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INSTITUT DE LINGUISTIQUE APPLIQUÉE
IVOIRIENS DE
RECHERCHE
LINGUISTIQUE
DIRECTEUR DE PUBLICATION :
AHOUA Firmin (UFHB, Côte d’Ivoire)
COMITE DE REDACTION
Rédacteur en chef :
KRA Kouakou Appoh Enoc (UFHB, Côte d’Ivoire)
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ISBN 0252-9386
ILA
INSTITUT DE LINGUISTIQUE APPLIQUEE
CIRL
CAHIERS IVOIRIENS DE RECHERCHE
LINGUISTIQUE
Les Cahiers Ivoiriens de Recherche Linguistique (CIRL) s’inscrivent dans les axes
fondamentaux de la réflexion contemporaine en matière de recherches linguistiques.
Depuis la création de cette revue, le choix éditorial est de publier des contributions sur des
thèmes ouverts et novateurs qui abordent des questions de langues (phonétique,
phonologie, morphologie, syntaxe, lexique, etc.), mais aussi de sociolinguistique, de
représentations, de modélisation et de sémantique.
La revue, qui se veut un espace de débat intellectuel, de mise en circulation d’idées,
contribue à la description et à la connaissance des pratiques linguistiques. Les Cahiers
Ivoiriens de Recherche Linguistique n’étant pas la revue d’un courant théorique ou d’une
école de pensée, ils accueillent des contributions qui émanent de disciplines et de théories
différentes. L’acceptation des articles est soumise à des critères tels que la lisibilité des
textes, l’explicitation des méthodes de recueil et d’analyse des données et l’intérêt des
connaissances produites au regard des débats scientifiques en Sciences du Langage.
Les contributions publiées ici abordent les questions cruciales d’ordre métathéorique,
théorique ou méthodologique qui se posent aux linguistes. L’objectif des Cahiers Ivoiriens
de Recherche Linguistique est de privilégier et vulgariser des résultats de recherches
portant sur des données empiriques et scientifiquement pertinentes.
Leur haut niveau d’exigence scientifique destine les textes publiés à être des outils de
travail et à fournir matière à réflexion aux chercheurs et aux décideurs.
Pr AHOUA Firmin
Syntaxe et sémantique des verbes juridiques :
une approche pragmatique et stylistique
ELONGO Arsène
Université Marien Ngouabi
Abstract : This article analyzes the syntax and semantics of verbs in the legal political
aera of the AU. In this context, our research aims to show that the verbs used in the
legal framework receive special discount, a semantic feature, stylistic variety and a
social and pragmatic resonance. We use a collection of basic texts of the AU, published
in a single book. Our problematic will focus on the effects identified by the recipient in
the use of verbs in legal character and look at whether the semantic and syntactic
parameters of the verbs used by the speaker keep the same direction during the
decoding of the recipient.
Introduction
Notre étude aborde ce thème : syntaxe et sémantique des verbes juridiques : une
approche pragmatique et stylistique. Notre objectif général consiste à décrire des effets
syntaxiques et sémantiques des verbes chez l’interlocuteur. Analysant les verbes du
style juridique dans le contexte de la pragmatique et de la stylistique, notre
problématique se focalise sur cette question : comment des effets produits par des
verbes juridiques sont-ils décodés par le destinataire ? Une telle question nous permet
de formuler deux hypothèses que nous vérifierons au cours de notre discussion. La
première hypothèse évaluera comment l’interlocuteur réagit à la valeur descriptive et
performative des verbes juridiques. La seconde hypothèse nous permettra à confirmer si
des verbes employés selon le contexte énonciatif du style institutionnel produisent un
seul effet stylistique accepté par les énonciateurs et les interlocuteurs. Pour répondre à
cette problématique, il n’est pas sans intérêt de présenter le corpus, approche théorique
des verbes.
La présente partie présente le corpus des verbes et les études théoriques des verbes
publiés dans les ouvrages et articles de la linguistique ou de la grammaire.
