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CAHIERS

IVOIRIENS DE
RECHERCHE
LINGUISTIQUE
INSTITUT DE LINGUISTIQUE APPLIQUÉE

EEDUC
Mit
NUMERO 42 E111 D. PJ , ■ DÉCEMBRE 2017
M
' b. d Int re
Revue Cahiers Ivoiriens de Recherche Linguistique (C.I.R.L.)
Editeur : INSTITUT DE LINGUISTIQUE APPLIQUEE
08 BP 887 ABIDJAN 08 Côte d'Ivoire
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DIRECTEUR DE PUBLICATION :
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y compris la photographie et le microfilm, réservés pour tous les pays
Imprimé par le Centre Reprographique de l'Enseignement Supérieur d'après
documents fournis "bons à reproduire"
Dépôt légal n°198901-04-88
ISSN 2520-954X
Sommaire
01 Alain Albert ADEKPATÉ 01
À propos du statut des expressions nominales des constructions prédicatives non-
verbales d’identification, dans les langues kwa

02 Arsène ELONGO 11
Expression de modalités énonciatives comme introductrices des emplois de donc chez
Francis Bebey

03 Agré Jules Arnaud AGRÉ 28


Mémoire et raisonnement dans le processus d’apprentissage/acquisition des langues :
cas de l’espagnol en Côte d’Ivoire

04 Chonou Hermann CHONOU 36


La lecture, moyen efficace dans l’apprentissage d’une langue étrangère

05 Karim BUKAR DIKWA & Abubakar ABBA KAKA 49


Difficultés phonémiques chez les Kanuri apprenant le français

06 BOSSON BRA épouse DJEREDOU 72


Le n’zassa discursif et ses procédés de création

07 Pierre Adou Kouakou KOUADIO 84


Le français parlé en Côte d’Ivoire : sécurité ou insécurité linguistique ?

08 Kobenan N’Guettia Martin KOUADIO 96


La poétique du rythme d’Henri Meschonnic : un héritage saussurien ?

09 N’Goran Jacques KOUACOU 107


Réflexion sur le genre et le nombre des noms en nouchi

10 Danon Anicet Stanislas MOROKO 120


Le discours politique en Côte d’Ivoire : formule et stratégies argumentatives :
l’exemple de "l’émergence de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2020"

11 Kallet Abréam VAHOUA 129


Le ton grammatical du kpjkùgbʋ̀, parler kru de Côte d’Ivoire

ISSN électronique 2520-954X


www.ila.ci/public/ila/registre/numero.htm

Revue de l’ILA 1 Cahiers Ivoiriens de Recherche Linguistique (C.I.R.L) n° 42 1 Décembre 2017


Expression de modalités énonciatives comme introductrices des emplois de
donc chez Francis Bebey
Arsène ELONGO 1
Université Marien Ngouabi

Résumé : Le présent article étudie les emplois de donc au sein de l’expression des
modalités énonciatives. Ainsi, nous montrons que ces usages produisent des effets
spécifiques et subjectifs dans les romans de Francis Bebey en raison de la reprise de ces
mêmes techniques stylistiques de l’écriture. Notre objectif sera de les décrire en fonction
de chaque procédé modal. Cela permettra de prouver que cet auteur emploie couramment
la complétive et les modalité injonctive, interrogative et assertive avec le coordonnant «
donc » comme des faits stylistiques de son écriture. Associés à chacune de ces modalités
énonciatives, le coordonnant « donc » crée les usages spécifiques comme interactif,
confirmatif, discursif, illocutoire, perlocutoire et consécutif. Pour les décrire
objectivement, nous servons des approches de la stylistique de la phrase et de la
linguistique pragmatique. Ces doubles approches nous aideront à conclure que les
emplois de donc ont les valeurs énonciatives, stylistiques et pragmatiques au cœur de
l’écriture de Francis Bebey.

Mots-clés : donc, impératif, interrogation, subordonnée complétive et procédé stylistique.

Abstract: This article studies the uses of so within the expression of enunciative
modalities. Thus, we show that these uses produce specific and subjective effects in the
novels of Francis Bebey because of the resumption of these same stylistic techniques of
writing. Our aim will be to describe them according to each modal process. This will
make it possible to prove that this author commonly uses the completive and the
injunctive, interrogative and assertive modality with the coordinator "therefore" as
stylistic facts of his writing. Associated with each of these enunciative modalities, the
coordinator "therefore" creates the specific uses as interactive, confirmative, discursive,
illocutionary, perlocutionary and consecutive. To describe them objectively, we use
approaches to the stylistics of the sentence and pragmatic linguistics. These dual
approaches will help us to conclude that the jobs of so have the enunciative, stylistic and
pragmatic values at the heart of Francis Bebey's writing.

Keywords: therefore, imperative, interrogation, subordinate completive and stylistic


process.

Introduction
Le coordonnant « donc » reçoit depuis longtemps les usages traditionnels et modernes et il
est employé par les locuteurs et les écrivains à travers les modalités énonciatives comme
l’injonction, l’interrogation et la subordonnée complétive. Ces procédés apparaissent comme
les marqueurs de la variation stylistique, du fait qu’ils sont les productions énonciatives
valorisée par un genre discursif et qu’ils marquent le choix opéré par l’écrivain parmi les
expressions de la langue. D’où Frédéric Calas (2015, p.61) a écrit : « Tous les mots d’un texte
littéraire sont subjectif, puis qu’ils ont tous été choisis par l’écrivain ». Aussi peut-on
appréhender les emplois de donc comme une production relevant du choix d’un écrivain. Cette
unité discursive est supposée comme une spécificité de la stylistique du mot et de
l’énonciation. Elle nous conduit à examiner ce thème : Expression de modalités énonciatives
comme introductrices des emplois de donc chez Francis Bebey. Ce travail s’inscrit dans le

1
elongoarsene@gmail.com

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A. ELONGO

contexte de la stylistique énonciative et de la linguistique pragmatique. Dans ce but, l’analyse


