Vous êtes sur la page 1sur 118

SCIENCES RELIGIEUSES

ANNÉE 2022-2023
UNIVERSITÉ DE NAMUR
Table des matières

INTRODUCTION 3

0.1 OBJET DU COURS : LA BIBLE : 3


0.2 POURQUOI LE SUJET DE LA BIBLE : 3

CHAPITRE 1 : QUELQUES GÉNÉRALITÉS 7

1.1 COMMENT LIRE UNE RÉFÉRENCE BIBLIQUE : 7


1.2 LA BIBLE : UN LIVRE, UNE BIBLIOTHÈQUE : 7
1.3 LES LANGUES AU TEMPS DES ÉVÈNEMENTS BIBLIQUES : 20
1.4 QUELQUES TEXTES À PROPOS DES LANGUES DANS L'ANCIEN TESTAMENT : 25

DOCUMENTAIRE ARTE : LA BIBLE DÉVOILÉE. LES RÉVÉLATIONS DE L’ARCHÉOLOGIE 43

CHAPITRE 2 : LE PENTATEUQUE ET LA TORAH 46

2.1 LA GENÈSE : 46
2.2 L’EXODE : 57
2.3 LE LÉVITIQUE : 70
2.4 LE LIVRE DES NOMBRES : 70
2.5 LE DEUTÉRONOME : 70

DOCUMENTAIRE ARTE : LES ROIS DE LA SÉRIE LA BIBLE DÉVOILÉE 72

CHAPITRE 3 : LES LIVRES HISTORIQUES 75

3.1 QUE DISENT L’ARCHÉOLOGIE ET LA SCIENCE HISTORIQUE SUR CETTE PÉRIODE : 75


3.2 LE LIVRE DE JOSUÉ : 84
3.3 LE LIVRE DES JUGES : 96
3.4 LES DEUX LIVRES DE SAMUEL : 97
3.5 LES DEUX LIVRES DES ROIS : 98

CHAPITRE 4 : LE NOUVEAU TESTAMENT 102

4.1 LE CADRE HISTORIQUE ET L’ESPACE DE LA PALESTINE : 103


4.2 LA COMPOSITION DU NOUVEAU TESTAMENT : 104
4.3 LES ÉTAPES DE LA RÉDACTION DU NOUVEAU TESTAMENT : 105
4.4 LES EVANGILES : 111
4.5 CONCLUSION : 116

1
Examen : faire attention aux textes qu'on travaille ; écrit ; une grosse question transversale
(touche tout le cours), vaut la moitié des points ; 2e question pour resituer une partie du
cours plus précise (6 points) ; 2 petites questions plus précise (parler d'un personnage, déf...)
; interprétation de textes (peut être intégré à la 1re question)

Cours de sciences religieuses, pas de catéchisme. Etude de la Bible, en faisant appel à


différentes disciplines.

Cours difficile

Examen : première très grosse question transversale 10/20 ; 2e question sur 6 points ; petite(s)
question(s). Par rapport aux textes : textes sur lesquels on est juste passé pas besoin étudié
mais si commenté, étudier.

Sur la question de Babylone :

Trois déportations :
- Une première (598-597) avec destruction du temple → commence exil même si encore
des sièges et des déportations après.
- Deuxième (588-587) avec destruction presque totale de Jérusalem, encore des gens
déportés
- Troisième (vers 581)
Il y a de la violence dans la Bible (ex : Josué, un dieu présenté comme violent). Parfois, à cause
de cette violence présente dans les textes, certains s’en servent pour justifier des actes
violents réels (ex : les croisades).

Examen

Examen écrit → 3 questions exemples sur le pp

Question 1 :

Gin + pp

- Faire appel aux documentaires avec questions archéologiques


- Dans ce cas de figure, il faut restituer rapidement qui sont les patriarches et dans quel
livre on les trouve (Genèse, 1er livre de la bible)
- Savoir citer les patriarches dire qui est le fils de qui
- Prendre le temps de faire le plan de nos réponses
- Bien expliquer, faire comme si prof savait pas grand-chose
- Éléments géopolitique qui expliquent la succession des patriarches, une généalogie
avec des enjeux géopolitiques

2
Introduction

0.1 Objet du cours : la Bible :

− Objet du cours : introduction à la Bible. Histoire, écriture, interprétation...

➢ « Histoire » car elle raconte plusieurs histoires, elle était appelée les Ecritures Saintes
avant.

➢ « Ecriture » car à l'époque, 1% de la population seulement est alphabétisée. C’est un


long processus d'écriture, c’est un mécanisme qui a été mis en place.

➢ « Interprétation » car on interprète de tout temps les textes, notamment avec la


traduction. C’est un phénomène normal.

− La Bible, un livre religieux : il y a une ouverture à la complexité de la Bible dans ce cours,


elle n’a pas une vocation première d'être un livre littéraire. Elle a une valeur sacrée. La
question est de savoir comment elle devient sacrée. C’est un livre qui symbolise des
valeurs politiques, morals... Il prend une place énorme.

− La Bible, un livre d’histoire(s) : on y raconte des histoires mais il y a aussi un rapport à


l'Histoire. Dans le rapport à l'Histoire, il y a le fait que dans le judaïsme, Dieu a affaire aux
humains. On raconte comment Dieu s'occupe des humains. Il y a une relation entre le divin
et les créatures humaines. La question de l'Histoire est extrêmement importante dans le
judaïsme et le christianisme. Il y a des éléments historiques dans la Bible (même s’ils ne
le sont pas tous). Il n’est pas rare qu'à partir d'un évènement ou d'un personnage
historique, une histoire soit développée sans être historiquement juste (Exemple : le roi
David a existé mais les textes de la Bible racontent une histoire qui n'a rien à voir avec
l'Histoire).

− La Bible, une œuvre de littérature : des histoires sont racontées. Il y a une unité, ce n’est
pas seulement quelque chose de plic ploc, il y a une pensée. Le texte a aussi une valeur
littéraire. Il y a plusieurs méthodes pour la lire, on ne peut pas tout lire littéralement.

− La Bible appartient à l'Histoire de notre civilisation occidentale. Il reste des traces de


différentes époques. Le livre a laissé une grande influence.

0.2 Pourquoi le sujet de la Bible :

− Pourquoi un tel sujet ? On aborde un livre qui a un aspect sacré pour certaines religions. Il
a une valeur. Pourquoi il est devenu sacré ? Ce qu'il s'est passé pour qu’il devienne sacré.

3
− La Bible est un ensemble de textes considérés comme sacrés pour les juif·ve·s et les
chrétien·ne·s

− Pour les catholiques, l'Ecriture Sainte et la Tradition (fêtes religieuses, rituels, sacrements,
écrits des pères de l'Eglise (écrivains ecclésiastiques qui remontent à l'Antiquité
chrétienne), grands conciles (comme le concile Vatican II (vers 1960))) sont les deux
sources de la révélation divine. A un moment, on s'est dit qu’on n’ajoute plus rien à la
Bible donc il y a d'autres manières de faire comprendre les volontés de Dieu.

− Ce que le Concile Vatican II dit de la Bible : le texte réaffirme l'inspiration divine (= qu'il y
a le rôle de l'esprit, ce n’est pas Dieu qui fait écrire ce qu'Il veut mais la façon dont l'humain
interprète ce que veut Dieu) de l'Ecriture Sainte, mais demande de prendre en compte les
auteurs humains et les genres littéraires pour déterminer le sens littéral de l'Ecriture
Sainte. Il y a de l’insistance sur l'importance de l’Ecriture Sainte dans la vie de l'Eglise (le
protestantisme dit que la seule chose qui compte est l’Ecriture Sainte), dont la lecture et
la méditation sont recommandées non seulement aux ministres mais à tous les fidèles.

11. Inspiration et vérité de la Sainte Écriture

Les réalités divinement révélées, que contiennent et présentent les livres de la Sainte Écriture,
y ont été consignées sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Notre sainte Mère l’Église, de par la
foi apostolique, tient pour sacrés et canoniques tous les livres tant de l’Ancien que du
Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit
Saint (cf. Jn 20, 31 ; 2 Tm 3, 16 ; 2 P 1, 19-21 ; 3, 15-16), ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont
été transmis comme tels à l’Église elle-même. Pour composer ces livres sacrés, Dieu a choisi
des hommes auxquels il a eu recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens,
pour que, lui-même agissant en eux et par eux, ils missent par écrit, en vrais auteurs, tout ce
qui était conforme à son désir, et cela seulement.
Dei Verbum, n° 11

➢ Pour les catholiques, la Bible est composée d'un Ancien et d'un Nouveau Testament et
tout cela est reconnu. Il y a des différences entre protestants, catholiques et orthodoxes
sur le nombre de textes reconnus. Il y a une réflexion entre ce que Dieu veut vraiment et
ce qui a été écrit.

12. Comment interpréter l’Écriture

Cependant, puisque Dieu, dans la Sainte Écriture, a parlé par des hommes à la manière des
hommes, il faut que l’interprète de la Sainte Écriture, pour voir clairement ce que Dieu lui-
même a voulu nous communiquer, cherche avec attention ce que les hagiographes ont
vraiment voulu dire et ce qu’il a plu à Dieu de faire passer par leurs paroles. Pour découvrir

4
l’intention des hagiographes, on doit, entre autres choses, considérer aussi les « genres
littéraires ». Car c’est de façon bien différente que la vérité se propose et s’exprime en des
textes diversement historiques, ou prophétiques, ou poétiques, ou même en d’autres genres
d’expression. Il faut, en conséquence, que l’interprète cherche le sens que l’hagiographe, en
des circonstances déterminées, dans les conditions de son temps et de sa culture, employant
les genres littéraires alors en usage, entendait exprimer et a, de fait, exprimé. En effet, pour
vraiment découvrir ce que l’auteur sacré a voulu affirmer par écrit, il faut faire
minutieusement attention soit aux manières de sentir, de parler ou de raconter courantes au
temps de l’hagiographe, soit à celles qu’on utilisait à cette époque dans les rapports
humains. […]
Dei Verbum, n° 12

➢ Il y a un travail de recherche pour comprendre ce qui a vraiment été voulu dire. Il y a du


fondamentalisme qui dit qu'il faut tout prendre littéralement (notamment aux Etats-
Unis), qu’il faut interpréter la Bible de manière littérale. L’interprétation est faite en
fonction des courants.

− Dans l'Orthodoxie, Dieu se révèle par le témoignage de la personne de Jésus et l'accès à


cette révélation se fait par les Ecritures et les Traditions (les orthodoxes reconnaissent
plus de textes que les catholiques et les traditions sont un peu différentes).

− Pour les protestants, seule l'Ecriture Sainte est source de la révélation divine : « sola
scriptura ».

− La Bible est le livre le plus traduit au monde (plus de 2577 traductions partielles et plus
de 648 complètes). Plus de 90% des humains ont ainsi accès à une portion au moins de la
Bible dans leur langue.

− On estime que plus de 5 milliards de bibles ont été imprimées.

− La Bible est le livre est le plus diffusé avec quelques 50 millions d’exemplaires par an.

− Tout au long de l'histoire, la Bible a bénéficié des techniques les plus nouvelles de
reproduction :

➢ Le parchemin a remplacé le papyrus

➢ Le codex a remplacé le rouleau

➢ L'imprimerie a remplacé l'écriture manuscrite

5
➢ Les microfilms ont remplacé le papier

➢ Les supports numériques permettent une diffusion via les CD, les DVD et internet

− Le premier texte imprimé est la Bible (la Bible de Gutenberg en 1455)

− C'est un des ouvrages les plus étudiés : archéologie, paléographie, histoire, histoire des
religions, linguistique, psychanalyse, philosophie, théologie...

6
Chapitre 1 : Quelques généralités

1.1 Comment lire une référence biblique :

− Titre du livre, numéro du chapitre, numéro du verset.

− Les abréviations des livres bibliques (pas à l’examen) :

▪ Exemples :
• 1 Co 13, 1-5 : première épitre aux Corinthiens, chapitre 13, versets 1 à 5
• 1 R 5, 6 : Premier livre des Rois, chapitre 5, verset 6
• Mc 2-5 : Evangile selon Marc, chapitre 2 à 5

1.2 La Bible : un livre, une bibliothèque :

1.2.1 Quelques définitions :

− Le mot « bible » vient du grec ancien biblos ou biblion (livre) qui vient de Byblos, le port
phénicien antique où l’on traite le papyrus (biblos). Ça correspond à l'hébreu sépher –
« livre » - qui a donné τὰ βιϐλία (ta biblia), un substantif au pluriel qui signifie « les livres ».
En mettant au pluriel, on souligne le caractère multiple de l'ensemble de l'œuvre.

7
− Au XIIe siècle, le mot est traduit en latin par biblia, un substantif féminin singulier. Au
pluriel, cela donne bibliae. Du latin, il passe dans la langue française.

− La Bible chrétienne comprend 2 grandes parties :

1. La première partie rassemble les textes antérieurs à la naissance de Jésus-Christ. Elle


s’intitule « Ancien Testament » ou aussi « Premier Testament ».

2. La seconde partie comprend les textes rédigés à partir de la naissance de Jésus de


Nazareth. Elle se nomme « Nouveau Testament » ou aussi « Second Testament ».

− La Bible Juive reprend une partie de l'Ancien Testament, car les Juif·ve·s ne reconnaissent
pas Jésus comme le messi.

− Le mot « Testament » vient du latin testamentum qui veut dire alliance. Il y a les alliances
anciennes et les alliances nouvelles. La Bible propose des récits qui mentionnent les
alliances de Dieu avec son peuple (Ancien Testament) et les alliances accomplies par la
venue de Jésus (Nouveau Testament).

− La distinction entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament est faite par les Pères de
l'Eglise à la fin du IIe siècle. Au IVe siècle, saint Jérôme traduit en latin le terme grec
diathéké qui signifie « alliance » aussi bien que « disposition testamentaire » par
testamentum qui devient « testament » en français.

− Pour illustrer les liens possibles entre l’Ancien et le Nouveau Testament, un extrait de
l'évangile selon Marc :

9Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le
Jourdain. 10 A l’instant où il remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit, comme
une colombe, descendre sur lui. 11 Et des cieux vint une voix : « Tu es mon Fils bien-aimé, il
m’a plu de te choisir ».
[Mc 1, 9-11]

➢ Un imaginaire est développé dans le texte : Jésus voit les cieux se déchirer, c’est une
manière de dire que Dieu entre en contact avec les humains. L’Evangéliste reprend des
textes qui remontent à l'Ancien Testament.

➢ L’Evangile selon Marc a été rédigé entre 64 et 70. L'épisode dont parle le texte est le
baptême de Jésus de Nazareth par Jean Baptiste. Celui-ci proclame un baptême d’eau
(immersion), orienté vers la conversion de tout le peuple. Le baptême de Jésus par Jean
est un évènement historique très probable.

8
➢ Jésus de Nazareth entre en scène. Il vient pour se faire baptiser par Jean Baptiste. On ne
donne aucune explication sur la motivation de sa démarche. Il est l'occasion d'une scène
de révélation et de manifestation du divin.

➢ Quand Jésus sort de l'eau où l'a plongé son baptême, les cieux se déchirent pour la
descente de l'Esprit et l'irruption d'une voix lui disant sa filiation divine dans une phrase
inspirée de Ps 2,7 et d'Is 42,1.

6 « Moi, j'ai sacré mon roi sur Sion, ma sainte montagne. » 7 Je proclame le décret du
Seigneur ! Il m'a dit : « Tu es mon fils ; moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. 8 Demande, et je te
donne en héritage les nations, pour domaine la terre tout entière. 9 Tu les détruiras de ton
sceptre de fer, tu les briseras comme un vase de potier. »
[Ps 2,6-9]

« Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu que j’ai moi-même en faveur, j’ai mis mon
Esprit sur lui ».
[Is 42,1]

➢ Il s'agit d'une scène d'investiture messianique dans la ligne du livre d'Isaïe 61,1.

« L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi, le Seigneur, en effet, a fait de moi un messie, il m’a
envoyé porter un joyeux message aux humiliés… »
[Is 61,1]

1.2.2 La Bible hébraïque :

« Mon grand-père Jésus, qui s’était adonné par-dessus tout à la lecture de la Loi, des
Prophètes et des autres livres de nos pères, et qui y avait acquis une grande maîtrise, fut
amené à écrire lui aussi sur l’instruction et la sagesse, afin que ceux qui aiment le savoir,
s’étant familiarisés avec ces sujets, progressent encore davantage dans la vie selon la Loi ».
[Prologue au Siracide (l’Ecclésiastique)]

➢ L’ouvrage est composé vers -180 par Jésus Ben Sirach (fils de Sirach) et est traduit en grec
vers -130 par son petit-fils. A ce moment-là, il y a trois types de textes dans la bible
hébraïques : la Loi (Torah en hébreu), les Prophètes (en hébreu Nevi’im), les autres livres
(en hébreu Ketouvim). Il y a des éléments qui se mettent en place et qui vont expliquer
comment ils se mettent en place. C'est un processus, les choses bougent pendant la
construction et un jour, il y a l’agencement des textes. Pendant un certain temps, le
processus a continué à s'écrire. Le judaïsme est confronté avec la langue grecque et c’est

9
une période de confrontation entre un héritage du judaïsme ancien et la culture grecque
plus ouverte. Le texte est un exemple typique d'un écrit de sagesse repris comme texte
de la Bible et confronté à son époque.

➢ Le livre, appelé le Siracide ou l’Ecclésiastique, est rédigé en hébreu. C’est l’un des seuls
livres de la Bible avec un auteur connu. Il est traduit en grec par le petit-fils de l’auteur qui
est émigré en Egypte. Il y a une guerre entre le courant juif et le courant hellénistique,
c’est une période tendue. L’ouvrage est connu uniquement par la version grecque,
quelques fragments en hébreu ont été retrouvés mais ils sont corrompus et inutilisables.
Le titre officiel est « Sagesse de Jésus Ben Sirach ».

➢ Au temps de l'auteur, il existe une répartition de l'Ecriture en trois ensembles :


▪ La Loi (la Torah)
▪ Les Prophètes (Nevi’im)
▪ Les autres livres (Ketouvim)

− Les initiales de l'ensemble forme TNK, ce qui se prononce TaNaKh. La Bible hébraïque est
donc TaNaKh.

− En 70, il y a une guerre juive contre Rome, Jérusalem est détruite ainsi que différents
mouvements du judaïsme. Il y a une fixation de livres et le rejet d'autres (comme le
Siracide). A partir des années 70-80-90, le mouvement chrétien commence à se répandre.
Le courant chrétien accepte davantage de livres.

− Les livres deutérocanoniques ne font pas partie de la Bible hébraïque mais se trouvent
dans la Bible chrétienne. Le Pentateuque correspond à la Loi, les livres prophétiques aux
Prophètes et les autres écrits aux autres écrits. Les livres deutérocanoniques sont le
deuxième canon. En d'autres termes, il y a un premier et un deuxième canon dans
l'Ancien Testament.

− L'ordre respecte l'ordre des trois parties dans la Bible hébraïque. Il y a différente manière
de mettre de l'ordre dans les textes.

− Le premier ensemble de TaNaKh en est aussi le centre. Ce qui est le plus important, ce
sont les cinq premiers livres. Ils débutent la Bible hébraïque, les autres parties viennent
jouer un rôle par rapport au centre. Ces ouvrages sont dominés par la figure de Moise,
un personnage important de l'Ancien Testament car il libère le peuple hébreu en Egypte.
Il joue un rôle de libération par rapport à l'esclavage. On lui attribue un certain nombre
de livres mais ce n’est pas le cas (ça voudrait dire qu’il aurait écrit sa propre mort). Moise
fait alliance avec le dieu des hébreux. Il va recevoir la table des commandements, il reçoit
les Dix Commandements, il reçoit les éléments importants de la loi. Ces Commandements

10
s'ajoutent à d'autres lois dans le deutéronome (qui signifie la deuxième loi) dans la Bible
chrétienne. Ce livre explicite les Dix Commandements, il y a un développement concret
de préceptes. C’est un récit concret du rapport entre un peuple et son dieu.

− Sur cette alliance, des règles régissent la vie sociale, familiale, économique, politique et
religieuse.

− Dans la Bible chrétienne, les cinq premiers livres sont les mêmes que dans la Bible
hébraïque mais ils ne sont pas le centre de celle-ci.

− La Loi ou Torah comprend cinq livres nommés par le premier mot du livre :
▪ Berechit qui signifie « Au commencement » et qui correspond à la Genèse (Gn)
▪ Chemot qui signifie « Les Noms » et qui correspond à l’Exode (Ex)
▪ Wayiqra qui signifie « Et il dit » et qui correspond au Lévitique (Lv)
▪ Bamidbar qui signifie « Dans le désert » et qui correspond aux Nombres (Nb)
▪ Debarim qui signifie « Les paroles » et qui correspond au Deutéronome (Dt)

− La Torah (le Pentateuque) évoque le commencement du monde et du peuple, elle parle


des origines, elle explique comment Dieu va créer le monde. Quand on dit que l’origine
est Dieu alors ça sous-entend que les humains ne sont pas propriétaires. Il ne faut donc
pas se comporter n'importe comment sur la terre, il y a une responsabilité. Il y a aussi des
commandements pour vivre, il y a des attitudes qui mènent à la mort ou à la vie. Il y a des
règles pour que les humains puissent vivre ensemble.

− La deuxième partie est le livre des Prophètes. Il est réparti en deux parties. Il y a un certain
nombre d'ouvrages qui le compose :

▪ La première partie se compose des prophètes premiers ou antérieurs. C’est un


ouvrage narratif. Il est composé du livre de Josué, de celui des Juges, des livres 1 et 2
de Samuel et des livres 1 et 2 des Rois.

▪ La deuxième partie se compose des prophètes derniers. C’est un recueil d'oracles. Il


est composé de quatre grandes parties : le livre d'Isaïe, de Jérémie, d’Ezéchiel et des
livres des Douze petits prophètes (les livres d’Osée, de Joël, d’Amos, d’Abdias, de
Jonas, de Michée, de Nahum, d’Habacuc, de Sophonie, d’Aggée, de Zacharie et de
Malachie)

− Tout cet ensemble est considéré par la tradition juive comme un commentaire de la
première partie. Il explique la Torah en fonction du moment où les prophètes ont écrit
leurs récits. Les contextes des auteurs, fort différents en fonction d'eux, peuvent parfois
les influencer.

11
− Le troisième ensemble correspond aux autres Ecrits. Il est composé de onze livres : les
Psaumes, les Proverbes, le livre de Job, les 5 rouleaux (Ruth, Cantique des Cantiques,
Qohélet, Lamentations, Esther), le livre de Daniel, le livre d’Esdras (et de Néhémie) et les
Chroniques 1 et 2. Ces livres sont d’époque diverses, parfois indéterminées. Ils mêlent
poésie, contes et propos de sagesse. Ces livres méditent sur la condition humaine : ils
parlent d'amour, de vie, de mort et il y a une réflexion autour du malheur et du mal avec
le livre de Job. Ils manifestent l'actualité des livres de la Loi à leur manière, il y a une forme
d'actualisation en fonction du contexte et de l'auteur.

− Dans la Bible hébraïque, on atteint le sommet en commençant avec la Torah puis on


descend. Les livres importants sont au début, ce qui était censé être se trouve au début,
ce qui est essentiel se déroule avant l'entrée dans la terre promise. Les éléments
fondamentaux sont solides et sont déjà donné avant la terre promise. Avant la mise en
place de la royauté, les fondamentaux sont déjà en place. Il y a une construction
théologique. Ce ne sont pas nécessairement les premiers textes écrits. La construction
théologique veut dire que c’est l'essentiel quand il n’y a pas de gouvernement, de temple
pour prier Dieu et de terres. La Torah, composé de cinq livres narratifs et législatifs,
enseigne la Loi, cœur de l’alliance. L’Origine du monde, les Patriarches, l’Exode, tout ça
a lieu avant l’arrivée en terre promise.

− Les livres prophétiques se veulent en grande partie des commentaires de la Torah. Elle
est commentée par l'expérience des prophètes. Les prophètes vont commencer à porter
des jugements sur le pouvoir politique et religieux, ils ne craignent pas de dénoncer
l'attitude à la fois du pouvoir politique et religieux. Ils dénoncent « aux yeux de Dieu »
(un roi est mauvais « aux yeux de Dieu » parce qu’il ne respecte pas les principes mais être
considéré extérieurement comme un bon roi).

− Les autres écrits sont des sortes de méditations sur la Torah. Il y a un élargissement des
champs d'horizon. La Torah offre ses chemins de vie à tous dans la diversité des Ketouvim.

− Ces trois ensembles vont former ce qui est appelé la grande bibliothèque. Cette
bibliothèque devient au fond la « bibliothèque national » d’Israël, c'est la question de
l'identité. Ces ouvrages forment l'identité de ce peuple. Ce sont essentiellement des
textes littéraires. L’identité devient importante. Ce n’est pas la seule entité qui rassemble
des ouvrages, il y a d'autres bibliothèques, ce n’est pas le premier peuple qui rassemble
une « bibliothèque nationale ». D'un côté, il y a des lieux d'archives et de l'autre, des
bibliothèques avec trois séries de dates :
▪ Les anciennes bibliothèques, de -1000 à -500, comme celles de Ninive et de
Khorsabad.
▪ De -500 à -1, il y a des bibliothèques comme celles d’Alexandrie et de Lakish

12
▪ De 1 à 500, il y a des bibliothèques du côté d’Athènes et de Rome
▪ De nos jours, il existe toujours des « bibliothèques nationales »

− L’origine de la « bibliothèque nationale » d’Israël est mentionnée à plusieurs reprises


dans la Bible, il y a des allusions, notamment dans les « Chroniques » (ou Annales) de rois
d’Israël ou des rois de Juda et dans le deuxième livre des Maccabées. Dans ce livre, il est
question d'une première « bibliothèque » fondée par un gouverneur, Néhémie, autour
de -500. De plus, Judas Maccabée (IIe siècle acn) rassemble les livres les plus importants
pour Israël et les met à disposition de la communauté hébraïque d’Egypte.

13
Les mêmes faits étaient relatés dans les archives et les mémoires de Néhémie, où l’on
racontait en outre comment celui-ci constitua une bibliothèque, en rassemblant les livres
concernant les rois et les prophètes, les œuvres de David et les lettres des rois concernant les
dons. 14 De la même façon, Judas [Maccabée], lui aussi, a rassemblé tous les livres dispersés à
cause de la guerre qu’on nous a faite. Ils sont maintenant à notre disposition. 15 Donc, si vous
en avez besoin, envoyez des gens qui vous les rapporteront.
[2 M 2,13-15]

− Cette période est une époque charnière car il y a une révolte entre les juifs et le régime
hellénistique devenu très dur. Il pille les temples et y met des dieux grecs. Les ouvrages
sont sauvés car ils sont importants pour l'identité du peuple juif. Il y a la constitution d'un
ensemble d’ouvrages entre le Ve et le IIe siècle acn.

− Le peuple d'Israël a voulu constituer cette bibliothèque pour la mémoire, pour l'identité.
Il arrive assez tard dans l’écriture mais la place du livre augmente petit à petit dans le
courant du Ier millénaire. Puis le livre devient très, voire super, important. Les raisons de
la constitution d’une bibliothèque :

▪ C'est un petit peuple pas très puissant qui arrive tard dans l’écriture et qui veut
rassembler ce qui fait son identité profonde quand il ne possède plus rien (terres,

13
temples...). Il est toujours en rapport avec d’autres puissances très puissantes. C’est
un petit peuple qui garde son identité au moment où il est régulièrement occupé. Ce
sont des écrits de « résistance » en quelque sorte.

▪ La Torah est la pièce centrale de cette identité, c’est quelque chose d'important : on la
garde surtout elle car c’est un écrit essentiel.

− Ceci explique l'idée de créer cet ensemble. Il y a longtemps l’ajout de textes mais le tout
se fixe au premier siècle.

− L’histoire du peuple juif est très mouvementée. Il vit dans une région centrée sur
d'importantes voies de passages. Il y a des troupes qui passent et la région subit des
envahissements. Le peuple va être occupé et même disparaitre parfois.

− D'un côté, il y a la Mésopotamie et de l'autre, l’Egypte. Ce sont deux grandes civilisations.


C’est entre les deux qu'émerge l’Israël ancien. En termes de communication et de
commerce, il a des routes. C’est un grand lieu de passage donc le pays fait régulièrement
l’objet d'envahissement pour contrôler ce passage. Il est dans une situation difficile.

− A un moment, il y a deux royaumes : Israël et Juda. Israël est le plus riche, il a des terres
le long de la mer, mais c’est un lieu de grands passages, il subit donc des destructions. Il
est entouré de montagne, le passage se fait donc par la plaine, c’est un lieu de contrôle
intéressant pour les voisins. Juda se trouve sur les plateaux, en hauteur, où il y a moins
de passage mais c’est aussi un royaume moins fertile. C’est à Juda que la partie finale de
la Bible est rassemblée, l’écriture se fait essentiellement là.

14
− Trois moments importants de cette histoire d’invasions :

▪ La fin du royaume d'Israël : c’est un royaume qui est près de la mer avec de bonnes
routes commerciales mais qui est aussi le plus exposé. Il disparait en -722 avec son
intégration au royaume néo-assyrien. Des réfugiés partent vers le sud (vers le
royaume de Juda) où ils amènent leurs propres traditions.

▪ L'invasion du royaume de Juda par le roi assyrien Sennachérib en -701 et le siège de


Jérusalem.

▪ Les sièges de Jérusalem en -598/597 et en -588/587 qui entrainent la chute de la ville


et la fin du royaume de Juda. Il y a la déportation de certains habitants à Babylone :
c’est la période de l'Exil à Babylone. Il n’y a plus de royauté, les temples et les
sanctuaires sont détruits, le peuple n’a plus de terres, la question est de savoir
comment rester fidèle à la tradition quand on a tout perdu. Il germe alors un temps de
réflexion sur qu'est-ce qui est essentiel. Il y a la mise en place des fondamentaux de
la Torah. De ce mouvement résultera un certain nombre de textes.

− Avant, pendant et après l'Exil, le fait d'écrire les textes est important, l'écrit est important,
il prend plus de place qu’auparavant, même s’il était déjà présent. La Bible comme
écriture devient aussi importante.

− La chronologie :
▪ L’Exode : il représente le temps passé dans le désert (40 ans).
▪ Les Juges : c’est l’arrivée en terre promise. Il n’y a pas de rois mais des juges, c’est
encore un peu le chaos.

15
▪ Les Rois : division du territoire en le royaume d'Israël et le royaume de Juda. Il existe
des traces extra bibliques (historique).

− Ces invasions ont entrainé des interruptions de la vie économique, politique et religieuse.
Le temps d'Exil à Babylone sera un moment important dans la création de l'identité juive.
Le retour de l'Exil, après la conquête de Babylone par Cyrus, roi de Perse, s’est déroulé
probablement de façon graduelle. Il commence alors un temps de restauration sous
Esdras (un prêtre qui joue un rôle important dans la Bible, il va la traduire pour que les
gens la comprennent) et Néhémie. C’est un temps de réforme. Les livres attribués à Esdras
et Néhémie cherchent à légitimer la Loi de Moïse car la reprise de cette Loi est essentielle
pour la survie d’Israël. Cette place centrale du « livre » de la Loi de Moïse a déjà existé au
temps de la réforme du roi Josias (-640 à -609)

− Le royaume d'Israël tombe vers -587 et l’Exil dure de -587 à -538. C’est une déportation
de peuple. Il y a une réflexion sur l'identité. A l’époque perse, les anciens royaumes font
partie de l'empire, les peuples ont donc l’autorisation de retourner sur leur territoire
d'origine. Il y a la reconstruction du temple de Jérusalem. En -333, c’est l’empire grec. En
-142, les royaumes retrouvent leur indépendance et en -63 commence l’époque romaine.