1.1 Corpus des verbes juridiques
Pour constituer le corpus des verbes juridiques, nous avons exploité le document de
l’Union Africaine pour extraire un groupe de verbes utiles à notre interprétation
pragmatique et stylistique. Ce document est intitulé : Recueil de documents clés de
L’union Africaine relatifs Aux droits de l’homme1. Nous avons restreint notre corpus des
verbes juridiques répertoriés dans Recueil de documents clés de l’Union africaine
relatifs aux droits de l’homme(2013) pour étudier des verbes performatifs, constatifs et
évocateurs (veiller, engager, assurer), des verbes de possession (avoir le droit), des
verbes de devoir, des verbes psychologiques (vouloir), des verbes déclaratifs (garantir)
et le verbe d’état ou descriptif (être). Ces verbes présentent beaucoup d’occurrences
dans les textes de l’Union Africaine et permettent de les étudier dans une perspective de
la pragmatique et de la stylistique.
Les études des verbes sont nombreuses dans les ouvrages de linguistique, de grammaire
et de la stylistique et reposent souvent sur la morphologie, la syntaxe et la sémantique
ou sur la valeur modale, la valeur aspectuelle. Pour analyser la motivation pragmatique
du prédicat verbal, nous voulons présenter brièvement un état sur des études verbes. En
effet, Walter von Wartburg et Paul Zumthor montrent : « Les grande majorité des
verbes a pour valeur propre d’exprimer un procès, c’est-à-dire la production réelle d’un
certain effet [...] Le concept du procès qu’il exprime s’actualise, en français, de six
manières différentes : selon la personne, le nombre, le mode, la voix et l’aspect »2. Ces
six éléments actualisateurs du verbe sont abordés par Michel Arrivé, Françoise Gadet et
Michel Galmiche qui déclarent : « le verbe est donc spécialisé dans l’indication des
relations entre les éléments de la réalité. Ces relations sont nécessairement inscrites dans
le temps. » 3
En pragmatique, les verbes remplissent plusieurs valeurs en rapport avec leur contexte
énonciatif et à leur utilisateur. Nous appliquons ici quatre études consacrées à la
pragmatique. Premièrement, François Latraverse précise quelques principes de la
méthode pragmatique, ces critères sont : étudier le langage dans « ses conditions dites
matérielles et dans la diversité de ses effets », « la dépendance de phrases
syntaxiquement définies par rapport à leur contexte d’emploi », « est réputée être
pragmatique ce qui dépend du contexte »9. Ici on étudiera des effets des verbes dans leur
dépendance avec le contexte d’usage et avec les intentions des usagers.
4
D. Denis et A. Sancier-Château, Grammaire du français, Paris, Librairie Générale française, 1994,
p.523.
5
P. Charaudeau, 1992 : Grammaire du sens et de l’expression, Paris, Hachette, p.35.
6
Y. Shen, 1988 : Verbes causatifs et verbes non-causatifs, Annexes des cahiers de linguistique hispanique
médiévale, n°7, p.731.
7
J. Bouchant, J. Caron, 1999 : Production des verbes mentaux et acquisition d’une théorie de l’esprit,
Enfant, t 53, n°3, p.230.
8
Christophe Bogacki, 1988 : Les verbes à arguments incorporé en français, Langages, n°89, p.12-13.
9
François Latraverse,1987 : La Pragmatique : histoire et critique, Bruxelles, Mardaga, p.29.
10
Philipe Blanchet, 1995 : La Pragmatique d’Austin à Goffman, Paris, Bertrand Lacoste, p.33-34.
Les verbes « veiller », « s’engager » et « assurer » sont considérés comme des verbes
opérateurs, parce qu’ils introduisent certains « compléments complexes » comme « un
prédicat à l’infinitif »15 ou une proposition complétive et constituent une particularité du
style administratif identifiable aux textes juridiques de l’Union Africaine. Notre objectif
consiste à étudier des usages fonctionnels et sémantiques de ces verbes afin de montrer
comment ils peuvent susciter plusieurs interprétations chez le destinataire et comment
ces verbes deviennent une monographie de style d’une institution. Dans ce but, nous
examinons trois aspects syntaxiques et sémantiques des verbes « veiller », « s’engager »
et « assurer ».