de donc se justifie par trois motivations discursives. Premièrement, le coordonnant « donc »
apparaît comme un fait stylistique idiolectal en raison de sa fréquence considérable dans le
style de Francis Bebey. Deuxièmement, le coordonnant « donc » présenterait une
caractérisation discursive avec les modalités énonciatives comme l’injonctif, l’interrogatif et
l’assertif de la complétive. Troisièmement, le coordonnant « donc » aurait des valeurs
énonciatifs et pragmatiques propre à l’écriture de ce romancier camerounais.
D’autres justifications reposent sur les études consacrées au style de Francis Bebey par les
travaux des chercheurs. A cet égard, Pierre Eugène Kamdem (2006) a étudié les aspects
stylistiques et discursifs de la langue de Francis Bebey pour justifier le principe de la
subjectivité de cet écrivain dans ses œuvres romanesques. Therèse Tsafack-Soumélé (2013,
p.68) analyse le langage de Francis Bebey comme une reproduction du français camerounais
et comme une dialectique du style soutenu et du style courant et déclare : « l’auteur oscille
entre deux niveaux de langue, à savoir courant et soutenu, la tendance à l’oralisation reste très
poussée ». Bien que ces études cernent les problèmes de l’écriture de Francis Bebey, il y a
d’autres aspect énonciatifs et pragmatiques de son langage qui méritent une analyse
approfondie, il s’agit d’aborder le coordonnant « donc » comme marqueur des emplois
interactifs et discursifs avec des modalités énonciatives.
Il est de notre intérêt de préciser notre problématique sur les emplois de donc chez Francis
Bebey. Dans cette perspective, l’analyse du coordonnant « donc » soulève deux problèmes
dans la langue de Francis Bebey. La première repose sur l’usage subjectif du coordonnant
« donc » employé avec des modalités énonciatives choisies par cet auteur pour représenter le
style de ses personnages et l’évocation stylistique de leur milieu social et professionnel. Le
second problème est de montrer que l’emploi de donc change de valeur stylistique en fonction
de la modalité énonciative au cœur du style de Francis Bebey. Ces deux problèmes nous
permettent d’émettre deux hypothèses : dans la première, les modalités injonctives,
interrogatives et assertives de la complétive particulariseraient les emplois et les valeurs du
coordonnant « donc » au sein du discours narratif de cet auteur camerounais ; dans la seconde,
les usages discursifs du coordonnant « donc » formeraient intention pragmatique et stylistique
du style narratif chez ce romancier. En suivant ces hypothèses, nous fixons deux objectifs
pour décrire les emplois énonciatifs et pragmatiques du coordonnant « donc » dans le corpus
littéraire : le premier vise à montrer que les emplois subjectifs du coordonnant « donc »
actualisés au sein de l’écriture de Francis Bebey. Notre second objectif est de décrire les
emplois figés et singuliers du coordonnant « donc » comme une particularité stylistique des
modalités énonciatives.
Pour atteindre ces objectifs, nous appliquons deux approches utiles à l’analyse des emplois
de donc chez Francis Bebey : la stylistique de la phrase et l’approche pragmatique. Selon la
première, Anne Baubeau-Toucheron (2015, p.11) montre que la stylistique de la phrase
permet d’aborder « la spécificité d’écriture d’un texte » et des types de phrase employés par
chaque auteur. Cette approche permet d’étudier des effets produits par chaque unité de la
structure phrastique. Elle est complétée par l’approche pragmatique. Celle-ci nous aide à
étudier les emplois de donc selon les critères du contexte et de « la fonction actionnelle du
langage » (Franck Neveu, 2000, p.89). Il s’agit d’analyse les emplois de donc comme des
valeurs : locutoire, illocutoire et perlocutoire (Véronique Schott-Bourget, 2014, p.97-98).
Ainsi, cet article aborde les points suivants : le cadre définitionnel de donc, corpus et
statistique de donc, expression injonctive et emploi discursif de donc, expression interrogative
et emploi perlocutoire et expression assertive de la phrase complexe et emplois de donc.

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Expression de modalités énonciatives comme introductrices des emplois de donc chez Francis Bebey

1.Cadre définitionnel de donc


Le coordonnant « donc » alimente un débat fondé sur ses approches de définition dans les
dictionnaires de la langue française et dans les études de grammaire et de linguistique. Notre
objectif est de les examiner pour spécifier ses structures syntaxiques et ses variations
stylistiques dans les romans de Francis Bebey.

1.1. Définition de donc selon les dictionnaires


Les dictionnaires de la langue française ont défini le coordonnant « donc ». Ainsi, le
dictionnaire Le Petit Robert (2014) énonce trois emplois de donc. Le premier emploi montre
que le donc « amène la conséquence ou la conclusion de ce qui précède, introduit la
conclusion d'un syllogisme » et qu’il sert à introduire une « transition pour revenir à un sujet
après une digression ou une interruption ». Le deuxième emploi enseigne que le donc
« Exprime l'incrédulité ou la surprise causée par ce qui précède ou ce que l'on constate ». Le
troisième emploi souligne que le donc « explétif souligne et renforce une assertion, une
injonction, une interrogation ». Le dictionnaire de la langue française Littré (2012) expose six
usages de donc : « 1° la conclusion qu’on tire d’un raisonnement ; 2° exprime, en général,
qu’une chose est ou doit être la conséquence d’une autre ; 3° sert souvent de simple transition
pour revenir au sujet après une digression ; 4°sert à marquer une sorte d’étonnement, la
surprise que l’on éprouve d’une chose à laquelle on ne s’attendait point » ; 5°sert à rendre
plus pressante une demande, une injonction ; 6° ironiquement ». Le dictionnaire Larousse
retient trois acceptions de donc : 1° il marque la conclusion d’un raisonnement, la
conséquence d’une assertion, il marque le retour à un point antérieur du discours ou du récit,
après une digression, une interruption, 3° il s’emploie « comme un adverbe après le premier
terme d’une phrase interrogative, exclamative ou après une injonction, avec une valeur de
renforcement. ».
Dans Dictionnaire didactique de la langue française, Michel Pougeoise (2007, p.122)
explique que le donc, d’origine temporelle avec le sens d’alors, exprime « maintenant la
conséquence, la conclusion nécessaire d’un raisonnement, la constatation d’une évidence ».
Outre cela, le coordonnant « donc » est étudié en grammaire et en linguistique.

1.2. Définitions de donc selon les études linguistiques


Les études linguistiques abordent le coordonnant « donc » dans une perspective théorique
de la syntaxe, de la sémantique et du discours ou de la pragmatique. Notre travail considère le
cadre théorie des travaux consacrés au coordonnant « donc » afin de bien analyser ses
structures discursives et pour dégager ses valeurs stylistiques dans le cadre de notre corpus.
Dans ce but, le coordonnant « donc » est étudié comme une catégorie grammaticale, appelée
la conjonction de coordination et comme un mot de liaison ou un adverbe de relation. Ainsi,
les études de la grammaire traditionnelle et les travaux de linguistique ont apporté les
éclaircissements sur son fonctionnement et ses usages. A ce propos, Jacques Damourette et
Edouard Pichon (1933, p.406-409) ont analysée les usages du coordonnant « donc » pour
préciser sa valeur conclusive, incitative avec le procédé de l’impératif et ils ont montré que
« donc peut servir à marquer que la pensée qu’il introduit était implicitement contenue dans ce
qui a été dit ».
D’autres études abordent le coordonnant « donc » dans ses emplois de marqueur
pragmatique, de connecteur logique. Dans cette perspective, Nina de Spengler (1980, p.145) a
étudié le coordonnant « donc » comme un marqueur d’interactivité conclusive dans une
structure de deux éléments : l’énoncé (A) représente « la fonction interactive
d’argumentation » et l’énoncé (B) introduit « l’acte directeur ». Mais, ces rôles peuvent être
inversés dans un raisonnement argumentatif, d’où l’énoncé (A) peut remplir la valeur de

