Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
CEIBA EDICIONES
LABORATORIO DE RECURSOS ORALES: ESTUDIOS
© del texto: Hamidou Seydou Hanafiou
© de esta edición: CEIBA
Hotel d’Entitats
C/. Sant Pere, 9
08500 Vic (Barcelona)
http://www.ceiba.cat
http://www.ceibabotiga.com
SOMMAIRE
–3–
Des mots au texte songhay
Préface
L e songhay est une langue nationale utilisée dans les systèmes éducatifs
de pays comme le Niger et le Mali. Cette utilisation dans le système
éducatif suppose la mise à la disposition des acteurs d’outils de qualité. Au
Niger, pays où le songhay (sonay-zarma) est la seconde langue en terme de
nombre de locuteurs, cette nécessité d’avoir des documents de référence est
encore plus importante au regard des engagements pris par l’Etat, notamment
le relèvement du taux de scolarisation et l’amélioration de la qualité de
l’éducation. L’éducation bilingue langue nationale/français est alors considérée
comme une alternative pour l’amélioration des performances du système
éducatif nigérien.
Dans ce contexte, le travail de Hamidou Seydou Hanafiou intitulé « Des mots
au texte songhay » est d’un apport. Très original par sa démarche et sa
structuration, il se propose d’aider à mieux connaître la langue songhay à
travers une liste de mots (plus de 4000) mais aussi et surtout un texte en
langues songhay et française.
L’ouvrage est subdivisé en deux parties : une première présente une liste de
mots organisée selon un classement alphabétique. La présentation choisie à ce
niveau permet aux locuteurs comme aux non locuteurs de la langue de
connaître la prononciation de chaque mot ainsi que son écriture selon les
règles orthographiques en vigueur au Niger. Pour chaque mot, une traduction
en langue française est proposée. La disposition des mots renseigne aussi sur
les familles de mots, ce qui inclut de fait des informations sur les mécanismes
de formation des mots les uns à partir des autres.
La seconde partie de l’ouvrage est une véritable œuvre littéraire, d’une très
grande originalité. A partir d’un conte d’une dizaine de minutes, l’auteur a
couché sur papier une œuvre littéraire qui était au départ une œuvre de
littérature orale. L’héroïne de cette œuvre, Bana, est une petite fille, qui
comme dans beaucoup de contes et légendes, est issue d’un milieu très
modeste. Orpheline de mère à la naissance, elle sera élevée par sa tante ou
comme on dit dans ce milieu ‘sa petite mère’. La trame de cette œuvre
littéraire s’inscrit dans le contexte qui est celui de la société songhay, une
communauté qui vit en parfaite symbiose avec d’autres groupes ethniques,
notamment les Touaregs et les Peuls. L’environnement, celui des abords du
fleuve Niger, avec tout ce que cela comporte de références et d’influence dans
–5–
Des mots au texte songhay
la vie de ces populations est pris en compte dans cette œuvre littéraire. Les
rapports entre les humains, leur mode de vie, leurs us et coutumes sont les
ingrédients de cette œuvre littéraire. Il est notamment fait référence aux
croyances à la solidarité, aux règles de vie communes qui veulent par exemple
qu’un enfant ne s’adresse jamais aux aînés de manière directe, au risque de les
offenser. Les croyances liées au fleuve sont au cœur de cette œuvre : les
habitants de Gala croient bien entendu aux pouvoirs, bienfaiteurs, des maîtres
eaux, ceux-là qui sont capables de faire revenir à la surface une pirogue qui a
chaviré mais aussi et surtout une personne immergée depuis des heures.
Un aspect important de cette œuvre littéraire reste sa qualité d’écriture dans
les deux langues. La lecture du texte ‘Bana’ est fort captivante aussi bien dans
sa version songhay que dans sa version française. L’auteur témoigne d’une
grande maîtrise des règles d’écriture du sonay-zarma ; la version française
témoigne tout aussi d’une grande connaissance de la langue Molière.
–6–
Des mots au texte songhay
Introduction
Des mots…
–8–
Des mots au texte songhay
Il existe des documents lexicographiques du songhay dans chacun des pays
où cette langue est utilisée comme médium dans l’enseignement. Mais force
est de noter qu’il manque un document qui prenne en compte l’ensemble des
variétés même au niveau d’un même pays. Pour avoir collaboré à l’élaboration
de l’un des derniers documents lexicographiques produits au Niger à travers sa
relecture, j’ai pu noter que les auteurs n’ont pas réussi à créer les conditions de
la mise en place d’un dictionnaire pandialectal. La marche vers un standard,
gage de stabilité dans l’enseignement bilingue, doit se faire par la prise en
compte d’un grand nombre de variétés de la langue.