11
Nathalie Garric, Frédéric Calas, Introduction à la pragmatique, Paris, Hachette, 2007, p.5.
12
Jacques Moeschler, 1985 : Argumentation et conversation. Eléments pour une analyse pragmatique du
discours, Paris, Hatier-Credif, p.23-25.
13
Michael Riffaterre, Essais de la stylistique structurale, Paris, Flammarion, 1973, p.136.
14
Marcel Cressot, « Les états, les actions et la construction verbale », Le Style et ses techniques, PUF,
1983, p.144-145.
15
Gross Maurice, 1968, Grammaire transformationnelle du français. Syntaxe du verbe, Paris, p.62.
Ces exemples montrent que le verbe « veiller » a une triple structure syntaxique. La
première structure se construit selon ce modèle : veiller + à + substantif. L’exemple (2)
illustre ce que nous venons de schématiser. La deuxième structure porte sur cette
syntaxe : veiller + à + ce+ complétive « que » + subjonctif. À cet égard, le verbe
« veiller » de la principale ôte à la proposition subordonnée une valeur objective et
pragmatique pour revêtir une valeur d’éventualité et d’incertitude dans la réalisation
actantielle. La troisième se fonde sur ce modèle syntaxique : veiller + à + infinitif. Ces
trois structures syntaxiques composent une variation stylistique observable dans le
document de l’UA, puisque ces structures syntaxiques du verbe « veiller » deviennent
un aspect stylistique du langage. Pour le verbe « assurer », le verbe « assurer » possède
plusieurs relations distributionnelles selon les usages et les usagers : a) assurer + objet ;
b) assurer + objet + à + objet second ; c) assurer + complétive « que » + mode indicatif.
Dans le deuxième verbe, « s’engager », on constate un seul modèle syntaxique :
s’engager + à + infinitif. Ce schéma le montre :
Les trois verbes (veille, s’engager et assurer) véhiculent des effets stylistiques de la
dénotation portant sur la motivation des propriétés sémiques dans le cas de chaque
verbe : le sème dénotatif de la surveillance, le sème de l’engagement et le sème de
l’assurance. Le message véhiculé par ces verbes peut créer les effets stylistiques de
satisfaction auprès du destinataire espérant à un changement judiciaire. En raison de ses
occurrences dans le document de l’UA, le verbe « veiller » reçoit, chez le destinataire,
plusieurs déterminations stylistiques suivantes : l’urgence, une correction d’une
injustice, un rétablissement des droits longtemps ignorés. Outre cela, on analyse la
structure sémantique du verbe « assurer » pour montrer que les domaines du savoir
peuvent rendre un verbe un usage populaire, car les rédacteurs institutionnels
approprient la valeur objective pour en faire une seule signification stylistique.
Les verbes « veiller », « s’engager » et « assurer » ont valeur d’un acte illocutoire de
constatif, ou descriptif et expriment une action forte du changement. A cet égard, « Le
prédicat d’action (AGIR) se construit avec un seul argument de nature individuelle. Son
rôle sémantique est celui d’agent et est exprimé le plus souvent par des humains, plus
rarement par des substantifs animés non-humains »16. Les verbes « veiller »,
« s’engager » et « assurer » possèdent un acte illocutoire fondé sur l’assertion et
marquent un transfert de possession et d’une information17 », puisqu’ils suggèrent un
procès d’action aux référents de la surveillance, de l’engagement et de l’assurance.
16
C. Bogacki , 1988 : Les Verbes à argument incorporé en français, Langages, n°89, p.12.
17
Escarabajal et les autres développent que le verbe peut exprimer un noyau sémantique de transfert de
possession, de transfert d’une information mentale (L’activité de catégorisation des substantifs, des
verbes et des dérivés verbaux, Langages, n°132, 1998, p.70.).
L’une des innovations que l’on identifie dans les écrits juridiques de l’UE porte sur les
motivations pragmatiques et stylistiques des verbes de possession, des verbes
psychologiques et des verbes du devoir. Ces verbes forment un univers de
l’appropriation discursive du style, puisqu’ils présentent un nombre d’occurrences assez
importantes dans les écrits de l’UA. L’objectif visé est de répondre à cette question :
quelle motivation pragmatique et stylistique le destinataire peut-il décoder dans l’usage
des verbes de possession et des verbes modaux ?
