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Année universitaire 2019 -2020

DIDACTIQUE DES
LANGUES AFRICAINES

(12 séances ou 22heures de cours + 2h de DST)

Mme GBLEM-POIDI

Département des Sciences du Langage

FLLA

Université de Lomé

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A. Description du cours
Le cours de Didactique des Langues distingue deux grandes parties :
- L’élaboration de l’orthographe d’une langue
. Représentation des segments (phonologie)
. Représentation des mots (morphologie)
. Représentation des suprasegments (tonologie)
- L’élaboration de manuels didactiques : abécédaire, pré-syllabaire , syllabaire

B. Objectifs
1) Objectif général :
Ce cours est destiné à outiller les étudiants en Linguistique pour une gestion complète d’un
projet d’alphabétisation sur le terrain.
2) Objectifs spécifiques
Transmettre aux étudiants en Linguistique :
. les principes d’élaboration de l’orthographe d’une langue ;
. les techniques de confection de manuels didactiques en alphabétisation, avec
un accent particulier sur celles de l’élaboration d’un syllabaire par la méthode
analytico-synthétique ;

C. Plan du cours
I Elaboration de l’orthographe
1. Phonologie et orthographe
2. Tonologie et orthographe
II Confection des manuels didactiques
3. Abécédaire et pré-syllabaire
4. syllabaire: Textes préliminaires et listes de mots
5. Fréquence des lettres
6. Choix de lettres des premières leçons
7. Choix des mots-clés et rédaction des textes de fin de leçon
8. Première leçon
9. Fiche de contrôle de la progression
III Animation des classes d’alphabétisations
10. Enseignement d’une leçon de syllabaire - Révision
11. Travaux pratiques et évaluation

D. Références bibliographiques
PRINSLOO, M. ; BREIER, M. (dir. publ.), 1996. The Social Uses of Literacy: Theory and
Practice in Contemporary South Africa. Amsterdam, John Ben;jamins.
ROBINSON, C., 2003. Literacy – New Meanings and Dimensions. Exposé présenté à la
réunion d’experts, Renewed Vision of Literacy and Policy Implications, 10 juin 2003,
UNESCO, Paris.
STREET, B.V., 1995. Social Literacies. Critical Approaches to Literacy Development,
Ethnography and Education. London, Longman.
—. 2003. What’s ‘New’ in New Literacy Studies? Critical Approaches to Literacy in Theory
and Practice? [Quoi de « neuf » dans les nouvelles études sur l’alphabétisation ?
Approches critiques de la théorie et de la pratique]. Current Issues in Comparative
Education 5(2).
SHELL, Olive et WIESEMANN, Ursula, 1978, ”Guide pour l’alphabétisation en langues
africaines" de Collection Propelca, No 34, Yaoundé.

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CHAPITRE 1 : ELABORATION DE L’ORTHOGRAPHE

0. Introduction
0.1. Mise au point terminologique
0.1.1. Didactique : Qu'est-ce que la Didactique? C'est une science qui a pour objet l'étude
systématique des méthodes et des pratiques de l'enseignement en général, ou de
l'enseignement d'une discipline ou d'une matière particulière.

0.1.2. La Didactique des langues: C'est l'étude systématique des méthodes et des pratiques
de l'enseignement des langues, plus précisément des langues historiques.

0.1.3. La Didactique des langues africaines: Les langues africaines étant, pour la plupart, des
langues à tradition orale et peu décrites, la didactique des langues africaines va consister à la
description, à la codification et à la vulgarisation desdites langues.

0.1.4. Didactique vs Pédagogie


La Didactique porte sur les méthodes ou les pratiques d'enseignement tandis que la Pédagogie
porte sur l'éducation ou l'action éducative. Le mot "didactique" qualifie ce qui concerne les
méthodes et les pratiques de l'enseignement.

CHAPITRE 1 : Techniques d'élaboration de l'orthographe d'une langue


L’analyse des sons, de leur distribution et de leur fréquence permet d’établir une orthographe
qui respecte la structure phonologique de la langue (quelles consonnes, quelles voyelles et
quels tons doivent faire partie de l’orthographe). Une bonne orthographe est donc le reflet du
système phonologique d’une langue. Il faut souligner que l’analyse phonologique seule ne
peut déterminer une bonne orthographe ; il y a également les facteurs sociolinguistiques (la
préférence des locuteurs) qui influent sur le choix des symboles de l’alphabet. Dans ce
chapitre, nous allons aborder les différents principes et méthodes d’élaboration de
l’orthographe d’une langue.

1.1. Les principes d’élaboration de l’orthographe

Une orthographe, aussi simple ou complexe qu’elle soit, n’est jamais un fait de hasard. Elle
est, sans équivoque, le résultat de l’application d’un principe ou règles orthographiques
spécifiques adaptées à une langue spécifique. Ces principes, malgré leur différence, doivent
être concourants et non concurrents pour une orthographe conséquente et effective.

1.1.1. Le principe phonémique

Le principe phonémique stipule ceci : ‘A un phonème correspond un et un seul graphème’


Les orthographes de la plupart des langues africaines sont régies par le principe
phonémique.
C’est après l’identification des phonèmes d’une langue linguistique que l’on peut valablement
commencer à concevoir son écriture. Les orthographes de la plupart des langues africaines

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sont régies par le principe phonémique. Selon ce principe, chaque phonème d’une langue a
un correspondant unique dans l’orthographe.

Phonème vs Graphème
Un son pertinent du système Une lettre de l’alphabet
phonologique d’une langue,

Le principe phonémique simplifie l’orthographe des langues et rend l’apprentissage facile. On


prononce tout ce qui est écrit. Pas de lettres muettes comme dans l’orthographe du français.

1.1.1.1. Représentation des sons complexes


a) Les voyelles nasales dans l’orthographe
Il y a deux options pour la représentation orthographique de la nasalisation vocalique :
- par <n> à la suite de la voyelle nasalisée.
- Par un tilde au dessus de la voyelle nasalisée
Dans beaucoup de langues africaines, c’est la première option qui est adoptée.
[ã] = <an>
[ũ ] = <un>
Cette option pose un problème lorsqu’une voyelle nasalisée suit une consonne nasale. Prenons
par exemple le mot agni kũndo qui signifie "rouler". Faut-il l’écrire kunndo ou kundo ? La
première solution est la meilleure d’autant plus qu’elle est la représentation de la structure
profonde du mot et permet d’éviter toute confusion.
Un exemple du ditammari :

cεnkε  ‘là-bas’ cɛ̃nkε  cɛnnkɛ ‘par hasard’

[ɛ̃ ] = <ɛn>. Si dans l’orthographe on éliminait un <n>, il y aura confusion chez le lecteur. Il
ne saura pas s’il s’agit de < cεnkε> : "là-bas" ou de <cennkε> : "par hasard".

Dans d’autres langues, la nasalisation vocalique est représentée par un tilde (~) au-dessus de
la voyelle orale.

b) Les voyelles [ATR]


La plupart des vieilles orthographes de langues africaines qui ont le trait [ATR] (Advanced
Tongue Root) l’ont simplement négligé. Le fait de ne pas en tenir compte dans l’orthographe
crée d’énormes difficultés de lecture.

c) Les nasales homorganiques


Les nasales, qu’elles soient homorganiques ou archiphonèmes subissent une assimilation en
contexte et doivent être représentées de la manière suivante :

<m> avant /b, p, m, w/


<n> avant /t, d, s, z, l, n/
< ɲ> avant /c, j, y/
<η> avant /k, g/

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Dans beaucoup de langue, la nasale alvéolaire <n> apparaît aussi avec les palatales.

1.1.1.2. Les phonèmes à statut douteux dans l’orthographe

Il s’agit des allophones, des variantes libres, de l’alternance consonantique et des


assimilations nasales. Ces phénomènes phonologiques entraînent la remise en question
partielle du principe phonémique.

a) Les allophones
Dans le cas des allophones, le son qui a plus de distribution, c’est-à-dire le son qui apparaît
dans plus de contexte phonique sera le représentant orthographique. Dans certaines langues, il
est préférable que les différents allophones soient représentés dans l’orthographe.

b) Les alternances consonantiques


Dans certaines langues, des sons ayant le statut de phonème alternent avec d’autres phonèmes
dans des environnements spécifiques. Ce phénomène existe en kabiyɛ. Delord (1979 ) montre
que les phonèmes /f/ et /h/ alternent entre eux, de même que /b/ et /w/. /f bʋ/ et /hbʋ veulent
dire "griller" ; et /bèlέ/ et /wèlέ/ signifient tous deux "jeune filles".
Parfois ces alternances consonantiques sont conditionnées par des facteurs grammaticaux.
Que doit-on faire devant ce phénomène ?

