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1. Introduction à l’AT
D’entrée de jeu, il convient de préciser l’appellation de notre cours; Initiation à
l’Ancien Testament.
1 Rōmer, p. 11.
2 Pour la petite histoire, le rejet de l’AT par Marcion (85-‐160) fut l’une des premières grandes
hérésies de l’histoire de l’Église.
3 TOB, p. 11.
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▪ Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour
redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit adapté et préparé à
toute œuvre bonne (2 Tim 3.16-17). L’AT n’est pas moins inspiré que le
Nouveau Testament et il est tout aussi utile.
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.ת ה אָר ץ
,ם שּׁ מו,יםה
יא את , ית
א א ֹה בּ ר אשׁבּ ר
Quelques passages de Daniel (2.4-7.28) et d’Esdras (4.8-6.18; 7.12-26) ont par
contre été écrits en araméen. Cette langue proche de l’hébreu est devenue la
langue internationale vers le 7e s. av. J.-C. et a été adoptée par les juifs lors de
l’exil au détriment de l’hébreu qui n’était étudié et parlé que par la classe
cultivée (cela explique le fait que Jésus parlait araméen). L’Ancien Israël
comportait une abondante littérature composée de toute sorte d’écrits divers
(Nb 21.14; Jos 10.13; 1R 14.29, 1Ch 29.29). L’AT est la crème de toute la
littérature écrite dans l’Ancien Israël. C’est en quelque sorte la bibliothèque
officielle d’Israël qui rassemble ses écrits fondamentaux. D'ailleurs, l’AT était
désigné au début comme étant les Livres (Ta biblia). Les auteurs du NT ont
aussi cette pluralité de livres en tête lorsqu’ils parlent des Écritures (Mt 21.42; Lc
24.27; Jn 5.39).
NT.
5 Bulkeley.
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référence aux instruments que l’on utilisait à l’époque pour mesurer. Le canon
signifie donc un barème, une règle ou une norme. Le canon de l’AT est donc la
liste officielle des livres reconnus inspirés et qui font autorité en matière de foi
et de pratique. Le canon s’est fixé progressivement de l’époque d’Esdras et
Néhémie au 5e siècle av. J.-C jusqu’après la destruction du Temple en 70 apr. J.-C..
La clôture de l’Ancien Testament aurait eu pour but de mettre un terme au foisonnement de
la littérature juive de type pseudépigraphique et de fermer la porte à l’intrusion d’écrits jugés
hérétique, notamment ceux de tendance apocalyptique ou chrétienne6
6 Rōmer, p. 22.
7 Puisque l’hébreu est une langue où dans l’écriture courante les voyelles ne sont pas notées, des
textes peuvent se lire de plusieurs façons différentes. Par exemple, Yahvé et Jéhovah sont deux
prononciations différentes d’un même mot; YHVH.
8 Archer, p.52.
9 Pache, R. L’inspiration et l’autorité de la Bible. St-‐Légier, Emmaüs, 1967, p. 142.
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▪ Le canon grec comprend des livres supplémentaires (+) qui sont appelés
deutérocanoniques (deuxième canon) par les catholiques qui leur reconnaissent
une certaine valeur, mais nommés apocryphes (cachés, obscurs) par les
protestants qui les rejettent11.
10 Antique traduction grecque du 3e siècle av. J.C.. Initiée par des juifs d’Alexandrie en Égypte à
l’intention de la diaspora juive qui ne parlait plus l’hébreu. Son nom lui vient d’une légende au sujet
de soixante-‐douze (ou septante-‐deux) savants juifs qui auraient traduit la Bible en soixante-‐douze
jours.
11 Il suffit de lire, par exemple, l’épilogue de l’auteur des Maccabéés pour comprendre pourquoi. Si la
composition est bonne et réussie, c'est aussi ce que j'ai voulu; si elle a peu de valeur et ne dépasse guère
la médiocrité, c'est tout ce que j'ai pu faire. Car de même qu'il est nuisible de boire du vin pur ou de l'eau
pure, alors que le vin mêlé à l'eau est une boisson agréable qui produit une délicieuse jouissance, de
même c'est l'art de disposer le récit qui charme l'entendement de ceux qui lisent l'ouvrage. C'est donc ici
que je m'arrête. (2 M 15.38-‐39)
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Bible hébraïque Bible grecque / AT chrétien
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Cela dit, une nouvelle voie émerge des évangéliques aujourd’hui. La situation
est clairement résumée par l’un des fondateurs de la revue théologique
évangélique Hokhma : Au début, il y avait un seul front; aujourd'hui, il y a deux
frontières! … Plutôt qu'un seul front défensif, je vois deux frontières qui délimitent notre
espace. Nous nous démarquons en effet d'une théologie qui nous semble trop critique parce
qu'elle s'estime capable de distinguer dans la Bible ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas.
Subrepticement ou explicitement, elle accorde ainsi plus de crédit à la raison qu'à l'Écriture;
(de l'autre) d'une théologie qui nous semble trop étroite parce qu'elle a tendance à confondre le
message biblique avec son interprétation. Elle ne se sert de la théologie que pour conforter des
certitudes déjà acquises. Subrepticement ou explicitement, elle accorde ainsi plus de crédit à la
tradition qu'à l'Écriture12. Ce cours se situe donc dans cette zone à double
frontière où bien que pleinement évangélique, il refuse de se laisser enfermer
dans le carcan traditionnel. Conséquemment, trois éléments sont
particulièrement nécessaires pour une meilleure compréhension des livres de la
Bible.
Bien que Ruth se situe dans la période des Juges (1.1), la clé d’interprétation du livre se trouve
13
plutôt à l’époque de David où le livre a été écrit (4.22). Plusieurs différences entre les livres des Rois
et des Chroniques ne sont compréhensibles qu’à la lumière de leur contexte rédactionnel respectif (le
pessimisme de l’exil pour l’un et l’espoir du retour pour l’autre).
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▪ L’analyse littéraire
Les textes de l’AT peuvent se diviser en deux grandes catégories littéraires :
la prose et la poésie. La prose selon Larousse est la forme ordinaire du discours
écrit ou parlé, non assujettie aux règles du rythme et de la musicalité, propres à la poésie.
Même si les récits (en prose) forment 75 % de la Bible, il ne faut pas sous-
estimer la poésie de l’AT, qui réunie, est plus volumineuse que le NT. De
plus, non seulement faut-il connaitre la différence entre un récit et un
poème, mais aussi savoir que les différentes cultures ont des manières diverses de
raconter les histoires et d’écrire la poésie, et, en tant qu’interprètes étrangers, il nous faut
découvrir les conventions qui gouvernaient le travail de rédaction des auteurs biblique14.
Ces conventions15 nous permettent d’établir le genre littéraire d’un texte,
qui se définit comme étant une catégorie regroupant des textes qui ont en commun un
ou plusieurs traits16. Même si plusieurs genres littéraires peuvent se retrouver
au sein d’un même livre et qu’ils se déclinent à leur tour en multiples sous-
groupes, six genres littéraires sont surtout présents dans l’AT.
Longman T., et R. Dillard, p.14.
14
Par convention nous entendons qu’aujourd’hui par exemple, quand nous lisons il était une fois, au
15
début d’une histoire, nous savons qu’elle est fictive. Ou encore, que nous n’écrivons pas une lettre (ou
un courriel) d’amour, de nouvelle ou d’affaire de la même manière.
16 Ibid., p. 18-‐19.
17 Par exemple, l’interprétation allégorique du Cantique des cantiques, qui est plutôt une œuvre
poétique célébrant l’amour entre un homme et une femme et l’interpération littérale de certains
textes apocalyptiques, qui contiennent surtout des données symboliques.
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▪ La période de l’Exode (1876-1406) comprend les 430 ans (Ex 12.40) après
la descente des Pères en Égypte et les 40 ans que passera le peuple dans le
désert (Nb 32.13).
18 Longman T., et R. Dillard,p. 24.
19 Nous pouvons mieux comprendre le principe de l’intention de l’auteur au travers un ouvrage
séculier, les Voyages de Gulliver, qui pour la majorité des gens est une simple fable pour enfants,
alors qu’en fait c’est une critique sociale et politique de la société anglaise du 18e siècle qu’a voulu
faire l’auteur Jonathan Swift.
20 Les dates données dans ce chapitre sont fournies par G. Archer et sont généralement
conservatrices, approximatives et ne faisant pas toujours l’unanimité. Comme il l’indique lui-‐même,
elle constitue tout de même une base de travail et sert surtout à situer les périodes de manière
générale dans l’ensemble de l’Histoire.
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Cisjordanie veut littéralement dire ce côté-‐ci du Jourdain et Tranjordanie de l’autre côté du Jourdain.
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Les noms des lieux géographiques sont souvent orthographiés de différentes façons d’une version
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À peu près l’équivalent la vallée du St-‐Laurent entre Montréal et Québec et représentant moins de
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1. Zone côtière.
2. Montagnes de Cisjordanie.
3. Dépression du Jourdain.
4. Plateaux tranjordaniens.
1. Zone côtière
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2. Montagnes de Cisjordanie
a) Galilée
b) Plaine de Jizréel
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c) Samarie
d) Judée
24 Au cours des siècles les travaux et les guerres ont abaissé les hauteurs des collines et comblé les
fossés des vallées.
25Ayant été voué aux sacrifices d’enfants et ayant servi de fosses communes et de dépotoir, ce ravin a
été vu comme le lieu du jugement dernier. D'ailleurs, Josaphat signifie Dieu juge et c’est de Gé-‐Hinnom
que nous vient le mot Géhenne.
