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ISSN : 2226-2695

LA REVUE DU CENTRE DE RECHERCHE


ET D'ETUDES EN LITTERATURE
ET SCIENCES DU LANGAGE

SÉRIE
SPÉCIALE
Revue semestrielle - Décembre 2018

TOME 2

Université Félix Houphouët-Boigny


UFR Langues, Littératures et Civilisations

Actes du 2ème colloque international du Laboratoire de Description, de


Didactique et de Dynamique des Langues en Côte d’Ivoire (L3DL-CI) :
« Le verbe dans tous les sens
Bonoua, les 04 et 05 octobre 2018
LA REVUE DU CENTRE DE RECHERCHE ET D'ETUDES EN
LITTERATURE ET SCIENCES DU LANGAGE

Revue semestrielle N°08 • Décembre 2018


ISSN : 2226-2695

• Théories et analyses littéraires

• Cinéma, arts du spectacle et autres arts

• Cinéma, arts du spectacle et autres arts

• Spiritualité et littérature orale


Illustration : Masque Senoufo (logo de l’université Félix Houphouët-Boigny)
Réalisation :

• Sylvie NIAMKEY

CRELIS (Centre de Recherche et d'Études en Littérature et Sciences du Langage)


BPV 34 Abidjan - E-mail: revuecrelis@gmail.com.fr

JCR Éditions
04 BP 1433 Abidjan 04 - Tél. 08 03 06 56

© Dépôt légal : Décembre 2018


DIRECTEUR DE PUBLICATION
KOUADIO Kobenan N’guettia Martin
Maître de Conférences

RÉDACTEUR EN CHEF
ADAMOU Kouakou Dongo David
Maître de Conférences

RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT


FOBAH Éblin Pascal
Maître de Conférences

COMITÉ SCIENTIFIQUE
- Adama COULIBALY
Professeur titulaire Vice-Doyen de l’UFR Langues, Littératures et Civilisations
Spécialités : Roman africain, Sémiotique littéraire, Littérature postmoderne et Narratologie
Université Félix Houphouët-Boigny – Abidjan, Côte d’Ivoire

- Djah Célestin DADIÉ


Professeur titulaire Vice-Doyen UFR Communication, Milieu et Société)
Chef du Département de Lettres Modernes - Directeur de publication de la Revue
scientifique Lettres d’Ivoire - Spécialités: Littérature française, option: Poésie francophone
Université de Bouaké, Côte d’Ivoire

- Jean DERIVE
Professeur émérite - Spécialités : Littérature comparée (mention francophonie, littératures
africaines écrites et orales) - Université de Savoie / LLACAN, France

- Joëlle GARDES-TAMINE
Professeur des Universités - Spécialités : Grammaire et Stylistique -Université Paris IV Sorbonne, France

- Xavier GARNIER
Professeur des Universités - Spécialités : Littératures française et francophones
EA: «Écritures de la modernité» - Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle, France

- Samia KASSAB-CHARFI
Professeur des universités - Spécialités : Littératures française et francophone des XIXe et XXe siècles.
Stylistique. Rhétorique - Université de Tunis, Tunisie

- Christophe KONKOBO
Ph.D. Assistant Professor of Francophone Studies -Spécialité : Théâtre africain
contemporain - Department of Languages, Literature, & Philosophy
Tennessee State University, Nashville TN, USA

- N’guessan Jérémie KOUADIO


Professeur Titulaire en Sciences du langage - Doyen de l’UFR Langues, Littératures et Civilisations -
Université Félix Houphouët-Boigny-Abidjan, Côte d’ivoire

- Jean LASSEGUE
Directeur du CREA au CNRS - Spécialité : Anthropologie - Paris IV Sorbonne, France
- Ayébi Aïssa Anna MANOUAN
Maître de Conférences - Spécialités : Science du Langage (Linguistique, didactique de l’anglais,
psycholinguistique) - Membre du Laboratoire de Recherche et d’expérimentation Citoyenneté Active pour le
Développement Durable (LA.R.C.A.D.D.)
Université Félix Houphouët-Boigny-Abidjan, Côte d’Ivoire

- Emmanuel MATATEYOU
Maître de conférences (Habilité à Diriger des Recherches, HDR)
Spécialités: Poétique de l’oral, Didactique des littératures africaine et francophone
École normale supérieure, Université de Yaoundé 1, Cameroun

- Aboubakar OUATTARA
Maître de Conférences - Spécialités : Sémantique cognitive et sémantique énonciative en corrélation avec les
solutions syntaxiques et l’entourage pragmatique ; analyse linguistique des textes francophones - Université de
TROMSØ, section de français, Norvège
KRA Kouakou Appoh Enoc
ASSANVO Amoikon Dyhie
TAPE Jean-Martial

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Actes du 2ème colloque international sur :
« Le verbe dans tous les sens »
Les 04 et 05 octobre 2018
--------------
Tome 2

