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1.  Introduction  à  l’AT  
D’entrée de jeu, il convient de préciser l’appellation de notre cours; Initiation à
l’Ancien Testament. 

▪ Par définition, une initiation se veut un survol général d’une matière


donnée. Il serait en effet irréaliste de tenter d’explorer en profondeur les
différentes facettes de l’AT dans le cadre de ce cours étant donné l’ampleur
du champ d’étude des diverses disciplines impliquées (théologie, 
géographie, histoire, archéologie, littérature, langues, etc.). La préface d’un
ouvrage de référence souligne même qu’il parait aujourd’hui impossible qu’un
seul individu puisse être compétent dans tous les domaines de l’exégèse
vétérotestamentaire1. Étudier l’AT demande donc une certaine dose d’humilité.

▪ Désirant ménager la sensibilité de leurs amis juifs, certains milieux délaissent


désormais le terme d’Ancien, pour parler plutôt de Premier Testament (et
Deuxième Testament pour le Nouveau). En effet, se référer à l’Ancien
Testament c’est nécessairement marquer une rupture avec le Judaïsme. 
Mais c’est aussi laisser sous-entendre à tort que cette section de la Bible est
en quelque sorte désuète pour le chrétien2. 

▪ Testament quant à lui, vient du latin Testamentum, qui avait un sens plus


large qu’en français et signifiait Alliance. Les livres de l’Ancienne Alliance, ou
Ancien Testament concernent les relations de Dieu et du peuple d’Israël. C’est à ce
dernier, en effet, que Dieu s’est d’abord fait connaitre, en le sauvant de l’esclavage, en se
liant à lui par une alliance au mont Sinaï, en lui révélant sa volonté, en lui donnant la
Terre promise et en l’accompagnant de génération en génération tout au long de son
histoire3. Cette Alliance avec le peuple d’Israël est le fondement d’une
nouvelle alliance promise à toute l’humanité (Jr 31.31-34). 

                                                             
1    Rōmer,  p.  11.
2   Pour   la   petite   histoire,   le   rejet   de   l’AT   par   Marcion   (85-­‐160)   fut   l’une   des   premières   grandes  
hérésies  de  l’histoire  de  l’Église.  
3     TOB,  p.  11.  

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Trois raisons devraient donc motiver le chrétien à lire, étudier et connaitre


l’AT.

▪ Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour
redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit adapté et préparé à
toute œuvre bonne (2 Tim 3.16-17). L’AT n’est pas moins inspiré que le
Nouveau Testament et il est tout aussi utile.

▪ L’AT était la Bible de Jésus et des apôtres. Le NT n’étant pas encore


écrit, l’AT était leur Parole de Dieu et le seul fondement de leur foi et de
leur pratique. C’est pourquoi, Jésus commençant par Moïse et par tous les
prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait (Lc 24.27).
 
▪ Il nous est impossible de saisir la pleine lumière de l’Évangile de Jésus-
Christ sans d’abord comprendre l’AT qui possède une ombre des biens à venir (Hé
10.1). 

Ceci nous amène à brièvement aborder la notion d’interprétation


christocentrique de l’AT. Deux erreurs sont généralement faites à ce sujet : le
moralisme (comme David tu dois avoir le courage de vaincre tes géants) et
l’allégorisme (comme David, utilise les pierres de la foi, de la prière et de la
sainteté pour vaincre tes géants). L’allégorisme dénature arbitrairement le texte
alors que le moralisme focalise erronément sur l’homme. Avoir une
interprétation christocentrique c’est reconnaitre que tous les textes de l’AT
disent quelque chose du besoin de rédemption de l’homme et de la grâce de
Dieu, qui trouvent leur point culminant dans le salut en Jésus (comme David
était le moyen pourvu de Dieu pour amener la victoire aux israélites
impuissants, ainsi ma victoire n’est pas dans mes efforts, mais en Jésus qui
terrasse mes ennemis). 

Finalement, l’AT représente donc quatre choses pour le chrétien : 

▪ Il est le témoin des révélations et des actions divines du passé (Ps 136).

▪ L’étranger qui provient et s’adresse premièrement à des gens d’une culture


différente, d’une époque différente et d’une religion différente (2Ch 36.22-
23). Les Hébreux de l’AT étaient des Orientaux de l’Antiquité sans Christ.
C’est pourquoi du point de vue d’un chrétien occidental du 21e siècle, il est
difficile de comprendre, par exemple, la prière de malédiction (Ps 137.9) ou
la bénédiction de l’immoralité (Jg 13.24). 

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▪ Le précurseur prophétique (És 7.14; Mt 1.22-23), typologique4 (2Ch 7.1;


1Co 3.16) et thématique (És 40.11; Jn 10.11) du NT, 

▪ La Parole de Dieu qui continue de nous parler aujourd’hui (Jr 9.22-23).

1.1  CANON  DE  L’AT      


L’AT s’est formé en trois étapes. De un, tout peuple a ses traditions. Les traditions
d’un peuple se composent de souvenirs historiques, de légendes, de chansons, de proverbes : en
bref tous les textes qu’on transmet d’une génération à l’autre. L’AT contient les traditions du
peuple hébraïque5. 

Ces traditions transmises initialement généralement oralement seront ensuite


couchées par écrit, pour finalement être compilées et éditées. Cette deuxième
étape est communément appelée la rédaction (Pr 25.1). Les livres de l’AT ont
été majoritairement écrits en hébreu. Son alphabet comporte vingt-deux
consonnes, s’écrit de droite à gauche et ressemble à ceci: 

.‫ת ה אָר ץ‬
,‫ם‬ ‫ שּׁ מו‬,‫יםה‬
‫יא‬ ‫את‬ , ‫ית‬
‫א א ֹה‬ ‫בּ ר אשׁבּ ר‬
 
Quelques passages de Daniel (2.4-7.28) et d’Esdras (4.8-6.18; 7.12-26) ont par
contre été écrits en araméen. Cette langue proche de l’hébreu est devenue la
langue internationale vers le 7e s. av. J.-C. et a été adoptée par les juifs lors de
l’exil au détriment de l’hébreu qui n’était étudié et parlé que par la classe
cultivée (cela explique le fait que Jésus parlait araméen). L’Ancien Israël
comportait une abondante littérature composée de toute sorte d’écrits divers
(Nb 21.14; Jos 10.13; 1R 14.29, 1Ch 29.29). L’AT est la crème de toute la
littérature écrite dans l’Ancien Israël. C’est en quelque sorte la bibliothèque
officielle d’Israël qui rassemble ses écrits fondamentaux. D'ailleurs, l’AT était
désigné au début comme étant les Livres (Ta biblia). Les auteurs du NT ont
aussi cette pluralité de livres en tête lorsqu’ils parlent des Écritures (Mt 21.42; Lc
24.27; Jn 5.39). 

Finalement, l’aboutissement de cette sélection d’écrits culminera avec


l’instauration du canon. Le mot vient du grec kanon (roseau, canne) et fait
                                                             
4  Un  type  est  un  personnage,  un  objet  ou  une  institution  de  l’AT  qui  renvoit  à  un  modèle  supérieur  du  

NT.  
5  Bulkeley.    

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référence aux instruments que l’on utilisait à l’époque pour mesurer. Le canon
signifie donc un barème, une règle ou une norme. Le canon de l’AT est donc la
liste officielle des livres reconnus inspirés et qui font autorité en matière de foi
et de pratique. Le canon s’est fixé progressivement de l’époque d’Esdras et
Néhémie au 5e siècle av. J.-C jusqu’après la destruction du Temple en 70 apr. J.-C..
La clôture de l’Ancien Testament aurait eu pour but de mettre un terme au foisonnement de
la littérature juive de type pseudépigraphique et de fermer la porte à l’intrusion d’écrits jugés
hérétique, notamment ceux de tendance apocalyptique ou chrétienne6

Par la suite, la transmission du texte vétérotestamentaire au travers les âges


s’est effectuée notamment grâce à des groupes de copistes qui recopiaient l’AT
à la main. À cet égard, deux groupes sont dignes de mention.

▪ Premièrement, les Scribes (de Sopherim qui veut dire scribes) ayant pris


forme sous Esdras qui ont corrigé et édité le texte biblique, par exemple, en
comptant et notant le nombre de lettres de leur manuscrit pour garantir la
qualité de leur travail. 

▪ Deuxièmement, les Massorètes (de Massorah qui veut dire Tradition) qui


eux se sont chargés plus tard (6e - 10e s. apr. J.-C.) de fixer la lecture
traditionnelle en introduisant entre autres, un système de voyelles7, de
ponctuations, d’accents et de séparation des mots. Le texte hébreu de notre
AT est le fruit direct de leur travail, c’est pourquoi nous le nommons le
texte massorétique.
 
Si la rédaction des livres de l’Ancien Testament est inspirée, il est évident qu’il
n’en est pas ainsi de sa transmission (1S 13.1). La critique textuelle a pour but
de restaurer le texte original en sa basant sur les copies imparfaites qui nous ont été
conservées8. Pour ce faire, cette discipline compare les manuscrits bibliques,
étudie les citations extérieures et examine les anciennes traductions. Cela étant
dit, ces problèmes textuels ne représentent qu’une lettre sur 1580 dans l’AT, ce
qui confirme que le texte que nous avons entre nos mains est fiable à plus de
99.9 %9.

                                                             
6  Rōmer,  p.  22.  
7   Puisque   l’hébreu   est   une   langue   où   dans   l’écriture   courante   les   voyelles   ne   sont   pas   notées,   des  
textes   peuvent   se   lire   de   plusieurs   façons   différentes.   Par   exemple,   Yahvé   et   Jéhovah   sont   deux  
prononciations  différentes  d’un  même  mot;  YHVH.    
8   Archer,  p.52.  
9   Pache,  R.  L’inspiration  et  l’autorité  de  la  Bible.  St-­‐Légier,  Emmaüs,  1967,  p.  142.  

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1.2  STRUCTURE  DE  L’AT    


La structure de notre AT provient de la Septante10 et diffère de celle de la bible
hébraïque. La structure de cette dernière est tripartite et désignée par les Juifs
par l’acronyme Tanak. Ce terme est construit à partir des lettres initiales des
trois parties qui composent la Bible juive : Torah (Loi), Nebiim (Prophètes) et
Ketubim (Écrits). Celle de la Septante se compose de quatre parties :
Pentateuque, Livres historiques, Livres poétiques et Livres prophétiques.
Puisque les premiers chrétiens utilisaient surtout le Septante, c’est cette
structure qui se retrouve traditionnellement dans nos bibles chrétiennes. Afin
de préserver les points de repère, nous suivrons donc généralement l’ordre grec
familier tout au long de ce cours. Quatre observations peuvent être faites suite
à la comparaison des tables des matières respectives. 

▪ Tous les livres du canon hébreu sont présents dans le canon grec. 

▪ Le canon grec comprend des livres supplémentaires (+) qui sont appelés
deutérocanoniques (deuxième canon) par les catholiques qui leur reconnaissent
une certaine valeur, mais nommés apocryphes (cachés, obscurs) par les
protestants qui les rejettent11. 

▪ L’Ancien Testament des Bibles protestantes constitue l’intégralité de la


Bible juive.

▪ En plus de la structure, l’ordre des livres et des sections diverge aussi entre


les deux canons. Pour des raisons théologiques, les chrétiens auraient placé
les prophètes à la fin afin de faire un lien entre l’annonce du Messie et sa
venue (Malachie 3.20-24). Il est intéressant de constater que pour le Juif, la
Bible se termine plutôt par l’universalité de la foi juive (2Ch 36.22-23). 

                                                             
10   Antique   traduction   grecque   du   3e   siècle   av.   J.C..   Initiée   par   des   juifs   d’Alexandrie   en   Égypte   à  
l’intention  de  la  diaspora  juive  qui  ne  parlait  plus  l’hébreu.  Son  nom  lui  vient  d’une  légende  au  sujet  
de   soixante-­‐douze   (ou   septante-­‐deux)   savants   juifs   qui   auraient   traduit   la   Bible   en   soixante-­‐douze  
jours.  
11  Il  suffit  de  lire,  par  exemple,  l’épilogue  de  l’auteur  des  Maccabéés  pour  comprendre  pourquoi.  Si  la  
composition  est  bonne  et  réussie,  c'est  aussi  ce  que  j'ai  voulu;  si  elle  a  peu  de  valeur  et  ne  dépasse  guère  
la  médiocrité,  c'est  tout  ce  que  j'ai  pu  faire.  Car  de  même  qu'il  est  nuisible  de  boire  du  vin  pur  ou  de  l'eau  
pure,   alors   que   le   vin   mêlé   à   l'eau   est   une   boisson   agréable   qui   produit   une   délicieuse   jouissance,   de  
même  c'est  l'art  de  disposer  le  récit  qui  charme  l'entendement  de  ceux  qui  lisent  l'ouvrage.  C'est  donc  ici  
que  je  m'arrête.  (2  M  15.38-­‐39)  
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Bible hébraïque Bible grecque / AT chrétien

1. Torah (La Loi) 1. Pentateuque


Genèse Genèse
Exode Exode
Lévitique Lévitique
Nombres Nombres
Deutéronome Deutéronome

2. Nebiim (Les Prophètes) 2. Livres historiques


Prophètes antérieurs Josué
Josué Juges
Juges Ruth
I-II Samuel I-II Samuel
I-II Rois I-II Rois
Prophètes postérieurs  I-II Chroniques
Ésaie Esdras
Jérémie Néhémie
Ezéchiel Esther
Douze petits prophètes 
Osée 3. Livres poétiques
Jo l Job
Amos Psaumes
Abdias Proverbes
Jonas Ecclesiaste
Michée Cantiques des Cantiques
Nahum
Habacuc 4. Livres prophétiques
Sophonie Ésaie
Aggée Jérémie
Zacharie Lamentations
Malachie Ezéchiel
Daniel
3. Ketubim (Les Écrits) Osée
Psaumes Jo l
Job Amos
Proverbes Abdias
Ruth  Jonas
Cantiques des Cantiques Michée
Ecclesiaste Nahum
Lamentations Habacuc
Esther Sophonie
Daniel Aggée
Esdras Zacharie
Néhémie Malachie
I-II Chroniques
(+)Tobit, Judith, I-II Maccabées, Sagesse de Salomon,
Siracide et Baruch 

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1.3  ÉTUDES  DE  L’AT  


Le champ des études vétérotestamentaires s’est longtemps divisé en deux
camps :

▪ Les évangéliques qui se mettent sous l’autorité des Écritures et qui


étudient le texte tel qu’il apparait dans nos Bibles.

▪ Les critiques qui se mettent au-dessus de la Bible en rejetant toute notion


d’inspiration et de surnaturel et qui s’appliquent surtout à la disséquer afin
de déceler l’origine et le processus de formation des textes. 

Cela dit, une nouvelle voie émerge des évangéliques aujourd’hui. La situation
est clairement résumée par l’un des fondateurs de la revue théologique
évangélique Hokhma : Au début, il y avait un seul front; aujourd'hui, il y a deux
frontières! … Plutôt qu'un seul front défensif, je vois deux frontières qui délimitent notre
espace. Nous nous démarquons en effet d'une théologie qui nous semble trop critique parce
qu'elle s'estime capable de distinguer dans la Bible ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas.
Subrepticement ou explicitement, elle accorde ainsi plus de crédit à la raison qu'à l'Écriture; 
(de l'autre) d'une théologie qui nous semble trop étroite parce qu'elle a tendance à confondre le
message biblique avec son interprétation. Elle ne se sert de la théologie que pour conforter des
certitudes déjà acquises. Subrepticement ou explicitement, elle accorde ainsi plus de crédit à la
tradition qu'à l'Écriture12. Ce cours se situe donc dans cette zone à double
frontière où bien que pleinement évangélique, il refuse de se laisser enfermer
dans le carcan traditionnel. Conséquemment, trois éléments sont
particulièrement nécessaires pour une meilleure compréhension des livres de la
Bible.

▪ Le contexte historique


On dit qu’un texte hors de son contexte est un prétexte. Généralement,
nous avons en tête, ce qui précède et succède un passage donné dans un
texte biblique. Et lorsque nous entendons parler de contexte historique,
nous pensons au positionnement d’un événement biblique dans l’histoire.
Or, le contexte historique de rédaction, qui a longtemps été négligé dans
l’étude biblique évangélique, est souvent beaucoup plus éclairant que la
période où se déroule l’histoire13.
                                                             
  http://www.hokhma.org/presentation.html.  (Page  consultée  le  31  août  2010).  
12

   Bien   que   Ruth   se   situe   dans   la   période   des   Juges   (1.1),   la   clé   d’interprétation   du   livre   se   trouve  
13

plutôt  à  l’époque  de  David  où  le  livre  a  été  écrit  (4.22).  Plusieurs  différences  entre  les  livres  des  Rois  
et  des  Chroniques  ne  sont  compréhensibles  qu’à  la  lumière  de  leur  contexte  rédactionnel  respectif  (le  
pessimisme  de  l’exil  pour  l’un  et  l’espoir  du  retour  pour  l’autre).      

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▪ L’analyse littéraire
Les textes de l’AT peuvent se diviser en deux grandes catégories littéraires :
la prose et la poésie. La prose selon Larousse est la forme ordinaire du discours
écrit ou parlé, non assujettie aux règles du rythme et de la musicalité, propres à la poésie.
Même si les récits (en prose) forment 75 % de la Bible, il ne faut pas sous-
estimer la poésie de l’AT, qui réunie, est plus volumineuse que le NT. De
plus, non seulement faut-il connaitre la différence entre un récit et un
poème, mais aussi savoir que les différentes cultures ont des manières diverses de
raconter les histoires et d’écrire la poésie, et, en tant qu’interprètes étrangers, il nous faut
découvrir les conventions qui gouvernaient le travail de rédaction des auteurs biblique14.
Ces conventions15 nous permettent d’établir le genre littéraire d’un texte,
qui se définit comme étant une catégorie regroupant des textes qui ont en commun un
ou plusieurs traits16. Même si plusieurs genres littéraires peuvent se retrouver
au sein d’un même livre et qu’ils se déclinent à leur tour en multiples sous-
groupes, six genres littéraires sont surtout présents dans l’AT.

1. Le genre narratif qui raconte des histoires, des récits. 


.
2. Le genre législatif qui régit l’ordre sacré. 

3. Le genre dévotionnel qui contient des prières, des chants.

4. Le genre sapiential qui enseigne des principes de sagesse.

5. Le genre prophétique qui annonce une parole de la part de Dieu.


6. Le genre apocalyptique qui apporte de manière voilée un message
d’espoir.

Une analyse littéraire déficiente aboutira ultimement à une interprétation


erronée du message biblique comme c’est encore malheureusement trop
souvent le cas dans le monde évangélique17.

                                                             
  Longman  T.,  et    R.  Dillard,  p.14.  
14

  Par  convention  nous  entendons  qu’aujourd’hui  par  exemple,  quand  nous  lisons  il  était  une  fois,  au  
15

début  d’une  histoire,  nous  savons  qu’elle  est  fictive.  Ou  encore,  que  nous  n’écrivons  pas  une  lettre  (ou  
un  courriel)  d’amour,  de  nouvelle  ou  d’affaire  de  la  même  manière.  
16  Ibid.,  p.  18-­‐19.  
17   Par   exemple,   l’interprétation   allégorique   du   Cantique   des   cantiques,   qui   est   plutôt   une   œuvre  
poétique   célébrant   l’amour   entre   un   homme   et   une   femme   et   l’interpération   littérale   de   certains  
textes  apocalyptiques,  qui  contiennent  surtout  des  données  symboliques.  

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▪ Le message théologique


La théologie se pose la question suivante : Que dit tel livre à ses lecteurs concernant Dieu
et leur relation avec lui? La première étape qui conduit à une juste approche de l’intention
théologique d’un livre consiste à s’interroger sur le message qu’il délivrait à son auditoire
antique, celui des premiers lecteurs ou auditeurs du livre18. Les écrivains bibliques ont
soigneusement sélectionné ce qu’ils rapportent et ce qu’ils omettent afin
d’atteindre un but théologique19. Par exemple, l’auteur du livre des Rois ne
veut pas communiquer la même chose que l’auteur des Chroniques
lorsqu’ils écrivent sur le roi David. À cet égard, comprenons que l’intention
théologique de l’auteur est plus importante que son identité. Plusieurs
évangéliques font de l’identité de l’auteur un point capital oubliant que
l’inspiration n’est pas rattachée à l’écrivain, mais à l’Écriture (1 Tim 3.16). 

1.4  HISTOIRE  DE  L’AT    


Il convient aussi avant d’entamer notre parcours d’avoir une vue d’ensemble
des grandes périodes de l’histoire d’Israël dans l’AT20. 

▪ La période patriarcale (2166-1876) fait allusion à celle des Pères d’Israël


qui sont Abraham, Isaac et Jacob et dont l’histoire est racontée en Gn 12-
50. Cette période va de la naissance approximative d’Abraham au 22e siècle
av. J.C. jusqu’à la descente de Jacob en Égypte vers 1876.

▪ La période de l’Exode (1876-1406) comprend les 430 ans (Ex 12.40) après
la descente des Pères en Égypte et les 40 ans que passera le peuple dans le
désert (Nb 32.13).

▪ La période de l’installation (1406-1050) comprend deux grands chapitres


historiques : la conquête qui s’amorce avec la victoire de Jéricho en 1406,
suivie de la période des Juges dès 1389.

                                                             
18  Longman  T.,  et  R.  Dillard,p.  24.  
19   Nous   pouvons   mieux   comprendre   le   principe   de   l’intention   de   l’auteur   au   travers   un   ouvrage  
séculier,   les   Voyages   de   Gulliver,   qui   pour   la   majorité   des   gens   est   une   simple   fable   pour   enfants,  
alors  qu’en  fait  c’est  une  critique  sociale  et  politique  de  la  société  anglaise  du  18e  siècle  qu’a  voulu  
faire  l’auteur  Jonathan  Swift.  
20   Les   dates   données   dans   ce   chapitre   sont   fournies   par   G.   Archer   et   sont   généralement  

conservatrices,  approximatives  et  ne  faisant  pas  toujours  l’unanimité.  Comme  il  l’indique  lui-­‐même,  
elle   constitue   tout   de   même   une   base   de   travail   et   sert   surtout   à   situer   les   périodes   de   manière  
générale  dans  l’ensemble  de  l’Histoire.  

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▪ La période monarchique (1050-587) est contenue entre l’accession de


Saül au trône comme premier roi d’Israël jusqu’à la destruction de Jérusalem
en 587/6 par les Babyloniens.

▪ La période exilique et post-exilique (587-430). Après la destruction de


Jérusalem, Israël sera déporté pour une période d’exil qui durera soixante-
dix ans telle que l’avait annoncé le prophète Jérémie (Jr 29.10; 2 Ch 36.21).
Le décret de Cyrus, roi des Perses, en 538 permettant le retour des Juifs
ouvrira la période post-exilique qui s’étendra jusqu’à la fin de l’activité
d’Esdras et Néhémie vers 430. 

▪ La période intertestamentaire (430-0) est celle comprise entre la fin de


l’AT et le début de NT. 

1.5  GÉOGRAPHIE  DE  L’AT    


En entreprenant notre périple au travers l’AT, un premier défi se dresse devant
nous. En effet, dès ses premières pages, la Bible fourmille d’indications
géographiques. La distance entre le monde de la Bible et les lecteurs modernes
que nous sommes, se calcul évidemment en années, mais aussi en kilomètre. Il
faut donc inévitablement dès maintenant acquérir quelques notions de base sur
la géographie de la Palestine afin de mieux comprendre l’AT.

De prime abord, il appert important d’apporter une clarification sur le titre de


plusieurs ouvrages et publications faisant plutôt allusion à la géographie de la
Palestine. Ce terme vient du latin Palaestina, emprunté à l’hébreu Peleshet qui
signifie le pays où habitent les Pelishtîm (Philistins). Ce titre s’est plus tard élargi
et est devenu le nom d’une province romaine qui comprenait à peu près le
territoire de l’Israël biblique. Encore aujourd’hui, cette appellation historique
est demeurée. Il ne faut donc surtout pas confondre la Palestine politique
(territoire cisjordanien21 administré par la Jordanie jusqu’en 1967) avec la
Palestine historique (région géographique de l’Israël biblique). La carte de la
page suivante donne un aperçu du pays de l’AT22. 

                                                             
  Cisjordanie  veut  littéralement  dire  ce  côté-­‐ci  du  Jourdain  et  Tranjordanie  de  l’autre  côté  du  Jourdain.      
21

  Les  noms  des  lieux  géographiques  sont  souvent  orthographiés  de  différentes  façons  d’une  version  
22

ou  d’un  ouvrage  à  l’autre.      

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12  
 

La Palestine est située dans une région


du Proche-Orient appelée le croissant
fertile. Son nom lui vient de sa forme
et de sa fertilité naturelle causées par
l’irrigation de quatre fleuves situés
entre la Mer Méditerranée et le Golf
persique : le Nil, le Jourdain, l’Euphrate
et le Tigre. Le croissant fertile part
donc de l’Égypte, passe par la Palestine
et la Phénicie pour s’étendre jusqu’en
Mésopotamie (dont l’étymologie veut
dire entre deux fleuves). Aujourd’hui, on
parlerait du nord de l’Égypte, d’Israël,
de la Jordanie, du Liban, de la Syrie, du
sud de la Turquie, de l’Irak et de l’ouest
de l’Iran. 
 
Ce n’est donc pas par hasard si les populations se sont massées dans ce
territoire propice à la culture et à l’élevage. D’ailleurs s’y concentrent également
plusieurs grands empires de l’Antiquité présents dans l’AT : l’Égypte,
Babylone, l’Assyrie et la Perse. L’examen attentif de ce grand ensemble
géographique, nous aidera à garder en tête qu’Israël est un très petit pays ayant
dans son étendu
maximal seulement
320 km x 80 km23. Cela
est d’autant plus
surprenant quand on
constate sa diversité
géographique. 

                                                             
  À  peu  près  l’équivalent  la  vallée  du  St-­‐Laurent  entre  Montréal  et  Québec  et  représentant  moins  de  
23

4  %  de  la  superficie  de  la  France.  


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13  
 

Une coupe d’ouest en est du pays


nous permet de distinguer
quatre régions géographiques
importantes de la Palestine,
abondamment mentionnées dans
la Bible. 

1. Zone côtière. 

2. Montagnes de Cisjordanie. 

3. Dépression du Jourdain. 

4. Plateaux tranjordaniens. 

1. Zone côtière

La zone côtière est la bande de terre longeant le pays et bordant la Mer


Méditerranée. Cette plaine côtière a plusieurs appellations dépendant du
secteur. Du nord au sud : Aser (1R 4.16), Dor (Jos 11.2); Sharôn (1Ch 27.29).
Seul obstacle important sur ce rivage : le Mont Carmel au nord où le prophète
Élie a fait tomber le feu du ciel (1R 18.19). Pendant longtemps, la partie du sud
du Carmel jusqu’au nord a appartenu aux Phéniciens. Au sud de la côte se
trouve le fameux Pays des Philistins dont les cinq villes principales étaient
Gaza, Ashdod, Ashqelôn, Eqrôn et Gath (1S 6.17). Finalement, la Sephélah
(Jos 9.1) qui se traduit par Bas-Pays, est une zone intermédiaire qui comprend
de nombreuses petites collines à la hauteur du territoire de Juda, entre la côte et
les montagnes. Elle comprend la Vallée du Térébinthe (1S 17.2) où a eu lieu
le combat entre David et Goliath et Lakish qui est un lieu bien connu d’un
siège assyrien (Es 36.1-2). 