− Des auteurs vont intégrer des textes en référence à cette Loi de Moïse dans des récits
retraçant des moments plus anciens de l’histoire biblique d’Israël. Il y l’interprétation
d'éléments ou encore l’ajout d’autres éléments. C’est fait au temps de l'Exil car ce qui est
important est cette Loi, elle existait avant la royauté, elle est essentielle.

« Moïse, après avoir reçu la Loi de Dieu sur le mont Sinaï, la met par écrit dans un « livre » et
la lit devant tout le peuple durant une célébration de l’Alliance :
3 Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles du Seigneur et toutes ses ordonnances.

Tout le peuple répondit d’une seule voix : « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous
les mettrons en pratique. » 4 Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur. Il se leva de bon
matin et il bâtit un autel au pied de la montagne, et il dressa douze pierres pour les douze
tribus d’Israël.
5 Puis il chargea quelques jeunes garçons parmi les fils d’Israël d’offrir des holocaustes, et

d’immoler au Seigneur des taureaux en sacrifice de paix. 6 Moïse prit la moitié du sang et le
mit dans des coupes ; puis il aspergea l’autel avec le reste du sang. 7 Il prit le livre de
l’Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous
le mettrons en pratique, nous y obéirons. » 8 Moïse prit le sang, en aspergea le peuple, et dit :
« Voici le sang de l’Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec
vous. » 9 Et Moïse gravit la montagne avec Aaron, Nadab et Abihou, et 70 des anciens
d’Israël. »
[Ex 24,3-9].

16
➢ Cet extrait de l’Exode montre le rôle important de Moïse qui fait l’alliance avec le peuple.

« Josué reçoit l’ordre de Dieu de toujours agir selon tout ce qui est écrit dans le livre de la loi
de Moïse :
7 Quant à toi, sois fort et très courageux, en veillant à agir selon toute la Loi prescrite par

Moïse, mon serviteur. Ne t’en écarte ni à droite ni à gauche, pour réussir partout où tu iras. 8
Ce livre de la Loi ne quittera pas tes lèvres ; tu le murmureras jour et nuit, afin que tu veilles à
agir selon tout ce qui s’y trouve écrit : alors tu feras prospérer tes entreprises, alors tu
réussiras. »
[Jos 1,7-8].

« Josué transcrit sur des pierres, sur le mont Ebal, la loi de Moïse tout entière [Jos 8,32] et la
proclame devant tout le peuple :
32 Là, Josué écrivit sur des pierres une copie de la Loi que Moïse avait écrite en présence des

fils d’Israël. […] 34 Puis Josué lut toutes les paroles de la Loi, bénédictions et malédictions, tout
ce qui est écrit dans le livre de la Loi. 35 De tout ce que Moïse avait commandé, il n’y a pas
une parole qui n’ait été lue par Josué en présence de toute l’assemblée d’Israël, y compris les
femmes et les enfants, ainsi que les immigrés qui vivaient au milieu du peuple. »
[Jos 8,34-35].

➢ Josué, qui succède à Moïse, fait le passage, il a une fonction à la fois militaire et religieuse,
il respecte la Loi de Moïse. D'après la Bible, le passage est fait avec ce moment important.
Josué reçoit l’ordre de Dieu de toujours agir selon la Loi de Moïse, qu’il proclame devant
le peuple entier. Tout le monde est ainsi associé à la lecture du livre de Loi.

« Le roi David demande à son fils Salomon d’ajuster toutes ses actions selon tout ce qui « est
écrit dans la loi de Moïse » :
« Tu garderas les observances du Seigneur ton Dieu, en marchant dans ses chemins. Tu
observeras ses décrets, ses commandements, ses ordonnances et ses édits, selon ce qui est
écrit dans la loi de Moïse. Ainsi tu réussiras dans tout ce que tu feras et entreprendras ».
[1 R 2,3].

➢ Dans la royauté, le roi David devient un personnage embelli. La royauté se base aussi sur
la Loi de Moïse. Ça montre que ce qui est essentiel est la Loi de Moïse. L’extrait est un
passage important pour comprendre un des éléments de jugement dans les livres des
Rois (avec « un tel a été un bon/un mauvais roi »). Est considéré comme un bon roi celui
qui respecte la Loi de Moïse. Si ce n’est pas le cas, alors c’est un mauvais. Il peut y avoir
un roi considéré comme mauvais par le royaume d’Israël mais comme bon à l’extérieur du
royaume.

17
− Les textes en référence à la Loi de Moïse apparaissent à des moments clés de l'histoire
biblique d’Israël :
▪ Ce livre est le fondement de l’Alliance au Sinaï [Ex 24, 3-9]
▪ Il est le garant du succès de Josué et de la conquête de la terre promise [Jos 1, 7-8]
▪ Il est la première loi proclamée dans la Terre promise [Jos 8, 31-35]
▪ Il devient plus tard le fondement de la monarchie [1 R 2,3]
▪ Il sera ensuite à la base de la réforme du roi Josias avant l’Exil [2 R 22]
▪ Il devient la pierre angulaire de la reconstruction de Jérusalem au retour de l’Exil [Ne
8]

− Ces textes dans l'écriture qui en est faite plus tard disent que c'est important. Ce livre de
la Loi de Moïse est devenu l’autorité suprême en Israël. Il est ainsi devenu supérieur à la
monarchie, il remplace le roi, même s’il n’y a plus de roi, il y a toujours la Loi.

1.2.3 La Bible chrétienne en trois axes :

− Les chrétiens, dans les premiers siècles de notre ère, ont commencé à construire leur
propre canon, avec leurs propres textes. Il y a un temps où plein de choses circulent puis
il y a une fixation. Des textes de l'Ancien Testament vont faire partie de la Bible
chrétienne. Elle se différencie de la Bible hébraïque pour des raisons politiques mais aussi
théologiques. Le personnage central est Jésus donc la construction se fait à partir de là.
Le rapport à l'Ancien Testament est la personne de Jésus qui vient réaliser ce qui est
annoncé dans les premiers textes, on retient des textes pour montrer que c’était déjà
annoncer. Le centre n’est plus le Pentateuque mais les Evangiles. Il y a forcément une
autre manière de construire les écritures, même dans l'Ancien Testament.

− Le canon des chrétiens est divisé en deux : l’Ancien et le Nouveau Testament. « Ancien »
est à comprendre comme « premier » et « Testament » comme « Alliance ».

− Pour les chrétiens, l’alliance entre Dieu et les humains est une histoire en deux périodes :
la première ou l’ancienne Alliance, avec le peuple d’Israël, et la nouvelle Alliance, conclue
en Jésus-Christ.

− Le mot « canon » vient du grec (kanôn) et signifie une règle, une norme. Il a été employé
par les chrétiens pour désigner les ouvrages normatifs pour la foi et la vie des chrétiens.

− Aujourd'hui, le christianisme est le courant religieux le plus répandu au monde. Il se


scinde en trois branches majeures : catholiques, orthodoxes et protestants.

18
− Les catholiques et les orthodoxes se séparent en 1054, lorsque le pape et le patriarche de
Constantinople ont prononcé leur excommunication réciproque. Les orthodoxes
reconnaissent plus de textes que les chrétiens.

− Le protestantisme apparait après l’excommunication de Martin Luther en 1521. Le


mouvement s'oppose au monde catholique. Les protestants reconnaissent uniquement
la Bible hébraïque pour l'Ancien Testament. Leur Bible est plus petite, elle ne comprend
pas les livres deutérocanoniques.

− La Bible chrétienne se divise en trois : la Bible catholique, la Bible protestante et la Bible


orthodoxe. Le Nouveau Testament est commun aux trois, il comprend 27 livres. Il
commence par les Evangiles et se termine par l'Apocalypse.

− L’Ancien Testament suit des listes différentes en fonction de l’appartenance religieuse :

▪ L'Ancien Testament de la Bible « catholique » suit le canon grec de la Septante. Il


comprend quatre parties et 46 livres. En place en partie avant le IIIe siècle acn, cet
ensemble est repris par la Vulgate au début du Ve siècle. La liste est officialisée par
l’Eglise catholique par le Concile de Trente en 1546. Au Ve siècle, la Bible est traduite
en latin. Le latin pas une des langues de la Bible à l'origine mais très tôt, une traduction
est faite. La version latine devient la référence des catholiques notamment par rapport
à l'Orient et à l'orthodoxie (qui garde le grec).

▪ L’Ancien Testament de la Bible « protestante » correspond plus ou moins à la Bible


hébraïque. Il exclue ou non les livres deutérocanoniques.

▪ L’Ancien Testament de la Bible « orthodoxe » comprend davantage de livres que la


version catholique.

− Ce qui différencie les différentes Bibles est donc la présence ou non des livres
deutérocanoniques (qui correspondent au deuxième canon), ainsi que le fait qu’il y a plus
de livres reconnus chez les orthodoxes.

− La TOB est la traduction œcuménique de la Bible, c’est-à-dire réalisée par plusieurs


courants chrétiens. C’est une édition traduite de la Bible par un groupe de spécialistes
issus des Eglises chrétiennes. A l’origine, il y avait uniquement des traducteurs
catholiques et protestants. Depuis la treizième édition en 2010, un groupe de traducteurs
orthodoxes s’est ajouté. Leur présence explique pourquoi cette Bible contient des
ouvrages qui ne sont habituellement pas retenus par les catholiques.

19
− Le premier lieu d'écoute de la Bible a longtemps été la liturgie où juifs et chrétiens ont lu
et commenté plusieurs textes en jouant de la diversité des écrits. Les gens entraient en
contact avec la Bible par l'audition. On l'écoutait, beaucoup ne savait ni lire ni écrire. La
lecture a longtemps été réservée aux moines, les gens n’avaient pas le texte. Il y a
également des images dans les églises, des représentations de scènes bibliques.

− Aujourd'hui, dans le judaïsme, le jour important est le samedi (jour du Sabbat). La liturgie
actuelle garde des lectures commentées de la Bible hébraïque. Dans les synagogues, une
première lecture (la paracha) tirée de la Torah est associée à une deuxième (la haftara)
tirée des Nevi’im.

− Chez les chrétiens, le jour important est le dimanche car c’est considéré comme le jour
de la renaissance. Il y a la lecture de passages de la Bible, ce n’est pas toute la Bible qui
est lue, des morceaux sont choisis. Lors de la liturgie, les chrétiens font précéder l’écoute
de l’Evangile de Jésus Christ par deux autres lectures. La première est souvent tirée de
l'Ancien Testament. L’idée est la polyphonie des paroles (plusieurs voix dans les textes),
on interprète des textes dans leurs rapports avec d'autres textes de la Bible, ils se
comprennent en relation les uns aux autres. C’est un exercice compliqué qui demande
beaucoup de références.

− Une Bible polyglotte est une Bible avec des traduction multiples, qui peuvent venir de
l’hébreu, du grec, du latin, etc.

− En fonction des Bibles et des traductions, il existe des classifications différentes des livres.

1.3 Les langues au temps des évènements bibliques :

1.3.1 Langues utilisées du XIIIe siècle acn à l’an 0 dans la région du Proche-Orient :

− Les peuples ont été déportés et dominés, ils ont vu de nombreuses langues.

− La situation vers -1200 :

20
▪ Il y a les langues sémitiques, dans lesquelles on va retrouver l'hébreu plus tard. Pour le
moment, du côté de l’actuelle Palestine, on parle une langue appelée le cananéen. Il y
a également l'akkadien dans actuel Irak, donc dans la Mésopotamie d'alors.

▪ Il y a des langues indo-européennes tel que le mycénien, le louvite, la palaïque ou


encore le hittite.

▪ Il y a les langues autres comme l'égyptien.

− Vers -800 :

▪ Dans les langues sémitiques, l’akkadien existe toujours mais l'araméen est devenu une
langue partagée par différents espaces, elle est davantage partagée par différents
peuples et on retrouve d'autres langues comme l'hébreu, qui commence à s’écrire.

▪ Les langues indo-européennes émergent davantage.

▪ Les autres langues comme l’égyptien sont toujours là.

21
− Vers -400 :

▪ Il y a une grande zone qui a pour langue officielle l’araméen (Egypte, Syrie, Turquie,
Irak…). Il s'impose comme la langue commune d'un certain nombre de populations.

▪ Les langues sémitiques diminuent même s’il y a encore l’hébreu qui est présent en
Israël ancien.

▪ Les langues indo-européennes continuent d’exister et se répandent.

▪ Il y a encore quelques autres langues qui sont présentent.

1 Tout le peuple se rassembla comme un seul homme sur la place située devant la porte des
Eaux. On demanda au scribe Esdras d’apporter le livre de la loi de Moïse, que le Seigneur
avait prescrite à Israël. 2 Alors le prêtre Esdras apporta la Loi en présence de l’assemblée,
composée des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre. C’était le
premier jour du septième mois.3 Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux, fit la
lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi, en présence des hommes, des
femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la
Loi. […]
8 Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les lévites traduisaient,

donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre.


9 Néhémie le gouverneur, Esdras qui était prêtre et scribe, et les lévites qui donnaient les

explications, dirent à tout le peuple : « Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! »
[Néhémie, 8,1-3.8-9]

➢ Néhémie est un gouverneur et le texte parle aussi d'un certain Esdras.

➢ Au Ve siècle acn, Esdras, prêtre et scribe, va lire la Loi de Moise en hébreu, la langue du
culte. Cependant, les gens ne comprennent plus la langue de l'hébreu ancien, des scribes

22
vont donc commencer à traduire et donner le sens, à faire comprendre. L’histoire se passe
à cette époque où l'araméen est la langue officielle et montre que les gens ne
comprennent plus l'hébreu. Il y a une nécessité de traduction.

− Vers -5 :

▪ C’est l’époque de la naissance de Jésus.

▪ La langue qui domine est le grec. Les régions font parties de l’empire romain mais c’est
bien le grec qui domine. Il a remplacé l’araméen.

▪ L’hébreu et l’araméen continuent d’exister de côté de l’actuelle Palestine. L’hébreu est


notamment utilisé dans la liturgie.

− L’Israël ancien a été confronté à différentes langues, parmi lesquelles émergent l'hébreu
qui devra ensuite être traduit car il ne sera plus compris.

1.3.2 Les langues utilisées pour l'écriture de la Bible :

− Les langues de l'Ancien Testament :

▪ L’hébreu : C’est la langue liturgique, il faut un certain temps avant qu’elle soit mise par
écrit.

▪ L’araméen : Il est adopté après l’Exil à Babylone (-597 à -538). C’est la langue
diplomatique et quelques textes sont écrits ou traduits dans cette langue dans la Bible.
Il existe aussi certains textes à la fois en hébreu et en araméen.

▪ Le grec : le grec s’impose, il devient donc la langue qui sert culturellement et les textes
de la Bible sont écrits ou traduits en grec. Il y a donc quelques textes dans cette langue
23
dans la Bible. Le grec finit par supplanter les autres langues dans la politique et le
commerce au IIe siècle acn.

− La langue du Nouveau Testament est uniquement le grec.

− Le latin n'est pas la langue d'origine, elle arrive après, c’est une traduction.

1.3.2.1 Les traductions de la Bible :

− La Septante :

▪ Entre le IIIe et le IIe siècle acn, vers -250, la première traduction de la Bible hébraïque,
des textes de l'Ancien Testament, est réalisée en grec en Egypte, à Alexandrie, pour
des besoins de connaissances. Pour faire connaitre les textes, on les traduit. On
l'appelle la Septante, car d’après la légende, 70 (ou 72) sages sont venues à Alexandrie
pour la traduction. Ils auraient traduit et se seraient mis d’accord sur les textes à
traduire et sur l’ordre dans lequel les mettre. Cette œuvre se poursuit jusqu’au Ier siècle
de notre ère et est le résultat du travail de différents auteurs. Cette traduction est plus
large qu’une simple traduction avec l’ajout de textes directement écrits en grec. Elle
va servir aux chrétiens qui ne seront plus d'origine juive et qui ne connaissent pas
l'hébreu, elle va se répandre.

▪ Le texte de la Septante va servir de base pour les premières traductions latines des
textes bibliques. Viendront ensuite les versions coptes en Egypte, gothiques dans la
région du Danube (IIIe siècle pcn), syriaques en Mésopotamie (VIe siècle pcn) et
slavonnes (IXe siècle pcn). Plusieurs versions se diffusent mais la traduction grecque
reste la référence. Elle est la référence dans tout le monde chrétien aux IIIe et IVe
siècles.

− La Vulgate :

▪ Des premières versions latines sont réalisées en Afrique du Nord, en Gaule puis à
Rome, mais sont de piètre qualité littéraire.

▪ Au IVe siècle, saint Jérôme (né vers 347 et mort vers 420) entreprend une révision
stylistique des traductions latines existantes. En 386, il s’établit à Bethléem. Il traduit
l’intégralité de la Bible entre 390 et 405. Cette traduction s’appelle la Vulgate. Elle va
servir de référence à l'Occident chrétien tandis que la Septante va rester la référence
en Orient.

24
▪ La Vulgate s'impose à Rome à la fin du VIe siècle, sous le pontificat de Grégoire le
Grand. Elle va progressivement être diffusée dans toute la chrétienté occidentale.

▪ Au XVIe siècle, une nouvelle traduction est faite avec réforme protestante. Luther
bouscule l’hégémonie de la Vulgate en Occident. Il traduit la Bible à partir de textes
originaux. Sa Bible parait en 1534 et devient la référence des bibles protestantes. Dans
le conflit qui oppose les protestants aux catholiques, des différences se font dans la
reconnaissance des textes de la Bible. En réaction à cette “nouvelle” Bible, le concile
de Trente déclare le texte de la Vulgate authentique et définit la liste de ses livres
comme canoniques. De plus, il y a un rejet du latin par Luther qui traduit sa Bible en
allemand, la réaffirmation de la Vulgate par les catholiques est un moyen pour eux de
réaffirmer le latin.

▪ La Vulgate reste la base des traductions chez les catholiques jusqu’au XXe siècle.

1.4 Quelques textes à propos des langues dans l'Ancien Testament :

− Ces textes vont permettre l’explication de la diversité des langues dans la Genèse.

1.4.1 La Table des Nations :

− La Genèse :

▪ Les onze premiers chapitres racontent les origines, le cycle des origines. Les chapitres
12 à 50 racontent l’histoire des Patriarches, les origines du peuple.

▪ Le contenu des onze premiers chapitres :

• Du chapitre 1,1 au chapitre 3,4, deux récits se suivent avec deux manières de
raconter l'origine de l'univers :
o Le premier récit est le récit de la création en 7 jours. Dieu dit toujours « et Dieu
vit que cela était bon », tout est positif. C’est un récit positif dans lequel les
humains reçoivent la création de Dieu et la domination sur les autres êtres
vivants. (1,1 - 2,4a : la création de l’univers)
o Le second récit de la création présente Dieu comme un grand fabricant. C’est une
autre image de Dieu, Il vient sur terre. Ce récit se termine par le péché, par
quelque chose de mal. Le récit se termine par la question du mal. Il y a une
tentative de compréhensions de l'origine du mal. (2,4b - 3,4 : la création de
l’homme (2,4b-25) et la perturbation de leurs conditions d’existence (3,1-24)).

25
• 4,1-16 : Caïn et Abel. C’est le récit de Caïn et Abel, il se termine en violence. La
jalousie mène à la destruction. Depuis la création idéale, c’est la première fois qu’on
entre dans une période de violence, de tension, de mal. La question de la violence
se poursuit pour arriver au Déluge. Les récits qui se trouvent entre celui de Caïn et
Abel sont les suivants : la descendance de Caïn et les « acquisitions culturelles »
(4,17-26), la descendance d’Adam jusqu’à Noé (5,1-32) et l’union des « fils Elohim »
avec les « filles d’homme » (6,1-4).

• 6,5 – 9,17 : le Déluge. C’est l’histoire où Dieu est mécontent des hommes et il décide
d'inonder la terre. Il choisit de sauver un homme, Noé, avec sa famille. Celui-ci va
construire une arche pour que chaque espèce animale puisse être sauvée pendant
le Déluge.
Ce récit, il part d'un moment de création qui se passe bien puis quelque chose se
passe et il y a l’introduction du mal et de la violence. Dieu finit par regretter et
envoie le Déluge pour tuer l’humanité.
Pour le Déluge, les auteurs bibliques se sont inspirés d'autres traditions. En effet,
d’autres traditions parlent de déluge avec leurs propres mots. Ici, l’inspiration vient
d'un récit raconté du côté de Babylone. A Babylone, il existe plusieurs récits de
déluge, les auteurs bibliques en ont récupéré un et l’ont modifié. C’est quelque
chose qui est repris d'ailleurs. La question du déluge est fréquente dans les autres
traditions, ça se rapporte à la question de l'eau qui traversent les humains. Au terme
du récit, Noé et sa famille sortent de l’arche, la terre va être repeuplé, ce qui
implique que tous les humains descendent de Noé et de sa famille. Il y a l’idée que
tout cela arrive ensuite à Abraham.

• Les derniers chapitres entre le Déluge et l’histoire des Patriarches sont les suivants :
Noé et ses trois fils (Sem, Cham et Japhet) (9,18-27), la « Table des Nations » (10,1-
32), la « Tour de Babel » (11,1-9) et la descendance de Sem jusqu’à Abraham (11,10-
32).

▪ Au chapitre 12, on arrive à Abraham, la figure du patriarche. Avec Abraham, lae


lecteur·ice reçoit l’explication selon laquelle Dieu a béni Noé et donc tous les humains,
puisqu’ils descendent tous de ce dernier. Il y a l’explication de comment les humains
vont se répandre sur la terre ainsi que celle de l’apparition des langues. Tout cela part
d'une bénédiction, Dieu regrette mais il bénit tout de même Noé. Il est normal que les
humains se mettent à parler différentes langues. En d’autres termes, il y a une unité,
les humains descendent d'un seul homme tandis que les animaux sont classés par
espèces. Ce n’est pas le cas des humains, ils ont un tronc commun. Il y a de la diversité
mais tout de même une unité. L’unité ne signifie pas ne pas avoir de diversité. Malgré
la dispersion, malgré les différentes langues, il y a une unité du fait de l’ascendance

26
commune. L’unité ne signifie pas non plus l’uniformité, on ne pense pas tous la même
chose, tout le monde ne doit pas être identique, mais il y a une unité.

− Le texte de la « Table des Nations » (Gn 10, 1-32) :

1
Voici la descendance des fils de Noé, Sem, Cham et Japhet. Il leur naquit des fils après le
déluge.
2 3
Fils de Japhet : Gomer, Magog, Madaï, Yavane, Toubal, Mèshek et Tirâs. Fils de Gomer :
4 5
Ashkenaz, Rifath et Togarma. Fils de Yavane : Élisha, Tarsis, Kittim et Rodanim. C’est à
partir d’eux que se fit la dispersion dans les îles des nations ; chacun s’installa, selon son
clan et sa langue, sur sa terre parmi les nations.
6 7
Fils de Cham : Koush, Misraïm, Pouth et Canaan. Fils de Koush : Séba, Havila, Sabta,
8
Raéma, Sabteka. Fils de Raéma : Saba et Dedane. Koush engendra Nemrod. Il fut le premier
9
héros sur la terre. C’était un vaillant chasseur devant le Seigneur. C’est pourquoi on dit :
10
« Être, tel Nemrod, vaillant chasseur devant le Seigneur. » Les capitales de son royaume
11
furent Babel, Érek, Akkad, Kalné, au pays de Shinéar. De ce pays sortit Assour qui construisit
12 13
Ninive, Rehoboth-Ir, Kalah, et Rèsèn entre Ninive et Kalah : c’est la grande ville. Misraïm
14
engendra les gens de Loud, d’Einame, de Lehab, de Naftouah, de Patrous et de Kaslouah
15
d’où sortirent les Philistins et les gens de Kaftor. Canaan engendra Sidon, son premier-né, et
16 17 18
Heth, puis le Jébuséen, l’Amorite, le Guirgashite, le Hivvite, l’Arqite, le Sinite, l’Arvadite,
19
le Semarite, le Hamatite. Les clans des Cananéens se dispersèrent ensuite et le territoire
cananéen s’étendit de Sidon vers Guérar jusqu’à Gaza, vers Sodome et Gomorrhe, Adma et
20
Seboïm jusqu’à Lèsha. Tels furent les fils de Cham installés selon leurs clans et leurs
langues, sur leurs terres parmi les nations.
21 22
De Sem, le frère aîné de Japhet, naquit aussi le père de tous les fils d’Éber. Fils de Sem :
23 24
Élam, Assour, Arpaxad, Loud et Aram. Fils d’Aram : Ouç, Houl, Guèter et Mash. Arpaxad
25
engendra Shèlah, et Shèlah engendra Éber. À Éber naquirent deux fils. Le premier s’appelait
Pèleg, ce qui signifie « diviser », car en son temps la terre fut divisée, et son frère s’appelait
26 27
Yoqtane. Yoqtane engendra Almodad, Shèlef, Haçarmaveth, Yèrah, Hadoram, Ouzal,
28 29 30
Diqla, Obal, Abimaël, Saba, Ofir, Havila, Yobab. Tous ceux-là sont les fils de Yoqtane ;
leur lieu d’habitation s’étendait depuis Mésha en direction de Sefar, jusqu’à la montagne de
31
l’orient. Tels furent les fils de Sem installés selon leurs clans et leurs langues, sur leurs
terres parmi les nations.
32
Tels furent les clans des fils de Noé, selon leur descendance, d’après leurs nations. C’est à
partir d’eux que se fit la dispersion des nations sur la terre après le déluge.
[Gn 10,1-32]

➢ Chaque récit énonçant la descendance s'achève en nommant des territoires. Ces


passages sont présents pour montrer où se répandent les différents clans. C’est la manière
27
dont la Bible parle de la dispersion des nations sur la terre. Il y a des villes ayant
normalement une connotation négative dans la Bible qui sont citées parmi les autres
villes. A ce stade, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises villes. Il n’y a pas de hiérarchie,
il n’y a pas de jugement de valeurs à ce stade-ci.

➢ Les cartes représentent la répartition des humains en fonction des enfants de Noé. A ce
stade-ci, il n’y a pas de hiérarchie présente.

➢ Le texte de la « Table de Nations » a quelque chose d’intéressant car deux personnages


vont avoir des éléments supplémentaires par rapport aux autres : Nemrod et Pèleg.

− Nemrod :

6
Fils de Cham : […]
8 9
Koush engendra Nemrod. Il fut le premier héros sur la terre. C’était un
vaillant chasseur devant le Seigneur. C’est pourquoi on dit : « Être, tel
10
Nemrod, vaillant chasseur devant le Seigneur. » Les capitales de son
11
royaume furent Babel, Érek, Akkad, Kalné, au pays de Shinear. De ce pays
12
sortit Assour qui construisit Ninive, Rehoboth-Ir, Kalah, et Rèsèn entre
Ninive et Kalah : c’est la grande ville.
[Gn 10,8-12]

➢ L’étymologie du mot « Nemrod » signifie « quelqu’un qui va se rebeller ». Il est décrit


comme un héros. Dans la Bible, un héros est un guerrier important qui va réussir. Dans la
première création, il n’est pas question de tuer des animaux ou de verser du sang. L’image
de Nemrod est donc là pour alerter, si c’est un guerrier, c’est quelqu’un qui défend et qui
se bat, quelqu’un de violent. Il est présenté comme un chasseur face à Dieu. Il apparait

28
en opposition à Dieu. De plus, Nemrod va fonder des capitales d’empire telles que
Babylone, Assour, Ninive... Ce sont des empires totalitaires.

− Pèleg :

25 À Éber naquirent deux fils. Le premier s’appelait Pèleg, ce qui signifie « diviser », car en
son temps la terre fut divisée, et son frère s’appelait Yoqtane.
[Gn 10,25]

➢ Le nom « Pèleg » signifie « diviser ». Ça évoque la division de la terre, l'unité qui aurait
dû être issue des descendants de Noé se fracture.

− Il y a deux personnages pour alerter que quelque chose s'annonce. Il y a le point de vue
des villes d'empire totalitaire et le point de vue de la division. Le fait qu'on parle des
langues différentes ne posent pas de problèmes, ça étonne qu’on parle autant de langues.

1.4.2 L'épisode dit de la « Tour de Babel » :

− C’est le texte qui suit celui de la « Table des Nations ».

1 « Tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots. 2 Comme les hommes se
déplaçaient à l’Orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Shinéar et ils s’y établirent. 3 Ils se
dirent l’un à l’autre : « Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu !’ » La brique leur
servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. 4 Ils dirent : « Allons ! Bâtissons-nous une
ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons pas
dispersés sur toute la terre ! »
5 Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. 6 Et Yahvé dit

: « Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs
entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. 7 Allons ! Descendons !
Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres ». 8 Yahvé les
dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. 9 Aussi la nomma-t-
on Babel, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c’est
de là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre.
[Bible de Jérusalem]

➢ Le pays de Shinéar : il était déjà évoqué dans l’histoire de Nemrod, c’est donc une allusion
à celui-ci. Le pays de Shinéar est le pays où il a fondé Babylone. Il y a la reprise d'éléments
évoqués auparavant.

1.4.2.1 L’interprétation traditionnelle qui existe depuis des siècles :

29
− Ce texte raconte la destruction par Dieu (Adonaï) de l’harmonie entre les humains figurée
par la langue unique qui leur permet de se comprendre et de se lancer dans des projets
communs. Ainsi unie, toute la terre se déplace pour trouver un endroit propice pour s’y
établir (on parle de l’Orient). Une fois le lieu trouvé, ils projettent de bâtir une ville dont
ils parlent avec enthousiasme. Pour réaliser leur projet, ils fabriquent des briques qu’ils
stabilisent avec du bitume, car ils n’ont pas de pierre ni de mortier. Dans cette ville, ils
construisent également une tour dont le sommet pénètre les cieux. Transgressant les
limites, ils cherchent à défier Dieu et à se faire un nom. Cette tour est le signe de l’orgueil.
Mais Adonaï n’est pas d’accord avec ce projet. L’auteur du texte le fait descendre pour
voir la tour et la ville. Même si le projet est encore loin d’atteindre Dieu, celui-ci découvre
qu’il vise à développer un pouvoir qui prétend faire échec au sien. Pour détruire leur
orgueil, Adonaï les disperse, confond leur langue de sorte qu’ils ne se comprennent plus.
Jouant sur le verbe hébreu balal « confondre, brouiller », il donne à la ville le nom de
Babel, Babylone qui symbolise à jamais l’échec de la démesure humaine, l’hybris.

− Les humains apparaissent débrouillards et inventifs, mais on peut aussi le voir comme
l’auteur qui se moque d'eux, car ils ne construisent pas en pierre alors que c’est un
matériau plus solide.

− Certains éléments d'interprétation :

▪ Une tour qui atteint le ciel :

« Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-
nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre ! »

• La ville n’a pas une connotation positive, plutôt négative. On va vite penser que la
tour représente une ziggourat, une construction haute avec un temple à son
sommet.

• La tour avait aussi une vocation cultuelle, certains vont voir une ressemblance entre
la tour évoquée et une ziggourat.