L’extension du principe phonémique


Les allophones de l’archiphonème /N/ relancent le débat sur les sons qui méritent d’être
représentés dans une orthographe pratique. Les alternances consonantiques ont-ils leur place
dans l’orthographe ?
Une interprétation stricte du principe phonémique n’est pas toujours utile. Il faut alors
l’étendre pour inclure certains cas d’allophones et d’alternance consonantique dans
l’orthographe. Ainsi, le principe phonémique révisé ou principe allophonique stipule que
les cas d’allophones et d’alternances consonantiques doivent être représentés par des
allographes ou des graphèmes différents dans l’orthographe.

1.1.2. Structure syllabique et orthographe

Une syllabe est la combinaison d’une consonne et d’une voyelle. Généralement on distingue
les mots monosyllabiques à syllabes ouvertes ou fermées, des mots polysyllabiques à syllabes
ouvertes ou fermées. La syllabe des langues africaines comporte généralement trois éléments,
à savoir la consonne, la voyelle et le ton. En phonologie générative, la syllabe est représentée
par le symbole σ, Ce symbole sera utilisé dans certains schémas.

Ces mots sont constitués d’une seule syllabe. Ceux qui sont de structure syllabique
ouverte ont la forme suivante :

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σ

C V (V)

Les syllabes fermées ont la forme suivante :

C V C

La plupart des langues de notre sous-région ont des syllabes ouvertes. Certaines langues Gur
telle que le moba-lok, le lokpa, le kabye, etc. ont des syllabes fermées. Généralement ces
syllabes se terminent par [m, n, η, η, y]. Certaines langues de la famille Kwa ont des mots se
terminant par /m/.

2.4.2 : Les mots dissyllabiques

Ici notre attention portera exclusivement sur les mots dont la forme canonique est
consonne1 + voyelle + consonne 2 + voyelle (C1 + V + C2 + V) mais qui deviennent dans un
parler rapide consonne1 + consonne2 + voyelle + (voyelle) C1 + C2 + V + (V). Généralement
la consonnes2 (C2) est soit /l/ ou /r/. Pour illustrer prenons le mot igo /bélè/ ‘conduire’ qui
devient /bléè/. Voici comment on pourrait le représenter schématiquement :

σ σ σ

C1 V C2 V C1 C2 V V
b é 1 è b 1 é è

Quand on parle à une certaine allure /bélè/ devient / bléè /. En phonologie, la règle qui permet
de passer de /bélè/ (la structure profonde) à /bléè/ (la structure de surface) est la métathèse.

La métathèse donne du fil à retordre en orthographe. Faut-il représenter le parler rapide


(structure de surface) ou le parler lent (la structure profonde) ? Le conseil qui est souvent

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donné est de garder la forme du mot prononcé isolément et lentement dans l’orthographe.
Cette recommandation a donné lieu au principe suivant :

Le principe de la vitesse d’élocution

L’orthographe du mot doit être basée sur la forme prononcée isolément et lentement,
(Jones 1967  : 227 et Booij 1987  : 217).

Une orthographe basée sur la phonologie générative représenterait les formes ayant de
structure CVCVCV parce qu’elles reflètent mieux la structure profonde de la phonologie de la
langue. En plus, cette orthographe aura la chance de transcender les variations dialectales
parce que les structures CCCV ne sont pas encore uniformément représentées dans tous les
dialectes. Cet exemple confirme ce que Chomsky avait déjà dit, à savoir, qu’une orthographe
optimale (c’est-à-dire basée sur la phonologie générative) est mieux que les autres parce
qu’elle ne se limite pas seulement aux dialectes de ceux qui l’ont élaborée. Elle représente
vraiment tous les dialectes parce qu’elle émane de la structure profonde. En plus, il sera plus
facile d’acquérir cette orthographe que celle basée sur la structure de surface. Il est par
exemple plus facile de prononcer [àxuluwà] que de prononcer [àxluwà]. Pendant les cours
d’alphabétisation, on aura qu’apprendre aux lecteurs à ne pas prononcer les voyelles
homophoniques (sons identiques) qui intercalent /l/, sauf dans les mots d’emprunt.

1.2. Morphologie, phonologie et orthographe

1.2.0. Introduction
L’une des questions qui reste en suspens et à laquelle jusqu’à présent aucune théorie
linguistique n’a pu répondre avec satisfaction est la définition du mot. Il arrive que l’on
écrive un mot d’une façon aujourd’hui, d’une autre demain et encore d’une autre manière un
autre jour. Il arrive également que l‘on se demande s’il faut écrire telle suite de sons en un
seul mot, en deux mots différents, ou en mot composé. Ce problème revient constamment et
ces types de décision orthographique ornent le quotidien du linguiste.

1.2.1. Morphologie et orthographe


La première tâche du linguiste consiste à identifier les phonèmes et graphèmes de la langue
visée. La seconde tâche qui l’attend est d’apprendre à définir le "mot".
La morphologie est définie d’habitude comme étant l’étude des unités significatives qui
constituent un mot. Y a-t-il des principes clairs pouvant guider dans les choix
orthographiques ? En guise de réponse à cette question, il est utile de déterminer ce qu’est un
mot phonétique, un mot phonologique, et un mot morphologique.

1.2.1.1. Le mot phonétique


Le mot phonétique est un assemblage de sons entre deux pauses. En transcription, ces deux
pauses sont marquées par un espacement entre les mots.
Règle1 : Toute suite de sons qu’on peut écrire seul, c’est-à-dire encadré par deux espaces, est
un mot orthographique. C’est le critère de la pause ; il stipule que :

‘Tout segment de la phrase encadré par deux pauses constitue un mot’. Falk (1978 : 26).

Le critère de la pause est d’une grande utilité pratique pour déterminer les mots
orthographiques. Mais, l’inverse du principe n’est pas vrai et si on l’applique immodérément

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on peut obtenir des résultats erronés. En effet, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de pause entre
deux mots qu’il faut les écrire nécessairement en un seul mot orthographique. Prenons le
syntagme nominal français suivant : "cet après-midi". Dans le parler de plusieurs
francophones, il se réalise [ce taprès midi]. Le critère de la pause dirait qu’il faudrait écrire ce
syntagme nominal comme suit : <ce taprès midi> alors que l’orthographe usuelle dit autre
chose. Quoiqu’utile, le critère de la pause montre des signes de faiblesse lorsqu’il s’agit
d’amalgame de sons. Ce critère, si l’on n’y prend pas garde, peut donner des résultats
différents de la réalité morphologique. C’est pour pallier à cette insuffisance qu’il faut y
ajouter le critère du mot phonologique.

Règle générale : Sauf dans des cas très rares, chaque mot doit être écrit d’une seule
façon, et son orthographe doit être basée sur le mot dit isolement.

1.2.1.2.  Le mot phonologique


Hyman (1988 : 446) définit le mot phonologique comme étant une unité lexicale dans laquelle
il y a une cohérence phonologique et où l’on retrouve une contrainte distributionnelle. En
effet, les éléments de définition du mot phonologique (l’harmonie vocalique, les frontières
morphologiques et les traits prosodiques…) sont révélateurs des limites du mot
orthographique et permettent de le délimiter.
Prenons le cas de l’harmonie vocalique [ATR], par exemple. Les langues qui ont cette
harmonie ne mélangent généralement pas les voyelles des deux groupes dans un même mot.
Ainsi, dans un mot, toutes les voyelles seront soit [+ATR] ou [-ATR] comme le montrent les
deux schémas ci-dessous :

σ ou σ

t i s i c ɔ l ɔ

[+ATR] [+ATR] [-ATR] [-ATR]

tisì est un mot lokpa qui veut dire ‘’réponds’’ et cɔ́lɔ̀ qui veut dire ‘’auprès de’’.
Rares sont les cas où il y aura un mélange de voyelles [+ATR] et [-ATR] dans un même mot.