La mise à la disposition du public de ce document auquel j’ai travaillé des
années durant vise donc entre autres à aider à créer les conditions d’un
meilleur enseignement de la langue songhay. Ce document peut également
servir à ceux qui ont des préoccupations d’ordre socioantrhopologique dans la
mesure où, comme on le dit souvent, la langue renseigne beaucoup sur la vie
de la communauté qui la parle. Il est aussi destiné aux étudiants en
linguistique qui peuvent y trouver des indications sur à la fois la transcription
phonétique et l'écriture orthographique de cette langue.
De ce point de vue, il est important de rappeler qu’il s’agit de la langue de
populations qui vivent au bord du fleuve Niger et qui ont pour principale
activité l’agriculture. La collecte des données a été faite dans le village
–9–
Des mots au texte songhay
d’Ayorou-Goungokoré, l’un des principaux villages du canton d’Ayorou. Le
marché hebdomadaire d’Ayorou est connu pour être l’un de ceux qui attirent le
plus de visiteurs. Il a lieu tous les dimanches. Les gens y viennent de partout,
par la route, à dos d’animaux mais aussi en pirogue. C’est le lieu de rencontres
entre éleveurs et sédentaires de la zone. Village frontalier (Ayorou se trouve à
une quarantaine de kilomètres de la frontière nigéro-malienne), Ayorou est
également connu comme un village touristique : les visiteurs qui viennent
parfois de très loin, de l’Europe en particulier, choisissent Ayorou pour la
beauté de la nature. On peut y admirer les hippopotames comme les oiseaux de
tous types.
Cela dit, et pour parler du type de présentation choisie, j’ai opté pour un
système à trois colonnes. La première de ces colonnes donne, selon un ordre
alphabétique et selon un classement syllabo-tonal, la transcription phonétique
des items, et cela en référence aux conventions de l’Alphabet Phonétique
International. La seconde colonne est celle de la notation des items selon les
règles orthographiques en vigueur. Et l’une des différences entre ces deux
colonnes reste bien entendu l’absence des tons dans l’écriture orthographique.
La troisième est celle de la traduction en langue française des entrées. L’on
peut aisément constater qu’il ne s’agit pas d’une traduction mot pour mot,
mais, et cela dans bien de cas, d’équivalents en langue française de notions ou
de concepts songhay.
Le choix de présenter dans une première colonne des items transcrits selon les
conventions de l’Alphabet Phonétique International/API (ce qui signifie la
notation des tons pour la langue dont il est ici question) ne rentre pas dans les
classiques de ce domaine. Il s’inscrit en fait dans une visée, celle de permettre à
tous les utilisateurs de connaître, avant tout, la prononciation de chacun des
items, ce qui ne transparaît pas toujours dans l’écriture orthographique.
Les conventions d’écriture en vigueur datent de la fin des années 90 : elles ne
prennent pas en compte les tons qui ont pourtant une valeur distinctive. Je ne
voudrais pas ramener ici le débat sur la notation ou non des tons dans
l’écriture orthographique des langues africaines. Je rappelle toutefois l’un des
arguments avancés très souvent, celui de la ‘complication des choses’, quand
bien même tout le monde reconnaît cette valeur distinctive des tons. Je signale
seulement qu’il existe des pays où les conventions orthographiques ont choisi
de retenir la notation des tons. Et cela marche bien. Lors d’un récent séjour au
Cameroun, à l’occasion d’une formation organisée par la Direction de la
Formation et de l’Education de l’Organisation Internationale de la Francophonie
– 10 –
Des mots au texte songhay
(février-mars 2012), j’ai participé à une visite guidée d’écoles bilingues du
Cameroun. A cette occasion, j’ai pu noter dans une classe de primaire que
l’enseignement (bilingue) en langue maka se faisait avec une notation des tons.
Dans une classe de CI/CP (cours d’initiation, première année), j’ai pu constater
des élèves lire des mots écrits avec des tons.
Très marqué par cette pratique, j’ai pu m’entretenir avec l’enseignante, mais
aussi avec l’un des encadreurs sur les dispositions en matière d’écriture de
cette langue. Il m’a été indiqué que cela se fait depuis des années et les enfants
n’ont aucune difficulté sur ces questions de tons. Bien plus, cela aide beaucoup
dans l’apprentissage de la langue car dans certains contextes, seul le ton ou la
courbe tonale permet désambiguïser. Il s’agit d’un système à deux tons
ponctuels, haut et bas.
Comme cette enseignante et cet encadreur, je suis convaincu que la
connaissance de cette dimension du fonctionnement des langues à ton peut
participer d’une meilleure utilisation dans des domaines importants comme
l’éducation. C’est ce qui m’a motivé à faire une présentation dans laquelle la
première colonne est celle de la transcription phonétique des mots. En la
comparant à l’écriture orthographique (deuxième colonne), l’on constate des
différences qui peuvent être source de confusion, même lorsque les mots sont
en contexte (dans des phrases par exemple).