▪ L’hybris de l’humanité :

• Il y a une insistance sur la démesure de l'humanité : les humains veulent être comme
Dieu, c'est de l’orgueil.

• La tour serait pour échapper à un nouveau déluge, ça signifie que les humains n’ont
pas confiance dans la parole de Dieu qui a dit qu'il ne ferait plus cela.

30
▪ La confusion des langues :

• Les gens ne se comprennent plus, c’est la punition de l'orgueil. Il divise pour pouvoir
continuer à régner. Dieu craint les hommes en quelque sorte. Il introduit donc la
confusion des langues. La multiplicité des langues est considérée comme une
conséquence négative de l’hybris des humains.

− Le texte de la « Table des Nations » expliquait simplement les choses, ici, il y a une
interprétation négative et l’harmonie est perdue car une autre harmonie est recherchée.

− L’une des origines de cette interprétation traditionnelle vient de l'historien juif Flavius
Josèphe qui vivait à la cour impériale de Rome. Il écrit deux textes et dans l’un d’entre
eux, les Antiquités juives, il parle de la tour de Babel.

➢ L'auteur attribue la tour à Nemrod, dont il donne clairement le nom, qui serait ambitieux.
Il y a une suspicion de Dieu, qui leur propose de se diviser. Nemrod estime qu’il ne fallait
plus le craindre et s’en remettre uniquement à la puissance des hommes. La confusion des
langues est au fond la punition de Dieu face au projet des humains, face à la construction
de la tour. Le peuple, qui craint de tomber dans la servitude avec Dieu, tombe d’une
certaine façon dans la servitude de Nemrod. Aujourd’hui, des auteurs remettent cette
interprétation en question.

31
➢ L’auteur interprète. Il interprète le mot Babel en Babylone. Il y a une interprétation
classique autour de la tour de Babel. Le texte fait apparaitre la diversité comme une
punition.

1.4.2.2 Quelques difficultés par rapport à l’interprétation traditionnelle :

− D’après André Wénin, un exégète et théologien belge, il y a des difficultés exégétiques


par rapport à l'interprétation traditionnelle au niveau du rythme du récit. Il aurait fallu
placer le texte avant le texte de la « Table des Nations » car après, le rythme n’est pas
génial, ça donne une régression chronologique, un brusque retour en arrière. Lae
lecteur·ice accepte cette contradiction ou cherche à dégager une signification en se basant
sur les éléments mis à sa disposition.

− Dans la Genèse, au chapitre 10, la dispersion du peuple est considérée comme une
bénédiction, mais là, dans la « Tour de Babel », c’est une malédiction.

− Au chapitre 11, on renvoie au bâtisseur de Babylone en terre de Shinéar, au héros


chasseur, Nemrod. Cela veut peut-être dire quelque chose d'un projet qui tourne autour
de la violence et qui a quelque chose de plus large. La ville est située dans un empire
totalitaire et cela peut s'avérer différent. La dispersion et la diversité des langues ont-
elles à voir avec la grande division survenue au temps de Pèleg ?

− L'auteur donne des clés pour poser des questions sur le texte de la « Tour de Babel ».

32
− La problématique de la « ville » dans la Bible : l’image de la ville n’est pas positive, elle
évoque le domaine de la mort. La première ville est construite par Caïn, il y a également
Nemrod qui construit les villes de Ninive et de Babel et l’évocation de Sodome et
Gomorrhe, mais après il y a la ville de Jérusalem qui est la ville de la bienveillance. La
construction de la Bible est polyvalente, il y a des visions négatives et positives.

− Traduction du texte de la « Tour de Babel » de Wénin :

➢ Les différences entre les deux textes :


▪ La présence du mot « peur » chez Wénin.
▪ La manière différente de désigner Dieu : Yahvé dans la Bible de Jérusalem et Adonaï
chez Wénin.
▪ Wénin utilise Babylone plutôt que Babel.
▪ La Bible de Jérusalem a traduit en « une même langue » tandis que Wénin a traduit en
« un même langage ». Ce n’est pas exactement la même chose, le même langage
signifie la même manière de penser, alors que la même langue n’implique pas
forcément la même manière de penser. Il y a la question du risque de devenir
uniforme, les traductions évoquent des enjeux. Donc quand on parle d'empire, ça
annonce peut-être quelque chose d'autre. Il y a un risque de la présence du
totalitarisme en sous entendant la même manière de penser par les mots « un même
langage ». La première phrase n’est pas neutre, elle entraine un questionnement. Les
termes peuvent raisonner autrement selon la traduction.

➢ Le fait de traduire autrement montre l’orientation d’une traduction.

33
− Traduction du texte de la « Tour de Babel » par Bayard :

➢ Comparaison entre la Bible de Jérusalem et la traduction de Bayard :


▪ Il n’y a pas de ponctuations dans la traduction de Bayard, comme dans le texte hébreu.
▪ Le terme « bouche » au lieu de « langue » ou « langage » est utilisé dans la version de
Bayard. Parler d'une seule bouche laisse entendre que tout le monde parle de la même
chose, qu’il n’y a qu’une seule manière de penser. Il y a l’allusion à un projet humain
d’un seul tenant, sans diversité.

− Traduire de manière littérale fait ressortir des choses qui n’apparaissent pas dans une
traduction littéraire.

− La traduction « une même langue » n’est pas exacte, le texte hébreu utilise « une seule
lèvre », donc tout ce qui s’en rapproche est mieux (langage, bouche).

− Il n’y a pas de projet au point de départ dans le texte, les humains ont un même langage,
ils font des briques, mais au départ il n’y a pas le plan de faire une ville. On ne dit pas
qu’ils vont construire une ville. Les humains n’ont pas de projets à long terme.

− Les humains utilisent la brique au lieu de la pierre. Construire en brique ou en pierre


n’implique pas la même manière de faire. Construire en brique accentue l’aspect
uniforme, l’auteur se moque un peu de ce peuple qui construit de manière uniforme. La
brique est davantage dans un univers d'uniformité, l’auteur invite lae lecteur·ice à ne pas
se faire prendre dans ce projet d'uniformité.

34
− Les humains effectuent un déplacement vers l’Orient mais l’Orient est négatif dans
certains textes de la Bible car Adam et Eve s'éloignent de l'Orient après leur
condamnation. Caïn, quant à lui, va vers l’Orient. C’est un projet uniforme qui va vers
l’Orient donc il est déjà connoté négativement.

− Avant d'élaborer un projet, les humains font des briques, le projet arrive plus tard. C’est
fait exprès par l'auteur pour montrer que les gens ne réfléchissent pas. Fabriquer des
briques est un travail répétitif. Il y a une insistance sur le fait répétitif, sur la ressemblance
avec la servitude. Il y a une dénonciation d’un travail d'esclave.

− La tête dans les cieux correspond au sommet de la tour mais c’est aussi manière de parler
du chef, il y a un jeu sur les mots.

− Apport complémentaire : le mythe d’Enūma eliš : le mythe d’Enūma eliš ou Épopée de la


Création babylonienne est un poème mythique du XIIe siècle acn, au temps du règne de
Nabuchodonosor Ier. On y trouve la construction de la ville de Babylone avec des briques.
Le texte biblique s’en est donc un peu inspiré, mais il en reste tout de même très distant,
car une seule phrase évoque cette construction en briques dans le mythe. Le texte de la
Tour de Babel est un texte situé au début de la Bible, là où les textes relèvent davantage
du mythe pour essayer de comprendre les origines. L’auteur biblique essaie de donner un
contexte, pas d’expliquer de manière scientifique.

− Il se cache quelque chose d'autres derrière le texte de la tour de Babel, les humains qui
construisent ne font pas que suivre un chef, il y a la dénonciation d’un système totalitaire.

− Il y a donc plusieurs interprétations possibles. La première, la classique, présente la


dispersion comme une punition. Cette interprétation à durer très longtemps. Pourtant, il
y a d’autres interprétations possibles, en faisant des comparaisons avec des textes
précédents, on remarque par exemple que le chapitre 10 aide à comprendre le chapitre
11. En se basant sur cela, il faudrait parler de confusion et non de division.

« 13 Les Égyptiens soumirent les fils d’Israël à un dur esclavage 14 et leur rendirent la vie
intenable à force de corvées : préparation de l’argile et des briques et toutes sortes de
travaux à la campagne ; tous ces travaux étaient pour eux un dur esclavage ».
(Ex 1, 13-14)

➢ C’est un passage qui évoque ce que font les esclaves hébreux en Egypte. Le mot brique
peut retentir différemment, ici, il renvoie aussi à l'esclavage. Le texte de la tour de Babel
a eu un retentissement ailleurs. Ce passage permet de renforcer l’interprétation nouvelle
car, avant même d’élaborer le projet, les hommes fabriquent des briques. Ils ne suivent
pas de plan ni d’instructions, et ils ne savent pas vers quoi ils se dirigent. Ils font les briques

35
machinalement et sans réfléchir, c’est un travail répétitif sans but précis, ce qui
s’apparente à un travail d’esclaves.

− L’expression « la tête dans les cieux » peut avoir plusieurs significations : le mot « tête »
en hébreu signifie à la fois le sommet [de la tour] et le chef. Ça peut donc faire référence
au chef qui est Nemrod, celui qui construit de grands empires. Il y a doucement
l’apparition de l'image d'un empire avec une tour et un temple au sommet. Dieu devrait
descendre pour le sacraliser.

− L’expression « que nous fassions pour nous un nom » signifie qu’il y a un projet politique
derrière. En effet, se faire un nom signifie obtenir de la gloire et qu'on se souvienne de ce
nom.

− La raison derrière le projet : il y a une peur de ceux qui sont ensemble, qui ont une même
langue. Ils craignent de perdre leur identité, de s'exposer au risque de dispersion, d’être
confrontés à l'inconnu. Le groupe réalise un projet harmonieux mais quelque part, il craint
de perdre son identité. Dans le contexte des grands empires totalitaire, la question de
l'alliance pose question, il n’y pas de rêve de faire alliance, il n’y a pas d’envie d'accueillir
des immigrés. Dans ce projet, il y a uniquement l’idée de rester entre eux. C'est une unité
uniforme où tout le monde est dans le même projet et parle la même langue. C’est un
projet qui exclut la différence et d'autres alliances possibles. Quand les langues sont
différentes, il y a un besoin de réfléchir pour construire alliance, avec Nemrod ce n’est
pas nécessaire. C’est un texte qui vient critiquer le projet uniforme dans lequel il n’y a pas
de place pour discuter avec d'autres, dans lequel il n’y a pas de place pour la différence.
Les gens suivent Nemrod par peur. Il n'y a pas que le personnage de Nemrod, il y a ceux
qui suivent, les suiveurs. Les gens sont prêts à donner le pouvoir à Nemrod par peur que
la différence n’arrive. Nemrod est vu comme salvateur mais l’auteur biblique ne le voit
pas comme tel. Nemrod est un sauveur pour les suiveurs mais Dieu vient contester cela.

1.4.2.3 Ce que fait Adonaï :

− Adonaï descend du ciel et complique les choses par rapport au projet uniforme.

− Une construction possible du récit :

A. Toute la terre … une langue unique et des mots uniques (v. 1)


B. « Allons » ! Briquetons … et cuisons … (v. 3)
C. Bâtissons-nous une ville … (v. 4)
D. Que nous fassions pour nous un nom …
E. De peur que nous soyons dispersés sur la face de toute la terre

36
A'. Un peuple unique et une langue unique … pour eux tous … (v. 6)
B'. Allez ! Descendons et confondons … (v. 7)
C'. Et ils cessèrent de bâtir la ville (v. 8)
D'. Il appela son nom « Confusion » (v. 9)
E'. Adonaï les dispersa sur la surface de toute la terre.

➢ Dans cette proposition, on met en relief l’opposition entre le projet des constructeurs de
la ville et la réaction d’Adonaï. Les premiers tentent de sceller leur unité (A et E) en
construisant une ville (B et C) et en se faisant un nom (D). Constatant cette unité (A’),
Adonaï décide d’intervenir (B’). La construction est interrompue (C’), et Adonaï consacre
la dispersion, ce qu’il signifie par un nom stigmatisant l’échec des humains (D’et E’). La
symétrie est régulière entre les deux parties : l’action divine correspond bien à celle des
humains.

➢ Dans le verset 7 (B’), Adonaï parle de lui-même à la première personne du pluriel, c’est le
seul endroit où il fait cela. Les humains parlent en « nous », donc Dieu parle en « nous ».

➢ Dans cette proposition, les humains craignent de perdre leur identité. Ils vont donc la
sceller en construisant une ville et en se faisant un nom. Face à cela, Adonaï intervient et
provoque la dispersion, en plus de choisir un nom qui évoque l’échec des humains.

− André Wénin propose une autre construction du récit :

A. Toute la terre était une langue unique (v. 1)


B. Ils s’établirent là (v. 2)
C. Ils dirent chacun à son compagnon (v. 3)
D. « Allons » ! Briquetons des briques
E. Bâtissons pour nous (v. 4)
F. Une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux !

X. Et Adonaï descendit voir (v. 5).

F'. La ville et la tour


E'. Que bâtissaient les fils de l’humain.
D'. Allez ! Descendons et confondons (v. 7)
C'. Qu’ils n’entendent pas chacun la langue de son compagnon
B'. Et Adonaï les dispersa de là (v. 8)
A'. Adonaï confondit la langue de toute la terre (v. 9)

➢ Dans cette proposition, on trouve des correspondances entre les parties. Cependant, on
souligne le centre de l’ensemble (X), la descente d’Adonaï qui vient voir le projet humain

37
(de E et E’). Ici aussi, Adonaï prend une attitude qui répond point par point à celle des
bâtisseurs : leur projet s’oppose au sien (D et D’) ; Adonaï le rend impossible en
empêchant la communication entre eux (C et C’) ; il provoque leur dispersion (B et B’) en
brouillant la langue unique de toute la terre (A et A’).

− Adonaï s’oppose clairement au projet des constructeurs. Il se rend compte qu’il y a un


risque de totalitarisme et d’esclavage et va donc intervenir. Le narrateur mentionne ce
qu’Adonaï se dit devant le projet des humains : « Voici un peuple unique, et un langage
unique pour eux tous. Si ceci est ce qu’ils commencent à faire, maintenant rien ne leur sera
impossible de tout ce qu’ils méditeront de faire ». Si le projet consiste seulement à bâtir
une ville et une tour, il n’y a aucune raison à ce qu’Adonaï soit inquiet. Cependant, si la
visée est politique, dans le sens d’une perspective totalitariste, il a raison de se
préoccuper. Adonaï ne veut pas de cela, ça s’oppose à son désir.

− Adonaï prend des mesures : « 7Allez, descendons, que nous confondions leur langage,
qu’ils n’entendent plus chacun le langage de son compagnon ! ». A noter ici le fait
qu’Adonaï parle à la première personne du pluriel. C’est un usage quasi inconnu dans la
Bible hébraïque.

▪ La première mesure qu’Adonaï prend est de « confondre » la langue unique. Tout en


valorisant la diversité linguistique, il augmente la difficulté de communication.

▪ La deuxième mesure qu’Il prend est de disperser les humains sur la face de toute la
terre. Il fait échouer un projet totalitaire. Il empêche les constructeurs de réaliser un
projet perverti en uniformité. Mais pour Wénin, il n’a rien de jaloux face au projet
humain.

− En donnant à la ville le nom « Babel » ou « Babylone », Adonaï use d’un jeu de mots
« confusion ». En faisant cela, il impose une altérité à ceux qui voulaient « se faire un
nom ». En hébreu bavèl évoque la confusion (balal). Dans la langue des Babyloniens, le
nom signifie « Porte de Dieu ». Wénin interprète cette curiosité en ce sens : « Car la
diversification de l’humanité est une chance au sens où elle constitue une « porte » pour
aller vers Dieu. […]. En ce sens, Babylone est une bénédiction ».

− Dans cette hypothèse, Dieu ne s’oppose pas au projet d’unité des humains. Il est un Dieu
d’unité, ce que suggère le récit du chapitre 11 de la Genèse en disant que « si Dieu désire
l’unité, ce n’est pas au prix de l’abolition des différences ». Il est un Dieu d’alliance et une
alliance ne peut se vivre que là où les partenaires sont eux-mêmes, avec leur singularité
et leurs particularités. Il n’y a pas un parti qui doit être assujetti à l’autre.

38
− La concordance de la TOB : les mots peuvent être pris, selon les traducteurs, de la même
manière. La concordance permet de vérifier les usages. Le terme hébreu bâvèl est traduit
en français par la TOB soit par « Babel » (2x), soit par « Babylone » (256x).

− La méthodologie d’André Wénin pour parvenir à ses conclusions :

▪ Il voit les racines des mots qui résonnent les uns avec les autres, et voit comment les
textes se répondent les uns aux autres. C’est un travail de traduction et de
comparaison.

▪ Deux textes parlent des langues et de la dispersion (la Table des Nations et la Tour de
Babel) : à l’intérieur du texte même, il se rend compte que le narrateur a laissé percer
des éléments auxquels il faut faire attention pour comprendre le texte suivant.

▪ Un texte qu’on avait longtemps présenté comme négatif devient positif. Dans cette
interprétation, c’est un hommage à la diversité, au respect de l’altérité et de la
singularité.

1.4.2.4 Une autre interprétation [Christoph Uehlinger, Emanuele Testa…] :

a) Une seule lèvre, une seule entreprise :

− Les expressions « une seule lèvre », « mots uniques » ou « entreprises uniques » se


retrouve fréquemment dans les documents de l’Empire néo-assyrien (-883 à -603). Ces
expressions signifient « Unité de l’Empire » autour du souverain qui est parvenu à pacifier
son territoire. Elle concerne la paix et la concorde. Le roi utilise cela pour parler de son
projet unique.

b) La construction d'une ville et d'une tour :

− Plusieurs documents attestent que la première tâche des souverains assyriens est la
pacification de leur immense empire. La mort d’un roi est souvent le signal d’une
rébellion générale. C’est la raison pour laquelle beaucoup de rois doivent, au début de
leur règne, affronter et soumettre des vassaux rebelles. Après avoir pacifié, les souverains
se consacrent à l’édification de leur capitale : une ville protégée par une double enceinte
de murs, l’une extérieure, l’autre intérieure, autour de la citadelle où se concentre le palais
royal, l’administration et les temples des dieux. La ville et la tour dont parle le chapitre 11
de la Genèse correspondraient à cette description. Le but de ces constructions est
essentiellement politique. Le roi affirme son pouvoir et son autorité ainsi.

c) La tour : temple ou citadelle ?

39
− Dans cette nouvelle interprétation, la tour ne serait pas une tour mais une citadelle. Le
mot « tour » en hébreu se retrouve dans d’autres textes où il désigne clairement une
structure militaire de défense.

« Gédéon détruisit la forteresse de Penuel et massacra les habitants de la ville »


(Jg 8,17).

« Il y a avait là, au milieu de la ville, une tour fortifiée où se refugièrent tous les hommes et
femmes et tous les maîtres de la ville. Après avoir fermé la porte derrière eux, ils montèrent
sur la terrasse de la tour. Abimélek parvint jusqu’à la tour et il l’attaqua. Comme il
s’approchait de la porte de la tour pour y mettre le feu, une femme lui lança une meule de
moulin sur la tête et lui brisa le crâne »
(Jg 9,50-51).

d) Une tour dont le sommet pénètre les cieux :

− On a souvent interprété cette expression comme l’hybris de l’humanité qui prétend


atteindre le ciel. Pour Uehlinger, il s’agit d’une hyperbole, d’une expression
métaphorique. Il ne faut pas l’interpréter littéralement, la tour paraît juste immense. Des
exagérations se retrouvent également dans d’autres textes. Il y a un excès de confiance
dans les œuvres et les constructions humaines.

« Les villes sont grandes, et leurs remparts montent jusqu’au ciel »


(Dt 1,28).

➢ Il y a une exagération de la part de l’auteur.

« Ecoute, Israël, Te voilà aujourd’hui sur le point de passer le Jourdain, pour aller déposséder
des nations plus grandes et plus puissantes que toi et prendre de grandes villes dont les
fortifications montent jusqu’au ciel »
(Dt 9,1)

e) Le nom :

− Une fois la capitale achevée, elle recevait un « nom » qui avait pour but d’immortaliser la
gloire du souverain. Dans l’Antiquité, il y a deux manières de survivre à la mort : par la
descendance et par la construction d’un monument ou d’une ville. Par exemple,
Alexandrie pour Alexandre le Grand, Antioche pour Antiochus, Washington pour George

40
Washington… Le « nom » correspond à la renommée, à la réputation, à la gloire. Le
« nom » a une connotation clairement politique.

« Absalom s’était dit : ‘’Je n’ai pas de fils pour commémorer mon nom’’, et il avait donné son
nom à une stèle. On l’appelle encore aujourd’hui le monument d’Absalom »
(2 S 18,18)

f) Pour conclure :

− Le vocabulaire de Gn 11, 4-5, est, selon Uehlinger, plus « politique » que strictement
religieux. Les versets 1 à 11 décrivent, pour lui, les entreprises totalitaires des grands rois
d’Assyrie et leur confiance en de grandes constructions qui s’avèreront un jour ou l’autre,
fragiles et éphémères. Le récit se présente comme une dure critique lancée contre ces
entreprises impérialistes et comme un plaidoyer passionné en faveur de la diversité
culturelle.

− L’auteur ne prend pas le parti des Assyriens ou des Babyloniens, c’est quelqu’un qui n’a
plus de pays et qui écrit quelque chose d’autre qu’il voit. Il dénonce ce qu’il se passe chez
ses voisins.

− Les auteurs de cette interprétation ont un point de vue plus historique, il y a une
comparaison avec les grands empires de la même époque. Le travail est moins fait à partir
du texte.

1.4.2.5 Examen du récit :

a) La construction du récit :

− Il y a différents mouvements dans le texte. Deux mouvements vont dans des sens
opposés, c’est une combinaison de mouvements horizontaux et verticaux.

− Les étapes : construction et déconstruction.

− Il y a une interaction entre le monde humain et le monde divin, entre le politique et la


théologie.

b) L'ironie du récit :

− L’ironie du texte s’est faite du côté du royaume de Judas, c’est-à-dire un petit royaume
où l’on construisait en pierres avec du mortier. Cela s’oppose donc aux briques et au
bitume présents en Egypte et à Babylone.

41
− On parle d’une tour « dont le sommet atteint les cieux », or Dieu doit descendre pour
voir cette ville et cette tour. Le nom donné à la tour, Babel, qui signifie « confusion », est
lui aussi ironique.

− L’ironie est utilisée comme une sorte de résistance contre le totalitarisme.

c) Le contexte littéraire :

− La Table des Nations précède le texte de la Tour de Babel, le contexte qui précède est
donc la dispersion.

« C’est à partir d’eux que se fit la répartition des nations dans les îles. Chacun eut son pays
suivant sa langue et sa nation selon son clan »
(Gn 10,5)

« Tels furent les fils de Cham selon leurs clans et leurs langues, groupés en pays et nations »
(Gn 10,20)

« Tels furent les clans des fils de Noé selon leurs familles groupées en nations. C’est à partir
d’eux que se fit la répartition des nations sur la terre après le déluge »
(Gn 10,32)

d) Conclusions théologiques :

− Il y a une description du rêve totalitaire et impérialiste de Babylone. Il y a un risque de


devenir esclave, il y a une dénonciation de ce qui peut mener à une forme d'esclavage.

− Dieu intervient car il est contraire à ce genre de « globalisation » qui implique le


gommage des différentes cultures.

− Il y a une diversité des cultures et une « dispersion » des nations sur toute la terre qui sont
voulues par Dieu. Il y a une évolution positive de l’histoire humaine.

42
Documentaire Arte : La Bible dévoilée. Les révélations de l’archéologie

− Premier extrait du documentaire : il concerne les figures des Patriarches (Abraham, Isaac
et Jacob/Israël). Traditionnellement, Abraham est situé vers -1800, il y a donc la question
de ce qu’il se passe aux alentours de -1850 dans le pays d'Abraham.

• Elément 1 : s’il a vécu vers -1800, ça veut dire qu’il a fait un voyage inverse aux
migrations de l'époque. Cette question se retrouve avec les Amorites, qui sont
présents à cette époque. On a pensé que ça pourrait être le peuple d’Abraham mais ça
ne va pas car les Amorrites se sont déplacés dans le sens inverse du trajet d’Abraham.

• Elément 2 : il y a des traces dans des tablettes où il est question d'un récit avec une
femme stérile (ce qui rejoint l’épisode de Sarah). Il y a également des noms identiques
à ceux des Patriarches qui se retrouvent sur les tablettes. On pourrait voir des liens
avec les récits bibliques au IIe millénaire acn mais on retrouve les mêmes récits au Ier
millénaire acn. Ces récits ne prouvent donc pas l'existence des Patriarches au IIe
millénaire acn. Le nom d'Abraham se retrouve aussi bien au IIe qu’au Ier millénaire acn.

• Elément 3 : Il y a une mention des Philistins (un peuple de la mer) dans l’histoire
d’Abraham, mais ils arrivent seulement vers -1200, donc pas en -1800. Il n’y a donc rien
avant -1200.

• Elément 4 : il y a la question de la domestication des chameaux, qui ne se fait pas avant


-1000, il n’y a pas de traces avant qu'on les utilise pour voyager. Les textes ne datent
donc pas d'avant -1000.

• Elément 5 : il y a la question du commerce avec les chameaux dont la grande époque


est -700. Les textes qui concernent Abraham, Isaac et Jacob ne datent donc pas d'avant
-700 car les traces ne remontent pas au-delà.

• Elément 6 : il y a un regard d'un point de vue géographique, un chercheur s'intéresse,


dans les années 40, aux lieux cités dans l’histoire de chaque patriarche. La conclusion
en est que les zones géographiques des trois patriarches ne sont pas les mêmes, chacun
d'entre eux est dans une zone différente du pays de Canaan. L'endroit d'Abraham est
près d'Hébron, c'est l'endroit où il achète un lieu pour être enterré. Hébron est un lieu
important pour le personnage d'Abraham. Jacob est dans le Nord et Isaac est dans le
Sud. Jacob s'est battu contre un ange/avec Dieu (il y a différentes versions) et après il
reçoit le nom d'Israël. Ce nom n’est pas neutre, ça devient le royaume d'Israël, c’est
donc lié à un sentiment national. Jacob quitte le fait d'être chef d'un clan et devient
responsable du royaume d'Israël.

43
• Elément 7 : les trois patriarches représentent trois traditions anciennes différentes,
réparties sur l'ensemble du pays de Canaan. Ils n'ont aucun lien de parenté entre eux.
Une généalogie est faite en mettant Abraham en premier, mettant ainsi au centre le
royaume de Judas. Ensuite, il y a une filiation avec Jacob et Isaac. Ça permet d'instaurer
une unité entre les différents peuples. Ça permet de montrer que les peuples voisins
descendent d'Abraham, c’est une manière symbolique de montrer des liens entre les
voisins. Dire qu’il y a des liens de parenté permet de dire, qu'au fond, il faut veiller à la
paix.

Rien ne permet de prouver qu'Abraham a existé et s'il a existé, ce n’est certainement pas
comme le raconte la Bible.

− Deuxième documentaire : Comment est travaillé la question de l'exode :

• Elément 1 : selon la Bible, deux millions de sémites quittent l'Egypte, or ça aurait


provoqué l’effondrement social et économique de l’Egypte qui ne comptait qu’environ
trois millions d’habitants. Il n’y a aucune trace de telles conséquences.

• Elément 2 : les éléments en faveur du récit biblique :

▪ En Egypte il y a des sémites qui ont occupés des hauts postes, élément en faveur du
récit biblique.
▪ Il y a des commerçants sémites qui viennent régulièrement en Egypte.
▪ La Bible mentionne de villes qui auraient existées.
▪ Il y a la stèle de Merenptah, qui date de -1207 et qui mentionne Israël. La notion de
peuplade semi-nomade qui s’appelle Israël existe.

 Il y a donc des contacts entre les Égyptiens et les sémites vers -1300/-1200, mais il n’y
a aucune trace de personnes armées.

• Elément 3 : il n’y a aucune trace d'un passage d'autant de personnes, notamment sur
la route plausible qu’elles auraient empruntée et dans l'oasis où elles seraient restées
38 ans, au XIIIe siècle acn.

• Elément 4 : l’écriture a plutôt eu lieu au VIIe siècle acn selon certains éléments.

• Elément 5 : le texte a été écrit pour donner une lueur d'espoir au peuple israélite.

• D'un point de vue historique, le récit n'a pas pu se passer au XIIIe siècle acn mais plutôt
au VIIe siècle acn. Après il y a aussi des récits oraux qui existaient mais on ne sait
presque rien dessus, on ne peut pas savoir ce qu'ils disaient.

44
• L’enquête se déplace ensuite à Jérusalem :

▪ Roi 1 : Ézéchias : il aurait régné vers -800. Il fortifie Jérusalem car le roi assyrien a
pris le contrôle du royaume d'Israël, celui-ci disparait. La conséquence de cette
disparition est l'arrivée d'une partie de sa population dans le royaume de Juda, au
Sud. Elle amène en même temps ses coutumes et sa tradition. Il y a un
agrandissement de la ville de Jérusalem. L'autre conséquence est qu'il ne reste que
le royaume de Juda comme royaume tampon entre l’Égypte et l’Assyrie. Il est
attaqué en -701, Lachish est assiégée et prise. Il y a ensuite une négociation entre
le roi et les Assyriens et le royaume de Juda devient un vassal assyrien. Un tunnel
souterrain menant à des sources d'eau est construit à cette époque.

▪ Roi 2 : Josias : il veut faire du royaume de Juda un royaume fort et il veut retrouver
le royaume d'Israël. Il y a un grand rêve politique. A partir du VIIIe siècle acn, il y a
un véritable état qui se crée, avec une administration qui se développe et des
questions religieuses. Au temps du roi Josias, qui règne de -640 à -609, il y a une
grande volonté et l'Assyrie est en train de flancher. Josias rêve d’un grand royaume
mais l'Egypte s'y oppose. L'écriture de l'Exode est un message qui serait tourner
autour du roi Josias pour faire rêver.

45
Chapitre 2 : Le Pentateuque et la Torah

− Le Pentateuque comprend cinq livres : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le


Deutéronome.

2.1 La Genèse :

− C’est le premier livre de la Bible.

− Il est divisé en deux parties :

• Du chapitre 1 à 11 : ça concerne l’origine de l’univers

• Du chapitre 12 à 50 : ça concerne les origines des peuples d’Israël. La manière dont le


peuple se constitue, devient une véritable nation. Ça concerne au fond les ancêtres, les
patriarches. Sur les origines du peuple d’Israël, il faut ajouter une deuxième section sur
« L’œuvre de Moïse » qui se trouve dans les autres livres : l’Exode, le Lévitique, les
Nombres et le Deutéronome.

2.1.1 Genèse du monde (Gn 1-11) :

Les onze premiers livres de la Genèse concernent différents éléments de récit puisqu’il y a
deux récits des origines, qui se trouvent au début de la Genèse. Ils sont suivis pas trois récits
qui soulignent la résistance face à Dieu. Le premier de ces récits est l’histoire d’Adam et Eve,
ils vont accomplir ce qui est interdit. Il y a une transgression à la suite de quoi ils sont chassés
du paradis. Le deuxième concerne leurs deux fils Caïn et Abel. Caïn est jaloux d’Abel et il tue
son frère. L’histoire viendra ensuite de la descendance de Caïn. Le troisième récit est celui de
la Tour de Babel. Ensuite il y a le récit du Déluge, dans les chapitres 6 et 9. Ce récit du Déluge,
on en trouve des traces similaires dans d’autres traditions de Mésopotamie. Le récit qui a
inspiré le récit biblique proviendrait d’un récit de Babylone. Cet ensemble de chapitres a pour
objectif de démontrer que le Dieu de l’univers est le Dieu de l’Israël et qu’il contrôle tout.