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A. ELONGO

l’acte directeur, cependant, l’énoncé (B) marque une fonction interactive de la conséquence.
Selon cette analyse, on sait que le coordonnant « donc » peut remplir une double valeur
conditionnée par son usage avec le contexte de cotexte : soit la valeur de l’acte directeur
d’argument soit la valeur interactive de conséquence.
L’analyse de Spengler présente quelques limites, puisqu’elle aborde seulement le
coordonnant « donc » comme marqueur conclusif. Notre travail veut examiner d’autres
valeurs de cette notion analysée à travers les études assez approfondies. L’étude d’Anna
Zenone (1981, p.113-139) a enrichi le coordonnant « donc » des valeurs novatrices : le donc
est désigné comme « un connecteur pragmatique » et comme un « marqueur indicatif d’acte
illocutoire ». Cet auteur (Id, p.114) présente la structure suivante de donc : q donc p pour
justifier que « donc est un marqueur, car il met en relation deux actes » et décrit les cinq
usages de donc : marqueur conclusif ; marqueur de reprise ; marqueur discursif, marqueur
argumentatif et marqueur métadiscursif.
La structure du coordonnant « donc » se focalise sur le raisonnement inférentiel. Une telle
position est analysée dans l’étude de Carinne Rossari (1994, p.275) qui déclare : « L’emploi
de donc signale l’établissement d’une relation d’implicitation basée sur la convocation d’un
raisonnement inférentiel ». Le raisonnement inférentiel de donc est expliqué dans les travaux
d’Anne Ferrari et de Corinne Rossari (1994, p.15). Selon eux, le raisonnement inférentiel est
une technique déductive. De plus, ces auteurs (Id, p.15) avancent : « un mode de
raisonnement qui s’appuie sur A1 pour aboutir à une conclusion A2, laquelle représente la
suite, le résultat, l’effet, bref la conséquence ». Cette analyse a repris une interprétation
donnée par Patrick Charaudeau (1992, p.790) dans laquelle il écrivait : « La conséquence,
cette opération s’inscrit également dans une argumentative de causalité explicative ou
implicative. Elle est exprimée par A1 donc (de sorte que) A2 ».
L’étude du coordonnant « donc » est approfondie dans l’analyse Gemma Delgar Farrès
(2000, p.373-382). Cet auteur présente d’abord les trois orientations linguistiques de donc à
savoir : la conjonction de coordination pour marquer la conséquence ou la conclusion ;
l’adverbe pour traduire le rôle des valeurs déictiques ou anaphoriques ; une particule pour
exprimer une réaction affective ou expressive. Ensuite, il a développé les valeurs discursives
de « donc » comme : « prise de parole », « demande d’information », « relance du
développement argumentatif », « expression du refus », « réplique », opposition » ;
« invitation à l’action », « interdiction » ; « expression d’étonnement », « surprise »,
« indignation » ; « marque de réaffirmation » et valeur de « réprobation ». Enfin, il décrit
statistiquement les valeurs argumentatives de donc : « valeur oppositive », « valeur
conclusive », « valeur explicative-justificative », « valeur hypothétique », « valeur de
reformulation » et « valeur conclusive ». Une autre étude inscrit l’interprétation de donc dans
une perspective communicationnelle et pragmatique dans laquelle ce connecteur représente
les traces construites et encodées par le locuteur et qu’il est aussi un indice du décodage et de
l’interprétation de l’allocutaire. C’est là le fondement de l’hypothèse que propose Catherine
Chanet (2001, pp.45-55) pour analyser le connecteur « donc » :
« Mon hypothèse, que je voudrais maintenant illustrer par des exemples concernant donc et alors,
est que les connecteurs et les particules font partie de ces traces/indices, et constituent donc des
opérateurs qui tendent à construire une représentation cognitive commune pour modifier les
représentations individuelles des interactants ».
Dans ses analyses, Roland Eluerd (2008, p.152.) donne au coordonnant « donc » deux
fonctions sémantiques : « Donc exprime : - une conséquence (...) ou une conclusion ; -
Comme une unité pragmatique du dialogue, donc est un adverbe et souligne le propos ».Par
ailleurs, Martin Riegel et les autres (2009, p.880) considèrent que donc fonctionne comme un
adverbe et non comme un coordonnant : « Par son comportement syntaxique et notamment
par sa mobilité, le coordonnant donc appartient de plein droit à la classe des adverbes de

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Expression de modalités énonciatives comme introductrices des emplois de donc chez Francis Bebey

relation et non à celle des conjonctions de coordination où on le range traditionnellement ».


Catherine Bolly et Liesbeth Degand (2009, pp.1-32) ont fait une synthèse sur les études
consacrées au coordonnant « donc » comme marqueur discursif en français oral et en français
écrit et concluent que donc a « un statut plurifonctionnel », parce qu’il remplit la fonction
syntactico-sémantique en marquant la conséquence, la fonction discursive et la fonction de
ponctuant du discours. De plus, la fonction discursive, selon eux, peut marquer : une
« répétition à orientation conclusive » ; une « reformulation » et une « explicitation », une
« transition participative » et une « structuration conceptuelle ». Astrid Nome et Marianne
Hobæk Haff (2011, p.47-67) attribuent au coordonnant « donc » deux fonctions principales :
connecteur et marqueur discursif et écrivent :
« En ce qui concerne les linguistes, ils distinguent plus ou moins entre deux emplois fondamentaux
de donc : connecteur et marqueur discursif. Dans la première catégorie sont généralement classés
les termes qui explicitent une relation entre les énoncés (par exemple je pense, donc je suis), alors
que dans la deuxième figurent les termes qui marquent le renforcement d’une assertion, une
réaction affective ou expressive. ».
Gemma Delgar Farrés (2013, p.129-139) assigne au coordonnant « donc » trois emplois :
marque de reprise, marque discursive et marque argumentative. En synthèse, tous ces travaux
examinés présentent certaines concordances dans l’interprétation du coordonnant « donc ».
Nous les résumons en trois emplois fondamentaux. D’abord, le terme « donc » remplit une
valeur conséquentielle et conclusive. Ensuite, il est employé comme un adverbe de relation et
remplit des fonctions discursives. Enfin, il est analysé comme une particule. En adhérant à ces
travaux, nous voulons présenter une description des structures du coordonnant « donc » et ses
variations stylistiques dans le langage littéraire de Francis Bebey. Il est utile d’examiner le
corpus servant d’illustration des variations stylistiques de donc dans les romans de cet auteur.

2.Corpus et statistique de donc


Les énoncés des emplois de « donc » sont recueillis dans Le fils d’Agatha Maudio (1967)
représenté par le sigle LAM et La Poupée Ashanti (1973), par le sigle LPA dans nos
analyses. Ces romans sont de Francis Bebey, auteur camerounais, journaliste, musicien et
écrivain. Son langage littéraire est riche pour examiner le procédé grammatical du
coordonnant « donc ». Par ailleurs, nous avons répertorié cent vingt-deux (122) occurrences
de donc dans Le fils d’Agatha Maudio et cent trois (103) occurrences de donc dans La Poupée
Ashanti. Ces romans nous ont permis de constituer le corpus de donc employé dans les
procédés interrogatifs, injonctif, assertif et dans la subordonnée complétive. Dans cette
perspective, il est intéressant de représenter statistiquement la fréquence des occurrences de
donc. Cela nous permet d’appliquer la méthode de la statistique linguistique de Charles
Muller (1992, p.11) : « on peut considérer un texte comme une population de phrases, ou de
mots ou de phonèmes ». Selon lui, la population peut représenter l’ensemble de phrases ou de
mots d’un texte et l’individu, chacune de ces phrases et de ces mots. Ainsi, nous considérons
la population comme l’ensemble d’occurrences de donc identifiable par le nombre total des
pages du roman et par le nombre total des mots du roman. L’individu représente le
coordonnant « donc » étudié en fonction de l’effectif total des pages et des mots du romans.
Notre objectif est de représenter le statistique de donc dans l’ensemble de pages, de mots des
deux romans de Francis Bebey.