CRELIS ½ Série spéciale


Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire
Présentation
La présente publication est une sélection des communications présentées lors du deuxième
colloque international du Laboratoire de Description, de Didactique et de Dynamique des Langues
en Côte d’Ivoire (L3DL-CI) rattaché au Département des Sciences du Langage et à l’Institut de
Linguistique Appliquée (I.L.A.) de l’Université Félix Houphouët-Boigny. Cette année 2018, le
thème abordé : « Le verbe dans tous les sens » a été traité dans différents domaines des Sciences du
Langage : la linguistique (Phonétique, Phonologie, Morphologie, Syntaxe, Sémantique,
Pragmatique, Analyse du discours...), la sociolinguistique, la didactique et des domaines connexes
notamment la communication, les lettres modernes, l’anglais. Différents aspects du verbe, dans
les langues africaines spécialement celles du Niger- Congo et de l’Indo-Européen (le français et
l’anglais), ont fait l’objet d’analyse.
Les membres du comité scientifique du colloque
Pr Kouadio N’Guessan Jérémie, Université Félix Houphouët-Boigny,
Pr Ahoua Firmin, Université Félix Houphouët-Boigny,
Pr Bohui Hilaire, Université Félix Houphouët-Boigny,
Pr Pierre N’Da, Université Félix Houphouët-Boigny,
Pr Zasseli Ignace Biaka, Université Félix Houphouët-Boigny,
Pr Abolou Camille, Université Alassane Ouattara,
Pr Ngoran-Poamé Léa Marie Laurence, Université Alassane Ouattara,
Pr Djiman Kasimi, Université Félix Houphouët-Boigny,
Pr Béchié Paul N’Guessan, Université Félix Houphouët Boigny,
Pr Maxime Da Cruz, Université d’Abomey-Calavi,
Pr Ainamon Augustin, Université d’Abomey-Calavi,
Pr Nicolas Quint, LLACAN, INALCO, Paris,
Pr Maarten Mous, Université de Leiden,
Dr Bogny Yapo Joseph, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët-Boigny.
Coordonnateurs
Dr Kra Kouakou Appoh Enoc, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët-Boigny,
Dr Assanvo Amoikon Dyhie, Maître-Assistant, Université Félix Houphouët-Boigny,
Dr Tapé Jean-Martial, Maître-Assistant, Université Félix Houphouët-Boigny.
Les différentes commissions du comité d’organisation
Commission secrétariat : Responsable, Kra Kouakou Appoh Enoc. Membres : Adékpaté Alain Albert,
Bosson Bra épouse Djeredou, Takoré-Kouamé Augustine, N’guessan Kouassi Akpan Désiré, Youant Yves.
Commission logistique : Responsable, Tapé Jean-Martial. Membres : Dodo Jean Claude, Sib Sié
Justin, Andredou Pierre, Fallé Vélérou Adélin, Kouassi Koffi Yéboua Vincent, Tchimou Amonchi
Alain-Serge. Commission finances : Responsable, Assanvo Amoikon Dyhie. Membres : Kossonou
Kouabena Théodore, Amani Allaba Angèle Sébastienne.
Remerciements
Le comité d’organisation salue la présence des collègues des Universités d’Abomey-Calavi
(Bénin), de Parakou (Bénin), de Kara (Togo), de Ouaga 1 (Burkina Faso), d’Abdou Moumouni de
Niamey (Niger), Development studies (Ghana). Il exprime sa gratitude aux Enseignants-
Chercheurs et Chercheurs des Universités de la Côte d’Ivoire, pays d’accueil : Félix Houphouët-
Boigny, Alassane Ouattara, Péléforo Gon Coulibaly, de l’École Nationale Supérieure de
Statistique et d’Économie Appliquée (E.N.S.E.A.), de l’École Normale Supérieure (E.N.S.) et de la
Société Internationale de Linguistique (S.I.L.) pour la fidélité à cette rencontre scientifique. Le
comité d’organisation remercie aussi Professeur Kouadio Nguessan Jérémie, Directeur du
Laboratoire L3DL-CI, pour la couverture scientifique ; Docteur Tchagbalé Zakari, invité spécial
à ce colloque, pour sa contribution et les membres du comité de rédaction de la Revue Centre de
Recherche et d’études en Littérature et Sciences du langage (CRELIS) pour la publication.
SOMMAIRE

Introduction 001-004

DESCRIPTION DES LANGUES AFRICAINES


Page
01 ADJOUMANI Kouadio Éric 005-012
L’infinitif en koulango : analyse morphologique

02 AGNISSONI Kouassi Sidoine 013-024


La conjugaison des verbes du troisième groupe chez les apprenants du secondaire
en Côte d’Ivoire : un état des lieux

03 AKPOUE Kouamé Josué 025-034


Elicitation des morphèmes de temps dans les langues naturelles via le test de
focalisation du temps : cas du baoulé et du wobé

04 ANGUI Koman Dénise, ABO Lasme Yei Clémence & KOUASSI Kôkô Irène 035-044
Quelques marques aspecto-modales de l’èhívὲ tíbɛ́ : un parler abouré

05 BOGNY Yapo Joseph & KPAMI Boni Carlos Mozer 045-054


Le vP-Shell en mɔ́dӡúkrù

06 BROU Chiadon Sosthene epse ABENIN 055-062


Aspect morphosyntaxique du verbe en akyé

07 FALLE Vélérou Adelin 063-068


Les emprunts linguistiques : enrichissement ou menace pour les Langues de Côte
d’Ivoire : cas de la langue niaboua

08 FOFANA Mamadou 069-076


Analyse de la valeur générale de « là » dans l’environnement verbale des langues
mande : cas du koyaga »

09 HALOUBIYOU Assolissim 077-088


Morphological structure and syntactic function of the verb in kabiyè (a gur
language of Togo)

10 KAMBIRÉ Sansan Blaise 089-094


Analyse morphosémantique des verbes psychologiques en lobiri
11 KOFFI Koffi 095-104
Le verbe [di] en baoulé

12 KONAN Koffi 105-112


De la sémantique lexicale à la sémantique référentielle : impact contextuel et
variété sémantique, l’exemple de la forme verbale baoulé, satchilê [satfilɛ]

13 KONÉ Nahoua & AFFRO Agnin Sylvain 113-122


Les formes verbales en kpatɔre, dialecte senoufo de Cote d’Ivoire

14 KONÉ N’danl Véronique & N’GUESSAN Konan Bertiel 123-132


Syntaxe des verbes physiopsychologiques baoulé et tagbana

15 KRA Kouakou Appoh Enoc 133-146


La problématique d’un terme à valeurs antonymiques : approche énonciative du
verbe / tù / en koulango

16 MELEDJE Michel 147-158


Le protocole linguistique dans les assemblées adioukrou : une analyse pragmatique
de l’acte de saluer

17 MOLOU Kouassi Ange Aristide & ABO Lasme Yéi Clémence 159-170
Les morphèmes de négation dans les langues kwa : le cas de l’adjoukrou et du
baoulé