2.1.2 L’histoire des ancêtres : les Patriarches (Gn 12-50) :

Les Patriarches sont trois : Abraham, Isaac et Jacob. L’histoire des Patriarches commencent
par l’histoire successive de ces trois Patriarches. Ça va jusqu’au douze fils de Jacob et l’arrivée
en Egypte. D’après la Bible, Abraham se situe vers -1800.

2.1.2.1 Les Patriarches :

46
− Abraham : il vient d’Ur en Chaldée, en Mésopotamie. Il va descendre du côté de Canaan,
puis il ira en Egypte avant de revenir en terre de Canaan. Il est lié à Sarah, son épouse, et
ils vont être attaché à un endroit qui s’appelle Hébron.

− Isaac : c’est le fils d’Abraham. Il se situe dans la région de Beersheba, à la frontière du


Néguev. Il occupe donc une autre région.

− Jacob : c’est le petit-fils d’Abraham. Il est lié aux tribus du Nord, entre Sichem et Béthel.

➢ Carte de gauche : itinéraire des Patriarches. En jaune, c’est le trajet d’Abraham. Isaac est
en bleu, il reste en Israël. Jacob est en rouge, il va voyager, remonter jusqu’en
Mésopotamie et aller en Egypte, où il va mourir.

➢ Carte de droite : elle représente les lieux en pays de Canaan avec Hébron pour Abraham,
Sichem et Béthel pour Jacob et Beersheba pour Isaac.

47
➢ La Bible a construit une généalogie pour donner du sens. La première partie comporte
les trois enfants de Noé, qui vont se répandre sur toute la terre. La Bible va situer des
populations qui sont autour d’elles. Si on descend, on voit que Térah, qui a engendré
Abraham a plusieurs enfants qui ont à chaque fois des enfants. La Bible essaie de situer
une série de peuplades. Abraham va avoir plusieurs femmes, donc plusieurs enfants.
C’est une reconstitution pour expliquer que tous les peuples alentours ont la même
ascendance. Ce ne sont pas réellement les enfants les uns des autres (voir documentaire).

2.1.2.2 Abraham :

a. Pourquoi Abraham est-il l’ancêtre ?

− Ce sont les chapitres 12 à 25 qui le concernent.

− Souvent, les peuples ont un ancêtre : Romulus pour Rome, Hellas pour le peuple grec,
Cananéens pour Canaan, Ismaël pour les Ismaélites… Mais ça ne fonctionne pas pour
Abraham. Ça ne fonctionne pas pour le royaume de Juda ou d’Israël. Alors pourquoi
prendre Abraham comme ancêtre puisqu’il ne donne pas son nom aux peuples. Pourquoi
pas Jacob/Israël qui a donné son nom ? Pourquoi ne pas choisir Judas pour le royaume de
Juda ? Le choix renvoie donc à autre chose, il n’est pas le fondateur de Jérusalem non
plus. Il faut comprendre les raisons de la Bible, elle dit quelque chose par rapport à cela.

− Une grande partie des traditions autour d’Abraham se trouvent autour de la petite ville
d’Hébron, situé à environ 40 km de Jérusalem. Les auteurs ont choisi de mettre ce
personnage comme ancêtre pour les royaumes d’Israël et de Juda. Ça nous permet aussi
de situer le personnage d’Abraham : il est lié autour d’un sanctuaire près d’Hébron. Les
gens du coin devaient sans doute l’évoquer un peu comme un dieu. La réalité historique
ne dit pas grand-chose mais on peut supposer certaines choses.

− Hébron est aussi intéressant parce que c’est un village qui n’a pas été détruit ni profané.
Jérusalem a été détruite complètement, le royaume a disparu. Sans doute que dans l’idée
de choisir Abraham et Hébron, il y a le fait qu’on choisit un lieu qui n’a pas été abimé et
donc un lieu solide, qui peut demeurer. Au moment de l’écriture, ils ont perdu la terre et
Hébron apparait comme solide.

− Le choisir c’est aussi affirmé la supériorité du sud. C’est à partir du petit royaume de Juda
que va se construire la volonté de construire une grande histoire.

b. Comment s’est élaborée l’histoire d’Abraham ?

− Il y a au fond deux leitmotivs, deux choses importantes qu’on va trouver autour des figures
d’Abraham et de Sarah : il y a la promesse d’une possession, d’un pays et la promesse de

48
la descendance. Abraham et Sarah ont du mal à avoir un enfant, si bien qu’il va avoir un
fils avec une servante avant d’avoir un fils avec Sarah. Ces deux motifs se retrouvent dans
les deux premières attestations en dehors du Pentateuque : deux textes prophétiques de
l’époque exilique. Dans des livres de prophètes : Ezéchiel et Isaïe. Ces deux textes sont
des textes de l’époque exilique, une époque où il n’y a plus de royaume, plus de Temple
et certaines populations ont été déportées.

« Fils d’homme, ceux qui habitent ces ruines sur le sol d’Israël disent : Abraham était seul
quand il eut le pays en possession ; or nous sommes nombreux, c’est à nous que le pays est
donné en possession ».
Ez 33,24

➢ Texte d’espérance parce qu’en réalité, ils n’ont plus rien. On parle de la promesse qui a
été faite par Dieu à Abraham puisqu’Abraham était seul et qu’il reçoit une terre. Ça
apparait aussi dans l’Exil.

« Regardez Abraham votre père, et Sara qui vous a enfantés ; car il était seul quand je l’ai
appelé, mais je l’ai béni et multiplié ».
Is 51,2

➢ Le texte est à l’époque de l’Exil. Il y a la deuxième promesse, celle d’avoir un enfant.

− Des spécialistes ont supposé que la période de l’Exil va être une période d’écriture. On va
rédiger des éléments autour de la figure d’Abraham et de Sarah avec la promesse d’une
terre et d’une descendance. C’est un message d’espoir pour ceux qui sont en captivité.

− C’est un moment où on rédige les choses, mais il y a déjà des traditions orales avant. Il y
avait surement des récits autour d’Hébron, d’Abraham et de Sarah. Il y a des choses
anciennes qui existaient mais on commence à mettre par écrit les éléments importants de
la tradition.

− Durant la période d’Exil et après, Hébron ne fait pas parti de la province de Juda, ça veut
dire qu’elle échappe un peu à la terre prise par Babylone. Il va donc y avoir une
revendication de la ville. Il est important d’évoquer par écrit de revendiquer cette terre
en dehors qui ne devrait pas. Au retour d’Exil, il y a des Juifs qui reviennent et ils vont
redécouvrir la place que prend Abraham. Il y a des éléments qui vont être réintroduits.
La tradition est révisée par rapport aux nouveaux besoins. On rajoute des choses, on
adapte… Le cycle d’Abraham est revisité par rapport à ce qui existe. On va aussi adapter
sa vocation, on va ajouter qu’il avait voyagé pour donner l’impression qu’il a fait le même
parcours que les exilés… La figure est amplifiée. C’est une création de ce personnage pour
donner du sens. Plus tard, il va y avoir des rajouts de certaines choses, notamment la

49
demande de sacrifice d’Isaac par Dieu. Derrière ça se cache aussi autre chose. Derrière le
sacrifice humain, qui se faisait dans d’autre religion, en changeant en dernière minute
Isaac par un bélier montre que Dieu ne veut plus de sacrifice humain et que ceux qui le
pratiquent sont contre Dieu.

c. Abraham, fondement de la foi d’Israël :

− Dans la Bible, Abraham est le fondement de la foi d’Israël, c’est un pilier. Il est présenté
comme un homme qui a confiance en Dieu. Les récits sur Abraham et sur sa femme sont
remplis de promesses de la part de Dieu, de bénédictions et de protection. Il a eu
confiance en Dieu et il est donc béni.

− L’Alliance qu’il y a entre Abraham et Dieu est une alliance inconditionnelle. En le


décrivant ainsi, on dit quelque chose d’important. Il y a une promesse solennelle.

d. Abraham, paradigme de l’existence d’Israël :

− Abraham est le paradigme de l’existence d’Israël. En général, l’histoire commence par la


fondation d’une ville, par une conquête… Ici, Abraham est décrit comme un berger, il a
des troupeaux… C’est un pasteur d’abord nomade et qui vit sous la tente. Ça rappelle
aussi quelque chose de l’histoire d’Israël. Dans celle-ci, les grandes villes sont détruites,
la royauté s’est éteinte et le Temple de Jérusalem a été détruit. Quelque part, ce qui est
le plus solide est un berger nomade avec sa tente. C’est l’époque nomade qui sera au
fondement de la question. La seule institution qui perdure est la famille, elle est plus
solide que les temples, que les villes ou que la royauté. Abraham acquière une importance
par rapport à ça.

− Les récits ont exploité des éléments. On dit qu’Abraham vient de Mésopotamie, il
traverse la Terre promise de part en part, il descend en Egypte. Ensuite il retourne à
Béthel avant de s’établir aux chênes de Mambré, près d’Hébron. On le retrouve au
Néguev, puis à Beer-Sheva. Sarah meurt à Hébron où elle sera enterrée, tout comme
Abraham. On dit même qu’Abraham a fait le sacrifice du côté de Jérusalem. Il a traversé
les différentes terres que les peuples d’Israël connaissent. Abraham a quelque part tout
vécu. C’est une figure extrêmement idéalisée par rapport à tout ça.

− Abraham traverse chaque région et visite tous les lieux importants. On va montrer qu’il
apparait comme une figure très importante pour Israël, il a un lien avec toutes les régions.
Il acquière une importance, il représente une figure symbolique extrêmement forte.

− Abraham est le premier personnage biblique qui croit la promesse de Dieu, c’est une
image de la foi. Il apparait comme le modèle, le père par excellence qu’il faut suivre. On

50
lui attribue des éléments pour le mettre en avant comme un exemple : il est le premier à
pratiquer la circoncision (question de la coutume ici), c’est le signe de l’Alliance avec Dieu,
il observe la Loi... La figure d’Abraham va être présenté comme modèle à ceux qui
douteraient ou qui auraient des objections.

e. Abraham, figure du croyant dans le Nouveau Testament :

− Le christianisme reprend l’Ancien Testament tel quel, et donc toutes les histoires
d’Abraham.

− Abraham est le personnage de l’Ancien Testament le plus fréquemment cité après Moïse.
Il est cité 79 fois. Il est souvent appelé « père ».

− Pour l’apôtre Paul et l’évangéliste Jean, Abraham n’est plus simplement le patriarche du
peuple juif, mais le père de tous les croyants.

39
Les scribes et les pharisiens lui répliquèrent : « Notre père, c’est Abraham. » Jésus leur dit :
« Si vous étiez les enfants d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham. 40 Mais maintenant,
vous cherchez à me tuer, moi, un homme qui vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu.
Cela, Abraham ne l’a pas fait ».
Jn 8, 39-40

➢ On reprend la figure d’Abraham car il n’a pas tué son fils. Les scribes et pharisiens se
considèrent comme des fidèles d’Abraham mais Jésus leur répond qu’ils ne font pas ce
qu’Abraham a fait puisqu’il cherche à le tuer.

− Dans le Nouveau Testament, la paternité d’Abraham ne repose plus sur la généalogie.


C’est le père de tous les croyants. Il est le père de tous ceux qui imitent ses œuvres et se
reconnaissent dans la grande descendance que Dieu lui a promise.

f. Abraham dans le Coran :

− Il y a une place importante d’Abraham dans le Coran, il est considéré comme le premier
musulman.

− Avec Moïse et Jésus, Ibrahim (Abraham) occupe une place importante dans le Coran. On
l’appelle « prophète » et « ami de Dieu » [El Khalil].

− Dans la sourate 2, il est présenté comme un « guide » de tous les croyants. On retrouve à
la fois le croyant et le prophète, l’ami de Dieu. Il a une place énorme.

51
« Et [rappelez-vous] quand le Seigneur dit [à Ibrahim] : soumets-toi [au Seigneur] ! Ibrahim
ne fut ni juif ni chrétien, mais fut monothéiste [hanif] et soumis [muslin] [à Allah]. […] En
vérité, les plus liés des hommes à Ibrahim sont certes ceux qui le suivent, ceux qui suivent ce
Prophète [Mohammed] et ceux qui croient. En vérité Allah est le Grand Maître des
croyants ».
3,67-68

➢ Le terme hanif désigne l’homme pieux et le monothéisme d’avant l’islam.

➢ Abraham est une figure importante, il est pieux, il est croyant, et le texte fait référence à
cela.

− Il y a l’histoire d’Ibrahim et d’Ismaël, on les trouve comme bâtisseurs de la Kaaba, un


sanctuaire où se trouve la pierre noire.

Et [rappelez-vous] quand Nous fîmes du Temple [de la Mecque] un lieu de visitation et un


asile pour les hommes, [quand] ceux-ci tirèrent du Maqâm [= pierre de la Kaaba] d’Ibrahim,
un lieu de prière ! Nous fîmes pacte avec Ibrahim et Ismaël [en leur disant] : Purifiez Mon
Temple pour ceux qui font la circumambulation, [pour] ceux qui font retraite pieuse, [pour]
ceux qui s’inclinent et se prosternent.
2, 125

➢ C’est un texte qui révèle le moment où Mohammed change l’orientation de la prière


(vers la Mecque au lieu de Jérusalem). Pour réaliser ce changement, il s’appuie sur
l’autorité d’Ibrahim. Celui-ci est mis en relation avec deux des cinq piliers essentiels de
l’islam : la prière et le pèlerinage. Ibrahim est mentionné dans les prières quotidiennes,
lorsque les musulmans pieux se tournent vers la Mecque pour prier. On retrouve
également le récit du sacrifice d’Abraham dans le Coran (voir texte ci-dessous).

Quand l’enfant eut atteint [l’âge] d’aller avec son père, celui-ci dit : « mon cher fils ! En vérité,
je me vois en songe, en train de t’immoler ! Considère ce que tu en penses !
Mon cher Père, répondit-il, fais ce qui t’est ordonné ! Tu me trouveras, s’il plaît à Allah, parmi
les Constants. Or quand tous deux se furent soumis, et qu’il eut placé l’enfant front contre
terre, Nous lui criâmes : Ibrahim ! Tu as cru à la vision ! En vérité, c’est là l’épreuve évidente !
37,102-108

➢ C’est la manière dont reprend le Coran reprend l’histoire du sacrifice d’Ibrahim. L’enfant
n’a pas de nom dans ce récit. Les deux figures se soumettent à la volonté d’Allah, se sont
deux visages de la soumission, de l’obéissance mais aussi deux modèles de la foi.

➢ La tradition islamique identifiera plus tard le fils à Ismaël, même si le Coran semble
hésiter, Isaac est souvent nommé.

52
− Comme le judaïsme, puis le christianisme, l’islam se réclame d’Abraham pour enraciner
en lui l’origine de sa foi au début de la révélation au Dieu unique.

2.1.2.3 Isaac :

− C’est un personnage peu développé dans la Bible. De plus, un certain nombre de ces
développements sont parallèles à ceux d’Abraham.

− Isaac est présenté comme le fils d’Abraham, ce qui historiquement n’est pas possible.

− Il est lié au puit de Lahaï-Roï qui apparait pour la première fois en Gn 16. C’est le lieu où
le Seigneur annonce à la servante Hagar qu’elle donnera naissance à un fils, Ismaël. Il y a
donc une certaine confusion entre Ismaël et Isaac, ce qui suscite des questions sur la
personnalité d’Isaac.

− Ce personnage a été introduit dans la triade des fondateurs pour mettre un espace entre
Abraham et Jacob, mais c’est aussi un personnage davantage proche du Néguev, ce qui le
situe sur un autre territoire d’Israël et il va rester toute sa vie dans l’ancien grand
royaume d’Israël. Isaac passe toute sa vie dans la terre de Canaan. Chacun d’eux
représente à la fois la possibilité de rester toute sa vie dans le même pays ou de venir et
de mourir ailleurs. Ça touche aussi des dynamiques importantes du rapport à la fois du
juif avec l’intérieur et l’extérieur. Il est possible de vivre sa foi dans d’autres dimensions
aussi. Le fait qu’Isaac vive toute sa vie sur la terre de Canaan, ça justifie la propriété de la
terre, ça donne la possibilité à ses descendants de la revendiquer. Il y a des objectifs
politiques.

− Le cycle d’Isaac a été très proche de celui d’Abraham et permet un tampon face à la figure
de Jacob.

2.1.2.4 Jacob :

− C’est une figure très importante. On lui donne un cycle très important dans le
développement. Ce qu’on appelle le « cycle de Jacob » est formé par la Gn 25, 19-37. Ce
cycle est très important car il est plus ancien que celui d’Abraham.

− Jacob est celui qui est le plus rusé, le plus ambivalent, celui qui est célèbre dans le
royaume du Nord, en Samarie. Jacob est celui qui est le moins net, le moins édifiant. Sa
moralité n’est pas toujours irréprochable. Il va tromper son père avec l’aide de sa mère
en prenant la place d’Esaüs, son frère.

53
− Il est déjà évoqué par le prophète Osée 12 au VIIIe siècle acn.

− Son caractère décrit comme étant paradigmatique pour le judaïsme est beaucoup moins
présent que pour Abraham, la présence de la foi est moins importante. Comme Abraham,
Jacob se rend en Mésopotamie (il y fuit) et il y reste pendant 20 ans, puis il se rend en
Egypte. Il est enseveli en terre de Canaan mais il parcourt toutes les routes de l’Exil et de
l’Exode.

− Il va aussi être appelé Israël, au terme d’un combat.

25Jacob resta seul. Or, quelqu’un lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. 26 L’homme, voyant
qu’il ne pouvait rien contre lui, le frappa au creux de la hanche, et la hanche de Jacob se
démit pendant ce combat. 27 L’homme dit : « Lâche-moi, car l’aurore s’est levée. » Jacob
répondit : « Je ne te lâcherai que si tu me bénis. » 28 L’homme demanda : « Quel est ton
nom ? » Il répondit : « Jacob. » 29 Il reprit : « Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israël (c’est-à-
dire : Dieu lutte), parce que tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu l’as emporté. » 30
Jacob demanda : « Fais-moi connaître ton nom, je t’en prie. » Mais il répondit : « Pourquoi
me demandes-tu mon nom ? » Et là il le bénit. 31 Jacob appela ce lieu Penouël (c’est-à-dire :
Face de Dieu), « car, disait-il, j’ai vu Dieu face à face, et j’ai eu la vie sauve. »
Gn 32,25-31

➢ C’est une représentation du combat de Jacob face à quelqu’un. Jacob, ici, obtient la
bénédiction au terme d’un combat, sans ruse, pas comme quand il a obtenu celle de son
père. La bénédiction qu’il reçoit de Dieu est tout à fait honnête. Il ne ruse pas non plus
quand on lui demande son nom, il ne se cache plus, il est tout à fait net. Il a une position
honnête alors qu’auparavant, sa position était beaucoup plus mitigée. Le personnage lui
donne le nom d’Israël, qui est aussi une référence au royaume du Nord où il est célèbre.

➢ Le peintre a représenté ce quelqu’un en y mettant un ange, c’est


une représentation choisie.

54
➢ C’est une représentation de Jacob qui rencontre Rachel au puit.
Jacob va aimer Rachel, il va vouloir la marier. Il va y avoir des
tromperies. On va d’abord le marier à une autre sœur avant qu’il
puisse la marier. Au fond, le personnage Joseph (voir ci-dessous) est
issu de ce mariage (ainsi que son frère Benjamin).

− Il va y avoir des traditions anciennes sur Jacob. On les trouve notamment dans le livre
d’Osée, un prophète au chapitre douze. Il date du VIIIe siècle acn, ça signifie qu’il date
d’avant l’Exil, et il a été écrit dans le Nord, sur la terre d’Israël.

3 Le Seigneur est en procès avec Juda, il va sévir contre Jacob en raison de sa conduite, lui
rendre selon ses œuvres. 4 Dans le sein de sa mère, il a supplanté son frère, et, à l’âge mûr, il
a lutté avec Dieu. 5 Il a lutté avec un ange et il a eu le dessus ; il a pleuré et l’a supplié. À
Béthel, il le trouva, – c’est là que Dieu a parlé avec nous.
[…]
10 Mais moi, je suis le Seigneur ton Dieu depuis le pays d’Égypte. Je te ferai de nouveau

habiter sous les tentes comme au jour de la Rencontre.


[…]
13 Jacob a fui dans le champ d’Aram, Israël a servi pour une femme, pour une femme il a

gardé les troupeaux. 14 Mais par un prophète le Seigneur fit monter Israël d’Égypte, et, par un
prophète, Israël a été gardé.
Os 12, 3-5.10.13-14

➢ Dieu va sévir contre Jacob. Jacob est dénoncé pour sa conduite. Il y a une espèce de
résumé du cycle de Jacob repris dans la Genèse. Le verset 13 rappelle l’épisode de Rachel
et du fait qu’il a accepté beaucoup de choses pour pouvoir un jour l’aimer. Au verset 10,
on évoque l’Exode, on parle de quelque chose qui a trait à l’Exode au VIIIe siècle.

➢ Osée a rassemblé des éléments de traditions à propos de Jacob et on lui donnera le nom
d’Israël. La figure de Jacob au Nord est plus vieille que celle d’Abraham au Sud mais c’est
à partir du Sud que se constituent les textes.

− A la fin du VIIIe siècle acn, une tradition concernant Jacob relie les différents récits du
cycle de Jacob. On va y intégrer d’autres traditions, notamment les traditions
sacerdotales qui vont montrer l’importance que prennent les prêtres. On va insister sur

55
le culte, sur la loi… On va ajouter dans le cycle de Jacob des éléments liés à leur époque
d’écriture.

− Dans le récit du cycle de Jacob, différents lieux sont évoqués dont Galaad, Miçpa, le
Yabboq, Penouël, Sichem, Béthel. Tous ces noms sont des noms du royaume du Nord, du
royaume d’Israël. Ça confirme le fait que Jacob est bien un homme du Nord. Béthel est un
grand sanctuaire qui veut faire un peu concurrence à celui de Jérusalem.

− Il y a la question Jacob-Israël. Une interprétation de la raison de ce changement de nom


est que ça a un but politique. C’est le nom du royaume du Nord et ça permet d’accroitre
l’importance de Jacob là-bas et sa valeur. C’est une hypothèse qui permet de comprendre
l’importance d’un choix politique pour donner une stature importante au personnage de
Jacob. Ces traditions n’ont pas été gommées quand le royaume d’Israël a disparu et lors
de la composition des Ecritures, un ordre et une généalogie ont été formés.

2.1.2.5 Joseph :

− Joseph occupe la Gn 37 à 50.

− Joseph est le fils de Jacob et Rachel. Il est le premier des fils. Il est parfois appelé Manassé
ou Ephraïm.

− C’est un personnage important de la Bible. Il y a peu d’interaction entre Joseph et Dieu,


ce dernier est peu présent dans son cycle. Son cycle est un peu différent des autres.

23 Dès que Joseph eut rejoint ses frères, ils le dépouillèrent de sa tunique, la tunique de grand
prix qu’il portait, 24 ils se saisirent de lui et le jetèrent dans la citerne, qui était vide et sans
eau.
25 Ils s’assirent ensuite pour manger. En levant les yeux, ils virent une caravane d’Ismaélites

qui venait de Galaad. Leurs chameaux étaient chargés d’aromates, de baume et de myrrhe
qu’ils allaient livrer en Égypte. 26 Alors Juda dit à ses frères : « Quel profit aurions-nous à tuer
notre frère et à dissimuler sa mort ? 27 Vendons-le plutôt aux Ismaélites et ne portons pas la
main sur lui, car il est notre frère, notre propre chair. » Ses frères l’écoutèrent. 28 Des
marchands madianites qui passaient par là retirèrent Joseph de la citerne, ils le vendirent
pour vingt pièces d’argent aux Ismaélites, et ceux-ci l’emmenèrent en Égypte.
Gn 37, 23-28

➢ Ces frères sont jaloux de lui, ils le jettent donc dans une citerne. Ensuite ils le vendent à
des marchands. Joseph se retrouve en Egypte où il va faire carrière. Quand il y a une
famine, ses frères viennent le retrouver en Egypte pour avoir à manger.

56
➢ Le cycle de Joseph se passe majoritairement en Egypte. Il faut mettre son récit en lien
avec l’Histoire et l’époque de la diaspora à Alexandrie. Durant cette époque, l’écriture
d’un personnage comme Joseph, où on vit bien en Egypte, est une manière de justifier la
diaspora. On n’est pas obligé d’être à Jérusalem ou au royaume d’Israël. Ce n’est pas un
patriarche mais son histoire explique qu’on peut bien vivre dans la diaspora.

− L’histoire de Joseph est différente par rapport aux autres : les promesses de Dieu ne sont
pas mentionnées, c’est le récit où Dieu est le plus discret et le fait de vivre à l’étranger ne
pose pas de problèmes.

− Il y a des différences dans la littérature et du point de vue narratif. L’art narratif est plus
raffiné, la psychologie est plus profonde. Ça veut dire que le texte est d’une autre
composition par rapport aux autres personnages, celle-ci est plus élaborée.

− La raison d’un tel récit dans les Patriarches est que c’est d’une part un prologue, une
préparation pour passer à l’Exode. On va expliquer le fait qu’il y a des sémites en
esclavage en Egypte parce que certains sont partis en raison de famine. D’autre part, on
décrit l’histoire d’un Hébreu dans la diaspora, en dehors de la terre promise. C’est l’émigré
qui a réussi, le parvenu, il est fortuné, riche et puissant. Sa famille va le rejoindre. Il est
donc possible de vivre en dehors du pays de Canaan, dans un pays étranger. De plus, le
conflit familial se termine bien avec la réconciliation et la réunification familiale. C’est
une histoire qui donne de l’espérance et inspire le courage.

− On voit à travers les figures des chapitres 12 à 50 de la Genèse, on voit à travers ces
ancêtres, les différentes images de l’histoire d’Israël. Ça reprend différents moments de
la vie d’Israël en y mettant de l’espoir avec les figures de Patriarches.

2.2 L’Exode :

− Le livre de l’Exode se situe aux environs de -1200.

− Le livre de l’Exode : en 1961, Georges Anzou intitule son commentaire sur le livre de
l’Exode De la servitude au service. Ce titre décrit un passage « De la servitude », situation
pénible, celle de l’esclavage, à une situation plus satisfaisante, celle du service. Il révèle
bien le contenu du livre de l’Exode.

− Il n’y a pas de traces de l’Exode racontée par la Bible. Il est difficile de dire que l’Exode a
existé comme il est décrit. L’Exode est un livre extrêmement important parce qu’il aborde
le thème du passage de la servitude au service. Il touche le passage de l’esclavage à la
liberté, au service. Cette question de l’esclavage n’est pas seulement évoquée dans
l’Exode, on en trouve dans toute l’histoire. Encore aujourd’hui, l’esclavage est aboli mais
il continue d’exister. La question de la liberté est une question importante et dans la Bible,
57
à sa manière, ce texte raconte un récit qui concerne un peuple qui est dans un esclavage
et qui va en sortir.

− Ce texte est extrêmement important, c’est aussi un récit où on assiste à l’origine


(inventée) d’un peuple. Avec les Patriarches, c’est l’histoire des ancêtres, avec l’Exode et
Moise, on entre vraiment dans l’histoire des origines de ce peuple.

− « Servitude » et « service » ont la même racine. Ce sont au fond deux façons de « servir ».
Il y a une diversité de sens au mot « servir ». Quelque part, derrière ce jeu de mots, il se
dit quelque chose d’extrêmement important. En hébreu, on trouve également des
nuances sur les mêmes mots. Le verbe « servir » peut signifier « être esclave », « être au
service de », « travailler », et enfin « rendre un culte ». Le substantif « service » peut
quant à lui signifier « servitude », « esclavage », « service », « travail », « labeur »,
« culte » et « liturgie ».

− Dans le livre de l’Exode, le peuple d’Israël passe de la question de la servitude à celle du


service de son Dieu. On passe à une liberté au service. C’est une liberté qui donne sens.
Ce passage de la servitude au service se fait progressivement, il y a un chemin pour y
arriver, il y a un long apprentissage de la liberté au service du Dieu libérateur. Il y a dans
le christianisme et le judaïsme une notion de cheminement progressif, il y a une notion
du temps pour emmagasiner l’apprentissage.

− Le livre de l’Exode débute lorsqu’Israël n’est plus une famille, mais un peuple nombreux.
Il relate l’histoire de la naissance d’un peuple. Cependant, le récit de l’origine du peuple
d’Israël se différencie de bien d’autres récits d’origine. C’est une histoire assez particulière
dans son récit.

− Il n’y a plus de royaume quand on commence à écrire le texte. Certains ont besoin de
retrouver une identité et les fondements vont être posés quand il n’y a plus de royaumes,
plus de temples… Qu’est-ce qui a existé avant qu’on ait une institution organisée, un
temple ? L’Exode raconte l’origine.

− En général, dans l’Antiquité quand on parle d’origines on commence par l’indépendance


d’un peuple. L’histoire d’un peuple commence lorsqu’il acquiert son indépendance, son
territoire et qu’il se donne ses propres institutions : il y a la fondation d’une ville, d’une
capitale, la conquête d’un territoire par le fondateur d’une dynastie et il y a un héros. Dans
l’Exode, on a Moïse mais ce n’est pas pareil, il n’y a pas de ville, il ne crée pas de ville,
l’expérience fondatrice est différente de ce qu’on peut croiser traditionnellement.

− Dans l’histoire biblique, le début est différent. Il ne s’agit pas de rois, ni de conquête.
L’histoire débute par la vie au désert de Sinaï, lors de la sortie d’Egypte. A ce moment,

58
Israël n’a pas encore de monarchie, ni de territoire. Mais d’après le livre de l’Exode, le
peuple possède tout ce que le seigneur lui a donné : la liberté, l’Alliance, la Loi et une
forme de culte. Il se met en place des choses qui vont apparaitre importante.

− Le livre de l’Exode est un livre fondateur dans lequel le peuple d’Israël va trouver les
éléments essentiels de son identité : l’équivalent d’une monarchie, d’un roi, d’une
institution, d’un territoire et d’un pouvoir organisateur. De ce point de vue-là, le seul
souverain est Dieu. Sa présence se manifeste dans des réalités concrètes : la Loi de Moïse
et le sanctuaire.

− Le personnage de Moïse joue un rôle important : il est présenté comme le médiateur entre
Dieu et le peuple, comme le vrai fondateur. C’est à lui que remontent toutes les
institutions essentielles du peuple. Il est le fondateur mais finalement il se retire. Moise
ne prend pas la place de pharaon, il le remplace par la Loi, c’est la Loi qui devient
importante (« comme dans une démocratie » - Baruch Spinoza).

2.2.1 L’Exode au regard de l’histoire et de l’archéologie :

− Voir les notes du documentaire ci-dessus.