2.1. Statistique de donc par l’effectif total des pages textuelles


Les statistiques de donc sont repartis de la manière suivante dans nos deux corpus. Le
premier corpus tiré de LAM compte, comme population, 123 pages et 122 occurrences de
donc réalisées par le logiciel Lexico 3 (Outils de statistique textuelle conçu par Cédric

Revue de l’ILA Cahiers Ivoiriens de Recherche Linguistique (C.I.R.L.) 15


A. ELONGO

Lamalle). La fréquence en pourcentage par page est 99, 18 % soit il y a une probabilité de
retrouver une occurrence de donc sur chaque page du roman. Le second roman contient une
population de 62930 mots et 103 occurrences de donc. Sa fréquence est en pourcentage est de
46, 60 %. L’écart entre les deux corpus est de 52,58 %. Il est intéressant de représenter les
emplois de donc et les procédés grammaticaux comme interrogation, injonction, complétive et
assertion dans un histogramme. Pour LAM, les occurrences sont les suivantes : procédé
interrogatif (60/123), procédé injonctif (19/123), procédé de la complétive (19/123) et procédé
assertif (20/123). Dans le corpus de LPA, il y a : procédé interrogatif (58/221), procédé
injonctif (13/221), procédé de la complétive (15/221) et procédé assertif (17/221).

Histogramme n° 1 : Fréquence de donc par l’ensemble de pages

Cette représentation en pourcentage permet de comprendre les emplois de donc chez Francis
Bebey. Elle nous montre qu’il y a la possibilité assez fréquente de retrouver une occurrence
de donc à travers le procédé interrogatif, le procédé injonctif, le procédé de la complétive et le
procédé assertif et d’établir les écarts entre les deux corpus selon ce tableau :
Tableau n°1 : Ecart de donc entre LAM et LPA
Procédés Fréquence % de Fréquence de % de Ecart en %
grammaticaux LAM LPA
Interrogatif 48,8% 26, 24 % 22,54 %
Injonctif 15, 44 % 5,88% 9,56%
Complétive 15,44% 6, 88 % 8,66 %
Assertif 16, 26 % 9,04 % 7, 22 %
E (%)= F(LAM)- F(LPA)
Ce tableau montre que les écarts de donc avec les procédés grammaticaux sont faibles à
travers les deux corpus. Selon ces résultats, on peut conclure que l’usage des procédés
grammaticaux avec le coordonnant « donc » justifie un trait de la subjectivité énonciative
chez Francis Bebey, puisque ces procédés sont employés couramment dans les deux corpus
avec le même connecteur logique.
2.2. Statistique de donc par l’effectif total des mots textuels
Une autre lecture des occurrences de donc peut se réaliser par l’effectif total des mots
employés dans les deux romans de cet auteur. Ainsi, le corpus de LAM nous donne cette
répartition de donc : 122 (donc) /54734 (mots) soit pour un pourcentage de 0, 22 %. Par
ailleurs, le corpus de LPA nous offre cette répartition : 103(donc)/ 62930 (mots) soit pour un
pourcentage de 016 %. L’écart fréquentiel entre les deux romans est de 0,06 %. Aussi la
représentation des procédés permet-elle d’évaluer la valeur pragmatique de l’emploi de donc
chez Francis Bebey selon cet histogramme :

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Expression de modalités énonciatives comme introductrices des emplois de donc chez Francis Bebey

Histogramme n° 2 : Fréquence de donc par l’ensemble des mots

Cette représentation montre que les emplois de donc avec les modalités énonciatives ont une
fréquence jugée faible calculée en fonction du nombre total des mots des deux romans par rapports
à d’autres catégories grammaticales comme les articles et les prépositions. Cette fréquence faible de
donc est analysé comme un fait pertinent, parce qu’il permet d’étudier des usages énonciatifs et
pragmatiques des modalités phrastiques chez Francis Bebey et qu’il aide à calculer les écarts de
fréquence entre ces deux romans à partir de ce tableau :

Tableau n°2 : Ecart de donc entre LAM et LPA


Procédés Fréquence % de Fréquence de % de Ecart en %
grammaticaux LAM LPA
Interrogatif 0,109% 0, 092 % 0,17 %
Injonctif 0, 034 % 0,020% 0,14%
Complétive 0,034% 0, 023 % 0,011 %
Assertif 0, 36 % 0,031 % 0, 005 %
E (%)= F(LAM)- F(LPA)
Les écarts de fréquence entre les modalités sont faibles dans le corpus de LAM et celui de LPA.
Cela prouve que les emplois de donc dépendent de la structure de la complétive et des modalités
énonciatives : interrogative, injonctive, assertive. Ils définissent les particularités stylistiques des
usages de donc chez Francis Bebey par rapport à d’autres romanciers africains. Par exemple, on
remarque les emplois subjectifs de donc chez comme Ahamadou Kourouma, surtout dans son roman
En attendant le vote des bêtes sauvages (1998) dans lequel il y a 53 occurrences reparties dans
l’effectif total de 381 pages à travers les techniques discursives du présentatif « c’est/c’était /ce fut » et
de l’assertion conclusive avec le verbe existentiel « être ». En conséquence, les modalités
interrogatives, injonctives et assertives définissent les usages de donc étudiés dans les deux romans de
Francis Bebey.

3. Expression injonctive et emploi discursif de « donc »


L’expression injonctive exprime une valeur illocutoire de l’ordre ou de la demande. Selon
Florentina Zamana (2005, p.370), elle marque « l'ordre, la demande, la prière, la supplication,
la suggestion, l'exhortation, la menace, l'avertissement » grâce aux modalités grammaticale de
l'impératif, de subjonctif, de l'indicatif présent et futur, du conditionnel, du futur
périphrastique. Pour Anna Zenone (181, p120), le donc a une valeur illocutoire dans une
modalité injonctive, parce qu’il renforce la valeur pragmatique de l’ordre et du conseil adressé
à l’interlocuteur et il dépend de l’antécédent argumentatif de l’énoncé antérieur et marque une
valeur discursive. Notre représentation statistique a montré que le coordonnant « donc »
s’emploie fréquemment dans une modalité injonctive à travers l’écriture de Francis Bebey.
Ainsi, on compte 19 occurrences à travers LAM et 13 occurrences dans LPA. Ce marqueur
discursif est considéré comme une technique stylistique de son style. Sa valeur principale

Revue de l’ILA Cahiers Ivoiriens de Recherche Linguistique (C.I.R.L.) 17


A. ELONGO

n’est pas la conclusion, mais une fonction incitative. Ainsi, notre but est d’expliquer que le
discursif « donc » suggère une valeur de renforcement, de confirmation et de validation avec
les verbes déclaratifs, les verbes de mouvement et les verbes visuels au mode injonctif.