Les verbes « avoir droit » et « avoir le droit » sont considérés comme des verbes de
possession. Dans Élément de syntaxe structurale, Lucien Tesnière classe le verbe
« avoir » parmi des procès de possession, lorsqu’il écrit : « Quant au verbe avoir, c’est
un verbe d’état, on le définit comme un verbe être retourné, auquel vient s’ajouter l’idée
de position »18. Selon Le Nouveau Petit Robert, les verbes idiomatiques « avoir le droit
de » et « avoir droit à » désignent une possibilité, un pouvoir, une qualité et une
permission. Dans une perspective syntaxique, les verbes juridiques et idiomatiques
« avoir le droit de » et « avoir droit à/ de » se construisent soit avec un substantif, soit
avec un infinitif et laissent émergent, dans leur usage, un fait stylistique en raison de
leur variation structurale et sémantique. Nous représentons les deux structures de
l’usage du verbe « avoir » et ses incidences stylistiques auprès d’un destinataire
collectif.
Le citoyen, la liberté,
Les États a/ ont droit à l’égalité,
L’enfant la sécurité
La personne, la garantie
18
Lucien Tesnière, Eléments de syntaxe structurale, Paris, Klincksieck, p.91.
En gros, dans le domaine des institutions, le verbe « avoir droit à » devient un marqueur
stylistique de la motivation juridique, il met en relation actualisatrice la signification du
sujet nominal et la prédication nominale. Le changement syntaxique du verbe
idiomatique « avoir droit/à + substantif/ de + infinitif ou avoir le droit de + infinitif/
avoir le droit à + infinitif devient dans les documents juridiques, une valeur stylistique
pour le destinataire collectif. Cette motivation stylistique du verbe prend en charge les
paramètres du groupe nominal sujet et du groupe nominal objet. C’est le cas de cette
figure :
Notre analyse aboutit à ce constat formulé par Alain (1993 :23) : « Le verbe est
généralement considéré comme le noyau de la phrase française, et ce pour des raisons
claires : le fait de changer le verbe change souvent le choix des autres mots ». Outre
cela, on remarque que le verbe idiomatique accomplit pleinement son procès de
transfert possessif, lorsqu’il est suivi de la prédication infinitive. Le rôle figé du verbe et
Les verbes modaux « pouvoir » et « devoir » sont abordés dans plusieurs travaux de
grammaire et de linguistique. Pierre (2000 : 708-709) analyse les deux verbes modaux :
pour le premier verbe « pouvoir », il pense que ce verbe marque la possibilité, la
permission, la capacité due « à un état, à des circonstances, à des causes externes »,
l’audace et de l’approximation. Pour le second verbe « devoir », Pierre Hanse parle de
quatre valeurs sémantiques : l’obligation, la nécessité, la vraisemblance, et l’intention.
Outre cela, Maingueneau (2001) étudie les valeurs sémantiques des verbes « pouvoir »
et « devoir » : pour le premier verbe « pouvoir », ce verbe désigne : la capacité, la
permission, la possibilité ; pour le second verbe « devoir » : la nécessité, l’obligation ».
Le travail de Sueur (1975 :8) apporte une analyse approfondie sur ces deux verbes
modaux : pouvoir et devoir : « nous tenterons de justifier les structures sémantiques
suivantes : (1) pouvoir : I-a-permission ; b-capacité ; c-possibilité ; II- non exclusion
(éventualité) (2) devoir : I-a-obligation ; b-nécessité ; II-probabilité ».
Dans notre étude, nous tenons compte des acceptions sémantiques des verbes modaux
« pouvoir » et « devoir ». Dans une perspective pragmatique, nous voulons vérifier que
ces verbes peuvent recevoir une nouvelle signification. Le premier « pouvoir » désigne
des sèmes de la liberté et la souplesse dans l’accomplissement du procès. On accorde
aux actants d’une double possibilité de réaliser son procès fondé sur soit l’adhésion soit
sur le rejet. Le second (devoir) dénote des sèmes de la force, de la contrainte, de la
menace et de la réalisation totale du procès par l’agent afin d’éviter un jugement et une
sanction physique ou morale.