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e) Néguev
3. Dépression du Jourdain
Le Jourdain est le cours d’eau qui marque la frontière entre la Cisjordanie et la
Transjordanie. Il est situé dans le creux d’une profonde dépression qui traverse
la terre sainte du nord au sud26. Cette vallée bordée de montagnes abruptes est
appelée la dépression du Jourdain, et était dans ce pays au relief accidenté, l’une
des rares voies d’accès nord-sud. Le Jourdain tire sa source du Mont Hermon
(Ps 133.3), le plus élevé de toute la région, et débute son périple israélien à Dan
tiré de la tribu du même nom (Jg 18) qui est aussi la limite septentrionale
d’Israël. Tout près se trouve la forteresse de Hatsor (1R 9.15). Ensuite, le
Jourdain s’écoule étroitement sur 16 km jusqu’au Lac de Tibériade. Mesurant
21 km de long par 12 km de large, il est aussi appelé Mer de Galilée, Lac de
Gennésareth et Mer de Kinnéret. C’est sur sa rive que se trouvait le village de
pêche de Carpharna m (Mc 1.21) où Jésus établira ses quartiers. Le Jourdain
reprend par la suite son cours sur une centaine de kilomètres jusqu’à la mer
Morte, croisant Guilgal qui a été le lieu du premier campement israélite en
Canaan (Jos 4.19) et Jéricho (Jos 6). Le nom de la Mer Morte lui vient du fait
qu’aucune forme de vie ne s’y développe. Ce phénomène est dû à son haut
niveau de salinité causé par son évaporation accélérée. C’est pourquoi elle est
aussi appelée la Mer du Sel (Nb 34.11). Se situant à environ 400 m sous le
niveau de la mer, c’est le point le plus bas de la planète. On la désigne
quelquefois aussi comme étant la mer de la Araba (Jos 12.3) puisqu’elle
débouche au sud sur une région aride comme signifie ce mot (Dt 4.49). Nous
sommes aussi dans la région de Sodome et Gomorrhe (Gn 13.10).
26 En fait, la dépression du Jourdain fait partie d’une faille géographique majeure (le grand rift)
s’étendant de la Syrie à l’Afrique.
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4. Plateaux transjordaniens
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Voici également trois coupes transversales du pays qui vous donneront une
excellente idée de sa dénivellation.
neige occasionnelle.
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Aram (quelques fois traduit par Syrie dans la Bible) était composé de plusieurs
districts situés autour du bassin de l’Euphrate où ont habité les patriarches (Gn
28.5). Les Araméens étaient les voisins nord-est d’Israēl. Dieu demandera à Élie
Élie d’aller jusqu’à Damas pour conférer l’onction à Hazaël, fils de Ben-Hadad,
28 Jézabel peut vouloir dire Baal exalte, Baal est son époux et son père Eth-‐Baal signifie Baal avec lui.
29 Ils sont probablement issus de la mer Égée (Grèce et Turquie aujourd’hui).
Paradoxe de l’Histoire : les Israélites fuyant l’Égypte et les Philistins ayant été repoussés d’Égypte
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pour qu’il soit roi sur Aram (1R 19.15), mais les Araméens demeureront
généralement ennemis d’Israël (2R 13.3).
Moab se trouvait au sud d’Ammon et étant aussi issue d’un des fils de Lot, lui
était étroitement associé (Gn 19.37). Par conséquent, ce qui a été dit sur
Ammon s’applique aussi totalement à Moab. De même, leur divinité bien
qu’ayant un nom différent, Kemosh, était adorée d’une manière similaire à Molek.
(1R 11.7; 2R 3.27).
Édom lui aussi plus au sud, est issu d’Ésaï et était appelé à l’origine pays de Séir
(Gn 36.8). Étant donné qu’Ésaū était le frère biologique de Jacob, au tout début
les Édomites étaient considérés différemment des Ammonites et des Moabites
(Dt 2.4-5). De plus, nulle part il n’est fait mention d’idolâtrie de leur part dans
la Bible. Les Édomites motivés par la jalousie se sont malgré tout levés en
ennemis d’Israēl (Ez 35.15). Ils profiteront de la chute de Juda pour étendre
leur territoire dans la partie sud de la Cisjordanie qui sera appelée Idumée32 (Ez
36.5).
31 L’amitié des Ammonites pour David, motivée par son affiliation moabite et par le fait que Saūl était
un ennemi commun, est l’exception qui confirme la règle (1 Ch 19.1-‐2).
32 Idumée signifie en grec qui appartient à Édom. Petite parenthèse : l’impopularité des Hérode du NT
s’explique par le fait qu’ils étaient Iduméens, donc pas tout à fait juif
33 D'ailleurs, cela a même été reproché au peuple de Dieu. Malheur à ceux qui descendent en Égypte
pour avoir du secours, Qui prennent leur appui sur des chevaux Et se fient aux chars à cause de leur
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nombre Et aux cavaliers, parce qu’ils sont très forts, Mais qui ne regardent pas vers le Saint d’Israël Et
ne recherchent pas l’Éternel ! (És 31.1).
Les plaies d’Égypte sont non seulement un jugement envers l’Égypte, mais aussi une
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démonstration de la supériorité de YHWH sur ces divinités égyptiennes bafouées représentées par le
Pharaon (Ex 12.12).
Nida, E. A. Coutumes et cultures. Neuchâtel, Éd. des groupes missionnaires, 1978, p. 55.
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36 Babylone se dit Babel en hébreu et n’est qu’un seul et même terme dans les manuscrits originaux.
37 Généralement un qualificatif de l’empire néo-‐babylonien du 7e s..
Hammourabi est renommé par son code juridique que plusieurs comparent à celui de Moīse.
38
Cyrus avec son armée, se seraient introduit subtilement de nuit dans la ville en détournant le cours
39
de l’Euphrate. Sa réputation de tolérance religieuse lui aurait surtout apporté l’aide du clergé
babylonien en conflit avec la royauté chancelante.
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L’efficacité de leur administration qui harmonisera les lois, la langue, la
monnaie et les communications dans l’empire tout en le divisant en provinces
autonomes (satrapies). Et leur politique, en rupture complète avec celles des
anciennes puissances, permettant le retour des prisonniers de guerre et la
reconstruction des lieux de culte. Les Perses pratiquaient une toute nouvelle
religion monolâtre fondée par un de leurs prophètes Zoroastre.
40 NBS, p. 38.
41 À la découverte des peuples mystérieux, Science et Avenir (hors-‐série), Juillet/Août 2010, p.28.
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2. Pentateuque
2.1. INTRODUCTION AU PENTATEUQUE
Les cinq premiers livres de la Bible, bien qu’étant des livres indépendants,
forment un tout allant de la création du monde (Gn 1) à la mort de Moïse (Dt
34). Dans la tradition juive cet ensemble de livres porte le nom de Torah, que
nous traduisons par loi, mais qui signifie d’abord enseignement, instruction. La
version grecque l’appelle Pentateuque signifiant littéralement les cinq étuis où
l’on rangeait les rouleaux. Bien que ces cinq livres soient les mêmes, ils
divergent de noms entre les Bibles grecques (chrétiennes) et juives. Les
premiers ont préféré les nommer en fonction de leur contenu alors que les
seconds ont choisi de les titrer de leurs premiers mots selon l’usage de l’époque.
EXODE NOMBRES
Égypte-désert-Sinaï Sinaī-désert-Moab
Pâques (12) Pâques (9)
Murmures (15-17) Murmures (11-20)
Le sanctuaire (25-40) Le camp (1-9)
LÉVITIQUE
Sacrifices et prescriptions (1-15)
* Le rituel du Grand pardon (16)
Prescriptions et sacrifices (17-26)
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Cela étant dit, la question demeure : Moïse est-il l’auteur des cinq livres du
Pentateuque? Sans entrer de plain-pied dans le débat, soulignons quand même
quelques contre-arguments des défenseurs de la mosaïcité du Pentateuque.
1 Rōmer, p. 69.
2 Bergey et Berthoud, p. 4-‐5.
3 Fondée par le théologien protestant Julius Wellhausen, la théorie documentaire ou des sources, est
communément appelé JEDP et tire son nom de la 1re lettre en allemand des quatre sources
hypothétiques: 1) La source Yavhiste (J) qui tenterait de justifier la dynastie Davidique (env. 930),
2) La source Eloīste (E) qui serait nordiste près des milieux prophétiques, insistant sur le
comportement éthique (850-‐750), 3) La source Deutéronomiste (D) qui serait anti-‐royaliste
mettant l’accent sur l’alliance, la loi et le monothéisme (750-‐620) 4) La source Sacerdotale (P) qui
serait issue de la prêtrise soulignant la souveraineté et la sainteté de Dieu (env. 550).
4 Bergey et Berthoud, p. 19.
5 Longman, p.30.
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Cela étant dit, nous avons ici un bel exemple de cette nouvelle voie qui émerge
des évangéliques aujourd’hui. Pendant longtemps, un seul front existait : les
évangéliques soutenants que Moïse est l’unique auteur du Pentateuque versus
les critiques excluant totalement Moīse dans la formation du Pentateuque. La
position évangélique moderne n’est à l’aise ni avec l’un ni avec l’autre et
conséquemment, se loge entre les deux. La position évangélique moderne
affirme donc la paternité mosaīque substantielle du Pentateuque, conforme aux
données internes disséminées dans le texte et la solidité des témoignages externes, tout en
admettant l’existence de sources antérieures ainsi que de gloses et de rédactions
ultérieures8.9
6 La Rive-‐Nord de Montréal est appelée ainsi, car elle regroupe la région au nord de la Rivière-‐des-‐
Prairies. Cela dit elle est toujours appelée ainsi même si elle est aussi sur la Rive-‐Sud de la rivière des
Mille-‐Îles.
7 Tous ces phénomènes de style, à la fois l’usage de couplets, usage commun à tout le PO, et les
répétitions stylistiques (dans la littérature de la Genèse et de la Mésopotamie), sont une part intégrante
de l’usage littéraire du PO et de la Bible. Kitchen, Des origines à l’Exode : la Genèse, p. 26.