1.2.1.3 : Le mot morphologique


La morphologie est l’étude des formes d’un mot. En morphologie on distingue trois éléments
importants permettant de déterminer un mot. Ce sont les préfixes, les infixes et les suffixes,
encore appelés affixes. Le préfixe précède le radical, l’infixe s’insère entre les éléments du
radical, et le suffixe suit le radical. Ils s’attachent ainsi au radical du mot et forment avec lui
une unité indivisible appelée mot orthographique. Ce lien entre les affixes et le mot est
tellement fort qu’il a donné lieu au critère d’inséparabilité qui stipule que :

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Les affixes forment un tout inséparable avec la racine à laquelle ils sont liés. Anderson
(1987 : 152).

Le test d’inséparabilité permet de résoudre le problème de monèmes à séparer ou à écrire en


un seul mot. Selon Nida (1946 : 154), ce critère n’est pas à 100% efficace à cause de la
présence de morphèmes discontinus dans certaines langues. Exemple du morphème de la
négation en français ‘’ne….pas’’.

1.2.3. Les allomorphes


Dans de très nombreuses langues, lorsque certains affixes sont collés à la racine du mot, il se
produit des assimilations phonologiques diverses. Illustrons cela avec deux exemples, l’un du

français et l’autre du ditammari :

1. impossible
2. illégal
3. intolérable
4. irréversible

Ces exemples font ressortir quatre types de préfixes ayant le même sens : {im}, {il}, {in} et
{ir}. Ces préfixes ont plus ou moins le sens de ‘’on ne peut pas faire …’’. On remarque aussi
que ces préfixes ont des formes différentes en structure de surface en fonction des phonèmes
auxquels ils sont préfixés. On peut estimer qu’ils ont une forme unique en structure profonde,
et que les diverses formes en structure de surface sont conditionnées par les environnements
phonologiques dans lesquels ils apparaissent.

Exemple 1, le français : Voici les règles phonologiques qui conditionnent les changements de
la forme de ces morphèmes :

1. ‘’on ne peut pas…’’ {im}/ ___________ [+bilabiale]


2. ‘’on ne peut pas…’’ {il}/ ___________ [+latérale]
3. ‘’on ne peut pas …’’ {in}/ ___________ [+dentale]
4. ‘’on ne peut pas …’’ {ir}/ ___________ [+vibrante]

On dit alors que le morphème signifiant ‘’on ne peut pas…’’ a quatre allomorphes : {im},
{il}, {in} et {ir} dont les formes changent en fonction de leur environnement phonologique.
Exemple 2 : le ditammari a un système de classes nominales où la plupart des préfixes et des
suffixes de classe sont identiques. Ainsi pour le singulier de la classe 2, on a les mots
suivants :
ditammari : la langue ditammari
dimonkuri : le margouillat
dikpanni : la guerre
dibènni : le mortier

di…….di

le suffixe –di devient –ri devant une voyelle orale; il devient –ni devant une nasale.

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Représentation orthographique des allomorphes 

Règle 1 : Représentation des allomorphes. Pour un morphème qui subit des changements
phonologiques ou phonétiques importants causés par son environnement, les allomorphes qui
en résultent doivent être représentés dans l’orthographe. C’est le cas de l’exemple du français
et du ditammari ci-dessus.

Règles 2 : Représentation de la forme en structure profonde. C’est le choix de l’anglais


dans l’exemple suivant : le morphème du passé {ed} dans he walked ‘il a marché’, ou du
morphème du présent {-s} dans he walks ‘il marche’ est représenté de la même manière
quelle que soit leur réalisation. Les variations morphophonologiques ne sont pas prises en
compte dans l’orthographe.

1.2.4. Les semi-suffixes

Wolff (1984 : 72) cite Marchand qui définit les semi-suffixes comme étant ‘’ces
éléments qui sont à mi-chemin entre le mot et les suffixes. Certains de ceux-ci sont utilisés
seulement comme des suffixes alors que leur spécificité en tant que mot est reconnaissable’’.
Elle cite les exemples anglais suivants :

1. waterproof (résistant à l’eau)


2. moneyless (pauvre, sans argent)
3. dutyfree (sans taxe douanière)
4. chairman (président)

Dans ces exemples les suffixes {proof}, {less}, {free} et {man} peuvent, dans d’autres
environnements, être utilisés comme des mots à part entière. <proof> veut dire ‘’preuve’’,
<less> veut dire ‘’moins / moindre’’, <free> veut dire ‘’libre’’, <man> veut dire ‘’homme /
personne’’.
Il y a dans certaines langues des formes ambivalentes qui se comportent tantôt comme un
suffixe (se place après le mot déterminé), tantôt comme un mot.
A l’instar des semi-suffixes, il existe également, dans certaines langues, des semi-préfixes,
dont la définition reste la même sauf que les semi-préfixes se placent avant le mot déterminé.

Faut-il les écrire comme deux mots différents ?

Pour toute fin utile, les semi-affixes doivent constituer un seul mot orthographique avec le
radical auquel ils se rapportent.

Le principal inconvénient de ce principe est que les mots qui résultent de la combinaison
risquent d’être longs.

1.2.5. Les mots composés


Wolff (1984 : 72) définit les mots-composés comme des mots complexes dont chaque
constituant peut être utilisé dans un discours, indépendamment de l’autre. Par exemple
chasse-mouches est fait de deux mots : <chasser> et <mouche>. L'un peut apparaître sans
l'autre dans un contexte tel que: j’ai chassé les mouches qui volaient autour de mon jus. Les
mots composés sont un véritable casse-tête. La réforme de l’orthographe française faite par
l’académie française en 1991 touche dans une large mesure les mots composés. Jusqu’à
présent aucun principe adéquat n’a été trouvé permettant de savoir si telle ou telle structure

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doit être écrite en un seul mot, en deux mots différents ou en un mot composé. Il semble que
pour les besoins orthographiques, la meilleure façon de définir les mots composés est
d’utiliser un critère syntagmatique. Déjà en 1960 Lee proposait que les mots composés étaient
véritablement des phrases entières en structure profonde et que c’est à la suite de plusieurs
transformations qu’ils sont devenus des mots composés. Les détails peuvent être utiles pour la
représentation des mots composés dans l’orthographe. C’est en essayant de voir les catégories
syntagmatiques auxquelles appartiennent les différents mots qui se mettent ensemble pour
former le mot composé qu’on aura la chance de pouvoir les écrire raisonnablement bien.
Examinons les mots français suivants :
1. porte-manteau, garde-corps, attrape-nigaud, couvre-feu
2. par-dessus, après-midi, sans-abri
3. auto-école, pot-pourri, taxi-moto
4. sage-femme

Ces exemples français obéissent aux structures syntaxiques suivantes :


1. Verbe + Nom
2. Proposition + Nom
3. Nom + Nom
4. Adjectif + Nom

Il serait important pour le linguiste de voir comment les mots composés sont structurellement
organisés dans la langue cible. Il pourra décider, après examen, de les écrire en se basant sur
l’ordre syntagmatique.
En général certains traits phonologiques tels que la nasalisation et l’harmonie vocalique
[ATR], ou d’autres types d’harmonie vocalique peuvent permettre d’identifier les mots
composés.

1.2.6. La réduplication
La réduplication est un procédé de dérivation utilisé dans plusieurs langues. La réduplication
du verbe est la plus courante. Lorsque plusieurs sujets participent à la même action décrite par
le verbe, ou lorsque le verbe gouverne plusieurs compléments d’objet, il peut y avoir
réduplication.
Exemple : eʋe,
ku tsi  puiser de l’eau tsikuku ‘le fait de puiser d’eau’
ɖu nu manger nourriture nuɖuɖu  ‘le fait de manger de la nourriture’

1.2.6.1. Réduplication et orthographe


On distingue plusieurs types de réduplication. la réduplication monosyllabique et la
réduplication polysyllabique. Il faut différencier la réduplication partielle de la
réduplication complète. Au niveau syntagmatique, il faut mettre à part la réduplication des
verbes intransitifs et les verbes intrinsèquement transitifs. Selon les langues, l’une ou
l’autre de ces catégories jouent sur l’orthographe.

1.2.6.2. Réduplication, phonologie, et orthographe


La réduplication monosyllabique et dissyllabique utilisent les mêmes procédés. Il faut
cependant noter que chaque langue peut avoir ses particularités propres. Quand un mot
monosyllabique subit la réduplication, on obtient un mot à deux syllabes comme on peut le
voir ci-dessous :
σ  σσ

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C1V1  C1V1 C2V2
d í  ‘pousser (d‘un coup)’  didi ‘pousser’

De la même manière, si un mot dissyllabique subit la réduplication, on obtient un mot à quatre


syllabes :
La réduplication dans la plupart des langues, qu’elle soit monosyllabique ou dissyllabique, se
comporte en tout point de vue comme une préfixation et donc le critère d’inséparabilité
devrait s’appliquer. Certaines langues comme l’igo utilise des infixes comme stratégie
morphologique pour les réduplications. Que la réduplication se fasse par préfixation,
infixation ou suffixation, le principe d’inséparabilité s’applique sans obstacle.