Les études consacrées aux verbes modaux « pouvoir » et « devoir » sont des prédicatifs
couramment utilisés dans les documents juridiques de l’UA. C’est ce qu’illustre ce
tableau :
En analysant ces énoncés, on remarque que le procès du verbe « pouvoir » introduit une
prédication de possibilité variable par l’usage de l’infinitif. Ainsi, le destinataire a une
double réaction interactive avec le verbe « pouvoir ». Premièrement, on repère une
valeur dénotative des possibilités produites par le verbe « pouvoir ». Ces possibilités du
procès sont : la possibilité de la soumission (6), la possibilité de l’existence d’un
consensus (7), la possibilité de l’assistance (8) et la possibilité de l’invitation (9).
Deuxièmement, le verbe « pouvoir » peut avoir une évocation connotative et il est
analysé par le destinataire collectif comme le marqueur d’une liberté d’agir ou
d’accomplir un fait ou un événement selon son désir. Cette liberté cesse d’exister,
lorsque le verbe « pouvoir » se construit sur une assertion négative pour marquer une
interdiction, comme suggère cet énoncé :
(11) Les États parties ne peuvent, ni émettre ni introduire des réserves relatives à
cette convention qui seraient non compatibles avec ses objectifs et ses buts. (p.174)
En somme, le verbe « pouvoir » est motivé par des évocations stylistiques de la
possibilité, de la liberté qu’interprète le destinataire dans la réception du message. Ces
motivations stylistiques changent et forment un fait de style, lorsque le destinateur
collectif utilise intentionnellement le verbe « devoir » pour exprimer le procès de
l’obligation, de la contrainte morale et physique de l’exécutant, dans les textes
juridiques, le destinataire varie selon le sujet de l’énoncé.
(12) Les États doivent inciter les jeunes à conduire des recherches (p.139).
(13) L’État a l’obligation de respecter les droits mentionnés (p.388)
(14) A ces fins, tout Etat partie doit:1.Créer et renforcer les organes électoraux
nationaux indépendants et impartiaux, chargés de la gestion des élections. 2. Créer et
renforcer les mécanismes nationaux pour régler, dans les meilleurs délais, le
contentieux électoral. 3. Faire en sorte que les partis et les candidats qui participent
aux élections aient un accès équitable aux médias d’Etat, pendant les élections. 4.
Adopter un code de conduite qui lie les partis politiques légalement reconnus, le
gouvernement et les autres acteurs politiques avant, pendant et après les élections. »
(UA, p.154)
La structure figée du verbe crée une variation prédicative, celle-ci repose sur la valeur
discursive du nominal et de l’infinitif. Le but de notre analyse est de montrer comment
la structure figée du verbe peut créer des effets stylistiques de la motivation
Le verbe « être » désigne une valeur existentielle. Dans La Sémantique, Pierre Guiraud
définit les trois valeurs stylistiques d’usage du verbe « être » : introducteur de
« l’identité », le marqueur de l’appartenance à une catégorie », l’indicateur de
« l’attribution de caractères objectifs ou subjectifs isolés de l’objet »19. Le verbe
« être », accompagné d’une préposition « de » et de l’infinitif, peut présenter une valeur
descriptive et déclarative et peut remplir une fonction stylistique du présentateur,
lorsque les infinitifs présentés sont sous la valeur énumérative. Dans cette perspective, il
est opportun de considérer l’analyse stylistique faite par Marcel Cressot concernant le
rôle du verbe « être », cette analyse souligne : « Jouant à la fois le rôle de copule et de
prédicat, le verbe cimente fortement, le groupe logique constitué par le sujet, l'action,
l'objet et les circonstances de l'action, ou par le sujet, l'état décrit et les circonstances qui
l'entourent »20. Ainsi, le verbe « être » devient, dans la construction phrastique, le
marqueur d’une syntaxe prédicative complexe et normative conduisant à des effets
stylistiques suggérés par le sens de chaque infinitif employé dans cet énoncé :
« Les fonctions du Président sont de : (a) représenter la Cour ; (b) présider les
séances de la Cour ; (c) diriger les travaux et contrôler les services de la Cour ;
(d) promouvoir les activités de la Cour ; (e) présenter à la Cour un rapport annuel
détaillé sur les activités de la Cour et sur celles qu’il a menées en sa qualité de
Président durant cette période ; (f) préparer un rapport annuel et de le présenter à
la Conférence, conformément à l’article 31 du Protocole ; (g) exercer toutes autres
fonctions que lui assignent le Protocole ou le présent Règlement, ou que la Cour
pourrait lui confier. » (UA, p.535).