2.2.2 Résumé du livre de l’Exode :

− Le récit commence une fois que les douze fils de Jacob ont « grossit », une fois que le
peuple s’est agrandit. Ils se retrouvent à travailler durement mais un jour le pharaon
décide de tuer les premiers nés. Une mère met son fils dans un panier pour le sauver et
il est récupéré (il survit), c’est Moise. Il va grandir et un jour, il va tuer un Egyptien qui est
dur avec un israélite et il va fuir. Il rencontre Dieu qui lui demande de libérer les israélites.
Moise essaie de convaincre le pharaon mais il ne l’écoute pas. Sont alors lancées les douze
plaies d’Egypte, à la suite desquelles le pharaon laisse partir les israélites. Cependant, il
va regretter son choix et les poursuivre mais les eaux de la mer, qui se sont écartées pour
Moise et son peuple, se referme sur les Egyptiens qui meurent. Les israélites et Moise
passent ensuite 40 ans dans le désert, il y a la rencontre entre Moise et Dieu pour que le
premier reçoive les Tables de la Loi de la part du second. A la fin, le peuple en a marre, il
se plaint, rouspète et ils vont créer un veau d’or qui sera détruit. Le récit se poursuit
jusqu’à entrer dans la terre promise. Pendant ce temps-là, il n’y a pas de Temple mais
l’arche d’Alliance qui fait le lien entre le peuple et Dieu.

− Il y a la présentation d’un dieu présent dans le récit qui accompagne le peuple. Le


judaïsme a un rapport au temps et à la présence qui est important.

59
− A la fin, le peuple se rebelle, les anciens meurent tous avant de passer le Jourdan, seuls
les jeunes passent. Moise meurt aussi.

2.2.3 Parmi les sources du livre de l’Exode

a. Les sources bibliques :

− Le livre de l’Exode débute lorsqu’Israël n’est plus une famille mais un peuple nombreux,
comme en témoigne le début de l’Exode :

« 1 VOICI LES NOMS des fils d’Israël venus en Égypte avec Jacob, leur père. Chacun y vint
avec sa famille. […]
5 Toutes les personnes issues de Jacob étaient au nombre de soixante-dix. Joseph, lui,

était déjà en Égypte. 6 Puis Joseph mourut, ainsi que tous ses frères et toute cette
génération-là. 7 Les fils d’Israël furent féconds, ils devinrent très nombreux, ils se
multiplièrent et devinrent de plus en plus forts : tout le pays en était rempli.
8 Un nouveau roi vint au pouvoir en Égypte. Il n’avait pas connu Joseph ».

(Ex 1,1.5-8)

− Le livre de l’Exode n’a pas d’auteur. Il s’est formé pendant plusieurs siècles, à partir de
différentes traditions anciennes, qui ont été revues, corrigées, augmentées, et
complétées. Il n’est pas facile de recomposer les différentes parties. Il est difficile, voire
impossible, de refaire toute l’histoire de l’écriture de ce texte.

− Dans la Bible, les souvenirs les plus anciens de l’Exode se trouvent dans les livres d’Osée
et d’Amos.

− Ce que dit le livre d’Osée :

▪ Sur la sortie d’Egypte :

14 Mais par un prophète le Seigneur fit monter Israël d’Égypte, et, par un prophète, Israël a
été gardé.
(Os 12,14)

➢ Cet extrait parle de Moise sans le citer (« par un prophète »). Il y a un prophète sans nom
qui a fait monter Israël d’Egypte et qui l’a gardé dans une situation difficile.

▪ Sur le séjour dans le désert :

60
10 Mais moi, je suis le Seigneur ton Dieu depuis le pays d’Égypte. Je te ferai de nouveau
habiter sous les tentes comme au jour de la Rencontre.
(Os 12,10)
5 Moi, je t’ai connu au désert, au pays de l’aridité.

(Os 13,5)

➢ Il y a une allusion au désert et à nouveau à l’Egypte. Il y a une allusion au séjour dans le


désert.

▪ Sur le Seigneur qui est le Dieu d’Israël :

10 Mais moi, je suis le Seigneur ton Dieu depuis le pays d’Égypte.


(Os 12,10)
4 Et moi, je suis le Seigneur, ton Dieu depuis la sortie du pays d’Égypte ; tu ne connaîtras pas

d’autre dieu que moi, hors moi, pas de sauveur. 5 Moi, je t’ai connu au désert, au pays de
l’aridité.
(Os 13,4-5)

➢ Il y a une allusion au fait que le Seigneur est le Dieu d’Israël.

▪ Il n’y a pas d’allusion à la rencontre entre Moise et Dieu mais elle est importante car
Moïse reçoit les Lois. Chez Osée, l’Exode correspond à la sortie d’Egypte et au séjour
dans le désert mais il n’y a pas de rencontre avec Dieu pour recevoir les Lois. Or, Osée
est un prophète du VIIIe acn du royaume du Nord, donc certain·e·s chercheur·eue·s
disent que dans le royaume du Nord au VIIIe siècle, il y a certaines traditions de
l’Exode, de la sortie de l’Egypte et du séjour au désert mais il n’y a pas d’allusion à la
Loi.

▪ Osée est un prophète du VIIIe siècle acn, qui vit dans le royaume du Nord (« sous Osias,
Yotam, Akhaz et Ezekias de Juda et sous Jebroam d’Israël »). Osée est presque le plus
ancien du groupe des 12 petits prophètes. Sa carrière se déroule de 750 à 730 acn,
dans le Royaume du Nord, à une époque de décadence religieuse et politique. C’est de
lui que vient l’expression : « Qui sème le vent récolte la tempête ». L’histoire d’Israël
est pour la première fois racontée comme une histoire d’amour.

− Ce que dit le livre d’Amos :

1
Écoutez cette parole que le Seigneur prononce contre vous, fils d’Israël, contre tout le
peuple qu’il a fait monter du pays d’Égypte : 2 Je vous ai distingués, vous seuls, parmi tous les
peuples de la terre ; aussi je vous demanderai compte de tous vos crimes.

61
(Am 3,1-2)
7 N’êtes-vous pas pour moi, fils d’Israël, comme des fils d’Éthiopiens ? – oracle du Seigneur.
N’ai-je pas fait monter Israël du pays d’Égypte ? De Kaftor, les Philistins ? Et de Qir, les
Araméens ?
(Am 9,7)
10 Moi, je vous avais fait monter du pays d’Égypte et je vous avais, pendant quarante ans,

conduits à travers le désert, pour vous donner en héritage le pays de l’Amorite.


(Am 2,10)
25 Des sacrifices et des offrandes, m’en avez-vous apporté pendant quarante ans au désert,

maison d’Israël ?
(Am 5,25)

➢ La tradition des 40 ans dans le désert est présente, ainsi que le fuite dans le désert.

▪ Amos est un prophète dans le Royaume du Nord, sous le règne de Jéroboam II (VIIIe
siècle acn). Il est originaire du Sud, de Téqoa, près de Bethléem. Il est berger mais il est
actif dans le Royaume du Nord, peu avant Osée. Amos ne se présente pas comme un
prophète de formation et de métier. Il est juste investi par Dieu pour clamer un
message critique sur la société de son temps. Pour être prophète, il n’a pas besoin
d’être un scribe ou d’un milieu sacerdotal. C’est un laïc qui est dérangé dans son travail
de berger pour aller à la ville contester les inégalités sociales du moment. Le mot Amos
signifie « porteur de fardeau ».

« Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète ; je suis berger, et je cultive des sycomores.


L’Éternel m’a pris derrière le troupeau et l’Éternel m’a dit : va, prophétise à mon peuple »
(Am 7,13-14).

▪ Du temps des prophètes, Dieu parle par des prophètes. Dans d’autres textes, Dieu
parle par des anges. Il y a différentes formes de langages qui sont présentées. Parfois,
le contact avec Dieu n’est pas facile et il faut passer par des instances, les prêtres.
Parfois, Dieu parle directement.

▪ S’adressant aux habitants du nord, Amos évoque l’Exode. C’est le moment où Dieu
choisit son peuple (royaume de Samarie). Il parle aussi du séjour dans le désert et des
quarante ans. On ne parle pas de la Loi, il n’est pas question de la Loi.

− Le livre d’Isaïe :

▪ Dans le Royaume du Sud, il y a un prophète de la même époque, il s’appelle Isaïe ou


Esaïe (le premier Isaïe). Il n’évoque pas la sortie d’Egypte ni le désert. Il écrit depuis
Jérusalem.

62
▪ Le livre d’Isaïe est le plus long de l’Ancien Testament. Le titre de l’œuvre indique qu’il
n’y a qu’un seul auteur mais en réalité, c’est une écriture étalée sur plusieurs siècles.

▪ Composition du livre d’Isaïe :

• Une première section (chap. 1-39) articulée sur l’activité du prophète, appelée le
« premier Isaïe », « aux jours d’Ozias, de Yotam, d’Akhaz et d’Ezékias, rois de Juda »
(Is 1,1), vers -740 à -700.

• Une deuxième section (chap. 40-66) attribuée à ce qu’on appelle un « deuxième


Isaïe ». Une voix anonyme appelle le peuple déporté à Babylone à sortir et à
retourner à Jérusalem. C’est un texte écrit autour de l’exil à Babylone et au retour
de l’exil.

• Au sein de cette deuxième section, on isole les chapitres 56 à 66 attribuer


traditionnellement à un « troisième Isaïe », situé non plus en Exil, mais dans une
communauté qui se réforme à Jérusalem.

− Le livre de Néhémie fait lui aussi allusion à l’Exode. Il a été écrit vers -350.

13
Tu es descendu sur le mont Sinaï et, des cieux, tu leur as parlé ; tu leur as donné des
ordonnances justes, des lois sûres, de bons décrets et commandements ; 14 tu leur as fait
connaître le sabbat, que tu as consacré, tu leur as prescrit des commandements, des décrets
et une Loi par ton serviteur Moïse.
(Ne 9,13-14)

➢ Le concept de loi apparait. Il y a un lieu géographique précis, un lieu précis dans le désert :
le mont Sinaï. Le prophète est nommé. Le sabbat apparait (jour du repos).

▪ Néhémie se trouve dans la partie des autres Ecrits de l’Ancien Testament. Le livre est
placé après celui d’Esdras, mais parfois les deux livres sont mélangés. Des traditions
différentes ont servi à composer le récit.

− Il existe des traditions anciennes sur la sortie d’Egypte et sur le séjour au désert. On les
trouve dans l’ancien royaume de Samarie (Israël) dès le VIIIe siècle acn. En revanche, la
tradition du don de la Loi sur le mont Sinaï, par l’intermédiaire de Moïse, est plus récente.

b. Les sources égyptiennes :

63
− Grâce à certains documents égyptiens anciens, on peut constater que quelques aspects
du récit de l’exode se basent sur une connaissance du monde égyptien et de la réalité du
désert. Le livre de l’Exode n’est pas une chronique de faits historiques, mais il n’est pas
non plus un ouvrage de pure fantaisie. Par exemple, il y a des bas-reliefs représentant la
fabrication des briques parallèlement à ce qui est écrit dans le chapitre 5 de l’Exode.

− Les papyrus Anastasi IV, V et VI permettent d’établir la présence de groupes de sémites


vivants en Egypte vers -1200. Le papyrus V parle de la fuite de deux esclaves (vers -1193).

c. La figure de Moise :

− On ne sait rien de lui ailleurs que dans la Bible. Il porte un nom égyptien, peut-être
abrégé, qui signifie « fils de », « engendré par ». Des chercheurs pensent que ce
personnage n’a pas été inventé, car il est difficile d’imaginer que le peuple d’Israël a donné
délibérément au personnage clé de la fondation du peuple un nom égyptien. Un autre
élément intriguant est le fait que Moïse épouse une femme étrangère, une madianite, un
peuple ennemi d’Israël. Or Moïse sera à l’origine de l’interdiction des mariages mixtes. Il
y a un mélange de traditions et des incohérences dans le texte.

− Moise joue un grand rôle :

▪ Il commande le peuple pour sortir d’Egypte et aller au désert, il est chef de peuple.

▪ Il est l’ambassadeur de Dieu auprès du Pharaon pour la libération du peuple.

▪ Il est ordonnateur de la liturgie en Egypte.

▪ Il est l’organisateur de la fuite du peuple à travers le désert.

▪ Il est médiateur entre Dieu et le peuple, particulièrement pour la traversée de la mer


des Roseaux et pour le don de la Loi divine au Sinaï.

 Il est donc chef de peuple, ambassadeur, médiateur, prêtre… Il a un visage multiple


dans la Bible.

 C’est un personnage qui a pu exister mais qui ne représente pas ce que la Bible en a
fait.

− Législation du mont Sinaï :

64
▪ Elle comprend des textes d’époques différentes. Il y a des racines anciennes, mais la
formulation est récente.

▪ Les lois qui se trouvent dans le « code de l’alliance » (Ex 21-23) forment la partie la plus
ancienne du livre. Il y a des parallèles avec les anciens codes mésopotamiens dont le
code d’Hammourabi (-1792 à -1750). Elles remontent sans doute au temps de
l’influence assyrienne vers les IXe et VIIIe siècle acn.

▪ C’est une composition en plusieurs parties. Le texte n’est pas simple à aborder d’un
point de vue historique.

▪ L’histoire du don de la Loi apparait très tard.

d. En résumé :

− Les parties les plus anciennes du livre de l’Exode se trouvent dans les lois présentes dans
le « code de l’alliance » (Ex 21-23). Ensuite dans les traditions sur la sortie d’Egypte et
certains récits sur le séjour au désert. Après l’exil, des relectures sont faites et voient dans
l’Egypte le prototype de Babylone. Ces relectures écrivent la sortie d’Egypte comme la
préfiguration de la fin de l’Exil. Le Décalogue trouve sa place ici. Avec les relectures, on
commence à reconstituer la question autour du don de la Loi, il y a une composition de
textes par rapport à ça. Enfin, les parties les plus récentes sont celles consacrées aux
instructions sur la construction du sanctuaire et de ses accessoires (Ex 25-31). Le récit de
sa réalisation est sans doute encore plus récent (Ex 35-40). On commence à réécrire pour
actualiser les choses.

− L’histoire de l’Exode est l’histoire d’un peuple dans la quête de son identité culturelle,
communautaire et religieuse, de sa Loi et d’une terre. A un moment donné, le récit va
être développé. L’Exode est l’expérience fondatrice d’Israël. C’est une expérience
collective, une histoire vécue ensemble avec ses hauts et ses bas. Les quarante ans au
désert, chiffre symbolique, confirme cette quête.

2.2.4 Exode, « Expérience fondatrice » d’Israël :

− L’Exode est une sorte de « mythe de fondation ». Il met en relief un autre principe : celui
du choix libre et du pacte social. Il se concentre sur le peuple et non plus sur la famille,
sur le clan. Il s’agit d’une expérience collective, d’une histoire commune vécue.

− Le point de référence cultuel est la fête de Pâque (Ex 12). Elle a lieu chaque année, c’est
un geste de la libération. On mange l’agneau et ensuite on se met en route. Pâque rappelle
tout cela.

65
− La raison du succès de l’Exode comme expérience fondatrice tient à l’aspiration à la
libération d’un joug étranger. Israël est né libre. La naissance de ce peuple libre, il nait à
la liberté.

− Les modalités de la libération :

▪ Moïse n’a pas d’armes et le peuple non plus, Moïse ne l’arme pas. La révolte contre le
pharaon se fait autrement, il n’y a pas de grèves, pas de guérillas. A la place, Moïse use
de la persuasion avec des arguments forts, que sont les « plaies d’Egypte ». Ce n’est
pas une persuasion tendre.

▪ Les 10 plaies d’Egypte sont les suivantes :


1) L’eau changée en sang
2) Les grenouilles
3) Les moustiques
4) La vermine
5) La peste du bétail
6) Les furoncles
7) La grêle
8) Les sauterelles
9) Les ténèbres

10) La mort des premiers-nés d’Egypte

➢ Les neufs premières plaies n’ont rien de phénomènes exceptionnels, il n’y a que la
dernière qui est une condamnation, qui n’est pas naturelle. Les évènements décrits
sont des phénomènes naturels. L’argument du récit : pharaon est incapable de
commander à la nature.

▪ Il y a aussi le récit du « miracle de la mer » (Ex 14), sur lequel il y a beaucoup de


théories. C’est une manière de dire que Dieu est plus puissant que les autres alors que
la Bible ne fait pas écho aux dieux égyptiens en général. Il faut montrer la supériorité.
Cela montre qu’il existe une puissance supérieure à la puissance égyptienne.

▪ Le récit de l’Exode offre une réflexion sur la liberté, sur le pouvoir et ses limites. La
liberté est un bien aliénable qu’aucun pouvoir humain n’a le droit de supprimer. Les
israélites sont occupé·e·s quand le récit est écrit. Cet état d’occupation va changer un
jour, le récit est une manière de voir plus loin, c’est une espérance.

2.2.5 Trois grandes catégories de la vie :

66
a. La fête de Pâque :

− Elle commémore la sortie d’Egypte.

− Le rituel de cette fête est décrit en Ex 12, 1-28.

− C’est un rappel de l’action salvatrice de Dieu.

− C’est un Israël nouveau qui va surgir des eaux séparées de la mer des Roseaux pour
advenir à la Parole de Dieu au Sinaï.

b. La Loi :

− Le Parole de Dieu se concrétise dans une Loi.

− Le Décalogue (Ex 20, 1-17) traite en premier de la nature de Dieu, du respect qu’on lui
doit, des devoirs généraux de l’humain envers son prochain. Ensuite cela se concrétise
dans des indications de types rituel et dans des indications de type législatif.

c. L’Alliance :

− La Loi s’inscrit dans un ensemble : l’Alliance.

− L’Alliance dit la relation entre Dieu et Israël. Il y a un rappel régulier qu’il y a cette Alliance.

− Elle se dit dans des récits mais aussi dans la liturgie.

− A différents moments de son histoire, Israël renouvelle son Alliance avec Dieu. Il le fait
jusqu’au moment où on parle d’une Alliance nouvelle et éternelle.

2.2.6 Exode et archéologie :

67
1 Or, un homme de la maison de Lévi alla prendre pour femme une fille de Lévi. 2 Et cette
femme conçut, et enfanta un fils ; et, voyant qu'il était beau, elle le cacha trois mois. 3 Mais,
ne pouvant le tenir caché plus longtemps, elle prit un coffret de joncs, et l'enduisit de bitume
et de poix ; ensuite elle y mit l'enfant, et le posa dans les roseaux sur la rive du fleuve. 4 Et sa
sœur se tint là, à distance, pour savoir ce qui lui arriverait. 5 Or, la fille de Pharaon descendit
au fleuve pour se baigner ; et ses femmes se promenaient sur le bord du fleuve ; et elle vit le
coffret au milieu des roseaux, et envoya sa servante pour le prendre. 6 Et elle l'ouvrit et vit
l’enfant ; et voici, c'était un petit garçon, qui pleurait. Elle en fut touchée de compassion, et
dit : C'est un des enfants des Hébreux. 7 Alors la sœur de l'enfant dit à la fille de Pharaon :
Irai-je t'appeler une nourrice d'entre les femmes des Hébreux, et elle t'allaitera cet enfant ? 8
Et la fille de Pharaon lui répondit : Va. Et la jeune fille s'en alla, et appela la mère de l'enfant.
9
La fille de Pharaon lui dit : Emporte cet enfant et allaite-le-moi, et je te donnerai ton salaire.
Et la femme prit l'enfant, et l'allaita. 10 Et quand l'enfant eut grandi, elle l'amena à la fille de
Pharaon, qui l'adopta pour son fils ; et elle le nomma Moïse (sauvé des eaux), parce que, dit-
elle, je l'ai retiré des eaux. 11 Or il arriva, en ces jours-là, lorsque Moïse fut devenu grand, qu'il
sortit vers ses frères, et vit leurs durs travaux. Il vit aussi un Égyptien qui frappait un Hébreu
d'entre ses frères.
Ex 2,1-11

− Naissance de Sargon Ier, roi d’Akkad (fin du IIIe millénaire) :

"Je suis Sargon, le roi puissant, le roi d'Agadé. Ma mère était une grande prêtresse. Mon
père, je ne le connais pas. [...]. Ma mère me conçut et me mit au monde en secret. Elle me
déposa dans une corbeille de jonc, dont elle ferma l'ouverture avec du bitume. Elle me jeta
dans le fleuve sans que j'en puisse sortir. Le fleuve me porta ; il m'emporta jusque chez Aqqi,
le puiseur d'eau. Aqqi, le puiseur d'eau, en plongeant son seau me retira du fleuve. Aqqi, le
puiseur d'eau, m'adopta comme son fils et [...] me mit à son métier de jardinier. Alors que
j'étais ainsi jardinier, la déesse Ishtar se prit d'amour pour moi et c'est ainsi que pendant
cinquante-six ans, j'ai exercé la royauté."

68
2.2.7 Postérité du thème de l’Exode :

− Il y a une chanson de résistance des esclaves noir·e·s en Amérique : “Let my people go”.
Elle est publiée en 1861. Aujourd’hui, cette chanson fait partie des chants spirituels
(gospel).

− Il existe le dessin animé Le prince d’Egypte.

− Il y a aussi l’interprétation des vaincus : sous les Ptolémées, l’Egypte présente Moïse
comme l’adversaire de toute religion.

69
2.3 Le Lévitique :

− Ce livre est dominé par la codification du rôle, des charges, des fonctions et des mœurs
de la caste sacerdotale, celle des Lévites, descendants de Lévi. Le livre explique ceci. Lévi
est l’une des 12 tribus d’Israël. L’ensemble des 12 tribus se retrouvent sur le territoire
d’Israël et de Judas. Lévi n’a cependant pas de territoire, c’est le seul qui n’a pas de
territoires. Les Lévites sont ceux qui n’ont pas de territoires, c’est une caste sacerdotale
(ce sont des prêtres dans leur famille). Ils ne sont pas nomades mais répartis partout.

− Le livre du Lévitique renferme aussi la « loi de sainteté », ensemble de lois, préceptes,


conseils divers, destinés à la sanctification du peuple.

2.4 Le livre des Nombres :

− Il poursuit le livre de l’Exode. Il est nommé ainsi car il contient le recensement et


l’énumération des membres du peuple durant le séjour au désert. Il renoue avec le livre
de l’Exode et en constitue la suite normale.

2.5 Le Deutéronome :

− Certains disent que le Deutéronome a été en partie retrouvé à l’époque du roi Josias.

− Il signifie, selon l’étymologie grecque, la « deuxième loi ». Il ne faut pas confondre avec
« Deutérocanonique ». Dans ce livre, on va répéter les enseignements législatifs que
Moise a reçu dans le désert et on va en rajouter, on actualise avec un certain nombre de
développements. On l’attribue faussement à Moise pendant longtemps, il se présente

70
comme un grand discours. Dans les faits, c’est une sorte d’adaptation, sept ou huit siècles
après les évènements racontés dans le livre de l’Exode. C’est une actualisation de la
législation du Sinaï pour les gens qui vivent en ville, pour un peuple largement urbanisé,
plus diversifié dans sa culture et ses institutions.

− On insiste sur « l’aujourd’hui » (mot qui revient près de 30 fois) de la pratique de la loi.
C’est une manière de dire qu’au moment où on écrit le texte, c’est pour « l’aujourd’hui ».
On relie l’histoire d’Israël sous l’aspect de la Loi de l’Alliance avec cette Loi. C’est une
invitation à une intelligence de l’histoire d’Israël sous l’angle du rapport à la Loi. C’est un
livre qui donne un nom à la lecture deutéronomiste, qui est lié au Deutéronome mais qui
touche d’autres ouvrages.

71
Documentaire Arte : Les Rois de la série La Bible dévoilée

− L’épisode concerne la conquête de Canaan et si elle s’est vraiment passée avec la question
du livre de Josué qui commence avec l’entrée en terre promise. C’est une guerre violente
et rapide durant laquelle on détruit tout, où on tue même les animaux. Le livre qui suit
est celui des Juges. Les juges gouvernent dans leur coin et il n’y a pas de gouvernement
central, cette partie essaie d’expliquer comment on passe des clans à la royauté. Arrivent
ensuite les deux livres de Samuel qui commencent à montrer comment Samuel va choisir
un premier roi pour le peuple Saül. Samuel présente l’onction à David. Arrive ensuite
Salomon et le livre des Rois. Au fond, ce DVD concerne le fait d’arriver à cette période de
la royauté, que certains considèrent comme des livres “historiques”.

− Josué arrive aux alentours de -1200, après l’Exode, il va conquérir la terre de Canaan.
Ensuite il y a les Juges puis les Rois.

− Documentaire : les grandes questions :

▪ La question autour de Canaan : Josué va conquérir Canaan et dans la Bible, c’est une
guerre éclaire durant laquelle il reprend la terre promise. Il reprend la terre que le
peuple possédait auparavant. Pour l’archéologie la question est « est-ce que la
conquête s’est réellement passée comme dans le livre de Josué ? ». L’archéologie
découvre que Jéricho a existé et a été détruite mais elle l’a été avant l’arrivée de Josué.
Il y a des destructions de cités à cette époque, au XIIIe siècle. A priori, la Bible dit vrai.
En 1950, il y a eu un grand travail archéologique, et quand on découvre les
destructions, on trouve la justification de la conquête dans un contexte de fondation
nationale de l’état israélite. En 1950, l’archéologie, avec les moyens d’alors, interprète
les destructions, justifie le droit de prendre possession de la terre. Dans les grandes
instances, il y a une forme de récupération archéologique. Lors des fouilles dans le

72
documentaire, 50 ans après celles de 1950, les moyens archéologiques ont évolués et
permettent de découvrir que les destructions de Jéricho sont antérieures au XIIIe
siècle, la ville n’existait déjà plus au XIIIe siècle. De plus, les diverses cités détruites l’ont
été sur un siècle et non en 15 jours, les destructions se sont étalées. Ce n’est pas une
conquête rapide. Il y a donc une recherche sur la vraie raison des différentes
destructions : il y a notamment des incendies, provoqués par les peuples de la mer. Il
n’y a pas eu de conquête militaire par un certain Josué de la terre promise. Le livre de
Josué est une épopée mythique. Le territoire est à cette époque occupé par l’Egypte,
entre le XIIIe et le XIIe siècle. L’Histoire montre autre chose que ce que raconte la Bible.

▪ La question de la violence : on détruit tout, quasiment tous les humains et les animaux
sont tués, les villes sont détruites. Tout cela au nom de Dieu, pour avoir une sorte de
renouveau et que tout appartient à Dieu. Le récit biblique raconte quelque chose de
complètement excessif. Il y a quelque chose qui touche sur l’image de Dieu. Ce récit
ne correspond à rien. Pourquoi avoir écrit ce récit ? On n’a pas de réponse, mais
historiquement ça ne tient pas la route. A l’époque de Josias, si on utilise son histoire
comme comparaison, il faut se tourner vers l’Assyrie, les Assyriens sont violents et ça
entraîne une répercussion sur l’écriture deutéronomiste, on représente Dieu comme
étant quelqu’un de plus fort. Certains textes seront influencés par un contexte violent
à l’époque. Il faut interpréter les textes, pas en faire une lecture littérale.

▪ Le livre des Juges : les Juges n’ont pas de pouvoir central, c’est l’anarchie. Ce sont des
chefs charismatiques. C’est un moment difficile. On écrit ce texte pour justifier la
nécessité d’un pouvoir central.

▪ David : c’est un messie parce qu’il est oint. Cette question revient aussi avec Josias, qui
est aussi un messie parce que lui aussi a été sacré et il est un nouveau David. C’est le
nouveau messi. Quand un roi meurt, il y en a un nouveau et c’est un nouveau messie.
La succession de roi dans le royaume de Judas est l’annonce d’un messie et ça se
stoppe avec Josias. On dit aussi que David a bel et bien existé car il est mentionné sur
une stèle comme l’ancêtre d’un roi de Juda. Cette partie-là est vrai mais la Bible ne
représente pas la réalité. Jérusalem n’était qu’un petit village (3-4 ha), on le sait en se
basant sur une nécropole dont on connaissait l’existence hors de la ville.

▪ Salomon : selon la Bible, c’est un homme sage, la reine de Sabbat vient le voir tellement
il est réputé sage, il a un très grand empire, et c’est un bâtisseur. Dans les traces
extrabibliques, on ne parle pas de lui. Sur les constructions et sur Jérusalem :
Jérusalem est toujours un petit village et par rapport aux constructions, on dit qu’il a
construit le premier Temple de Jérusalem. Il n’est pas possible de fouiller le site du
Temple à cause des « sensibilités religieuses », c’est difficile de se rendre compte si oui
ou non il y avait un temple et si oui, de sa taille. Des constructions de plusieurs villes

73
lui sont attribuées, quand on va sur les sites, on voit qu’elles ont existées. On a retrouvé
des portes en trois tenailles, on s’est dit « victoire, il y a des traces de Salomon le
constructeur » mais on en trouve aussi après, donc ce n’est pas vraiment une preuve
utilisable. Cependant, il y a eu des problèmes de datation dans les premières fouilles,
les techniques évoluent et on se rend compte que les dates sont décalées d’un siècle.
Les techniques d’analyse font bouger les dates. Salomon n’est donc pas à la même
époque. Il n’a pas pu construire ce qu’on lui attribue. On va trouver une trace du
maçon (sa marque) à Megiddo et on retrouve la même à Samarie, qui est la grande
capitale dans le royaume du Nord. Les constructions importantes relèvent du royaume
d’Israël et sont liés à un autre roi : Omri. Après lui, son fils va aussi créer des villes. Ces
personnages sont reconnus par la Bible mais aussi par des sources extrabibliques. Les
grandes constructions qu’on a attribué à Salomon ne sont pas de son fait.

74
Chapitre 3 : Les livres historiques

− Ce chapitre rejoint le documentaire sur les rois, voir ci-dessus.

− Dans la Bible hébraïque, les « livres historiques » sont plutôt appelés « Prophètes
antérieurs » ou « Prophètes premiers ».

− Ces livres suivent un déroulé historique, on passe de l’époque de Josué, de la conquête


de Canaan, à la fin de la royauté de Juda. L’histoire raconte l’époque de la fin des 40 ans
dans le désert à la fin de la royauté. Il y a une trame historique. Il y a quelques éléments
extrabibliques, tout n’est pas inventé mais l’interprétation est théologique. On
interprète les textes en fonction de lecture. Il y a différents courants d’interprétation dans
la Bible.

3.1 Que disent l’archéologie et la science historique sur cette période :

− Voir les commentaires du documentaire.

1 Après la mort de Moïse, le serviteur du Seigneur, le Seigneur parla à Josué, fils de Noun,
auxiliaire de Moïse, et lui dit : 2 « Moïse, mon serviteur, est mort ; maintenant, lève-toi, passe
le Jourdain que voici, toi avec tout ce peuple, vers le pays que je donne aux fils d’Israël. 3 Tous
les lieux que foulera la plante de vos pieds, je vous les ai donnés, comme je l’ai dit à Moïse ; 4
votre territoire s’étendra depuis le désert et le Liban que voici jusqu’au Grand fleuve,
l’Euphrate, tout le pays des Hittites, jusqu’à la Méditerranée, au soleil couchant.
5 Personne ne pourra te résister tout au long de ta vie. J’étais avec Moïse, je serai avec toi ; je

ne te délaisserai pas, je ne t’abandonnerai pas.