Pour revenir à la disposition des éléments du lexique, disposition qui met en
première ligne les notations se référant aux conventions de l’A.P.I., elle prend
aussi en compte ce que d’aucuns appellent les familles de mots. C’est ce qui
transparaît à travers la présentation ci-après où les mots formés à partir d'une
base lexicale sont disposés à la suite du mot à partir duquel ils ont été formés,
mais avec un léger retrait :
bà: bà baaba père
bà: bàfùmbó baaba-fumbo beau-père
bà: bí: zè baabiize demi-frère ou demi-sœur, rival
bá: bí: zéj baabiizay se comporter en rivaux
bà: bì: zètàrêj baabiizetaray rivalité (généralement entre
personnes de même père, mais
de mères différentes)
J’ai voulu par cette manière marquer les liens sémantiques, mais aussi donner
déjà au niveau lexical des indications quant aux mécanismes de formation de
mots, les uns à partir des autres.
– 11 –
Des mots au texte songhay
……au texte :
A ce lexique, j’ai jugé utile d’adjoindre un texte, d’où le titre du présent
ouvrage «Des mots au texte songhay». Il s’agit encore d’un texte qui réfère à la
même variété songhay, celle parlée dans le canton d’Ayorou.
Le texte intitulé ‘Bana’ et écrit en deux langues (songhay et français) est une
œuvre personnelle mais qui se réfère à un conte recueilli il y a quelques
années. Au cours de la collecte de données dans le cadre de mes différents
travaux de recherche, j’ai fait plusieurs enregistrements dont des contes. L’un
de ces contes dits par une jeune femme prénommée Fati était intitulé ‘Yabia’ :
il s’agissait de l’histoire, classique, d’une petite fille orpheline, qui rencontra un
jour un poisson qui fit changer son destin. L’histoire ressemble beaucoup à
celle de Cendrillon car il y est aussi question de chaussures, de beaux-habits.
L’héroïne de cette histoire connaîtra un destin fabuleux, car plus tard elle sera
l’épouse du roi.
C’est en m’inspirant de ce conte dont la durée atteint à peine une dizaine de
minutes que j’ai écrit plus tard un texte d’une plus grande envergure, un texte
que j’ai intitulé ‘Bana’. Ce document écrit selon les conventions d’écriture du
songhay-zarma a été publié dans le premier volume d’une collection de textes
intitulée « Ay ne ha 1 » une sorte d’anthologie de textes songhay parue aux
Editions Albasa (Niamey, Niger). Le passage du conte Yabia à l’œuvre littéraire
Bana a été marqué par une prise en compte de nombre d’éléments de
l’environnement socioanthropologique du conte, notamment les us et coutumes
des populations en présence, les rapports en communautés (songhay, peuls,
touaregs), mais aussi le cadre de vie, en l’occurrence la vie au bord du fleuve
avec ses croyances. Bien plus, des aspects de la vie de tous les genres ont
constitué le contexte qui a façonné la trame même de cette nouvelle histoire.
Bana comme Yabia parle d’une orpheline qui devient dans les deux cas
célèbre. Mais la trame discursive de Bana est plus longue, les ingrédients étant
par exemple les pratiques dans ce terroir en matière de mariage, les croyances,
relativement à l’eau.
Sa lecture a suscité beaucoup d’intérêt. Plusieurs lecteurs m’avaient alors
suggéré de traduire Bana en langue française, ce qui permettra une plus grande
diffusion.
J’ai alors essayé de passer d’une langue à l’autre, comme aiment bien le dire
les linguistes, avec tout ce que cela implique. Les spécialistes de langue aiment
à dire que la langue est le reflet de la culture, ce qui dénote toute la difficulté
de traduire.
– 12 –
Des mots au texte songhay
La traduction qui est souvent considérée comme une petite part de trahison
n’est pas facile, surtout lorsque l’on doit traiter d’univers complètement
différents. J’ose espérer avoir réussi à rendre en français, compréhensible par
tous, des choses qui renvoient parfois à des notions dont on ne trouve aucune
trace dans la culture française. La traduction ainsi proposée sera à considérer
comme une tentative de mise à la disposition d’un plus grand public d’un texte
qui me paraît intéressant pour connaître les habitudes de vie des populations
de cette zone.
Dans cette entreprise, le texte orginel en songhay a tout de même subit
quelques modifications, mineures, pour mieux permettre la traduction.
Quelques petits détails ont été apportés.
Le texte d'origine qui formait un seul bloc a connu une réorganisation en trois
partie, chaque partie renvoyant à une relation entre soit les humains et l'eau (1
et 3) , soit entre les humains (2).