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2. Montagnes de Cisjordanie

La région des montagnes de Cisjordanie comprend la majeure partie du


territoire et a donc à son tour cinq sous-divisions géographiques. Du nord au
sud : la Galilée, la plaine de Jizréel, la Samarie, la Judée et le Néguev. 

a) Galilée

Tout d’abord, la Haute-Galilée est très montagneuse et comprend le mont


Mérom, lieu d’une bataille victorieuse de Josué (Jos 11.7) et qui avec sa
hauteur de 1 208 m est le point le plus élevé de Canaan. C’était le territoire
des tribus d’Aser et de Nephtali (Jos 19.24-39). En se dirigeant vers le sud,
les montagnes s’amenuisent en collines. La Basse-Galilée dont la zone
territoriale est à peu près équivalente à la hauteur de la Mer de Galilée
correspond à peu près aux territoires des tribus de Zabulon et Issacar (Jos
19.10-23). Enfin, un petit village de cet endroit fera éventuellement
beaucoup parler de lui : Nazareth! 

b) Plaine de Jizréel

Du mont Carmel jusqu’à la Basse-Galilée dans un axe nord-ouest et sud-est


de 60 km, s’étend la plaine de Jizréel (Esdrelon en grec). Celle-ci s’avère être
à peu près l’unique couloir de communication pour traverser le pays de la
côte au Jourdain et… au reste du monde. Il est donc normal que cet endroit
stratégique ait attiré la convoitise de plusieurs. Gédéon (Jg 6.33), David (1S
29.1) et Josias (2R 23.29) s’y sont battus. Une base militaire a été
continuellement présente à Megguido, endroit de la plaine qui permettait à
peine à un endroit donné le passage de deux chars côte à côte. D'ailleurs est-
ce que ce nom ne vous rappelle pas quelque chose? Ce champ de bataille a
tellement frappé les esprits que c’est là que les prophètes annoncent la
dernière bataille au lieu appelé en hébreux Harmaguédon (Ap 16.16; Za 12.11).
Un palais royal a été construit dans la ville dont la plaine tire son nom; 
Jizréel (1R 21.1-2). Même si la plaine de Jizréel est évidemment plane, on y
trouve tout de même deux montagnes importantes : le Mont Moré (Jg 7.1)
et le Mont Tabor (Jr 46.18).
 

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15  
 

c) Samarie

La région de la Samarie occupe le centre du pays et tire son nom de sa ville


principale (1R 16.24) qui est devenu la capitale du royaume d’Israël. C’est à
cet endroit que se situe : le mont Guilboa (1S 31.8) où Saul est mort aux
mains des Philistins,  Sichem (Jos 24.32) qui a été le théâtre de plusieurs
récits relatifs aux patriarches ainsi que du renouvellement de l’alliance par
Josué (Jos 24.1), les monts Garizim et Ebal où les bénédictions et
malédictions de la loi ont été proclamés encore sous Josué (Jos 8.33) et Silo
qui a été son centre politique (Jos 18.1) et qui a hébergé le tabernacle à
l’époque des Juges (1S 4.3). La Samarie est principalement formée de
montagnes rocheuses ininterrompues s’alignant du Carmel au Jourdain. C’est
le territoire des tribus de Manassé (partie cisjordanienne (Nb 32.33-42)) et
Éphraïm (Jos 16-17). 

d) Judée

La Judée poursuit au sud la série de montagnes de la Samarie, mais est


moins rocailleuse est plus boisée. Les tribus de Benjamin et de Juda (Jos
15; 18.11-28) habitent cette région. La Judée c’est aussi le lieu de la révélation
de Jacob à Béthel (Gn 28.10-22), de l’arrêt du soleil à Gabaon (Jos 10.12), de
la prophétie messianique de Bethléem (Mi 5.1), de la mort de Sara et de la
première partie du règne de David à Hébron (2S 2.11). C’est également
l’endroit où se situe celle qui se passe de présentation; Jérusalem (2S 5.5).
Bien que Jérusalem se soit établie sur trois collines principales, la Jérusalem
de l’AT s’est surtout développée sur l’une d’entre elles, celle située au sud-
est. Ces collines sont séparées par trois vallées24 qui finissent par se rejoindre
au sud-est de la ville; la Vallée de Hinnom à l’ouest (2R 23.10), celle du
Tyropéon au centre et finalement, le Cédron à l’est (2S 15.23) aussi nommé
Vallée de Josaphat (Jl 4.2)25. Tout à l’est, c’est le Désert de Judée avec
l’oasis de Jéricho (Dt 34.3).

                                                             
24  Au  cours  des  siècles  les  travaux  et  les  guerres  ont  abaissé  les  hauteurs  des  collines  et  comblé  les  
fossés  des  vallées.  
25Ayant  été  voué  aux  sacrifices  d’enfants  et  ayant  servi  de  fosses  communes  et  de  dépotoir,  ce  ravin  a  

été  vu  comme  le  lieu  du  jugement  dernier.  D'ailleurs,  Josaphat  signifie  Dieu  juge  et  c’est  de  Gé-­‐Hinnom  
que  nous  vient  le  mot  Géhenne.  

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e) Néguev

Le Néguev signifie pays du sud et désigne une immense étendue désertique.


En fait, c’est la juxtaposition de plusieurs déserts (Nb 10.12) allant de la
Judée jusqu’à la péninsule du Sinaï et représentant une superficie presque
égale au pays habité. Le nord du Néguev revenait à la tribu de Siméon (Jos
19.1-9). C’est là où s’est déroulé l’un des fameux épisodes où Abraham fait
passer sa femme pour sa sœur à Guérar (Gn 20.1-2). S’y trouve également le
site de Béer-Schéba délimitant au sud la terre d’Israël d’après l’expression
biblique consacrée de Dan jusqu’à Béer-Schéba (Jg 20.1). 

3. Dépression du Jourdain
Le Jourdain est le cours d’eau qui marque la frontière entre la Cisjordanie et la
Transjordanie. Il est situé dans le creux d’une profonde dépression qui traverse
la terre sainte du nord au sud26. Cette vallée bordée de montagnes abruptes est
appelée la dépression du Jourdain, et était dans ce pays au relief accidenté, l’une
des rares voies d’accès nord-sud. Le Jourdain tire sa source du Mont Hermon
(Ps 133.3), le plus élevé de toute la région, et débute son périple israélien à Dan
tiré de la tribu du même nom (Jg 18) qui est aussi la limite septentrionale
d’Israël. Tout près se trouve la forteresse de Hatsor (1R 9.15). Ensuite, le
Jourdain s’écoule étroitement sur 16 km jusqu’au Lac de Tibériade. Mesurant
21 km de long par 12 km de large, il est aussi appelé Mer de Galilée, Lac de
Gennésareth et Mer de Kinnéret. C’est sur sa rive que se trouvait le village de
pêche de Carpharna m (Mc 1.21) où Jésus établira ses quartiers. Le Jourdain
reprend par la suite son cours sur une centaine de kilomètres jusqu’à la mer
Morte, croisant Guilgal qui a été le lieu du premier campement israélite en
Canaan (Jos 4.19) et Jéricho (Jos 6). Le nom de la Mer Morte lui vient du fait
qu’aucune forme de vie ne s’y développe. Ce phénomène est dû à son haut
niveau de salinité causé par son évaporation accélérée. C’est pourquoi elle est
aussi appelée la Mer du Sel (Nb 34.11). Se situant à environ 400 m sous le
niveau de la mer, c’est le point le plus bas de la planète. On la désigne
quelquefois aussi comme étant la mer de la Araba (Jos 12.3) puisqu’elle
débouche au sud sur une région aride comme signifie ce mot (Dt 4.49). Nous
sommes aussi dans la région de Sodome et Gomorrhe (Gn 13.10).

                                                             
26   En   fait,   la   dépression   du   Jourdain   fait   partie   d’une   faille   géographique   majeure   (le   grand   rift)  
s’étendant  de  la  Syrie  à  l’Afrique.  

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4. Plateaux transjordaniens

À l’est du Jourdain se trouvent les plateaux transjordaniens. Au pied du


majestueux Mont Hermon (Dt 3.8) se trouve le plateau de Bashân et territoire
transjordanien de la tribu de Manassé (Jos 17.1). Plus au sud se trouve celui de
Galaad (Jos 12.2) attribué aux tribus de Gad et Ruben (Nb 32). Ces endroits
plats étaient propices à l’élevage du bétail (Ps 22.13; 1Ch 5.9). Au sud du
Galaad s’étend le territoire de trois nations traditionnellement hostiles à Israël :
Ammon, Moab et Édom (1S 14.47). Ajoutons à ces ennemis, les Amalécites
et les Madianites qui étaient des peuples nomades basés dans le désert plus au
sud (Jg 6.3). 

Voici un résumé visuel de la géographie de la Palestine. 

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Voici également trois coupes transversales du pays qui vous donneront une
excellente idée de sa dénivellation.

▪ 1. De la Méditerranée jusqu’au plateau de Bashân (Golan). 


▪ 2. De Asdod jusqu’à Moab (mont Nébo). 
▪ 3. De la Haute-Galilée jusqu’à Hébron. 

La géographie accidentée de la Palestine jumelée à son positionnement central


dans le Moyen-Orient en font un pont terrestre aux itinéraires routiers
recherchés. 
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En terminant, il convient d’aborder l’aspect climatique de la Palestine. Israël


se situe dans une zone de transition entre un climat méditerranéen et un climat
désertique. La région côtière et celle des montagnes sont donc caractérisées par
un climat tempéré, le sud de la Judée et la dépression du Jourdain par le climat
semi-aride des steppes et le Néguev par un climat désertique. La présence du
désert de Judée à l’est s’explique par les nuages de précipitation venant de la
Méditerranée qui sont stoppés du côté ouest par les montagnes. Bref, de
manière générale, on peut qualifier le climat de très instable27. Voici ce que dit
le Nouveau Dictionnaire Biblique concernant les précipitations : le climat de la
Syrie et de la Palestine se caractérise par une division de l’année en saison des pluies et saison
sèche. Vers la fin d’octobre, une forte pluie souvent orageuse commence par intervalles,
pendant un ou plusieurs jours à la fois. La Bible l’appelle pluie de la première saison (Jr
5.24). Son nom hébreu est yoreh (« la torrentielle ») ; elle ouvre l’année agricole en
amollissant le sol durci et craquelé par la sécheresse de l’été, et le labourage peut commencer,
suivi par les semailles. Jusqu’à la fin de novembre, la moyenne des pluies n’est pas très élevée,
mais elle augmente de décembre à février. Les pluies de l’arrière-saison (hébreu malgoch), sont
les lourdes averses de mars au milieu d’avril. Elles sont particulièrement appréciées, tombant
avant la moisson et la longue sécheresse des mois d’été. À cet égard, notons les
nombreux oueds de la Palestine qui sont des rivières asséchées l’été se
transformant en torrents dévastateurs à la saison des pluies. Le climat
méditerranéen de la majeure partie Palestine permet différentes cultures :
vignes, figuiers, oliviers et céréales (Amos 4.9). Toutefois, rappelons-nous
qu’une bonne partie du territoire à l’époque de l’AT était recouverte de forêts
(Jos 17.15, 18). 
                                                             
  La  température  moyenne  monte  à  30  °C  l’été  et  descend  jusqu’à  12  °C  l’hiver  avec  gel  possible  donc  
27

neige  occasionnelle.  

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1.6  PEUPLES  DE  L’AT  


L’AT mentionne de nombreuses ethnies avec lesquelles Israël était en relation
(généralement caractérisée par l’hostilité). Deux regroupements sont nécessaires
pour aborder ces différentes nations de l’AT. Il y a premièrement les petits
voisins qui sont au regard de l’Histoire de modestes empires et qui ont réussi à
un moment ou un autre à établir une certaine domination régionale. Leurs
succès ne seront qu’une brève parenthèse dans l’histoire du POA causée par
l’incapacité d’une grande nation à établir sa suprématie sur les autres durant
cette période. 

La Phénicie était un regroupement de Cité-États indépendante comme Tyr,


Sidon et Biblos. Leur influence est beaucoup plus religieuse et culturelle que
politiques. La Bible mentionne que le roi Achab prit pour femme Jézabel, fille
d’Eth–Baal, roi des Sidoniens, et il alla servir le Baal et se prosterner devant lui (1R
16.31), faisant ainsi de Baal la divinité officielle du royaume du nord28. Ce Baal,
signifiant littéralement Maître, était le dieu de l’orage (donc de la pluie et donc
de la fertilité). Bien qu’adoré un peu partout dans la région, il est resté
étroitement associé à la Phénicie. Étant une nation côtière, l’expansion
phénicienne s’est surtout faite vers l’ouest par voie maritime. C’est pourquoi les
Phéniciens se font assez discrets dans la Bible.

La Philistie était formée d’une coalition de cinq villes : Gaza, Ashdod,


Ashqelôn, Eqrôn et Gath. Les Philistins font partie de ce que les archives
égyptiennes appellent les peuples de la mer faisant allusion à ces masses de
populations indo-européennes qui sont arrivées sur la côte méditerranéenne29.
L’installation des Philistins en Palestine a eu lieu à peu près en même temps que
celle des Israélites30. Grands rivaux, étant réciproquement un obstacle à
l’emprise de l’autre sur la région, les Philistins étaient par contre plus avancés
technologiquement (Jg 1.18-19; 1S 13.19-22; 17.4-7). 

Aram (quelques fois traduit par Syrie dans la Bible) était composé de plusieurs
districts situés autour du bassin de l’Euphrate où ont habité les patriarches (Gn
28.5). Les Araméens étaient les voisins nord-est d’Israēl. Dieu demandera à Élie
Élie d’aller jusqu’à Damas pour conférer l’onction à Hazaël, fils de Ben-Hadad,

                                                             
28   Jézabel  peut  vouloir  dire  Baal  exalte,  Baal  est  son  époux  et  son  père  Eth-­‐Baal  signifie  Baal  avec  lui.    
29   Ils  sont  probablement  issus  de  la  mer  Égée  (Grèce  et  Turquie  aujourd’hui).  
  Paradoxe  de  l’Histoire  :  les  Israélites  fuyant  l’Égypte  et  les  Philistins  ayant  été  repoussés  d’Égypte  
30

après  avoir  tenté  de  l’envahir.  

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21  
 

pour qu’il soit roi sur Aram (1R 19.15), mais les Araméens demeureront
généralement ennemis d’Israël (2R 13.3). 

Ammon était un royaume situé en Transjordanie entre le Jourdain et le désert


et dont l’ancêtre était un des fils de Lot (Gn 19.38). Bien que leur origine
incestueuse annulait en quelque sorte pour leur cousin israélite, le fait qu’il était
eux aussi apparenté à Abraham, c’est surtout parce qu’ils ont continuellement
manifesté de l’animosité envers Israël, que les Ammonites ont été stigmatisées
pour toujours en ennemi d’Israēl (Dt 23.3-4; Jr 49.1-6)31. Leur principale
divinité était Molek dont le culte requérait le sacrifice d’enfant qu’on brûlait vif
(Lv 18.21; 1R 11.7). 

Moab se trouvait au sud d’Ammon et étant aussi issue d’un des fils de Lot, lui
était étroitement associé (Gn 19.37). Par conséquent, ce qui a été dit sur
Ammon s’applique aussi totalement à Moab. De même, leur divinité bien
qu’ayant un nom différent, Kemosh, était adorée d’une manière similaire à Molek.
(1R 11.7; 2R 3.27). 

Édom lui aussi plus au sud, est issu d’Ésaï et était appelé à l’origine pays de Séir
(Gn 36.8). Étant donné qu’Ésaū était le frère biologique de Jacob, au tout début
les Édomites étaient considérés différemment des Ammonites et des Moabites
(Dt 2.4-5). De plus, nulle part il n’est fait mention d’idolâtrie de leur part dans
la Bible. Les Édomites motivés par la jalousie se sont malgré tout levés en
ennemis d’Israēl (Ez 35.15). Ils profiteront de la chute de Juda pour étendre
leur territoire dans la partie sud de la Cisjordanie qui sera appelée Idumée32 (Ez
36.5). 

Il y a deuxièmement les grands empires qui ont établi leur hégémonie,


souvent à long terme, sur le bassin du croissant fertile.

L’Égypte est une civilisation influente très ancienne remontant à au moins


3200, donc établie déjà depuis longtemps aux époques bibliques. Il n’est donc
pas surprenant qu’elle jouera un rôle clé tout au long de l’AT et que beaucoup y
chercheront refuge : Abraham, Joseph, les rois d’Israël, Jérémie, jusqu’à la
famille de Jésus (Gn 12.10; Gn 37.36; 2R 17.4; 2R 25.26; Mt 2.13)33. La position

                                                             
31  L’amitié  des  Ammonites  pour  David,  motivée  par  son  affiliation  moabite  et  par  le  fait  que  Saūl  était  
un  ennemi  commun,  est  l’exception  qui  confirme  la  règle  (1  Ch  19.1-­‐2).  
32  Idumée  signifie  en  grec  qui  appartient  à  Édom.  Petite  parenthèse  :  l’impopularité  des  Hérode  du  NT  

s’explique  par  le  fait  qu’ils  étaient  Iduméens,  donc  pas  tout  à  fait  juif  
33  D'ailleurs,  cela  a  même  été  reproché  au  peuple  de  Dieu.  Malheur  à  ceux  qui  descendent  en  Égypte  

pour  avoir  du  secours,  Qui  prennent  leur  appui  sur  des  chevaux  Et  se  fient  aux  chars  à  cause  de  leur  

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22  
 

enviable de l’Égypte lui vient de son climat doux et de sa fertilité naturelle


apportée par les crues du Nil. Inversement, Canaan était aussi d’un grand
intérêt pour les Égyptiens qui y cherchaient certaines matières premières
comme le bois et qui se servaient du territoire comme zone tampon pour
protéger ses frontières. À cet égard, l’Histoire nous apprend que vers le 18e s.
des populations sémites connues sous le nom de Hyksos, qui veut dire princes des
pays étrangers, ont envahi l’Égypte et y ont établi une dynastie qui régnera sur
l’Égypte et Canaan pendant environ 2 siècles. Peut-être est-ce la source de
l’hostilité du Pharaon envers les Hébreux dans Exode? Le panthéon égyptien
comportait de nombreux dieux (Horus, Osiris, etc.) régissant les phénomènes
naturels et le pharaon, considéré fils du dieu suprême Amon-Rê, étaient le
médiateur entre ces dieux et les hommes34. C’est en Égypte que s’est aussi
développé un système d’écriture originale nommé hiéroglyphes. Malgré sa perte
de puissance, l’Égypte réussira à maintenir son indépendance face aux grands
empires émergents grâce à sa renommée passée et à son éloignement
géographique.

L’Assyrie se situe dans un territoire qui a toujours été chaudement disputé, 


située autour de la section centrale du Tigre, entourée de hautes montagnes au
nord et à l’est et du désert à l’ouest. Les Assyriens étaient anciennement une
peuplade de nomade sémitique. Bien que déjà établis dans la région depuis
2300, ils ne deviendront une grande puissance qu’au 14e s., qui après avoir
décliné, renaîtra de ses cendres au 8e s. pour devenir le nouvel empire assyrien
qui anéantira la majorité des petits royaumes du Proche-Orient et soumettra ses
grands rivaux. Les Assyriens n’avaient d’égal à leur génie que leur cruauté. En
effet, ils alliaient à leur technologie militaire innovatrice (par exemple, leurs
engins de siège), une psychologie de la terreur comme l’empalement de
cadavres, l’amoncellement de têtes coupées, l’écorchage vif de prisonniers, etc.
L’anthropologue Eugène Nida écrit que de toutes les cultures connues, les deux qui se
sont livré aux sacrifices humains et à la torture de masse des prisonniers avec le plus de
sadisme ont été celles des Aztèques du Mexique et des Assyriens de Mésopotamie35. Leurs
temples étaient présents dans chaque ville principale, comme les capitales
Assour (du nom de leur divinité principale) et Ninive, leurs palais étaient
construits avec faste et leurs bibliothèques contenaient des milliers de tablettes
d’argile d’ordre administratif, juridique et religieux. Les Assyriens feront

                                                                                                                                                                                     
nombre  Et  aux  cavaliers,  parce  qu’ils  sont  très  forts,  Mais  qui  ne  regardent  pas  vers  le  Saint  d’Israël  Et  
ne  recherchent  pas  l’Éternel  !  (És  31.1).  
   Les   plaies   d’Égypte   sont   non   seulement   un   jugement   envers   l’Égypte,   mais   aussi   une  
34

démonstration  de  la  supériorité  de  YHWH  sur  ces  divinités  égyptiennes  bafouées  représentées  par  le  
Pharaon  (Ex  12.12).  
  Nida,  E.  A.  Coutumes  et  cultures.  Neuchâtel,  Éd.  des  groupes  missionnaires,  1978,  p.  55.  
35

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23  
 

irruption de manière dramatique dans l’histoire d’Israël en soumettant et


déportant le royaume du nord (2R 17.6). Les artisans de cette pratique, qu’ils
ont eux-mêmes inventée, seront dans la Bible les rois Tiglath-Piléser III,
Salmanasar V, Sargon II, Sennachérib, etc.. La suprématie assyrienne prendra
fin avec la chute de sa capitale Ninive, aux mains des Babyloniens en 612. 

La ville de Babylone est une Cité-Royaume qui se trouve dans le sud de la


Mésopotamie dans la plaine entre le Tigre et l’Euphrate entourée de la Syrie,
l’Assyrie et du golf persique. La civilisation babylonienne rivalise d’ancienneté
avec l’Égypte et remonte à la construction de la tour de Babel (Gn 11.1-9)36.
C’est d’ailleurs en Mésopotamie qu’on a non seulement retrouvé les plus
anciennes traces d’écriture, mais que s’est aussi développée l’écriture
cunéiforme. Les ancêtres des Babyloniens étaient les Sumériens qui ont plus
tard été absorbés par les Akkadiens (Gn 10.10) et seront aussi éventuellement
nommés Chaldéens (Gn 11.28)37. Bien qu’influente depuis de nombreux siècles
en tant que référence religieuse et culturelle, la puissance de l’empire babylonien
n’a véritablement émergé qu’au 13 ou 14e s. sous Hammourabi38, mais surtout
au 7e s. avec Nabuchodonosor qui sera le tombeur du royaume de Juda (2R
25.8-11). Les exilés ont dû en avoir plein la vue en constatant l’architecture
somptueuse de Babylone ornée d’une multitude de représentations religieuse en
l’honneur des dieux tels Mardouk. De plus, les jardins de Babylone étaient
considérés par les Anciens comme l’une des sept merveilles du monde
surpassés en beauté que par la pyramide égyptienne de Khéops. Malgré tout,
l’apogée de la glorieuse Babylone ne durera qu’un siècle. 

La Perse fait figure de jeune empire en comparaison des trois précédents. Les


Perses sont des nomades qui se sont établis au nord-est du golf persique ayant
Suse pour capitale. Soumis aux Mèdes, ils se révolteront sous Cyrus le Grand,
les vaincront et hériteront de l’ensemble de l’empire mède. Ils prendront par la
suite Babylone en 539, et ce, sans avoir à combattre39. Par la suite, les Darius,
Assuérus, Artaxerxès et autres (Dn 6.28; Est 1.2; Né 2.1) domineront sur un
territoire d’une ampleur sans précédent dans l’Histoire et avec des limites
s’étendant du nord de l’Inde, jusqu’en Afrique en passant par la Grèce (futur
siège de la nouvelle puissance mondiale). Deux éléments permettront au Perse
de garder le contrôle d’un si vaste territoire pendant près de 2 siècles.

                                                             
36   Babylone  se  dit  Babel  en  hébreu  et  n’est  qu’un  seul  et  même  terme  dans  les  manuscrits  originaux.    
37   Généralement  un  qualificatif  de  l’empire  néo-­‐babylonien  du  7e  s..  
  Hammourabi  est  renommé  par  son  code  juridique  que  plusieurs  comparent  à  celui  de  Moīse.    
38

  Cyrus  avec  son  armée,  se  seraient  introduit  subtilement  de  nuit  dans  la  ville  en  détournant  le  cours  
39

de   l’Euphrate.   Sa   réputation   de   tolérance   religieuse   lui   aurait   surtout   apporté   l’aide   du   clergé  
babylonien  en  conflit  avec  la  royauté  chancelante.            

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24  
 
L’efficacité de leur administration qui harmonisera les lois, la langue, la
monnaie et les communications dans l’empire tout en le divisant en provinces
autonomes (satrapies). Et leur politique, en rupture complète avec celles des
anciennes puissances, permettant le retour des prisonniers de guerre et la
reconstruction des lieux de culte. Les Perses pratiquaient une toute nouvelle
religion monolâtre fondée par un de leurs prophètes Zoroastre.

Un dernier empire mérite quelques commentaires. L’AT mentionne une


cinquantaine de fois les Hittites (Gn 26.34; Jos 1.4; 2R 7.6). Ceux-ci,
longtemps considéré comme une fable biblique par certains spécialistes, ont
envahi le Proche-Orient à partir de l’Asie Mineure, aux 14-13ème s.. Plus tard le terme
hittite a été étendu, dans l’usage mésopotamien, de façon à inclure toute la région à l'ouest de
l’Euphrate, la Syrie et le pays d’Israël40. Non seulement les récentes découvertes
archéologiques du dernier siècle ont-elles permis de confirmer l’historicité des
Hittites, mais aussi d’établir que la complexité du code sexuel des Hittites montre le
degré de réflexion et d’analyse mené au sein de cette société41. Ce qui pourrait expliquer la
chaste attitude d’Urie dans l’épisode suivant l’adultère de David (2S 11.3, 6-13). 
 

                                                             
40   NBS,  p.  38.  
41   À  la  découverte  des  peuples  mystérieux,  Science  et  Avenir  (hors-­‐série),  Juillet/Août  2010,  p.28.      
Page 25

 

2.  Pentateuque  
2.1.  INTRODUCTION  AU  PENTATEUQUE  
 

STRUCTURE  DU  PENTATEUQUE  

Les cinq premiers livres de la Bible, bien qu’étant des livres indépendants,
forment un tout allant de la création du monde (Gn 1) à la mort de Moïse (Dt
34). Dans la tradition juive cet ensemble de livres porte le nom de Torah, que
nous traduisons par loi, mais qui signifie d’abord enseignement, instruction. La
version grecque l’appelle Pentateuque signifiant littéralement les cinq étuis où  
l’on rangeait les rouleaux. Bien que ces cinq livres soient les mêmes, ils
divergent de noms entre les Bibles grecques (chrétiennes) et juives. Les
premiers ont préféré les nommer en fonction de leur contenu alors que les
seconds ont choisi de les titrer de leurs premiers mots selon l’usage de l’époque.