Jos 1,1-5

➢ Le texte rappelle les conditions d’entrée dans la terre promise. Moise est mort, tous les
anciens sont morts. La raison de leur mort est qu’ils n’ont pas cru. Ce sont les enfants nés
au désert qui entre dans la terre promise. C’est la grande promesse de Dieu, ils reçoivent
la terre de Canaan. Il y a un grand territoire qui fait partie de cette terre promise. Les lieux
cités font le tour des royaumes d’Israël et de Juda, ça montre le territoire donné par Dieu.
Il y a la création de ce récit pour justifier certaines choses, notamment au temps du roi
Josias. Ça montre la manière dont se situe l’Alliance à cette époque-là, il y a la mise en
place de la confiance. Ce ne sont pas tellement les frontières qui sont importantes mais la
confiance.

75
➢ Ces cartes représentent le territoire soi-disant pris par Josué.

12 Alors, Josué parla au Seigneur, en ce jour où le Seigneur livra les Amorites aux fils d’Israël
et, sous les yeux d’Israël, il déclara : « Soleil, arrête-toi sur Gabaon, lune, sur la vallée
d’Ayyalone ! »
13 Et le soleil s’arrêta, et la lune resta immobile, jusqu’à ce que le peuple fût vengé de ses

ennemis. Ceci n’est-il pas écrit dans le livre du Juste ? Le soleil s’arrêta au milieu du ciel, il ne
se hâta pas de se coucher pendant un jour entier.
14 Il n’y eut pas de jour comme celui-là, ni avant lui, ni après lui, ce jour où le Seigneur obéit à

la voix d’un homme, car le Seigneur combattait pour Israël !


Jos 10,12-14

➢ C’est Josué qui commande lors d’une bataille. Il demande que le soleil soit d’un côté et la
lune de l’autre. Josué maitrise à la fois le soleil et la lune et gagne une bataille. Le
miracle est que Dieu obéit à la voix d’un homme, Il obéit à Josué. Ce n’est pas une réalité
historique mais ça montre le soutien que reçoit le personnage de Josué.

« 15 Voici maintenant un mot sur la corvée que leva le roi Salomon pour la construction de la
maison du Seigneur et de sa propre maison, le Terre-Plein et la muraille de Jérusalem, ainsi
que Haçor, Meguiddo [Megiddo] et Guèzer [Gezer] ».
1 R 9,15

➢ Il y a eu une enquête dans les villes citées, où on a trouvé des portes avec trois entailles
mais il y a des problèmes de datation. Les villes existent mais historiquement, elles ne
datent pas de Salomon.

76
➢ Par cette stèle, on peut affirmer que David a existé. C’est un texte important qui semble
prouver que David a existé, mais il faut être prudent car bien que beaucoup de chercheurs
soient d’accord avec ça, certains remettent en doute la lecture. Il y a des parties abimées,
on n’a pas le texte en entier.

1 Josias avait huit ans lorsqu’il devint roi, et il régna trente et un ans à Jérusalem. Le nom de
sa mère était Yedida, fille d’Adaya, originaire de Bosqath.
2 Il fit ce qui est droit aux yeux du Seigneur, en tout il marcha sur le chemin de David, son

ancêtre ; il ne s’en écarta ni à droite ni à gauche.


2R 22,1-2

➢ Josias est considéré comme un nouveau David, il va refaire un grand empire, il est
considéré comme un messie, comme tout roi dans la lignée de David. Quand la royauté
s’effondre, il n’y a plus de messie comme il n’y a plus de roi. On attend alors un
descendant du roi David qui sera roi, on projette dans le futur quelque chose de meilleur.
Si on lit le passé, c’est pour vivre dans le présent dans l’espérance de temps meilleurs.
C’est une manière de lire le temps et l’histoire. Il y a un passé, un présent mais aussi un
futur qui sera meilleur. Quelle que soit leur situation, il y aura un temps meilleur. Les
chrétiens vont dire que c’est Jésus le messie, ils vont reprendre la chronologie en
présentant Jésus comme un descendant de David. Du côté du monde juif, on ne reconnait
pas cela. Le troisième pilier du judaïsme est le messianisme, il y a l’idée d’attendre un
descendant.

77
− Avant d’arriver à Josias, on a parlé d’Omri, un roi d’Israël qui habite Samarie, on lui
attribue notamment la construction de cette ville, et son fils, Achab, est un roi très
important qui va aussi construire des villes. Dans la Bible on va présenter Omri et Achab
à la fois comme des rois importants et connus et comme des très mauvais rois, alors
qu’ailleurs on les présente comme des grands rois. C’est le choix des auteurs de les
présenter comme des mauvais rois. Les raisons de cela sont que la plupart des auteurs
sont des sudistes, ils viennent du royaume de Juda et c’est la question de la fidélité à Dieu
qui définit un bon roi. Josias, même s’il est mort, est considéré comme un vrai descendant
de David, comme un fidèle de Dieu mais Omri et Achab n’ont pas été considérés comme
fidèles. Même à l’intérieur du Sud, il y a parfois des rois qui ne trouve pas grâce car ils
n’ont pas été fidèles.

− Au XIIIe siècle, il y a un Israël qui existe et est habité par des nomades. D’un point de vue
archéologique, ça ne s’est pas passé comme dans la Bible. Dans le documentaire, il n’y a
pas encore eu l’explication de la formation des premiers Israélites. On sait qu’il y a un
peuple nomade avant mais entre les deux il n’y a pas d’explications. La réponse à cette
question se trouve dans la partie 4 du documentaire. Celle-ci nous informe de ceci :

▪ Dans le pays haut, la densité de la population est faible, la topographie ingrate rend
les communications compliquées et cet espace clos est propice à une naissance.

▪ Entre le XIIe et le XIe siècle acn, près de 250 villages se sont constitués dans les hautes
terres de Canaan, et ce, sans la moindre trace de conquête militaire. Il y a une
transformation sociale graduelle mais radicale. Sur un temps court, il y a une vague
d’installations et une augmentation considérable du nombre de villages. C’est
l’émergence du premier Israël.

78
▪ Le plan des villages des premiers Israélites est ovale, l’élevage constituait l’activité
principale des habitants. Les villages ovales rappellent les campements bédouins de
Transjordanie. Les premiers Israélites seraient-ils d’anciens Bédouins ? Les nomades,
encore aujourd’hui, dépendent du grain produit par des sédentaires pour conserver
leur mode de vie nomade. Il y a donc quelque chose qui a détruit le système d’échange
à l’époque des premiers Israélites. La raison de cet effondrement peut être l’instabilité
politique provoquée par le retrait de l’Egypte de l’administration de Canaan.

▪ Les populations ne mangent pas de porcs, l’une des raisons peut être que c’est une
population pastorale qui n’élève pas de porcs mais la raison principale est qu’une
distinction a pu naitre entre les gens des hautes et des basses terres parce que ceux
des basses terres mangent du porc.

▪ Les hautes terres forment un territoire hétérogène. Au Sud, la végétation est maigre,
la pluviosité incertaine et un sol aride empêche toute agriculture développée. Au Nord,
l’eau est plus abondante et des vallées fertiles autorisent une agriculture céréalière
développée, ainsi que la culture d’oliviers et de la vigne. Il y avait un système
d’exploitation développé, avec une production d’huile et vin qui était une activité
lucrative. Les villages situés sur les axes commerciaux deviennent des villes. L’entité
du Nord deviendra le royaume d’Israël et celle du Sud le royaume de Judas.
L’archéologie n’a rien trouvé concernant le royaume unifié de Salomon et David
comme décrit dans la Bible.

79
80
➢ Il y a des éléments de rupture. Le roi important est Ezéchias, il sauve Jérusalem (voir dans
le documentaire). C’est un roi apprécié de Dieu parce qu’il est fidèle. Un autre roi
important est Josias (voir documentaire).

− L’orthographe des noms et des lieux peut varier.

− Stèle de Mesha : sur cette stèle est gravée une inscription remontant à l’époque du roi
moabite Mesha, aux environs de -850. Le texte comprend 34 lignes et est rédigé en
moabite. Elle raconte les victoires du roi Mesha au cours de sa révolte contre le royaume
d’Israël qu’il entreprit après la mort de son suzerain, le roi d’Israël, Achab. Le roi de Moab
était vassal du roi d’Israël. Le texte se retrouve à la fois sur la stèle, une source
extrabiblique, et dans un texte biblique.

81
− Texte de la stèle de Mesha :

« C’est moi, Mesha, fils de Kamosh(gad), roi de Moab, le Dibonite. Mon père a régné sur
Moab trente ans et moi, j’ai régné après mon père. J’ai construit ce sanctuaire pour Kamosh
de Qerihoh, (sanctuaire) de salut car il m’a sauvé de tous les agresseurs et il m’a fait me
réjouir de tous mes ennemis.
Omri fut roi d’Israël et opprima Moab pendant de longs jours, car Kamosh était irrité contre
son pays. Son fils lui succéda et lui aussi il dit : « J’opprimerai Moab ». De mes jours, il a parlé
(ainsi), mais je me suis réjoui contre lui et contre sa maison. Israël a été ruiné à jamais.
Omri s’était emparé du pays de Madaba et (Israël) y demeura pendant son règne et une
partie du règne de ses fils, à savoir quarante ans : mais de mon temps Kamosh l’a habité.
J’ai bâti Ba’al-Me’on et j’y fis le réservoir, et j’ai construit Qiryatan.
L’homme de Gad demeurait dans le pays d’« Atarot depuis longtemps, et le roi d’Israël avait
construit pour soi » Atarot. J’attaquai la ville et je la pris. Je tuai tout le peuple de la ville pour
réjouir Kamosh et Moab. J’emportai de là l’autel de Dodoh et je le traînai devant la face de
Kamosh à Qeriyot où je fis demeurer l’homme de Saron et celui de Maharot.
Et Kamosh me dit : « Va, prends Neboh sur Israël ». J’allai de nuit et je l’attaquai depuis le
lever du jour jusqu’à midi. Je la pris et je tuai tout, à savoir sept mille hommes et garçons,
femmes, filles et concubines parce que je les avais voués à « Ashtar-Kamosh ». J’emportai de
là les vases de YHWH et je les traînai devant la face de Kamosh.
Le roi d’Israël avait bâti Yahas et il y demeura lors de sa campagne contre moi. Kamosh le
chassa de devant moi. Je pris deux cents hommes de Moab, tous ses chefs, et j’attaquai
Yahas et je la pris pour l’annexer à Dibon.

➢ Moab est vassal d’Israël car le dieu de Moab permet que Moab soit opprimé parce qu’il
n’est pas content des moabites. Il les donne donc dans les mains du roi d’Israël. Il y a des
familiarités avec certains textes de la Bible. On retrouve les mêmes attitudes violentes
que dans la Bible au moment de la prise de Canaan. Il y a les massacres humains mais on
parle aussi de prendre les biens consacrés au dieu Yahvé pour les mettre dans les mains
du dieu de Moab. Le dieu Yahvé est connu des voisins. Les voisins utilisent les mêmes
manières de faire les choses, tout du moins d’un point de vue religieux. A l’époque de la
stèle, c’est le roi Yoram (-852 à -841) qui règne en Israël.

− Dans le livre des Rois :

4 Mésha, roi de Moab, était éleveur de troupeaux et payait en tribut au roi d’Israël cent mille
agneaux et cent mille béliers avec leur laine. 5 Mais, à la mort d’Acab, le roi de Moab se
révolta contre le roi d’Israël. 6 Ce jour-là, le roi Joram sortit de Samarie et passa en revue tout
Israël. 7 Puis il partit et envoya dire à Josaphat, roi de Juda : « Le roi de Moab s’est révolté
contre moi. Viendras-tu avec moi pour combattre Moab ? » Josaphat répondit : « Je
monterai. Ce sera pour moi comme pour toi, pour mon peuple comme pour ton peuple, pour

82
mes chevaux comme pour tes chevaux. » 8 Il ajouta : « Par quel chemin monterons-nous ? »
Joram reprit : « Par le chemin du désert d’Édom. » 9 Ainsi partirent le roi d’Israël, le roi de
Juda et le roi d’Édom. Après sept jours de chemin, l’eau vint à manquer pour la troupe et pour
les bêtes de somme qui suivaient. 10 Le roi d’Israël dit alors : « Malheur ! Le Seigneur a donc
convoqué les trois rois pour les livrer aux mains de Moab. » 11 Josaphat demanda : « N’y a-t-il
pas ici un prophète du Seigneur, par qui nous puissions consulter le Seigneur ? » Un des
serviteurs du roi d’Israël répondit : « Il y a ici Élisée, fils de Shafath, qui versait l’eau sur les
mains d’Élie. » 12 Josaphat dit alors : « La parole du Seigneur est avec lui ! » Le roi d’Israël
ainsi que Josaphat et le roi d’Édom descendirent vers lui. 13 Élisée dit au roi d’Israël : « Que
me veux-tu ? Va trouver les prophètes de ton père et les prophètes de ta mère. » Le roi
d’Israël lui répondit : « Non ! Car le Seigneur a convoqué ces trois rois pour les livrer aux
mains de Moab. » 14 Élisée reprit : « Par la vie du Seigneur de l’univers devant qui je me tiens,
si je n’avais égard à Josaphat, roi de Juda, je ne te prêterais aucune attention, je ne te
regarderais pas ! 15 Maintenant, amenez-moi un musicien. »
2 R 3,4-15

Dès que le musicien jouait, la main du Seigneur était sur Élisée. 16 Celui-ci déclara : « Ainsi
parle le Seigneur : Creusez dans ce ravin des fosses et des fosses. 17 Car ainsi parle le
Seigneur : Le vent, vous ne le verrez pas ; la pluie, vous ne la verrez pas, et pourtant l’eau
emplira ce ravin ; et vous boirez, vous, vos troupeaux et vos bêtes de somme. 18 Encore est-ce
trop peu aux yeux du Seigneur : il va livrer Moab entre vos mains. 19 Vous abattrez toutes les
villes fortifiées, toutes les villes importantes ; tous les bons arbres, vous les couperez ; toutes
les sources, vous les comblerez ; tous les champs fertiles, vous les dévasterez en y jetant des
pierres. » 20 Or, au matin, à l’heure de l’offrande, voici que l’eau arriva par le chemin d’Édom,
et la terre en fut inondée. 21 Tous les gens de Moab avaient appris que les rois étaient montés
pour les combattre. On avait convoqué tous ceux qui avaient l’âge de porter les armes, et
même ceux qui l’avaient passé. Ils avaient pris position sur la frontière. 22 Au matin, quand ils
se levèrent, le soleil brillait sur les eaux ; les gens de Moab virent devant eux les eaux rouges
comme le sang. 23 Ils dirent : « C’est du sang ! Sûrement, les rois se sont entre-tués à coups
d’épée, ils se sont frappés l’un l’autre. Maintenant, au pillage, Moab ! » 24 Ils s’approchèrent
du camp d’Israël. Ceux d’Israël se dressèrent, ils frappèrent ceux de Moab qui s’enfuirent
devant eux, et ils les pourchassèrent. 25 Ils démolirent les villes, jetèrent chacun sa pierre dans
les champs fertiles et les en recouvrirent ; toutes les sources, ils les comblèrent ; tous les bons
arbres, ils les coupèrent. Finalement il ne resta debout que les murs de Qir-Harèsheth. Les
porteurs de fronde encerclèrent la ville et la frappèrent. 26 Le roi de Moab vit que le combat
était trop fort pour lui ; il prit avec lui sept cents hommes portant l’épée, pour tenter une
percée vers le roi d’Édom, mais en vain. 27 Il prit alors son fils aîné, qui devait régner après lui,
et l’offrit en holocauste sur le rempart. Une grande colère vint sur Israël, qui leva le camp et
retourna dans son pays.
2 R 3,15-27

83
➢ Dans le premier texte, on parlait du combat entre Moab et Israël, ici il y a une coalition
de trois rois (celui d’Israël, de Judas et d’Edom). Le prophète Elisée ne veut pas intervenir
pour le roi d’Israël mais pour Josaphat il veut bien. Dans le texte, il n’y a qu’une seule ville
qui échappe à la coalition, et encore, c’est mystérieux. La lecture faite par le livre des Rois
est très différente par rapport à l’histoire racontée par la stèle, il y a une autre lecture de
l’histoire. Ça se présente davantage comme une victoire totale, à l’exception d’une
défaite sur une ville. Dans certaines traditions religieuses, il arrive qu’un roi offre son
enfant pour calmer un dieu (il y a la même idée avec Abraham). Cette question est
présente chez certains peuples. Ça explique les réminiscences qu’on va trouver dans la
Bible. Il y a des ressemblances et des différences entre la stèle et le texte.

− Obélisque de Salmanasar III : Salmanasar III est roi d’Assyrie (-858 à -824). La stèle
représente le roi Jéhu (-841 à -814), c’est le premier roi d’Israël dont on possède une
représentation figurée. C’est une représentation du roi Jéhu qui est vassal et qui paie
quelque chose. Il y a des traces archéologiques sur ce roi d’Israël.

3.2 Le livre de Josué :

− Il porte le nom du successeur de Moïse et il va raconter l’entrée du peuple dans la terre


promise par la traversée du Jourdain, en même temps, il y a un renouvellement de
l’alliance. Il va y avoir des renouvellements une fois dans la terre promise. Josué apparait
comme le digne successeur de Moise, surtout par sa sainteté et son obéissance à Dieu.
En même temps, il ne remplace pas Moise, il n’a pas la place d’un législateur, ni d’un
médiateur.

− Le livre est structuré par trois sortes d’évènements : l’entrée du peuple dans la terre
promise, la conquête de celle-ci, de Canaan et le renouvellement de l’Alliance avec
Yahvé.

− Les chapitres 1 à 12 décrive, sous forme de conquête violente et rapide, l’entrée des
tribus d’Israël en terre de Canaan. Josué est investi par Dieu pour conduire les tribus dans
cette terre promise.

− Deux conquêtes sont surtout développées : celle de la prise de Jéricho par son siège (Jos
6) et celle avec la bataille contre la ville d’Aï (Jos 7-8). Pour le reste, il y a la conquête de
villes mais pas d’explication de comment elles tombent, il n’y a que des résumés. On
n’explique pas pourquoi Dieu a donné cette terre. On sait que c’est faux cette conquête.
Pourquoi écrire un tel texte ?

− La conquête de Canaan d’après le Livre de Josué :

84
− Au chapitre 6 est racontée le siège et la prise de Jéricho par le peuple d’Israël, guidé par
Josué. Les remparts vont tomber en un temps records, grâce à une méthode
extraordinaire. L’écroulement des remparts de Jéricho au son des trompettes inaugure la
conquête du pays.

6 2 Le Seigneur dit à Josué : « Regarde, je livre entre tes mains Jéricho, son roi et ses meilleurs
guerriers. 3 Vous, tous les hommes de guerre, vous ferez le tour de la ville. Vous tournerez
une fois, et tu feras de même six jours durant. 4 Devant l’arche, sept prêtres porteront sept
trompes en corne de bélier. Le septième jour, vous ferez sept fois le tour de la ville, et les
prêtres sonneront du cor. 5 Quand retentira la corne de bélier – quand vous entendrez le son
du cor –, tout le peuple poussera une grande clameur ; alors, le rempart de la ville
s’effondrera sur place et le peuple montera à l’assaut, chacun droit devant soi. »
8
[…] Selon les paroles de Josué au peuple, les sept prêtres, portant les sept trompes en corne
de bélier devant le Seigneur, passèrent en sonnant du cor. L’arche de l’Alliance du Seigneur
les suivait. 9 L’avant-garde marchait devant les prêtres qui sonnaient du cor, l’arrière-garde
suivait l’arche. On marchait et on sonnait du cor.
Jos 6,2-5.8-9

➢ Josué tourne une fois autour de la ville pendant six jours


et le septième jour il tourne sept fois autour d’elle. On
transporte l’Arche de l’Alliance et devant il y a sept prêtres
avec sept trompettes. En plus, il y a l’avant-garde et l’arrière-
garde. C’est tout un cortège qui fait le tour de la ville. Les murs
tombent sous la clameur.

85
11 L’arche du Seigneur fit le tour de la ville, elle tourna une fois. Puis on rentra au camp pour y
passer la nuit.
[…]
14 Le second jour, ils firent une fois le tour de la ville ; puis ils revinrent au camp. Ils firent ainsi

pendant six jours. 15 Le septième jour, ils se levèrent dès l’aurore. Ils firent le tour de la ville,
sept fois, selon le même rite. Ce jour-là seulement, ils firent sept fois le tour de la ville.
Jos 6,11,14-15

16 La septième fois, alors que les prêtres sonnaient du cor, Josué dit au peuple : « Poussez une
clameur, le Seigneur vous a livré la ville ! 17 La ville sera vouée à l’anathème pour le Seigneur,
elle et tout ce qui s’y trouve. Seule vivra Rahab, la prostituée, elle et tous ceux qui seront avec
elle dans la maison, car elle a caché les messagers que nous avons envoyés. 18 Mais vous,
veillez à éviter l’anathème, de peur que, prenant de ce qui est anathème, vous ne rendiez
anathème le camp d’Israël et n’y semiez la confusion. 19 L’argent, l’or, les objets de bronze et
de fer, tout sera consacré au Seigneur et entrera dans le trésor du Seigneur. »
Jos 6,16-19

➢ Après avoir poussé la clameur, il y a l’anathème, c’est-à-dire qu’on tue tout le monde et
qu’on prend des trésors. Ça rappelle le texte de la stèle qui mentionne 7000 morts. Une
prostituée, Rahab, ainsi que sa famille, est épargnée car elle a accueilli des messagers de
Josué. Ce serait une sorte de collaboratrice. Josué donne l’ordre d’exterminer tout être
vivant dans la ville de Jéricho à l’exception de Rahab et sa famille.

20Le peuple poussa la clameur et on sonna du cor. Lorsque le peuple entendit le son du cor, il
poussa une grande clameur, et le rempart s’effondra sur place. Alors le peuple monta vers la
ville, chacun droit devant soi, et ils s’emparèrent de la ville. 21 Ils vouèrent à l’anathème tout
ce qui se trouvait dans la ville, l’homme comme la femme, le jeune comme le vieillard, de
même que le bœuf, le mouton et l’âne, les passant tous au fil de l’épée.
Jos 6,20-21

➢ Stratégie militaire : le septième jour, les prêtres et le peuple doivent faire sept fois le tour
de la ville. Alors qu’ils sont sur le point d’amorcer le septième tour, Josué s’adresse au
peuple avec les recommandations suivantes : « Poussez une clameur, le Seigneur vous a
livré la ville ! 17 La ville sera vouée à l’anathème pour le Seigneur, elle et tout ce qui s’y
trouve. Seule vivra Rahab, la prostituée, elle et tous ceux qui seront avec elle dans la
maison, car elle a caché les messagers que nous avons envoyés. 18 Mais vous, veillez à éviter
l’anathème, de peur que, prenant de ce qui est anathème, vous ne rendiez anathème le
camp d’Israël et n’y semiez la confusion. 19 L’argent, l’or, les objets de bronze et de fer, tout
sera consacré au Seigneur et entrera dans le trésor du Seigneur. ».

86
− Le texte montre qu’il y a quelques difficultés, on ne fait pas tomber des remparts avec
des cris et des trompettes, en tout cas, les manuels sur l’art de la guerre ne parlent jamais
de telles techniques. Il y a un rituel de procession, quelque chose de religieux. La
représentation en termes d’écriture fait penser à un rituel religieux mais ne correspond à
rien de militaire. Ce n’est pas un vrai combat, il y a trop de textes différents qui relatent
des conquêtes qui ont lieu à la même période. Il est intéressant de voir qu’on peut avoir
des éléments et se demander pourquoi on raconte de cette manière.

− Il y a des parties du livre où on présente Dieu comme un Dieu violent mais à côté, il y a
des extraits avec Josué qui est occupé de faire alliance, ce sont des textes ajoutés après,
par d’autres auteurs. On va ajouter d’autres éléments parce qu’on trouvait que Dieu était
présenté comme trop violent, mais ils ne voulaient pas modifier les textes. Il y a une
présentation d’un Dieu qui fait alliance avec les hommes. Ils introduisent des nuances par
rapport à la conquête très violente.

− Il faut contextualiser les textes dans l’époque où ils ont été écrits, il faut tenir compte du
fait qu’ils ont parfois été écrits à différentes époques et que certains font de la résistance.
Il faut faire attention aux lectures littérales des textes religieux.

Les difficultés archéologiques que le texte présente :

− Les archéologues ont cherché des traces de la conquête. Ils ont trouvé Jéricho mais il y a
des problèmes car la ville de Jéricho est déjà complètement détruite avant la possible
conquête en -1275. A cette époque, elle était totalement abandonnée, et il n’y avait plus
de remparts depuis -1550. Au moment où on situe l’arrivée de Josué et de ses troupes, il
n’y a plus rien. La ville de Jéricho sera ensuite reconstruite par le roi Achab.

− Le livre parle aussi de la conquête de la ville d’Aï mais ce n’était qu’un petit village au
moment de la conquête, elle a complètement cessé d’exister vers -2400. Un modeste
village est constitué vers -1200 et disparait vers -1050.

− Le livre est faux dans la manière dont il parle des conquêtes. La destruction des villes du
pays de Canaan se fait sur une longue période.

− Ce récit biblique n’a aucun fondement historique. Pour les archéologues, les murailles de
Jéricho ne sont jamais tombées puisqu’elles n’existaient plus à cette période.

− Les relevés archéologiques révèlent plutôt qu’on assiste à l’émergence d’une nouvelle
société entre le XIIIe et le XIe siècle : on passe, sur les hautes terres, de 29 sites à 254 sires,
avec une plus grande densité dans la partie nord (le futur royaume d’Israël). Cette
augmentation du nombre de sites se fait car il y a une population semi-nomade qui va

87
devoir commencer à devenir sédentaire. Il y a la mise en place d’une population
agropastorale dans des habitats ovales, elle a besoin de cultiver. Quelque chose s’est
produit pour forcer leur sédentarisation : à cause des guerres, les bas plateaux ont été
détruits et les populations ont dû se sédentariser pour commencer à cultiver car il
n’arrivait plus à s’approvisionner. C’est l’émergence du premier Israël, il n’a rien à voir
avec le livre de Josué, ce n’est pas une conquête violente, l’installation sur les plateaux
se fait paisiblement. C’est une mutation interne de la société cananéenne qui explique
l’origine de l’installation de l’Israël ancien. On peut se demander pourquoi le livre de Josué
n’en parle pas et est-ce que les auteurs ont déjà oublié ces évènements au moment de
l’écriture.

− La conquête éclaire dont parle la Bible évoque davantage la brutalité des invasions
assyriennes du VIIe siècle acn que l’activité militaire de groupes tribaux peu organisés du
XIIe siècle acn. Les chercheurs se rendent compte que si on parle de la conquête avec une
telle violence on se rend compte que ceux qui vivent dans le royaume de Judas subissent
la pression assyrienne, où il y a beaucoup de violences dans les textes. Les chercheurs
disent que les textes du livre de Josué sont une réponse aux textes très violents des
Assyriens. Le livre de Josué est une fiction sur certaines parties, il n’est pas écrit dans une
perspective de conquête mais dans une perspective de défense. Les écrits ne racontent
pas une conquête militaire mais ce sont des écrits de défense.

« Lorsque les rebelles suscitèrent contre toi l’hostilité, t’expulsèrent et te mirent en difficulté,
tu as ouvert la bouche : ‘’Vois donc, Assour !’’. J’ai entendu ta complainte. Je descends de la
Porte du ciel, je veux terrasser tes ennemis, les faire dévorer par le feu. Tu dois rester debout
au milieu d’eux. Devant toi, je les emporte, je les chasse dans les montagnes. Je fais pleuvoir
sur eux des pierres ardentes. Ces ennemis, je les offre en sacrifice de bataille, de leur sang
j’emplis la rivière. Qu’on le voit et qu’on me loue : je suis Assour le souverain des dieux ».

Oracle du dieu Assour au roi Assarhaddon

➢ C’est un texte écrit du côté de l’Assyrie. L’image du dieu Assour est très violente. C’est
par rapport à ce type de texte qu’on écrit la prise de Jéricho. Il y a une manière d’écrire.

8 Le Seigneur dit à Josué : « Ne les crains pas : je les livre entre tes mains. Pas un seul ne
tiendra devant toi. » 9 Josué arriva sur eux à l’improviste : durant toute la nuit il était monté
depuis Guilgal. 10 Le Seigneur les frappa de panique devant Israël et leur infligea à Gabaon
une lourde défaite. Il les poursuivit même dans la montée de Beth-Horone, les battit jusqu’à
Azéqa et jusqu’à Maqqéda. 11 Or, tandis qu’ils fuyaient devant Israël dans la descente de
Beth-Horone, le Seigneur lança du ciel contre eux de grosses pierres, jusqu’à Azéqa, et ils
moururent. Ils moururent plus nombreux sous les pierres de grêle que les fils d’Israël n’en
tuèrent par l’épée.

88
Jos 10,8-11

➢ Dieu intervient avec des pierres, il tue. L’auteur biblique s’inspire de la littérature voisine
très violente dans une perspective de défense.

− La mise en récit des évènements de la « conquête » relève en Israël de la reconstruction


tardive du passé et elle épouse jusque dans sa forme littéraire les modèles assyriens.
Quand les auteurs rédigent le Livre de Josué, la population connait une époque tragique.

Autres difficultés :

− Pourquoi utiliser les trompettes pour faire tomber


les enceintes de Jéricho : les trompettes, on les trouve
dans l’arsenal militaire mais pas pour faire tomber
des remparts, seulement pour soutenir les militaires
dans leurs actions. En revanche, dans les
représentations des sièges, on ne trouve nulle par des
trompettes, on va trouver d’autres éléments. On va notamment trouver des tours
mobiles. Il y a tout un arsenal mais pas les trompettes. Le texte biblique résiste aux
stratégies militaires de l’époque et il pose donc question. La manière dont la bible raconte
ne correspond pas aux stratégies militaires de l’époque

− L’extermination : Josué demande que tout soit voué à l’extermination à l’exception de la


prostituée collaboratrice. Pourquoi parler de l’extermination ? C’est problématique par
rapport à la Bible, jamais on ne demande de tuer tout le monde. Le mot extermination
pose question, il n’est pas utilisé ailleurs. La prostituée est sauvée pour avoir collaboré.
Quand on connait d’autres extrait de la Bible, notamment dans les textes d’Esdras, il n’est
pas question d’épouser une étrangère. Il y a différentes époques dans les textes, à
certains moments, il y a des ouvertures. Celui qui a écrit ce passage n’appartient pas à
l’époque du scribe Esdras. Du côté d’Israël, il y a davantage une ouverture à l’étranger. Il
y a une évolution parce que la prostituée n’est pas juive mais elle est sauvée quand
même.

21
Ils vouèrent par interdit tout ce qui se trouvait dans la ville, aussi bien l’homme que la
femme, le jeune homme que le vieillard, le taureau, le mouton et l’âne, les passant tous au
tranchant de l’épée.
Jos 6,21

Le texte raconte des faits horribles :

89
− Ça choque aujourd’hui. Dans la Bible on peut trouver des choses très violentes. Dieu est
décrit comme un guerrier. La population n’a rien fait et elle est exterminée, c’est violent.
Comment concilier ces textes avec d’autres textes ? On dit pourtant dans le Nouveau
Testament qu’il faut aimer ses ennemis. L’ordre est donné de massacrer une population
qui a pour seule faute d’occuper un territoire que le Dieu d’Israël a promis à son peuple
et qu’Israël commence à conquérir.