3.1. Verbe d’opinion + donc


Le marqueur « donc » exprime une particularité stylistique de Francis Bebey, parce qu’il
emploie le connecteur discursif « donc » dans le procédé de l’injonction avec les valeurs
d’incitation et de renforcement. Selon Anna Zenone (Id, p.119), l’emploi de donc marque un
acte interactif identifiable aux procédés de l’injonction et du dialogue. On le retrouve chez
Francis Bebey à travers les dialogues de ses personnages. De plus, cet auteur fidélise son
style par des verbes d’opinion comme penser, dire et songer. Employé avec ces verbes à la
modalité injonctive ou au mode impératif, le discursif « donc » produit les effets stylistiques
d’insistance, de confirmation et de validation. En effet, il donne au verbe d’opinion une valeur
motivante, comme l’indiquent ces exemples :

(1) Disons-nous donc que demain matin, nous marchons sur le Parlement ? (LPA,)
(2) Pensez donc, leurs pareils n’étaient-ils pas employés dans les bureaux de l’administration
centrale ou dans des entreprises privées ? (LPA, p.125)
(3) dis-moi donc ce qui s’est passé lorsque Spio est venu ici hier soir (LPA, p.183).
(4) Songez donc que [...] ces trois dames n’avaient jamais pu donner d’enfant. (LAM, p.103).

Ces énoncés soulignent la valeur incitative du discursif « donc » dans le procédé injonctif,
du fait que ce connecteur discursif et interactif marque une valeur illocutoire de suggestion et
d’exhortation et qu’il renforce la valeur sémantique du verbe déclaratif. On peut identifier
deux valeurs d’insistance : la confirmation et la validation attendue par le locuteur envers son
allocutaire dans le processus du dialogue. Aussi est-il possible de noter que le marqueur
« donc » peut remplir, dans le procédé injonctif, une valeur réflexive. En conséquence, la
technique injonctive employée avec le marqueur « donc » devient un mode de la motivation et
un indice caractérisant du langage, car, Francis Bebey l’utilise pour marquer une intention
communicationnelle par le choix d’un procédé stylistique, la technique de l’injonction de la
phrase impérative.

3.2. Verbe de mouvement + donc


Le coordonnant « donc » est varié dans le style de Francis Bebey. Prise comme un procédé
idiolectal, la modalité injonctive traduit une fonction incitative de marqueur « donc » avec les
verbes de mouvement dans le langage de cet auteur. Ainsi, ce dernier emploie la valeur
incitative de donc avec les verbes de mouvement comme venir et aller pour esthétiser les
dialogues entre ses personnages, c’est ce qu’illustrent ces énoncés :

(1) Venez, venez donc voir celui-là. (LPA, p.13)


(2) Hullo, Thomson ! Venez donc avec nous si vous êtes seul ? (LPA, p.155)
(3) Quelle question ! Allons donc, ma fille » (LPA, p.181)

Une particularité stylistique vient, dans ces exemples, de l’emploi du coordonnant « donc »
avec les verbes de mouvement à la modalité injonctive. Dans cette modalité, le discursif
« donc » garde toujours la valeur incitative, mais, il produit des nuances stylistiques avec
l’usage des verbes de mouvement comme : une invitation d’insistance, une valeur expressive
et une valeur décisionnelle dans l’exemple (3). En gros, technique caractérisante du style de
Francis Bebey, le coordonnant « donc » reste un marqueur introducteur du procédé injonctif

18 n°42 1 Décembre 20171 11-27


Expression de modalités énonciatives comme introductrices des emplois de donc chez Francis Bebey

pour accentuer la conversation actionnelle entre deux personnages du roman ou entre le


locuteur et l’allocutaire.

3.3. Verbes visuels + donc


Les verbes visuels et le coordonnant « donc » forment la structure de la modalité injonctive
dans le style de Francis Bebey. Employé dans une structure des verbes visuels et dans une
phrase injonctive, le marqueur « donc » traduit une incitation forte, intentionnelle et réflexive
dans ces exemples :

(4) Ma fille, vois donc les choses en face (LPA, p.28).


(5) Voyez donc : qui eut pu penser un instant que le médecin principal du service de chirurgie où
avait été admise Edna serait un certain docteur Bunefo ? (LPA, p.105).
(6) Regarde donc, tout ce que tu m’as donné, tu me l’enlèves soudain, (LPA, p.50).

Le coordonnant « donc » remplit, dans ces énoncés, une valeur actionnelle de renforcement
et il renchérit l’argument du locuteur pour que l’allocutaire modifie son opinion et l’accepte.
En conséquence, le coordonnant « donc » et le procédé injonctif sont considérés comme une
variation stylistique dans le langage de Francis Bebey. Cette variation de donc est structurelle,
parce que ses places syntaxiques forment un symptôme stylistique avec la structure de la
phrase impérative, de la phrase interrogative et de la complétive.

4. Expression interrogative et emploi perlocutoire de donc


L’expression de l’interrogation est expliquée comme un acte illocutoire et un acte
perlocutoire, puisqu’elle marque une fonction conative et qu’elle pousse l’interlocuteur à
répondre au propos de son locuteur. Elle est associée à donc, selon Anna Zenone (Id, p.129),
pour marquer « une demande de confirmation ». Avec ce procédé interrogatif, le coordonnant
« donc » a une valeur confirmative et crée une variation syntaxique avec les pronoms
interrogatifs comme : qui, pourquoi et que. Ces mots interrogatifs sont analysés comme un
trait subjectif du style de Francis Bebey, parce qu’il emploie couramment le marqueur
« donc » avec les coordonnant « mais » et « et » et car et qu’il l’inscrit dans deux techniques
stylistiques : le registre familier et le registre courant. Aussi est-il fondamental de considérer
l’emploi de donc avec l’expression interrogative comme introducteur des confirmatives et
perlocutoires ou introducteur de la reprise dialogique.

4.1. Expression interrogative « mais que » et « mais pourquoi » + donc


Un emploi stylistique de « donc », observable dans le style de Francis Bebey, porte sur les
interrogatifs « que/qui » et les coordonnants « mais » et « et ». Ainsi, nous examinons trois
structures alternatives et variationnelle de « donc » avec le coordonnant « mais », le discursif
« et » et le pronom interrogatif composé. Le marqueur « donc » est employé selon cette
structure phrastique : mais+ que + donc. Cet emploi de « donc » marque une valeur de reprise ou de
confirmation et exprime une valeur anaphorique dans le cas de ces énoncés :
A- Structure de : mais+ que+ donc
(7) Mais qu’ont-ils donc décidé à mon sujet ? (LAM, p.51)
(8) Mais qu’avaient-ils donc fait, pour être ainsi condamnés ? (LAM, p.140)
(9) Mais que diable faisait-elle donc là ? Tiens, Agatha, fit Dooh. (LAM, p.127)
(10) Mais, dis-moi : qu’ont-ils donc fait, nos ancêtres ? (LAM, p.140)

Le marqueur discursif « donc » forme une structure caractérisante avec deux notions : le
coordonnant « mais » et le mot interrogatif « que ». Le premier exprime une valeur
emphatique et le second est introducteur de la question. De plus, la triple relation de « mais »,