Nom grec  Signification Nom hébraïque Signification


Genesis Origine Bereshit Au commencement
Exodos Sortie Shemot Voici les noms
Lévitikon Du Lévite Wayyiqra Il appela
Arithmoi  Nombres Bemidbar Dans le désert
Deutéronomion Deuxième loi Debarim Paroles

Tout en ayant leur message indépendant, ces livres du Pentateuque forment


un ensemble bien coordonné avec une histoire, une intrigue, un thème et un
auteur commun. 
GENÈSE DEUTÉRONOME
Première promesse (12.7)  Dernière promesse (34.4)
Bénédiction de Jacob (49)  Bénédiction de Moïse (33)

EXODE  NOMBRES
Égypte-désert-Sinaï  Sinaī-désert-Moab
Pâques (12)  Pâques (9)
Murmures (15-17)  Murmures (11-20)
Le sanctuaire (25-40)  Le camp (1-9)

LÉVITIQUE
Sacrifices et prescriptions (1-15)
* Le rituel du Grand pardon (16)
Prescriptions et sacrifices (17-26) 

Page 26

 

À la lumière de ce tableau, soulignons quelques éléments dans la structure


littéraire du Pentateuque.

▪ La Genèse et le Deutéronome sont des livres parallèles qui servent de


cadre extérieur. La dernière promesse de Dieu à Moise (Dt 34.4) est une
citation de la première à Abraham (Gn 12.7). Ils contiennent aussi tous deux
dans leur avant-dernier chapitre, une bénédiction donnée aux fils d’Israël
par une figure marquante de l’identité juive mourant immédiatement après
(Jacob dans la Genèse et Moïse dans le Deutéronome). 

▪ L’Exode et les Nombres sont aussi en parallèles et forment un cadre


intérieur au Pentateuque. Ils présentent des trajectoires inversées du peuple
en marche ainsi que plusieurs corrélations thématiques. À ce sujet, les
murmures des Nombres sont sanctionnés par Dieu, contrairement à ceux de
l’Exode, car ils suivent la révélation de la Loi au Sinaï (Ex 19-Nb 10), qui
se veut le pivot thématique du Pentateuque.

▪ Le Lévitique est le centre du Pentateuque et a lui-même comme point


culminant en son plein centre (faites-le test!) l’expiation lors du rituel du
Grand pardon.

AUTEUR  DU  PENTATEUQUE  

L’origine mosaïque du Pentateuque n’a jamais vraiment été contestée. Jusqu’au


18e siècle! À cette époque plusieurs interrogations ont commencé à remettre en
question le fait que Moise soit l’auteur de l’ensemble de ces cinq livres. Par
exemple, 1) comment aurait-il pu écrire le récit de sa propre mort (Dt 34.5)? 2)
Ou encore comment Moïse aurait pu écrire qu’il était un homme très humble, plus
qu’aucun être humain sur la terre (Nb 12.3). 3) D’autres éléments jugés
anachroniques ont présupposé une rédaction plus tardive, par exemple les
allusions à la monarchie (Gn 36.31) et à la Transjordanie (Nb 22.1). 4) Ont
aussi été soulevés, certaines contradictions (Ex 7.3; 8.11),  répétitions (Gn
1.27; 2.7 et 12.10-20; 20; 26), mais surtout les variations continuelles d’emploi
entre le nom propre de Dieu (YHWH) et le nom plus générique (Elohim).
L’acceptation d’une théorie selon laquelle Moise aurait utilisé différentes
sources pour rédiger le Pentateuque a donc éventuellement commencé à faire
son chemin. Dès lors, il ne restait qu’un pas à franchir pour rayer la mosaïcité
du Pentateuque. 

Page 27

 

C’est ce que s’est empressée de faire la théorie documentaire. Selon cette théorie,


on imagina à la base du Pentateuque plusieurs trames narratives, indépendantes les unes des
autres et rédigées à des époques différentes, relatant chacune la même intrigue, mais avec des
accents théologiques différents. Ces documents auraient été réunis les uns aux autres par des
rédacteurs successifs1. Celle-ci a pris son véritable envol à la fin du 19e siècle dans
un contexte marqué par le rationalisme ambiant. Faute de points de comparaison dans le
POA, on se contenta bien souvent d’appliquer les théories littéraires à la mode. Les
philosophies ambiantes laissèrent aussi des traces profondes, en particulier la conception
évolutionniste qui marqua si profondément le XIXe siècle. Cette vision fut appliquée à la
religion d’Israël, mais aussi à sa littérature. Une des conséquences de cette nouvelle approche
fut le scepticisme envers les traditions bibliques, plus précisément la vérité historique de l’AT
et l’intégrité de ses formes littéraires. C’est ainsi que le Pentateuque fut décomposé en quatre
source ou documents, J, E, D, P,de composition plus ou moins récente2.3 Cette approche a
fait consensus dans les milieux critiques pendant un bon siècle et ce, jusque
dans les années 70 où un retour du balancier a commencé à se faire sentir. 
Alors que la méthode historico-critique dominante tentait surtout d’expliquer le
processus conduisant à la formation du Pentateuque, aujourd’hui les avis
convergent de plus en plus sur la nature du texte définitif du Pentateuque comme un corpus
unifié4. 

Cela étant dit, la question demeure : Moïse est-il l’auteur des cinq livres du
Pentateuque? Sans entrer de plain-pied dans le débat, soulignons quand même
quelques contre-arguments des défenseurs de la mosaïcité du Pentateuque. 

▪ Le Pentateuque lui-même (Ex 34.27; Dt 31.24), l’ensemble de l’AT (Jos


1.7; Esd 6.18), le NT (Rm 10.5; 2 Co 3.15) et bien évidemment Jésus lui-
même (Mc 12.26; Jn 7.19), attestent que Moïse est l’auteur du Pentateuque.
Cela étant dit, rappelons-nous qu’au sens strict, la Torah est anonyme. Ses cinq
livres n’affirment à aucun moment, ni explicitement ni implicitement, qu’ils ont Moīse
pour auteur exclusif5.

                                                             
1  Rōmer,  p.  69.  
2  Bergey  et  Berthoud,  p.  4-­‐5.  
3  Fondée  par  le  théologien  protestant  Julius  Wellhausen,  la  théorie  documentaire  ou  des  sources,  est  

communément   appelé   JEDP   et   tire   son   nom   de   la   1re   lettre   en   allemand     des   quatre   sources  
hypothétiques:  1)  La  source  Yavhiste  (J)  qui  tenterait  de  justifier  la  dynastie  Davidique  (env.  930),    
2)   La   source   Eloīste   (E)   qui   serait   nordiste   près   des   milieux   prophétiques,   insistant   sur   le  
comportement   éthique   (850-­‐750),   3)   La   source   Deutéronomiste   (D)   qui   serait   anti-­‐royaliste  
mettant  l’accent  sur  l’alliance,  la  loi  et  le  monothéisme  (750-­‐620)  4)  La  source  Sacerdotale  (P)  qui  
serait  issue  de  la  prêtrise  soulignant  la  souveraineté  et  la  sainteté  de  Dieu  (env.  550).    
4   Bergey  et  Berthoud,  p.  19.  
5   Longman,  p.30.  

Page 28

 

▪ Les indices internes du Pentateuque nous amènent à conclure que l’auteur


a de toute évidence résidé en Égypte (Gn 13.10), connaissait très bien la
langue égyptienne (Gn 41.45), tout en connaissant peu la Palestine (Gn
33.18), a été un témoin oculaire de l’Exode (Ex 15.27) et de la vie au désert
(Nb 11.7-8), et a bénéficié d’une éducation de très haut niveau (Ex 2.10)
comme en témoigne, entre autres, la structure recherchée du Pentateuque.
Qui donc mieux que Moïse, répond à toutes ces qualifications? 

▪ Les soi-disant anachronismes peuvent aussi être explicables. L’allusion


précoce à la monarchie pouvait très bien s’avérer possible étant donnée la
promesse à Abraham que des rois sortiront de lui (Gn 36.31; 17.6). L’emploi
d’Au-delà du Jourdain en référence à la Transjordanie pouvait très bien être
une convention géographique (Nb 22.1)6. Et le récit de la mort de Moïse
peut très bien avoir été écrit par Josué. 
▪ Pour le reste, les contradictions ne seraient-elles pas en fait des
compléments, les répétitions des récapitulations7 et les variations des
formulations différentes plutôt que des divisions?

Cela étant dit, nous avons ici un bel exemple de cette nouvelle voie qui émerge
des évangéliques aujourd’hui. Pendant longtemps, un seul front existait : les
évangéliques soutenants que Moïse est l’unique auteur du Pentateuque versus
les critiques excluant totalement Moīse dans la formation du Pentateuque. La
position évangélique moderne n’est à l’aise ni avec l’un ni avec l’autre et
conséquemment, se loge entre les deux. La position évangélique moderne
affirme donc la paternité mosaīque substantielle du Pentateuque, conforme aux
données internes disséminées dans le texte et la solidité des témoignages externes, tout en
admettant l’existence de sources antérieures ainsi que de gloses et de rédactions
ultérieures8.9

                                                             
6  La  Rive-­‐Nord  de  Montréal  est  appelée  ainsi,  car  elle  regroupe  la  région  au  nord  de  la  Rivière-­‐des-­‐

Prairies.  Cela  dit  elle  est  toujours  appelée  ainsi  même  si  elle  est  aussi  sur  la  Rive-­‐Sud  de  la  rivière  des  
Mille-­‐Îles.      
7   Tous   ces   phénomènes   de   style,   à   la   fois   l’usage   de   couplets,   usage   commun   à   tout   le   PO,   et   les  

répétitions  stylistiques  (dans  la  littérature  de  la  Genèse  et  de  la  Mésopotamie),  sont  une  part  intégrante  
de  l’usage  littéraire  du  PO  et  de  la  Bible.  Kitchen,  Des  origines  à  l’Exode  :  la  Genèse,  p.  26.  
8  Longman  p.41.    
9  On  ne  peut  nier  qu’il  y  a  évidence  de  source  antérieure  :  C’est  pourquoi  il  est  dit  dans  le  livre  des  
Guerres  du  SEIGNEUR…  (Nb  21.14).  Tout  comme  la  présence  de  gloses  ultérieures  est  indéniable  :    Les  
Cananéens  étaient  alors  dans  le  pays  (Gn  12.6)  est  nécessairement  un  mention  ultérieure  étant  donné  
que  c’était  évident  à  l’époque  de  Moīse,  la  ville  de  Dan  ne  sera  nommée  ainsi  qu’à  l’époque  des  Juges  
(Gn  14.14;  Jg  18.29),  la  nation  d’Israēl  n’est  pas  encore  formée  à  l’époque  de  la  Genèse  (Gn  34.7),  tout  

Page 29

 

Cela étant dit, il serait pertinent d’apporter ici une parenthèse sur les droits
d’auteurs dans l’Antiquité. Dans la majeure partie de la Bible hébraïque comme dans la
littérature antique en général, la notion d’auteur n’a pas exactement le même contenu qu’en
littérature moderne. Le rôle du rédacteur varie d’ailleurs selon les textes. S’il est tributaire
d’une tradition orale également connue des lecteurs (ou auditeurs), il n’aura que relativement
peu de latitude. Puisqu’il réécrit autant ou plus qu’il n’écrit, son message, ses préoccupations
ou ses centres d’intérêts propres n’apparaissent d'ordinaire que dans des touches discrètes,
comme en marge du texte, ou même à la comparaison avec d’autres écrits. De fait, dans la
Bible, les récits, mais aussi les poèmes, les méditations, les prières, les préceptes de tous ordres
ne tirent pas leur autorité de la personnalité de leur auteur : la relative rareté des textes à la
première personne du singulier en témoigne. C’est surtout par son contenu et par l’office
(prophétique, sacerdotal, royal) auquel il se rattachait que tel ou tel texte se signalait aux
sages juifs comme digne d’être retenu, recopié et transmis au peuple par une lecture à haute
voix. Dès lors, ce qui importe principalement, c’est l’analyse littéraire des textes eux-mêmes,
tels qu’ils nous sont parvenus.10. 

Poursuivons avec une dernière citation concernant ces interventions


rédactionnelles de personnes autres que Moïse dans le Pentateuque. La
question la plus importante au sujet de ces interventions rédactionnelles pré- et post-mosaīques
est celle de leur nature. Elles n’enlèvent rien à l’authenticité du texte. Il ne s’agit pas de
relectures, de réinterprétations et de remaniement de fonds des traditions et des textes du
Pentateuque. Elles ne modifient pas l’histoire rapportée dans les traditions. En revanche elles
rendent plus clair le sens des textes pour les auditoires des époques auxquelles ces mises à jour
ont été introduites11.

En clair, la touche des rédacteurs subséquents qui ont transmis le Pentateuque à


leurs générations, n’altère absolument en rien le fait que Moïse en est l’auteur.

                                                                                                                                                                                     
comme   l’établissement   du   sanctuaire   à   celle   de   l’Exode   (Ex   15.17),   les   mentions   de   la   conquête  
accomplie  et  de  la  déportation  dans  le  Deutéronome  sont  aussi  anachroniques  (Dt  2.12;  29.27)  etc.  
10   NBS,  p.  18.  
11   Bergey  et  Berthoud,  p.  23.  

Page 30

 
2.2.  LIVRES  DU  PENTATEUQUE  

GENÈSE  

Affirmons-le d’emblée, bon nombre de récits de la Genèse ont leur parallèle


dans la littérature du POA. Ainsi, la création biblique est apparentée à l’Enuma
Elish12, le déluge à l’Épopée de Gilgamesh13, l’histoire des Patriarches trouvent des
parallèles dans les textes de Mari et Nuzi14. La qualité des récits bibliques de la
Genèse ne se trouve donc pas dans leur originalité, mais dans ce que certains
ont qualifié de sobriété éclairée, de ces réponses polémiques israélites aux
récits païens parallèles qui semblent remonter à un événement ancien commun15.

Genèse nous vient du grec genesis qui traduit le mot hébreu toledoth et peut


signifier origine, généalogie, génération, postérité, lignée, succession, etc. Ce
mot clé nous rappelle continuellement que nous sommes dans le traité des
origines. La structure littéraire de livre se développe autour des onze
mentions de ce terme et se compose donc d’un prologue suivi de dix épisodes.
Ainsi, il y a donc la généalogie (ou l’origine) du ciel et de la terre (2.4), d’Adam
(5.1), de Noé (6.9), de ses trois fils (10.1), de ceux Sem (10.10), de Térah
(11.27), d’Ismaël (25.12), d’Isaac (25.19), d’Ésaū (36.1) et finalement de Jacob
qui deviendra Israël (37.2). Notons que l’utilisation de listes généalogiques est
un trait commun largement répandu dans la littérature du POA16. Ces
généalogies servent donc de marqueurs littéraires permettant de séparer le
texte, présenter de nouveaux personnages et insérer des notes additionnelles
sur l’un d’eux lorsque nécessaires (10.8-12). 

                                                             
12  Au  commencement  étaient  Apsu  et  Tiamat.  Apsu,  le  mâle,  était  l'eau  douce,  et  Tiamat,  son  épouse,  
était  le  grand  océan  chaotique  primitif,  et  le  Dragon.  Ils  donnèrent  naissance  à  de  nombreux  dieux,  et  à  
Muumuu,  la  brume,  qui  devint  le  conseiller  d'Apsu...  
13  En  ce  temps-­‐là  le  monde  regorgeait  de  tout;  les  gens  se  multipliaient,  le  monde  mugissait  comme  un  
taureau  sauvage  et  le  grand  dieu  fut  réveillé  par  la  clameur.  Enlil  entendit  la  clameur  et  il  dit  aux  dieux  
assemblés  :   —   le   vacarme   de   l'humanité   est   intolérable,   et   la   confusion   est   telle   qu'on   ne   peut   plus  
dormir.  Ainsi  les  dieux  furent-­‐ils  d'accord  pour  exterminer  l'humanité.  Enlil  le  fit,  mais  Ea,  en  raison  de  
son   serment,   m'avertit   en   songe…   détruis   ta   maison   et   construis   un   bateau…   alors,   rassemble   à  
l'intérieur   du   bateau   la   semence   de   tous   les   êtres   vivants...   Le   temps   était   écoulé,   le   soir   venait,   le  
cavalier  de  l'orage  lançait  la  pluie...    
14   Par   exemple,   se   susciter   un   héritier   par   la   servante   de   sa   femme   stérile   était   une   pratique  
reconnue.  
15  Kitchen,  Op.  cit.,  p.  18.  
16  Ces  listes  ne  sont  pas  toujours  continues  et  ne  permettent  pas  d’établir  une  suite  chronologique  
précise.   Comme   autre   parallèle   avec   la   Genèse,   on   a   aussi   trouvé   ailleurs   de   grands   écarts   de  
longévité  entre  avant  et  après  le  déluge.    

 
Page 31

 

Le livre de la Genèse se divise de manière générale en deux grandes sections. La


première est l’HISTOIRE DES ORIGINES (1-11) qui évoque la genèse des
grandes questions de l’humanité : Dieu, le monde, le couple, la sexualité, la
violence, la mort, la fin du monde, etc. Ce n’est pas par hasard, si une bonne
partie des récits de ces premières pages de la Bible fait partie de la culture
populaire : Adam et Ève, le Jardin d’Éden, le serpent, la pomme (!), l’arche de
Noé, la tour de Babel, etc. Le tout s’articulant autour de trois grands thèmes : la
création du monde et l’humanité (1-2), le péché et la chute (3-4), et la
civilisation, sa rébellion et la grâce divine (5-11). 

La seconde partie de la Genèse résume L’HISTOIRE DES PATRIARCHES


(12-50). Le SEIGNEUR dit17 à Abram : Va-t’en de ton pays, du lieu de tes origines et
de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation et
je te bénirai; je rendrai ton nom grand, et tu seras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te
béniront, je maudirai celui qui te maudira. Tous les clans de la terre se béniront par toi
(12.1-3). Tout commence avec ce périple de la foi, qui a mené Abraham de la
Mésopotamie à Canaan (11.31) et même jusqu’en en Égypte (12.10). 
                                                             
17   Les  deux  grandes  sections  de  la  Genèse  commencent  donc  par  une  parole  de  Dieu  (1.3;  12.1)  

Page 32

 

L’histoire des patriarches relate essentiellement l’origine et le cheminement de


cette promesse divine consistant à devenir une nation, d’avoir une terre et
d’être le peuple de Dieu (12.1-3; 26.1-3; 31.13; 46.3-4) au travers la vie de
quatre ancêtres emblématiques. Qui dit cheminement, dit aussi obstacles et
possiblement avortement de cette bénédiction. Le sommet sera atteint au
chapitre 22 lors du sacrifice (interrompu) de l’unique héritier, Isaac. Par la
suite, son histoire semble servir de simple trait d’union (26)18 entre les deux
géants que sont son père, Abraham19 (12-25) et son fils, Jacob (27-36). Cet
usurpateur de Jacob, qui ira même jusqu’à voler la bénédiction deux fois plutôt
qu’une (27.36), verra Dieu changer son nom en celui d’Israël après avoir lutté
avec lui toute une nuit durant (32)20. Son fils préféré, Joseph (37-50), sera
vendu comme esclave par ses frères jaloux, et deviendra éventuellement vice-
roi d’Égypte (41.41). Alors que la famine fait rage en Canaan, la position
providentielle d’intendant des greniers d’Égypte de Joseph lui permettra de
préserver non seulement sa famille, mais aussi, et surtout, la précieuse
bénédiction. Le livre de la Genèse se termine avec l’héritage prophétique des
fils d’Israël qui deviendront les douze tribus d’Israël.

Le message de la Genèse est donc de raconter comment Dieu à préserver, sa


bénédiction sur l’humanité, envers et contre tout, depuis la création du monde
jusqu’à la descente providentielle des fils d’Israel en Égypte. Joseph clôture
donc et résume adéquatement la livre de la Genèse lorsqu’il déclare : Vous aviez
formé le projet de me faire du mal, Dieu l’a transformé en bien, pour accomplir ce qui arrive
aujourd’hui et pour sauver la vie d’un peuple nombreux (50.20). L’intention
théologique de Moïse était probablement de fournir une justification à son
appel (Ex 3.15-17). Ainsi, le livre de la Genèse est le pendant littéraire et explicatif de cet
appel à quitter l’Égypte pour aller vers une terre promise, en accomplissement d’une promesse
aux pères fondateurs des tribus hébraïque.21
 

                                                             
  Un  seul  chapitre  lui  est  consacré.  Malgré  tout,  le  judaïsme  en  fait  un  héros  qui  a  volontairement  
18

accepté   de   se   faire   lier   pour   être   sacrifié.   D’ailleurs,   ce   que   nous   nommons   le   sacrifice   d’Isaac   est  
appelé  Aqéda  (Ligature)  dans  la  littérature  juive.  
19   Abram  (Père  élevé)  deviendra  Abraham  (Père  d’une  multitude)  suite  à  l’alliance  que  Dieu  fait  avec  
lui  au  chapitre  17  
20  Jabob  signifie  au  propre  Il  talonne  (25.26)  et  par  extension  au  figuré  Il  usurpe.  Israël  se  rapproche  

du  verbe  traduit  par  Tu  as  lutté.  


21   Kitchen,  Op.  cit.,  p.  34.  

Page 33

 

EXODE  

Le livre de l’Exode est clairement lié à la Genèse qui le précède dès son premier
verset, par sa conjonction initiale en hébreu (Et voici les noms) et sa reprise des
noms des fils d’Israël descendus en Égypte (1.1-5 Cp. Gn 48.8-27; 50.22-26). 
 

Page 34
10  
 

L’Exode raconte la sortie d’Égypte, 430 ans plus tard (12.40-41; Gn 15.13-16),


des fils d’Israël autour du 13e siècle. C’est l’acte de naissance du peuple
d’Israël qui doit être continuellement remémoré! Lorsque demain ton fils te
demandera : « Que signifie cela? », tu lui répondras : « A la force de la main, le
SEIGNEUR nous a fait sortir de l’Égypte, de la maison des esclaves (13.14). D'ailleurs,
les générations futures s’y réfèreront abondamment (Dt 6.21; 1S 12.6; Ps 81.11;
Os 11.1). Les acteurs
principaux ne sont plus des
individus comme Abraham,
Isaac et Jacob, mais un
peuple. Pour la première
fois, on donne un
patronyme aux fils d’Israël :
les Israélites ou les
Hébreux (1.16). Mentionné
34 fois dans l’AT, ce terme
se retrouve 14 fois
seulement dans l’Exode. Il
désignait à l’origine, non pas
une ethnie particulière, mais
les populations nomades
étrangères22 s’engageant
comme travailleurs étrangers
(Ex 21.2; Dt 15.12; Jr 34.9,
14)23. 

                                                             
22   Étymologiquement  hébreux  veut  dire  ceux  qui  viennent  de  l’autre  côté.  
   On   a   de   nombreuses   mentions   des   Habirou   dans   des   documents   administratifs   du   POA   que  
23

plusieurs  relient  aux  Hébreux.  

Page 35
11  
 

L’Exode peut se diviser simplement en trois sections. La première est celle où  
DIEU LIBÈRE SON PEUPLE (1-18). Le livre commence avec le génocide
orchestré par le pharaon envers les fils d’Israël qui se sont multipliés. Le
complot sera contrecarré par la gente féminine : les mères et les sages-femmes
de manière générale, et plus précisément, la mère de Moïse, sa soeur et même la
fille du pharaon qui recueillera Moīse24, l’élèvera et l’introduira à la cour royale.
Après avoir tué un Égyptien injuste, ce Moīse fuira au désert où il rencontrera
Jéthro, ami de Dieu25 et prêtre de Madian (3.1). Cette rencontre déterminante,
avec celui qui deviendra son beau-père, préparera Moīse à la révélation qu’il
aura du nom du Seigneur YHWH26 (3.15) au buisson ardent. À la révélation
est jointe une mission qui l’amènera tout à tour à cumuler plusieurs fonctions :
libérateur (13.17-19), chef (14.1-2), organisateur (18.25), médiateur (20.18-21),
législateur (24.3), sacrificateur (40.29), etc. L’obstination du pharaon de refuser
d’obtempérer à sa demande de libérer le peuple, amènera un crescendo de
plaies : eaux en sang, grenouilles,
moustiques, mouches venimeuses, bétail
malade, ulcères, grêle, criquets, ténèbres,
mort des premiers-nés27. Le point culminant
sera la mort des premiers-nés égyptiens dont
les Israélites seront préservés grâce au rituel
de la Pâque (12.1-14)28. Cette dernière
épreuve fera fléchir le pharaon qui dans un
premier temps laissera sortir le peuple, mais
ayant changé d’avis par la suite, se lancera à
leur poursuite pour finir engloutie dans la
Mer Rouge29 que les Israélites avaient
traversée miraculeusement. Mais l’euphorie
de la traversée sera vite estompée par les
murmures du peuple (15.24; 16.2; 17.2). 

                                                             
24    Se  rapproche  du  verbe  signifiant  Je  l’ai  retiré.  
25  C’est  ce  que  son  nom  signifie,  mais  est  appelé  Réouel  auparavant  (2.18).  
26   Appelé   le   Tétragramme,   ce   nom   se   rapproche   du   verbe   être   ou   devenir.   C’est   pourquoi   certains  

l’ont  traduit  par  l’Éternel.  Mais  l’idée  semble  moins  être  une  notion  d’éternité,  qu’une  présence  active  
de  Dieu  parmi  son  peuple.  À  la  lumière  de  3.12-­‐15,  on  pourrait  comprendre  Je  suis  celui  qui  serai  avec  
toi.        
27  Il  est  intéressant  de  souligner  que  les  fléaux  d’Exode  7  à  12  correspondent  étroitement  à  la  séquence  

de  phénomènes  provoqués  par  une  trop  haute  crue  du  Nil.  Kitchen,  D’Égypte  au  Jourdain,  p.  60.  
28  L’hébreu  Passah  veut  dire  passe  par-­‐dessus  en  référence  au  châtiment  évité.  

29  Ce  terme  nous  vient  de  la  traduction  grecque  du  terme  hébreu  qui  veut  littéralement  dire  Mer  des  

Roseaux,  des  Joncs.  Sa  localité  exacte  est  encore  discutée.    

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12  
 

La deuxième section nous montre que DIEU FAIT ALLIANCE AVEC


SON PEUPLE (19-24). Après avoir manifesté sa présence au Sinaï30, Dieu
donnera les 10 commandements (20.1-21), le code de l’alliance qui est un
ensemble de préceptes pratiques développant le décalogue31 et conclura une
alliance avec le peuple.

La partie finale est celle où   DIEU ÉTABLIT SA DEMEURE AU SEIN


DE SON PEUPLE (25-40). C’est là que nous lisons le malheureux incident
du veau d’or qui est typique de ce qui se produit lorsque l’humanité prétend rendre un culte
à la divinité sans passer par la révélation du Sinaï. Les intentions sont excellentes, mais
l’erreur de cible est manifeste32. Mais de l’idolâtrie jaillira un renouvellement de la
révélation (33.19) et de l’alliance. Ainsi, les débuts d’Israël ne furent pas l’époque idéale
de son obéissance, mais bien celle de la rupture de l’alliance, et que l’alliance renouvelée, en
vigueur depuis, est donc fondée sur la grâce et le pardon divin33. L’Exode se termine en
illuminant de tous ses feux le sanctuaire34 portatif démontable. Symbole de la
présence de Dieu avec un peuple en route vers sa terre promise. Alors la nuée
couvrit la tente de la Rencontre, et la gloire du SEIGNEUR remplit la Demeure. Moïse ne
pouvait pas entrer dans la tente de la Rencontre, parce que la nuée demeurait sur elle et que la
gloire du SEIGNEUR remplissait la Demeure. Quand la nuée s’élevait au-dessus de la
Demeure, les Israélites partaient, pour chacune de leurs étapes. Si la nuée ne s’élevait pas, ils
ne partaient pas, jusqu’au jour où elle s’élevait. Le jour, la nuée du SEIGNEUR était sur
la Demeure, et la nuit il y avait un feu, sous les yeux de toute la maison d’Israël, à chacune
de leurs étapes (40.34-38). 