8 Longman p.41.
9 On ne peut nier qu’il y a évidence de source antérieure : C’est pourquoi il est dit dans le livre des
Guerres du SEIGNEUR… (Nb 21.14). Tout comme la présence de gloses ultérieures est indéniable : Les
Cananéens étaient alors dans le pays (Gn 12.6) est nécessairement un mention ultérieure étant donné
que c’était évident à l’époque de Moīse, la ville de Dan ne sera nommée ainsi qu’à l’époque des Juges
(Gn 14.14; Jg 18.29), la nation d’Israēl n’est pas encore formée à l’époque de la Genèse (Gn 34.7), tout
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Cela étant dit, il serait pertinent d’apporter ici une parenthèse sur les droits
d’auteurs dans l’Antiquité. Dans la majeure partie de la Bible hébraïque comme dans la
littérature antique en général, la notion d’auteur n’a pas exactement le même contenu qu’en
littérature moderne. Le rôle du rédacteur varie d’ailleurs selon les textes. S’il est tributaire
d’une tradition orale également connue des lecteurs (ou auditeurs), il n’aura que relativement
peu de latitude. Puisqu’il réécrit autant ou plus qu’il n’écrit, son message, ses préoccupations
ou ses centres d’intérêts propres n’apparaissent d'ordinaire que dans des touches discrètes,
comme en marge du texte, ou même à la comparaison avec d’autres écrits. De fait, dans la
Bible, les récits, mais aussi les poèmes, les méditations, les prières, les préceptes de tous ordres
ne tirent pas leur autorité de la personnalité de leur auteur : la relative rareté des textes à la
première personne du singulier en témoigne. C’est surtout par son contenu et par l’office
(prophétique, sacerdotal, royal) auquel il se rattachait que tel ou tel texte se signalait aux
sages juifs comme digne d’être retenu, recopié et transmis au peuple par une lecture à haute
voix. Dès lors, ce qui importe principalement, c’est l’analyse littéraire des textes eux-mêmes,
tels qu’ils nous sont parvenus.10.
comme l’établissement du sanctuaire à celle de l’Exode (Ex 15.17), les mentions de la conquête
accomplie et de la déportation dans le Deutéronome sont aussi anachroniques (Dt 2.12; 29.27) etc.
10 NBS, p. 18.
11 Bergey et Berthoud, p. 23.
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2.2. LIVRES DU PENTATEUQUE
GENÈSE
12 Au commencement étaient Apsu et Tiamat. Apsu, le mâle, était l'eau douce, et Tiamat, son épouse,
était le grand océan chaotique primitif, et le Dragon. Ils donnèrent naissance à de nombreux dieux, et à
Muumuu, la brume, qui devint le conseiller d'Apsu...
13 En ce temps-‐là le monde regorgeait de tout; les gens se multipliaient, le monde mugissait comme un
taureau sauvage et le grand dieu fut réveillé par la clameur. Enlil entendit la clameur et il dit aux dieux
assemblés : — le vacarme de l'humanité est intolérable, et la confusion est telle qu'on ne peut plus
dormir. Ainsi les dieux furent-‐ils d'accord pour exterminer l'humanité. Enlil le fit, mais Ea, en raison de
son serment, m'avertit en songe… détruis ta maison et construis un bateau… alors, rassemble à
l'intérieur du bateau la semence de tous les êtres vivants... Le temps était écoulé, le soir venait, le
cavalier de l'orage lançait la pluie...
14 Par exemple, se susciter un héritier par la servante de sa femme stérile était une pratique
reconnue.
15 Kitchen, Op. cit., p. 18.
16 Ces listes ne sont pas toujours continues et ne permettent pas d’établir une suite chronologique
précise. Comme autre parallèle avec la Genèse, on a aussi trouvé ailleurs de grands écarts de
longévité entre avant et après le déluge.
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Un seul chapitre lui est consacré. Malgré tout, le judaïsme en fait un héros qui a volontairement
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accepté de se faire lier pour être sacrifié. D’ailleurs, ce que nous nommons le sacrifice d’Isaac est
appelé Aqéda (Ligature) dans la littérature juive.
19 Abram (Père élevé) deviendra Abraham (Père d’une multitude) suite à l’alliance que Dieu fait avec
lui au chapitre 17
20 Jabob signifie au propre Il talonne (25.26) et par extension au figuré Il usurpe. Israël se rapproche
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EXODE
Le livre de l’Exode est clairement lié à la Genèse qui le précède dès son premier
verset, par sa conjonction initiale en hébreu (Et voici les noms) et sa reprise des
noms des fils d’Israël descendus en Égypte (1.1-5 Cp. Gn 48.8-27; 50.22-26).
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22 Étymologiquement hébreux veut dire ceux qui viennent de l’autre côté.
On a de nombreuses mentions des Habirou dans des documents administratifs du POA que
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L’Exode peut se diviser simplement en trois sections. La première est celle où
DIEU LIBÈRE SON PEUPLE (1-18). Le livre commence avec le génocide
orchestré par le pharaon envers les fils d’Israël qui se sont multipliés. Le
complot sera contrecarré par la gente féminine : les mères et les sages-femmes
de manière générale, et plus précisément, la mère de Moïse, sa soeur et même la
fille du pharaon qui recueillera Moīse24, l’élèvera et l’introduira à la cour royale.
Après avoir tué un Égyptien injuste, ce Moīse fuira au désert où il rencontrera
Jéthro, ami de Dieu25 et prêtre de Madian (3.1). Cette rencontre déterminante,
avec celui qui deviendra son beau-père, préparera Moīse à la révélation qu’il
aura du nom du Seigneur YHWH26 (3.15) au buisson ardent. À la révélation
est jointe une mission qui l’amènera tout à tour à cumuler plusieurs fonctions :
libérateur (13.17-19), chef (14.1-2), organisateur (18.25), médiateur (20.18-21),
législateur (24.3), sacrificateur (40.29), etc. L’obstination du pharaon de refuser
d’obtempérer à sa demande de libérer le peuple, amènera un crescendo de
plaies : eaux en sang, grenouilles,
moustiques, mouches venimeuses, bétail
malade, ulcères, grêle, criquets, ténèbres,
mort des premiers-nés27. Le point culminant
sera la mort des premiers-nés égyptiens dont
les Israélites seront préservés grâce au rituel
de la Pâque (12.1-14)28. Cette dernière
épreuve fera fléchir le pharaon qui dans un
premier temps laissera sortir le peuple, mais
ayant changé d’avis par la suite, se lancera à
leur poursuite pour finir engloutie dans la
Mer Rouge29 que les Israélites avaient
traversée miraculeusement. Mais l’euphorie
de la traversée sera vite estompée par les
murmures du peuple (15.24; 16.2; 17.2).
24 Se rapproche du verbe signifiant Je l’ai retiré.
25 C’est ce que son nom signifie, mais est appelé Réouel auparavant (2.18).
26 Appelé le Tétragramme, ce nom se rapproche du verbe être ou devenir. C’est pourquoi certains
l’ont traduit par l’Éternel. Mais l’idée semble moins être une notion d’éternité, qu’une présence active
de Dieu parmi son peuple. À la lumière de 3.12-‐15, on pourrait comprendre Je suis celui qui serai avec
toi.
27 Il est intéressant de souligner que les fléaux d’Exode 7 à 12 correspondent étroitement à la séquence
de phénomènes provoqués par une trop haute crue du Nil. Kitchen, D’Égypte au Jourdain, p. 60.
28 L’hébreu Passah veut dire passe par-‐dessus en référence au châtiment évité.
29 Ce terme nous vient de la traduction grecque du terme hébreu qui veut littéralement dire Mer des
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Le nom Sinaï désigne un massif montagneux au sud de la péninsule qui se trouve à l’est de l’Égypte.
30
Longman écrit que le code de l’alliance précise la manière dont le décalogue s’applique à ce
31
moment particulier de l’histoire du salut qu’est l’Exode et dans ce contexte culturel. Par exemple, le
précepte sur les coups de boeufs (21.28-‐36) applique le commandement sur le meurtre et les règles
agricoles (23.10-‐13) contextualisent le commandement sur le Sabbat (p. 65).
NBS, P.94. À ce sujet, mentionnons que le veau d’or ne brisait pas tant le premier commandement
32
(Tu n’auras pas d’autres dieux…) que le deuxième (Tu ne feras pas de statue…). La représentation de
cet animal servait à illustrer la vigueur, la force et l’endurance de la divinité donc, dans ce contexte-‐ci,
de YHWH. Le culte du veau, bien que présent en Mésopotamie, était surtout célébré en Égypte, d’où la
probable influence d’Aaron et éventuellement de Jéroboam (1R 11.40).
33 Rendtorff, p. 243.
34 L’hébreu Mishkan dérive du verbe demeurer. Traditionnellement, il est traduit par Tabernacle
venant du mot latin, Tabernaculum, signifiant tente. Puisque tente correspond à un autre mot en
hébreu, il serait plus exact de traduire par La Demeure (de Dieu, en sous-‐entendu). Il ne faut pas la
confondre avec la Tente de la rencontre qui n’a eu qu’une utilité provisoire (Ex 33.7-‐11; 34.34-‐35).
35 Kitchen, Op. cit., p. 45.
Page 37
13
36 Son positionnement (au centre du camp comme les rois du POA), sa conception (parvis, lieu saint,
lieu très saint), ses matériaux (bronze, argent, or) et ses conditions d’accès (impurs, purs, lévites, fils
d’Aaron et souverain sacrificateur), soulignent constamment la gradation de la présence du Dieu
Saint au milieu du peuple.
37 Longman, p. 60-‐61.
Page 38
14
LÉVITIQUE
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15
NOMBRES
Après avoir quitté le Sinaï pour la terre promise, le peuple séjournera une
quarantaine d’années dans le désert. C’est cette portion de l’histoire des fils
d’Israël que raconte le livre des Nombres dont le titre42 fait référence aux
nombreux dénombrements présents dans plusieurs de ses chapitres (1-4; 26 et
7, 8, 15, 29, 31). À cet égard, on y lit que la population des fils d’Israël devait
s’élever à plus de 2 millions d’individus à cette époque43.
Le but du livre des Nombres est de rappeler que les chemins de la liberté sont semés
d’obstacles et de pièges44. Ceux-ci apparaitront au travers les trois étapes du voyage
que relate le livre. LES PRÉPARATIFS AU SINAÏ (1-10), LA ROUTE
VERS MOAB (11-20) et LA CONQUÊTE DE LA TRANSJORDANIE
(21-36). Après le premier recensement, le peuple est organisé en campement
militaire en vue de la longue marche dans le désert45. Dès le départ au désert, les
murmures du peuple reprendront (11.1). Contestant l’autorité de Moïse, de un,
et remettant en question le plan de Dieu, de deux (14.1-4). La sanction sera
terrible. Vos cadavres tomberont dans ce désert. Vous tous, que l’on a dénombrés, en vous
comptant depuis l’âge de vingt ans et au-dessus, et qui avez murmuré contre moi, vous
n’entrerez pas dans le pays que j’avais promis de vous faire habiter, excepté
Caleb, fils de Yephounné, et Josué, fils de Noun. Et vos petits enfants, dont vous avez dit :
Ils deviendront une proie! Je les y ferai entrer, et ils connaîtront le pays que vous avez dédaigné
(14.29-31). Jugement qui, plus tard aux eaux de Meriba, s’étendra aussi sur
Moīse et Aaron. Alors l’Éternel dit à Moïse et à Aaron : Parce que vous n’avez pas cru
en moi, pour me sanctifier aux yeux des Israélites, vous ne ferez pas entrer cette assemblée
dans le pays que je lui donne (20.12).