18 N’GORAN Konan Fortuna Arnaud 171-180


L’étude de l’accompli dans le système verbal du kɔ̀dɛ́

19 NACOULMA Boukaré 181-188


La problématique du transfert des aspects temporels du mooré au français dans
l’enseignement du verbe dans les écoles bilingues au Burkina Faso

20 OLOU Mahougbé Abraham 189-200


Grammaire du verbe en langue aja (langue du sud-Benin) : morphologie, syntaxe
et sémantique

21 OURAGA Tété Mireille 201-210


La conjugaison en niabré

22 SIB Sié Justin 211-222


Analyse des proverbes lobiri
23 SILUÉ Songfolo Lacina & BALLO Bêrè 223-230
L’harmonie vocalique de copie en senoufo : le cas du kafiiré et du kadilé

24 TANO Ettien Thomas 231-238


La symbolisation verbale : condensation grammaticale et sémantique dans la
poésie du didiga

PSYCHOLINGUISTIQUE, SOCIOLINGUISTIQUE & DIDACTIQUE

25 BERE Anatole & KOSSONOU Yaoua Marthe 239-250


Catégorisation du verbe selon sa valence dans des productions littéraires
d’apprenants de niveau terminal : analyse et intérêt didactique

26 COULIBALY Méama & CAMARA Assata Miwognou 251-258


Aspects de la conjugaison dans les manuels d’alphabétisation de français en Côte
d’Ivoire

27 FOFANA Kalidja Siby 259-266


Le verbe dans l’enseignement/apprentissage et la pratique du français chez des
adultes illettrés et analphabètes de Côte d’Ivoire

28 GBAGUIDI K. Julien, ADJANOHOUN R. Maxime & SESSINOU Hémerson 267-276


Le cognitif dans le langage corruptif au Benin : élément de sociolinguistique et de
sémiotique des cultures

29 GNAGBEU Lawa Privat 277-284


Le développement de la communication non verbale chez l’enfant de 05 mois à 6
ans

30 KOUABENAN Anani Michael & KOUAME Marie Christelle & GUEHI José-Gisèle 285-298
Les verbes des technologies de l’information et de la communication et des médias
sociaux : caractéristiques et emploi

31 KOUADIO Konan Arsène 299-308


Quelques aspects des difficultés d’emploi des formes verbales par les élèves des
établissements secondaires d’Abidjan

32 N’GORAN Assoman Blandine 309-316


Regards sur les verbes dans l’enseignement des comptines au préscolaire
ANALYSE DU DISCOURS & LITTÉRATURE

33 ADJASSOH Christian 317-324


Pour une poétique du verbe dans la poésie mallarméenne

34 ADOU Kouadio Antoine 325-336


La diglossie ou la réécriture de la langue bété (Côte d’Ivoire) dans Zakwato d’Azo
Vauguy

35 ATTA Kouanenan Herbert 337-344


L’élément verbal dans les composes nominaux de l’espagnol et du koulango

36 COULIBALY Tonlihiri 345-358


Morphologie du verbe dans la grammaire française, cas de la conversion du nom
en verbe pour exprimer la violence dans Les quatrains du dégoût de Bottey ZADI
ZAOUROU

37 COULIBALY Zanitin Inza 359-370


L’enseignement/apprentissage du verbe au primaire en Côte d’Ivoire

38 FOBAH Eblin Pascal 371-384


Le verbe statif dans la phrase littéraire : autour d’une expressivité
pluridisciplinaire

39 HONVO Camille 385-400


Verbes de consigne. Un objet-outil pour exploiter des documents iconographiques
en classe d’histoire

40 KOUASSI Kouakou Roland 401-410


Impératif : complexité linguistique pour une manipulation du destinataire

41 PENAN YEHAN Landry 411-420


La stylistique de la caractérisation verbale dans la poésie de Toh Bi Tie
Emmanuel : jeu du langage et traitement de l’information

42 SADIA Michelle 421-426


Le verbe dans le verbe pendant la recréation

43 SIDDO Adamou 427-438


L’essence du verbe de Boubou Hama ou de la littérature primesautière à
l’enseignement par la "Parole beurre"
44 TAKORÉ-KOUAMÉ Aya Augustine 439-446
Le syntagme verbal : expression de la subjectivité dans Le retour de l’enfant soldat
de François d’Assise N’DA

45 YAO N’guessan 447-456


L’enseignement des temps verbaux dans le secondaire en Côte d’Ivoire : entre
préoccupations didactiques et questionnements linguistiques
ISSN : 2226-2695
CRELIS ½Revue semestrielle
ã Dépôt légal – Décembre 2018
Revue semestrielle – Décembre 2018

ANALYSE DU DISCOURS
&
LITTÉRATURE

Série spéciale ½CRELIS


Pour une poétique du verbe dans la poésie mallarméenne

POUR UNE POÉTIQUE DU VERBE DANS LA POÉSIE


MALLARMÉENNE
ADJASSOH Christian
Université Félix Houphouët-Boigny
adjassohchristian@yahoo.fr

Résumé : Produire un langage poétique abscons est l’optique de la création poétique


mallarméen. Le verbe est l’un des facteurs de l’édification de cette obscurité dans
l’expression poétique de Mallarmé. La distorsion de la syntaxe verbale altère la fonction
du verbe, qui a pour effet d’engendrer une polysémie qui affecte tout le sens du poème.
Ce qui participe à conférer à son expression poétique le qualificatif de langage
hermétique.