Deux petits mots en terminant sur la littérature et la théologie du livre.


Contrairement à la Genèse, au Lévitique et au Deutéronome, l’Exode et les Nombres n’ont
pas de profil littéraire caractéristique explicitement structuré35. Le livre entremêle

                                                             
  Le  nom  Sinaï  désigne  un  massif  montagneux  au  sud  de  la  péninsule  qui  se  trouve  à  l’est  de  l’Égypte.  
30

   Longman   écrit   que   le   code   de   l’alliance   précise   la   manière   dont   le   décalogue   s’applique   à   ce  
31

moment   particulier   de   l’histoire   du   salut   qu’est   l’Exode   et   dans   ce   contexte   culturel.   Par   exemple,   le  
précepte  sur  les  coups  de  boeufs  (21.28-­‐36)  applique  le  commandement  sur  le  meurtre  et  les  règles  
agricoles  (23.10-­‐13)  contextualisent  le  commandement  sur  le  Sabbat  (p.  65).  
  NBS,  P.94.  À  ce  sujet,  mentionnons  que  le  veau  d’or  ne  brisait  pas  tant  le  premier  commandement  
32

(Tu  n’auras  pas  d’autres  dieux…)  que  le  deuxième  (Tu  ne  feras  pas  de  statue…).  La  représentation  de  
cet  animal  servait  à  illustrer  la  vigueur,  la  force  et  l’endurance  de  la  divinité  donc,  dans  ce  contexte-­‐ci,  
de  YHWH.  Le  culte  du  veau,  bien  que  présent  en  Mésopotamie,  était  surtout  célébré  en  Égypte,  d’où  la  
probable  influence  d’Aaron  et  éventuellement  de  Jéroboam  (1R  11.40).  
33  Rendtorff,  p.  243.  
34   L’hébreu   Mishkan   dérive   du   verbe   demeurer.   Traditionnellement,   il   est   traduit   par   Tabernacle  

venant   du   mot   latin,   Tabernaculum,   signifiant   tente.   Puisque   tente   correspond   à   un   autre   mot   en  
hébreu,  il  serait  plus  exact  de  traduire  par  La  Demeure  (de  Dieu,  en  sous-­‐entendu).  Il  ne  faut  pas  la  
confondre  avec  la  Tente  de  la  rencontre  qui  n’a  eu  qu’une  utilité  provisoire  (Ex  33.7-­‐11;  34.34-­‐35).  
35   Kitchen,  Op.  cit.,  p.  45.  

 
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13  
 

intentionnellement plusieurs genres littéraires (surtout narratif et législatif) de


manière à démontrer que la Loi est indissociable de l’Histoire de la
rédemption. La théologie du livre, quant à elle, est essentiellement liée à la
présence de Dieu. Après des années de silence, Dieu est désormais présent
par son nom, par son action, par sa Loi et par sa demeure36. Les lecteurs modernes
d’ailleurs, jugent souvent cette section excessivement répétitive, d’autant que les instructions
divines concernant la construction du Tabernacle et l’exécution de ces plans sont racontées
dans tous les détails… mais il s’agit de l’une des clés de la structure. Elle souligne également
l’importance du tabernacle pour la génération du désert. On s’attarde longuement sur ces
détails parce que le tabernacle est le symbole premier de la présence de Dieu au sein d’Israël37.

                                                             
36  Son  positionnement  (au  centre  du  camp  comme  les  rois  du  POA),  sa  conception  (parvis,  lieu  saint,  
lieu  très  saint),  ses  matériaux  (bronze,  argent,  or)  et  ses  conditions  d’accès  (impurs,  purs,  lévites,  fils  
d’Aaron   et   souverain   sacrificateur),   soulignent   constamment   la   gradation   de   la   présence   du   Dieu  
Saint  au  milieu  du  peuple.  
37   Longman,  p.  60-­‐61.  

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14  
 

LÉVITIQUE  

Le livre du Lévitique est dans la tradition chrétienne, le grand négligé du


Pentateuque38. En effet, comparé à la richesse narrative de ses acolytes, il fait
figure de parent pauvre. Il y est pourtant bien à sa place. Exode décrit la gloire,
qui est la manifestation de la présence de Dieu, quittant la montagne pour se
poser sur le sanctuaire nouvellement monté au Sinaï et qui devient désormais le
lieu de la révélation (Ex 24.16; 40.34). Lévitique reprend donc là où nous avait
laissés son prédécesseur : Le SEIGNEUR appela Moïse; depuis la tente de la
Rencontre, il lui dit… (1.1). Le Lévitique apporte un supplément et un complément à
l’Exode39. Sur une période d’un mois et vingt jours lors de la deuxième année
depuis la sortie d’Égypte, Dieu donnera de multiples consignes à son Peuple
(Ex 40.17; Nb 10.11). Cet abrégé des règlements sacerdotaux met l’accent sur la sainteté
d’Israël, nation mise à part pour le service et la gloire de Dieu. Il indique en particulier
comment offrir correctement les sacrifices et distinguer nettement entre ce qui est pur et impur40.

Le livre se divise en quatre parties. De un, LES SACRIFICES (1-7), servant


surtout (mais pas exclusivement) à tuer une bête innocente qu’on substitue au
coupable condamné. De deux, l’INSTITUTION DU SYSTÈME
SACERDOTAL (8-10). Le nom du livre d’ailleurs vient du fait que ce sont les
hommes de la tribu de Lévi qui devaient s’occuper du sanctuaire et du
sacerdoce41. De trois, les LOIS DE PURETÉ (11-16) qui culmine avec la fête
annuelle du Jour des Expiations (ou du Grand Pardon) où les prêtres, le
sanctuaire et la nation étaient purifiés. Et de quatre, les LOIS DE
SAINTETÉ (17-27), fondées sur le grand commandement du Seigneur : Vous
serez saints, car je suis saint (19.2). 

Ce dernier verset résume d'ailleurs très bien la théologie du livre. Voyez la


progression théologique dans le Pentateuque : la promesse de Dieu en Genèse,
la présence de ce Dieu en Exode et la sainteté de ce Dieu présent en Lévitique.
Il est important de bien comprendre que les concepts de la pureté et de sainteté
ne pas sont synonymes, mais complémentaires (11.44; 16.19). La pureté est
l’absence de souillures alors que la sainteté est la consécration à Dieu. Ces
notions ne se limitent pas qu’à la sphère morale, et en plus des personnes, des
                                                             
38  Paradoxalement,  il  était  si  important  pour  les  Juifs,  qu’il  est  le  mieux  conservé  des  livres  de  la  Bible  
hébraïque  et  qu’il  était  le  premier  livre  qu’on  faisait  étudié  aux  enfants.  
39  Kitchen,  Op.  cit.,  p.  46-­‐47.  

40  Archer,  p.  271.  


41  Toutefois,  leurs  fonctions  sont  surtout  décrites  ailleurs  (par  ex.  Nb  3.  5-­‐10).  Ce  privilège  leur  a  été  
accordé  suite  à  leur  initiative  de  revenir  à  Dieu  après  le  péché  du  veau  d’or  (Ex  32.26-­‐29).  La    prêtrise  
était  limitée  à  la  famille  d’Aaron  et  ses  fils  (Ex  4.14;  Lv  1.5).  

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15  
 

choses peuvent aussi être vouées au sacré (con-sacré) comme des temps


(sabbat), des lieux (sanctuaire) et des objets (huile). En conclusion, malgré la
complexité et l’aridité littéraire apparente du Lévitique, nous ne devons jamais
oublier les deux motivations profondes qui l’animent; Tu aimeras ton prochain
comme toi même. Je suis le SEIGNEUR (YHWH) (19.18). 

NOMBRES  

Après avoir quitté le Sinaï pour la terre promise, le peuple séjournera une
quarantaine d’années dans le désert. C’est cette portion de l’histoire des fils
d’Israël que raconte le livre des Nombres dont le titre42 fait référence aux
nombreux dénombrements présents dans plusieurs de ses chapitres (1-4; 26 et
7, 8, 15, 29, 31). À cet égard, on y lit que la population des fils d’Israël devait
s’élever à plus de 2 millions d’individus à cette époque43. 

Le but du livre des Nombres est de rappeler que les chemins de la liberté sont semés
d’obstacles et de pièges44. Ceux-ci apparaitront au travers les trois étapes du voyage
que relate le livre. LES PRÉPARATIFS AU SINAÏ (1-10), LA ROUTE
VERS MOAB (11-20) et LA CONQUÊTE DE LA TRANSJORDANIE
(21-36). Après le premier recensement, le peuple est organisé en campement
militaire en vue de la longue marche dans le désert45. Dès le départ au désert, les
murmures du peuple reprendront (11.1). Contestant l’autorité de Moïse, de un,
et remettant en question le plan de Dieu, de deux (14.1-4). La sanction sera
terrible. Vos cadavres tomberont dans ce désert. Vous tous, que l’on a dénombrés, en vous
comptant depuis l’âge de vingt ans et au-dessus, et qui avez murmuré contre moi, vous
n’entrerez pas dans le pays que j’avais promis de vous faire habiter, excepté
Caleb, fils de Yephounné, et Josué, fils de Noun. Et vos petits enfants, dont vous avez dit :
Ils deviendront une proie! Je les y ferai entrer, et ils connaîtront le pays que vous avez dédaigné
(14.29-31). Jugement qui, plus tard aux eaux de Meriba, s’étendra aussi sur
Moīse et Aaron. Alors l’Éternel dit à Moïse et à Aaron : Parce que vous n’avez pas cru
en moi, pour me sanctifier aux yeux des Israélites, vous ne ferez pas entrer cette assemblée
dans le pays que je lui donne (20.12). 
                                                             
42   Rappelons-­‐nous  que  la  Torah  l’intitule  simplement  de  manière  très  appropriée  Dans  le  désert.  
43  Projection  basée  sur  603  550  hommes  (1.46).    Ce  nombre  par  contre  serait  théologique  selon  
certains  puisque  en  hébreu  chaque  lettre  correspond  à  un  chiffre  et  donne  l’expression  somme  de  
tous  les  fils  d’Israël  (NBS,  p.184).  
44   NBS,  p.180.  
  L’orientation  pour  les  anciens,  contrairement  à  nous,  commençait  par  l’est  (2.3)    ou  à  l’orient,  tel  
45

que  l’indique  l’étymologie  du  mot  (orient-­‐er).    

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16  
 

Les Nombres, sortant des frontières auparavant habitées par les Israélites,
comportent nécessairement de nombreuses références géographiques. La
principale halte entre le Sinaï et la Transjordanie, Qadesh-Barnéa, de laquelle les
espions sont partis explorer le pays, se trouve à la limite sud du Néguev et est
située à 80 km de Beersabée. Les conflits ethniques y occupent aussi une
grande place : la controverse de la femme Koushite de Moïse (12.1)46, les règles
concernant les immigrés et les étrangers (9.14; 15.13; 35.15), les Amalécites
(14.43), les Madianites qui anciennement alliés deviendront ennemis (10.29;
25.17), les Édomites qui refuseront le passage sur leur territoire (20.18), les
Moabites qui solliciteront la malédiction du fameux Balaam (22.1-6), qui à la
suite de découverte archéologique récente est maintenant considéré par les spécialistes
comme un personnage très important pour le Transjordanie47. La tension atteindra son
paroxysme avec ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Baal-Péor (25) où
l’anathème, qui signifie la destruction rituelle, sera jetée sur les idolâtres et dont
les récits ont pour but de déraciner de l’âme des lecteurs de la Torah et de ceux de toute la
Bible jusqu’à la pensée de l’idolâtrie, quels que soient les temps ou les circonstances48. 
Heureusement, le livre termine sur une note d’espoir avec l’émergence de la
nouvelle génération (26.64) et d’une nouvelle direction avec Josué pour chef
(27.18-20) et Éléazar pour souverain sacrificateur (20.28), frappant aux portes
de Canaan. À cet égard, malgré sa grande diversité littéraire, les piliers littéraires
et théologiques du livre des Nombres demeurent les deux grands
recensements distinguant la génération du désert de celle de la terre promise
(1; 26). Remarquez comment après le chapitre 26, il n’y a plus de mort, les
batailles se gagnent (31), les crises se résolvent (32), le futur s’entrevoit (34), etc.
 

DEUTÉRONOME  

Le Deutéronome est un livre charnière de l’AT, pour ne pas dire son pilier, en


ce qu’il clôt la Torah et amorce la section historique. Ce trait d’union entre le
passé et l’avenir est évoqué par des déclarations telles que Tu te souviendras (8.2)
et Quand le SEIGNEUR, ton Dieu, te fera entrer dans le pays (6.10). 

Le livre reprend là où nous avait laissés celui des Nombres en Transjordanie et


regroupe quatre grands discours de Moïse avant sa mort faisant figure de
                                                             
46  Originaire  d’une  région  d’Afrique  (Éthiopie,  Soudan).  
47  NBS,  p.  215  
48  Idem,  p.182.  

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17  
 

testament spirituel. LE PREMIER SUR LE PASSÉ (1-4), LE DEUXIÈME


SUR L’AVENIR (5-28), LE TROISIÈME SUR LE
RENOUVELLEMENT DE L’ALLIANCE (29-32) et LE QUATRIÈME
SUR LA MORT DE MOĪSE (33-34). Ceux-ci, établissent la constitution du
futur état d’Israël et servent essentiellement à préparer le peuple au leadership
de l’après Moīse (16.18-18.22) et à la guerre imminente (7, 20). Un des éléments
littéraires déconcertants de ces prédications est la fréquente alternance entre le
Tu et le Vous soulignant l’unité du peuple de Dieu (29.9-14). Le coeur du livre
est sans l’ombre d’un doute, comme son nom l’indique49, la deuxième
proclamation de la loi (12-26)50 rendue nécessaire par l’installation éminente
en Canaan d’un peuple qui n’avait pas connu l’Exode. Six grands principes
fondamentaux de la foi d’Israēl sont énoncés dans le Deutéronome.  

▪ Dieu est spirituel et unique telle que le déclare la confession de foi juive.


Écoute, Israël! Le SEIGNEUR, notre Dieu, le SEIGNEUR est un. (6.4)51.

▪ Israël est continuellement lié à Dieu par une alliance. Le SEIGNEUR, notre


Dieu, a conclu avec nous une alliance à l’Horeb52. Ce n’est pas avec nos pères que le
SEIGNEUR a conclu cette alliance; c’est avec nous, qui sommes ici aujourd’hui, tous
vivants (5.2-3).

▪ L’alliance établie par Dieu avec son peuple est une relation d’amour tel que
l’indique la seconde partie de ladite confession de foi. Tu aimeras le
SEIGNEUR, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. (6.5).
Et lui, Il t’aimera, il te bénira et te multipliera… dans le pays qu’il a juré à tes pères de
te donner (7.13).

▪ L’idolâtrie étant le plus grand péril d’Israël, il convient non seulement d’y


résister, mais de l’extirper. Vous ne suivrez pas d’autres dieux, d’entre les dieux des
peuples qui vous entourent; car le SEIGNEUR, ton Dieu, qui est en ton sein, est un
Dieu à la passion jalouse. Le SEIGNEUR, ton Dieu, se mettrait en colère contre toi :
il te détruirait, il te ferait disparaître de la terre. (6.14-15)

                                                             
49   Deutéronome  veut  dire  deuxième,  seconde  loi  ou  double,  copie  de  la  loi  (17.18).    
   La   première   est   nommée   Code   de   l’Alliance   (Ex   20.22-­‐23.19)   alors   que   la   deuxième   est   appelée  
50

Code  Deutéronomique.  
51   Appelée  aussi  le  Shema  Israēl(Écoute  Israēl),  elle  est  récitée  deux  fois  par  jour  par  les  juifs  pieux.    
52   Horeb  et  Sinaï  sont  employés  en  alternance  et  désigne  la  même  montagne.    

Page 42
18  
 

▪ Plus encore, étant en étroite relation avec le Dieu saint, Israël doit vivre
aussi dans la sainteté. Le SEIGNEUR fera de toi son peuple saint, ainsi qu’il te
l’a juré, parce que tu observeras les commandements du SEIGNEUR, ton Dieu, et que
tu suivras ses voies. Tous les peuples de la terre verront que le nom du SEIGNEUR
(YHWH) est invoqué sur toi, et ils te craindront (28.9-10).

▪ La bénédiction ou la malédiction sera déterminée par la fidélité des


enfants d’Israël aux commandements de l’alliance. Si tu écoutes le
SEIGNEUR, ton Dieu, en veillant à mettre en pratique tous ses commandements, tel
que je les institue pour toi aujourd’hui, le SEIGNEUR, ton Dieu, te placera très haut
au-dessus de toutes les nations de la terre. Voici toutes les bénédictions qui viendront sur
toi… Mais si tu n’écoutes pas le SEIGNEUR, ton Dieu, si tu ne veilles pas à mettre
en pratique tous ses commandements et toutes ses prescriptions, tel que je les institue pour
toi aujourd’hui, voici toutes les malédictions qui viendront sur toi (28.1-2, 15).

Bref, la théologie du livre peut se résume à ceci: Un seul Dieu, une seule
terre, un seul sanctuaire et une seule loi. Ces vérités mises en évidence dans
le Deutéronome se confirmeront tout au long de l’AT. Dans un horizon plus
large, l’héritage des livres du Pentateuque dans la main des Hébreux à la veille de traverser
le Jourdain était à la fois un énoncé de leur origine et de leur destinée (la Genèse, contenant
histoire et promesses) et un fondement normatif définissant les limites du bien et du mal en
leur qualité de vassaux du Suzerain divin53. Son alliance n’était pas simplement un
instrument politique, mais une détermination du but et de la conduite de leur vie comme la
nation qui doit manifester la sainteté du SEIGNEUR par une obéissance et un culte
conforme à sa volonté. Sinaï et Moab avaient vu la révélation, la cristallisation et la
confirmation d’un fondement donné qui devait orienter la façon de vivre de cette nation tribale
naissante54. Ainsi, nous voyons dans le dernier chapitre du Deutéronome, le
peuple qui est désormais prêt à prendre possession de sa terre promise, sans
Moīse, mais toujours avec Dieu. 

                                                             
53   L’alliance  divine  avec  Israël  est  calquée  sur  les  anciens  traités  d’alliance  hittite.  
54   Kitchen,  Op.  cit.,  p.  57-­‐58.  

 
Page 43
1

3.  Livres  historiques  
3.1. INTRO. AUX LIVRES HISTORIQUES

HISTOIRE OU HISTORIOGRAPHIE? 

«En premier lieu, il faut différencier l’histoire et l’historiographie. La première désigne les
évènements qui se sont produits dans le passé, la seconde la description écrite de ces
évènements»1. L’historiographie biblique est subjective. C’est-à-dire qu’elle n’a
pas la prétention de rapporter des faits historiques bruts, mais de présenter le
point de vue de Dieu sur cette histoire. C’est pourquoi, le roi Omri, qui est
considéré comme un personnage important de l’histoire séculière2 à une
présence presque insignifiante dans la Bible (1R 16.23-28). Les livres
historiques sont donc une interprétation théologique des faits historiques. Les
livres historiques sont donc aussi prophétiques comme en témoigne leur
insertion juive dans les Nebiim. 

Par conséquent, l’historiographie biblique est sélective. D'ailleurs, toute


histoire l’est, car aucun historien ne peut tout dire; il doit choisir ce qu’il dit,
tout autant que ce qu’il tait. Par exemple, l’auteur du livre des Chroniques a une
intention lorsqu’il passe sous silence l’adultère de David avec Bath-Schéba. De
l’autre côté, quand l’auteur du livre des Rois nous raconte cet épisode (2S 11),
c’est qu’il a aussi une idée (une intention théologique) derrière la tête. Le
premier veut encourager le peuple qui revient de l’exil, alors que le deuxième
voulait expliquer les raisons de cet exil.

Les livres historiques sont aussi marqués par des accents particuliers. Gardons


l’exemple des deux auteurs précédents; ils parlent tous deux du Temple de
Jérusalem, mais le chroniste lui accorde davantage d’attention, car il écrit à une
période où le Temple est en reconstruction. Ou encore, l’auteur de Josué
accorde davantage de place aux batailles de Jéricho et d’Aī (Jo 6-8) dans son
récit, car elles servent de modèles (à faire et à ne pas faire) à toutes les autres.
1  Longman, p. 6.
2  Omri  est  mentionné  dans  la  stèle  de  Mésha  et  dans  les  annales  des  rois  assyriens (NBS, p. 474)

Page 44

 

L’histoire biblique est aussi organisée. La chronologie n’était pas toujours la


préoccupation première des historiographes anciens. Même si les récits des
livres historiques sont généralement chronologiques, les auteurs privilégient
quelquefois l’arrangement thématique. Ainsi, 1S 16 raconte le choix de David et
son entrée à la cour de Saūl comme musicien, alors que dans le récit de Goliath
du chapitre suivant, Saūl semble rencontrer David pour la première fois (17.58).
L’intention de l’auteur est donc la présentation thématique des deux
caractéristiques principales de David : psalmiste et guerrier.

Les historiens bibliques sont des prédicateurs qui présentent une histoire
appliquée. «Ils sont les prophètes qui communiquent la Parole de Dieu au peuple de
Dieu. Ils sont le véhicule de l’interprétation divine des actes saints de Dieu»3.

Nous ne pouvons terminer cette section sans aborder l’approche académique


séculière sur l’histoire biblique. L’AT est souvent la seule source que nous
ayons de l’histoire israélite ancienne. Le fait que les récits de l’AT ne soient
donc pas confirmés par des sources extra-bibliques a amené les spécialistes
séculiers à remettre en question la validité des faits historiques bibliques. Le
paradigme historique moderne4, avec sa valorisation du rationalisme (rejet du
surnaturel), donc de l’objectivisme (nécessité d’une confirmation extérieure),
donc de l’historicisme (recherche de l’histoire réelle), a développé une vision
critique de l’histoire biblique. «Le texte est vu comme la forme finale de quelque chose
qui a évolué au travers différentes étapes. La tâche de l’interprétation, donc, implique un
processus analytique qui cherche à identifier ces étapes et de les travailler en amont afin de
reconstruire la forme hypothétique du texte original »5. 

Évènement historique

Tradition orale

Sources écrites primitives

Texte

                                                             
3  Longman  (p.  11).  

4     Kuhn,  T.    The  structure  of  Scientific  Revolutions.  Chicago,  University  of  Chicago  Press,  1970.  
5   Mark  Allan  Powell.  «What  is  Narrative  Criticism?  (Guides  to  Biblical  Scholarship  :  New  Testament  
Series),  Minneaopolis,  Fortress  Press,  1990,  p.  9.  

Page 45

 

HISTORIOGRAPHIE  DEUTÉRONOMISTE  

Nous avons mentionné que le cadre historique en étude biblique dépasse


l’époque des évènements, pour englober celle de la rédaction. L’épisode le plus
traumatisant de l’histoire biblique vétérotestamentaire est sans contredit la
destruction du temple de Jérusalem et la déportation du peuple à Babylone en 
587/6. L’une des conséquences de cet évènement est «l’édition d’une histoire
d’Israël qui relate les évènements de la conquête à la perte de la terre promise (l’ensemble des
quatre livres : Josué, Juges, Samuel et Rois). Une des visées des rédacteurs de cette édition est
de toute évidence d’expliquer le désastre. Historiographie théologique, elle puise ses critères de
jugement (pour élucider ce qui, après coup, parait comme une marche inéluctable vers la
catastrophe), dans les recommandations ou les principes martelés dans le livre du
Deutéronome. À savoir : un seul Dieu (6.12-15), un seul peuple (28.9-10), un seul
sanctuaire (12.1-5). C’est pourquoi on parle d’histoire ou d’historiographie deutéronomiste.
Le désastre de la chute de Jérusalem et de l’exil s’explique dans cette perspective par le
manquement, par le renversement de ces normes fondamentales de l’alliance. Au lieu de se
confier en YHWH seul, le peuple a vénéré d’autres dieux, il s’est mélangé avec d’autres
nations et il a multiplié les sanctuaires»6. L’intention théologique derrière ces 4 livres
(6 en fait dans notre canon qui coupe en deux Samuel et Rois) est de démontrer
que «la chute de Juda n’est donc pas un signe de faiblesse de YHWH, qui aurait été vaincu
par les dieux de l’ennemi babylonien; au contraire, c’est YHWH lui-même qui a choisi de
sanctionner son peuple»7. 

Histoire deutéronomiste
(Josué, Juges, 1-2 Samuel, 1-2 Rois)
 
Gn Ex Lv Nb Dt Jo Jg S R 

TITRES  

Le titre des livres est presque toujours le nom d’un personnage occupant une
place centrale dans le livre (à part Juges, Rois et Chroniques), ces personnages n’en
sont pas nécessairement les auteurs, mais donnent à ces livres leur identité propre8. Ces
notions étant établies et afin de pouvoir nous concentrer sur leur contenu, nous
ajouterons donc que peu de choses sur les questions de date et d’auteur lorsque
nous aborderons les livres historiques individuellement. 
                                                             
6   Vincent,  p.  3.  
7   Rōmer,  p.  238.  
8   Schibler,  p.  2.  

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3.2.  LIVRES  HISTORIQUES  

JOSUÉ  

Le livre tire son nom de son personnage principal, Josué, qui est mentionné
167 fois dans le livre. On se rappellera que c’est Moïse qui changea le nom de
son serviteur Hosée en celui de Josué (Nb 13.16). Ces deux noms sont formés
sur la même racine du verbe sauver, délivrer, donner la victoire, mais Josué contient
un préfixe intégrant le nom de Dieu (Yého) afin de rendre le Seigneur sauve, délivre,
etc.. Cela dit, déclarons-le à nouveau; le livre n’a probablement pas été écrit par
Josué, car le récit va de l’époque de la mort des anciens qui vécurent encore après
Josué (24.31), jusqu’à ce jour lointain où le rappel des évènements est encore bien
présent (5.9; 7.26; 8.28-29; 10.27). 

De un, il relate LA PASSATION DU POUVOIR DE MOÏSE À JOSUÉ


(1). Les premiers mots du livre marquent une continuité avec le Deutéronome
(1.1). Mais le fait qu’il n’y eut plus de manne (5.12) ainsi que l’ordre divin donné à
Josué d’ôter ses sandales sur le lieu saint (5.15) attestent bel et bien que depuis
l’époque de Moīse au désert, la boucle est désormais bouclée (Ex 16.31; 3.5). 