42 Rappelons-‐nous que la Torah l’intitule simplement de manière très appropriée Dans le désert.
43 Projection basée sur 603 550 hommes (1.46). Ce nombre par contre serait théologique selon
certains puisque en hébreu chaque lettre correspond à un chiffre et donne l’expression somme de
tous les fils d’Israël (NBS, p.184).
44 NBS, p.180.
L’orientation pour les anciens, contrairement à nous, commençait par l’est (2.3) ou à l’orient, tel
45
Page 40
16
Les Nombres, sortant des frontières auparavant habitées par les Israélites,
comportent nécessairement de nombreuses références géographiques. La
principale halte entre le Sinaï et la Transjordanie, Qadesh-Barnéa, de laquelle les
espions sont partis explorer le pays, se trouve à la limite sud du Néguev et est
située à 80 km de Beersabée. Les conflits ethniques y occupent aussi une
grande place : la controverse de la femme Koushite de Moïse (12.1)46, les règles
concernant les immigrés et les étrangers (9.14; 15.13; 35.15), les Amalécites
(14.43), les Madianites qui anciennement alliés deviendront ennemis (10.29;
25.17), les Édomites qui refuseront le passage sur leur territoire (20.18), les
Moabites qui solliciteront la malédiction du fameux Balaam (22.1-6), qui à la
suite de découverte archéologique récente est maintenant considéré par les spécialistes
comme un personnage très important pour le Transjordanie47. La tension atteindra son
paroxysme avec ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Baal-Péor (25) où
l’anathème, qui signifie la destruction rituelle, sera jetée sur les idolâtres et dont
les récits ont pour but de déraciner de l’âme des lecteurs de la Torah et de ceux de toute la
Bible jusqu’à la pensée de l’idolâtrie, quels que soient les temps ou les circonstances48.
Heureusement, le livre termine sur une note d’espoir avec l’émergence de la
nouvelle génération (26.64) et d’une nouvelle direction avec Josué pour chef
(27.18-20) et Éléazar pour souverain sacrificateur (20.28), frappant aux portes
de Canaan. À cet égard, malgré sa grande diversité littéraire, les piliers littéraires
et théologiques du livre des Nombres demeurent les deux grands
recensements distinguant la génération du désert de celle de la terre promise
(1; 26). Remarquez comment après le chapitre 26, il n’y a plus de mort, les
batailles se gagnent (31), les crises se résolvent (32), le futur s’entrevoit (34), etc.
DEUTÉRONOME
Page 41
17
▪ L’alliance établie par Dieu avec son peuple est une relation d’amour tel que
l’indique la seconde partie de ladite confession de foi. Tu aimeras le
SEIGNEUR, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. (6.5).
Et lui, Il t’aimera, il te bénira et te multipliera… dans le pays qu’il a juré à tes pères de
te donner (7.13).
49 Deutéronome veut dire deuxième, seconde loi ou double, copie de la loi (17.18).
La première est nommée Code de l’Alliance (Ex 20.22-‐23.19) alors que la deuxième est appelée
50
Code Deutéronomique.
51 Appelée aussi le Shema Israēl(Écoute Israēl), elle est récitée deux fois par jour par les juifs pieux.
52 Horeb et Sinaï sont employés en alternance et désigne la même montagne.
Page 42
18
▪ Plus encore, étant en étroite relation avec le Dieu saint, Israël doit vivre
aussi dans la sainteté. Le SEIGNEUR fera de toi son peuple saint, ainsi qu’il te
l’a juré, parce que tu observeras les commandements du SEIGNEUR, ton Dieu, et que
tu suivras ses voies. Tous les peuples de la terre verront que le nom du SEIGNEUR
(YHWH) est invoqué sur toi, et ils te craindront (28.9-10).
Bref, la théologie du livre peut se résume à ceci: Un seul Dieu, une seule
terre, un seul sanctuaire et une seule loi. Ces vérités mises en évidence dans
le Deutéronome se confirmeront tout au long de l’AT. Dans un horizon plus
large, l’héritage des livres du Pentateuque dans la main des Hébreux à la veille de traverser
le Jourdain était à la fois un énoncé de leur origine et de leur destinée (la Genèse, contenant
histoire et promesses) et un fondement normatif définissant les limites du bien et du mal en
leur qualité de vassaux du Suzerain divin53. Son alliance n’était pas simplement un
instrument politique, mais une détermination du but et de la conduite de leur vie comme la
nation qui doit manifester la sainteté du SEIGNEUR par une obéissance et un culte
conforme à sa volonté. Sinaï et Moab avaient vu la révélation, la cristallisation et la
confirmation d’un fondement donné qui devait orienter la façon de vivre de cette nation tribale
naissante54. Ainsi, nous voyons dans le dernier chapitre du Deutéronome, le
peuple qui est désormais prêt à prendre possession de sa terre promise, sans
Moīse, mais toujours avec Dieu.
53 L’alliance divine avec Israël est calquée sur les anciens traités d’alliance hittite.
54 Kitchen, Op. cit., p. 57-‐58.
Page 43
1
3. Livres historiques
3.1. INTRO. AUX LIVRES HISTORIQUES
HISTOIRE OU HISTORIOGRAPHIE?
«En premier lieu, il faut différencier l’histoire et l’historiographie. La première désigne les
évènements qui se sont produits dans le passé, la seconde la description écrite de ces
évènements»1. L’historiographie biblique est subjective. C’est-à-dire qu’elle n’a
pas la prétention de rapporter des faits historiques bruts, mais de présenter le
point de vue de Dieu sur cette histoire. C’est pourquoi, le roi Omri, qui est
considéré comme un personnage important de l’histoire séculière2 à une
présence presque insignifiante dans la Bible (1R 16.23-28). Les livres
historiques sont donc une interprétation théologique des faits historiques. Les
livres historiques sont donc aussi prophétiques comme en témoigne leur
insertion juive dans les Nebiim.
Page 44
2
Les historiens bibliques sont des prédicateurs qui présentent une histoire
appliquée. «Ils sont les prophètes qui communiquent la Parole de Dieu au peuple de
Dieu. Ils sont le véhicule de l’interprétation divine des actes saints de Dieu»3.
Évènement historique
↓
Tradition orale
↓
Sources écrites primitives
↓
Texte
3 Longman (p. 11).
4 Kuhn, T. The structure of Scientific Revolutions. Chicago, University of Chicago Press, 1970.
5 Mark Allan Powell. «What is Narrative Criticism? (Guides to Biblical Scholarship : New Testament
Series), Minneaopolis, Fortress Press, 1990, p. 9.
Page 45
3
HISTORIOGRAPHIE DEUTÉRONOMISTE
Histoire deutéronomiste
(Josué, Juges, 1-2 Samuel, 1-2 Rois)
Gn Ex Lv Nb Dt Jo Jg S R
TITRES
Le titre des livres est presque toujours le nom d’un personnage occupant une
place centrale dans le livre (à part Juges, Rois et Chroniques), ces personnages n’en
sont pas nécessairement les auteurs, mais donnent à ces livres leur identité propre8. Ces
notions étant établies et afin de pouvoir nous concentrer sur leur contenu, nous
ajouterons donc que peu de choses sur les questions de date et d’auteur lorsque
nous aborderons les livres historiques individuellement.
6 Vincent, p. 3.
7 Rōmer, p. 238.
8 Schibler, p. 2.
Page 46
4
JOSUÉ
Le livre tire son nom de son personnage principal, Josué, qui est mentionné
167 fois dans le livre. On se rappellera que c’est Moïse qui changea le nom de
son serviteur Hosée en celui de Josué (Nb 13.16). Ces deux noms sont formés
sur la même racine du verbe sauver, délivrer, donner la victoire, mais Josué contient
un préfixe intégrant le nom de Dieu (Yého) afin de rendre le Seigneur sauve, délivre,
etc.. Cela dit, déclarons-le à nouveau; le livre n’a probablement pas été écrit par
Josué, car le récit va de l’époque de la mort des anciens qui vécurent encore après
Josué (24.31), jusqu’à ce jour lointain où le rappel des évènements est encore bien
présent (5.9; 7.26; 8.28-29; 10.27).
Page 47
5
Dans cette section, on ne doit donc pas se laisser arrêter par la sècheresse des énumérations
topographiques, mais épouser la joie du rédacteur qui détaille l’héritage donné par Dieu aux
tribus11. Héritage qui reste encore à saisir en ces jours où malgré la distribution
des terres, la conquête n’est encore que partielle (l’enclave Gabonite (11.19), la
présence des Philistins (13.3), la résistance de Mégguido (Jg 1.27-28)). En
par Israēl (Gn 48.5)) la préférée seront au centre (Gn 29.31-‐30.24; 35.18-‐25), les ainées de Léa
(Ruben, Siméon et Juda) au sud (Gn 29.31s), et ses plus jeunes (Issacar, Zabulon) et ceux des
concubines (Dan, Nephtali, Gad, Aser,) auront le reste.
11 TOB, p. 255.
Page 48
6
JUGES
Le livre de Juges nous raconte donc l’une des périodes les plus sombres de
l’histoire d’Israël. L’INTRODUCTION SUR L’EPOQUE DES JUGES
(1.1-3.6) décrit la conséquence de la déchéance morale et spirituelle du peuple
qui se traduisait par l’incapacité à vaincre les Cananéens (1.27). D'ailleurs, la
tribu de Dan devra même déménager plus au nord puisqu’elle sera incapable de
déloger les Philistins sur le territoire qui leur était échu (1.34; 18.1). Commence
ainsi le cycle de l’époque des Juges : Apostasie (2.12-13) → Oppression (2.14-
15) → Juges (2.16) → Délivrance (2.17-19).