Quelques indications d’ordre pratique :
Ce point comporte des éléments de présentation de la structure phonologique
de la langue. Il ne s’agit pas d’un éventail très fourni de ce que l’on connaît de
cette langue, mais de repères établis à partir de travaux que j’ai conduits par
moi-même sur la variété à laquelle se réfère ce document.
Le deuxième axe de ces indications pratiques traite des règles
orthographiques de la langue songhay. On trouvera à ce niveau un survol des
conventions en vigueur au Niger avec, quelques fois, des regards croisés sur les
dispositions en vigueur au Mali. L’idée maîtresse dans cette démarche est que
tous les utilisateurs, de quel que pays qu’il soit, puissent comprendre et
pouvoir utiliser ce document.
Présentation géographique de la langue :
Le songhay est une langue parlée par des communautés réparties entre
plusieurs Etats de l’Afrique de l’ouest ; on la retrouve principalement au Niger
(dans sa partie occidentale) et au Mali, notamment les régions de Gao et
Tombouctou.
Dans le milieu des spécialistes des langues qui les classent en famille, le
songhay est généralement considéré, en référence à la classification des
langues africaines établie par Joseph Greenberg au début des années 60,
comme une langue de la famille nilo-saharienne. Néanmoins, les nouvelles
connaissances actuelles de la structure de cette langue ainsi que la
comparaison à d’autres langues de la famille des langues mandées notamment
– 13 –
Des mots au texte songhay
fournissent des arguments en faveur d’un rapprochement du songhay avec les
langues de ce groupe de la grande famille Niger-Congo. En effet, sur bien des
points, la langue songhay présente des affinités avec les langues mandingues ;
plus de détails à ce sujet, on peut voir les écrits de Denis Creissels, P.F. Lacroix
et ceux de Robert Nicolaï.
Les sons et les éléments supra-segmentaux :
La partie de la linguistique consacrée à l’étude des sons d’une langue connaît
deux sous-parties que sont la phonétique et la phonologie, cette dernière
étudiant les sons d’une langue donnée en rapport avec le statut dans le
fonctionnement de la langue. Plusieurs travaux ont été consacrés à l’étude des
sons de la langue songhay. J’ai moi-même consacré ma thèse de doctorat à la
phonologie du songhay kaado. La présentation qui suit est en fait une synthèse
de ce que j’ai fait dans un cadre autre que celui-ci, le cadre de l’exercice
universitaire de rédaction d’un travail de recherche. Il n’est point besoin d’être
un spécialiste en la matière pour la comprendre. Tous les documents de
lexicographie (du type dictionnaire) fournissent en début des indications
d’ordre phonétique. C’est le même objectif qui est visé à travers les lignes qui
suivent.
Les sons de la langue songhay, dans sa variété kaado d’Ayorou-Goungokoré,
se répartissent en consonnes et voyelles, comme indiqué par les travaux qui
suivent avec dans chaque cas des exemples d’illustrations.
Les consonnes :
labiales dentales palatales vélaires glottale
sourdes p t c k
Occlusives
sonores b d j g
Nasales m n ɲ ŋ
sourdes f s h
Fricatives
sonores z
latérale l
vibrante r
semi-voyelles w j
– 14 –
Des mots au texte songhay
Exemples :
[p] [pátí] pati ‘casser’
[b] [bà: bà] baaba ‘père’
[t] [tá: rí] taari ‘mensonge’
[d] [dò: nú] doonu ‘boule de mil’
[k] [ká: nù] kaanu ‘être bon, agréable’
[g] [gà: ] ga ‘aider’
[c] [cá: cá] caaca ‘jeu de cartes’
[ɟ] [ɟá: sè] jase ‘épaule’
[m] [má: ] ma ‘nom’
[n] [ná: rú] naaru ‘voyager’
[ŋ] [dàŋ ] daŋ ‘mettre’
[ɲ] [ɲâ:] ɲa ‘mère’
[s] [sánní] sanni ‘parole’
[z] [zá: rì] zaari ‘jour’
[f] [fáláŋ ] falaŋ ‘se traîner à quatre pattes’
[h] [hámní] hamni ‘mouche’
[l] [làmtì] lamti ‘sésame’
[r] [ró: gò] roogo ‘manioc’
[w] [wá: ní] waani ‘savoir’
[j] [jǒ: ] yo ‘dromadaire’
Les voyelles : il s'agit de voyelles que l'on peut noter à partir d'une
transcription phonétique selon les conventions de l'API.