De deux, LA TRAVERSÉE DU JOURDAIN ET LA CONQUÊTE DE


CANAAN (2-12). Canaan était composée de multiples cités états dirigées par
un souverain qui cumulait souvent le pouvoir politique, militaire et religieux.
Celles-ci étaient de puissantes villes autonomes et indépendantes9 telles
Megguido, Sichem, Guézer, Lakish, Jérusalem et Hatsor (11.10; 17.18). C’est
une conquête par les armes, mais surtout théologique, par la foi, comme en
témoigne la promesse au passé de la terre à conquérir au futur; Tout lieu que vos
pieds fouleront, je vous l’ai donné (1.3, 15; 2.9; 8.1). C’est pourquoi la lutte à finir
n’est pas tant militaire que religieuse (1.8) tel qu’on le constate avec l’anathème
jeté sur le paganisme de Jéricho ainsi qu’avec la défaite de Aï qui lui succède
parce qu’Israël a péché; ils ont passé outre à l’alliance que j’avais instituée pour eux (7.11). 

De trois, LES LIMITATIONS ET RÉPARTITIONS DES


TERRITOIRES (13-21). Après la conquête le pays sera donc tiré au sort
entre les tribus d’Israël (14.2)10. 
                                                             
9  Favorisé  par  le  relief  accidenté  de  la  Palestine  rendant  les  communications  difficiles.  
10  Il  est  intéressant  de  souligner  que  la  répartition  du  territoire  par  le  sort  divin  coïncide  avec  le  rang  
des  ancêtres.  Ainsi,  les  enfants  de  Rachel  (Benjamin,  Manassé  et  Ephraīm  (deux  fils  de  Joseph  adoptés  

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Dans cette section, on ne doit donc pas se laisser arrêter par la sècheresse des énumérations
topographiques, mais épouser la joie du rédacteur qui détaille l’héritage donné par Dieu aux
tribus11. Héritage qui reste encore à saisir en ces jours où malgré la distribution
des terres, la conquête n’est encore que partielle (l’enclave Gabonite (11.19), la
présence des Philistins (13.3), la résistance de Mégguido (Jg 1.27-28)). En
                                                                                                                                                                                     
par   Israēl   (Gn   48.5))   la   préférée   seront   au   centre   (Gn   29.31-­‐30.24;   35.18-­‐25),   les   ainées   de   Léa  
(Ruben,   Siméon   et   Juda)   au   sud   (Gn   29.31s),   et   ses   plus   jeunes   (Issacar,   Zabulon)   et   ceux   des  
concubines  (Dan,  Nephtali,  Gad,  Aser,)  auront  le  reste.  
11   TOB,  p.  255.  

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juxtaposant accomplissement et non-accomplissement, l’auteur montre la tension qui existe


entre la justice et la grâce divine. Il signale que le peuple d’Israel court constamment le risque
de compromettre l’accomplissement de la promesse de la Terre promise. … À vrai dire, toute
la réussite de l’entreprise réside dans la nécessité de choisir; s’en tenir ou non aux stipulations
de l’alliance faite avec Dieu12. 
Et de quatre, LES ÉVÉNEMENTS ET AVERTISSEMENTS FINAUX
(22-24). L’épisode de l’autel-témoin de Transjordanie démontre bien la
légitimité de l’assemblée de Sichem où derrière le sermon sur la pureté religieuse se
devine l’appel politique à l’unité nationale13. Car la fin du livre de Josué laisse déjà
entrevoir les germes des deux plus grands fléaux de l’histoire d’Israël : le
schisme et l’idolâtrie (24.23).

JUGES  

Après la mort de Josué, l’État naissant d’Israël subira une période de


bouleversements internes importants caractérisés par la déchéance morale et
spirituelle. Étant donné l’anarchie et le chaos collectif, l’histoire sera désormais
centrée sur un individu particulier, dont les actes, en fait souvent un seul, est rapportée14. 

Le livre de Juges nous raconte donc l’une des périodes les plus sombres de
l’histoire d’Israël. L’INTRODUCTION SUR L’EPOQUE DES JUGES
(1.1-3.6) décrit la conséquence de la déchéance morale et spirituelle du peuple
qui se traduisait par l’incapacité à vaincre les Cananéens (1.27). D'ailleurs, la
tribu de Dan devra même déménager plus au nord puisqu’elle sera incapable de
déloger les Philistins sur le territoire qui leur était échu (1.34; 18.1). Commence
ainsi le cycle de l’époque des Juges : Apostasie (2.12-13) → Oppression (2.14-
15) → Juges (2.16) → Délivrance (2.17-19). 

C’est donc l’infidélité du peuple d’Israël qui amènera la nécessité de la


DELIVRANCES DES JUGES (3.7-16). Bien que ces juges aient été
nombreux (3.31; 10.1-5; 12.8-15)15, certains comme Otniel, Ehoud, Débora,

                                                             
12  Schliber.  L’enjeu  du  livre  de  Josué  et  du  livre  des  Juges,  p.5  
13  NBS,  p.  282.  
14  Rendtorff,  p.  51.  

15  Certains  se  situent  même  hors  du  livre  des  Juges,  comme  Éli  (1S  4.18),  Samuel  (1S  7.15),  Joēl  et  

Abiya  (1S  8.2).  

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Gédéon, Jephté et Samson, se sont distingué par la hauteur de leurs exploits16.


Quatre caractéristiques qualifient généralement ces Juges.

▪ Ils sont charismatiques, au sens spirituel du terme, en ce qu’ils sont


investis par l’Esprit de Dieu (3.10; 6.34; 11.29; 14.6, 19).

▪ Ils sont plus que des juges qui rendent la justice légale, ils sont surtout des
justiciers libérateurs (3.9, 15) qui mobilisent l’action militaire (3.27; 4.10;
6.34; 11.29).

▪ Suite à leur action, le pays fut tranquille (3.11, 30; 5.31; 8.28).

▪ Intervenant dans des conflits régionaux, leur rayonnement est


généralement limité qu’à une petite partie d’Israël (3.13; 10.17-18; 15.9-10).

Les APPENDICES SUR L’EPOQUE DES JUGES (17-21) regroupent


quelques récits qui non seulement démontrent le paroxysme qu’atteint le mal à
cette époque (19.29-30), mais qui explique aussi les sources historiques de
certaines situations (18.29-30; 1R 12.28-30). S’y trouve également, la clé
littéraire du livre : en ces jours–là, il n’y avait pas de roi en Israël. Chacun faisait ce qui
lui convenait. Cette répétition dans la section finale (17.6; 18.1; 19.1; 21.25)
fournit un triple indice, permettant une meilleure compréhension du livre des
Juges : au niveau théologique17, rédactionnel18 et structurel19. 

La théologie fondamentale du livre est que Dieu est le seul véritable Juge en


Israël comme en témoigne ce verset en plein coeur du livre : Que le
SEIGNEUR, le juge, soit aujourd’hui juge entre les Israélites et les Ammonites! (11.27). 

                                                             
  Ils  sont  d'ailleurs  traditionnellement  appelés  les  Grands  Juges  par  rapport  aux  autres  qualifiés  de  
16

Petits  Juges.  
17   Démontrant  que  les  malheurs  du  peuple  sont  dus  au  fait  qu’il  a  constamment  oublié  Dieu.  
   Un   des   premiers   rédacteurs   est   probablement   contemporain   du   roi   David.   La   présence   des  
18

Jébusiens  (1.21)  ainsi  que  d’un  roi  qui  semble  avoir  ramené  l’ordre  soutient  cette  hypothèse.  
19   Certains   spécialistes   soulignent   une   structure   chaotique   dégénérative   intentionnelle   (!)   dans   le  
plan  du  livre  confirmée  par  ces  mots  en  conclusion.  En  d’autres  termes,  l’auteur  aurait  organisé  le  
fouillis   apparent   du   matériel   de   l’époque   des   Juges   en   un   crescendo   d’immoralité   comme   en  
témoignent  la  déchéance  des  héros  et  le  traitement  des  femmes.  
 

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RUTH  

Après avoir campé le récit en INTRODUCTION : EXIL EN MOAB DE


LA FAMILLE D’ÉLIMELEK (1.1-1.5), le livre de Ruth raconte la belle
histoire d’une jeune moabite, que tout semblait prédestiner à la misère, et qui
deviendra providentiellement une figure marquante de l’histoire d’Isra l.
Certains le diront en de meilleurs mots;  A partir d’une situation de vide total,
manifesté au chapitre 1 par la famine, l’isolement, la stérilité, la vieillesse et le désespoir, le
récit montre de quelle manière va se reconstruire une maison d’Isra l, pour aboutir à une
situation de plénitude, déclinée sous forme de récoltes, de présence d’une communauté, de
fertilité, de mélange harmonieux entre jeunes et vieux, sans oublier l’espoir ouvert par la
généalogie davidique sur laquelle se clôt le récit20. 

Cette lumineuse histoire de rédemption de RUTH, FEMME DE VALEUR


(1.6-4.17) se déroule paradoxalement dans les jours sombres où les juges
gouvernaient (1.1)21. Cela étant dit, le livre dépasse le cadre de la petite
chronique familiale pour poser une grande question théologique : Est-ce
qu’une personne comme Ruth peut par sa naissance moabite, être
irrémédiablement exclus du plan de Dieu (Dt 23.4-7)? Est-ce que la foi d’une
femme de valeur peut l’exclure du jugement national? Paradoxalement, la
réponse viendra dans l’application des lois du Pentateuque dans la vie
quotidienne. En effet, le livre de Ruth rend pratique d’importantes
prescriptions de la Loi (qui peuvent sembler archaïques pour le lecteur d’une
autre culture, d’une autre époque) comme le droit de glanage (Lv 19.9-10; Dt
24.17-22), la rédemption (Lv 25.25) et le lévirat (Dt 25.5-6). Dieu répondra de
manière extravagante en rétablissant non seulement Ruth dans le peuple de
Dieu, mais en en faisant l’arrière grand-mère du plus grand roi de l’histoire
d’Isra l22. 

À cet égard, le livre a probablement été écrit à l’époque de David. Sa présence


dans la généalogie finale indique un plancher et le fait qu’aucun de ses célèbres
fils n’est mentionné démontre aussi un plafond. D’ailleurs cette portion
littéraire sur la LISTE DES ANCETRES DE DAVID (4.18-22), révèle le
                                                             
20   T.  Rōmer,  p.523-­‐524.  
21  La  présence  du  livre  entre  ceux  des  Juges  et  de  Samuel  est  donc  chronologique.  Toutefois,  il  est  
intéressant  de  savoir  que  les  Juifs  l’ont  inséré  immédiatement  après  le  livre  des  Proverbes  dans  le  
canon  hébraïque,  peut-­‐être  pour  faire  un  lien,  entre  autres,  avec  sa  finale  sur  la  femme  de  valeur  (Pr  
31.10-­‐31;  Rt  3.11).    
22    Ruth   est   même   désignée   comme   l’une   des   ancêtres   de   Jésus   (Mt   1.5),   au   côté   d’une   poignée   de  
femme   ayant   toute   fait   l’objet   de   médisance   comme   elle  :   Tamar   l’infidèle,   Rahab   la   prostituée,  
Bethshabée  l’adultère  et  Marie  la  fille-­‐mère  

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but du livre qui est de démontrer les liens généalogiques, mais aussi politiques,
entre David et les Moabites. En effet, c’est une réponse aux interrogations qu’a
pu susciter la fuite de David chez l’ennemi moabite (1S 22.3; Dt 23.4-5)
lorsqu’il était pourchassé par Saül. Soulignons de manière apologétique que ce
fait — lier le grand roi David à un peuple impur — est assurément une preuve
de l’historicité du livre. Le livre de Ruth se veut donc une démonstration
éloquente de la supériorité de l’adhésion du coeur sur celle de la naissance.

1-­‐2  SAMUEL  

Les deux livres de Samuel sont en fait un seul ouvrage qui a été séparé pour des
raisons pratiques. En effet, cette répartition sur deux rouleaux permettait de
faciliter la lecture de cette longue épopée historique. La coupure sépare les
règnes des deux premiers rois d’Israel : Saül et de David. 

Le livre dépeint trois figures marquantes de l’histoire d’Israël : SAMUEL (1S


1-7), SAŪL (1S 8-15) et  L’ESSOR (1S 16-31), LE RÈGNE (2S 1-9) et LE
DÉCLIN DE DAVID (2S 10-24). Soulignons malgré tout, la pertinence du
titre du livre étant donné que Saūl et David dépendront totalement de Samuel
pour accéder au trône. Le livre dépasse le cadre de la biographie pour
embrasser une autre grande question théologique : comment concilier la
promesse de Dieu de perpétuer le maison royale davidique (2S 7.16) avec la
désobéissance répétée des rois en Israēl?

C’est donc de l’époque des juges qu’émerge Samuel, qui tout en s’inscrivant


dans leur foulée par son oeuvre de libération et ses jugements (1S 7.13-17), s’en
démarquera aussi à deux égards. De un, il est prophète et de deux, il a la
reconnaissance de tout Israël (1S 3.19-20). Ces deux caractéristiques le
qualifieront comme faiseur de rois et faciliteront l’émergence de la monarchie
en Israël. En effet, devant la pression ennemie continuelle, Israël avait pour la
première fois depuis longtemps la possibilité de remédier à sa faiblesse d’un
pouvoir charismatique temporaire, ponctuel, qui ne permettait pas de faire face au danger. La
situation exigeait un gouvernement continu23. 

Saül deviendra donc en 1050 le premier roi d’Israël en bonne et due forme. En


effet, il sera oint par un prophète (9.16), et acclamé par le peuple (11.15).

                                                             
23   Rendtorff,  p.  58  

Page 52
10  
 

Toutefois, l’excitation du début de l’ère de la royauté ne réussira pas à faire


oublier qu’elle est en fait le rejet de la théocratie24. Le conflit entre Saūl
détenteur du pouvoir humain et Samuel représentant du pouvoir divin le
montrera bien et illustrera les multiples face à face qu’auront rois et prophètes
au cours de l’histoire. Cette confrontation était prévisible au niveau littéraire à
l’étymologie des deux noms issus de la même racine, Saūl voulant dire Le
demandé du peuple alors que Samuel signifie Le demandé de Dieu. (1.27-28; 8.10).
Le règne de Saūl sera surtout un trait d’union entre les juges et les rois25. Son
histoire permet l’introduction de son successeur, qui bien que second dans la
chronologie sera le premier en stature. 

La marche du futur roi David vers le trône sera entravée par la jalousie de Saūl


qui l’amènera en prendre la fuite. Dépeint comme un homme persécuté,
innocent et même gracieux en évitant de tuer son ennemi lorsqu’il en a
l’occasion, il s’engagera tout de même du côté des Philistins dans son exil26.
Après la mort de Saül, David sera couronné roi de la tribu de Juda en 1010,
pour devenir peu après roi de tout Israēl. David consolidera sa royauté par la
réussite de deux entreprises : La victoire décisive sur les Philistins et la prise de
Jérusalem qui était la dernière enclave ennemie en Juda. La première stabilisera
le royaume et la deuxième centralisera le trône27 et le culte28. Bref, malgré ses
quelques chutes dramatiques, comme l’adultère avec Bethsabée, le meurtre
d’Urie ou la révolte d’Absalom, David demeurera le plus grand roi de l’histoire
d’Israel pour deux raisons : 

▪ Pour le respect absolu qu’il a eu de l’onction royale (1S 24.7; 26.16; 2S


1.14), démontrant ainsi qu’il en est lui-même digne.

▪ Pour le fait qu’il ne soit jamais tombé dans l’idolâtrie, ce qui est d'ailleurs le
contexte expliquant qu’il est un homme selon le coeur de Dieu (1S 13.14).

                                                             
24   Gouvernement  divin  par  opposition  à  gouvernement  royal,  donc  humain.  
  Il  a  d’ailleurs  les  caractéristiques  d’un  juge  libérateur  (1S  11.6-­‐7)  et  son  influence  ne  s’étendra  que  
25

sur  quatre  tribus  :  Benjamin,  Éphraīm,  Gad  et  Manassé.  


  Opportuniste,  il  montera  un  commando  de  600  hommes  et  à  la  manière  de  Robin  des  Bois  fera  des  
26

nombreuses  largesses  qui  contribueront  à  sa  renommée  (1S  27.2;  30.26)  


27  David  remettra  en  question  le  système  dominant  de  Cité-­‐État  en  Canaan  en  régnant  sur  l’ensemble  

du  pays.  De  plus,  le  choix  d’une  nouvelle  capitale  indépendant  plus  au  nord  facilitait  l’acception  d’une  
ville  centre  pour  les  tribus  du  nord.  
28   Par  le  biais  de  la  venue  de  l’arche  de  l’alliance  et  plus  tard  de  l’érection  du  temple  (2S  6-­‐7).  

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11  
 

1-­‐2  ROIS  

Le livre des Rois, formait à l’instar de celui de Samuel, un seul et unique livre à
l’origine comme le démontre la coupure malhabilement placée en plein milieu
de la notice du roi Achazia. Le titre est encore une fois approprié puisqu’il
raconte l’histoire des rois qui ont suivi le règne de David. Le rédacteur a eu
accès à plusieurs différentes sources (1R 11.41; 14.19, 29; 2R 18-20 est un
copier-coller d’És 36-39). Le livre couvre plus de quatre cents ans et va des
dernières années de David jusqu’au dernier véritable roi d’Israël, Joīakîn exilé à
Babylone29. Il se veut une interprétation théologique de l’histoire de la
perspective pessimiste d’un rédacteur exilé30.

Les premiers versets du livre relatant la faiblesse du vieux roi David


soulèveront la nécessité de sa succession. Celle-ci ne se fera pas son heurt
comme en témoigne la révolte d’Absalom et la rivalité entre Adonias et
Salomon. Ce dernier caractérisé par sa sagesse succédera à son père et règnera
de 970-93131. Marqué par la stabilité et la prospérité, c’est au règne de
SALOMON (1-11) que le livre des Rois consacrera la plus grande place C’est
lui qui bâtira le Temple qui sera le centre théologique et historique d’Israël32.
La politique étrangère de Salomon sera marquée par la diplomatie33 et dictée
par les intérêts commerciaux servant ses ambitieux projets de construction du
Temple et du palais royal (1R 5.24-26). Paradoxalement, ce royaume
relativement nouveau sera également l’âge d’or de l’histoire d’Israël puisqu’il
est dit que Salomon dominait encore sur tous les royaumes depuis le fleuve jusqu’au pays des
Philistins et jusqu’à la frontière d’Égypte (1R 5.1). Jamais Israël n’avait eu un si grand
empire avant et jamais il n’en aura de semblable après comme le démontre sa
rapide déchéance dès les dernières années de Salomon. 

À sa mort, la maison de David aura même perdu son rapport de force avec les
tribus séparatiste du nord34. Le fils de Salomon, Roboam, devra lui-même aller
à Sichem se faire introniser alors qu’on s’était plutôt déplacé lors du
couronnement de son père et de son grand-père et il devra faire face en plus à
                                                             
29   Donc  environ  de  972  à  561.  
  C’est-­‐à-­‐dire  une  réinterprétation  historique  à  la  lumière  du  dessein  divin  pour  expliquer  le  drame  
30

de   l’exil.     C’est   ce   qui   explique   que   des   personnages   et   des   évènements   importants   de   l’histoire  
séculière  comme  le  roi  Omrie  (1R  16.23-­‐28)  ou  la  chute  de  Samarie  (2R  18.9-­‐12)  soient  négligés.    
31  Initatialement  en  corégence.  À  cet  égard,  à  part  le  décompte  d’année  incomplète  et  des  divergences  

de   calendriers,   les   problèmes   de   chronologies   dans   la   Bible   sont   surtout   dus   à   ces   périodes   de  
corégence  où  on  comptait  indépendamment  des  années  de  pouvoirs  simultanées.    
  Bâti  480  ans  après  la  sortie  d’Égypte,  c’est  aussi  la  période  approximative  qui  le  sépare  du  retour  
32

de  l’exil  (1R  6.1).    


33   Ce  qui  explique  la  présence  de  nombreuses  femmes  étrangères  dans  son  harem  (1R  11.1)    
34   Des  soubresauts  s’étaient  déjà  fait  sortir  vers  la  fin  du  règne  de  Davis  (2S  20.1).  

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12  
 

un ultimatum (1R 12.1-4). Son refus d’obtempérer à une diminution des


charges imposée par Salomon pour ses vastes et coûteux projets fera en sorte
que c’est ainsi qu’Israël s’est révolté contre la maison de David jusqu’à aujourd’hui (1R
12.19). Un schisme s’effectuera donc en 931 entre la tribu de Juda, à laquelle
s’est ralliée sa voisine de Benjamin sur lesquelles règnera Roboam et les dix
autres du nord, nommé Israël35, sous Jéroboam (1R 12.20-21). Ce dernier
prendra une mesure audacieuse pour consolider son pouvoir. Il établira deux
sanctuaires locaux à Béthel et Dan qui sont les limites nord et sud de son
royaume (1R 12.28-30). Cette action visant à détourner le peuple du nord du
Temple en Juda sera cristallisée par la mention biblique répétée du péché de
Jéroboam et deviendra le stéréotype du péché d’idolâtrie pour les futurs rois
d’Israël.

À cet égard, le livre des Rois contient de brèves notes générales sur l’histoire
parallèle des 20 ROIS RESPECTIFS POUR JUDA ET D’ISRAËL (1R 12-
2R 25). La vie de chacun d’entre eux sera évaluée et peut être répartie en trois
catégories. 

▪ La grande majorité sont mauvais car ils faisaient ce qui déplaisait au Seigneur et


sont quelquefois affublés de la mention du péché de Jéroboam pour
caractériser leur comportement païen. D'ailleurs, tous les rois d’Israël sont
considérés mauvais. Notamment, parce qu’aucun n’est revenu adorer au
Temple de Jérusalem, seul vrai lieu d’adoration pour YHWH (Dt 12.2-5). 

▪ Six rois de Juda seulement sont qualifiés de bons : Asa (1R 15.11), Josaphat
(1R 22.43), Joas (2R 12.3), Amatsia (2R 14.3), Ozias (2R 15.3) et Jotam
(15.34). 

▪ Trois sont exceptionnelles par leur oeuvre de réformation religieuse :


David (1R 15.5), Ézechias (2R 18.3-7) et Josias (2R 22.2; 23.25)36. 

Cela étant dit, environ soixante-dix ans après la mort de Salomon, Israēl et Juda
ne seront redevenus que deux petits États menacés par de multiples ennemis. 
Pendant deux siècles les deux royaumes fratricides cohabiteront. Dans un
climat de tension constante au début (1R 14.30; 15.7.16) jusqu’à l’établissement
                                                             
35   Dès   cet   instant,   Israēl   prendra   une   double   signification  :   désignation   du   royaume   nordique   en  

politique  et  totalité  du  peuple  juif  dans  la  sphère  religieuse.  
36   Le   cas   de   Salomon   est   ambigu,   car   sa   notice   nécrologique   est   neutre   (11.41-­‐43).   Le   dernier  

chapitre  peu  reluisant  de  sa  vie  ne  semble  pas  toutefois  l’avoir  disqualifié  des  grands  rois  comme  en  
témoigne  la  place  qui  lui  est  accordée  dans  le  livre  et  dans  l’histoire.  

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13  
 
des dynasties nordiques qui donnera, à l’instar de la maison de David pour
Juda, une certaine stabilité à Israël37. Omri, prenant exemple sur David, établira
la capitale de son royaume à Samarie, une ville indépendante mieux située
stratégiquement (1R 16.23-24). 

La mention biblique sur son fils Achab explique bien le climat politique et


religieux de cette époque dont l’infidélité est à son paroxysme (1 R 16.30-34) et
qui causera l’émergence d’une vague prophétique dont Élie et Élisée seront les
plus illustres représentants38. Leur importance est démontrée au degré littéraire
par les nombreux chapitres qui leur sont consacrés (treize pour Élisée!) et par la
coupure du livre en fonction de leur ministère respectif plutôt que du règne des
rois. Élisée ayant demandé une double part de l’esprit d’Élie (2R 2.9), ce qui
représente la part de l’héritage de l’ainé (Dt 21.17), il ne faut pas se surprendre
de constater de nombreuses similarités entre les ministères des deux hommes. 

La mort de Jéroboam II mettra fin à la stabilité politique du nord et ramènera le


climat ayant précédé le règne d’Omri. Après une série de putschs militaires, le
trône d’Israël se stabilisera à nouveau (2R 15.8-22)… mais pour peu de temps.
En effet, plus à l’est le géant assyrien s’est levé, a consolidé sa situation en
Mésopotamie et lance ses premières incursions au Proche-Orient. Cette
invasion mettra définitivement fin à la parenthèse ouverte par David du règne
des petits empires sur la région et rétablira les suprématies étrangères sur la
Palestine comme aux deuxièmes millénaires avec les Égyptiens et les Hittites.
Après une série de victoires et de révoltes, l’Assyrie mettra fin au royaume
d’Israēl en 722/1 en le soumettant et en déportant sa population. Cette mesure
avait pour but de décapiter les nations vaincues en décimant son élite dans un
autre territoire et à la remplacer par des populations étrangères (2R 17.24). Ce
nouveau bassin de populations mixtes sera nommé Samaritains. 

Le royaume de Juda sera évidemment également affecté par l’emprise des


Assyriens sur la région. Économiquement dans un premier temps avec le
paiement d’un lourd tribut initié sous Achaz (2R 16.8) et militairement dans un
deuxième temps suite à la révolte d’Ézechias (2R 18.13)39. Ce dernier sera

                                                             
37   Par   exemple,   la   maison   d’Omri   (1R   16.15-­‐28)   régnera   pendant   3   générations   (Omri,   Achab,  

Achazia,  Joram)  et  celle  de  Jéhu  (2R  9)  pendant  près  d’un  siècle  (Jéhu,  Joachaz,  Joas  et  Jéroboam  II).  
De  plus,  la  dynastie  d’Omri,  sous  Athalie,  interrompra  même  momentanément  celle  du  règne  de  la  
Maison  de  David  en  Juda  et  réussira  presque  à  l’anéantir  (2R  11.1).  
  Autres  prophètes  des  Rois  :  Ahiya  (1R  11.29),  Michée  (1R  22.8),  Ésaīe  (2R  19.3),  Houlda  (2R  22.14-­‐
38

20)  etc.  
39  Celle-­‐ci  s’inscrit  probablement  dans  un  mouvement  à  plus  grande  échelle  où  les  Égyptiens  et  les  

Babylonniens  ont  profité  de  l’incertitude  causée  par  le  mort  du  roi  assyrien  Sargon  II  en  705  pour  

 
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l’instigateur d’une réforme religieuse sans précédent dont les effets seront
anéantis par son successeur Manassé (2R 21.9)40. En 622 apparait le dernier
grand réformateur des rois de Juda qui coïncidera avec le déclin de l’empire
assyrien. Ce renouveau religieux amènera le roi Josias sur la sphère politique.
De un, par l’épisode de l’autel de Béthel qui est non seulement
l’accomplissement de la prophétie de l’homme de Dieu, mais aussi une
revendication territoriale (2R 23.15-18) et de deux, par son opposition à
l’Égypte qui s’en va à la rencontre de l’Assyrie, ce qui causera sa perte (2R
23.29). Cette dernière étant sur son déclin, elle sera remplacée par les
Babylonniens qui deviendront les nouveaux maîtres du Proche-Orient. En
587/6, ces derniers prendront la ville de Jérusalem, détruiront le Temple et
déporteront la population (2R 25.3-7). La chute de Jérusalem constitue une
rupture profonde dans l’histoire d’Israël. Plus de quatre cents ans de règne de dynastie
davidique prennent fin en même temps que l’histoire de la royauté en Israēl et l’indépendance
nationale qui lui était associée41. Les Babylonniens, contrairement aux Assyriens,
déporteront les populations en groupe leur permettant ainsi de maintenir leurs
traditions culturelles et religieuses, ce qui permettra le retour éventuel des fils
d’Israel en Palestine. 