Revue de l’ILA Cahiers Ivoiriens de Recherche Linguistique (C.I.R.L.) 19


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de « que interrogatif » et de « donc » peut créer plusieurs effets stylistiques que l’allocutaire
doit décoder pour lire les motivations et les intentions du locuteurs. Ces effets de « mais »
ajoutent une émotion de plainte et d’indignation à la valeur de reprise marquée par le
connecteur « donc ». Ils véhiculent une technique de l’écriture orale par l’emploi antéposé du
coordonnant « mais » et par l’abus des appositions. Ces techniques de style deviennent un
trait discursif du discours écrit chez Francis Bebey , car , elles sont aperçue comme un écarts
stylistique par rapport à la norme parisienne, celle-ci est fondée sur le bon usage et elle
repose , selon Françoise Gadet (2007, 30), sur « le purisme , avec les thèmes de génie de
langue, pureté, logique et esthétique ». Pour Claude Vargas (1996, p.91), Paris est le « siège
de la norme dominante » ou du bon usage par rapport aux usages standards acceptés par les
locuteurs francophones.
La technique dialogique et orale de donc est actualisée chez Francis Bebey, parce qu’il
l’adopte dans l’emploi de l’interrogation : mais+ pourquoi+ donc. Les exemples suivants
soulignent une variété stylistique avec la structure précédente que nous venons d’examiner :
B- Structure de mais+ pourquoi+ donc
(11) « Mais pourquoi donc, avais-je demandé à Maa Médi, (LAM, p.112).
(12) Mais pourquoi donc n’étaient-il pas noirs, eux aussi ? (LAM, p.12)
(13) Mais, pourquoi donc me punis-tu, Seigneur ? (p.50).
(14) « Mais quand donc vivrai-je le présent complet ? » (LAM, p.172).
(15) Fanny ... Fanny... Fanny, mais où est-elle donc ? (LAM, p.112).

La spécificité stylistique de « donc » marque, dans ces énoncés, une fonction discursive de
renforcer un fait évoqué dans une situation antérieure. Dans un tel contexte, le marqueur
discursif « donc » magnifie le style du monologue par lequel le locuteur exprime son émotion
du mécontentement, d’impatience et d’indignation.

4.2. Expressions interrogatives « et que » / et qui + donc


Outre cela, Francis Bebey produit une variété stylistique avec le coordonnant « et » selon
cette structure : et+ que+ verbe+ donc ou et + pourquoi + verbe. Cette structure du
marqueur « donc » dénote une relation d’affirmation pour le locuteur et de confirmation
auprès de l’allocutaire. Nous pouvons l’illustrer à travers ces exemples :

(1) Et que crois-tu donc ? (LPA, p.8)


(2) Et que voulais-tu donc d'elle ? (LPA, p.23)
(3) Et que croyez-vous donc ? (LAM, p.56)
(4) Et pourquoi donc ? Parce que tu as eu l'occasion de nous voir ensemble souvent ? (LPA, p.161).
(5) Tu dis ça, et pourquoi donc suis-je incapable d'écrire ? (LPA, p.127).

Dans une phrase interrogative, le marqueur discursif « donc » peut répondre à une structure
de cause à effet ou une structure d’affirmation à la confirmation. Toutefois, cette affirmation
est exprimée sous forme d’une question et la réponse représente une confirmation. Par
ailleurs, l’usage de deux marqueurs « et /donc » peut traduire une innovation langagière dans
l’écriture de Francis Bebey qui actualise et transpose le style oral dans la langue écrite. Cette
technique stylistique demeure une expression de la caractérisation discursive dans ses romans.
Cet auteur réussit aussi à varier son style par le changement du mot interrogatif selon cette
syntaxe : et + qui+ donc+ verbe ou et+ préposition+ qui+ donc.

(6) Et qui donc va se charger de l'envisager sérieusement pour vous ? (LPA, p.112)
(7) Et qui au monde aurait donc pu la leur faire perdre ? (LAM, p.59).
(8) Le moteur qui est mort ? Et qui donc l'a tué ? (LPA, p.175)
(9) Et à qui appartient-elle donc ? (LAM, p.93).

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Expression de modalités énonciatives comme introductrices des emplois de donc chez Francis Bebey

(10) Car qui donc connaît Amiofi ? (LPA, p.70)


(11) Et avec qui donc ? – Oh, sûrement pas avec Agatha Moudio. (LAM, p. 47).
(12) Et faire des infidélités à Fanny, avec qui donc ? Avec Agatha ? (LAM, p.123)
(13) A qui donc ? Aurais-tu un projet que tu me caches ? (LPA, p.27)
(14) Le bonheur !... le bonheur, mais pour qui donc ? Pour Spio seul ? (LPA, p.184).

En examinant ces exemples, on peut étudier l’emploi discursif de donc avec le coordonnant
« et » et le mot interrogatif « qui ». Cette pratique stylistique traduit la valeur emphatique du
marqueur « donc » pour actualiser la modalité interrogative. Par ailleurs, le coordonnant
« donc » ne remplit pas une fonction conclusive de coordonner deux moments d’une
argumentation, mais il marque la fonction emphatique et celle de renforcer le sujet de
dialogue ou de la conversation. Ainsi, le marqueur « donc » subit une évolution sémantique,
du fait qu’il remplit plusieurs nuances sémantiques selon les contextes d’usage.

4.3. Expression familière et courante de l’interrogation + donc


L’emploi de donc a une valeur dialogique de confirmation, lorsqu’il actualise l’expression
des registres familiers et courants de la phrase interrogative. Ainsi, notre objectif est
d’examiner le registre familier et le registre courant de la modalité interrogative, employés
avec le coordonnant « donc ». Premièrement, le registre familier de la modalité interrogative
est caractérisé par le manque de l’inversion du sujet et par l’usage non conséquentiel de donc.
Dans cette perspective, on identifie deux techniques stylistiques du coordonnant « donc »
avec le procédé du registre familier de l’interrogation : la phrase interro-affirmative et la
phrase interrogative sans verbe. L’un des procédés de l’actualisation de donc est la phrase
interro-affirmative, classée comme un registre familier de la modalité interrogative, comme le
montrent ces énoncés :
(15) Tu ne connais donc pas l’histoire ancienne ? » (LAM, p.140)
(16) Tu ne comprends donc pas ce que je dis ? » (LAM, p.140)
(17) Tu ne comprends donc pas ma façon de parler ? (LAM, p.142).
(18) Tu vois donc ? (LAM, p.88)
(19) Et vous n’allez donc pas me mettre au courant ? » (LAM, p.49).
(20) Voilà encore autre chose : Fanny était donc déjà fiancée ? (LAM, p.70).

Ces énoncés montrent que le coordonnant « donc » marque une valeur dialogique, une
fonction de confirmation ou une réplique conclusive face au propos d’un énoncé antérieur et
face à la découverte d’une vérité cachée (dans l’exemple 20). L’emploi de donc permet de
caractériser l’emploi familier de la modalité interrogative comme activateur des valeurs
illocutoires de la méditation et de la fonction conative et il valorise le dialogue et la
conversation entre deux personnages. Ainsi, l’auteur valorise le registre familier de la
structure énonciative de « donc » décomposable du système interro-affirmatif. Cet usage
permet de représenter la variation langagière d’une classe sociale dans laquelle le jeu de la
communication est axé sur la fonction référentielle. Cela prouve que les locuteurs ne
condamnent ni les écarts ni les déviations de la langue et que la norme du bon usage n’est pas
une exigence, ni un devoir, ni une marque distinctive de ce groupe social. Ces locuteurs
ignorent deux normes du langage standard : l’interrogation s’emploie avec la technique de
l’inversion du sujet ; le coordonnant « donc » marque une conclusion ou une conséquence. En
gros, l’absence de l’inversion et la valeur confirmative du coordonnant « donc » constituent
une variété stylistique du registre familier de la modalité interrogative, lorsqu’on lit les
romans de Francis Bebey formant notre corpus. Cet auteur n’inscrit pas son style sur le
respect des canons esthétiques du bon usage. Cela traduit que son style garde toujours une
valeur intransitive, parce qu’il ne l’assujettit pas à une norme fixe. Ce romancier accomplit

Revue de l’ILA Cahiers Ivoiriens de Recherche Linguistique (C.I.R.L.) 21


A. ELONGO

sans cesse le travail d’actualiser les usages de l’interrogation condamnés par les puristes de la
langue française. En plus, on retrouve également une valeur emphatique de donc employée
dans une interrogation familière sans verbe ou avec l’infinitif, c’est ce que soulignent ces
phrases interrogatives :

(21) Je me reposerai. Pourquoi donc ? (LAM, p.83).