Mot clés : verbe, syntaxe, expression poétique

Abstract: To produce an abstract poetic language is the optics of Mallarmean poetic


creation. The verb is one of the factors in the construction of this darkness in Mallarme's
poetic expression. The distortion of verbal syntax alters the function of the verb, which
has the effect of generating a polysemy that affects the whole meaning of the poem. This
participates in conferring on his poetic expression the qualifier of hermetic language.
Key words: verb, syntax, poetic expression

Introduction
La volonté d’obscurcissement de son langage poétique amène Mallarmé à adopter une
technique scripturale qui le conduit à sonder toutes les classes des mots pour produire un
langage retourné sur lui-même. Le niveau d’abstraction de son expression poétique confère à
sa poésie la notion de poésie pure consacrée à la prospection des réalités abstraites. Dans cette
perspective, le verbe qui sous-tend la prédication dans l’espace du discours devient le levier
pour épandre l’ombre sur son expression poétique rendant difficile le décryptage de son
langage poétique. L’écriture du verbe de laquelle découle l’hermétisme de Mallarmé n’est pas
un effet du hasard comme le prétendent certains critiques. Bien au contraire, il est savamment
orchestré à partir d’un travail sur la syntaxe du verbe. Le mode d’articulation du verbe dans
l’espace de sa poésie détermine un ensemble d’interrogations notamment celles de savoir :
quel est le rôle du verbe dans le langage poétique de Mallarmé ? Comment imprègne-t-il le
verbe dans la syntaxe de sa poésie pour engendrer la distorsion ? Quelles sont les techniques
syntaxiques mises en jeu dans sa volonté d’obscurcissement du langage poétique et comment
le verbe intervient-il comme facteur d’obscurcissement de son langage poétique? Il faut noter
que l’étude de la syntaxe du verbe de l’expression poétique mallarméenne se fera à la lumière
de la stylistique1. Avant d’étudier le verbe dans la poésie de Mallarmé, il importe d’en faire
une approche définitionnelle pour mieux le cerner.

1. Approche notionnelle du verbe


Dans son assertion grammaticale, le verbe est le mot dans la structure phrastique qui
sert à exprimer une action ou un état du sujet de la phrase. Selon Michel Arrivé (1994,
pp.684-685), « On définira donc le verbe comme la classe grammaticale qui, pourvue d’un

1
Nous approcherons la stylistique selon la perspective de Georges Molinié. Il la définit comme une discipline et
une étude visant à établir tout ce qui dans un texte détermine son caractère littéraire. Il s’agit notamment des
postes du lexique, du système figuré, de la caractérisation et de l’organisation phrastique. Ce dernier poste sera
mis à contribution dans cette étude relative au traitement du verbe dans la poésie de Mallarmé. Notre démarche
consistera à décrypter les différents modes de concaténation de la séquence verbale dans le langage poétique
mallarméen et l’effet de sa praxis sur le sens de son expression poétique.

Revue semestrielle – Décembre 2018 317


Adjassoh C.

ensemble de spécificités de catégories morphologiques est apte à exercer la double fonction


de cohésion et référenciation de l’énoncé fini minimal qu’est la phrase ». Jean Dubois (1989)
complétant la définition du verbe apporte une information relative à sa fonction. Dans cette
perspective, il postule que

Le verbe est le constituant essentiel du groupe du verbe ; sa fonction dans la phrase est celle
du prédicat. Le verbe indique un procès (action) ou un état. Mais il n’est pas la seule classe de
mots (partie du discours) qui indique une action ou un état : les noms peuvent indiquer la
même notion (…), et les adjectifs peuvent indiquer les qualités correspondant à ces
notions(…). Le verbe se caractérise donc moins par son sens que par son rôle syntaxique de
constituant du groupe du verbe.
Jean Dubois (1989 :122)
Il s’accommode d’un système complexe de forme à travers lequel se déclinent le mode, le
temps, la personne qui actualise l’instance du discours. De fait, dans tout discours, le verbe a
une fonction prédicative. En effet, il apporte une information sur le sujet. Dans la plupart des
cas, le prédicat est composé d'un verbe et de ses compléments essentiels qui sont tous les
mots qui n’appartiennent ni au groupe sujet ni au(x) groupe(s) complément(s) de phrase. Pour
être plus précis, le prédicat contient donc le verbe principal et tous les éléments qui en
dépendent. « D’une façon générale, le verbe est le centre de la phrase et l’action marquée par
le verbe […] semble avoir valeur prédominante » (Brunot et al., 1969, p.448). A cet effet, les
normes grammaticales prescrivent l’articulation du syntagme verbal après le syntagme
nominal qui fait office du groupe sujet dans une phrase minimale. Dès lors, le non-respect de
cette disposition des groupes de mots articulant la syntaxe de la phrase engendre de facto une
distorsion inaugurant la poétique du verbe chez Mallarmé. Il faut entendre par la poétique du
verbe la manière particulière dont le verbe est mobilisé dans l’expression poétique
mallarméenne pour produire du sens. En effet, elle procède en grande partie par la non
observation des normes syntaxiques de l’écriture du verbe. A la lecture des textes poétiques
mallarméens, la pratique de la désarticulation du verbe dans la structure phrastique y prospère.
Elle procède par l’ellipse, l’incidente et l’éclatement du syntagme verbal chez notre poète.
2. De la distorsion de la syntaxe verbale dans l’expression poétique de Mallarmé
La distorsion de la syntaxe du verbe répond à une volonté esthétique chez notre poète.
Sa première finalité est l’obscurcissement du langage poétique, tandis que la seconde se dédie
à la volonté d’apporter une forte propension d’oralité au sein du langage poétique chez ce
poète contemporain de la deuxième moitié du XIXe siècle. A cet effet, ainsi que le signifie
Tisset, tout hasard est proscrit dans son langage abscons :
On a beaucoup critiqué la syntaxe de Mallarmé en croyant qu'elle était due au hasard, que ses
associations n'étaient pas logiques. Le poète, lui, exprime constamment ses préoccupations
stylistiques, son souci d'éliminer le hasard. Il affirme dans Le mystère dans les lettres (O.C éd.
Mondor p. 385) : « Il faut une garantie - la Syntaxe - Par ses tours primesautiers, seuls, inclus
aux facilités de la conversation. » Il définit, ici, sa conception de la langue ; il souhaite
l'employer comme à l'oral, avec des tournures spontanées. Quand on lit ses poèmes, on doit
donc garder en mémoire ce souci d'oralité.
Tisset Carole (1999 : 40-44)
Avec Mallarmé, la syntaxe du verbe telle que prescrite par les normes n’est pas observée.
Cette pratique est liée à sa volonté d’opérer une approche esthétique du vers qui pourrait lui
insuffler l’oralité à travers un mode de concaténation du verbe rompant les amarres avec la
norme. Ainsi, il soumet le verbe à l’épreuve de son imagination et de sa vocation poétique qui
est d’élaborer un langage poétique réservé aux seuls initiés. L’épandage de l’ombre sur le
langage poétique mallarméen à travers le traitement qu’il fait du verbe, s’opère dans la
structure de ses vers à l’aune de l’ellipse, l’incidente et l’éclatement de sa syntaxe par le