Voyelles orales
antérieures centrales postérieures
brèves longues brèves longues brèves longues
fermées i i: u u:
mi-fermées e e: o o:
mi-ouvertes ɛ ɛ: ɔ ɔ:
ouvertes a a:
– 15 –
Des mots au texte songhay
Voyelles nasales
antérieures centrales postérieures
fermées ḭ ḭ: ṵ:
mi-fermées ḛ: o̰:
ouvertes a̰:
Exemples :
[i] [bìrí] biri ‘os’
[u] [dúgú] dugu ‘encens’
[e] [bé: rè] beere ‘aîné(e)’
[ɛ] [hɛ́gɛ́] hege ‘avoir le dessus’
[o] [hàmó] hamo ‘sorgho’
[ɔ] [gɔ́lɔ̀] golo ‘botte moyenne de mil’
[a] [dâm] dam ‘pondre’
[i:] [hì: rì] hiiri ‘perles’
[u:] [gú: sú] guusu ‘trou’
[e:] [dè: nè] deene ‘langue’
[ɛ:] [tɛ́: rɛ̀] teere ‘s'écarter’
[o:] [bò: rí] boori ‘être bien, bon’
[ɔ:] [kɔ́: rɔ̀] kooro ‘hyène’
[a:] [há: rú] haaru ‘rire’
[ḭ] [hḭ́: hḭ̂] hĩĩhĩ "renifler"
[ḭ: ] [hḭ́: hḭ̂] hĩĩhĩ "renifler"
[ḛ] [hḛ́: ] hẽ "pleurer"
[ḛ: ] [hḛ́: ní] hẽẽni "pleur"
[o̰] [sóhô̰: ] sohõ "maintenant"
[o̰: ] [hó̰: yóŋ ] hõõyoŋ "fait de chercher"
[a̰] [sáhâ̰: ] sahã "force"
[a̰: ] [há̰: yáŋ ] hããyaŋ "demande"
– 16 –
Des mots au texte songhay
Il est à noter que les parlers (ou si l’on préfère les dialectes songhay du Mali)
ne présentent pas cette caractéristique, si l’on s’en tient bien entendu à ce
qu’indiquent les différents travaux qui ont porté sur ces variétés.
Par ailleurs si le parler auquel je me réfère dans ce document connaît un
système tonal, il reste que ce système tonal ne présente pas toutes les
caractéristiques d’un système parfait. J’ai pu noter, au cours de travaux portant
essentiellement sur cet aspect du fonctionnement de cette langue que les
quatre tons phonétiques n’ont pas la même distribution : non seulement les
tons modulés (descendant et montant) ne s’associent qu’à des types particuliers
de syllabe, notamment les syllabes généralement dites lourdes (ou si l’on
préfère des syllabes à deux mores), mais aussi qu’en contexte, dans le discours
notamment, il y avait des changements importants en termes de registres.
A ce sujet, j'indiquait qu' :
‘ [… ..] il n'est pas toujours aisé de distinguer en finale d'items un ton montant
d'un ton bas. Dans le même contexte, une séquence finale bas–haut n'est pas
nettement distincte de bas–bas. Un ton modulé à l'initiale d'item n'est pas toujours
perceptible comme tel ; dans ce contexte, la confusion entre le ton montant et le ton
haut est aussi grande que celle existant entre le ton descendant et le ton bas. Notons
également que l'opposition ton ponctuel/ton modulé est d'un rendement fonctionnel
plus élevé au niveau des monosyllabes de structure [CV:] ou [C1 VC2] qu'au niveau
des items de plus d'une syllabe.’
Cette difficulté à distinguer entre certains schèmes tonals est encore plus
importante lorsque l’on analyse les éléments du discours, autrement dit dans la
chaîne parlée, on peut entre autres noter un abaissement du ton haut aussi
bien en fin de phrase (ou d’énoncé) que lorsqu’il est compris entre deux tons
bas. Ces phénomènes bien connus dans diverses langues du monde s’analysent
souvent en termes de downdrift ou de downstep.
Ces déséquilibres, en termes de fonctionnement du système tonal, ainsi que
ces alternances constituent probablement la trace d’une évolution vers un
système du type accentuel, un autre mode d’utilisation de la hauteur de la voix
qui est présent dans les langues voisines comme le fulfulde et le tamajaq, mais
qui est celui des variétés songhay du Mali (Gao comme Tombouctou).
L’important reste quand même de noter que dans cette variété du songhay, la
différence de sens peut tenir à une variation de la hauteur de la voix en un
point donné.
– 17 –
Des mots au texte songhay
Les règles d’écriture :
Le songhay appelé officiellement ‘soŋay-zarma’ au Niger et ‘soŋay’ au Mali
fait partie des langues que plusieurs textes fondamentaux ont consacrées
comme langues nationales dans chacun de ces deux pays. Au Niger, il s’agit de
la seconde langue du point de vue du nombre de locuteurs, après le hausa. Il
s’agit de la langue première de populations qui se désignent soit comme ‘soŋay
boro’, littéralement ‘homme du songhay’ (c’est le cas généralement des
populations songhay du département de Téra), de kaado pour ce qui est de
populations qui sont dans le canton d’Ayorou. Dans ce sous-ensemble, on met
aussi deux autres sous-groupes que sont les wogos (canton de Sinder) et les
kurtey (cantons de Dessa et Sonsoni). Une étude comparée de ces variantes du
même dialecte doit certainement permettre de constater que la variété wogo
est assez proche du dialecte songhay de Gao.