12 Schliber. L’enjeu du livre de Josué et du livre des Juges, p.5
13 NBS, p. 282.
14 Rendtorff, p. 51.
15 Certains se situent même hors du livre des Juges, comme Éli (1S 4.18), Samuel (1S 7.15), Joēl et
Page 49
7
▪ Ils sont plus que des juges qui rendent la justice légale, ils sont surtout des
justiciers libérateurs (3.9, 15) qui mobilisent l’action militaire (3.27; 4.10;
6.34; 11.29).
Ils sont d'ailleurs traditionnellement appelés les Grands Juges par rapport aux autres qualifiés de
16
Petits Juges.
17 Démontrant que les malheurs du peuple sont dus au fait qu’il a constamment oublié Dieu.
Un des premiers rédacteurs est probablement contemporain du roi David. La présence des
18
Jébusiens (1.21) ainsi que d’un roi qui semble avoir ramené l’ordre soutient cette hypothèse.
19 Certains spécialistes soulignent une structure chaotique dégénérative intentionnelle (!) dans le
plan du livre confirmée par ces mots en conclusion. En d’autres termes, l’auteur aurait organisé le
fouillis apparent du matériel de l’époque des Juges en un crescendo d’immoralité comme en
témoignent la déchéance des héros et le traitement des femmes.
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8
RUTH
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9
but du livre qui est de démontrer les liens généalogiques, mais aussi politiques,
entre David et les Moabites. En effet, c’est une réponse aux interrogations qu’a
pu susciter la fuite de David chez l’ennemi moabite (1S 22.3; Dt 23.4-5)
lorsqu’il était pourchassé par Saül. Soulignons de manière apologétique que ce
fait — lier le grand roi David à un peuple impur — est assurément une preuve
de l’historicité du livre. Le livre de Ruth se veut donc une démonstration
éloquente de la supériorité de l’adhésion du coeur sur celle de la naissance.
1-‐2 SAMUEL
Les deux livres de Samuel sont en fait un seul ouvrage qui a été séparé pour des
raisons pratiques. En effet, cette répartition sur deux rouleaux permettait de
faciliter la lecture de cette longue épopée historique. La coupure sépare les
règnes des deux premiers rois d’Israel : Saül et de David.
23 Rendtorff, p. 58
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10
▪ Pour le fait qu’il ne soit jamais tombé dans l’idolâtrie, ce qui est d'ailleurs le
contexte expliquant qu’il est un homme selon le coeur de Dieu (1S 13.14).
24 Gouvernement divin par opposition à gouvernement royal, donc humain.
Il a d’ailleurs les caractéristiques d’un juge libérateur (1S 11.6-‐7) et son influence ne s’étendra que
25
du pays. De plus, le choix d’une nouvelle capitale indépendant plus au nord facilitait l’acception d’une
ville centre pour les tribus du nord.
28 Par le biais de la venue de l’arche de l’alliance et plus tard de l’érection du temple (2S 6-‐7).
Page 53
11
1-‐2 ROIS
Le livre des Rois, formait à l’instar de celui de Samuel, un seul et unique livre à
l’origine comme le démontre la coupure malhabilement placée en plein milieu
de la notice du roi Achazia. Le titre est encore une fois approprié puisqu’il
raconte l’histoire des rois qui ont suivi le règne de David. Le rédacteur a eu
accès à plusieurs différentes sources (1R 11.41; 14.19, 29; 2R 18-20 est un
copier-coller d’És 36-39). Le livre couvre plus de quatre cents ans et va des
dernières années de David jusqu’au dernier véritable roi d’Israël, Joīakîn exilé à
Babylone29. Il se veut une interprétation théologique de l’histoire de la
perspective pessimiste d’un rédacteur exilé30.
À sa mort, la maison de David aura même perdu son rapport de force avec les
tribus séparatiste du nord34. Le fils de Salomon, Roboam, devra lui-même aller
à Sichem se faire introniser alors qu’on s’était plutôt déplacé lors du
couronnement de son père et de son grand-père et il devra faire face en plus à
29 Donc environ de 972 à 561.
C’est-‐à-‐dire une réinterprétation historique à la lumière du dessein divin pour expliquer le drame
30
de l’exil. C’est ce qui explique que des personnages et des évènements importants de l’histoire
séculière comme le roi Omrie (1R 16.23-‐28) ou la chute de Samarie (2R 18.9-‐12) soient négligés.
31 Initatialement en corégence. À cet égard, à part le décompte d’année incomplète et des divergences
de calendriers, les problèmes de chronologies dans la Bible sont surtout dus à ces périodes de
corégence où on comptait indépendamment des années de pouvoirs simultanées.
Bâti 480 ans après la sortie d’Égypte, c’est aussi la période approximative qui le sépare du retour
32
Page 54
12
À cet égard, le livre des Rois contient de brèves notes générales sur l’histoire
parallèle des 20 ROIS RESPECTIFS POUR JUDA ET D’ISRAËL (1R 12-
2R 25). La vie de chacun d’entre eux sera évaluée et peut être répartie en trois
catégories.
▪ Six rois de Juda seulement sont qualifiés de bons : Asa (1R 15.11), Josaphat
(1R 22.43), Joas (2R 12.3), Amatsia (2R 14.3), Ozias (2R 15.3) et Jotam
(15.34).
Cela étant dit, environ soixante-dix ans après la mort de Salomon, Israēl et Juda
ne seront redevenus que deux petits États menacés par de multiples ennemis.
Pendant deux siècles les deux royaumes fratricides cohabiteront. Dans un
climat de tension constante au début (1R 14.30; 15.7.16) jusqu’à l’établissement
35 Dès cet instant, Israēl prendra une double signification : désignation du royaume nordique en
politique et totalité du peuple juif dans la sphère religieuse.
36 Le cas de Salomon est ambigu, car sa notice nécrologique est neutre (11.41-‐43). Le dernier
chapitre peu reluisant de sa vie ne semble pas toutefois l’avoir disqualifié des grands rois comme en
témoigne la place qui lui est accordée dans le livre et dans l’histoire.
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13
des dynasties nordiques qui donnera, à l’instar de la maison de David pour
Juda, une certaine stabilité à Israël37. Omri, prenant exemple sur David, établira
la capitale de son royaume à Samarie, une ville indépendante mieux située
stratégiquement (1R 16.23-24).
37 Par exemple, la maison d’Omri (1R 16.15-‐28) régnera pendant 3 générations (Omri, Achab,
Achazia, Joram) et celle de Jéhu (2R 9) pendant près d’un siècle (Jéhu, Joachaz, Joas et Jéroboam II).
De plus, la dynastie d’Omri, sous Athalie, interrompra même momentanément celle du règne de la
Maison de David en Juda et réussira presque à l’anéantir (2R 11.1).
Autres prophètes des Rois : Ahiya (1R 11.29), Michée (1R 22.8), Ésaīe (2R 19.3), Houlda (2R 22.14-‐
38
20) etc.
39 Celle-‐ci s’inscrit probablement dans un mouvement à plus grande échelle où les Égyptiens et les
Babylonniens ont profité de l’incertitude causée par le mort du roi assyrien Sargon II en 705 pour
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14
l’instigateur d’une réforme religieuse sans précédent dont les effets seront
anéantis par son successeur Manassé (2R 21.9)40. En 622 apparait le dernier
grand réformateur des rois de Juda qui coïncidera avec le déclin de l’empire
assyrien. Ce renouveau religieux amènera le roi Josias sur la sphère politique.
De un, par l’épisode de l’autel de Béthel qui est non seulement
l’accomplissement de la prophétie de l’homme de Dieu, mais aussi une
revendication territoriale (2R 23.15-18) et de deux, par son opposition à
l’Égypte qui s’en va à la rencontre de l’Assyrie, ce qui causera sa perte (2R
23.29). Cette dernière étant sur son déclin, elle sera remplacée par les
Babylonniens qui deviendront les nouveaux maîtres du Proche-Orient. En
587/6, ces derniers prendront la ville de Jérusalem, détruiront le Temple et
déporteront la population (2R 25.3-7). La chute de Jérusalem constitue une
rupture profonde dans l’histoire d’Israël. Plus de quatre cents ans de règne de dynastie
davidique prennent fin en même temps que l’histoire de la royauté en Israēl et l’indépendance
nationale qui lui était associée41. Les Babylonniens, contrairement aux Assyriens,
déporteront les populations en groupe leur permettant ainsi de maintenir leurs
traditions culturelles et religieuses, ce qui permettra le retour éventuel des fils
d’Israel en Palestine.
regagner leur indépendance. Sennachérib son successeur lancera une expédition en 705 pour
rétablir l’autorité assyrienne.
40 La longévité de son règne de 55 ans (1R 21.1) durant cette époque trouble suggère de plus une
soumission à l’Assyrie qui n’aurait pas cru bon de menacer le règne d’un vassal. Toutefois, 2Ch 33.11
l’explique par sa repentance.
41 Rendtorff, p. 97.
42 NBS, p. 440-‐442.
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18
1-‐2 CHRONIQUES
Le livre des Chroniques peut rebuter le lecteur de prime abord étant donné ses
nombreux chapitres de généalogies et ses multiples reprises littérales de
certaines portions des livres de Samuel et des Rois. À cet égard, la tendance
actuelle est de considérer Samuel-Rois et les Chroniques, non comme des traités d’histoire à la
mode occidentale, mais comme des essais théologiques. Les auteurs bibliques ont écrit, non pas
simplement pour rapporter des faits et informer de ce qui s’est passé, mais avant tout pour
faire passer un message théologique et pastoral répondant aux besoins existentiels de leurs
lecteurs. Ceci implique que lorsqu’on se penche sur deux auteurs rapportant la même tranche
d’histoire mais écrivant à deux époques différentes, il faut s’attendre à les voir sélectionner
différemment leurs matériaux, envisager les mêmes faits sous un angle différent, dégager des
aspects différents des mêmes réalités ou donner aux mêmes évènements des significations
différentes dans le but de répondre aux questions particulières à leur temps. Il faut bien se dire
que si le Chroniste a composé son oeuvre tout en ayant Samuel-Rois sous les yeux et même en
y renvoyant ses lecteurs, il avait sûrement l’intention de communiquer autre chose que le
message exprimé par ces écrits43. La perspective théologique du rédacteur du livre
des Chroniques est donc totalement différente de celle du livre des Rois
puisqu’il est témoin du rétablissement d’Israël (2 Ch 36.22-23; 2R 25.27-30). En
effet, contrairement à son prédécesseur canonique, il ne désire pas tant
expliquer les causes de l’exil, que souligner celles du retour.