318 Série spéciale ½CRELIS


Pour une poétique du verbe dans la poésie mallarméenne

truchement de la disjonction des éléments qui lui sont traditionnellement et grammaticalement


attachés.
2.1 L’ellipse verbale dans le vers mallarméen
Littré (1963, p.49) définit l’ellipse dans son approche grammaticale comme une
« Figure par laquelle on retranche dans une phrase un terme aisé à suppléer ». Pour Aquien
(1993, p.122.), « L’ellipse est une figure de construction qui consiste à supprimer des mots
qui seraient nécessaires à une construction complète, mais dont l’absence n’empêche pas la
clarté du sens ». Selon Arrivé et al., (1986), se référant à la syntaxe,
[…] On parle d’ellipse de discours, ou d’ellipse grammaticales quand c’est le schéma
syntaxique qui permet un effacement. […] Cette ellipse se caractérise par la possibilité
syntaxique de restituer l’élément supprimé et d’établir les conditions de la suppression et les
contraintes qui pèsent sur elle.
Arrivé et al., (1986 :242-243)
De ce qui précède, il apparait que l’ellipse est marquée par une volonté de
retranchement de certains termes dans une phrase sans altérer le sens de celle-ci. Ainsi, nous
la définissons comme la suppression de certains termes qui engendre un ensemble de non-dits
participant à l’édification du sens de la phrase. Cela dénote du sous-entendu que véhicule une
phrase empreinte à l’ellipse. En nous référant à notre approche de l’ellipse, comment s’opère
l’ellipse du verbe dans la poésie de Mallarmé ? A cet effet, nous proposons de prospecter ces
vers du poème intitulé « La chevelure vol d’une flemme à l’extrême » :
La chevelure vol d’une flemme à l’extrême
Occident de désirs pour la tout éployer
Se pose (je dirais mourir un diadème)
Vers le front couronné son ancien foyer
A l’observation, ce qui marque dans le premier vers du poème qui fait office de titre,
est l’absence du verbe dans cette phrase poétique. Sur le plan syntaxique, la structuration du
vers heurte par la mise en contact de deux syntagmes nominaux « la chevelure » et « vol
d’une flemme ». Cette manière d’opérer leur concaténation génère une incongruité normative
avec la mise en contact de deux noms dont l’agencement effectué sur l’axe de la linéarité est
incompatible. Il apparait alors une omission de la flexion verbale qui peut contribuer à éclairer
davantage le sens de cette phrase poétique mallarméenne. Ainsi, dans ce premier vers, pour
faire apparaitre le verbe omis volontairement par le poète, vu la flexibilité du sens du texte
mallarméen, il faut adjoindre les rélateurs prépositionnels « par » ou « pour ». Cette
restructuration de la syntaxe du premier vers donne un nouveau vers qui peut se réécrire
ainsi : « La chevelure pour se poser vers le front couronné de son foyer vole d’une flemme à
l’extrême » ou « La chevelure vole d’une flemme à l’extrême pour se poser vers le front
couronné par son ancien foyer ». Dans un cas ou dans l’autre, l’insertion de ces deux
prépositions fait remonter en surface le verbe « voler » omis volontairement par le poète pour
brouiller le sens de la phrase poétique. En effet, ce verbe dissout et nominalisé devient
« vol ». Parallèlement à l’usage de l’ellipse du verbe dans le langage poétique mallarméen,
nous observons l’emploi de l’incidente dont le verbe devient l’élément noyau dans la
compréhension du sens texte.

2.2 L’incidente
Une proposition incidente est une proposition indépendante ou principale que l’on
introduit à l'intérieur ou à la fin d'une autre proposition, pour signaler un commentaire, une
réflexion ou une remarque de celui qui parle à l’intention de celui qui écoute. L’incidente
n’est pas coordonnée et n’a aucun lien avec les autres membres de la phrase à laquelle elle se
trouve intégrée. On l’utilise pour rapporter la parole de quelqu’un. Ce type de proposition est

Revue semestrielle – Décembre 2018 319


Adjassoh C.

appelée une incise. La volonté d’induire une forte oralité et l’ombre sur le sens de ses textes
poétiques détermine Mallarmé à solliciter tous les effets du syntagme verbal. En effet, le
verbe contenu dans la proposition incidente détenant une grande capacité de sémantisation
participe en partie au brouillage du sens du texte. Du moins, ce qui nous intéresse dans
l’incidente est la portée du verbe employé dans celle-ci chez notre poète. Pour établir son
effet, éprouvons en quelques une à travers ces vers mallarméennes.
(1) « Limpide (où va redescendre
Pourchassée en chaque grain
Un peu d’invisible cendre
Seule à me rendre chagrin)
Toujours tel il apparaisse
Entre tes mains sans paresse » (L’éventail de madame Mallarmé, p.47.)
(2) « Je me mire et me vois ange ! et je meurs, et j’aime
— Que la vitre soit l’art, soit la mysticité —
À renaître, portant mon rêve en diadème,
Au ciel antérieur où fleurit la Beauté ! » (Les fenêtres, p.11.)