Au Niger, le terme soŋay-zarma désigne l'ensemble des variétés songhay
parlées dans la partie ouest de ce pays.
Cela dit, au Niger comme au Mali, il existe des dispositions pour écrire cette
langue, dispositions qui tirent leur source du document issu de la conférence de
Bamako tenue en février-mars 1966 sous l’égide de l’Unesco. On se rappelle
qu’aux lendemains des indépendances des Etats africains, beaucoup s’étaient
engagés dans des réformes sur le plan éducatif. L’on a alors pensé qu’il fallait
faire jouer un rôle aux langues locales dans l’éducation de base, plus
spécifiquement dans l’alphabétisation.
La réunion de Bamako a statué sur les règles d’écriture de six (6) langues de
l’Afrique Occidentale, notamment le hausa, le kanuri, le fulfulde, le
bamanakan, le tamasheq et le songhay. C’était la ‘réunion d’un groupe
d’experts pour l’unification des alphabets des langues nationales’. Le groupe de
travail du songhay-zarma (c’était l’appellation) était présidé par le Révérend
Père André Prost, auteur de l’un des premiers documents de référence sur le
songhay.
Cette rencontre, outre le fait d’avoir adopté des règles d’écriture, a réfléchi à
la recherche et aux moyens de mise en œuvre de ces dispositions. La nécessité
de poursuivre la recherche sur ces langues et l’élaboration de matériels
didactiques, notamment de précis de grammaire et dictionnaire a été une des
recommandations fortes de cette rencontre.
Ces dispositions qui sont le point de départ des conventions d’écriture de la
langue songhay ont connu quelques modifications au fur et à mesure de
– 18 –
Des mots au texte songhay
l’amélioration de la connaissance de la langue. On notera toutefois que chacun
de ces deux Etats où la langue songhay est parlée a adopté ces propres
dispositions. Le Niger et le Mali, pays où cet idiome a le statut officiel de
langue nationale, ont chacun à l’heure actuelle des dispositions d’écriture qui
présentent quand même des différences. Le texte en vigueur en matière
d’écriture du songhay au Niger est l’Arrêté no.0215/MEN/SP-CNRE du 19
octobre 1999 ; au Mali, il s’agit du ‘Guide de transcription et de lecture du
soŋay’ adopté en 1995.
La comparaison des dispositions des deux pays laissent entrevoir des
différences. Lorsque l’on sait qu’à ce niveau aussi les Etats africains se sont
engagés à collaborer pour l’atteinte d’objectifs communs tels que l’amélioration
des performances des systèmes éducatifs à travers une utilisation des langues
nationales dans ces systèmes, il y a matière à suggérer une mise en commun
des dispositions des deux pays pour envisager l’adoption de règles communes,
ce qui ne n’entamerait en rien les spécificités que l’on trouve dans les différents
parlers des deux pays. Cela est d’autant indispensable que les équipes des deux
pays ont très souvent travaillé dans le cadre de programmes communs soutenus
par les mêmes partenaires.
Ces précisions d’ordre historique apportées, je reviens à l’orthographe du
soŋay-zarma pour en donner les grandes lignes. C’est à la suite d’un séminaire-
atelier consacré à l’harmonisation des orthographes de cinq (5) des langues
nationales du Niger qu’un arrêté signé par le Ministre en charge de l’éducation
nationale fixe les règles d’écriture du soŋay-zarma (Arrêté no.0215/MEN/SP-
CNRE du 19 octobre 1999). Il s’agit d’une écriture à base phonologique, ce qui
se traduit par l’option d’une correspondance graphème-son. L’alphabet compte
trente (30) lettres, ce qui correspond à l’inventaire des phonèmes
(consonantiques et vocaliques) que l’on peut retenir d’une étude phonologique
de l’une ou l’autre des variétés songhay du Niger dans sa partie occidentale, en
particulier les variétés des deux dialectes que sont le zarma et le kaado. Les
consonnes sont au nombre de vingt (20) et les voyelles au nombre de dix (10).
Il y a lieu de souligner la présence de voyelles orales (cinq) et de voyelles
nasales, mais qui sont toutes brèves.
Au niveau consonantique, l’une des innovations majeures des dispositions de
1999 reste l’option d’utiliser la nasale palatale 'ɲ' de l’API en lieu et place du
groupe ‘ny’. Ci-après les trente (30) lettres de l’alphabet : a, ã, b, c, d, e, ẽ, f, g,
h, i, ĩ, j, k, l, m, n, ŋ, ɲ, o, õ, p, r, s, t, u, ũ, w, y, z.