Règle : En se basant sur le principe de l’inséparabilité, les mots résultant d’une


réduplication doivent être écrits en un seul mot orthographique.
Cependant, il se pose un problème de longueur de mots qui, en fait, n’est pas gênant pour la
lecture dans ce cas particulier.

1.2.7. Les classes nominales 


Généralement elles s’unissent au nom déterminé en un seul mot orthographique.

1.3. Morphophonologie et orthographe


Les mots, en se combinant en unités linguistiques plus grandes, subissent des phénomènes ou
des changements phonologiques et phonétiques. Ces changements se traduisent par des
élisions, des liaisons, des contractions, des assimilations, des amalgames, des métathèses, etc.
Exemple : Les enfants sont trop importants pour être négligés

Le [s] de <les>et le [e]de <enfants> se prononcent de telle sorte qu’en les écoutant on entend
[lezãfã]. Dans le parler de certaines personnes le [p] de <trop> et le [i] de <important> se
prononcent ensemble au point qu’on entend [pimportan]. Le [r] de <pour> et le [e] de <être>
ont aussi tendance à être prononcés ensemble. Comment représenter de tels phénomènes ?

1.3.1. L’élision
C’est la chute d’une voyelle à la rencontre d’une autre.
1.3.1.1. Elision de style
C’est l’élision due au parler rapide. Dans ce type d’élision, c’est la forme du parler soigné qui
sera écrite et l’élision se fera automatiquement avec une lecture courante.
Exemple : igo
On écrira au lieu de
só ìyì séyì ‘étendre au soleil’
tó ùnà tónà ‘chanter’
nyó ùɖù nyoɖù ‘endurer, prendre courage’

1.3.1.2. Elision obligatoire ou lexicalisée


C’est lorsque deux mots donnent naissance à un seul mot par suite d’élision. Après la chute,
les deux mots en incidence fusionnent et deviennent un seul. Etant donné que ces mots
s’unissent et forment une unité soudée, il est mieux de les représenter ainsi, c’est-à-dire en un
seul mot.
Exemple des possessifs en igo
ámì + ugu  ámùgu ‘mon dos’
ánì + ugu  ánùgu ‘ton dos’
níì + ugu  núùgu ‘son dos’

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En général pour certains mots, l’élision s’est produite il y a tellement longtemps que les
locuteurs n’arrivent pas à reconstituer les mots en incidence, même dans un parler très lent.

Règles : Le principe de l’élision lexicalisée stipule que le produit final de la lexicalisation


de deux mots est à représenter dans l’orthographe, plutôt que la reconstitution des
formes originales.
Exemple : cas d’amalgame en igo :
ɔmi + nì --------------> ámì
ɔwɛ + nì --------------> ánì
únì + nì --------------> níì

Ces amalgames doivent être représentés en un seul mot.

1.3.1.3. Les clitiques pronominaux


Les clitiques sont les petits mots qui ne peuvent pas se tenir seuls dans la phrase. Ils ont
toujours besoin d’un "tuteur". Clitique vient d’un mot grec qui veut dire "se pencher sur". Il
n’est donc pas étonnant qu’ils soient généralement des pronoms personnels. Le pronom
personnel objet de la troisième personne du singulier sera pris en compte dans cette section.
On peut le remarquer à partir des exemples d’agni et du fon. Considérons les 3 phrases
suivantes en agni :
1. Kasi a já Aya
‘Kasi a épousé Aya’

2. Kasi a já yi
Kasi a épousé elle ‘Kasi l’a épousée’

3. Kasi a já à
Kasi a épousé elle (Kasi l’a épousée)

Le pronom personnel objet <yi> remplace Aya dans la seconde phrase. Dans la troisième
phrase au lieu de <yi>, on <à>. C’est le [a] du verbe ja qui est allongé. Ce [a] est la forme
clitique du pronom personnel objet <yi>. Etant donné que la forme clitique du pronom
personnel ne se dit pas isolément, la représentation orthographique du mot doit faire
abstraction de l’allongement vocalique, et représenter le pronom personnel objet de la
troisième personne du singulier partout par yi.
Booij (1987 :217)  confirme ce fait : L’orthographe doit faire abstraction des effets de la
morphonologie ou phonologie post-lexicale. Elle doit représenter les mots prononcés
isolément.

1.3.2. Les mots proverbiaux


Il y a une catégorie de mots qui sont une source énorme d’ennuis dans certaines langues. Il
s’agit des mots qui ont force de proverbe. Un tel mot peut être toute une phrase. Sur le plan
syntaxique, ils se comportent comme un nominal : ils peuvent prendre un article ou se mettre
au pluriel, et peuvent assumer les fonctions d’un nom. Exemples des anthroponymes dans les
langues africaines.

Il y a deux alternatives :
- écrire toute l’expression en un seul mot orthographique (mot court)
- l’écrire comme un mot composé (mot relativement long).

13
Conclusion
Dans ce chapitre nous avons passé en revue les problèmes morphologiques les plus courants
en orthographe. La plupart des difficultés émanent de l’incapacité actuelle de la linguistique
de définir clairement ce qu’est un mot. Mais celui ou celle qui tente d’écrire une langue non
encore écrite doit trouver une solution adéquate aux problèmes épineux liés à l’orthographe.
Les ébauches de solutions proposées dans ce chapitre ont pour but d’offrir des pistes de
recherche et non des solutions toutes faites qu’on pourrait appliquer à toutes les langues.
L’intention n’est pas de proposer ici une panacée pour tous les maux orthographiques.
L’orthographe se taille sur mesure !

CHAPITRE II. L’IMPORTANCE DES TONS DANS L’ORTHOGRAPHE

1.0. Introduction
Le ton est un élément prosodique consistant en des vibrations de hauteur (périodiques) à
l’intérieur d’un mot, permettant d’opposer deux signifiants homophones de sens différent. Les
tons permettent de distinguer non seulement des mots comme dans le cas des segments, mais
aussi des structures grammaticales dans les langues tonales.

2.1. Caractéristiques des tons


Il existe deux types de tons : les tons ponctuels et les tons modulés. Aucune langue n’a plus
de 5 tons ponctuels. Généralement, dans les langues tonales, le ton bas est plus récurrent
que le ton haut. On rencontre également des tons modulés dont les principaux sont les tons
montants et les tons descendants. Les tons modulés sont constitués d’une séquence de deux
tons ponctuels. La maîtrise du système tonal d’une langue est très importante, voire capitale
pour l’élaboration d’une bonne orthographe de cette langue.

2.1.1. Fonction distinctive des tons


Exemple de l’igo :
ùni “chèvre”
uní “perle”
UNI ùnì “éléphant”
únì “lui”
úni “et puis...”

Les cinq mots ci-dessus ne se distinguent que par leurs tons. S’ils avaient été écrits sans tons,
le lecteur aurait de la peine à les distinguer. Pour y arriver, il lui faudra lire et relire tout le
contexte. Et souvent même le contexte n’aide pas trop.

2.1.2. Fonctions grammaticales des tons


L’énoncé verbal a- na- ŋa peut avoir 12 différentes formes tonales comme le montrent
les exemples suivants:

14
-- Verbe ŋà “marcher”
a na ŋà “tu as l’habitude de marcher”
à náa ŋà “tu marcheras”
A NA ŊA à nàá ŋaà “tu ne marcheras pas”
á ná ŋàà “tu n’as pas marcheÉ”
à nà ŋà “tu pourrais marcher”
à nàá ŋàà “tu ne dois pas marcher”
-- Verbe ŋá “nier”
a na ŋa “tu as l’habitude de nier”
à náa ŋa “tu nieras”
à nàá ŋáà “tu ne nieras pas”
A NA ŊA á ná ŋaà “tu n’as pas nié”
à nà ŋa “tu peux bien nier”
à nàá ŋaà “tu ne devrais pas nier”

2.2. Les inconvénients d’une orthographe sans tons


La plupart des intellectuels africains ayant étudié en français ou en anglais qui sont des
langues non tonales, émettent des réserves quant à la nécessité d’écrire les tons dans
l’orthographe. Dans un certain nombre de cas, des pressions ont été exercées pour que
l’orthographe ne porte pas de marques tonales. Quels en sont les inconvénients?