Dans cet ensemble de relevés, il apparait deux configurations de l’incidente chez Mallarmé.
Elle procède soit par les parenthèses, soit par des tirets. Dans le relevé (1), l’incise est placée
entre l’adjectif et le nom. Et elle est matérialisée par une parenthèse. Dans le syntagme
nominal (« Limpide…éventail »), dans lequel le nom (« éventail ») déterminé par l’adjectif
(« Limpide ») est élidé, Mallarmé introduit une proposition incise ((où va redescendre /
Pourchassée en chaque grain / Un peu d’invisible cendre/ Seule à me rendre chagrin)). Par ce
mode d’articulation du verbe (« va redescendre ») dans ce syntagme nominal, l’effet de ce
verbe, tout en participant à voiler le réfèrent (« éventail »), est d’amplifier la clarté et la
luminosité de l’image ou de l’idée poétique déterminée par l’adjectif « Limpide », à travers
l’image que le poète perçoit de sa femme dans le miroir en train de s’éventer par le battement
de l’éventail. Quant au second relevé tiré de son poème « Les fenêtres », l’incidente est
encadrée par des tirets. Cette pratique de l’incidente où le verbe se pose entre le nom et
l’adjectif participe à l’opacification du langage poétique de Mallarmé, comme l’atteste
Marchal quand il écrit que :

Entre deux mots qui sont en rapport étroit dans la phrase – le sujet et le verbe par
exemple, le nom et l’adjectif – Mallarmé distend l’espace en y insérant des propositions
incidentes, ce qui oblige le lecteur à conserver une conscience aiguë de la logique
syntaxique de la phrase pour en retrouver le fil. Ce fil ne lui est plus tendu, comme le fil
d’Ariane pour se retrouver dans le labyrinthe. Il doit le trouver et le dérouler alors même
qu’il est invisible.
Marchal (2012)

De fait, l’incise, dans ce cas de configuration, sert par le mode d’introduction du verbe à
voiler le référent pour rendre la lisibilité du texte difficile. C’est de la recherche et de la
constitution du syntagme nominal, par l’extraction de l’incise conférant un précaire équilibre
à l’expression poétique mallarméenne où l’analogie fait office de « fil d’Ariane » tout en
menant au réfèrent, que s’opère l’édification du sens du texte. Ce qui augure la pratique d’une
syntaxe éclatée du verbe dans l’expression poétique de Mallarmé

2.3 La syntaxe éclatée du verbe


Le désir d’imprégner son langage poétique des relents de l’oralité amène Mallarmé à
désarticuler la syntaxe du verbe. Avec lui, les éléments constitutifs de la syntaxe verbale sont
reconfigurés. Ils n’observent plus la norme en occupant des positions dans l’espace du vers
tendant à dissiper l’expression du procès. De fait, la syntaxe éclatée du verbe chez Mallarmé

320 Série spéciale ½CRELIS


Pour une poétique du verbe dans la poésie mallarméenne

procède par la disjonction. Elle sert à solliciter l’attention du lecteur en engendrant une
rupture des normes. En effet, les groupes syntaxiques liés par les normes de la syntaxe
traditionnelle sont distendus. Ce que postule Tisset (1999, p.40) quand elle écrit que « les
groupes syntaxiques qui traditionnellement semblent dépendants sont très souvent scindés
comme le sujet et le verbe, le verbe et le GN2, l'auxiliaire modal et l'infinitif... par diverses
insertions. » En effet, Mallarmé opère l’éclatement du sujet et du verbe dans le poème « Les
fenêtres » au v.9-12 :
Et la bouche, fiévreuse et d’azur bleu vorace
Telle, jeune, elle alla respirer son trésor
Une peau virginale et jadis ! encrasse
D'un long baiser amer les tièdes carreaux d'or.

En effet, le sujet du verbe « encrasse » se trouve au début v.9 (« la bouche »), tandis que le
verbe (« encrasse ») séparé du sujet (« la bouche ») par un adjectif qualificatif, un
complément du nom et une proposition incise (« fiévreuse et d’azur bleu vorace/ Telle jeune
elle alla respirer son trésor/Une peau virginale et jadis ! ») apparait plus loin à la fin du v.11.
Le même cas de figure se reproduit dans son poème« Soupir » du v. 1 à 4 :
Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sur,
Un automne jonché de taches de rousseur,
Et vers le ciel errant de ton œil angélique
Monte... p.23.

En observant l’ordre canonique pour établir la logique syntaxique, il apparait un sujet


« mon âme », un verbe « monte » et deux compléments circonstanciels de lieu « vers ton
front », suivi d'une relative elle-même entrecoupée d'une apostrophe, « et vers le ciel errant »,
suivi d'un complément déterminatif. De fait, Mallarmé insère deux compléments
circonstanciels de lieu entre le sujet et le verbe de manière à vaporiser le lien entre eux.
Cependant, il faut relier le verbe « monte » au sujet « mon âme » pour que la norme
syntaxique remonte en surface la sémantique de la phrase. Aussi, la disjonction du verbe peut
s’opérer à travers l’éloignement de deux infinitifs, comme effectué par le poète dans son texte
« Las de l'amer repos », v. 1 1 à 1 5 :
Je veux délaisser l'Art vorace d'un pays
Cruel ,et, souriant aux reproches vieillis
Que me font mes amis, le passé, le génie,
Et ma lampe qui sait pourtant mon agonie,
Imiter le Chinois... p.16.