(22) Si tu l’aimes, pourquoi donc ne pas l’épouser ? (LAM, p.127).
(23) Ah ? pourquoi donc ? (LPA, p.141).
(24) ... Apprenait quoi donc ? (LPA, p.41).
Le coordonnant « donc » a une valeur dialogique et emphatique de renforcer une fonction
conative de l’interrogation familière dans ces énoncés et il peut souligner la fonction phatique
pour maintenir la conversation entre deux personnages ou entre le locuteur et l’allocutaire.
Une autre caractéristique de ces énoncés se fonde sur la phrase averbale et interrogative : deux
mots constituent les éléments fondamentaux de la structure interrogative, il s’agit du mot
interrogatif « pourquoi » et du coordonnant « donc ». Ce dernier ne joue plus la fonction de
marquer une conclusion entre deux arguments, mais, il remplit une valeur discursive de
renforcer l’expressivité de l’émotion ou du sentiment. En conséquence, le registre familier de
la phrase interrogative est être qualifié de novateur dans le style littéraire, car, ce style
esthétique est souvent l’apanage du bon usage, se fonde sur le niveau soutenu de la langue et
il exclut toutes formes d’impropriétés face à la norme de l’interrogation. Mais, on note
l’insertion volontaire du registre familier de la modalité interrogative, parce que le romancier
emploie librement les usages bannis par la bonne variété du procédé interrogatif devant les
emplois du coordonnant « donc » et du mot « pourquoi ».
Deuxièmement, le coordonnant « donc » exprime une variation stylistique du registre
courant, il actualise également la modalité énonciative de la phrase interrogative. Ainsi,
l’auteur choisit cette variété pour montrer que celle-ci est un trait évocateur d’un groupe
social. Dans ce but, nous analysons deux techniques stylistiques du coordonnant « donc »
associées à la modalité interrogative : le registre courant avec l’interrogatif « où » et le
registre courant du morphème interrogatif « qu’est-ce que ». L’interrogatif « où », employé
avec le coordonnant « donc », crée un fait stylistique, car, la modalité interrogative représente
une variété discursive d’une classe sociale, certainement, celle de l’administration dans
laquelle chaque locuteur a le devoir d’appliquer la norme du français standard et qu’il doit
bannir les écarts de langue condamnés par les puristes et choisir le bon usage parmi les
variétés possibles de la phrase interrogative. Ces exemples suivants illustrent le choix du
registre standard de la modalité interrogative et permettent de constater que chaque mode
d’expression est l’indicateur de la classe et de la profession des personnages :

(25) Mais où est donc l'argent qu'il m'aurait donné pour ce peigne ? (LPA, p.14)
(26) où donc irais-je vivre si en plus tu y mettais la science des Blancs ? (LPA, p.27).
(27) où as-tu donc la tête, ma pauvre amie ? (LPA, p.50).
(28) Mais où est donc l'argent qu'il m'aurait donné pour ce peigne ? (LPA, p.14)
Ces interrogations standards et l’emploi de donc engendrent une valeur confirmative et
des effets perlocutoires de l’émotion et des reproches auprès de l’interlocuteur et ils
soulignent une variété du registre courant par rapport au niveau soutenu de la langue, parce
que les formulations du registre soutenu mobilisent souvent plusieurs paramètres énonciatifs
axés sur l’originalité structurale, sémantique et lexicale de la phrase, comme l’indique cet
énoncé :
(29) Croient-ils donc que nous avons tant travaillé pour voir ensuite notre prestige traîné dans la
bouc ignoble d'une sale prison étrangère ? (LPA, p.195).

22 n°42 1 Décembre 20171 11-27


Expression de modalités énonciatives comme introductrices des emplois de donc chez Francis Bebey

Par contre, la modalité de l’interrogation standard montre que l’emploi de donc peut
marquer le sentiment de nervosité, de la colère, d’indignation ou celui de la plainte avec
reproche. Toutefois, dans ce contexte, le coordonnant « donc » peut remplir une valeur
d’ironie, parce que le personnage constate le mensonge de son ami et qu’il se sert de
l’interrogatif « où » et de coordonnant « donc » pour le ridiculiser.
Aussi l’interrogatif « qu’est-ce que » est-il sollicité pour créer une variation stylistique
dans l’usage du coordonnant « donc ».
(30) « Qu’est-ce qu’elle a, mais qu’est-ce qu’elle a donc ? » (LAM, p.162)
(31) Qu'est-ce que tu croyais donc ? (LPA, p.42)
(32) Qu'est-ce que c'est donc encore, cette histoire de voiture ? (LPA, p.208).
(33) Qu'est-ce que tu as donc, Edna ? (LPA, p.110)
(34) Qu'est-ce que tu croyais donc ? (LPA, p.42)
Le coordonnant « donc » marque une valeur de la confirmation argumentative, lorsqu’il est
employé dans une variation stylistique du morphème interrogatif « qu’est-ce que » dans le
style de Francis Bebey. Une autre variation stylistique de donc est identifiable dans la
construction de la complétive.
5. Expression assertive de la phrase complexe et emplois de donc
Le coordonnant « donc » est employé dans une phrase complexe faite de la principale et de
la subordonnée complétive. Ainsi, la principale est considérée comme marqueur de la
modalité assertive. Faisant partie de la principale, la valeur de reprise conclusive de donc
modifie la sémantique de la complétive écrite par Francis Bebey. Ainsi, notre but est
d’examiner trois usages de donc avec le verbe de la principale introductrice de la complétive,
il s’agit des structures syntaxiques suivantes : le verbe d’opinion + donc+ complétive ; le
verbe de croyance + donc + complétive ; le verbe de savoir + donc + complétive. Ces
structures mettent en relief les valeurs conclusives, confirmatives et argumentatives.