Les tons lexicaux et grammaticaux doivent être marqués dans l’orthographe afin de lever les
ambiguïtés et faciliter la lecture.

2.3. Les inconvénients du surcharge tonal


Ne pas écrire les tons du tout peut avoir de graves conséquences pour le lecteur. On met plus
de temps pour lire une orthographe sans tons. Et les risques de confusion dus aux ambiguïtés
sont élevés. Les expériences attestent que pour une bonne lecture le lecteur doit être averti
bien à l’avance pour qu’il s’y prépare. Si cette précaution n’est pas prise et s’il doit lire à
l’improviste, il ne s’en sort presque jamais !
En marquer trop n’est pas non plus la solution. Ecrire les tons sur toutes les voyelles et les
consonnes susceptibles d’en porter surcharge le texte et rend la lecture très difficile. Souvent
le linguiste lui-même a du mal à se retrouver.

2.3.1. Suggestions pour une orthographe tonale rationnelle


A un séminaire sur les tons, l’enseignant avait tellement insisté sur la nécessité de marquer les
tons qu’à la fin, des participants très enthousiastes avaient décidé de marquer tous les tons.
Devant l’immensité de la tâche, ils étaient découragés et ne savaient plus où donner la tête. La
meilleure suggestion serait d’écrire les tons modérément.

2.3.2. Les tonèmes et les morphotonèmes : lesquels faut-il écrire ?


Les linguistes font une distinction entre tonèmes (tons phonémiques) et morphotonèmes
(tons morphophonologiques). Un tonème est un ton inhérent au mot, un ton qui lui est

15
propre. Un morphotonème est un ton qui subit l’influence des tons qui le précèdent ou le
suivent immédiatement. Par conséquent, un ton bas peut devenir moyen dans un
environnement donné, et haut dans un autre. Lorsqu’un ton change ainsi de niveau, on parle
alors de tons phonologiques. Il faut souvent des analyses phonologiques très poussées pour
rendre compte de tous les phénomènes qui affectent les tons dans un discours. Cette
distinction est-elle possible ou bien utile pour la masse analphabète dans l’apprentissage de la
lecture ?

2.4. Les principes d’écriture des tons

2.4.1. Alternative I : Le principe du ton phonémique


Il consiste à ne marquer que les tons phonémiques, les tons lexicaux et grammaticaux qui sont
essentiels. Ces tons permettent de distinguer les mots et les constructions grammaticales d’une
langue.‘Le ton d’un mot dans l’orthographe doit être basé sur le ton du mot prononcé
isolément’. Koffi (1990 :108). Selon l’auteur, les études de Voorhoeve (1964 :130-1) ont
démontré que les lecteurs n’ont aucun problème à lire les textes sur lesquels seul le ton
phonémique est marqué. Si l’alphabétisation ne se limitait qu’à la lecture, cette solution serait
l’idéale. Le problème se pose avec l’écriture. Les expériences ont prouvées que cette
approche entraîne l’écrivain dans une analyse linguistique constante pour une
distinction phonémique ou phonologique des tons. Ceci pourrait le frustrer et le bloquer
dans l’apprentissage.

2.4.2. Alternative II : Le principe d’économie


Le principe d’économie tonale consiste à écrire un seul ton pour une langue à deux tons, et
deux tons seulement pour une langue qui en a trois.
Dans le cas d’une langue à deux tons ponctuels, si seul le ton haut est marqué, les syllabes
non porteuses de tons doivent être considérées comme ayant un ton bas.
Cette approche semble aussi rationnelle que simple, et c’est le choix de la plupart des langues
écrites récemment.

2.5. La représentation orthographique des tons modulés


Une voyelle a un ton modulé lorsqu’elle porte deux tons ponctuels. Il y a généralement deux
approches dans la représentation des tons modulés dans l’orthographe. L’une consiste à écrire
les signes diacritiques (v) bas-haut ou haut-bas (^) sur les voyelles porteuses de ces tons. On
pourrait illustrer cette alternative avec le mot ditammari <dikpâ> qui signifie "brousse"
dikpâ

H B

16
La deuxième solution consiste à dédoubler la voyelle porteuse de ton modulé en ses deux
voyelles constituantes. Généralement, un ton modulé sur une voyelle est, en structure
profonde, une représentation de deux voyelles identiques à deux tons ponctuels différents.
dikpá à

H B
Les deux formes orthographiques du mot sont valables. Cependant, la seconde manière
d’écrire les tons modulés rend mieux compte de la situation linguistique du mot pour les
raisons suivantes :
1) elle reflète la structure profonde,
2) elle montre clairement que le ton modulé est porté par deux voyelles identiques,
3) elle ne pose aucun problème dans la représentation.

2.6. La phonologie générative et les tons morphémiques


L’étude des tons a fait d’énormes progrès depuis l’avènement de la phonologie générative,
surtout avec la phonologie auto- segmentale. En Linguistique structurale, on pensait que le ton
faisait partie intégrante du phonème. Mais grâce aux travaux de Goldsmith, on s’est aperçu
que dans la plupart des cas, le ton se comporte comme un segment autonome, ayant sa
"vie"propre et pouvant se permettre un certain degré d’indépendance vis-à-vis du phonème
auquel il est associé. Cette nouvelle connaissance permet de mieux représenter les tons dans
l’orthographe.

2.6.1. Les tons grammaticaux à support morphémique


Savoir que les tons sont des auto-segments permet de mieux comprendre pourquoi dans bien
des cas le ton demeure même lorsque la voyelle porteuse disparaît. Grâce à la Grammaire
Générative et Transformationnelle, on sait maintenant que les tons flottants sont portés par
des morphèmes grammaticaux en structure profonde, des morphèmes qui ont été effacés par
une transformation d’élision pour ne laisser que leur ton en structure de surface.
Considérons l’exemple bassar ci-dessous :

1. ù f ù lì k i dóò
il lave PART. accompli
il a fini de se laver

2. ù fùlì‘ dóò
il laver accomplir
il a fini de se laver

Que remarque-t-on avec ces deux exemples. Dans l’exemple (1) nous voyons que le
morphème {k ì} qui est l’équivalent de "déjà" est présent. Mais dans l’exemple (2) il a été
effacé, mais son ton bas est resté.

Que doit-on faire dans l’orthographe lorsqu’un morphème est élidé alors que son ton reste
encore "en vie" en structure de surface ? Doit-on représenter la structure de surface ou bien ce
qui s’apparente à la structure profonde ? Dans l’exemple du bassar ci-dessus, c’est la forme de
la structure profonde qui sera représentée dans l’orthographe.

17
2.6.2. Les tons grammaticaux sans support morphémiques
C’est le même phénomène que précédemment, mais dans ce cas-ci, le morphème élidé ne peut
pas être restitué. Il s’agit des morphèmes dépourvus de segment.

Exemple de l’igo.
a) Tons des modes et modalités verbales
Les deux modes de conjugaison (Descriptif / Prescriptif) et les modalités verbales
“Achevé” et “Aoriste” sont des morphèmes tonals sans support segmental d’où la
possibilité d’avoir des modulations tonales flottantes. Ainsi, tout énoncé verbal contient
au moins un ton flottant.

Exemple 1
kɛ̀ “partir”

kofí `’ kɛ “Koffi est parti”


/Koffi - DESC - ACH - partir/

Dans l'énoncé ci-dessus, la modulation flottante Bas-Haut (`’) entre Kofí et kÿ


représente le ton du mode Descriptif (Bas), et le ton de la modalité Achevé (Haut).
Faut-il restituer dans l’orthographe un morphème tonal sans support segmental ?
L’orthographe doit prendre garde de ne pas être un musée linguistique où les vieilles formes
sont ressuscitées pour le bon plaisir d’un conservatisme linguistique. Cependant, si le
morphème total dépourvu du segment continue de jouer un rôle distinctif dans la langue,
comme c’est le cas en igo, ce ton et le changement grammatical qu’il produit doivent être
clairement signalés dans l’orthographe.

Dans la mesure du possible l’orthographe doit restituer le morphème dont le ton est
resté en structure de surface.

Conclusion
Ce chapitre a démontré que représenter les tons, même modestement, est très important. Leur
représentation doit tenir compte, non seulement de la structure de surface, mais aussi de la
structure profonde. La phonologie auto segmentale a permis de comprendre la place de choix
qui doit être accordé aux tons morphémiques pour une meilleure représentation des tons
grammaticaux. On peut restituer dans l’orthographe les morphèmes dont un parler lent fait
ressortir clairement la présence.