L'infinitif imiter au v. 1 5 dépend du verbe « délaisser » du v. 1 1. Il est coordonné à l'infinitif


« délaisser » par la conjonction de coordination « et » qui se trouve au v.12. Entre le
coordonnant et l'infinitif, est insérée pour procéder à la disjonction des deux infinitifs, une
apposition caractérisante et explicative. Cette apposition se structure à partir d'un participe
présent suivi d'un GNP (2) qui est déterminé à son tour par une relative comportant quatre
sujets dont le dernier (« ma lampe ») est amplifié également par une relative. A partir de cette
analyse, la phrase poétique de Mallarmé peut se réécrire comme suit :
Je veux délaisser et Imiter comme le chinois
l'Art vorace d'un pays
Cruel, souriant aux reproches vieillis
Que me font mes amis, le passé, le génie,
Et ma lampe qui sait pourtant mon agonie,

Revue semestrielle – Décembre 2018 321


Adjassoh C.

Par ailleurs, il peut procéder à l’éclatement de la structure du verbe en opérant une


disjonction entre une préposition et un groupe infinitif. Cela s’illustre dans son texte
« Hérodiade » au v.105-106 :
J’aime l’horreur d’être vierge et je veux
vivre parmi l’effroi que me font mes cheveux
Pour, le soir, retirée en ma couche, reptile
Inviolé, sentir en la chair inutile
Le froid... p.32.
Le poète insère entre la préposition (« Pour ») et le groupe infinitif (« sentir en la chair
inutile »), un circonstant (« le soir ») et deux appositions expansées (« retirée en ma couche »)
et (« reptile Inviolé »). Pour faire remonter en surface la clarté de la signification de cette
phrase poétique, elle peut se réécrire ainsi :
J’aime l’horreur d’être vierge et je veux
vivre parmi l’effroi que me font mes cheveux
Pour sentir le froid en la chair inutile
Le soir, retirée en ma couche, reptile
Inviolé,
La distorsion du syntagme verbal dans le langage poétique mallarméen se fait à travers
l’éclatement du syntagme verbal par le truchement de la disjonction de la préposition et d’un
groupe infinitif, la disjonction de deux infinitifs et la disjonction du sujet et du verbe. Il
apparait, à la lecture, que le mode de concaténation du verbe dans l’expression poétique de
Mallarmé participe à brouiller le sens de la phrase. Ce qui fait apparaitre le verbe comme une
ombre dans le langage poétique mallarméen.
3. Le verbe comme ombre du sens chez Mallarmé
Mallarmé est l’un des continuateurs de Baudelaire dans la sphère de la modernisation
du langage poétique dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Si Baudelaire aime les images
pour leur effet, Mallarmé par contre aime les mots dont le sens fuyant lui permet d’édifier un
langage abscons. L’une des classes des mots à partir de laquelle le poète fonde la poéticité de
son expression est de loin le verbe. Il affectionne les verbes pour leur prédication qui
condense chez lui en grande partie le sens de ses textes poétiques. En cela, le verbe est le
noyau qui draine la signification dans ces vers. Ainsi, pour éluder le sens des poèmes
mallarméens, il faut sonder les verbes et leur mode d’articulation pour faire remonter en
surface le sens de ses textes. Dans cette perspective, le verbe est l’une des clés à partir
desquelles le lecteur peut décrypter le langage poétique de Mallarmé. L’épandage de l’ombre
sur son mode d’expression du texte poétique procède, en effet, en partie de la manipulation
qu’il fait du verbe. Sa pratique transforme le texte poétique en une énigme en muant la lecture
en une véritable activité de construction de sens tout azimut dont le foyer de la signification se
trouve contenue par le verbe que le poète élide en permanence. Ainsi, il faut soit réactualiser
le verbe à partir d’un va-et-vient entre les vers du poème où le verbe a été par exemple omis,
soit éclater sa structure par la disjonction du verbe et les syntagmes qui lui sont
traditionnellement liés, en vue de supprimer les lexèmes pouvant faciliter son identification et
son sens dans le poème. Ce qui fait dire à Walid Hamdi que « […] la tendance à élider le
verbe s’accompagne souvent d’une suppression inédite des morphèmes grammaticaux servant
à expliciter le lien et la hiérarchie syntaxiques entre les mots et assurer, en conséquence, la
clarté de l’énoncé ». Par son mode de concaténation du verbe dans l’espace poétique, la
lecture devient un véritable travail, car le sens n’est plus donné, exposé et prêt à être saisi par
le premier lecteur venu. En réalité, dans l’écriture poétique mallarméenne, la dislocation de la
syntaxe traditionnelle du verbe altère la prédication et rend du coup l’acte de la construction
du sens pénible. Et l’on avance ainsi difficilement dans ses poèmes déterminant le caractère