43 S. Romerowski. Le règne de David et Salomon dans les Chroniques, p. 2.
44 T. Longman, p. 181.
Page 61
19
années d’exil écoulées, le Seigneur, dans sa grâce, ne se souvient plus des fautes de ces deux
rois et ne prend plus en considération que le bien qu’ils ont accompli45.
Alors que le livre des Rois de l’historiographie deutéronomiste décrivait
l’accumulation des péchés de génération en génération aboutissant au jugement
de l’exil, le livre des Chroniques expose plutôt le principe d’une rétribution
immédiate (2Ch 7.13-14). Les Chroniques apportent donc des nuances
absentes ailleurs sur la cause morale et spirituelle des évènements (2Ch 26.16,
19-20; 35.21) et donc sur la portée de la repentance (2Ch 33.11-13).
Ultimement, le livre communique donc le message théologique que c’est la
repentance d’Israël pendant l’exil qui a causé le retour en Palestine.
Comme quelques-uns des ceux qui les précèdent, les livres d’Esdras et
Néhémie ne formaient qu’un seul livre à l’origine46. Les historiens royaux ayant
disparu avec la chute de la monarchie, cette portion de l’histoire nous est
racontée au travers la vie de ces deux hommes. La composition du livre a fait
appel à divers matériaux : listes, statistiques, correspondances diplomatiques47,
décrets officiels et mémoires. Ces dernières avec leur ton personnel (Né 3.36;
5.19; 6.9, 14; 13.14, 22, 31) proche de l’autobiographie est un genre littéraire
jusqu’alors inconnu dans l’AT48. Au niveau rédactionnel, il y a dans le livre un
enchaînement évident à son prédécesseur étant donné qu’Esdras débute de la
même manière que se termine Chroniques (Esd 1.1-3)49.
auteur. D’ailleurs, c’est l’avis de la tradition juive : Esdras écrivit son livre et les Chroniques, c’est-‐à-‐dire
la suite des générations jusqu’à lui-‐même. Et qui l’acheva? Néhémie fils de Hakalia (Talmud babylonien
baba Bathra 27). Mais rien ne l’indique explicitement dans le livre et cette thèse est aujourd’hui
contestée.
50 Leurs noms les prédestinent à la tâche, car Esdras signifie Secours et Néhémie veut dire Consolation
de YHWH.
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20
Notons en terminant que c’est à cette époque qu’on commencera à désigner les
fils d’Israël comme étant des Juifs. Le terme vient de Judéen donc originaire de
la tribu de Juda, et s’est appliqué par la suite à tous les exilés hébreux revenus
de la captivité pour s’étendre ensuite à l’ensemble de la diaspora.
ESTHER
Curieusement ils ne sont mentionnés ensemble que tardivement et que rarement (Né 8.9; 12.26).
51
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21
l’antisémitisme (Esd 4.6; Né 3.33), et ce à plus fortes raisons, sous un roi perse
reconnu par l’histoire comme étant violent et déséquilibré.
Page 64
1
4. Livres poétiques
3.1. INTRO. AUX LIVRES POÉTIQUES
La troisième section de l’AT, nommée Livres poétiques1, comprend les livres
de Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiastes et Cantique des Cantiques.
Contrairement à la majorité des écrits de l’AT qui sont écrits en prose, ces cinq
livres sont plutôt relatifs à la poésie. La poésie hébraïque à une phrasée
rythmée par deux caractéristiques marquantes : la symétrie sonore et la symétrie
de pensée. L’assonance est le terme technique pour la symétrie sonore et il
s’agit d’une reprise d’un même son qui se rapproche de nos rimes2.
Malheureusement, nos traductions perdent souvent la subtilité poétique du
texte original, tel que l’illustre le traducteur biblique Maurice Carrez lorsqu’il
dit : une langue est un filet jeté sur la réalité des choses. Une autre langue est un autre filet. Il
est rare que les mailles coïncident. Mais heureusement, d’autre part, l’effet agréable que
produit sur nous la rime est remplacé en grande partie chez les Hébreux par un tout autre
procédé, celui de la symétrie de la pensée ou du sens. Ce procédé, couramment appelé
parallélisme, caractérise également la pensée archaïque d’Égypte, de Mésopotamie et de
Canaan3. Il y a dans la Bible de nombreux types de parallélismes, dont il
convient d’en examiner quelques-uns afin de se familiariser avec la poésie
rencontrée dans ces livres.
▪ Parallélisme synonymique qui répète la même vérité en mots différents.
Le ciel raconte la gloire de Dieu,
la voûte céleste dit l’œuvre de ses mains. (Ps 19.2)
1 Ils sont aussi appelé Livres sapientiaux ou Livres de la sagesse, en fonction de l’appellation d’un
genre littéraire bien connu et répandu au POA. D'ailleurs, le cours de l’ITF exclusivement consacré à
cette section est nommé ainsi.
2 La poésie en français ferait rimée foi avec roi et loi, alors que l’hébreu privilégierait de joindre feu
et fou à foi. Le Psaume 150 offre un bel exemple d’assonance de la poésie hébraïque : Allez Louez
Yah… Allez loue YHWH… Ah louez-‐le… Alléluia. (La Bible : Nouvelle traduction)
3 NCB, p. 47.
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2
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3
JOB
Les échanges entre Job et ses amis sont en fait un débat sur l’image
traditionnelle de Dieu, notamment sur la théologie de la rétribution (Pr 1.33).
L’intervention de Dieu démontrera les limites et l’inefficacité d’un système de
réponses religieuses rationnelles (42.7). Car bien avant que l’homme
s’interroge sur Dieu, c’est Dieu qui s’interroge sur l’homme. Et ce, par le biais
de l’Adversaire qui dira est–ce pour rien que Job craint Dieu (1.9)? Ainsi donc, l’être
humain retrouve ainsi sa vraie place… et Dieu reste Dieu. Son mystère ne se laisse enfermer
dans aucune formule. L’essentiel n’est pas dans les questions que nous pouvons nous poser à
son sujet ni dans d’éventuelles réponses, mais dans le fait souverain qu’il est là7.
Page 67
4
9 NBS, p. 688.
10 Le commentaire rabbinique des Psaumes (Midras Tehillîm) évoque ainsi la structure du Psautier : De
même que Moīse a donné cinq livres de lois à Israēl, de même David a donné cinq livres de Psaumes à
Israēl. Cela signifie que l’organisation du livre des Psaumes est orientée sur la Torah en tant que modèle
d’un texte canonique et liturgique. T. Rōmer, p. 497.
T. Longman, p. 225. Les raisons sont les suivantes : ces titres sont écrits à la troisième personne
11
même quand le psaume est à la première, ils ont tous la même forme ce qui semble trahir une main
commune, ils ne figurent pas dans les textes originaux et ils n’ont souvent aucun rapport avec le
contenu du psaume.
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5
Du latin imprecari signifiant prier à l’encontre de quelqu’un. Composé du verbe precari (prier), et
12
du préfixe in (contre).
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6
PROVERBES
La Crainte du Seigneur ou la Sagesse plutôt qu’une simple femme.
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7
ECCLÉSIASTE
16 Autres exemples de tournure superlative : Saint des Saints (lieu très saint), Roi des rois (roi
Voici encore quelques pistes de réflexion sur le sujet. De un, sur ce procédé; l’auteur de Job a aussi
greffé des discours poétiques à un personnage historique authentique. De deux, sur le nom en
introduction; le premier verset du livre (Paroles de Qohéleth, fils de David, roi à Jérusalem (1.1)) peut
être rapprochée de celui des Proverbes (Maximes de Salomon, fils de David, roi d’Israël (1.1)), et sont
tous deux sont insérés dans un prologue par un rédacteur anonyme. De trois, sur la mention du fils
de David; elle peut-‐être dans la bible stricte (un enfant de David), large (un descendant plus ou moins
lointain) ou prophétique (le messie attendu). De quatre, sur la personnification; n’est-‐ce pas ce que
font quelquefois les prédicateurs modernes lorsqu’ils revêtent homélitiquement un personnage
biblique pour l’actualiser à leur auditoire en le mimant, le faisant parler, l’interrogeant?
18 NBS, p. 834.
Page 71
8
L’intrigue du Cantique des cantiques n’est pas facile à discerner. Certains lisent
le livre comme l’histoire dramatique amoureuse entre Salomon et une jeune
fille ou encore comme un triangle amoureux entre cette jeune fille séparée de
son bien-aimé, qui est un humble berger (1.7-8; 2.16; 6.2-3), par son intrusion
forcée dans le harem de Salomon (3.3; 5.7; 6.8; 8.11, 12-14). D’autres devant
ces ambiguïtés narratives, y voit simplement un recueil contenant une
compilation de poèmes d’amour.
Même si une structure littéraire semble donc indiscernable, notons tout au long
du livre la reprise d’un REFRAIN (2.7; 3.5; 5.8; 8.4). D’une manière ou d’une
autre, le message théologique demeure le même : Place–moi comme un sceau sur
ton cœur, comme un sceau sur ton bras ; car l’amour est fort comme la mort, la passion jalouse
19 G. Archer, p.531.
D’un, sur sa légitimité dans le canon et de deux, sur sa véritable signification.
20
Voici ce que dit la tradition rabbinique : Nos maîtres enseignent : Qui chante comme un chant
21
profane un seul verset du Cantique attire le malheur sur le monde. Rōmer, p.530.
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9
est dure comme le séjour des morts; ses fièvres sont des fièvres brûlantes, une flamme du
SEIGNEUR. De grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour, et des fleuves ne sauraient
l’emporter; quand un homme donnerait tous les biens de sa maison contre l’amour, il
n’obtiendrait que le mépris. (8.6-7). En effet, le livre fait une pierre deux coups en
décrivant la bénédiction divine de la sexualité exclusive entre mari et femme
(2.16; 6.9; 8.6), tout en dénonçant par ricochet les abus sexuels de Salomon.