CHAPITRE III : TECHNIQUES D’ELABORATION D’UN SYLLABAIRE


SELON LA METHODE ANALYTICO-SYNTHETIQUE

3.0. Introduction
Apprendre à lire n’est pas facile, surtout si l’on est adulte. Pour réduire la difficulté de
l’apprenant à un minimum, il faut lui présenter les choses de façon systématique, ajoutant
chaque fois un seul élément nouveau à ce qu’il connaît déjà. Cependant il faut que la lecture
soit immédiatement pertinente dans la vie de l’apprenant : ce qu’on lit doit avoir un sens.

Un syllabaire est construit selon les principes suivants :

18
- chaque leçon doit enseigner une seule lettre inconnue ;
- chaque leçon doit se terminer par la lecture d’un texte cohérent et significatif.

Les techniques d’élaboration d’un syllabaire présentées dans ce fascicule ont été conçues pour
réduire les difficultés d’un adulte dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. C’est un
document de travail. Il contient un certain nombre de répétitions dans la mesure où les mêmes
informations sont utilisées à plusieurs étapes du travail. Il s’inspire du modèle développé
dans l’ouvrage intitulé "Guide pour l’alphabétisation en langues africaines" de Olive Shell et
Ursula Wiesemann, Collection Propelca, No 34, Yaoundé, 1978.

3.0.1. Etapes préparatoires : l’abécédaire et le pré-syllabaire

3.0.1.1. L’abécédaire
Manuel présentant les lettres de l’alphabet d’une langue. A chaque lettre correspond une
représentation iconique, suivi de son répondant graphique (lettre, image, mot). La lettre
initiale du mot choisi doit correspondre à la lettre représentée par l’icône. L’abécédaire
permet un apprentissage systématique de l’alphabet. Il prépare également l’apprenant à lire et
à comprendre les images.

3.0.1.2. Le pré-syllabaire
Le manuel pré-syllabaire est conçu pour aider l’apprenant à:
- préparer sa pensée à la lecture et l’écriture (comprendre ce qu’est un livre, une
lecture silencieuse, une lecture à haute voix, l’écriture au tableau noir…)
- distinguer les formes des lettres (distinction entre les formes identiques et les formes
différentes.

3.1. Technique 1 : textes préliminaires et listes de mots 

3.1.1. Textes préliminaires


Avant d’élaborer un syllabaire, on a besoin d’un certain nombre de textes dans la langue. Ces
textes serviront avant tout à des recherches statistiques préliminaires à l’élaboration du
syllabaire, mais ils pourront aussi être utilisés comme matériel de lecture à la fin du syllabaire.
Il faut surtout que ces textes soient naturels. Cela veut dire que leur contenu doit être
représentatifs de la vie et de la culture du public visé, et les structures doivent être celles de la
langue. Pour cette raison, il faut éviter d’utiliser des textes qui seraient traduits en d’autres
langues, ou des textes inspirés par des éléments étrangers à la culture. Si des textes naturels
ne sont pas disponibles, les préposés à l’élaboration du syllabaire peuvent les écrire eux-
mêmes, en s’inspirant des suggestions suivantes :

"Une aventure d’enfance"


"Scandale au village"
"Le plus grand choc de ma vie"
"Le héros de la famille"

Tâche n°1a : Recueillir et transcrire 4 à 6 textes sur des thèmes propres à la culture du
public visé. Il faudra un total de 5 à 10 pages (numéroter les pages de chaque texte)

3.1.2. Listes de mots

19
Les textes, recueillis et transcrits selon la technique1 renferment les principaux éléments
structurels à enseigner dans le syllabaire : phrases, propositions et mots, et les unités dont
elles sont formés : lettres, syllabes, marques de ton, de ponctuation, etc.
La plus petite unité de production est la syllabe. Certaines syllabes sont utilisées plus
fréquemment que d’autres. On enseigne d’abord les syllabes les plus fréquentes parce qu’elles
vous permettent de construire un plus grand nombre de mots déjà au début. L’auteur du
syllabaire doit donc établir une liste des graphèmes (lettres) de la langue dans l’ordre de leur
fréquence. (Cette technique est basée sur la supposition que les syllabes les plus fréquentes
sont des combinaisons des consonnes avec des voyelles les plus fréquentes.)

Pour ne pas fausser le calcul quant à la productivité de chaque lettre, il faut écarter les
éléments qui n’ont pas vraiment un sens, mais qui ont plutôt une fonction grammaticale. Il
faudra donc établir, d’une part, la liste des mots à sens inhérent (lexèmes) et d’autre part, la
liste des éléments fonctionnels (morphèmes).

Exemple : Les biches courent à toute vitesse

Les éléments soulignés n’ont pas de sens en eux-mêmes, leur signification réside dans la
fonction qu’ils exercent en incidence avec les lexèmes. Dans l’exemple ci-dessus, ces
éléments à fonction grammaticales sont : un article, un pluriel, une terminaison verbale, une
préposition et une marque du genre féminin.

Tâche n° 1b  : A partir des textes écrits, faire deux listes de mots : une pour les lexèmes
(mots à sens) et une autre pour les morphèmes (éléments à fonctions grammaticales).

Procédure :
1) Souligner d’un simple trait tous les mots à sens (lexèmes) et d’un double trait tous
les éléments à fonction grammaticale (morphèmes).
2)Ecrire sur feuille tous les lexèmes de tous les textes. En cas de répétition, noter
seulement une fois. (Certains lexèmes seront réduits à leur radical, leurs affixes étant des
éléments à fonction grammaticale.)
3) Porter sur une autre feuille tous les éléments à fonction grammaticale. Si une forme
a plusieurs fonctions (homonymes), noter toutes les fonctions ; il faudra alors les identifier par
leur nom grammatical. (N.B. Les anthroponymes et les toponymes ne sont pas pris en compte).
L’exemple suivant vient de changane, une langue bantu du Mozambique. (les lexèmes sont
soulignés ; tout le reste à l’exception des noms propres, sont des éléments à fonction
grammaticale.)
Texte :
"Tomasi Moyana ale kaya ka Maluleke. Maluleke aku ka Tomasi:
- Tomasi, teka mawayela uta yaka yindlo ya wena hi wona.
Tomasi ayekile yindlo yosaseka, yotiya hi mawayela: Loko Tomasi
ahetile kuyaka yindlo, Hani aku:
-Yindlo leyi yisasekile, yitiyile!
-Ina, niyakile hi mawayela manene yaka tatana Maluleke."

Mots à sens Eléments à fonction grammatical


ale ka
kaya a
aku ku

20
teka u-
mawayela ta
yaka ya
yindlo wena
saseka hi
tiya wona
heta ile
manene yo
tatana loko
leyi
yi
ina
ni

Ainsi, on aura obtenu deux listes, une avec tous les lexèmes attestés dans l’ensemble des
textes, et une autre avec les morphèmes.

3.2. Technique 2 : Fréquence des lettres


Il faut maintenant établir la fréquence des éléments à enseigner, à partir des listes de mots à
sens déjà élaborée.
Tout d’abord, il faut constituer la liste de tous les graphèmes de la langue : les consonnes et
les voyelles, y compris les digraphes et les trigraphes (ex. nd, uo, ie, an, aan..). Si une
consonne apparaît dans plusieurs positions dans la syllabe, il faudra consacrer une leçon
supplémentaire du syllabaire à l’enseignement des différentes positions.

Tâche n°2a – Compter les éléments contenus dans la liste des mots.

Procédure :

1) Etablir une liste de tous les éléments à enseigner et compter le nombre de mots dans
lesquels chaque élément apparaît. Si une consonne ou une voyelle apparaît deux fois dans un
même mot, on ne compte pas la deuxième fois.

Exemple :
b |||| |||| || a |||| |

c || e |||| |||| ||

d ||| i |||

f |||| | o ||||

g | u ||

k |||| ||||

l |||| |||

-l |||

21
2) Convertir les traits en chiffres

Exemple :
b 12 |||| |||| || a 6 |||| |

c 2 || e 12 |||| |||| ||

d 3 ||| i 3 |||

f 6 |||| | o 5 ||||

g 1 | u 2 ||

k 9 |||| ||||

l 8 |||| |||

-| 3 |||

Tâche n° 2b- Dresser le tableau des syllabes

Procédure :
1) Porter toutes les voyelles sur la première ligne par ordre décroissant de
fréquence.
2) Porter toutes les consonnes dans la première colonne par ordre décroissant
de fréquence.
3) Remplir toutes les cases du tableau en écrivant chaque syllabe sur la ligne
de sa consonne et dans la colonne de sa voyelle.