322 Série spéciale ½CRELIS


Pour une poétique du verbe dans la poésie mallarméenne

hermétique de sa poésie. C’est cette activité soutenue par un effort de la part du lecteur
qu’atteste Marchal en écrivant que
C’est au lecteur de faire le travail pour restituer le rapport qui existe entre les deux
éléments apposés. Alors, il prend conscience que lire, c’est toujours relier, c’est établir
des relations entre les mots. Quand nous utilisons la syntaxe du langage commun, cette
liaison sujet-verbe- complément est quasi-automatique, nous nous y retrouvons sans
avoir besoin de réfléchir. Mais lorsque cet ordre est perturbé, lorsqu’il y a des ellipses,
c’est à nous, lecteurs, de construire le sens : la lecture, en ce sens, est une construction.
Marchal (2012)
Dès lors, si nous voulons construire le sens du texte mallarméen, il nous faut en parti nous
référer au verbe dont l’identification n’est pas aisée dans l’expression poétique mallarméenne.
Ce phénomène chez notre poète n’est pas un fait scripturaire hasardeux. En effet, « Avec
Mallarmé, si nous voulons accéder à quelque chose qui soit de la signification, nous sommes
obligés d’en passer par une construction consciente d’elle-même ». Cette pratique répond à un
besoin esthétique savamment orchestré. Elle tend à proscrire la poésie de la portée des non-
initiés qui viendraient comme dans une foire se targuer de leur connaissance dans le domaine
poétique, à l’instar d’un tout venant dans une exposition de peinture, qui peut sans hésiter
donner un sens au tableau d’un illustre peintre sans avoir la première notion de l’art pictural
en se fiant uniquement à ses sensations face à un tableau. En réalité, le mode d’articulation du
verbe dans la syntaxe mallarméenne tend à vaporiser la clarté de la prédication à travers la ré-
catégorisation du verbe. En effet, certains verbes dont le rôle est de traduire des actions sont
détournés par leur mode d’agencement dans le poème pour traduire des états :
« Oui, c’est pour moi, pour moi, que je fleuris, déserte !
Vous le savez, jardins d’améthyste, enfouis
Sans fin dans de savants abîmes éblouis,
Ors ignorés, gardant votre antique lumière
Sous le sombre sommeil d’une terre première, »
(« Hérodiade », v.86-90, p.32)
Dans ce relevé, le mode d’articulation du verbe « fleuris » qui est à l’origine un verbe d’action
le transmue en un verbe d’état par l’apposition de l’adjectif « déserte ». Cette métaphorisation
qui assimile l’être du poète à un espace et dans lequel le désert déroule son empire, dénote du
néant ou du grand vide qui réside dans l’âme du poète assimilé au personnage éponyme
« Hérodiade ». De fait, l’insertion de l’adjectif apposé à travers la configuration du syntagme
verbal (verbe + adjectif apposé + complément) finit par conférer à ce verbe d’action le rôle
d’un verbe d’état. Cette opération de dénaturation du rôle du verbe s’opère encore dans le
poème « Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx » :
« Elle, défunte nue en le miroir, encore
Que, dans l’oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor,
(« Ses purs ongles, p.59)
Dans ces vers, au lieu de se servir du verbe d’action « fermer » pour introduire la prédication,
le poète, par un détour savant déterminé par sa volonté d’obscurcir son expression poétique,
dissout le verbe dans l’espace du vers. Le verbe est évoqué sous la forme du participe passé
« fermé » qui joue le rôle d’un adjectif qualificatif. Pour opérer la remontée du verbe
« fermer » en surface, il faut réécrire cette phrase poétique qui en réalité peut se décliner
ainsi « Elle se fixe dans le cadre qui ferme l’oubli de la défunte nue dans le miroir de
scintillations sitôt septuor ». Le brouillage du verbe dans la prédication peut s’articuler
autrement. En effet, dans le cas de ces vers de « L’après-midi d’un faune », le brouillage se
fait cette fois-ci par le truchement d’un participe présent :
Je les ravis, sans les désenlacer, et vol

Revue semestrielle – Décembre 2018 323


Adjassoh C.

À ce massif, haï par l'ombrage frivole,


De roses tarissant tout parfum au soleil,
Où notre ébat au jour consumé soit pareil.
Je t'adore, courroux des vierges, ô délice
Farouche du sacré fardeau nu qui se glisse,
(L’après-midi d’un faune, p.37).
Le participe présent « tarissant » est le vecteur de la prédication dans le texte. Ce vers peut se
réécrire ainsi : « je ravis les roses qui tarissent leur parfum au soleil et je vole vers le massif
ou notre ébat au jour consumé soit pareil haï par l’ombrage frivole ». Il apparait que l’action
des roses est contenue dans le participe présent « tarissant » à partir de sa fonction adjectivale
qui la détourne et la dissipe. Ainsi, la syntaxe fluctuante du verbe chez Mallarmé dissout la
clarté du sens du texte masqué soit par le participe passé, soit le participe présent rendant le
sens fuyant du fait de l’instabilité et de la distorsion de la syntaxe du verbe. Ce mode
d’articulation du vers pour enfumer son langage poétique « […] signifie la perte de son apport
prédicatif, rôle qui lui est normalement dévolu, pour se convertir en une simple copule servant
à décrire un état plutôt qu’à véhiculer une action. »

Conclusion
En définitive, le langage poétique mallarméen s’apparente à un réceptacle où l’on
creuse le verbe pour l’amener à traduire l’indicible. Il est un facteur de l’abstraction du
langage poétique mallarméen. En cela, Mallarmé procède par l’ellipse du verbe, son
articulation à travers les incises et l’éclatement de la syntaxe verbale. Son mode d’articulation
du verbe aboutit à une distorsion de la syntaxique verbale qui participe au brouillage du sens
du texte poétique de Mallarmé.

Références bibliographiques
Bertrand Marchal, Apprendre à lire avec le plus obscure des poètes, 25 Février 2012, 23 : O1
CET par Jacques Drillon Les Archives au Présent (Bertrand Marchal, « Apprendre à
lire Mallarmé», 201602-TCF-BMarchal
Apprendre_a_lire_avec_Mallarme_le_plus_obscur_des_poètes,).
Brunot F. et al, Précis de grammaire historique de la langue française, Paris, Masson et Cie.
1969, p.448
Dubois Jean, Lagane René, La nouvelle grammaire du français, Paris, Librairie Larousse,
1989, p.112.
Mallarmé Stéphane, Poésie, Paris, Gallimard, 1992.
Michel Arrivé et al, La grammaire d’aujourd’hui : Guide alphabétique de la linguistique
française, Paris, librairie Flammarion, 1986, pp.684-685.
Molinié Georges, « Musique et style », dans Musique et Style. Méthodes et concepts, Paris,
Université de Paris-Sorbonne, Séminaire post-doctoral interdisciplinaire, coll. «
Conférences et séminaires », n/ 3, 1995.
Molinié Georges, La stylistique, Paris, Quadrige / PUF, 2008.
Tisset Carole. Éléments pour analyser la syntaxe de Mallarmé. In: L'Information
Grammaticale, N. 81, 1999. pp. 40-44. DOI :
https://doi.org/10.3406/igram.1999.2820www.persee.fr/doc/igram_0222-
9838_1999_num_81_1_2820
Walid Hamdi, La poésie symboliste et la fiction : d’une syntaxe de la fiction à une syntaxe
fictive, in International Journal of Humanity and cultural studies
http://www.ijhcs.com/index.php/ijhcs/index, p.122

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