Le livre des Rois, et conséquemment l’histoire deutéronomiste, se termine donc


sur un double constat. Le premier est la réalisation que la tragédie de l’exil est
strictement due à l’infidélité religieuse d’Israël qui a amené ce jugement divin.
Le deuxième est l’espoir que le retour en grâce de Joīakïn présage celui du
Peuple de Dieu. 

En terminant et afin de mieux s’y retrouver, les pages suivantes contiennent un


bref article et des chronologies pour Le temps des rois42. 

                                                                                                                                                                                     
regagner   leur   indépendance.   Sennachérib   son   successeur   lancera   une   expédition   en   705   pour  
rétablir  l’autorité  assyrienne.    
40  La  longévité  de  son  règne  de  55  ans  (1R  21.1)  durant  cette  époque  trouble  suggère  de  plus  une  
soumission  à  l’Assyrie  qui  n’aurait  pas  cru  bon  de  menacer  le  règne  d’un  vassal.  Toutefois,  2Ch  33.11  
l’explique  par  sa  repentance.  
41   Rendtorff,  p.  97.  
42   NBS,  p.  440-­‐442.  

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1-­‐2  CHRONIQUES  

Le livre des Chroniques peut rebuter le lecteur de prime abord étant donné ses
nombreux chapitres de généalogies et ses multiples reprises littérales de
certaines portions des livres de Samuel et des Rois. À cet égard, la tendance
actuelle est de considérer Samuel-Rois et les Chroniques, non comme des traités d’histoire à la
mode occidentale, mais comme des essais théologiques. Les auteurs bibliques ont écrit, non pas
simplement pour rapporter des faits et informer de ce qui s’est passé, mais avant tout pour
faire passer un message théologique et pastoral répondant aux besoins existentiels de leurs
lecteurs. Ceci implique que lorsqu’on se penche sur deux auteurs rapportant la même tranche
d’histoire mais écrivant à deux époques différentes, il faut s’attendre à les voir sélectionner
différemment leurs matériaux, envisager les mêmes faits sous un angle différent, dégager des
aspects différents des mêmes réalités ou donner aux mêmes évènements des significations
différentes dans le but de répondre aux questions particulières à leur temps. Il faut bien se dire
que si le Chroniste a composé son oeuvre tout en ayant Samuel-Rois sous les yeux et même en
y renvoyant ses lecteurs, il avait sûrement l’intention de communiquer autre chose que le
message exprimé par ces écrits43. La perspective théologique du rédacteur du livre
des Chroniques est donc totalement différente de celle du livre des Rois
puisqu’il est témoin du rétablissement d’Israël (2 Ch 36.22-23; 2R 25.27-30). En
effet, contrairement à son prédécesseur canonique, il ne désire pas tant
expliquer les causes de l’exil, que souligner celles du retour. 

Le livre s’ouvre sur pas moins de neuf chapitres de listes généalogiques. Ce


massif bloc littéraire, GÉNÉALOGIE (1Ch 1-9), est une réponse à ceux qui se
demandent si Dieu s’intéresse encore à eux, le Chroniste répond : Oui! Comme il l’a toujours
fait. Les généalogies parlent de la continuité d’Israël et de son élection comme peuple de
Dieu44.

Le contexte du Chroniste l’amènera à faire une sélection dans l’ensemble du


matériel historique pour se concentrer sur la maison de David et le royaume de
Juda : RÈGNE DE DAVID (1Ch 10-29), RÈGNE DE SALOMON (2Ch
1-9) et du ROYAUME DE JUDA (2Ch 10-36). Paradoxalement, il limitera
son champ pour étendre sa vision afin d’inscrire l’histoire de la dynastie
davidique dans l’histoire universelle en allant d’Adam à Cyrus (1Ch 1.1; 2Ch
36.22). Par contre, il délaissera les aspects les plus négatifs de la Maison de
David, par exemple l’adultère de David ou l’idolâtrie de Salomon, pour se
concentrer que sur les éléments positifs. Par sa présentation idéalisée de David et de
Salomon, notre auteur exprime peut-être à sa manière une vérité théologique : les soixante-dix

                                                             
43   S.  Romerowski.  Le  règne  de  David  et  Salomon  dans  les  Chroniques,  p.  2.  
44   T.  Longman,  p.  181.  

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19  
 

années d’exil écoulées, le Seigneur, dans sa grâce, ne se souvient plus des fautes de ces deux
rois et ne prend plus en considération que le bien qu’ils ont accompli45.
Alors que le livre des Rois de l’historiographie deutéronomiste décrivait
l’accumulation des péchés de génération en génération aboutissant au jugement
de l’exil, le livre des Chroniques expose plutôt le principe d’une rétribution
immédiate (2Ch 7.13-14). Les Chroniques apportent donc des nuances
absentes ailleurs sur la cause morale et spirituelle des évènements (2Ch 26.16,
19-20; 35.21) et donc sur la portée de la repentance (2Ch 33.11-13).
Ultimement, le livre communique donc le message théologique que c’est la
repentance d’Israël pendant l’exil qui a causé le retour en Palestine. 

ESDRAS  -­‐  NÉHÉMIE  

Comme quelques-uns des ceux qui les précèdent, les livres d’Esdras et
Néhémie ne formaient qu’un seul livre à l’origine46. Les historiens royaux ayant
disparu avec la chute de la monarchie, cette portion de l’histoire nous est
racontée au travers la vie de ces deux hommes. La composition du livre a fait
appel à divers matériaux : listes, statistiques, correspondances diplomatiques47,
décrets officiels et mémoires. Ces dernières avec leur ton personnel (Né 3.36;
5.19; 6.9, 14; 13.14, 22, 31) proche de l’autobiographie est un genre littéraire
jusqu’alors inconnu dans l’AT48. Au niveau rédactionnel, il y a dans le livre un
enchaînement évident à son prédécesseur étant donné qu’Esdras débute de la
même manière que se termine Chroniques (Esd 1.1-3)49.

Le livre relate les débuts de la période post-exilique. Deux réformateurs


définiront cette époque. Esdras, scribe de Babylone, sera chargé d’organiser la
justice et Néhémie, homme de la cour perse, de relever les murailles50. Ces
deux mandats indépendants donnés par l’empereur perse finiront par se
                                                             
  S.  Romerowski.  p.  13.  Il  ajoute  fort  à  à  propos  qu’il  ne  faudrait  pas  confondre  la  justification  des  
45

deux  rois  avec  une  négation  de  leurs  fautes.  


46  Dans  le  texte  massorétique  (duquel  notre  AT  est  traduit),  il  n’y  a  pas  d’espace  entre  les  deux  livres  
et  le  total  des  versets  de  ceux-­‐ci  est  inscrit  ensemble  à  la  fin  de  Néhémie.  
47  Ouvrant  les  portions  araméennes  dans  Esdras  (4.8-­‐6.18;  7.12-­‐26)  
48  Offrant  un  avant-­‐goût  de  l’intimité  des  épîtres  du  NT  
49   Certains   sur   la   base   de   particularités   stylistiques   et   thématiques   communes   voient   un   même  

auteur.  D’ailleurs,  c’est  l’avis  de  la  tradition  juive  :  Esdras  écrivit  son  livre  et  les  Chroniques,  c’est-­‐à-­‐dire  
la  suite  des  générations  jusqu’à  lui-­‐même.  Et  qui  l’acheva?  Néhémie  fils  de  Hakalia  (Talmud  babylonien  
baba   Bathra   27).   Mais   rien   ne   l’indique   explicitement   dans   le   livre   et   cette   thèse   est   aujourd’hui  
contestée.  
50  Leurs  noms  les  prédestinent  à  la  tâche,  car  Esdras  signifie  Secours  et  Néhémie  veut  dire  Consolation  

de  YHWH.  

 
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20  
 

compléter51. Le livre dépeint deux portions importantes de cette période du


retour de l’exil. La première va de l’Édit de Cyrus en 538 jusqu’en 515 et
raconte les travaux, les obstacles et l’achèvement de la RECONSTRUCTION
DU TEMPLE (Esd 1-6) sous la direction du prêtre Josué et du gouverneur
Zorobabel. La seconde portion se déroulant sous Artaxerxès environ soixante
ans plus tard relate diverses RÉFORMES POLITIQUES, SOCIALES ET
RELIGIEUSES (Esd 7-10) ainsi que la RECONSTRUCTION DE LA
MURAILLE DE JÉRUSALEM (Né 1-13).

La théologie du livre cible la pleine restauration d’Israël suite à la chute de


l’exil. Puisque le jugement s’était fait sentir à trois niveaux – la destruction du
Temple, de Jérusalem et l’exil du peuple – le livre d’Esdras-Néhémie veut
démontrer la triple réalisation du relèvement. Un, le temple étant l’unique lieu
d’adoration, sa reconstruction témoigne à nouveau visiblement de la présence
de Dieu parmi son peuple. Deux, la reconstruction de la muraille de Jérusalem
rétablit Jérusalem en tant que ville sainte. Trois, la communauté juive secouée
par l’exil doit être restaurée dans l’obéissance à la Loi. Mais malgré tous les
efforts déployés par les deux hommes, la fin abrupte du livre témoignera que la
réforme religieuse n’est jamais vraiment terminée (Né 13.31). 

Notons en terminant que c’est à cette époque qu’on commencera à désigner les
fils d’Israël comme étant des Juifs. Le terme vient de Judéen donc originaire de
la tribu de Juda, et s’est appliqué par la suite à tous les exilés hébreux revenus
de la captivité pour s’étendre ensuite à l’ensemble de la diaspora. 

ESTHER  

Le livre d’Esther comporte tous les ingrédients d’un roman à succès :


personnages stéréotypés (des bons et des méchants), intrigues, suspenses,
rebondissements, humour, finale hollywoodienne, etc. C’est l’histoire de la
délivrance du peuple juif par une des leurs, Esther, qui devient reine à la cour
perse. Les évènements se dérouleront dans la capitale royale de Suse sous le
règne d’Assurérus (qui est la traduction hébraïque de Xerxès (486-465), entre
le premier retour de l’exil et la réforme d’Esdras et Néhémie. Malgré la
tolérance religieuse en vigueur, cette époque sera marquée par la montée de

                                                             
  Curieusement  ils  ne  sont  mentionnés  ensemble  que  tardivement  et  que  rarement  (Né  8.9;  12.26).  
51

Peut-­‐être   qu’Esdras   a   dû   retourner   à   Babylone   pendant   les   premières   années   de   la   présence   de  


Néhémie  à  Jérusalem  comme  ce  sera  le  cas  pour  Néhémie  (Né  13.6).  

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21  
 

l’antisémitisme (Esd 4.6; Né 3.33), et ce à plus fortes raisons, sous un roi perse
reconnu par l’histoire comme étant violent et déséquilibré. 

Le conflit entre Haman et Mardochée est en fait la reprise d’un ancien non


résolu remontant à cinq cents ans plus tôt. En effet, l’oppression d’Haman, fils
de Hammedata, l’Agaguite (3.1) contre Mardochée, fils de Yaïr, fils de Shiméi, fils de
Qish, Benjaminite (2.5) est une conséquence de la faute de Saūl, aussi de la tribu
de Benjamin, qui a désobéi à l’anathème du Seigneur pour épargner Agag roi
des Amalécites (1S 15.9). Cette faute de Saül aura des séquelles jusque dans la
période post-exilique décrite par le livre d’Esther alors que le descendant de
l’un opprimera celui de l’autre. 

Le livre ne mentionne jamais Dieu directement, ce qui est une chose unique


dans l’AT. De prime abord, l’absence apparente de YHWH peut-être
attribuable au fait que les événements rapportés concernent des Juifs qui ont
choisi de ne pas retourner en Israël après l’édit de Cyrus pour préférer s’établir
au sein de nations païennes, ce qui pourrait être perçu comme une conséquence
divine sur ceux qui auraient en quelque sorte méprisé la terre promise par Dieu.
Toutefois, les circonstances décrites dans le livre font plutôt pencher pour un
silence prophétique. En d’autres mots, la théologie du livre d’Esther est un
témoignage éloquent que le silence de Dieu n’est pas nécessairement l’absence
de Dieu. 

La structure littéraire joue aussi sur la redondance de la thématique du


banquet qui revient une dizaine de fois dans le livre. Non seulement est-ce là
que tout commence (1.3) et que tout finit (9.22), mais c’est aussi lors de
banquets que tout se décide : que ce soit le rejet de la reine Vashti (1.10-11), le
sort des Juifs (3.15) ou encore la disgrâce d’Haman (7.1), etc. Plus encore, ces
banquets décisifs sont opposés au coeur du livre au jeûne des Juifs (4.3) et
d’Esther (4.16). 

Le but explicite du livre est d’expliquer l’origine de la fête juive du Pourim


(9.32) qui commémore ces journées où les Juifs s’étaient débarrassés de leurs ennemis, en
ce mois où leur chagrin s’était changé en joie, et leur deuil en fête, ils devaient en faire des jours
de banquet et de joie où chacun envoie des cadeaux à son voisin et fait des dons aux pauvres
(9.22). Pourim veut dire les sorts et est directement tiré d’un passage du livre où
le sort du peuple juif s’est littéralement joué (3.7). 

Page 64

 

4.  Livres  poétiques  
3.1.  INTRO.  AUX  LIVRES  POÉTIQUES  
La troisième section de l’AT, nommée Livres poétiques1, comprend les livres
de Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiastes et Cantique des Cantiques.
Contrairement à la majorité des écrits de l’AT qui sont écrits en prose, ces cinq
livres sont plutôt relatifs à la poésie. La poésie hébraïque à une phrasée
rythmée par deux caractéristiques marquantes : la symétrie sonore et la symétrie
de pensée. L’assonance est le terme technique pour la symétrie sonore et il
s’agit d’une reprise d’un même son qui se rapproche de nos rimes2.
Malheureusement, nos traductions perdent souvent la subtilité poétique du
texte original, tel que l’illustre le traducteur biblique Maurice Carrez lorsqu’il
dit : une langue est un filet jeté sur la réalité des choses. Une autre langue est un autre filet. Il
est rare que les mailles coïncident. Mais heureusement, d’autre part, l’effet agréable que
produit sur nous la rime est remplacé en grande partie chez les Hébreux par un tout autre
procédé, celui de la symétrie de la pensée ou du sens. Ce procédé, couramment appelé
parallélisme, caractérise également la pensée archaïque d’Égypte, de Mésopotamie et de
Canaan3. Il y a dans la Bible de nombreux types de parallélismes, dont il
convient d’en examiner quelques-uns afin de se familiariser avec la poésie
rencontrée dans ces livres.
▪ Parallélisme synonymique qui répète la même vérité en mots différents.
Le ciel raconte la gloire de Dieu, 
la voûte céleste dit l’œuvre de ses mains. (Ps 19.2)

▪ Parallélisme antithétique qui contient des propositions contrastées


Un fils sage fait la joie de son père; 
un homme stupide méprise sa mère. (Pr 15.20)

                                                             
1   Ils   sont   aussi   appelé   Livres   sapientiaux   ou   Livres   de   la   sagesse,   en   fonction   de   l’appellation   d’un  

genre  littéraire  bien  connu  et  répandu  au  POA.  D'ailleurs,  le  cours  de  l’ITF  exclusivement  consacré  à  
cette  section  est  nommé  ainsi.  
 2  La  poésie  en  français  ferait  rimée  foi  avec  roi  et  loi,  alors  que  l’hébreu  privilégierait  de  joindre  feu  
et   fou   à   foi.   Le   Psaume   150   offre   un   bel   exemple   d’assonance   de   la   poésie   hébraïque  :  Allez   Louez  
Yah…  Allez  loue  YHWH…  Ah  louez-­‐le…  Alléluia. (La  Bible  :    Nouvelle  traduction)    
3   NCB,  p.  47.  

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▪ Parallélisme synthétique qui ajoute à la première déclaration.


La loi du SEIGNEUR est parfaite, 
elle restaure la vie. (Ps 19.8)

▪ Parallélisme emphatique qui reprend et développe un élément de la


déclaration précédente.
Car voici, tes ennemis, ô Eternel ! 
Car voici, tes ennemis périssent ; Tous ceux qui font le mal sont dispersés. (Ps 92.10)

▪ Parallélisme emblématique qui présente le figuré d’une affirmation littérale.


Comme une biche soupire après des courants d’eau, 
Ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu ! (Ps 42.2)

▪ Parallélisme en chiasme qui croise de manière inversée les déclarations.


a) SEIGNEUR, je t’invoque ! Je supplie le Seigneur :
b) Que gagnes–tu à verser mon sang, à me faire descendre dans la fosse ? 
b) La poussière te célébrera–t–elle ? Racontera–t–elle ta loyauté ?
a) Entends, SEIGNEUR, fais–moi grâce ! SEIGNEUR, sois mon secours ! (Ps 30.9-11)
▪ Parallélisme alphabétique (acrostiche) qui fait commencer chaque verset
par l’une des 22 lettres de l’alphabet hébreu (Ps 25). En français ça pourrait
ressembler à ceci :
A Dieu soit la gloire
Béni soit son nom
Car il m’a sauvé
De la mort et de la peur
Éternellement je louerais son nom, etc. 

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3.2.  LIVRES  POÉTIQUES  


 

JOB  

Lorsqu’on demande : quel est le thème du livre de Job? Immanquablement, la


réponse sera : la souffrance! Cette réponse ne rend toutefois pas justice à la
richesse du livre qui est la quête d’un homme au sein de sa détresse afin de
saisir qui est ce Dieu qui semble silencieux et inactif dans le malheur du juste.
Le sujet du livre est donc Dieu. Il met en scène d’un côté Job, habitant non
israélite du pays de Outs4, et ses trois amis : Eliphaz, Bildad et Tsophar. De
l’autre, la cour céleste de Dieu et l’Adversaire. Le livre peut se structurer ainsi :
PROLOGUE (1-2), MONOLOGUES/DIALOGUES (3-42.6) et
ÉPILOGUE (42.7-17). Au niveau littéraire, notons que le prologue et
l’épilogue sont en prose alors que la partie centrale est en poésie. Les indices
internes du livre tendent à situer le récit dans la période prépatriarcale5 et la
rédaction dans la période post-exilique6. 

Les échanges entre Job et ses amis sont en fait un débat sur l’image
traditionnelle de Dieu, notamment sur la théologie de la rétribution (Pr 1.33).
L’intervention de Dieu démontrera les limites et l’inefficacité d’un système de
réponses religieuses rationnelles (42.7). Car bien avant que l’homme
s’interroge sur Dieu, c’est Dieu qui s’interroge sur l’homme. Et ce, par le biais
de l’Adversaire qui dira est–ce pour rien que Job craint Dieu (1.9)? Ainsi donc, l’être
humain retrouve ainsi sa vraie place… et Dieu reste Dieu. Son mystère ne se laisse enfermer
dans aucune formule. L’essentiel n’est pas dans les questions que nous pouvons nous poser à
son sujet ni dans d’éventuelles réponses, mais dans le fait souverain qu’il est là7.

Le secret de la bonne compréhension du livre de Job se résume ainsi : Nous


savons ce que les personnages ne savent pas : Job souffre en conséquence d’une mise
à l’épreuve de sa fidélité à Dieu8. Alors que les conseils de ses amis pour expliquer
les causes des souffrances de Job, peuvent sembler pleins de sagesse, pris
                                                             
4  Soit  à  Édom  ou  à  Aram.    
5  Job  est  un  patriarche  non  israélite  (1.1;  Gn  10.22-­‐23),  possédant  de  grandes  richesses  (1.3;  42.12),  
officiant  comme  prêtre  pour  sa  famille  (1.5)  et  ayant  eu  une  vie  anormalement  longue  (42.16).  Bref,  
des  éléments  qui  s’insèrent  logiquement  dans  le  contexte  historique  d’avant  le  choix  d’Abraham  en  
Gn  12.1.  
6  Par  exemple,  l’angéiologie  du  livre  reflète  le  développement  théologique  post-­‐exilique  (2S  24.1;  1Ch  
21.1).    
7  NBS,  p.  649.  

8   T.  Longman,  p.  211.  

Page 67

 

indépendamment hors contexte, nous, nous connaissons la véritable cause de


son épreuve et sommes donc en mesure de pleinement évaluer la justesse des
arguments énoncés dans les différentes interventions. Ce qui rend d’autant plus
vibrante son espérance dans sa souffrance (1.21; 13.15; 17.3; 19.25; 42.5). 
PSAUMES  

En hébreu, le livre est simplement nommé Louanges (Tehillim). Le titre de nos


traductions françaises (Psaumes) reste dans le même univers de pensée, mais
provient de la traduction grecque antique de la Septante (Psalmos) qui est la
traduction d’un autre terme hébreu découlant de la racine du verbe chanter en
s’accompagnant d’un instrument à cordes. Ce livre de 150 poèmes spirituels chantés
est généralement appelé le Psautier dans les ouvrages spécialisés. Le livre des
Psaumes étaient au culte de l’AT, ce que les Ailes de la foi étaient aux églises
évangéliques d’il y a quelques années ou ce qu’est notre répertoire de louange
aujourd’hui (2Ch 5.13 Cp. Ps 106.1).

Dans sa forme finale, le psautier apparait comme un recueil de recueils9, c’est-à-dire que le


livre des Psaumes est l’assemblage de cinq autres livres indépendants lui
donnant ses CINQ SECTIONS (1-41; 42-72; 73-89; 90-106; 107-150)10.
Chacun de ces livres ayant leur propre conclusion doxologique respective
comme :Béni soit le SEIGNEUR, le Dieu d’Israël, depuis toujours et pour toujours!
Qu’il en soit ainsi! Qu’il en soit ainsi! (41.14; 72.18-19; 89.53; 106.48; 150.6). Les
psaumes proviennent donc d’auteurs variés et d’époques diverses (90.1;
72.20; 137.1; 126.1). À cet égard, les titres des psaumes, souvent en italique
dans certaines versions, devraient être considérés comme le fruit d’une tradition
ancienne et fiable concernant la paternité et le contexte des psaumes. Mais ils ne devraient pas
être considérés comme originaux et canoniques11. 

                                                             
9  NBS,  p.  688.  
10  Le  commentaire  rabbinique  des  Psaumes  (Midras  Tehillîm)  évoque  ainsi  la  structure  du  Psautier  :  De  
même  que  Moīse  a  donné  cinq  livres  de  lois  à  Israēl,  de  même  David  a  donné  cinq  livres  de  Psaumes  à  
Israēl.  Cela  signifie  que  l’organisation  du  livre  des  Psaumes  est  orientée  sur  la  Torah  en  tant  que  modèle  
d’un  texte  canonique  et  liturgique.  T.  Rōmer,  p.  497.  
  T.  Longman,  p.  225.  Les  raisons  sont  les  suivantes  :  ces  titres  sont  écrits  à  la  troisième  personne  
11

même  quand  le  psaume  est  à  la  première,    ils  ont  tous  la  même  forme  ce  qui  semble  trahir  une  main  
commune,   ils   ne   figurent   pas   dans   les   textes   originaux   et   ils   n’ont   souvent   aucun   rapport   avec   le  
contenu  du  psaume.      

Page 68

 

Les psaumes peuvent être regroupés en catégories et ils appartiennent de


manière générale à l’un des sept genres littéraires suivants.

▪ 1. Psaumes d’hymne (100, 150)

▪ 2. Psaumes de lamentation (12, 28)

▪ 3. Psaumes de reconnaissance (124, 138)

▪ 4. Psaumes royaux (2, 24)

▪ 5. Psaumes de sagesse (127, 128)

▪ 6. Psaumes de confiance (23, 121)

▪ 7. Psaumes de souvenir (135, 136)

Finalement, comment expliquer les psaumes imprécatoires12 (Ps 3.7; 79.6;


137.7-9; 139.22)? En effet, comment donc de tels déversements de haine
peuvent-ils être sanctionnés par l’AT? Nous devons savoir d’emblée que l’AT
n’encourage jamais le croyant à maudire ses ennemis (Ex 23.4-5; Lv 19.17-18;
Pr 24.17; 25.21). Il faut donc chercher ailleurs pour saisir la raison d’être de ces
dures paroles dans les psaumes. Premièrement, ces prières sont avant tout des
… prières (!), et servent à démontrer qu’un homme peut déverser son coeur
sans réserve, retenue ou censure devant son Dieu. Mieux vaut extérioriser sa
colère en parole dans la prière, qu’en action violente. Deuxièmement, il faut
aussi à nouveau situer ces psaumes dans leur contexte, soit à une époque où la
prospérité et le malheur des hommes étaient directement synonymes de
rétribution divine et qui, pour les anciens, s’exerçait durant la vie sur cette terre.
Le succès du méchant (ou le malheur du croyant) était donc pour le juste une
remise en question intolérable de la souveraineté divine. 

                                                             
  Du  latin  imprecari  signifiant  prier  à  l’encontre  de  quelqu’un.  Composé  du  verbe  precari  (prier),  et  
12

du  préfixe  in  (contre).  
 

Page 69

 

PROVERBES  

Le livre des Proverbes est surtout composé de maximes ou de sentences, populaires


(proverbes) ou reflétant l’expérience d’un milieu particulier (de la cour du roi au monde rural),
exprimé en un seul vers comportant deux stiques qui mettent souvent en balance deux idées,
opposées ou complémentaires13. Les proverbes s’adressent aussi bien au jeune
homme naïf qu’au sage qui augmentera son savoir (1.4-5). Le but du livre est
clairement énoncé dès le départ; connaître la sagesse et l’instruction, pour
comprendre les paroles de l’intelligence (1.2). Pour ce faire, le principe fondamental est
la crainte du SEIGNEUR qui est le commencement de la connaissance (1.7). 

C’est essentiellement le message du PROLOGUE (1-9) du livre des Proverbes.


Le coeur du livre est composé d’une GRANDE COLLECTION (10-22.16)
de proverbes de Salomon à laquelle s’ajoutent QUATRE AUTRES
COLLECTIONS (22.17-31) plus modestes : les paroles des sages (22.17), les
maximes de Salomon, transmises par les gens d’Ezéchias, roi de Juda (25.1), les paroles
d’Agour (30.1) et celles du roi Lemouel (31.1). Cela étant dit, la paternité
salomonienne de l’oeuvre est incontestable puisqu’il est l’auteur de la majorité
des proverbes (1.1; 10.1; 25.1). Cela n’est guère surprenant considérant le texte
de 1R 5.9-12 disant que Dieu donna à Salomon de la sagesse, une très grande
intelligence… La sagesse de Salomon surpassait la sagesse de tous les fils de l’Orient et toute
la sagesse de l’Égypte… Il a prononcé trois mille maximes, et ses chants sont au nombre de
mille cinq. De plus, ce texte nous permet de constater l’universalité de la sagesse
à l’époque biblique, ce qui explique la présence de deux auteurs non israélites au
côté de Salomon, ainsi que de certains proverbes étrangers (25.23)14. 