– 19 –
Des mots au texte songhay
Outre les lettres de l’alphabet, l’arrêté no.0215/MEN/SP-CNRE du 19 octobre
1999 fixant l’orthographe de la langue soŋay-zarma apporte quelques
précisions quant à l’écriture de certains types de mots tels que les mots
composés et les dérivés pour lesquels la convention voudrait que tout dérivatif
soit collé au mot auquel il s’ajoute. Les mots composés comme ceux issus du
redoublement total s’écrivent avec un tiret qui sépare les deux constituants.
La composition s’entend dans ce contexte comme la mise en commun de deux
unités (pas plus), chacun ayant un sens dans la langue, pour former une unité
qui a le statut grammatical de nom. Aussi, lorsque la mise en commun aboutit
à une unité qui du point de vue fonctionnel est un verbe, on parlera de
locution verbale dont les deux éléments s’écrivent séparés et sans trait d’union.
Cette même option a été retenue pour les unités formées de plus d’un mot
ayant chacun un sens dans la langue et qui sont appelées des expressions figées
et qui s’écrivent sans trait d’union, sans pour autant qu’il soit permis de coller
les parties.
Exemples :
Dérivés :
bana ‘payer’ banandi ‘faire payer’
caw ‘étudier, lire’ cawandi ‘enseigner’
saamo ‘idiot’ saamotaray ‘idiotie’
Composés :
guuru-bari ‘vélo, bicyclette’< guuru + bari ‘fer’ + ‘cheval’
beene-hi ‘avion’ < beene + hi ‘ciel, là-haut’ + ‘pirogue’
feeji-niisi ‘type d’herbe’ < feeji + niisi ‘mouton’ + ‘morve’
fulaŋ-yole ‘type d’herbe’ < fulaŋ + yole ‘peul’ + ‘mèche de cheveu’
Locutions verbales :
ŋa batu < ŋa + batu ‘discuter, débattre’< fulaŋa ‘manger’ + batu ‘foule’
Expressions figées :
kurɲe si kani taray ‘type de couverture’
ci biyo ni ce kwaaara/kaara ‘type de natte’
baabey ba cara ‘type de lit’
kaaru ɲamay ga dooso honnay ‘type de chaussure’
Un autre aspect des règles d’écriture en vigueur est la disposition qui indique
que les marques de défini, singulier et pluriel, sont systématiquement collées
aux noms. Toutefois, et s’agissant de l’indéfini pluriel, le choix a été fait de ne
pas coller la marque qui en fait a la même forme qu’un des dérivatifs.
– 20 –
Des mots au texte songhay
Le point 3 des dispositions de 1966 a été aussi pris en compte : il est demandé
d’écrire les mots dans leurs formes intégrales même lorsque le débit d’élocution
provoque des élisions.
Exemples : a ne a se et non *a na se/a n’a se
i no i se et non * i ni se/i n’ i se
Dans l’ensemble, les conventions d’écriture du soŋay-zarma sont assez proches
de celles adoptées par le Mali. On notera toutefois qu’au Mali les voyelles
longues sont notées dans tous les contextes alors qu’au Niger, leur écriture en
position finale absolue n’est permise que lorsqu’il s’agit de spécifier le défini
singulier des mots qui se terminent à l’indéfini singulier par –a et qui forment
leur défini singulier en –a.
Exemples :
sana ‘aiguille’ sanaa ‘l’aiguille’
baŋa ‘hippopotame’ baŋaa ‘l’hippopotame’
karga ‘tabouret’ kargaa ‘le tabouret’
C’est bien à des fins purement pédagogiques que l’écriture de la voyelle finale
en fin de mot a été ‘autorisée’ par les règles d’écriture du soŋay-zarma dans la
mesure où cela permet de distinguer entre la forme définie et la forme indéfinie
de cette catégorie de mots.
Une autre option qui est certainement d’ordre pédagogique, c’est celle qui
indique d’écrire ‘-ey’ seulement en fin de mots et dans le cas spécifique des
formes du défini pluriel. On se rappelle de l’existence dans cette langue de
séquence voyelle moyenne ou basse suivie de semi-voyelle. On notera aussi
dans un même parler comme d’un parler à l’autre des variations libres entre les
voyelles moyennes (e, a, o). Dans le cas précis des deux voyelles moyennes e et
a, il n’est toujours pas facile de savoir quand est ce qu’il faut noter l’une ou
l’autre lorsque l’élément qui suit est la semi-voyelle ‘y’.