Dans un tel exemple, le verbe « être » un double rôle dans le contexte phrastique : le
marqueur de la cohésion syntaxique et l’introducteur de la variation sémantique. La
prédication verbale « sont de » forme une phrase périodique composée par la variation
des infinitifs. Ces infinitifs sont : représenter, présider, diriger, présenter, préparer,
exercer. La valeur figée de verbe « être » exprime une ligne stylistique de la singularité
discursive et marque le rejet de la répétition d’une unité grammaticale. Si l’unité
discursive « sont » est répétée dans l’exemple cité précédemment, on trouvera six
phrases indépendantes. Ces phrases contiendront deux unités de la répétition : le groupe
nominal sujet « Les fonctions du Président » et le groupe verbal « sont ». Le rôle de la
ponctuation, notamment les deux points, et l’énumération alphabétique offre au verbe
« être » une valeur de factorisation. Ici « sont de » est comme en factorisation grâce à la
ponctuation. Donc, la structure figée du verbe peut être comprise comme une spécificité
stylistique du style juridique, administratif et politique et comme marqueur des effets
stylistiques.
19
Pierre Guiraud, La Sémantique, Paris, Presses Universitaires de France, 1966, p.105.
20
Marcel Cressot, « Les états, les actions et constructions verbale », Op.cit., p.144.
Le verbe « garantir » marque une valeur informative portant sur le sème de la garantie.
Ce verbe suggère la sûreté, la protection, une défense, une obligation et une
responsabilité. Dans le contexte pragmatique, un tel verbe reçoit une valeur
performative, elle souligne une seule évaluation fondée sur le bonheur d’un peuple
opprimé de ses droits fondamentaux. Dans cette optique, Jacques Moeschler (1985 :26)
souligne ceci : « L’énoncé performatif se distingue de l’énoncé constatif (ou descriptif)
en ce que : il ne peut être évalué en termes de vérité ou fausseté, mais en termes de
bonheur ou malheur, b) il ne relève pas de l’activité du dire mais du faire (il réalise une
action). Selon cette analyse de Jacques Moeschler, il est sans doute de montrer que le
verbe « garantir » vise une réalisation finale du procès au profit du destinataire (les pays
membres et leur peuple). C’est ce qu’indiquent ces énoncés :
(15) En particulier, les États parties garantissent la liberté de culte, le respect de
l’identité culturelle des populations et les droits des minorités » (UA, p.122).
(16) L’État partie garantit la sécurité de la mission, le libre accès à l’information, la
non-ingérence dans ses activités, la libre circulation ainsi que sa pleine coopération à
la mission d’observation des élections. » (UA, p.154).
Le verbe « garantir » marque une intention communicative de l’information et une
intention du destinateur institutionnel, parce que l’institution veut résoudre des
problèmes fondamentaux constatés dans ses pays membres : problème de liberté de
culte, le problème du respect de l’identité culturelle... Le prédicat « garantit » peut
souligner deux faiblesses de l’institution : le manque de fermeté devant les états
tyranniques et la volonté de conserver l’unité de ses membres, de peur que ceux-ci
quittent l’organisation. Ainsi, le verbe « garantir » n’est pas employé avec la valeur
d’obligation contraignante, mais celle de la neutralité.
Conclusion
Références bibliographiques
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127p.
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26.
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