Souvent amenés avec simplicité, quelquefois avec complexité (26.4-5), les


thèmes abordés sont variés : les paroles (10.14), le Seigneur (15.33), les rois (16.13),
les manières à table (23.1-3), l’ivrognerie (23.31-32), le paresseux (24.30-34), la femme de
valeur (31.30), etc. Ce poème final est riche de sens, car après avoir personnifié
la Sagesse sous les traits d’une femme (1.20), avoir confronté Dame Sagesse et
Dame folie dans un véritable combat spirituel (9.1-6; 13-18), l’hébreu sous-
entend par un subtil jeu de mots littéraire que la Sagesse est encore plus, soit
l’épouse par excellence15. 
 
                                                             
13  NBS,  p.  793.    D'ailleurs,  le  mot  hébreu  mashal  vient  de  la  racine  signifiant  parallèle,  similaire  et  veut  

donc  dire,  une  description  au  moyen  d’une  comparaison.  


14   Proverbes   22.17-­‐24.22   comporte   aussi   d’étonnantes   similitudes   avec   le   recueil   égyptien  
Instruction  d’Aménémopé.  
15  Au  verset  30…  qui  craint  le  Seigneur  peut  aussi  se  lire  Crainte  du  Seigneur.  Le  sujet  devenant  donc  

La  Crainte  du  Seigneur  ou  la  Sagesse  plutôt  qu’une  simple  femme.    

Page 70

 

ECCLÉSIASTE  

Ecclésiaste est une traduction grecque de l’hébreu Qohéleth, terme que les


spécialistes utilisent désormais majoritairement pour référer au livre. L’auteur
affiche ses couleurs dès les premiers mots : Paroles de l’Ecclésiaste, fils de David, roi
de Jérusalem.Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité (1.1-2).
L’expression vanités des vanités est une tournure superlative hébraïque16 et peut se
traduire par buée, vapeur, haleine évoquant ainsi l’éphémérité de la vie et des
oeuvres. Certains y ont vu le sage pas excellence, Salomon, discourant sur la
futilité la vie (1.12-16 etc.)17. 

Visant un large auditoire (12.9), il remet en question, de manière pessimiste et


lucide, la pensée traditionnelle sur la sagesse (1.18), le travail (2.11), la vie (3.19),
la justice (8.14), les biens matériels (5.9) et même la religion (4.17). Même si le
livre privilégie l’entrecroisement des thèmes plutôt qu’une structure interne
cohérente, on peut le diviser en trois sections: PROLOGUE (1.1-11),
MONOLOGUE (1.12-12.8) et ÉPILOGUE (12.8-14). 

En fait, l’Ecclésiaste s’attaque aux croyances populaires superficielles. Tandis


que le livre des Proverbes et les Psaumes sapientiaux s’inscrivent dans le courant d’une sagesse
traditionnelle, Qohéleth, avec Job, prend le parti de ne pas accepter sans plus les idées reçues
de la majorité de ses contemporains… Là où Job questionne violemment, Qohéleth lui,
conteste paisiblement18. Son raisonnement ne part pas de la révélation biblique
comme partout ailleurs dans l’AT, mais fait le chemin inverse, en la faisant
émerger de l’expérience de l’homme charnel. Cela est clairement démontré

                                                             
16   Autres   exemples   de   tournure   superlative  :   Saint   des   Saints   (lieu   très   saint),   Roi   des   rois   (roi  

suprême),  Cantiques  des  cantiques  (le  plus  beau  cantique).    


17    Cette   position   traditionnelle   semble   contestée   par   certains   indices   internes   difficilement  
conciliables   avec   Salomon   et   son   règne  :   Absence   de   son   nom   dans   le   livre,   règne   passé?   (1.12),  
monarchie   avancée?   (1.16),   point   de   vue   extérieure   à   la   royauté?   (8.2),   contexte   historique  
d’oppression?  (8.9),  la  présence  d’un  rédacteur  anonyme?  (7.27),  mais  surtout  l’usage  de  la  troisième  
personne  dans  le  prologue  et  l’épilogue  (1.1-­‐11;  12.8-­‐14).  L’Ecclésiaste  serait  donc  un  sage  inconnu  
qui  applique  un  procédé  littéraire  du  POA  consistant  à  se  mettre  dans  la  peau  d’un  personnage  connu  
comme  Salomon  pour  discourir  sur  la  sagesse.    
 

Voici  encore  quelques  pistes  de  réflexion  sur  le  sujet.  De  un,  sur  ce  procédé;  l’auteur  de  Job  a  aussi  
greffé   des   discours   poétiques   à   un   personnage   historique   authentique.   De   deux,   sur   le   nom   en  
introduction;  le  premier  verset  du  livre  (Paroles  de  Qohéleth,  fils  de  David,  roi  à  Jérusalem  (1.1))  peut  
être  rapprochée  de  celui  des  Proverbes  (Maximes  de  Salomon,  fils  de  David,  roi  d’Israël  (1.1)),  et  sont  
tous  deux  sont  insérés  dans  un  prologue  par  un  rédacteur  anonyme.  De  trois,  sur  la  mention  du  fils  
de  David;  elle  peut-­‐être  dans  la  bible  stricte  (un  enfant  de  David),  large  (un  descendant  plus  ou  moins  
lointain)  ou  prophétique  (le  messie  attendu).  De  quatre,  sur  la  personnification;  n’est-­‐ce  pas  ce  que  
font   quelquefois   les   prédicateurs   modernes   lorsqu’ils   revêtent   homélitiquement   un   personnage  
biblique  pour  l’actualiser  à  leur  auditoire  en  le  mimant,  le  faisant  parler,  l’interrogeant?  
18   NBS,  p.  834.  

Page 71

 

par la reprise de l’expression sous le soleil (1.3) qui révèle l’intention de l’auteur; le


but de l’Ecclésiaste est de convaincre les lecteurs de l’inutilité de toute sagesse qui ne s’élève pas
au-dessus d’un horizon purement humain19. Le résultat de cette démarche non
conventionnelle explique que plusieurs aient qualifié l’Ecclésiaste comme étant
la crise de la sagesse. Cette dernière ne peut se résorber qu’en réalisant que la
vanité de la vie terrestre doit être évaluée en fonction de l’éternité (3.11; 11.8-
9).

CANTIQUE  DES  CANTIQUES  

Affirmons d'emblée que ce livre controversé aux passages sexuellement


explicites a suscité de nombreux débats au cours des siècles20. Malgré tout, il
sera tout de même appelé le Cantique des cantiques, soit le plus beau de tous
les cantiques. Les rabbins réussiront à concilier sa beauté et son caractère
charnel en l’interprétant comme une allégorie mystique de l’amour divin (És
62.4; Os 2.18, 21)21. Cela étant dit, les commentateurs modernes penchent
majoritairement désormais pour une interprétation littérale exprimant la
beauté du don divin de l’amour entre un homme et une femme. Les mentions
répétées de Salomon (1.1; 1.5; 3.7, 11; 8.11, 12) inscrivent clairement le livre
dans la littérature de la sagesse et donc dans l’expérience humaine. Il est donc
naturel d’avoir un ouvrage canonique relatif à un thème aussi important que la
sexualité dans la Bible. 

L’intrigue du Cantique des cantiques n’est pas facile à discerner. Certains lisent
le livre comme l’histoire dramatique amoureuse entre Salomon et une jeune
fille ou encore comme un triangle amoureux entre cette jeune fille séparée de
son bien-aimé, qui est un humble berger (1.7-8; 2.16; 6.2-3), par son intrusion
forcée dans le harem de Salomon (3.3; 5.7; 6.8; 8.11, 12-14). D’autres devant
ces ambiguïtés narratives, y voit simplement un recueil contenant une
compilation de poèmes d’amour. 

Même si une structure littéraire semble donc indiscernable, notons tout au long
du livre la reprise d’un REFRAIN (2.7; 3.5; 5.8; 8.4). D’une manière ou d’une
autre, le message théologique demeure le même : Place–moi comme un sceau sur
ton cœur, comme un sceau sur ton bras ; car l’amour est fort comme la mort, la passion jalouse
                                                             
19  G.  Archer,  p.531.  

  D’un,  sur  sa  légitimité  dans  le  canon  et  de  deux,  sur  sa  véritable  signification.  
20

   Voici   ce   que   dit   la   tradition   rabbinique  :   Nos   maîtres   enseignent  :   Qui   chante   comme   un   chant  
21

profane  un  seul  verset  du  Cantique  attire  le  malheur  sur  le  monde.  Rōmer,  p.530.    

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est dure comme le séjour des morts; ses fièvres sont des fièvres brûlantes, une flamme du
SEIGNEUR. De grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour, et des fleuves ne sauraient
l’emporter; quand un homme donnerait tous les biens de sa maison contre l’amour, il
n’obtiendrait que le mépris. (8.6-7). En effet, le livre fait une pierre deux coups en
décrivant la bénédiction divine de la sexualité exclusive entre mari et femme
(2.16; 6.9; 8.6), tout en dénonçant par ricochet les abus sexuels de Salomon. 
 

Page 73

 

5.  Livres  prophétiques  

 5.1  INTRO.  AUX  LIVRES  PROPHÉTIQUES    


La section prophétique est celle contenant le plus grand nombre de livres dans
l’AT. En effet, 17 des 39 de l’AT s’y retrouvent. On les regroupe en deux
catégories : les quatre grands prophètes tels Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel
et les autres au nombre de douze, appelé les petits prophètes1. Ils ont été
écrits sur une période approximative de trois cents ans soit de 8e à 5e siècle2. 

PROPHÉTISME  

La principale erreur d’interprétation des livres prophétiques provient de notre


définition moderne de la prophétie qui est la prédiction d’un évènement futur. Or,
moins de 5 % des prophéties de l’AT décrivent de façon spécifique l’âge de la
nouvelle alliance, moins de 2 % sont d’ordres messianiques et moins de 1 %
concernent des évènements encore à venir. La fonction essentielle du prophète
est plutôt d’être le porte-parole de Dieu en communiquant à ses
contemporains une parole de la part de Dieu pour le présent. Cette
communication prophétique se fait certes par ses paroles, mais aussi par sa vie.
Prenons par exemple, Élie et Élisée qui sont deux figures prophétiques
marquantes de l’AT et desquels nous connaissons davantage la vie que les
paroles. Généralement, dans les livres narratifs de l’AT, nous entendons beaucoup parler des
prophètes, et beaucoup moins les prophètes. Au contraire, dans les livres prophétiques, nous
entendons parler Dieu par l’intermédiaire des prophètes, mais nous apprenons très peu de
choses sur les prophètes eux-mêmes. Cette seule différence explique en grande partie le
                                                             
1  Cette  répartition  s’est  fait  en  fonction  de  la  longueur  des  livres  et  non  de  leur  importance.  De  plus,  

Le   livre   des   Lamentations,   ayant   traditionnellement   été   considéré   comme   une   annexe   au   livre   de  
Jérémie,  s’est  donc  vu  attribué  une  place  dans  la  section  de  grands  prophètes.    
2  Dans  la  Chronologie  des  prophètes  à  la  fin  de  notes  de  la  section  prophétique,  Abdias  et  Joēl  ont  des  

dates  antérieures,  aujourd’hui  généralement  remises  en  question.        


3  Fee,  p.  164.  
4Fee,  p.  163.    
5  Ibid.,  p.  175.  

6  Le  sage  était  celui  qui  avait  appris  la  discipline  et  qui  inhibait  les  passions  et  les  appétits  du  corps  
2  Dans  la  Chronologie  des  prophètes  à  la  fin  de  notes  de  la  section  prophétique,  Abdias  et  Joēl  ont  des  
pour  cultiver
dates  l’âme
 antérieures,  dont  la  plus
 aujourd’hui  grande  faculté
 généralement  était en l’esprit
 remises  (Ladd.
 question.         The  Last  Things.  p.30).  Ajoutons  

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problème qu’ont les gens pour trouver une signification aux livres prophétiques de l’AT3.
Et ce, sans compter que les livres prophétiques sont pour la plupart des
regroupements d’oracles ne respectant pas d’ordre chronologique, souvent
placé sans indications historiques, et qui plus est, généralement livrés sous
forme poétique. Ces auteurs de la section des livres prophétiques sont
communément appelés les prophètes écrivains. 

Cela étant dit, malgré que les prophètes soient essentiellement des prédicateurs
de la Torah, nous ne pouvons occulter qu’il y a une part de prédication
d’évènements futurs dans leurs prophéties. Deux éléments sont à retenir à ce
sujet. Premièrement, la majorité des prédictions annonçaient des évènements
dans le futur relativement immédiat d’Israël. Par exemple, les prophéties sur
le jugement des nations d’Ézéchiel 25-39 ont eu leur accomplissement durant le
6e siècle. Ces prophéties futures de l’AT font donc partie du passé pour nous.
Deuxièmement, certaines de ces prophéties d’un futur proche d’Israël sont
mêlées à celles du grand futur eschatologique. Par exemple, l’insertion d’une
prophétie sur les bénédictions de la Nouvelle Alliance en Ézéchiel 37.15-28.
Cette fusion (ou con-fusion) entre les deux niveaux du futur est due au fait que
les évènements temporels sont vus à la lumière du plan éternel de Dieu (Jl 3.1-
5). Ce phénomène se nomme la prophétie proleptique. C’est un peu comme
regarder de face deux disques distancés, pour ensuite les regarder de profil. Les
prophètes voyaient de face le plan éternel de Dieu alors que nous voyons de
profil les évènements temporels.

Perspective des prophètes de l’AT  Perspective du lecteur moderne

La prophétie biblique appartient à un genre littéraire particulier. Il nous faut


noter pour commencer que les livres prophétiques sont parmi les sections de la Bible les plus
difficiles à interpréter ou à comprendre correctement. Les raisons de cet état de fait se
rapportent à une mauvaise compréhension de leur fonction et de leur forme4. Ce genre est
                                                             
3  Fee,  p.  164.  

4Fee,  p.  163.    

 
Page 75

 

souvent discernable par sa fameuse introduction conventionnelle : Ainsi parle le


Seigneur. Le genre prophétique se décline généralement sous trois formes.
Premièrement, la forme littéraire allégorique appelée procès de l’alliance où Dieu est
décrit sous les traits imaginaires du plaignant, de l’avocat de la partie plaignante, du juge et de
l’huissier dans une action en justice contre l’accusé, Israēl5 (És 3.13-15). Deuxièment,
celle annonçant le Jugement sur Israēl ou une nation étrangère contenant une
imprécation, une accusation et une condamnation (Ha 2.6-8). Troisièmement,
la forme qu’on nomme l’oracle eschatologique (Am 9.11-15). L'espoir initial
d’Israēl était que de ses institutions germerait un jour le royaume de Dieu qui
reflèterait l’idéal divin (Gn 49.10; 2S 7.16). Plus tard, les prophètes ont dénoncé
cette fausse sécurité (Jr 7.4). Il s’est donc développé par le biais de ce type de
prédication, l’espoir d’une intervention catastrophique de Dieu, nommé le Jour
du Seigneur (Jl 3.4; Am 5.20), qui rétablirait le royaume de Dieu sur la terre (Jr
31.31-34; Éz 37.12-14) et ferait paraitre chacun devant le Seigneur (Ps 96.13).
Par conséquent, ce type de prophéties comporte souvent des éléments relatifs à
une guerre mondiale sans précédent, des cataclysmes naturels terrifiants et la
dévastation répandue sur la terre (So 1.14-18). 

ESCHTATOLOGIE  

L’eschatologie est la doctrine enseignant la fin des temps, mais aussi la fin des
gens. Quelle était la vision de la fin des gens dans l’AT? La vision populaire
voyant le corps comme la prison de l’âme, qui à la mort irait rejoindre l’au-delà
tire son influence de la philosophie grecque et non de la théologie biblique. En
effet, les Grecs avaient une conception dualiste du monde (au-delà et ici-bas) et
de l’être humain (âme et corps)6. Le mot traditionnellement traduit par âme
(néphesh) dans l’AT, ne fait jamais allusion à la partie immatérielle de l’homme,
mais renvoie plutôt à l’essence de l’individu, à l’ensemble de la personne en tant
que créature (Gn 2.7)7, et est littéralement une chose physique qui est vivante8.
Le dualisme cosmique est également absent dans l’AT (Gn 1.31; Ps 19.2), qui
ne voit jamais la terre comme un endroit étrange ou encore comme le théâtre indifférent dans
                                                             
5   Ibid.,  p.  175.  
6   Le  sage  était  celui  qui  avait  appris  la  discipline  et  qui  inhibait  les  passions  et  les  appétits  du  corps  
pour  cultiver  l’âme  dont  la  plus  grande  faculté  était  l’esprit  (Ladd.  The  Last  Things.  p.30).  Ajoutons  
que  l’influence  de  la  philosophie  grecque  sur  le  christianisme  médiévale  a  notamment  contribué  à  la  
vie  monastique  et  au  célibat  des  prêtres.    
7   Elle  est  donc  même  appliqué  aux  animaux  (Gn  1.24)  
8     Mon  âme  soupire  après  toi  (Ps  42.1),  serait  mieux  rendu  simplement  par  :  je  soupire  après  toi.  

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lequel l’homme vit son existence temporelle à la recherche de sa destinée céleste. L’homme et le
monde ensemble appartiennent à l’ordre de la création; dans le sens réel du mot, le monde
participe au destin de l’homme. Il n’y pas d’antithèse entre la vie physique et spirituelle, entre
les dimensions interne et externe de l’homme, entre les réalités de l’au-delà et du ici-bas. La
vie est vue dans son intégralité comme la pleine jouissance de tous les dons divins9. Dans
cette perspective vétérotestamentaire la bénédiction divine est essentiellement
physique : prospérité et productivité (Dt 30.9), santé (Pr 4.22), longévité (Ps
91.16), sécurité (Dt 8.1) etc. Pour le croyant de l’AT, la vie véritable n’est pas de
bénéficier de ces choses, mais d’être en communion avec le Dieu qui est la
source de toutes ces choses (Ps 36.10; Jr 17.13; Dt 8.3). La conception de la vie
après la mort est donc étroitement liée à cette vision du monde et de l’homme.
Au lieu de s’échapper du corps et du monde, les morts descendent plutôt dans
le Séjour des morts (Shéol est le mot hébreu de l’AT, alors qu’Hadès est le mot
grec du NT) dans les profondeurs de la terre (Ps 86.13; Ez 26.20). Le Shéol est
synonyme de mort, et est donc plus un état, qu’un lieu proprement dit. À la
mort, la vie de l’âme (néphesh) quitte le corps et va dans le Shéol, où privée de corps, elle doit
vivre une existence indistincte et diminuée10 (Éc 9.10; És 38.18; Ps 115.17), sous la
forme d’un ombre (Job 26.5; Ps 88.11; Pr 9.18). Ce misérabilisme de l’existence
dans le Séjour des morts a amené les justes à espérer un meilleur sort après la
mort (Ps 16.10; 49.16), ce qui a ouvert la voie à une progression de la révélation
vers la résurrection. L’espérance de la résurrection dans l’AT se développera
progressivement et se fondera sur trois piliers. Le premier est théologique, car
Dieu est, et ne peut cesser d’être la source de la vie (Ps 36.10). Le deuxième est
éthique et répond à l’imperfection de la rétribution terrestre, en nécessitant
donc une rétribution supérieure parfaitement juste dans l’au-delà (Jb 19.25; Dn
12.2). Le troisième pilier est eschatologique, car Dieu doit nécessairement
apporter une solution définitive à la mort (És 25.8). Notons en terminant que
durant la période intertestamentaire s’est développé la pensée d’un double
compartiment dans le Séjour des morts, l’un pour les justes et l’autre pour les
injustes (Lc 16.26)11. L’état final du juste passe donc nécessairement par la
résurrection corporelle afin qu’il puisse pleinement jouir à nouveau du monde
béni. En effet, la vitalité de l’existence humaine dans l’AT appelle une révélation plus
profonde de la vie corporelle qui est un véhicule convenable pour l’adoration et la communion
avec Dieu. Pour cela, il a besoin de l’enseignement du NT relatif à la résurrection du corps12. 
Néanmoins, les croyants de l’Ancienne Alliance bénéficient par leur foi (Hb
                                                             
9  Ladd.  The  Last  Things.  p.30.  
10  Dyrness,  W.  Théologie  de  l’Ancien  Testament,  Longueuil,  Ministères  Multilingues,  2001,  p.  88.  
11  Enns.  The  Moody  Handbook  Of  Theology.  p.  393.  

12   Dyrness.  Théologie  de  l’Ancien  Testament.  p.  88.  

Page 77

 

11.39-40) et suite à l’oeuvre de Christ (Hb 10.14) du même état intermédiaire


que les chrétiens (Hb 12.23) comme le démontre la présence de Moīse et d’Élie
dans la gloire de Dieu (Mt 17.2-3)13. 

Concernant les prophéties de la fin des temps dans l’AT, il est crucial


d’effectuer une mise en garde sur l’interprétation littérale de celle-ci. Les
livres prophétiques excellent dans le mélange des genres. D’un côté, nous avons
des récits historiques et autobiographies écrits en prose. De l’autre, nous
rencontrons des messages et des visions inspirées rendues en poésie. L’usage
généralisé de la poésie pour prophétiser s’explique par le fait que la poésie est le
modèle humain de communication par excellence, usant non seulement d’un langage fort, riche
et solennel, mais étant aussi densément tissé avec des rapports, des significations et des
implications internes complexes. Il est donc évident que la parole divine doit être représentée
par la poésie14. La poésie est par définition un langage imagé. La présence répandue
de la poésie dans l’AT et son utilisation répétée dans le NT nous rappelle que la Bible n’est
pas seulement un livre informatif. Les auteurs bibliques stimulent notre imagination en
remplissant nos esprits d’images nous donnant un aperçu adéquat, mais partiel, de la nature
de Dieu et de sa relation avec sa création15. Bref, les caractéristiques de la poésie
hébraïque ainsi que la nature concise et métaphorique de la poésie en général,
font difficilement bon ménage avec une interprétation littérale. Par exemple,
Quand nous lisons la prophétie déclarant que les arbres battront des mains à la
venue du Seigneur (És 55.12), nous comprenons intuitivement que la prophétie
n’est pas à prendre au sens propre, mais au figuré, car les arbres n’ont pas de
mains et ne peuvent donc pas taper des mains.  Attention : nous ne disons pas que
les personnages et les évènements dépeints ne représentent pas des personnages et des évènements
historiquement réel ou actuel. La question est comment ces évènements réels sont représentés.
La plupart du temps, ils sont représentés symboliquement16. Pour prendre un exemple
connu, les 144 000 marqués du sceau divin dans l’Apocalypse (7.4) sont
assurément de vraies personnes bénéficiant d’une action réelle de Dieu, mais le
chiffre peut-être symbolique et le sceau spirituel. 

                                                             
13  Les  évangéliques  ont  deux  positions  sur  le  sujet.  Les  croyants  de  l’AT  étaient  soit  sauvés  par  leur  
foi  dans  le  messie  à  venir  (Gn  3.15)  ou  soit  par  le  système  sacrificiel  (invalidé  par  Hb  10.4).  
  Ryken  L.  et  T.  Longman.  A  Complete  Literary  Guide  To  The  Bible.  Grand  Rapids,  Zondervan,  1993,  
14

p.305  
15   Ryken  L.  A  Complete  Literary  Guide  To  The  Bible.  p.91.  
16   Ibid.  p.461.  

Page 78

 

5.2  LIVRES  PROPHÉTIQUES    

ÉSAĪE  

Avec ses 66 chapitres, le rouleau d’Ésaïe constitue le portail monumental par lequel on accède
au grand ensemble des prophètes écrivains17. Le nom du prophète indique le thème du
livre : YHWH sauve. Le livre se divise en trois grandes sections relatant des
évènements très éloignés dans le temps. La première se situe durant LE
TEMPS D’ÉSAĪE (1-39) autour de 740-700. Notre connaissance des livres
historiques nous aide à mettre en contexte cette période. En effet, Ésaīe
prophétisera sous quatre rois (1.1) : sa vision céleste à lieu l’année de la mort du roi
Ozias18 (6.1) qui marquera la fin d’une époque prospère (781-740), Jotam
(740-736), Achaz (736-716) qu’il encouragera, dans la foulée de la guerre syro-
éphraīmite aboutissant à la chute d’Israēl19, par des paroles qui deviendront
messianiques20 (7.10-14), et le grand réformateur Ézechias (716-687) qu’il
conseillera dans le tumulte des alliances et des révoltes politiques de l’époque21. 

La deuxième grande section du livre annonce LA CONSOLATION


D’ISRAÊL (40-55) qui suivra le drame de l’exil (48.20). Ainsi deux cents ans
d’avance, Ésaīe déclare : Je dis de Cyrus : C’est mon berger! Il comblera tous mes désirs,
en disant de Jérusalem : Qu’elle soit rebâtie! et du temple : Qu’il soit fondé! Voici ce que dit
le SEIGNEUR à l’homme qui a reçu son onction, –– à Cyrus, que j’ai saisi par la main
droite, pour terrasser devant lui des nations, pour détacher la ceinture des rois, pour ouvrir
devant lui les deux battants, et que les portes des villes ne soient plus fermées… (44.28-
45.1). À cet égard, dans cette section se retrouvent aussi quatre fameux poèmes
appelés les chants du serviteur du Seigneur traditionnellement associés à
Cyrus et/ou à Israēl (41.8; 44.1)22. 

                                                             
17  NBS,  p.  856.  
18  Aussi  appelé  Azaria    
19  Retsîn  roi  de  Damas  s’était  allié  à  Péqah  roi  d’Israēl  pour  entrainer  à  leur  suite  Juda  à  se  révolter  

contre  l’Assyrie.  Devant  le  refus  de  Joram,  à  sa  mort,  ils  attaqueront  et  tenteront  de  remplacer  Achaz  
par  un  roi  qui  leur  est  favorable.  Les  représailles  assyriennes  mettront  fin  aux  royaumes  de  Syrie  et  
d’Israēl.      
20  Jésus  est  l’Emmanuel  messianique  (Mt  1.23),  alors  qu’en  fait  l’Emmanuel  historique  est  Ézechias  
(7.14).    
  Nous  avons  déjà  parlé  de  la  tentation  politique  de  privilégier  le  secours  des  Égyptiens  au  détriment  
21

de  l’intervention  de  Dieu  face  aux  Assyriens    (31.1).  


22   En   quatre   endroits   pourtant,   il   est   question   d’un   personnage   mystérieux,   à   la   forte   personnalité,  
injustement  persécuté,  mis  à  mort,  et  cependant  vivant  ai  delà  de  son  supplice  (cf.  42.1-­‐7;  49.1-­‐9;  50.4-­‐
11;  52.13-­‐53.12).  Beaucoup  plus  tard,  les  chrétiens  n’ont  pas  hésité  à  reconnaître  en  lui  Jésus-­‐Christ  (Mt  
12.15-­‐21;  Lc  1.32;  24.27;  Jn  12.37-­‐41;  Ac  8.32-­‐35;  1P  2.21-­‐25).  NBS,  p.  858.  