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus sur la montagne, il leur disait :
43 Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. 44 Eh

bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, 45 afin
d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les
méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. 46 En effet, si
vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-
mêmes n’en font-ils pas autant ? 47 Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous
d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? 48 Vous donc, vous serez
parfaits comme votre Père céleste est parfait.
Mt 5,43-48

− Dans la Bible, on trouve des passages avec le visage d’un Dieu violent. Deux voies
d’interprétation sont des impasses :

▪ D’abord, banaliser cette image par sa « spiritualisation » (Dieu appelle à combattre


l’idolâtrie qui est en nous) ;

▪ Ensuite, opposer théologiquement le dieu violent de l’Ancien Testament à l’image du


Dieu miséricordieux du Nouveau Testament. Il y a une présentation de l’Ancien
Testament comme étant plus violent que le Nouveau Testament.

− Il ne faut pas oublier la voie qui recours à l’histoire pour comprendre le contexte, pour
comprendre pourquoi l’auteur utilise une telle violence. Cependant, cette voie est
partielle.

Précision :

− L’expression « guerre sainte » qui sert habituellement à traduire l’arabe « djihad » n’est
jamais attestée dans la Bible. Cependant, on trouve trois fois l’expression « guerre du
Seigneur ». La réalité à laquelle renvoie ces références est celle d’une défense de sa terre
quand Israël se trouve menacé dans son existence, et non une guerre pour accroître son
territoire. Il est important de bien connaître le cadre de pensée du Proche-Orient ancien.

90
− Une même idéologie est sous-jacente sans doute au récit biblique, mais la réalité est
autre. Jamais Israël ne fut une puissance, il est soumis dès -728 à un fort tribut et le
royaume de Samarie finit par s’écrouler en -722 sous les coups des Assyriens. La menace
se fait alors précise contre Juda qui a failli subir un sort analogue lors de la campagne
dévastatrice du roi Sennachérib en -701. Seul le paiement d’un lourd tribut permet de
sauver Jérusalem de sa complète destruction. S’impose alors dans toute la région ce que
Thomas Römer (un spécialiste de l’Ancien Testament) appelle la pax assyrica, mais qui
n’est en fait qu’un assujettissement à l’idéologie assyrienne dominante. C’est cet horizon,
véritable « choc culturel », qui se traduit dans l’écriture biblique d’un Dieu « guerrier »,
à l’égal d’Assour. Pour les théologiens d’Israël, il s’agissait d’opposer la puissance de
« Yhwh guerrier » à celle « d’Assour guerrier ». (D’après Philippe Abadie)

− Avec les premiers Israélites, ce n’est pas encore l’époque du monothéisme. Il y a un dieu
principal mais il y a aussi d’autres divinités, on a retrouvé des traces archéologiques de
statuettes. Au temps du roi Josias, celui-ci va détruire toutes les statues pour arriver à un
seul Dieu, pour arriver au monothéisme avec l’Exil, etc. En Egypte, il y a aussi eu un dieu
unique avec Aton, mais on dit que ça n’a pas eu d’influence sur le monothéisme juif, il
faut effectuer des recherches dessus.

« En reprenant le modèle assyrien de la conquête, les auteurs de Jos 1-12 ont accentué
l’image belliqueuse de Yhwh, d’un Dieu qui n’hésite pas à
exterminer de manière radicale tous les ennemis d’Israël. Nous pouvons, et je dirais même,
nous devons regretter cette accentuation. Néanmoins, il faut la comprendre dans la situation
historique où elle est apparue. Car les auteurs de Josué poursuivirent un but polémique,
comparable à celui du livre du Deutéronome [...], et lorsque le livre de Josué insiste sur le fait
que les autres peuples n’ont aucun droit à l’occupation de Canaan, ce constat s’applique
également, et en premier lieu aux Assyriens qui occupaient au VIIe siècle le pays promis par
Dieu à son peuple »
Thomas Römer, Dieu obscur. Le sexe, la cruauté et la violence dans l'Ancien Testament,
Labor et fides, 42009, pp. 83-84

− Il y a quelques récits de guerres dans la Bible, mais ils sont très concis et ne mentionnent
aucune stratégie particulière sauf dans le livre des Juges. Indépendamment de tout ce
qui avait déjà été vu, le récit sur la prise de Jéricho n’est pas un récit véritable de
conquête. Le texte ne décrit pas un évènement qui s’est passé mais le contexte des
auteurs. Les auteurs qui ont écrit ce texte de manière violente utilisent des éléments qui
ne relèvent pas de la guerre, plutôt de la liturgie. On n’assiste pas à une bataille au sens
strict mais à une liturgie, ce passage dépend d’une époque sacerdotale. Dans la Bible, il y
a d’autres récits qui mettent en scènes des prêtres et des trompettes : par exemple, dans
2 Ch 13, 12-14 ; 20, 28. En 2 Ch 13, 12-14, il est question d’embuscades et de protection

91
contre des attaques, en 2 Ch 20,28 : « Ils entrèrent à Jérusalem au son des harpes, des lyres
et des trompettes jusqu’à la Maison du Seigneur ».

− On n’assiste pas à une bataille au sens strict mais à une liturgie. Jos 6 et 2 Ch exaltent le
rôle des prêtres et des instruments liturgiques. Le récit de Jos 6 démontre qu’on ne doit
pas tant chercher son salut dans une armée puissante, ni dans des stratégies
sophistiquées, que dans le culte à son Dieu. Ce texte de Jos 6 est un texte récent, écrit
bien après implantation des premiers israélites, dans un autre contexte, car il reflète une
période où le sacerdoce a une grande place et est une institution importante. On est à
l’époque postexilique.

Pourquoi Josué demande-t-il une telle extermination ?

− Dans la Bible, on a un texte qui donne des normes à appliquer, selon la loi de la guerre :
Dt 20, 10-15. Il y a d’autres normes dans la Bible. Les normes à appliquer selon la loi de la
guerre d’après le Deutéronome :

« Quand tu t’approcheras d’une ville pour l’attaquer, tu lui proposeras d’abord la paix. Si elle
accepte la paix et t’ouvre ses portes, alors tout le peuple qui s’y trouve te paiera tribut et te
servira. Si au contraire elle n’accepte pas la paix avec toi et te fait la guerre, tu l’assiégeras et
l’enserreras, et le Seigneur ton Dieu la remettra entre tes mains. Tu passeras tous les mâles
au fil de l’épée, mais pour ce qui est des femmes, des enfants, du bétail et de tout ce qui s’y
trouvera, tu en feras ton butin ; tu mangeras le butin de tes ennemis que le Seigneur t’aura
consenti. Tu agiras ainsi pour toutes les villes situées très loin de toi, et qui ne sont pas les
villes de ces nations »
Dt 20,10-15

➢ Jéricho est différent de ce texte, qui est la norme a appliqué dans les lois de la guerre à
l’époque. Le texte de Josué exprime autre chose, quelque chose de plus violent.
L’extermination de Jéricho est un moyen de dire que la ville appartient à Dieu.

Pourquoi Josué demande-t-il l’extermination de toute la population de Jéricho ?

− La paix n’a jamais été proposée pour Jéricho. A part les hommes qui sont tués, tous les
autres sont censés être épargnés mais ce n’est pas le cas ici. On est dans un monde sacré
et liturgique où prévalent les règles de l’absolu. La conquête de la première ville se fait
au nom du Dieu d’Israël et tout ce qui ne lui appartient pas doit être détruit. On trouve
des indices d’une même violence dans des textes non bibliques de cette époque.

Précisions :

92
− Il existe des interprétations différentes : dans le Livre de Josué il y a des propositions qui
ont été faites à une autre époque et qui donnent une autre interprétation de la violence
des écrits. Dès le début, il y a très rapidement quelque chose qui va être intercalé. Aux
versets 2 à 5 il y a prise de possession de la terre avec violence, à partir du verset 6, il y a
un apport d’autres choses, sans violence. Ces ajouts ont lieu à l’époque perse.

2 « Moïse, mon serviteur, est mort ; maintenant, lève-toi, passe le Jourdain que voici, toi avec
tout ce peuple, vers le pays que je donne aux fils d’Israël. 3 Tous les lieux que foulera la plante
de vos pieds, je vous les ai donnés, comme je l’ai dit à Moïse ; 4 votre territoire s’étendra
depuis le désert et le Liban que voici jusqu’au Grand fleuve, l’Euphrate, tout le pays des
Hittites, jusqu’à la Méditerranée, au soleil couchant. 5 Personne ne pourra te résister tout au
long de ta vie. J’étais avec Moïse, je serai avec toi ; je ne te délaisserai pas, je ne
t’abandonnerai pas. »
Jos 1,2-5

➢ C’est le texte de la conquête, Josué reçoit un ensemble de terres qui lui est promis et dit
que personne ne résistera. C’est la version classique de la conquête de Canaan.

6Sois fort et courageux, c’est toi qui donneras en héritage à ce peuple le pays que j’avais juré
de donner à leurs pères. 7 Quant à toi, sois fort et très courageux, en veillant à agir selon
toute la Loi prescrite par Moïse, mon serviteur. Ne t’en écarte ni à droite ni à gauche, pour
réussir partout où tu iras. 8 Ce livre de la Loi ne quittera pas tes lèvres ; tu le murmureras jour
et nuit, afin que tu veilles à agir selon tout ce qui s’y trouve écrit : alors tu feras prospérer tes
entreprises, alors tu réussiras. 9 Ne t’ai-je pas commandé : “Sois fort et courageux !” ? Ne
crains pas, ne t’effraie pas, car le Seigneur ton Dieu sera avec toi partout où tu iras.
Jos 1,6-9

➢ Le ton n’est plus le même. Il y a des encouragements du Seigneur, la promesse reste la


même mais l’élément qui devient important est la Loi. Elle devient la référence, il n’est
plus question d’une guerre mais de quelque chose qui est de l’ordre de la Loi. Ces versets
ont été écrits plus tard, à l’époque perse, des auteurs ont ajouté des choses parce qu’ils
étaient mal à l’aise avec le récit de la conquête. C’est une manière de résister à la première
version sans l’enlever. A l’époque perse, ils sont revenus de Babylone, ils peuvent
reconstruire le temple… C’est une époque beaucoup plus paisible, ce n’est plus le même
contexte que précédemment.

14
Lorsque tu seras entré dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne, que tu en auras
pris possession et que tu y habiteras, si tu dis : « Je veux établir sur moi un roi, comme toutes
les nations d’alentour », 15 tu devras établir sur toi un roi choisi par le Seigneur ton Dieu ;

93
c’est parmi tes frères que tu prendras un roi pour l’établir sur toi ; tu ne pourras pas te
donner un roi étranger qui ne serait pas l’un de tes frères. 16 Mais qu’il n’aille pas multiplier le
nombre de ses chevaux, qu’il ne ramène pas le peuple en Égypte pour avoir beaucoup de
chevaux, alors que le Seigneur vous a dit : « Vous n’en reprendrez plus jamais le chemin ! » 17
Qu’il ne multiplie pas le nombre de ses femmes, de peur que son cœur ne dévie. Son argent et
son or, qu’il ne les multiplie pas à l’excès ! 18 Quand il montera sur son trône royal, il écrira
pour lui-même, sur un livre, une copie de cette Loi en présence des prêtres lévites. 19 Elle
restera auprès de lui. Il la lira tous les jours de sa vie, afin d’apprendre à craindre le
Seigneur son Dieu en gardant, pour les mettre en pratique, toutes les paroles de cette Loi
et tous ces décrets. 20 Alors, son cœur ne s’élèvera pas au-dessus de ses frères, il ne déviera
du commandement ni à droite ni à gauche. Ainsi, lui et ses fils régneront de longs jours en
Israël.
Dt 17,14-20

➢ C’est une présentation de ce que doit faire un roi quand il monte sur le trône. Le roi doit
écrire la copie et la lire tous les jours, il doit respecter une Loi, c’est une sorte de royauté
constitutionnelle. Les textes vont dans le même sens, dans cet extrait dans lequel on parle
d’un roi qui va se mettre en place, on a l’image d’un roi pacifique qui doit copier la Loi et
la lire tous les jours et il ne doit pas en dévier. On peut faire un parallèle avec l’extrait de
Jos 1,6-9.

− Dans le chapitre 8 du Livre de Josué, on parle de la bataille d’Aï. A l’époque perse, des
auteurs ajoutent un commentaire actualisé de l’époque perse pour montrer qu’il n’y a
plus de violence.

30 Josué bâtit un autel au Seigneur, Dieu d’Israël, sur le mont Ébal. 31 Moïse, serviteur du
Seigneur, en avait donné l’ordre aux fils d’Israël. En effet, il est écrit dans le livre de la Loi de
Moïse : Tu feras un autel de pierres brutes, c’est-à-dire non taillées par le fer. Sur cet autel, ils
offrirent au Seigneur des holocaustes et des sacrifices de paix. 32 Là, Josué écrivit sur des
pierres une copie de la Loi que Moïse avait écrite en présence des fils d’Israël. 33 En face des
prêtres lévites qui portaient l’arche de l’Alliance du Seigneur, tout Israël, ses anciens, ses
scribes et ses juges, tous, Israélites de souche et immigrés, se rangèrent de part et d’autre de
l’arche, les uns du côté du mont Garizim, les autres du côté du mont Ébal, pour que le peuple
d’Israël reçoive d’abord la bénédiction comme Moïse, serviteur du Seigneur, en avait donné
l’ordre. 34 Puis Josué lut toutes les paroles de la Loi, bénédictions et malédictions, tout ce
qui est écrit dans le livre de la Loi. 35 De tout ce que Moïse avait commandé, il n’y a pas une
parole qui n’ait été lue par Josué en présence de toute l’assemblée d’Israël, y compris les
femmes et les enfants, ainsi que les immigrés qui vivaient au milieu du peuple.
Jos 8,30-35

94
➢ On retrouve le copiage de la Loi comme dans le Deutéronome. En face de Josué il y a les
prêtres lévites qui portent l’Arche d’Alliance. A l’époque perse, il y a des auteurs qui ont
voulu interpréter autrement les textes violents de la conquête.

− Ces ajouts sont intercalés et s’opposent à une vision violente de la possession de la terre
puisque le fait de posséder la terre est lié au fait qu’on soit attaché à la Loi d’Israël. C’est
une clé d’interprétation de l’époque perse. Les auteurs de cette époque lisent les textes
en se disant que si on est fidèle à la Loi de Moïse, on garde la terre.

− Rahab, la prostituée, dans l’attaque de Jéricho, est sauvée avec sa famille alors que c’est
une prostituée et une étrangère, mais c’est aussi une collaboratrice. Rahab est aussi un
ajout de l’époque perse. La violence n’est pas totale car tout le monde n’est pas
massacré. Il y a une faille par rapport aux propos extrêmement durs et violents. A
l’époque des écrits d’Esdras et du gouverneur Néhémie, l’ouverture est refusée, les juifs
ne peuvent pas se mariés avec des non juifs. Celui qui a ajouté Rahab répond
différemment à ce qu’Esdras et Néhémie ont établi. Il y a différents éléments de
différentes époques. C’est une réaction et une ouverture d’une autre époque.

− Le livre de Josué est un livre difficile, qui résiste et qu’il faut regarder de différents lieux.
C’est l’exemple d’un ouvrage extrêmement difficile pour le saisir dans sa composition.

Conclusions :

− À l’intérieur même du texte on peut arriver à poser des questions sur la violence. Tout le
livre n’est pas violent mais il y des parties violentes. A l’intérieur même du livre, il y a une
résistance à l’interprétation littérale de la violence.

− La manière dont le texte est écrit pose des questions, tant d’un point de vue militaire que
d’autres points de vue. Il y a de la résistance par rapport à une interprétation trop facile.

− L’important avec ce texte est de le mettre en contexte avec son voisin assyrien dont le
peuple et les écrits sont violents. Le texte serait une manière de répondre au voisin. C’est
une menace envers le voisin.

− Le texte présente la conquête comme une procession cultuelle, c’est loin d’une stratégie
militaire organisée.

− C’est un texte difficile qui force à aller plus loin. Il ne coïncide pas avec l’archéologie car
elle dit qu’il n’y a pas de conquêtes à cette époque-là à cet endroit-là.

95
3.3 Le Livre des Juges :

− Il parle de l’époque entre la conquête par Josué et l’arrivée des rois, c’est une explication
de la création de la royauté. En ce temps-là, il n’y a pas de roi et chacun faisait ce qu’il lui
plaisait. C’est une présentation de l’époque comme n’ayant pas de chef, c’est aussi un
temps qui se contre-distingue par rapport à l’époque royale. C’est aussi l’époque où il y
des difficultés, des ennemis. Le texte parle autrement de la possession de la terre.

− Ce ne sont pas des juges qui vont traiter de la justice, ils vont essayer de résoudre dans
différents territoires des problèmes d’insécurité. C’est une version différente de la
conquête de Canaan. Il n’y a pas qu’un seul discours dans la Bible.

− C’est un cycle de libérateurs. Il y a douze personnages. Ces libérateurs, ce sont des sortes
de héros locaux, de juges de paix ou de chefs de guerre et parmi eux, il y a trois grandes
figures : Débora (femme-juge), Gédéon et Samson. Samson est un drôle de héros, il va
faire n’importe quoi, à un moment il est trahi par une femme qui lui coupe les cheveux
alors que c’est là que réside sa force.

− Dans le temps, à cette période, il y a quatre temps dans le cycle :

▪ Un premier après la mort de Josué : le peuple abandonne Dieu et rend le culte à


plusieurs dieux.

▪ Dieu se met en colère et livre le peuple aux mains des ennemis.

▪ L’oppression subit par le peuple provoque la repentance du peuple, il demande


pardon. C’est une interprétation de l’époque pour expliquer pourquoi on est vaincu.

▪ Dieu intervient en faveur de son peuple et suscite les Juges pour aider le peuple à
sortir des situations dramatiques.

A un moment donné, on recommence et le cycle recommence. C’est un temps cyclique.


C’est l’époque des Juges.

− Ces juges représentent des lieux et des traditions différentes. Les auteurs ont mis par
écrit des traditions différentes avec des personnages célèbres. Ces divers récits du
« cycle » correspondaient à l’origine à différentes traditions indépendantes les unes des
autres sur des héros militaires des diverses tribus de la confédération israélite. Seul
l’histoire du héros Samson est sans doute d’une autre provenance (Jg 13-16), à cause du
caractère burlesque et des ressemblances marquantes avec les légendes grecques
d’Hercule.

96
− Au terme de ce livre, on rentre dans ce qu’on appelle l’époque royale.

3.4 Les deux Livres de Samuel :

− Dans les manuscrits hébreux jusqu’au XVIe siècle pcn, les deux livres de Samuel forment
un seul livre. Ce sont en fait les deux tomes d’un même ouvrage. Ils traitent des origines
de la monarchie israélite. Le ton des livres de Samuel est différent de celui des
précédents. Il est beaucoup moins théologique et moralisateur. Les récits sont souvent
construits et bien rédigés.

− Samuel est un prophète, certains disent que c’est aussi un juge. Le début du premier Livre
raconte la vie de Samuel, ensuite on passe au fait que Samuel va devoir choisir un roi. Il
va d’abord choisir Saül, puis va apparaitre David. Les livres de Samuel parlent de ces deux
personnages. Saül se révèle vite tyrannique, Samuel choisit donc David. Il va y avoir la
coexistence des deux rois pendant un temps. Ce qui est intéressant est qu’il y a un
problème avec la question des noms. La question des noms apparait au début du premier
Livre. On parle de Samuel et de l’origine du nom de Samuel.

« Anne conçut et, le temps venu, elle enfanta un fils ; elle lui donna le nom de Samuel (c’est-
à-dire : Dieu exauce) car, disait-elle : « Je l’ai demandé au Seigneur. »
1 S 1,20

➢ Il y a un problème parce qu’en hébreu Samuel ne signifie pas « Dieu exauce », mais plutôt
« Dieu est ». C’est Saül qui veut davantage dire « Dieu exauce ». Les auteurs s’amusent.
Dès le début, le texte s’amuse avec des jeux de mots en sous entendant que des choses
vont résister autour des personnages. La Bible semble avoir substitué le nom de Samuel à
celui de Saül.

− David est le fondateur de la dynastie d’un des royaumes uniques. On assiste à l’ascension
de David puis au conflit avec Saül. Dans le deuxième ensemble consacré à David, on
aborde la succession de David. Salomon finira par prendre le pouvoir. C’est une
succession compliquée, avec des jeux de pouvoir et des éliminations. David convoite une
femme (Bethsabée), qui est marié à un général donc David va intervenir pour tuer le mari,
ce n’est pas un exemple de moralité pourtant c’est ce personnage qui sera mis en avant.
Les auteurs bibliques, même s’ils ont enjolivé la puissance de David, ils l’ont quand même
présenté comme humain, avec des failles. Malgré les erreurs qu’il a commises, comme il
demande pardon, il y aura une descendance.

97
3.5 Les deux Livres des rois :

− A certains moments, les deux Livres ne faisaient qu’un seul ouvrage. C’est un point
commun aux deux ensembles entre les livres des Rois et de Samuel mais dans les livres
des Rois, c’est plutôt raconté comme une chronique. Il va y avoir des passages développés
mais les écrits sont surtout une chronique.

− Le premier livre des rois s’ouvre avec le roi Salomon, c’est le début de son règne et on le
présente comme le grand constructeur, notamment du temple de Jérusalem. Après la
mort de Salomon, on raconte que le royaume créé par David éclate avec d’un côté le
royaume d’Israël au Nord et au Sud le royaume de Juda. Au Nord, on va présenter la
succession des rois souvent en parlant d’une succession violente. Les auteurs sont
souvent très critiques avec la royauté du Nord. Au Sud, c’est la dynastie davidique qui
règne. Tous les rois (du Nord comme du Sud) vont passer sous la critique, les rédacteurs
vont poser des jugements de valeurs, avec la même façon de le dire. Les jugements de
valeur se font avec des critères propres pour évaluer les règnes des rois. Dans les critères,
il y a des éléments liés à la Loi de Moïse. Il n’y a pas que l’obéissance à la Loi, il y a aussi
la place du Temple de Jérusalem, et les autres divinités. Ce n’est pas encore le
monothéisme au temps des rois. Il va y avoir chez les auteurs bibliques un jugement vis-
à-vis des autres divinités. On aura dans ces deux livres des Rois des passages importants.

− Dans le deuxième livre, on va raconter la fin du royaume du Nord avec la chute de


Samarie. Au chapitre 17, on raconte et commente la chute du royaume du Nord et sa
transformation en province assyrienne en -722. Au chapitre 18, on va raconter l’histoire
du royaume de Juda qui, à ce moment-là, est tout seul et ce royaume est dominé par
l’Assyrie mais le roi Ezéchias négocie et c’est ainsi que Jérusalem n’est pas détruite. C’est
à cette époque-là qu’il y a une première écriture du Livre de Josué. Aux chapitres 22 et
23, on parle d’un roi exemplaire, le roi Josias. C’est un roi idéal pour la Bible, il entreprend
une grande réforme à la fois politique, administrative, culturelle et religieuse. Il déclare
le Temple de Jérusalem seul sanctuaire légitime, on supprime tous les cultes assyriens
en Juda. Le roi Josias meurt tragiquement en -609.

− Les deux Livres des Rois faisaient au départ un seul livre, comme les Livres de Samuel.
Avant de mourir, le roi David, fondateur de la dynastie, confie à Salomon le secret du bon
roi :

« 1 Comme les jours de David approchaient de leur fin, il exprima ses volontés à son fils
Salomon : 2 « Je m’en vais par le chemin de tout le monde. Sois fort, sois un homme
courageux ! 3 Tu garderas les observances du Seigneur ton Dieu, en marchant dans ses
chemins. Tu observeras ses décrets, ses commandements, ses ordonnances et ses édits, selon
ce qui est écrit dans la loi de Moïse. Ainsi tu réussiras dans tout ce que tu feras et

98
entreprendras, 4 et le Seigneur réalisera cette parole qu’il m’a dite : “Si tes fils veillent à suivre
leur chemin en marchant devant moi avec loyauté, de tout leur cœur et de toute leur âme,
jamais tes descendants ne seront écartés du trône d’Israël.” »
1 R 2,1-4

➢ On peut faire un parallèle avec l’extrait du chapitre 1 du livre de Josué : il y a l’importance


de suivre la Loi de Moïse qui est mise en avant. Dans le message donné par David à son
fils, il reprend à la fois Josué et le Deutéronome et l’importance de la place de la Loi. La
différence entre les deux se trouve dans la descendance. Effectivement, il y a son fils mais
aussi la promesse de la descendance et si elle est respectueuse, la royauté continuera. Il
y a des questions en jeu de part et d’autre puisque quand on écrit le texte du deuxième
Livre des Rois, la royauté est terminée, il n’y a plus de royaume et ceux qui vont essayer
d’interpréter l’échec de la royauté, ils vont dire que les rois n’ont pas été respectueux de
l’Alliance. Le roi parfait est celui qui relie la Loi, qui fait respecter l’Alliance. La Loi est une
lecture importante. Mais derrière ça, il y a un autre discours autour du fait que dans la loi
de Moïse, il y a une valeur importante qui est annoncée à ceux qui lisent la Bible. Ce n’est
pas seulement une lecture du passé mais il y a aussi une valeur importante à un moment
donné où on n’a plus l’indépendance. Comparaison :

− La mort de David lance la question de la succession. Il y a plusieurs critères :

▪ Le critère de la Torah : en Israël, la monarchie est subordonnée à la question de la Loi,


ça se retrouve dans le Deutéronome : « 18Quand il montera sur son trône royal, il écrira
pour lui-même, sur un livre, une copie de cette Loi en présence des prêtres lévites. » [Dt
17,18]. On voit la subordination du roi à la Loi. Il pose sur chaque roi un jugement en
fonction de sa fidélité à la Loi, au Dieu d’Israël, et non en fonction de ce qu’il a fait. Ce

99
que dit le Livre des Rois sur Salomon, considéré comme infidèle : « Salomon vieillissait
; ses femmes le détournèrent vers d’autres dieux, et son cœur n’était plus tout entier au
Seigneur, comme l’avait été celui de son père David » [1 R 11,4]. En vieillissant, Salomon
présente des signes de fragilité par rapport au respect de l’Alliance. Malgré toutes les
constructions, malgré la gloire de son règne, tout cela ne suffit pas à effacer son
infidélité. Les jugements des rédacteurs sont sous forme stéréotypé, on donne une
note. Le résultat de ces jugements est que la quasi-totalité des rois n’ont pas réussi,
même à Juda (aux yeux des rédacteurs). En revanche, le roi Ezéchias (tout comme
Josias) a réussi : « Il fit ce qui est droit aux yeux du Seigneur, imitant tout ce qu’avait
fait son ancêtre David » [2 R 18,3].

▪ Le critère cultuel : dans l’évaluation des rédacteurs intervient un jugement par rapport
à l’attitude des différents rois face aux lieux de cultes. Il y avait différents sanctuaires
à l’époque des rois et certains n’hésitent pas à créer de nouveaux dieux et quand on
écrit les textes, on est dans le monothéisme. Certains rois sont considérés comme
mauvais car ils ont construit, ou n’ont juste pas supprimé, des sanctuaires. Ezéchias
et Josias sont des bons rois car ils ont détruit des sanctuaires. Avec le roi Josias, il y a
une destruction systématique des autres sanctuaires. Dans le royaume du Nord, on
parle du péché du roi Jéroboam qui a créé deux sanctuaires importants en opposition
à celui de Jérusalem (Béthel et Dan). Dans la postérité du roi Jéroboam, les rois d’Israël
sont souvent accusés d’avoir commis le péché de leur ancêtre tandis qu’à Juda, avec
Josias, le Temple de Jérusalem devient le seul. La réforme est occasionnée par la
découverte d’un livre dans le Temple. Les rédacteurs sont du Sud et dans le
monothéisme.

▪ Le critère de la figure des prophètes : les prophètes jouent un très grand rôle dans ces
livres. Ils sont à la fois proches et pas proches des rois, ils sont libres et ils annoncent
des choses. Le roi Ezéchias écoute les prophètes, notamment le prophète Isaïe, donc
il conclue une alliance avec l’Assyrie ce qui permet que son royaume ne soit pas
détruit. Sous Josias, il y a la découverte d’un livre qui est lu par une prophétesse et
Josias l’écoute, c’est la raison pour laquelle Jérusalem est épargnée. Si le roi écoute
les prophètes, il peut épargner et permettre à la situation d’être sauvée. Remarque : il
y a un grand prophète dont on ne parle pas dans les livres des rois alors qu’il est
contemporain du roi Josias, c’est le prophète Jérémie. Il n’apparait pas car il s’est
montré dur envers le Temple de Jérusalem. Il annonce des malheurs et dit qu’il faut
collaborer avec Babylone mais les rédacteurs n’apprécient pas donc il est absent du
livre des Rois.

Dans la quinzième année du roi Amasias, fils de Joas, roi de Juda, Jéroboam, fils de Joas, roi
d’Israël, devint roi à Samarie, où il régna quarante et un an. 24 Il fit ce qui est mal aux yeux du
Seigneur, et ne s’éloigna pas des péchés que Jéroboam avait fait commettre à Israël. 25 Il

100
rétablit les frontières d’Israël de l’entrée de Hamat jusqu’à la mer de la ‘Arabab, selon la
parole que le Seigneur, Dieu d’Israël, avait dite par l’intermédiaire de son serviteur Jonas, fils
d’Amittaï, le prophète de Gat-Hefer. 26 En fait, le Seigneur avait vu que l’affliction d’Israël
était grave : il n’y avait plus ni esclave, ni homme libre, ni personne qui puisse venir en aide à
Israël. 27 Cependant, le Seigneur n’avait pas décidé d’effacer le nom d’Israël sous le ciel : voilà
pourquoi il le sauva par l’intermédiaire de Jéroboam, fils de Joas. 28 Les autres gestes de
Jéroboam, toutes ses actions et le courage avec lequel il a combattu Damas et détourné la
colère du Seigneur, ne sont-ils pas décrits dans le livre des Annales des rois d’Israël ? 29
Jéroboam s’endormit avec ses pères et fut enseveli à Samarie avec les rois d’Israël. Son fils
Zacharie régna à sa place.
2 R 14, 23-29

➢ On parle de Jéroboam, roi d’Israël (il y en a deux, c’est le deuxième). D’un côté, il est
présenté comme mauvais par son ancêtre mais il a aussi le soutien de Dieu et un très
long règne. Ce n’est pas une si mauvaise figure que ça, il se comporte bien. L’auteur
présente probablement le plus épargné des rois d’Israël. Selon certains critères, le
rédacteur a un jugement un peu différent. Dans la série des rois d’Israël, il y en a un qui
est un peu épargné. Jéroboam II est l’un des plus positifs dans la série des rois d’Israël.

Conclusion sur cet ensemble de Livres :

− C’est le Sud qui écrit sur les évènements.

− Un des éléments qui sera important est la possession de la terre, et quand les textes sont
écrits, les rédacteurs n’ont plus la terre.

− On écrit à l’époque perse. L’importance n’est pas seulement une loi juridique mais aussi
une loi religieuse. On a gardé ces textes car il y a un intérêt de l’histoire, il y a l’affirmation
des fondements de l’identité. On n’a pas toutes les réponses sur les raisons de garder les
textes, notamment les textes violents.