5.1. Verbe d’opinion+ donc+ complétive


Le coordonnant « donc » marque une fonction conclusive, quand il est employé avec le
verbe d’opinion perçu comme introducteur de la complétive. Ce coordonnant actualise
l’opinion permettant d’introduire l’information de la complétive. Il forme cette structure :
verbe d’opinion + donc actualisateur + réalité de la complétive. Par exemple, le verbe
« pense » est actualisé par le coordonnant « donc » pour certifier l’information de la
complétive. Le donc actualisateur modifie le verbe d’opinion de la proposition principale,
introductrice de la complétive. Il a une valeur conclusive, s’il dépend de l’argument de
l’énoncé antécédent, c’est l’évidence qu’on retrouve à travers cet emploi :

(35) « Ils n’ont jamais rien fait pour moi, m’avait-elle dit, je pense donc que mon mariage ne les
regarde pas » (LAM, p.7).
Cette assertion déclarative marque une conclusion par l’emploi donc conséquentiel. Celui-
ci relie l’argument précédent avec le second argument. De plus, la valeur assertive peut
introduire un emploi confirmatif de donc, comme le traduit cet exemple :
(36) Je dis donc que tout nous tombe à merveille. (LAM, p.65).
Ici, l’emploi de donc a une valeur confirmative et conséquentielle, du fait que cette
conclusion a un rapport avec le contexte narratif et dialogique de la phrase précédente. Il est
possible que l’usage de donc marquer une reprise conclusive signalant le lien avec
l’information développée par l’énoncé antérieur, utile pour aboutir à une décision conclusive.
Aussi, l’emploi de donc a une valeur de reprise dialogique, comme signale cette phrase :

Revue de l’ILA Cahiers Ivoiriens de Recherche Linguistique (C.I.R.L.) 23


A. ELONGO

(37) « Il se contenta donc de poursuivre son histoire : Je disais donc que la nouvelle de
l'emprisonnement des musiciens ghanéens était parvenue à une femme, une Ghanéenne vivant
en Haute-Volta depuis de longues, longues années, semble-t-il, mais qui n'habitait pas à
Ouagadougou même » (LPA, p.198).

Cet emploi de donc marque une valeur de reprise conclusive, car, le locuteur reprend le
dialogue avec son interlocuteur et la narration de son récit. L’usage de donc exprime, dans ce
contexte pragmatique, une fonction phatique pour poursuivre le récit et capter l’attention de
son interlocuteur. Il peut souligner la recherche d’une confirmation envers un allocutaire dans
le processus dialogique :

(38) Je dois donc dire que tu me prenais, toi, pour une esclave ? (LAM, p.146).
Cet énoncé enseigne que l’emploi de donc introduit une valeur illocutoire de confirmation
et une fonction perlocutoire de réaction suscitée par l’interlocuteur. En conséquence, le verbe
d’opinion employé conjointement avec le coordonnant « donc » exprime une technique de
subjectivité, car, l’auteur n’adopte pas, dans son style, le donc argumentatif et narratif. Ce
dernier reste dominé par les procédés du discours dialogique.

5.2. Verbe de croyance +donc + complétive


Le coordonnant « donc » peut actualiser un verbe de croyance introducteur de la
complétive. Dans ce but, nous examinons le concordant « donc » dans deux variations
stylistiques : a) verbe de croyance + complétive + être + donc et b) verbe de croyance + donc
+ complétive. A cet égard, le verbe de croyance introduit une complétive dans laquelle le
coordonnant « donc » sert comme marqueur conclusif d’une affirmation :

(39) Tu crois qu’elle est donc aussi sale que ta figure ? (LAM, p174).

Le verbe de croyance de la principale fonctionne comme le premier argument et la


complétive comme un argument de conclusion. Celle-ci peut apparaître comme partielle en
raison de l’usage de l’interrogation dans la structure de la complétive. Aussi, le verbe de
croyance est considéré ici comme le premier argument. Dans ce contexte discursif, le donc de
la complétive devient comme un argument de la confirmation ou de la conclusion. Ce
connecteur exprime un jugement du locuteur. En gros, le donc discursif est une variation
stylistique du langage dans les romans de Francis Bebey. On trouve également un autre
emploi stylistique de donc dans la structure syntaxique de la proposition principale selon cette
structure : verbe de croyance + donc + complétive. L’exemple suivant nous permet
d’examiner le phénomène stylistique de donc avec le verbe de croyance :

(40) Tu crois donc que j'ai raison, c'est bien ce que tu veux dire ? (LPA, p.145).

Le verbe de croyance introducteur de la complétive est modifié sémantiquement par


l’usage de donc discursif. Ce dernier apparaît comme un argument conclusif servant à
introduire l’argument de la complétive. Il devient une construction spécifique du style dans
l’un des romans de Francis Bebey. Dans ce but, il est intéressant d’aborder le coordonnant
« donc » avec le verbe de savoir.

5.3. Verbe de savoir +donc + complétive


On retrouve le verbe cognitif accompagné avec le coordonnant « donc » dépendant de la
proposition principale dans le style de Francis Bebey. Cet emploi de donc est marqueur de la
conclusion selon le contexte dialogique ou conversationnel entre le locuteur et le l’allocutaire

24 n°42 1 Décembre 20171 11-27


Expression de modalités énonciatives comme introductrices des emplois de donc chez Francis Bebey

ou entre deux personnages. Ainsi, le donc conclusif est introducteur de l’argument de la


complétive, comme indique cet énoncé :
(41) Tu ne savais donc pas qu'il était rentré ? - Non. (LPA, p.111).
On comprend que cet emploi de donc est conclusif et introducteur d’un nouvel argument de la
complétive. Egalement, l’usage de donc motive une valeur perlocutoire de la négation
exprimée par l’interlocuteur. Il peut introduire une confirmation de vérité véhiculé par la
complétive. C’est le cas de cet exemple :
(42) Je savais donc que cette question était réglée. (LPA, p.118).
Ces deux emplois de donc marquent une conclusion dans le contexte du dialogue, du fait
que le locuteur s’appuie sur les propos de son allocutaire pour donner une information sous
forme d’une conclusion.

Conclusion
Les emplois de donc répondent aux hypothèses de notre études, ils marquent une
subjectivité et une intention communicationnelle fondées sur les modalités énonciatives à
travers l’écriture de Francis Bebey, parce qu’ils conditionnés par les choix opérés par ce
dernier. Celui-ci l’emploie avec ces modalités pour les élire aux techniques stylistiques de son
art langagier. Ainsi, l’interprétation des modalités énonciatives nous a permis d’arriver à trois
résultats sur les emplois de donc chez cet auteur camerounais. Premièrement, l’emploi de
donc constitue un fait de style, lorsqu’il est employé avec la modalité injonctive. Ce procédé
injonctif permet au coordonnant « donc » de remplir la valeur interactive de la confirmation et
des fonctions illocutoires dictées par les verbes d’opinion, des verbes de mouvement et des
verbes visuels. Deuxièmement, l’emploi de donc marque des valeurs illocutoires et
perlocutoires, lié à la modalité interrogative des registres familier et courant. Cette modalité
interrogative nous aide à comprendre que le coordonnant « donc » remplit les valeurs
conclusive, confirmative, méditative et perlocutoire selon le contexte linguistique de la
phrase. Troisièmement, l’emploi de donc est attaché à la structure de la modalité assertive et à
la proposition principale introductrice de la subordonnée complétive et il marque les valeurs
de confirmation et de conclusion. Ces modalités énonciatives nous enseignent que les emplois
de donc sont interactifs de reprise dialogique, confirmatifs, illocutoires, conclusifs et
perlocutoires au sein de l’écriture de Francis Bebey.

Références bibliographiques

BAUBEAU-TOUCHERON, 2015, Grammaire et stylistique, Paris, Ellipses.


BOLLY Catherine, DEGAND Liesbeth, 2009, « Quelle(s) fonction(s) pour donc en français
oral ? Du connecteur conséquentiel au marqueur de structuration du discours »,
Lingvisticae Investigationes, n°32, pp.1-32.
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