22
Exemple :
e a o i u o aa an …

b be ba bo bi bu bo baa ban

l le la lo li lu lo laa lan

k ke ka ko ki ku ko kaa kan

s se sa so si su so saa san

t te ta to ti tu to taa tan

g ge ga go gi gu go gaa gan

ny nye nya nyo nyi nyu nyo nyaa nyan

Pour l’élaboration des premières leçons, on prendra les syllabes composées des
éléments les plus fréquents, c’est-à-dire du coin supérieur gauche du tableau.
Normalement, ces syllabes-là devraient être les plus productives pour vous permettre de
construire un grand nombre de mots le plus tôt possible.

e a o i u o aa an …

b be ba bo bi bu bo baa ban

l le la lo li lu lo laa lan

k ke ka ko ki ku ko kaa kan

s se sa so si su so saa san

t te ta to ti tu to taa tan

g ge ga go gi gu go gaa gan

ny nye nya nyo nyi nyu nyo nyaa nyan

23
3.3. Technique 3: Choix de lettres des premières leçons

Les premières leçons doivent être construites avec les lettres les plus fréquentes.
Le texte doit illustrer la nouvelle lettre de la leçon et ne doit contenir aucun élément non
appris. Il doit être culturellement pertinent et grammaticalement cohérent.

Dans certaines langues, on peut construire des mots, et même des phrases, avec très peu de
lettres ; d’autres langues auront besoin d’un plus grand nombre de lettres. Il faut commencer
avec les possibilités qu’offre la langue cible.

Tâche n° 3a- Chercher le vocabulaire possible et nécessaire pour le premier texte à rédiger.

Procédure :
1) Reprendre le tableau restreint des syllabes constituées par les consonnes et les
voyelles les plus fréquentes (voir Technique 3).

Exemple :
e a o

b be ba bo 3 voyelles

l le la lo 4 consonnes

k ke ka ko total : 7 lettres

s se sa so

C. Faire une liste de tous les mots que l’on peut former en utilisant seulement ces
syllabes. On guette les mots faciles à illustrer, mais les verbes sont tout aussi
nécessaires pour pouvoir construire des phrases.
Exemple :

e a o i

b be ba bo bi

l le la lo li

k ke ka ko ki

s se sa so si

t te ta to ti

Tâche n° 3b- Rédiger un texte cohérent de trois à cinq phrases

24
Les noms et les verbes dans la liste de mots doivent être soulignés. L’histoire doit émaner
de ces lexèmes. En utilisant uniquement ces mots, on peut être sûr que le texte ne
contiendra pas de lettres inconnues.

3.4. Technique 4 : La première leçon

La première leçon est différente de toutes les autres. Elle enseignera plusieurs lettres
(3 ou 4), car on ne peut former des mots avec une seule lettre. Elle aura deux mots-clés et son
texte sera limité à une simple phrase. Malgré ces concessions, elle sera encore assez difficile à
confectionner.

3.4.1. Choix du mot-clé

Chaque leçon du syllabaire commence par une image qui représente le mot-clé. Ce mot-clé,
qui se trouve en dessous de l’image, sert à introduire la lettre enseignée dans cette leçon. Il
sera composé de lettres déjà connues, sauf la lettre à enseigner. Le choix de bons mots-clés est
de la plus grande importance pour la construction d’un bon syllabaire. Le mot doit être bien
connu du public visé et facile à dessiner. Il doit être un objet, un animal ou une personne. Par
exemple : vêtement, nourriture, magasin, poisson, pêcheur. On peut aussi choisir un verbe
qui est facile à illustrer, par exemple : manger, dormir, tomber. Il serait difficile d’illustrer
des noms abstraits comme menteur et des verbes comme aimer.

Tâche n° 4 : Pour chacune des leçons du premier bloc, choisir le mot-clé le plus
convenable ci-dessus. Remplir les lignes 1,2 et 3 de la fiche de contrôle de progression pour
le premier bloc de leçons.
Tâche n° 4- Choisir les deux mots-clés de la première leçon et écrire une phrase.

Les mots-clés de la première leçon seront choisis parmi les mots de la liste établie selon la
technique 3 (une paire minimale dissyllabique de préférence.

Exemple :
apa "outil" (langue binandere de Papouasie Nouvelle guinée)
ipa "main"
Cet exemple présente une situation idéale : les deux mots sont constitués de trois
éléments seulement : a, i et p, qui seront tous enseignés.
a

i
pa

pi

3.4.2. Exercices de syllabes

25
Chaque leçon du syllabaire couvrira deux pages ; la leçon commence à gauche par une
illustration du mot-clé. Sous le dessin apparaît le mot-clé, suivi de l’analyse qui permet
d’isoler la lettre à enseigner. Cette page comprendra ensuite les exercices de syllabes et de
construction de mots.

3.4.3. La rédaction du texte


Dans l’élaboration d’une leçon, on rédige le texte avant de confectionner les exercices de
syllabes. Il doit être naturel et occupera la page de droite. Il doit contenir le mot-clé pour
donner aux apprenants l’occasion de le lire en contexte.
Il reste à construire les autres leçons du syllabaire sur le modèle de la première. L’ordre de
présentation des lettres dépendra de leur productivité effective.

Tâche n° 4b  : Rédiger les textes des leçons du premier bloc.

3.4.4. Principes de rédaction du texte


1) Se référer aux listes de mots potentiels des leçons précédentes
2) Ne pas oublier le mot-clé : celui-ci doit figurer dans le texte, de préférence
plusieurs fois. Se souvenir des intérêts du public visé.
3) avec tous ces mots-là, rédiger un texte. Ajouter, si nécessaire, un mot-outil qui sera
enseigné globalement dans un exercice grammatical
Rappel : il faut que le texte soit naturel dans sa structure (cohérence) et dans son contenu
(culture). Parfois, il est bon d’inclure un proverbe.

Si le nombre de mots que l’on peut créer avec trois éléments ne suffit pas pour écrire une
phrase, il faudra choisir deux consonnes et deux voyelles, comme dans les exemples
ci-dessous:

lasasio "fusil" (langue kisiei de Guinée) a i


Silasi "Silas" (nom propre d’un personnage )
la li

sa si

Procédure:
1) A partir du tableau restreint et du vocabulaire de la technique 4, choisir une paire
de mots selon les explications ci-dessus, et identifier les éléments que l’on peut
enseigner avec ces deux mots.
2) Construire tous les mots possibles avec ces éléments.
3) Construire une phrase avec quelques-uns de ces mots, en essayant d’utiliser au
moins un des mots-clés. Utiliser, au besoin, un nom propre qui a été enseigné dans le
pré-syllabaire.

Exemple 1 (soso) :
Seni sili sisi li "Seni a frappé l’éléphant à la poitrine"

Exemple 2 (kisiei) :
Silasi sa lasasio ; la lisa Silasi. "Silas a saisi le fusil ; acclamez Silasi"

26
3.5. Technique 5: Fiche de contrôle de la progression

Un bon syllabaire assure une bonne progression des leçons. Si la progression est trop rapide,
les apprenants n’arrivent pas à assimiler les lettres enseignées ; si elle est trop lente, ils
s’ennuient et risquent de perdre tout intérêt.

En principe, chaque leçon du syllabaire n’enseigne qu’une chose nouvelle. Dans la première
leçon, vous avez été obligés d’enfreindre ce principe, mais par la suite, chaque leçon ne
contiendra qu’un seul élément nouveau.
Il faut éviter d’enseigner les unes après les autres des lettres qui se ressemblent comme p, q, b
et d. Pour éviter que les apprenants confondent ces lettres semblables, il faut les introduire à
plusieurs leçons d’intervalle.
Il est important de présenter, déjà au début, les différents types de syllabes attestées dans la
langue (CV, CVC, CVV, CCV etc.).

Après cinq leçons, il est nécessaire d’introduire une leçon de révision. Chaque ensemble de
leçons (5) qui se termine par une révision est appelé "bloc".

Le contrôle de la progression des enseignements se mesure une fiche de contrôle pour chaque
bloc de leçons, selon le modèle ci-dessous. Cette fiche doit être remplie pour chaque leçon dès
que cette dernière est élaborée.

