependant, loin d’être clos, le dossier
du rapport rédactionnel entre Chroniques, Esdras et Néhémie continue à diviser les
critiques. Schématiquement, on peut distinguer 3 groupes :
Pour notre part, nous estimons que ces livres proviennent d’un même milieu et
ont une même perspective historique et théologique.
Les livres du Chronique sont souvent négligés, car on les considère comme une
répétition déformée des livres de Samuel et des Rois. En réalité, ces livres donnent une
réinterprétation originale de l’histoire de la monarchie d’après le point de vue et les
convictions de Lévites du Second Temple.
36
HistoriqueS
I.1 Plan et Contenu du:Livre
Selon le canon juif, les livres des Chroniques constituent la finale de Ketubim (Ecrits).
La LXX par contre les place avant Esdras et Néhémie et les range parmi les livres historiques
sous le nom du Paralipomènes (qui signifie choses omises ou négligées).
La division du livre en deux (1 et 2 Chroniques) est tardive. Elle est d’abord apparue
dans la LXX avant d’être adoptée au 15s dans le texte hébreu. En réalité, le livre obéit à une
division tripartite qui s’opère d’après l’ordre chronologique suivant :
- D’Adam à David
- De David à Salomon
- De Roboam à la chute de Jérusalem
-
En hébreu, le titre du livre est : Actes ou paroles des jours. Ce qui est correctement
rendu en latin de façon heureuse par Chronicon totius divinae historiae (St. Jérôme). La
datation du livre des Chroniques est fort controversée, allant de 515 à 225 av. J.c. La plupart
des auteurs aujourd’hui situent sa rédaction au 4 e siècle dans le milieu de lévites de Jérusalem.
De fait, les lévites ainsi que d’autres fonctionnaires cultuels subalternes (chantes, portiers,
etc.) ont joué un rôle très important dans la liturgie.
Quelques exemples : En 1Ch 15, 2, c’est au seul Lévite que revient charge la de
transporter l’arche de l’alliance. En 2Ch 19, 8s, ils sont mentionnés à côté de chefs des
familles pour promulguer la sentence de Dieu. Les lévites jouent un rôle très important dans
la reforme d’Ezéchias, 2Ch 29 – 31. Au chapitre 29, le terme lévite revient aux v. 4, 5, 11, 16,
25, 26, 30, 34. Il est clairement dit au v. 11 que les lévites ont été choisis par Dieu pour servir
en sa présence. On redéfinit ainsi, dans ce chapitre, le statut juridique et théologique des
36
HistoriqueS
lévites. Au verset 34, on: affirme que les lévites étaient mieux disposés à servir Dieu que les
prêtres. Bref, le livre des Chroniques est une sorte de plaidoyer destiné à promouvoir le statut
des lévites.
HistoriqueS :
A partir de répétition, on peut arriver à dégager la structure suivante pour le corpus
Esdras-Néhémie
La valeur historique de ce document doit être évaluée en cas par cas. Par exemple,
l’Édit. hébreu de Cyrus : 1, 2-4, n’est pas authentique. Il s’agit plutôt d’une construction
36
Il y a un thème très important qu’il qu’il faut mentionner : la discussion autour de mariage
Le livre de Ruth comme Jos 2 répond à cette perspective en objectant que l’étranger
peut rester bien fidèle. Jos 2 a été inséré à la période perse dans le livre pour décloisonner une
perspective par trop exclusiviste du livre.
31
Pas question de mariage mixte, car on est juif par sa mère ; vue que c’est elle qui éduque. Dans Esdras 10, 15
s : on note les prêtres qui refusent de quitter leurs femmes. Et donc à l’intérieur du livre d’Esdras et Néhémie,
il y a une tendance opposée contre l’opposition au mariage mixte. Et ce qui est plus important : l’histoire de
Josué daterait de cette période avec la prostitué Rahab (dans la perspective d’abolir ce type de mariage. Et
même le livre de Ruth est de cette période. Ce qui est plus ancien est normatif et bien. Le livre est marqué par
le fait que le salut d’Israël passe par une étrangère. Ex. la Généalogie de Jésus-Christ de Mattieu, on cite quatre
fois les étrangers : Tamar, Rahab, Bethsabée et Ruth ; au lieu de citer les matriarches : Sahara, Rachel et Léa.
Ruth (fille étrangère née de la ligné incestueuse de Lote et une de ses filles.