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1
5. Livres prophétiques
PROPHÉTISME
Le livre des Lamentations, ayant traditionnellement été considéré comme une annexe au livre de
Jérémie, s’est donc vu attribué une place dans la section de grands prophètes.
2 Dans la Chronologie des prophètes à la fin de notes de la section prophétique, Abdias et Joēl ont des
6 Le sage était celui qui avait appris la discipline et qui inhibait les passions et les appétits du corps
2 Dans la Chronologie des prophètes à la fin de notes de la section prophétique, Abdias et Joēl ont des
pour cultiver
dates l’âme
antérieures, dont la plus
aujourd’hui grande faculté
généralement était en l’esprit
remises (Ladd.
question. The Last Things. p.30). Ajoutons
Page 74
2
problème qu’ont les gens pour trouver une signification aux livres prophétiques de l’AT3.
Et ce, sans compter que les livres prophétiques sont pour la plupart des
regroupements d’oracles ne respectant pas d’ordre chronologique, souvent
placé sans indications historiques, et qui plus est, généralement livrés sous
forme poétique. Ces auteurs de la section des livres prophétiques sont
communément appelés les prophètes écrivains.
Cela étant dit, malgré que les prophètes soient essentiellement des prédicateurs
de la Torah, nous ne pouvons occulter qu’il y a une part de prédication
d’évènements futurs dans leurs prophéties. Deux éléments sont à retenir à ce
sujet. Premièrement, la majorité des prédictions annonçaient des évènements
dans le futur relativement immédiat d’Israël. Par exemple, les prophéties sur
le jugement des nations d’Ézéchiel 25-39 ont eu leur accomplissement durant le
6e siècle. Ces prophéties futures de l’AT font donc partie du passé pour nous.
Deuxièmement, certaines de ces prophéties d’un futur proche d’Israël sont
mêlées à celles du grand futur eschatologique. Par exemple, l’insertion d’une
prophétie sur les bénédictions de la Nouvelle Alliance en Ézéchiel 37.15-28.
Cette fusion (ou con-fusion) entre les deux niveaux du futur est due au fait que
les évènements temporels sont vus à la lumière du plan éternel de Dieu (Jl 3.1-
5). Ce phénomène se nomme la prophétie proleptique. C’est un peu comme
regarder de face deux disques distancés, pour ensuite les regarder de profil. Les
prophètes voyaient de face le plan éternel de Dieu alors que nous voyons de
profil les évènements temporels.
Page 75
3
ESCHTATOLOGIE
L’eschatologie est la doctrine enseignant la fin des temps, mais aussi la fin des
gens. Quelle était la vision de la fin des gens dans l’AT? La vision populaire
voyant le corps comme la prison de l’âme, qui à la mort irait rejoindre l’au-delà
tire son influence de la philosophie grecque et non de la théologie biblique. En
effet, les Grecs avaient une conception dualiste du monde (au-delà et ici-bas) et
de l’être humain (âme et corps)6. Le mot traditionnellement traduit par âme
(néphesh) dans l’AT, ne fait jamais allusion à la partie immatérielle de l’homme,
mais renvoie plutôt à l’essence de l’individu, à l’ensemble de la personne en tant
que créature (Gn 2.7)7, et est littéralement une chose physique qui est vivante8.
Le dualisme cosmique est également absent dans l’AT (Gn 1.31; Ps 19.2), qui
ne voit jamais la terre comme un endroit étrange ou encore comme le théâtre indifférent dans
5 Ibid., p. 175.
6 Le sage était celui qui avait appris la discipline et qui inhibait les passions et les appétits du corps
pour cultiver l’âme dont la plus grande faculté était l’esprit (Ladd. The Last Things. p.30). Ajoutons
que l’influence de la philosophie grecque sur le christianisme médiévale a notamment contribué à la
vie monastique et au célibat des prêtres.
7 Elle est donc même appliqué aux animaux (Gn 1.24)
8 Mon âme soupire après toi (Ps 42.1), serait mieux rendu simplement par : je soupire après toi.
Page 76
4
lequel l’homme vit son existence temporelle à la recherche de sa destinée céleste. L’homme et le
monde ensemble appartiennent à l’ordre de la création; dans le sens réel du mot, le monde
participe au destin de l’homme. Il n’y pas d’antithèse entre la vie physique et spirituelle, entre
les dimensions interne et externe de l’homme, entre les réalités de l’au-delà et du ici-bas. La
vie est vue dans son intégralité comme la pleine jouissance de tous les dons divins9. Dans
cette perspective vétérotestamentaire la bénédiction divine est essentiellement
physique : prospérité et productivité (Dt 30.9), santé (Pr 4.22), longévité (Ps
91.16), sécurité (Dt 8.1) etc. Pour le croyant de l’AT, la vie véritable n’est pas de
bénéficier de ces choses, mais d’être en communion avec le Dieu qui est la
source de toutes ces choses (Ps 36.10; Jr 17.13; Dt 8.3). La conception de la vie
après la mort est donc étroitement liée à cette vision du monde et de l’homme.
Au lieu de s’échapper du corps et du monde, les morts descendent plutôt dans
le Séjour des morts (Shéol est le mot hébreu de l’AT, alors qu’Hadès est le mot
grec du NT) dans les profondeurs de la terre (Ps 86.13; Ez 26.20). Le Shéol est
synonyme de mort, et est donc plus un état, qu’un lieu proprement dit. À la
mort, la vie de l’âme (néphesh) quitte le corps et va dans le Shéol, où privée de corps, elle doit
vivre une existence indistincte et diminuée10 (Éc 9.10; És 38.18; Ps 115.17), sous la
forme d’un ombre (Job 26.5; Ps 88.11; Pr 9.18). Ce misérabilisme de l’existence
dans le Séjour des morts a amené les justes à espérer un meilleur sort après la
mort (Ps 16.10; 49.16), ce qui a ouvert la voie à une progression de la révélation
vers la résurrection. L’espérance de la résurrection dans l’AT se développera
progressivement et se fondera sur trois piliers. Le premier est théologique, car
Dieu est, et ne peut cesser d’être la source de la vie (Ps 36.10). Le deuxième est
éthique et répond à l’imperfection de la rétribution terrestre, en nécessitant
donc une rétribution supérieure parfaitement juste dans l’au-delà (Jb 19.25; Dn
12.2). Le troisième pilier est eschatologique, car Dieu doit nécessairement
apporter une solution définitive à la mort (És 25.8). Notons en terminant que
durant la période intertestamentaire s’est développé la pensée d’un double
compartiment dans le Séjour des morts, l’un pour les justes et l’autre pour les
injustes (Lc 16.26)11. L’état final du juste passe donc nécessairement par la
résurrection corporelle afin qu’il puisse pleinement jouir à nouveau du monde
béni. En effet, la vitalité de l’existence humaine dans l’AT appelle une révélation plus
profonde de la vie corporelle qui est un véhicule convenable pour l’adoration et la communion
avec Dieu. Pour cela, il a besoin de l’enseignement du NT relatif à la résurrection du corps12.
Néanmoins, les croyants de l’Ancienne Alliance bénéficient par leur foi (Hb
9 Ladd. The Last Things. p.30.
10 Dyrness, W. Théologie de l’Ancien Testament, Longueuil, Ministères Multilingues, 2001, p. 88.
11 Enns. The Moody Handbook Of Theology. p. 393.
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5
13 Les évangéliques ont deux positions sur le sujet. Les croyants de l’AT étaient soit sauvés par leur
foi dans le messie à venir (Gn 3.15) ou soit par le système sacrificiel (invalidé par Hb 10.4).
Ryken L. et T. Longman. A Complete Literary Guide To The Bible. Grand Rapids, Zondervan, 1993,
14
p.305
15 Ryken L. A Complete Literary Guide To The Bible. p.91.
16 Ibid. p.461.
Page 78
6
ÉSAĪE
Avec ses 66 chapitres, le rouleau d’Ésaïe constitue le portail monumental par lequel on accède
au grand ensemble des prophètes écrivains17. Le nom du prophète indique le thème du
livre : YHWH sauve. Le livre se divise en trois grandes sections relatant des
évènements très éloignés dans le temps. La première se situe durant LE
TEMPS D’ÉSAĪE (1-39) autour de 740-700. Notre connaissance des livres
historiques nous aide à mettre en contexte cette période. En effet, Ésaīe
prophétisera sous quatre rois (1.1) : sa vision céleste à lieu l’année de la mort du roi
Ozias18 (6.1) qui marquera la fin d’une époque prospère (781-740), Jotam
(740-736), Achaz (736-716) qu’il encouragera, dans la foulée de la guerre syro-
éphraīmite aboutissant à la chute d’Israēl19, par des paroles qui deviendront
messianiques20 (7.10-14), et le grand réformateur Ézechias (716-687) qu’il
conseillera dans le tumulte des alliances et des révoltes politiques de l’époque21.
17 NBS, p. 856.
18 Aussi appelé Azaria
19 Retsîn roi de Damas s’était allié à Péqah roi d’Israēl pour entrainer à leur suite Juda à se révolter
contre l’Assyrie. Devant le refus de Joram, à sa mort, ils attaqueront et tenteront de remplacer Achaz
par un roi qui leur est favorable. Les représailles assyriennes mettront fin aux royaumes de Syrie et
d’Israēl.
20 Jésus est l’Emmanuel messianique (Mt 1.23), alors qu’en fait l’Emmanuel historique est Ézechias
(7.14).
Nous avons déjà parlé de la tentation politique de privilégier le secours des Égyptiens au détriment
21
Page 79
7
JÉRÉMIE
Impopulaire, seul, persécuté (12.6; 18.18; 20.2; 38.6) et amer (20.7-18), Jérémie
sera quand même un prophète d’espérance. Son geste prophétique le plus
puissant, placé immédiatement au niveau littéraire après l’annonce de
l’espérance de la nouvelle alliance (30-31), sera d’acheter un champ alors que
tout semble annoncer une fin imminente (32.1-2, 8, 15).