Tâche n° 5a- Remplir la fiche de contrôle pour la première leçon. Porter sur la fiche de
contrôle du premier bloc tous les renseignements déjà disponibles.

27
Fiche de contrôle de la progression

Leçon N°

1. Lettre

2. Mot

3. Syllabes
enseignées
4. Mots-outil

5. Exercice
grammatical
6. mots construits

7. Mots construits
potentiels non
utilisés
8. Mot-à-vue

9. Ponctuation

10. Types de syllabes

11. Leçon d’écriture

12. Tous

13. Observations

3.6. Technique 6 : Les exercices de syllabes et de grammaire


Entre le mot-clé et le texte de lecture d’une leçon ces deux éléments, il y a cinq étapes à
franchir. Il s’agit des exercices qui présentent les nouvelles syllabes de la leçon. Nous avons :
l’analyse, la combinaison, l’identification, la comparaison, et la construction des mots.

3.6.1. Exercice de syllabes

Tâche n° 6- Elaborer les exercices de syllabes pour le premier bloc.

Etape 1 : Analyse


C’est la première étape et sert à isoler la lettre à enseigner à partir du mot-clé :

soli
so
o
Etape 2 : Construction de syllabes

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Dans la deuxième étape, on reconstruit la syllabe dont le nouvel élément a été tiré. Il faut
également construire d’autres syllabes avec le nouvel élément et des consonnes ou voyelles
déjà connues.
o o o

so lo no

Etape 3 : Identification


Dans la troisième étape, les syllabes résultant de la combinaison sont présentées en-dessous
de l’élément identique que l’on vient d’enseigner.

so

lo

no

Etape 4 : comparaison


A la quatrième étape, les syllabes de l’étape précédente servent de point de départ pour une
comparaison avec des syllabes déjà connues.

so lo no

si li ni

sa la na

Etape 5 : Construction de mots

Dans la cinquième étape (construction des mots), on utilise des syllabes connues et des
syllabes nouvellement enseignées, pour construire des mots qui seront rencontrées dans le
texte qui suit.

so li so na li no la
soli sona linola

Remarque didactique : Les consonnes ne sont pas à isoler du fait qu’il est impossible de les
réaliser sans voyelle.
Par exemple : bola
bo
b

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3.6.2. Exercice de grammaire

Une personne qui lit couramment ne lit pas des mots isolés, mais des groupes de mots qui
forment des unités sémantiques ; grammaticalement liées par des mots grammaticaux ou
morphèmes. Ces exercices ont pour but d’aider l’apprenant :
1) à reconnaître les mots grammaticaux d’un coup d’œil, c’est-à-dire, sans les analyser
en syllabes ;
2) à reconnaître leurs contextes d’apparition. A mesure que le lecteur reconnaît les
éléments grammaticaux dans leurs environnements, il lira plus couramment.
Exemple pour illustrer la présentation d’un exercice grammatical: confère le
syllabaire Kóka ìgò

Technique 7 : Leçon de révision

Tâche n° 7  : Faire la liste de toutes leçons du syllabaire avec leur contenu.

Procédure :
1) Numéroter une liste verticale de 1 à 50
2) Réserver chaque sixième leçon pour la révision (septième, selon le cas).
3) Inscrire les leçon du premier bloc.
4) Insérer les lettres rares (fréquence très basse) dans les blocs du milieu.
Par exemple :
Leçon 1 : a, o, b
2 : 1
3 : e
4 : s
5 : k
6 : révision
….
36 : oo( voyelle longue)
37 : -1
38 : m
39 : t.
40: Révision

Comme tout plan de travail, cette liste n’est qu’un point de départ. L’ordre peut
changer selon des besoins que l’on pourrait découvrir pendant l’élaboration des leçons.

3.7. Technique 8 : Enseignement d’une leçon de syllabaire

L’enseignement d’une leçon de syllabaire peut se faire de façon plus ou moins créative, selon
le niveau de l’enseignant. La routine décrite ci-dessous est la formule minimale, permettant à
l’enseignant d’un niveau élémentaire d’enseigner une leçon de syllabaire sans nécessairement

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en comprendre la fonction des différentes étapes, les principes didactiques étant pris en
compte dans la construction des exercices.
Tâche n° 8  : Se familiariser avec l’enseignement d’une leçon de syllabaire.

3.7.1. Présentation d’une leçon


Dessin : balai
Mot-clé : balai
1) "Ecoutez et regardez pendant que je lis."
il lit en pointant balai
ba
a
2) lisez après moi
3) lisez vous seuls. "
Ensuite, faire lire individuellement les apprenants.
Les points 1, 2 et 3 se répètent pour chaque boîte, suivi d’une lecture individuelle. (Dans
les boîtes, on lit toujours en colonnes, du haut en bas.)
L’exercice grammatical peut être présenté de la même façon.
Arrivé au texte l’enseignant arrête son enseignement et laisse aux apprenants le temps de
lire silencieusement le texte, chacun dans son propre syllabaire, avant de faire lire
plusieurs personnes (voire toutes) à haute voix. Le texte ne doit jamais être enseigné.

3.7.2. Procédure :
1) Eviter la première leçon qui n’est pas une leçon normale.
2) Une personne (du groupe des formateurs) enseigne la leçon.
3) Les autres forment deux groupes: une moitié simule la classe en donnant les réponses,
l’autre moitié observe l’enseignement.
4) Changer de rôle A devient groupe B et vice-versa) .
5) Chaque enseignant doit faire au moins une démonstration d’enseignement.

3.8. Technique 9 : Le plan du livre entier

Il est possible, dès maintenant, de faire le plan du livre entier : établir l’ordre d’introduction
de chaque lettre ou combinaison de lettres, intercaler les leçons de révision à l’intervalle
voulu.
Pour ce faire, il faut se référer à la liste des éléments à enseigner, liste utilisée pour la
technique 3. Rappel : Une leçon ordinaire du syllabaire enseigne une seule chose nouvelle (les
exceptions étant la première leçon qui enseigne plusieurs lettres et la leçon de révision qui
n’enseigne rien de nouveau). Les éléments à enseigner sont les consonnes et les voyelles de
l’alphabet, les tons s’il y en a, et certaines lettres dans des positions syllabiques secondaires.
Les premières leçons ont été construites avec les éléments les plus fréquents. Pour la suite, ce
principe doit être respecté en grandes lignes.
Il est important de présenter assez tôt plusieurs types de syllabes (CV, CVC, CVV, etc.) pour
ne pas donner l’impression qu’il n’en existe qu’un seul.

Un phénomène comme la longueur des voyelles peut être enseigné en une seule leçon, plutôt
que d’enseigner chaque voyelle longue (double) dans une leçon séparée. Dès que quelques
voyelles ont été enseignées, il suffit de trouver un mot-clé pour introduire l’une d’elle sa
forme longue. A partir de ce moment-là, on peut considérer que toutes les voyelles enseignées
sont connues sous leurs formes courtes et longues.

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3.9. Technique 10 : Rédaction des textes du dernier bloc

Les textes de fin de leçon de tout le syllabaire doivent remplir les conditions présentées dans
la technique 4.
Le texte doit :
- illustrer la nouvelle lettre de la leçon ;
- contenir uniquement les éléments déjà appris :
- être culturellement pertinent ;
- être grammaticalement cohérent.

La technique 9 a permis d’établir le plan du syllabaire entier, en tenant compte de tous les
éléments à enseigner.

Le texte de la dernière leçon du syllabaire sera le plus facile à rédiger, étant donné que toutes
les lettres auront déjà été enseignées. La rédaction des textes du dernier bloc doit commencer
par celui de la dernière leçon. La dernière leçon de révision sera écrite après rédaction de
toutes les leçons du bloc.

Pour écrire le texte de la dernière leçon ordinaire, toutes les lettres sont permises. Dans la liste
que l’on aura établie, on choisira un certain nombre de mots qui peuvent se rassembler autour
d’un thème pour former une histoire cohérente et intéressante. Ce thème donnera en même
temps le mot-clé.

Les textes des leçons doivent être rédigés en progressant de la fin vers le début.
Par exemple : Après avoir écrit les textes des leçons 39, 38, 37 et 36, il faut écrire la leçon 40,
qui est la révision pour ce bloc.

Après avoir écrit toutes les leçons d’un bloc, il faut écrire la leçon de révision en utilisant tous
les mots-clés des leçons et un bon nombre de mots construits.

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