Page 79

 

La dernière section porte sur l’ESPÉRANCE ESCHATOLOGIQUE (56-


66) et contient de nombreux joyaux de la littérature prophétique comme la
maison de prière pour tous les peuples (56), le vrai jeûne (58) et l’Esprit du
Seigneur (61).

JÉRÉMIE  

Issu d’une famille sacerdotale établie à 5 km au nord de Jérusalem à Anatoth,


Jérémie est fort probablement de la lignée du grand prêtre Éli écartée du culte
de Jérusalem (1S 2.30; 1R 2.26), ce qui expliquerait ses démêlées avec les prêtres
du temple (20.1-2). Il commencera son ministère en 627/6 (1.2), et le terminera
une quarantaine d’années plus tard, après l’exil, en Égypte (43.6-7)23. 

Jérémie en tant que prophète des nations (1.5), interprète l’actualité nationale


et internationale à la lumière du plan de Dieu. Il vit à une époque trouble : la fin
du royaume d’Israël est encore fraiche dans les mémoires (722/1), Juda semble
vouloir renaitre avec Josias (640-609), l’Assyrie décline et la chute de sa capitale
Ninive est imminente (612), L’Égypte tente de reprendre sa place et Babylone
émerge (la bataille de Karkemish en 605), Jérusalem tombe (587/6), etc. Sa
vision pessimiste des évènements politiques, le fera passer pour un traitre qui
tente de saper le moral des troupes (38.4). Mais en fait, Jérémie appel à
humblement accepté le jugement de Dieu : le peuple de Dieu qui n’a pas n’a pas voulu se
soumettre au joug léger devra se soumettre au joug pesant (Jr 28)24. 

Jérémie est un livre-puzzle composé de matériel divers (36.32), organisé de


manière non chronologique (32.1; 36.1; 37.1; 39.1). Malgré tout, le livre se
compose de quatre grandes sections : PROPHÉTIES CONTRE ISRAËL
ET JUDA (1-6), PROPHÉTIES ET ACTES DIVERS (7-25), SECTION
BIOGRAPHIQUE (26-45) et PROPHÉTIES CONTRE LES NATIONS
(46-52)

Impopulaire, seul, persécuté (12.6; 18.18; 20.2; 38.6) et amer (20.7-18), Jérémie
sera quand même un prophète d’espérance. Son geste prophétique le plus
puissant, placé immédiatement au niveau littéraire après l’annonce de
l’espérance de la nouvelle alliance (30-31), sera d’acheter un champ alors que
tout semble annoncer une fin imminente (32.1-2, 8, 15). 

                                                             
23   Selon  la  tradition,  il  y  serait  mort  lapidé  (Hb  11.37  est  une  allusion  probable).  
24   NBS,  p.  941.  

Page 80

 

LAMENTATIONS  

Cinq poèmes ayant pour thème la chute de Jérusalem correspondent aux cinq


chapitres du livre des Lamentations25. Par sa richesse littéraire indéniable (les
poèmes sont entre autres des acrostiches alphabétiques), les Lamentations sont
considérées par certains érudits comme étant parmi les plus beaux chants du
monde. Ils appartiennent au genre de la complainte qui est une lamentation
funèbre empreinte d’affliction et de stupeur questionnant la fatalité à la manière
hébraïque en demandant comment? (1.1; 2.1; 4.1 Cp. 2S 1.19). La tradition
attribue ces célèbres lamentations aux prophètes Jérémie (ce qui est rejeté par la
majeure partie des biblistes modernes)26, c’est pourquoi on parle encore
aujourd’hui de jérémiades comme synonymes de plaintes. Malgré les jours
sombres auxquels ce livre fait allusion, il est empreint lui aussi d’espérance
comme le démontre le fait que Dieu est mentionné près d’une centaine de fois
dans ce court texte, ainsi que sa finale : Ramène–nous à toi, SEIGNEUR, et nous
reviendrons! Renouvelle nos jours comme au temps jadis!... (5.21). Ainsi, à la lamentation
se joint l’attente de la restauration puisque la fidélité du Seigneur n’est pas épuisée…
elle se renouvelle chaque matin (3.22-23).

ÉZÉCHIEL  

En 598, dans la foulée de la victoire de Karkemish sur les Égyptiens, les


Babyloniens s’emparent d’Israël, vident le temple et déportent 10 000 élites (2R
24.10-17)27. Parmi ce groupe installé près du fleuve Kebar, une dérivation de
l’Euphrate au sud-est de Babylone, se trouve le jeune prêtre Ézéchiel, qui
recevra cinq plus tard une vision (1.1-3)28. Cette vision de la gloire de Dieu en
terre étrangère parmi les exilés confirmera pour Ézéchiel que la déportation fait
partie du plan de Dieu et que conséquemment, Jérusalem est sur le point de

                                                             
25  Le  livre  est  encore  lu  par  les  juifs  lors  de  la  Commémoration  de  la  destruction  du  temple,  ou  plutôt  

des   destructions   du   temple,   celle   de   587-­‐6   par   les   Babylonniens   et   celle   de   70   apr.   J.-­‐C.   par   les  
Romains.      
  Sans  entrer  dans  le  débat,  notons  simplement  que  les  uns  soulèvent  des  ressemblances  (3.53)  alors  
26

que   les   autres   avancent   des   contradictions   comme   l’optimisme   de   l’auteur   (4.17;   Jr   37.7-­‐9)   et   la  
valeur  qu’il  semble  accorder  au  roi  (4.20;  Jr  24.8).  Pour  les  uns,  l’évidence  d’un  témoignage  occulaire  
valide  la  paternité  de  Jérémie  alors  pour  les  autres,  le  fait  que  le  nom  de  Jérémie  soit  mentionné  nul  
part  dans  le  livre,  le  disqualifie.    
27  Ce  que  nous  nommons  les  deux  déportations  (assyrienne  et  babylonnienne)  ont  en  fait  été  précédé  
d’autres  de  moindre  envergure  (2R  15.29  en  733/2  et  2R  17.6  en  722/1  pour  Israēl;  2R  24.14  en  597  
et  2R  25.11  en  587/6  pour  Juda).      
28   Celle-­‐ci  pourrait  coïncider  avec  ce  qui  aurait  dû  être  son  entrée  en  fonction  au  Temple  (Nb  4.3).  

 
Page 81

 

tomber (11.23)29. Il s’applique donc à briser les illusions et les faux espoirs des
Juifs à Babylone comme Jérémie le fait à Jérusalem. Ses prophéties fort
imagées (15.2; 21.5) sont quelquefois silencieuses (3.26), d’autres fois
expérimentales (3.1-3) ou personnelles (24.15-18), souvent de fois mimées (4.4-
8). Ézéchiel ne fait donc pas que proclamer des prophéties, il devient la
prophétie tel que l’indique YHWH à la maison d’Israēl : Ezéchiel sera pour vous un
présage (24.24). 

Le livre se divise en trois sections : JUGEMENT DE JUDA ET


JÉRUSALEM (1-24), PROPHÉTIES CONTRE LES NATIONS
ÉTRANGÈRES (25-32) et BÉNÉDICTIONS DE JUDA ET
JÉRUSALEM (33-48). Bien qu’ayant prophétisé sur une période de vingt-
deux ans (1.2; 29.17), c’est essentiellement dans ses premières années précédant
la chute de Jérusalem qu’il est le plus actif. La vision des ossements desséchés
porte l’espérance de la restauration (37.1-14) et tout l’avenir pourrait se résumer en
un seul mot, et c’est le dernier : YHWH est là (48.35)30. 

Quelques mots supplémentaires en terminant, sur le cadre historique


national du début de l’exil de l’époque de Jérémie et d’Ézéchiel. Pendant ces
années, il semble y avoir une certaine rivalité entre la population restée sur
place et l’élite amenée à Babylone, afin de déterminer lequel des deux groupes
sera le plus apte à prendre en charge l’éventuelle reconstruction de la nation (Jr
24; Éz 11.15, 33.24)31. En Israël, les plus pauvres restés sur place (2R 24.14-16;
25.12) feront face à la famine, la violence et à l’idolâtrie récurrente (Lam 5). De
leur côté, les exilés se regrouperont, s’organiseront, s’adapteront et
maintiendront leurs traditions (Jr 29.1-7; Ps 137). On suppose souvent que la liturgie
de la parole, sans sacrifice, qui conduisit à la création de la synagogue, a son origine à cette
époque exilique32. Flavius Josèphe écrira que c’est aussi à cette époque que le
grand-prêtre a remplacé le roi comme chef de la nation33. 

                                                             
29   Le  char  de  guerre  est  un  signe  de  mauvais  augure  (1.16).  
  NBS,  p.  1032.  
30

  Un  troisième  groupe  de  Judéen  fuira  en  Égypte  (2R  25.26;  Jr  44.13),  mais  son  influence  sera  très  
31

peu  significative  pour  l’histoire.  


32   Rendtorff,  p.  103.  
33   Ant.,  XI,  4,  8.  

Page 82
10  
 

DANIEL  

Le livre de Daniel, à l’instar de celui d’Esdras, comporte une section


araméenne (2.4-7.28) et chevauche deux genres littéraires : le narratif et
l’apocalyptique où se côtoie des histoires élémentaires d’école du dimanche et
des textes complexes faisant l’objet de débats sans fin entre érudits. 

Premièrement, LES RÉCITS (1-6) de l’ascension de ce jeune juif pieux exilé à


la cour babylonienne, puis perse, et qui recevra le don de la sagesse (1.17).
Notons que ces trames narratives sur Daniel sont à rapprocher au niveau
littéraire de ceux de Joseph et Esther qui sont tous exilés, beaux, jeunes, pieux,
intègres, compétents, influents et qui deviendront tous providentiellement des
sauveurs du peuple de Dieu. 

Deuxièmement,  LES VISIONS (7-12) constituées de visions riches en symboles


(animaux, cornes, yeux). Elles sont résolument apocalyptiques : ainsi nomme-t-on ce genre
littéraire particulier, dont Daniel nous offre le modèle accompli, mais qui a déjà été esquissé
par Ézéchiel et qui deviendra foisonnant dans le judaïsme jusqu’à l’ère chrétienne34. Il se
caractérise par des messages mystérieux, souvent interprétés par un messager divin à
l’intention d’un bénéficiaire humain, lui-même chargé de les communiquer à son tour. Plus
que le prophétisme antérieur, l’apocalypse est indissociable de la forme écrite, laquelle rend
possible un langage soigneusement codé, qui doit être déchiffré. Au lieu d’interpeller
directement la conscience morale de ses destinataires, à la façon des prophètes, elle fait appel à
la perspicacité du lecteur. Il s’agit, en général, d’une littérature de crise qui exacerbe
l’opposition entre le bien et le mal. Elle révèle (apocalypse = révélation), par-delà la difficulté
des temps, que Dieu est maître de l’histoire et qu’il aura le dernier mot, au terme d’une
succession d’évÈnements écrits à l’avance. L’apocalyptique joint à la parole prophétique
l’inspiration particulière de la sagesse, en ce qu’elle constitue un regard inattendu sur la réalité
de l’histoire et du monde des hommes35. En d’autres mots, si le prophétique tente de
faire se sentir mal ceux qui se sentent bien, l’apocalyptique veut faire se sentir
bien ceux qui se sentent mal.
                                                             
34  Le  retour  de  l’exil  n’avait  apporté  que  de  cruelles  désillusions.  Apparemment,  il  n’y  avait  plus  grand-­‐

chose  à  attendre  de  l’histoire.  Seul  un  grand  bouleversement  divin,  l’irruption  d’un  monde  totalement  
nouveau,   rétablirait   le   peuple   dans   son   droit.   Du   coup,   toutes   les   puissances   hostiles   qui   allaient   se  
succéder   sont   décrites   comme   des   types   de   l’ennemi   suprême   qui   sera   définitivement   détruit.   NBS,   p.  
1667.      
35   NBS,  p.  1092-­‐1093.    

Page 83
11  
 

OSÉE  

Le ministère d’Osée s’adresse aux tribus du nord et s’étend sur une période
d’environ 25 ans, des dernières années de Jéroboam II (783-743) jusqu’à la fin
du royaume d’Israël (722/1) (1.1). Cette époque est marquée par l’instabilité
politique, car sept rois se succèderont très rapidement dont quatre suites à des
coups d’État. Ainsi que par l’idolâtrie, notamment le culte des veaux d’or qui
persistera encore, même deux ans après son installation (8.5-6; 10.5; 13.2). À
l’instar de Jérémie et surtout d’Ézéchiel, sa vie sera un geste prophétique, car
afin d’illustrer la relation entre son peuple infidèle et lui-même, Dieu lui dira :
Va, prends une prostituée et des enfants de la prostitution; car le pays se vautre dans la
prostitution, en abandonnant le SEIGNEUR (1.2).

JOĒL  

Ni la mention d’Israël (2.27; 4.2, 16), ni celle des ennemis (2.20; 4.4, 19), ni celle
des partenaires commerciaux (4.6-8), ni l’absence de celle concernant les
Assyriens et les Babyloniens, ni celle des fléaux comme l’invasion de sauterelles
(1.4) et la sècheresse (1.19-20) ne permettent de dater le livre de Joël. Les
hypothèses vont du 9e au 4e siècle. La période historique du livre importe peu
puisqu’il s’adresse à toutes les générations (1.1-3). Et au-delà du temps, le
prophète donne le sens des évènements. Les catastrophes agricoles et guerrières du livre de Joël
suggèrent que toute sécurité s’évanouit devant la venue du Dieu saint36. D’où les appels
intemporels à la repentance (2.12-14) et à l’attente de l’effusion de l’Esprit
(3.1).

AMOS  

Amos n’est pas un prophète professionnel, mais un laïc, un simple éleveur de


la ville de Teqoa, située à une dizaine de kilomètres au sud de Bethléem, qui
profitera peut-être de ses voyages d’affaires pour aller annoncer son message
dans le royaume rival du nord (1.1; 7.14)37. À cette époque des dernières années

                                                             
  Idem,  p.  1130.  
36

  Le  sycomore  est  un  figuier  sauvage  qui  servait  surtout  à  nourrir  le  bétail.  Comme  le  sycomore  ne  
37

pousse  pas  à  l’altitude  de  Teqoa,  Amos  devait  voyager  pour  exercer  sa  spécialité.  NBS,  p.1136.    

Page 84
12  
 

du règne de Jéroboam II (783-743) (1.1), Israël est stable et prospère. Cette


prospérité créera de graves inégalités sociales que condamnera Amos :…ils
ont vendu le juste pour de l’argent, le pauvre pour une paire de sandales; ils harcèlent jusqu’à
la poussière de la terre qui est sur la tête des petites gens, ils font dévier le chemin des pauvres
(2.6-7) – vous qui changez l’équité en absinthe et qui jetez à terre la justice! (5.7). Cette
dénonciation des injustices religieuses et sociales, lui vaudra l’expulsion de la
ville idolâtre et frontalière de Beth-El (7.10-13). 

ABDIAS  

Le livre d’Abdias est le plus court de l’AT et renferme essentiellement un


jugement prophétique contre Édom. Même si le contexte historique peut
remonter à la razzia arabo-philistine du règne de Joram (852-841)(2Ch 21.8-20),
la plupart des spécialistes modernes privilégient lorsque le royaume de Juda a été
définitivement brisé par les Babyloniens au 6e siècle. Le jour des v.10 à 14 serait celui de la
prise de Jérusalem en 587/6 av. J.-C. (2R 25). Dans cette dernière situation, les Édomites
ont participé à la destruction et au pillage de la ville. D’après Ézéchiel, ils en ont également
profité pour occuper des territoires du sud de la Judée (Ez 35.10). Édom est accusé d’avoir
trahi la fraternité en adoptant à l’égard de Juda la même attitude que celle des étrangers38. 

JONAS  

Jonas n’est pas un personnage fictif d’histoire pour enfant39, mais un prophète
historique reconnu. 2 Rois 14.25 nous dit que Jéroboam II40 réussira plusieurs
exploits militaires sous l’impulsion d’un prophète nationaliste, c’est-à-dire, selon
la parole que le SEIGNEUR, le Dieu d’Israël, avait prononcée par l’intermédiaire de son
serviteur Jonas, fils d’Amittaï, le prophète de Gath–Hépher. Ce patriotisme israélite
qui tiendra tête (mais pour peu de temps encore) à la puissance assyrienne est la
clé qui permet de bien comprendre le livre. En effet, le refus de Jonas d’obéir à
                                                             
38  NBS,  p.  1148.  On  se  rappelle  que  leur  ancêtre  est  Esaū,  qui  était  le  frère  de  Jacob,  qui  deviendra  
Israēl  (Gn  36.6-­‐8).    
39   Cette   perception   est   due   aux   nombreux   éléments   fabuleux   du   récit  :   une   tempête   divine,   un  

poisson   avaleur   d’homme,   un   homme   qui   y   demeure   vivant   pendant   trois   jours,   une   nation   qui   se  
repent  en  un  jour,  une  plante  qui  pousse  en  une  nuit,  etc..  
40  Encore  lui!  Cela  dit,  il  est  normal  que  ce  dernier  grand  roi  de  l’histoire  d’Israēl,  mais  considérée  

comme   mauvais   aux   yeux   de   Dieu,   et   dont   la   fin   du   règne   coïncide   avec   le   début   de   la   fin   pour   le  
royaume  du  Nord,  ait  suscité  le  déclenchement  d’une  grande  vague  prophétique.  

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l’ordre du Seigneur d’aller dans la capitale assyrienne de Ninive (1.1-3) est


attribuable non pas à la crainte, mais au refus de voir la grâce de Dieu
s’étendre à cette nation ennemie cruelle (4.1-2). Non seulement refusera-t-il
d’obéir, mais fuira en direction inverse à Tarsis (sud de l’Espagne moderne) qui
était la limite occidentale du monde connu des Hébreux. Le livre relevant
beaucoup plus de genre narratif que prophétique41, contient un cœur
théologique important dans le cantique des profondeurs du chapitre 2 qui
enchaine textuellement plusieurs versets du livre des psaumes. 
MICHÉE  

Le premier verset nous apprend que Michée est issue de ces années marquées
par l’expansion assyrienne (740-687), et est donc contemporain d’Ésaïe (1.1).
Plus encore, le message de Michée comporte de frappantes similitudes avec
celui d’Ésaïe42. Natif de Moréseth, au sud-est du pays près de la Philistie,
Michée amènera le complément rural à l’œuvre du citadin Ésaïe. À cet égard,
David, ainsi que son descendant messianique, ne sera pas tant perçu comme le
roi de Jérusalem (És 9.5-6), que comme le berger de Beth-Léem (5.1-3). Alors
qu’Ésaïe dénonce les désordres politiques, Michée ciblera les désordres
sociaux (2.1-5; 7.1-6). Avec la chute inévitable de Jérusalem (3.12), Michée
appellera à la restauration du  vrai culte (6.8).

NAHUM  

Nahum peut autant vouloir dire le Consolé, que le vengé, et ainsi est-il, puisqu’il
annonce vigoureusement la chute de Ninive, soit la consolation et la
vengeance de l’oppresseur assyrien (1.1, 7-8). La prophétie se situe entre 663
et 61243. Le style poétique de Nahum est d’une qualité remarquable. Sa beauté contraste
avec la rigueur du message… De tous les prophètes du second ordre, aucun n’a autant de

                                                             
  Il  y  a  une  seule  petite  prophétie  de  cinq  mots  hébreux  dans  le  livre  :  Encore/  quarante/  jours/  et  
41

Ninve/  est  détruite.  (3.4).  


  L’introduction  des  prophéties  initiales  (1.2;  És  1.2),  la  conversion  des  nations  (4.1-­‐5;  És  2.2-­‐5),  le  
42

prophète  déchaussé  et  nu  (1.8;  És  20.3),  etc.  


  Le  plancher  de  663  est  la  prise  de  la  capitale  de  la  Haute-­‐Égypte  No-­‐Amôn  (mieux  connue  sous  le  
43

nom  de  Thèbes)  (3.8)  et  le  plafond  de  612  est  la  chute  de  la  capitale  assyrienne  Ninive  (1.1).  

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sublimité, de chaleur et d’audace que Nahum44. Nahum décrira les évènements à la


manière d’un reporter usant d’images choque (3.1-3), de phrases punchs
(2.12-13)45, et du ton sarcastique (3.12-19). Cette bonne nouvelle de la chute
assyrienne fera dire qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui l’annoncent, car le
destructeur ne passera plus au milieu de toi, il est entièrement retranché (2.1)46. 

HABAQUC  

Contrairement à la majorité des livres prophétiques, le premier verset ne nous


apprend rien sur Habacuc. L’émergence des Chaldéens (1.5-6) nous permet par
contre de situer le livre vers 630. Habaquc s’adresse à Juda et à Jérusalem pendant le
dernier acte de la présence de ce royaume sur la scène de l’histoire. Juda est en proie à la
corruption et la puissance croissante de Babylone est sur le point d’amener la destruction du
Temple et de la ville. Pourtant, face à ces maux jumeaux, le prophète à l’impression d’avoir à
faire à un Dieu passif, qui n’est pas concerné… Habaquc était en train d’apprendre à vivre
par la foi (2.4). Face au désastre, le prophète apprenait à chanter les louanges du Rédempteur
et Seigneur47. C’est pourquoi le livre commence dans le questionnement (1.2-3)
et s’achève dans la louange (3.18-19). 

SOPHONIE  

Le message du livre de Sophonie est d’annoncer que le Jour du Seigneur sera


comme un sacrifice (1.7), en ce qu’il effectuera l’immolation et la
purification d’Israël (3.8-9). Le contexte est assurément les premières années
du règne de Josias (640-609) avant qu’il n’entreprenne sa grande réforme
religieuse (630-620) (1.1). Ces années seront marquées par le déclin assyrien et
la montée babylonienne à l’échelle proche-orientale et par l’abandon du
Temple et l’oubli de la Loi au niveau national (2R 22.3-10; 3.1-2)48. Malgré

                                                             
44  Le  mot  livre  (dans  le  premier  verset)  indique  que  la  prophétie  de  Nahum  est  quelque  peu  
différente  des  autres.  La  plupart  des  prophètes  étaient  des  prédicateurs,  et  leurs  prophéties  sont  des  
recueils  constitués  de  leurs  discours  oraux  rassemblés  par  la  suite.  Longman,  p.  444.      
45  Les  lions  étaient  l’emblème  officiel  de  Ninive.  
46  Qu’ils  sont  beaux,  les  pieds  de  ceux  qui  annoncent  de  bonnes  nouvelles  est  plutôt  une  citation  de  
Rm  10.15,  qui  est  en  fait  une  traduction  grecque  du  texte  hébreu.  Voir  la  note  17.  
47  Longman,  p.  453.  

48  Jérusalem  a  même  perdu  son  identité  et  est  anonymement  désignée  comme  étant  la  rebelle,  la  

souillée,  la  ville  tyrannique  (3.1).  

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l’imminence du jugement, les prophètes de l’AT ont développé le thème du reste (Es


6.13; 11.1). Il indique à la fois l’ampleur du désastre (il n’y a plus qu’un reste) et l’espérance
d’un avenir possible49. Sophonie verra ce reste du peuple d’Israël annonciateur de
la restauration de la nation (2.7, 3.12-13; 3.20).

AGGÉE  

Après le décret de Cyrus permettant le retour des exilées en 538, les Juifs
entreprennent immédiatement l’année d’après la reconstruction du Temple,
pour s’arrêter peu après suite à de fortes pressions externes (Esd 4.1-5). En
520, Aggée se lèvera pour dénoncer la situation en attribuant cet arrêt de dix-
sept ans à la négligence du peuple de Dieu avant tout et en révélant que les
mauvaises récoltes en sont la conséquence divine (1.2-6). Sous cette
impulsion, les anciens des Judéens bâtirent avec succès, selon la parole prophétique d’Aggée,
le prophète (Esd 6.14). Aggée s’appliquera également à encourager Zorababel
(1.1; 2.2), qui en plus d’être le premier gouverneur de cette période post-
exilique, est aussi et surtout un descendant davidique, ce qui ranimera l’espoir
messianique (2.23)50.

ZACHARIE  

Zacharie suit de près Aggée (Esd 5.1). D'ailleurs, la grande montagne aplanie


non par la force, mais par l’Esprit de Dieu, réfère aux ruines de l’ancien Temple
(4.6-9). Mais à l’instar d’Ézéchiel et surtout Daniel, il utilisera majoritairement le
genre apocalyptique pour délivrer son message. Ainsi, ses huit visions ont
pour but de révéler des portions du plan de Dieu51. La deuxième partie du livre
de Zacharie est manifestement eschatologique et dépeint le messie à venir

                                                             
49   NBS,  p.  1182.  
50   Il  figure  dans  la  généalogie  de  Jésus-­‐Christ  (Mt  1.12)  
51    1)   Malgré   que   toute   la   terre   est   en   repos   et   tranquille   (1.11),   2)   Dieu   est   encore   celui   qui   peut  
abattre  les  cornes  des  nations  qui  ont  levé  la  corne  contre  Juda  afin  de  le  disséminer  (2.4),  3)  et  rétablir  
définitivement   Jérusalem   qui   sera   une   ville   sans   murailles,   tant   les   humains   et   les   bêtes   y   seront  
nombreux  (2.9),   4)   car  regarde,   je   t’enlève   ta   faute   pour   t’habiller   de   vêtements   de   fête  (3.4),   5)   au  
moyen  de  Zorobabel  et  Josué,  respectivement  gouverneur  et  grand  prêtre,  qui  sont  les  deux  hommes  
de  l’huile  nouvelle,  qui  se  tiennent  debout  devant  le  Seigneur  de  toute  la  terre  (4.14)  6)  et  qui  selon  la  
Loi  (5.3)  7)  chasse  la  méchanceté  du  pays  (5.8)  8)  par  l’Esprit  du  Seigneur  (6.5;  Cp.  4.6).  
 

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sous différents traits : le germe (3.8; 6.12), devient donc le roi humble (9.9), le
berger frappé par l’épée (13.7), le transpercé (12.10), etc. Néanmoins, à la fin de
l’Histoire, le SEIGNEUR sera roi de toute la terre ; en ce jour–là, le SEIGNEUR sera
un, et son nom un (14.9).

MALACHIE  

Le rétablissement du culte de Jérusalem (1.7), l’administration perse (1.8), le


relâchement des sacrificateurs (1.6), la négligence dans les dimes et les
offrandes (3.8) et la polémique sur les mariages mixtes (2.11), permettent de
positionner Malachie autour de 450, soit à l’époque d’Esdras et Néhémie. Le
livre est un dialogue fictif entre le prophète et des opposants, et a pour but de
répondre tout haut à six questions que tous se posent tout bas. Celles-ci
portent notamment sur l’amour de Dieu (1.2), le culte (1.6-7), la faveur de
Dieu (2.13-14), la rétribution divine (2.17), la repentance (3.7) et la foi (3.14).
Malachie expliquera que la cause des maux d’Israël n’est pas le Seigneur, mais
leur infidélité morale, sociale et conjugale. Notons en terminant que le livre
de Malachie, et donc l’AT, se termine par un tremplin vers la nouvelle
alliance (3.20-24).
 

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