− Pour l’interprétation, ce sont des textes difficiles parce que beaucoup de choses
interviennent. Les auteurs qui ont écrits la Bible ont enjolivé mais ils n’ont pas tout
enlevé. Ils ont donné, ou gardé, des choses sur les héros qui ne sont pas jolies.

101
Chapitre 4 : Le Nouveau Testament

13 Paul et ceux qui l’accompagnaient s’embarquèrent à Paphos et arrivèrent à Pergé en


Pamphylie. Mais Jean-Marc les abandonna pour s’en retourner à Jérusalem. 14 Quant à eux,
ils poursuivirent leur voyage au-delà de Pergé et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du
sabbat, ils entrèrent à la synagogue et prirent place. 15 Après la lecture de la Loi et des
Prophètes, les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire : « Frères, si vous avez une parole
d’exhortation pour le peuple, parlez. »
16 Paul se leva, fit un signe de la main et dit : « Israélites, et vous aussi qui craignez Dieu,

écoutez : 17 Le Dieu de ce peuple, le Dieu d’Israël a choisi nos pères ; il a fait grandir son
peuple pendant le séjour en Égypte et il l’en a fait sortir à bras étendu. 18 Pendant une
quarantaine d’années, il les a supportés au désert 19 et, après avoir exterminé tour à tour
sept nations au pays de Canaan, il a partagé pour eux ce pays en héritage. 20 Tout cela dura
environ quatre cent cinquante ans. Ensuite, il leur a donné des juges, jusqu’au prophète
Samuel. 21 Puis ils demandèrent un roi, et Dieu leur donna Saül, fils de Kish, homme de la
tribu de Benjamin, pour quarante années. 22 Après l’avoir rejeté, Dieu a, pour eux, suscité
David comme roi, et il lui a rendu ce témoignage : J’ai trouvé David, fils de Jessé ; c’est un
homme selon mon cœur qui réalisera toutes mes volontés. 23 De la descendance de David,
Dieu, selon la promesse, a fait sortir un sauveur pour Israël : c’est Jésus, 24 dont Jean le
Baptiste a préparé l’avènement, en proclamant avant lui un baptême de conversion pour
tout le peuple d’Israël. 25 Au moment d’achever sa course, Jean disait : “Ce que vous pensez
que je suis, je ne le suis pas. Mais le voici qui vient après moi, et je ne suis pas digne de retirer
les sandales de ses pieds.” »
Ac 13,13-25

➢ C’est un texte qui raconte les premières communautés chrétiennes. L’Acte des Apôtres
succède à l’Evangile, ce n’en est pas un. Il raconte des faits qui se sont produits après que
Jésus soit parti. L’extrait concerne Paul. Paul est considéré comme un apôtre mais il n’a
pas connu Jésus de son vivant, c’est un converti, il fait la connaissance de Jésus ressuscité
sur son chemin. Il fonde un certain nombre de communautés chrétiennes. Dans l’extrait,
il est en voyage, il rentre à la synagogue. Le jour du Sabbat, on va à la synagogue, les
chrétiens font comme les juif·ve·s. A ce moment-ci de l’histoire, il n’y a pas encore de
séparations entre les mouvements juifs et le christianisme. Paul fait une sorte de
relecture dans son discours, pour la première partie, il parle de l’Egypte puis de l’Exode,
après cela, il parle de la conquête de Canaan, ensuite il évoque les Juges, puis les Rois. Il
évoque la figure de David et parle du messianisme et de la descendance de David qui sera
un sauveur, il passe ainsi à la figure de Jésus en disant que c’est le Messie. Il y a une
relecture faite par Paul et qui évoque le messianisme et Jésus comme Messie. Il évoque
aussi la figure de Jean-Baptiste, celui-ci fait partie du courant juif de Baptiste (il y a
plusieurs courants dans le judaïsme), qui est un courant plutôt contestataire, notamment
autour du Temple. Un autre courant contestataire est celui des Esséniens. On dit de Jean-

102
Baptiste que ce n’est pas le Messie, ce qui veut dire que des gens ont cru que c’était un
Messie. Au temps de Jésus, il arrive que des gens se prennent pour des messies.

− Il y a un lien entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Les premiers chrétiens


vont situer Jésus dans l’attente messianique. En même temps, autour de lui va se jouer
quelque chose. Ce sera la différence entre le judaïsme qui attend le messie et le
christianisme qui l’a trouvé en Jésus.

4.1 Le cadre historique et l’espace de la Palestine :

− Depuis -63, jusqu’à 135 (il n’y a plus de textes intégrés dans le Nouveau Testament après
130-140, la composition se fait entre 50 et 130) c’est la domination romaine, qui
commence par la conquête de Pompée. La Palestine devient une province. On confie son
gouvernement à Antipater de -63 à -43, c’est un juif qui prend un nom latin. Il n’y a pas
un bon souvenir de lui. A sa mort, lui succède Hérode le Grand de -37 à -4, il va embellir
le Temple de Jérusalem mais il va aussi construire des villes pour les Romains. Il n’est pas
toujours bien vu comme il collabore avec les Romains. C’est un personnage aux dates
importantes parce que selon les textes, Jésus est né pendant Hérode le Grand, donc
avant -4. Il a trois fils, Archelaüs, Hérope Antipas et Philippe, qui se partagent la Palestine
à sa mort. Archelaüs reçoit la Samarie, la Judée et l’Idumée, mais il se comporte mal et il
est rapidement déposé. Hérope Antipas gouverne la Galilée, la Pérée et la Décapole, c’est
un personnage qui intervient dans le procès de Jésus (dans les années 30). Philippe reçoit
l’Iturée. La succession d’Hérode le Grand est compliquée.

− Du côté de la Samarie et de la Judée, il y a des gouverneurs romains pour remplacer


Archelaüs. Il y a notamment Ponce Pilate de 26 à 36, qui va recevoir le procès de Jésus.
C’est un homme violent et difficile d’après les sources extrabibliques, dans certains textes
bibliques, il sera présenté de manière plus douce. La Résistance juive se fait avec deux
moments importants :

▪ La Première guerre de 66 à 72 : elle provoque la disparition d’un certain nombre de


mouvements juifs (Esséniens, Baptiste), il reste davantage les Pharisiens.

▪ La deuxième guerre de 132 à 135 : elle se termine très mal, les insurgés sont tués et
Jérusalem est détruite et renommée autrement. Il y aura des reproches ensuite contre
les chrétiens à qui on reproche de pas avoir soutenu les révoltes contre les Romains, il
y a une fracture entre le christianisme et le judaïsme qui s’agrandit. La rupture n’est
pas totale, elle se marque petit à petit, au moment où on met en place le canon juif.
Dans les années 60, il y a eu des persécutions contre les chrétiens, notamment avec
Néron qui accuse les chrétiens d’avoir mis le feu à Rome.

103
➢ Cette carte représente la Judée au premier siècle, au
moment où règne Archelaüs. Ensuite on passe aux procureurs
romains. Plus haut, se trouve la Galilée, avec Nazareth. Jésus
de Nazareth va vivre essentiellement d’abord en Galilée mais
il fait aussi des voyages vers Jérusalem, il traverse donc la
Samarie. Quand il sera actif comme pèlerin, il vient à Jérusalem
et dans les alentours. C’est le lieu où se vit les choses. Le temps
de Jésus est un temps d’occupation militaire par les Romains,
mais les juif·ve·s peuvent exercer leur religion au Temple de
Jérusalem, on surveille surtout qu’il n’y a pas de problèmes
aux rassemblements à Jérusalem. Il y a différentes tendances :
ceux qui croient à la Torah écrite, ceux qui croient à la Torah
écrites et orales, les collaborateurs avec les Romains…

4.2 La composition du Nouveau Testament :

➢ Il y a d’abord les quatre Evangiles, ensuite les Actes des Apôtres – qui racontent la vie des
premières communautés chrétiennes autour des figures de Pierre et Paul – puis il y a une
série d’Epitres (de lettres), qui aboutissent à l’avant dernier texte avec l’Epitre de Jude
(certains sont adressés à des habitants de lieux, d’autres à des personnes bien précises, ce
sont des écrits qui ont été envoyés par Paul). L’Epitre aux Hébreux est particulière parce
qu’elle est théologique. Ensuite, il y a des Epitres avec des auteurs (Jacques, Pierre, Jean
et Jude). Le tout dernier texte qui compose le Nouveau Testament est l’Apocalypse, ce
qui veut dire « révélation », il est attribué à Jean (pas l’apôtre). Il parle avec une
symbolique particulière, dans un moment de crise et il parle d’espérance. Il annonce des
choses difficiles, c’est un texte qui n’est pas facile à interpréter.

104
− Le processus de canonisation prend plusieurs siècles. Il faut attendre la fin du IVe siècle
pour qu’on arrive à un accord sur le Nouveau Testament. À côté, il y a d’autres textes, qui
font partie de la tradition chrétienne mais qui ne font pas partie de la Bible, et encore à
coté, il y a les Apocryphes.

− Il y a 27 livres écrits en grec. Un doute subsiste sur l’Evangile selon Matthieu qui, d’après
certains chercheurs, a pu être initialement rédigé en langue sémitique.

Composition proprement dite du Nouveau Testament :

1. Les quatre Evangiles : le « selon » pose la question de l’auteur authentique.

2. Les Actes des Apôtres

3. Les Epitres : elles sont au nombre de 21, subdivisées en trois genres : Pauliniennes,
Deutéropauliniennes, Autres.

4. L’Apocalypse

Les textes apocryphes :

− En dehors du Nouveau Testament, il existe des textes rejetés par les Eglises chrétiennes,
ce sont les Apocryphes. Le terme « apocryphe » signifie « caché ». Au départ, il y avait des
écrits dans des groupes restreints d’initiés. Dans ces groupes-là, des écrits sont écrits à
usage restreint, ce sont des écrits appelés les gnostiques. C’est pour ça que les textes sont
appelés des apocryphes, parce que c’est lié au fait qu’ils sont écrits pour des groupes
cachés, secrets. A côté, il y a d’autres écrits où on parle davantage de la sphère magique.
On les a aussi mis dans les Apocryphes, mais ils ne sont pas liés au milieu gnostique. Il y
a le développement de choses qui sont utilisés et mises en valeur sans être pas
condamnées par l’Eglise mais qu’on ne retrouve pas dans la Bible.

− A partir des années 130, on met d’office dans les Apocryphes les nouveaux écrits. Les
dates servent aussi de critères.

4.3 Les étapes de la rédaction du Nouveau Testament :

1. L’époque de Jésus de Nazareth

2. L’époque des apôtres (env. 30 à 70)

105
3. La deuxième génération de chrétiens : il faut trouver un moyen de garder la tradition (env.
70 à 100).

4. La troisième génération de chrétiens (env. 100 à 120).

Par rapport au temps de rédaction :

− Le Nouveau Testament est rédigé en un temps beaucoup plus rapide que l’Ancien
Testament. Il est écrit de 50 à 130, soit environ 80 ans pour l’ensemble des textes, c’est
une histoire beaucoup plus rapide. C’est la date de 50 pour les premiers textes donc ça
signifie qu’ils apparaissent une vingtaine d’années après la mort de Jésus, pendant deux
décennies, les choses sont rapportés, transportées… Aucun manuscrit original n’a été
conservé. L’autre aspect essentiel est que l’ordre des textes ne correspond pas à l’ordre
de rédaction. L’Evangile selon Matthieu n’est pas le plus vieux mais il raconte les faits les
plus anciens, c’est un ordre chronologique du contenu, pas de la rédaction. La
composition de l’ensemble n’est pas faite selon l’arrivée des textes mais selon leur
recomposition.

4.3.1 L’époque de Jésus de Nazareth :

− L’essentiel de nos connaissances sur Jésus de Nazareth viennent des Evangiles, on


dispose cependant de quelques éléments extrabibliques où on parle de Jésus. Jésus a
réellement existé, mais on ne sait pas ce qu’il a fait réellement. Il est né au temps du roi
Hérode le Grand et sans doute qu’il est né en -6. Il a vécu à Nazareth, en Galilée, il y mène
l’existence d’un jeune juif pieux pratiquant la Loi selon l’esprit des Pharisiens. Il aurait
fréquenté Jean-Baptiste. Autour de 27 à 28, il commence une vie publique, il va
commencer à parler, faire des gestes… ça commence avec le baptême par Jean-Baptiste.
Il choisit des disciples, et avec eux, il proclame par ses paroles et ses actes, la venue du
Royaume (Règne) de Dieu. Aucun écrit de sa main n’a été conservé. Il va voyager pendant
2-3 ans, puis être crucifié en 30 par les Romains mais la date est l’objet de débats. 30 est
l’hypothèse la plus probable. Après sa mort, ses disciples vont dire que le tombeau est
vide et qu’il est ressuscité et ils vont le rencontrer. Le fait de la Passion est un moment
vital pour les premiers chrétiens, il va marquer le christianisme, on est dans le domaine
de la foi. Les premiers chrétiens vont se retrouver autour de ce personnage, ça va devenir
un acte de foi important.

Quelques précisions concernant l’évènement de la résurrection de Jésus :

− La résurrection ne relève pas de faits vérifiables, il n’y a pas de preuves scientifiques, elle
échappe aux conditions spatio-temporelles. Ce n’est pas une réanimation de cadavre,
mais quand on lit la résurrection, on voit qu’il s’agit d’une rupture, d’une entrée dans une

106
autre vie, d’une autre manière de se situer. Jésus est présenté comme à la fois lui et pas
lui. On voit bien que c’est le Jésus qui a été crucifié mais en même temps il passe les murs.
Il a une présence différente. Aucun Evangile ne raconte l’évènement de la résurrection
en lui-même. On le rencontre ressusciter mais jamais on le voit en train de ressusciter. Il
n’apparait qu’à ses amis, pas à Ponce Pilate ou Hérode par exemple. Ça le situe dans un
entourage de proximité.

− Le Nouveau Testament apporte plusieurs représentations autour de la résurrection :

▪ La découverte du tombeau vide et l’absence du corps : cette découverte est présentée


comme une preuve mais ce n’en est pas une, il y a une insistance pour dire que le
cadavre n’est plus là.

1
Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent
des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. 2 De grand matin, le premier jour
de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. 3 Elles se disaient
entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » 4 Levant
les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande. 5 En
entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc.
Elles furent saisies de frayeur. 6 Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous
cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit
où on l’avait déposé. 7 Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous
précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” »
8 Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et

hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.
Mc 16,1-8

➢ Il y a la découverte du tombeau vide et en même temps, il y a une insistance sur le


fait que la pierre est lourde et difficile à déplacer.

➢ La première version de l’Evangile selon Marc s’arrêtait au verset 8, sur le « car elles
avaient peur », mais ça faisait peur donc un autre rédacteur a ajouté des choses
pour que ça ne fasse pas peur.

▪ La résurrection par la reconnaissance : des personnes vont reconnaitre Jésus.

11 Marie Madeleine se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Et en


pleurant, elle se pencha vers le tombeau. 12 Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc,
assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. 13
Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé

107
mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. » 14 Ayant dit cela, elle se retourna ;
elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus.
15
Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le
jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et
moi, j’irai le prendre. » 16 Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit
en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître. 17 Jésus reprend : « Ne me retiens
pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire
que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »
Jn 20, 11-17

➢ C’est un autre type de rencontre par rapport au texte précédent. Marie-Madeleine


vient au tombeau, voit deux anges, puis voit Jésus mais ne le reconnait pas tout de
suite. La reconnaissance n’est pas immédiate. Jésus se fait reconnaitre, et tout le
monde ne le reconnait pas immédiatement.

▪ L’exaltation : Jésus apparait comme glorifié

16 Les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait
ordonné de se rendre. 17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent
des doutes.
18 Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné

au ciel et sur la terre. 19 Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les
au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, 20 apprenez-leur à observer tout ce que
je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du
monde. »
Mt 28, 16-20

➢ Jésus se donne à voir avec le pouvoir de quelqu’un qui vient du ciel et de quelqu’un
qui peut avancer

▪ La présence de Jésus au sein de la communauté : cette thématique se retrouve dans le


texte des disciples d’Emmaüs (Lc 24, 13-35). Dans cette histoire, il y a deux
personnages, l’un a un nom, l’autre n’en a pas et ça le rend triste. Ils se rendent dans
le village d’Emmaüs, Jésus arrive derrière eux. Ils ne le reconnaissent pas et Jésus leur
demande ce qu’il se passe. Il commence à leur racontait son histoire mais ils ne le
reconnaissent toujours pas. Ensuite, ils expliquent que Jésus devait ressusciter. Ils
entrent à Emmaüs et vont manger ensemble, ils ne reconnaissent Jésus que quand
celui-ci prend le pain. Il disparait à ce moment-là.

− A propos de Jésus ressuscité, les textes bibliques parlent de plusieurs manières de le


rencontrer (le tombeau vide, la reconnaissance, l’exaltation, sur les chemins). Il rencontre

108
un cercle limité de proches. Il y a un cadre précis qui échappe à l’entendement et à la
raison. La mort n’a pas le dernier mot, il y a autre chose après elle.

− Les chrétiens conservent des traces très tôt de la passion et la résurrection, car elles sont
au cœur de la foi chrétienne. Il y a autre chose après la mort, Jésus est le messie. Les
chrétiens mettent aussi en place des célébrations liturgiques pour se retrouver autour de
repas, dans les liturgies on rappelle ce que Jésus a fait et on étoffe. Ils écrivent les
Evangiles à la passion et à la résurrection.

4.3.2 L’époque des apôtres

− Jésus meurt vers 30, et entre 30 et 70, différentes choses se mettent en place. Jésus n’a
rien laissé en écriture. À l’époque, ça coutait très cher et c’était très long d’écrire sur le
papyrus. Les premiers chrétiens croyaient que Jésus allaient revenir vite du coup ils ne
voient pas le besoin de mettre par écrit son histoire.

− Les sources orales (30-70) :

▪ Prédication de la Bonne Nouvelle.

▪ Mise en place de formules de foi (kérigmes) qui sont recueillies, il y a l’apparition de


petits crédos.

▪ Il y a aussi un début d’enseignement de ce qu’a accompli Jésus, ses paroles et ses actes.

▪ Célébrations : des éléments liturgiques et des hymnes voient le jour.

− Premières sources écrites (30-70) : des sources orales sont mises par écrit. Dans les
Evangiles, on repère des morceaux préexistants à la rédaction finale. Des logia (recueils
de paroles de Jésus), des récits de la Passion et peut-être des premières ébauches de
récits de la vie de Jésus circulent.

« ’Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa saveur, comment redeviendra-t-il du sel ? Il ne
vaut plus rien ; on le jette dehors et il est foulé aux pieds par les hommes. Vous êtes la
lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. Quand on allume
une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur son support et elle brille
pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille aux yeux des
hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux
cieux’’ »
Mt 5,13-16

109
➢ C’est un exemple de logia.

− Il y a des récits des évènements de la Passion, de la mort et des manifestations de Jésus


après sa résurrection.

− Il y a des expressions de foi et des hymnes, en voici quelques exemples :

« Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais reçu moi-même : Christ est mort pour nos
péchés, selon les Écritures. Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les
Écritures. Il est apparu à Céphas, puis aux Douze »
1 Co 15

➢ C’est une ébauche d’expression de foi qui se met en place. Des petites affirmations
circulent.

“Maintenant, Maître, c’est en paix, comme tu l’as dit, que tu renvoies ton serviteur. Car mes
yeux ont vu ton salut, que tu as préparé face à tous les peuples : lumière pour la révélation
aux païens et gloire d’Israël ton peuple”
Nunc Dimittis (Lc 2, 29-32) (cantique de Syméon)

➢ Ce n’est plus un contexte de mort mais de naissance. C’est la reprise d’un cantique, qui
fait partie de la prière des heures.

« Lui (Christ) qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être
légal de Dieu. Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable
aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant
obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement
élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout
genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que
le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père ».
Ph 2,6-11

➢ Jésus n’est pas resté dans son rang d’égal à Dieu, il s’est abaissé. Il prend entièrement la
condition humaine, jusqu’à vivre la mort.

− Il y a un éveil des communautés à l’histoire car Jésus ne revient pas, les premiers témoins
meurent et il y a des persécutions, ça devient important de garder la mémoire.

− Des lettres sont adressées aux communautés, c’est ce que fait Paul. Dans ses lettres, Paul
essaie d’encourager les communautés dans des milieux difficiles, en les invitant à se

110
surpasser, on évoque peu Jésus. Il les écrit environ entre 51 et 61. On considère que seules
l’Epitre aux Romains, les deux Epitres aux Corinthiens, l’Epitre aux Galates, l’Epitre aux
Philippiens, les deux Epitres aux Thessaloniciens (ou peut-être seulement la première) et
l’Epitre à Philémon sont de sa main.

4.3.3 La deuxième génération de chrétiens (env. 70 à 100) :

− Il y a l’apparition d’un premier Evangile, celui selon Marc. Il est rédigé juste avant la
destruction du Temple de Jérusalem, parce que ce n’est pas évoqué. Il est probablement
rédigé du coté de Rome vers 65-70, par un Jean-Marc (celui qui est évoqué dans le premier
texte).

− Le deuxième Evangile, selon Matthieu, est écrit vers 80-90 dans un autre contexte.

− Deux lettres paraissent sous le nom d’apôtres : Jacques et Jude.

− Vers 80-90, un auteur proche de l’apôtre Paul rédige l’Evangile selon Luc et les Actes des
Apôtres.

− Vers 80-90, d’autres auteurs proches de Paul font paraitre sous son nom deux épitres
théologiques : Colossiens et Ephésiens, et trois épitres pastorales : 1-2 Thimothé et Tite.

− Vers 80-100, autour de la figure du Disciple bien-aimé (identifié par certains à l’apôtre
Jean), parait un quatrième Evangile (selon Jean) et trois lettres. Un auteur (Jean, pas
l’apôtre) proche de cette communauté compose une Apocalypse.

4.3.4 La troisième génération de chrétiens (env. 100-120) :

− Un auteur inconnu compose l’Epitre aux Hébreux vers 100.

− Vers 120, la Seconde Epitre de Pierre est écrite.

4.4 Les Evangiles :

− Les Evangiles occupent une place essentielle par rapport aux autres écrits dans le
Nouveau Testament, ce sont les premiers textes qui le composent. Ils ont une place
importante car ils témoignent de la personne de Jésus dont la vie et le message ont fondé
le christianisme. Ils apparaissent autour des années 65-70. Il y a un développement de la
connaissance sur la figure de Jésus. Dans les Evangiles, Jésus apparait petit à petit comme
le Fils de Dieu, la deuxième personne du mystère de la Trinité. Les Evangiles n’ont pas
d’équivalent dans une autre tradition littéraire.

111
− Il existe quatre Evangiles canons, les autres sont apocryphes, car aux environs de 180,
Tatien a essayé de faire un seul Evangile qui enlevait les contradictions entre les textes.
Il rédige le Diatessaron, un livre unique. Il connait un certain succès mais il est condamné.

− Le fait de n’utiliser qu’un seul Evangile pouvait traduire un exclusivisme dangereux pour
la communion des Eglises. Ceux-ci soutiennent de garder l’accueil et la lecture des quatre
Evangiles. C’est ainsi que ce choix devient la pratique courante des communautés
chrétiennes, surtout à partir de l’an 150. Irénée de Lyon, en Occident, et Origène (185-
254), en Orient, y contribuent largement, l’un et l’autre insistent sur le fait que la pluralité
des Evangiles révèle un aspect essentiel du mystère de l’Eglise et du Christ.

4.4.1 Origine du mot « Evangile » :

− Le mot « Evangile » est un mot particulier, on ne l’utilise pas en littérature. Il vient du


grec euangelion et veut dire « annonce de bonne nouvelle ». Il est la traduction d’un mot
hébreu (besora) qui s’emploie d’abord pour l’annonce d’une victoire au temps de la
royauté.

− Avant son usage autour de Jésus, il était employé pour annoncer une victoire militaire.
C’est un terme qui a un contexte militaire. Au temps de l’Exil, un déplacement s’opère,
le sens théologique du terme commence à se développer, il porte maintenant sur la
question de la venue d’un Messie, qui est qualifiée de « bonne nouvelle ».

« Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix,
qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : ‘’Il règne, ton Dieu !’’ ».
Is 52,7

− Avec Jésus, un premier sens se développe aussi. Jésus déclare la prophétie d’Isaïe
accomplie (Is 52,7), il annonce la bonne nouvelle : le Règne de Dieu est arrivé sur terre.
C’est-à-dire que les temps nouveaux sont présents. Un deuxième sens se développe avec
l’idée que si Jésus est le Messie, il est lui-même la bonne nouvelle.

− Dans la suite, on donne la qualification « d’Evangile » aux quatre livres du Nouveau


Testament. Elle arrive tardivement, avant, les premiers Pères de l’Eglise utilisent les
expressions « les choses dites et faites par le Seigneur », « les paroles du Seigneur », ou
« les mémoires des apôtres ». Vers 150, Justin qualifie les textes « d’Evangiles ».

− Les Evangiles ne sont pas le procès-verbal de la vie de Jésus, ni une pure biographie. Ils
fournissent un récit mis en forme, sans toujours tenir compte de la chronologie, en
interprétant les évènements de façon rétrospective, en choisissant les traits que les

112
auteurs veulent garder. Ils rassemblent des souvenirs concernant la vie commune avec
Jésus qui a fait vivre à ses disciples une expérience humaine et spirituelle. Ils répondent
au besoin d’une communauté.

− Les auteurs sont assez libres dans la conception de l’ouvrage, parfois ils écrivent à la
manière de Jésus, ils mettent des paroles dans la bouche de Jésus mais de sont des
paroles des années 70-80. Il y a une mise en forme avec une visée théologique. Le but est
d’écrire quelque chose sur le fait que Jésus est le Messie.

− Depuis le XIXe siècle, il existe un courant appelé le « Jésus historique ». Certains


chercheurs ont voulu distinguer ce que Jésus a vraiment fait et vraiment dit. C’est un long
courant avec différentes nuances. On est quasiment sûr que Jésus a été baptisé par Jean-
Baptiste.

4.4.2 Que trouve-t-on dans un Evangile :

− Des récits de miracles

− Des paraboles : par exemple, « vous êtes le sel de la Terre » (Mt 5, 13-16).

− Des sentences : des paroles de Jésus qu’on peut classer en fonction du style : prophétique,
apocalyptique, juridique et sapientiel.

− Des récits de controverse : essentiellement des débats de Jésus avec les notables de
l’époque, en grande majorité de sadducéens.

− Des annonciations

− Des paroles flottantes : des paroles de Jésus dont on se souvient sans savoir le contexte
où elles ont été prononcées.

− Des prédications

4.4.3 Les différents styles :

− Le style théophanique : il veut manifester la présence de Dieu.

− Le style apocalyptique : il est né dans des périodes de persécutions, il veut manifester une
certitude de foi selon laquelle Dieu est le maitre de l’histoire et il interviendra à la fin.

113
− Le style midrashique : dans la tradition juive, le midrash est une actualisation de
l’Ecriture. On essaie de rendre compréhensible le texte, on explique les difficultés.

4.4.4 Le problème synoptique :

− Les trois premiers Evangiles (Matthieu, Marc et Luc) se ressemblent suffisamment pour
être mis en colonnes. C’est pourquoi on les appelle les Evangiles synoptiques ou les
synoptiques. Une synopse est un livre qui présente les Evangiles en colonnes, de façon
qu’on puisse lire d’un seul coup d’œil les textes semblables.

− Il y a une partie commune aux trois Evangiles. Les textes se sont quelque part inspirés les
uns des autres. Une généalogie les compose.

➢ Cette ressemblance pose des questions. Il y a des hypothèses par rapport à la


composition et aux sources de ces Evangiles synoptiques. Pour Saint-Augustin (Ve siècle),
la première source était Matthieu, puis Marc et Luc. L’hypothèse la plus admise
aujourd’hui est que Marc est la source de Matthieu et Luc, qui utilisèrent en outre une

114
source Q annexe n’ayant pas encore été retrouvée. Cette théorie fut conçue en 1838 par
Christian Hermann Weisse.

4.4.5 L’Evangile selon Marc :

− Il date de vers 70. L’auteur Marc écrit en grec pour des non juifs. Il y a plusieurs lieux de
rédaction possible : la Galilée, Antioche, le sud de la Syrie et Rome. Rome est le plus
probable. Depuis la notice d’Eusèbe de Césarée (env. 265-339), historien, on pense que
cet Evangile a été écrit à Rome, par Marc, disciple de l’apôtre Pierre.

− Le style de Marc : l’auteur est volontiers populaire, il remplace des conjonctions de


coordination par des « et » ou des « aussitôt », ce qui donne le sentiment d’une rapidité.
Il est parfois peu concret dans la construction de ses phrases. Il est un bon conteur qui
s’attache aux détails concrets, qui construit des récits au présent.

− C’est un évangile du questionnement, il se demande qui est Jésus. La première


confession de foi, celle de Pierre, est au centre du récit :

« 27 Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages de Césarée de Philippe. En chemin, il
interrogeait ses disciples : ‘’Qui suis-je, au dire des hommes ?’’ 28 Ils lui dirent : ‘’Jean le
Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres, l’un des prophètes’’. 29 Et lui leur demandait :
‘’Et vous, qui dites-vous que je suis ?’’ Prenant la parole, Pierre lui répond : ‘’Tu es le Christ’’.
30 Et il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne ».

− Plan :

▪ Prologue au Jourdain (1,1-13)

▪ Résistances à la nature messianique (1,14-8,27)

▪ Première confession de foi : la confession de Pierre (8,27-30)

▪ Résistances à la souffrance messianique (8,31-14,42)

115
▪ Jésus accomplit son destin de Messie souffrant et de ressuscité (14,43-16,8)

− La finale de l’évangile selon Marc : depuis la fin du XIXe siècle, les exégètes estiment que
l’évangile finissait au verset 8 du chapitre 16. Trouvant la fin trop abrupte, un rédacteur
postérieur a composé l’actuel récit (16,9-20) en s’inspirant sans doute de Matthieu et de
Luc.

1 Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des
parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. 2 De grand matin, le premier jour de la
semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. 3 Elles se disaient entre elles :
« Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » 4 Levant les yeux, elles
s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande.
5 En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles

furent saisies de frayeur. 6 Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de
Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. 7 Et
maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le
verrez, comme il vous l’a dit.” »
8 Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors

d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.


Mc 16,1-8

4.4.6 Les autres évangiles

− Matthieu écrit pour un monde judaïsant.

− Luc écrit pour des convertis.

− Jean était en opposition avec l’apôtre Pierre, qui est celui recevant la responsabilité du
groupe après la mort de Jésus. En final de l’Evangile de Jean, un dernier chapitre se
termine par une discussion entre Jésus et Pierre pour que cet Evangile soit remis dans la
communauté en lien avec Pierre.

− Il y a eu des tensions entre les chrétiens et des groupes judaïsant : certains suivent toutes
les lois, mais d’autres vont dire qu’il n’y a pas besoin de suivre tout cela pour être chrétien
(circoncision…).

4.5 Conclusion :

− Ce parcours est loin d’être complet. Il permet cependant de voir la complexité de


l’écriture de cet écrit religieux qu’est le Nouveau Testament, avec des problématiques

116
différentes et des éléments théologiques. Ça demande beaucoup d’attention pour
comprendre les textes et les interpréter. Les choses ont été actualisées. Pendant
longtemps, le texte est vivant, il n’est pas arrêté, il n’est pas figé.

117

Vous aimerez peut-être aussi