23 Selon la tradition, il y serait mort lapidé (Hb 11.37 est une allusion probable).
24 NBS, p. 941.
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8
LAMENTATIONS
ÉZÉCHIEL
25 Le livre est encore lu par les juifs lors de la Commémoration de la destruction du temple, ou plutôt
des destructions du temple, celle de 587-‐6 par les Babylonniens et celle de 70 apr. J.-‐C. par les
Romains.
Sans entrer dans le débat, notons simplement que les uns soulèvent des ressemblances (3.53) alors
26
que les autres avancent des contradictions comme l’optimisme de l’auteur (4.17; Jr 37.7-‐9) et la
valeur qu’il semble accorder au roi (4.20; Jr 24.8). Pour les uns, l’évidence d’un témoignage occulaire
valide la paternité de Jérémie alors pour les autres, le fait que le nom de Jérémie soit mentionné nul
part dans le livre, le disqualifie.
27 Ce que nous nommons les deux déportations (assyrienne et babylonnienne) ont en fait été précédé
d’autres de moindre envergure (2R 15.29 en 733/2 et 2R 17.6 en 722/1 pour Israēl; 2R 24.14 en 597
et 2R 25.11 en 587/6 pour Juda).
28 Celle-‐ci pourrait coïncider avec ce qui aurait dû être son entrée en fonction au Temple (Nb 4.3).
Page 81
9
tomber (11.23)29. Il s’applique donc à briser les illusions et les faux espoirs des
Juifs à Babylone comme Jérémie le fait à Jérusalem. Ses prophéties fort
imagées (15.2; 21.5) sont quelquefois silencieuses (3.26), d’autres fois
expérimentales (3.1-3) ou personnelles (24.15-18), souvent de fois mimées (4.4-
8). Ézéchiel ne fait donc pas que proclamer des prophéties, il devient la
prophétie tel que l’indique YHWH à la maison d’Israēl : Ezéchiel sera pour vous un
présage (24.24).
29 Le char de guerre est un signe de mauvais augure (1.16).
NBS, p. 1032.
30
Un troisième groupe de Judéen fuira en Égypte (2R 25.26; Jr 44.13), mais son influence sera très
31
Page 82
10
DANIEL
chose à attendre de l’histoire. Seul un grand bouleversement divin, l’irruption d’un monde totalement
nouveau, rétablirait le peuple dans son droit. Du coup, toutes les puissances hostiles qui allaient se
succéder sont décrites comme des types de l’ennemi suprême qui sera définitivement détruit. NBS, p.
1667.
35 NBS, p. 1092-‐1093.
Page 83
11
OSÉE
Le ministère d’Osée s’adresse aux tribus du nord et s’étend sur une période
d’environ 25 ans, des dernières années de Jéroboam II (783-743) jusqu’à la fin
du royaume d’Israël (722/1) (1.1). Cette époque est marquée par l’instabilité
politique, car sept rois se succèderont très rapidement dont quatre suites à des
coups d’État. Ainsi que par l’idolâtrie, notamment le culte des veaux d’or qui
persistera encore, même deux ans après son installation (8.5-6; 10.5; 13.2). À
l’instar de Jérémie et surtout d’Ézéchiel, sa vie sera un geste prophétique, car
afin d’illustrer la relation entre son peuple infidèle et lui-même, Dieu lui dira :
Va, prends une prostituée et des enfants de la prostitution; car le pays se vautre dans la
prostitution, en abandonnant le SEIGNEUR (1.2).
JOĒL
Ni la mention d’Israël (2.27; 4.2, 16), ni celle des ennemis (2.20; 4.4, 19), ni celle
des partenaires commerciaux (4.6-8), ni l’absence de celle concernant les
Assyriens et les Babyloniens, ni celle des fléaux comme l’invasion de sauterelles
(1.4) et la sècheresse (1.19-20) ne permettent de dater le livre de Joël. Les
hypothèses vont du 9e au 4e siècle. La période historique du livre importe peu
puisqu’il s’adresse à toutes les générations (1.1-3). Et au-delà du temps, le
prophète donne le sens des évènements. Les catastrophes agricoles et guerrières du livre de Joël
suggèrent que toute sécurité s’évanouit devant la venue du Dieu saint36. D’où les appels
intemporels à la repentance (2.12-14) et à l’attente de l’effusion de l’Esprit
(3.1).
AMOS
Idem, p. 1130.
36
Le sycomore est un figuier sauvage qui servait surtout à nourrir le bétail. Comme le sycomore ne
37
pousse pas à l’altitude de Teqoa, Amos devait voyager pour exercer sa spécialité. NBS, p.1136.
Page 84
12
ABDIAS
JONAS
Jonas n’est pas un personnage fictif d’histoire pour enfant39, mais un prophète
historique reconnu. 2 Rois 14.25 nous dit que Jéroboam II40 réussira plusieurs
exploits militaires sous l’impulsion d’un prophète nationaliste, c’est-à-dire, selon
la parole que le SEIGNEUR, le Dieu d’Israël, avait prononcée par l’intermédiaire de son
serviteur Jonas, fils d’Amittaï, le prophète de Gath–Hépher. Ce patriotisme israélite
qui tiendra tête (mais pour peu de temps encore) à la puissance assyrienne est la
clé qui permet de bien comprendre le livre. En effet, le refus de Jonas d’obéir à
38 NBS, p. 1148. On se rappelle que leur ancêtre est Esaū, qui était le frère de Jacob, qui deviendra
Israēl (Gn 36.6-‐8).
39 Cette perception est due aux nombreux éléments fabuleux du récit : une tempête divine, un
poisson avaleur d’homme, un homme qui y demeure vivant pendant trois jours, une nation qui se
repent en un jour, une plante qui pousse en une nuit, etc..
40 Encore lui! Cela dit, il est normal que ce dernier grand roi de l’histoire d’Israēl, mais considérée
comme mauvais aux yeux de Dieu, et dont la fin du règne coïncide avec le début de la fin pour le
royaume du Nord, ait suscité le déclenchement d’une grande vague prophétique.
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13
Le premier verset nous apprend que Michée est issue de ces années marquées
par l’expansion assyrienne (740-687), et est donc contemporain d’Ésaïe (1.1).
Plus encore, le message de Michée comporte de frappantes similitudes avec
celui d’Ésaïe42. Natif de Moréseth, au sud-est du pays près de la Philistie,
Michée amènera le complément rural à l’œuvre du citadin Ésaïe. À cet égard,
David, ainsi que son descendant messianique, ne sera pas tant perçu comme le
roi de Jérusalem (És 9.5-6), que comme le berger de Beth-Léem (5.1-3). Alors
qu’Ésaïe dénonce les désordres politiques, Michée ciblera les désordres
sociaux (2.1-5; 7.1-6). Avec la chute inévitable de Jérusalem (3.12), Michée
appellera à la restauration du vrai culte (6.8).
NAHUM
Nahum peut autant vouloir dire le Consolé, que le vengé, et ainsi est-il, puisqu’il
annonce vigoureusement la chute de Ninive, soit la consolation et la
vengeance de l’oppresseur assyrien (1.1, 7-8). La prophétie se situe entre 663
et 61243. Le style poétique de Nahum est d’une qualité remarquable. Sa beauté contraste
avec la rigueur du message… De tous les prophètes du second ordre, aucun n’a autant de
Il y a une seule petite prophétie de cinq mots hébreux dans le livre : Encore/ quarante/ jours/ et
41
nom de Thèbes) (3.8) et le plafond de 612 est la chute de la capitale assyrienne Ninive (1.1).
Page 86
14
HABAQUC
SOPHONIE
44 Le mot livre (dans le premier verset) indique que la prophétie de Nahum est quelque peu
différente des autres. La plupart des prophètes étaient des prédicateurs, et leurs prophéties sont des
recueils constitués de leurs discours oraux rassemblés par la suite. Longman, p. 444.
45 Les lions étaient l’emblème officiel de Ninive.
46 Qu’ils sont beaux, les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles est plutôt une citation de
Rm 10.15, qui est en fait une traduction grecque du texte hébreu. Voir la note 17.
47 Longman, p. 453.
48 Jérusalem a même perdu son identité et est anonymement désignée comme étant la rebelle, la
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15
AGGÉE
Après le décret de Cyrus permettant le retour des exilées en 538, les Juifs
entreprennent immédiatement l’année d’après la reconstruction du Temple,
pour s’arrêter peu après suite à de fortes pressions externes (Esd 4.1-5). En
520, Aggée se lèvera pour dénoncer la situation en attribuant cet arrêt de dix-
sept ans à la négligence du peuple de Dieu avant tout et en révélant que les
mauvaises récoltes en sont la conséquence divine (1.2-6). Sous cette
impulsion, les anciens des Judéens bâtirent avec succès, selon la parole prophétique d’Aggée,
le prophète (Esd 6.14). Aggée s’appliquera également à encourager Zorababel
(1.1; 2.2), qui en plus d’être le premier gouverneur de cette période post-
exilique, est aussi et surtout un descendant davidique, ce qui ranimera l’espoir
messianique (2.23)50.
ZACHARIE
49 NBS, p. 1182.
50 Il figure dans la généalogie de Jésus-‐Christ (Mt 1.12)
51 1) Malgré que toute la terre est en repos et tranquille (1.11), 2) Dieu est encore celui qui peut
abattre les cornes des nations qui ont levé la corne contre Juda afin de le disséminer (2.4), 3) et rétablir
définitivement Jérusalem qui sera une ville sans murailles, tant les humains et les bêtes y seront
nombreux (2.9), 4) car regarde, je t’enlève ta faute pour t’habiller de vêtements de fête (3.4), 5) au
moyen de Zorobabel et Josué, respectivement gouverneur et grand prêtre, qui sont les deux hommes
de l’huile nouvelle, qui se tiennent debout devant le Seigneur de toute la terre (4.14) 6) et qui selon la
Loi (5.3) 7) chasse la méchanceté du pays (5.8) 8) par l’Esprit du Seigneur (6.5; Cp. 4.6).
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16
sous différents traits : le germe (3.8; 6.12), devient donc le roi humble (9.9), le
berger frappé par l’épée (13.7), le transpercé (12.10), etc. Néanmoins, à la fin de
l’Histoire, le SEIGNEUR sera roi de toute la terre ; en ce jour–là, le SEIGNEUR sera
un, et son nom un (14.9).
MALACHIE