Pour avoir enseigné pendant près de dix ans l’orthographe du soŋay-zarma à
des groupes hétérogènes d’étudiants (locuteurs et non locuteurs de la langue),
j’ai pu noter la difficulté qui était la leur de noter –ey ou –ay, quand bien
même est annoncée la règle qui réserve la forme –ey au contexte spécifique du
pluriel des noms.
Un dernier aspect que je pense important à évoquer est la règle que les
linguistes appellent l’homorganicité qui indique que la consonne nasale qui
précède une consonne non nasale est généralement du même lieu d’articulation
– 21 –
Des mots au texte songhay
que cette dernière. Aussi, lorsqu’il s’agit de p et b par exemple, c’est la nasale
‘m’ que l’on écrit. C’est d’ailleurs ce que l’on entend dans ce contexte. Les
consonnes vélaires ‘k’ et ‘g’ sont précédés de la nasale de même lieu
d’articulation. L’option retenue par l’arrêté no.0215/MEN/SP-CNRE du 19
octobre 1999 fixant l’orthographe de la langue soŋay-zarma à ce niveau est de
garder la consonne ‘m’ lorsque c’est p et b, mais de noter ‘n’ lorsqu’il s’agit des
autres consonnes.
Exemples :
hampi ‘boîte à onguents’
bambani ‘nervure de feuille de palmier doum’
banda ‘derrière, dos’
kongu ‘feuille de palmier doum’
konku ‘boîte métallique’
Signalons à ce niveau qu’au Mali, le choix a été fait de noter ‘n’ quelle que
soit la consonne qui suit.
– 22 –
Les mots
des mots au . . .
songhay français
a
á: dílì adili quelqu'un d'honnête
à: dìlàntè adilante quelqu’un d’honnête
á: díléj adilay se comporter en honnête personne
àbá: rà abaara pirogue, sp.
àdà: wà adaawa malheur
àdà: wàntè adaawante qui est souvent en situation de malheur
àdábbà adabba animal
àdákà adaka caisse
áddà adda machette
àddí: nà addiina religion
àddùhâ: adduha matin vers 9heures
àdènî: adeni idiot
àdènì: tàrêj adeniitaray idiotie
àdí: kà adiika foulard, baluchon
àgárgâr agargar plante médicamanteuse, sp.
àgú: hêl aguuhel vaurien, voyou
àj ú: ayu lamantin
àkú: aku perroquet
àlbàlám albalam bâtard
àlbánnà albanna maçon
àlbárkà albarka bénédiction
àlbàrkàntè albarkante qui a de la valeur
àlbásân albasan oignon
àlbáttà albatta devinette
àlcébù alcebu étrier
àlcílà alcila moustiquaire
àlè: sì aleesi présage
àlé: wà aleewa sorte de bonbon
àlfâ: (= àlfágà) alfa (alfaga) marabout, maître
àlfâ: (= àlfágà) alfa (alfaga) papillon
àlfá: tî: alfaati prière, souhait
àlfá: tî: alfaati faire des prières
àhákù ahaku huit
àhàkàntè ahakante huitième
àlá: dà alaada coutumes
– 24 –
des mots au . . .
– 25 –
des mots au . . .
– 26 –
des mots au . . .
– 27 –
des mots au . . .
b
bá: ba être nombreux
bá: jéndì baayendi augmanter, rendre nombreux
bâ: ba aimer
bá: kásínéj baakasinay amour
bà: kôw baakow bien-aimé(e)
bǎ: ba valoir mieux
bà: cèré ba-cere terme utilisé pour parler pudiquement de
l’enfant ou du conjoint quelqu’un,
spécialement dans la situation où l’on
demande de ses nouvelles
bà: ba part
bà: bà baaba père
bà: bàfùmbó baabafumbo beau-père
bà: bí: zè baabiize demi-frère ou demi-sœur, rival
bá: bí: zéj baabiizay se comporter en rivaux
bà: bì: zètàrêj baabiizetaray rivalité (généralement entre personnes
de même père, mais de mères différantes)
bà: dó: mà baadooma plante, sp.
– 28 –
des mots au . . .
– 29 –
des mots au . . .
– 30 –
des mots au . . .
– 31 –
des mots au . . .
– 32 –
des mots au . . .
– 33 –
des mots au . . .
– 34 –
des mots au . . .
– 35 –
des mots au . . .
– 36 –
des mots au . . .
– 37 –
des mots au . . .
bú: bu mourir
bú: jóŋ buuyoŋ mort, décès
bù: ní buuyoŋ décès, funérailles
bùkôw bukow mort, cadavre
bû: bu grenier
bú: lêl buulel manque de cheveux à l'avant de la tête
bú: lêlkê: buulelke personne à qui il manque des cheveux
à l’avant de la tête
bù: rà buura arracher de l'herbe avec force
bû:rú buuru pain
búzúbúzú buzu-buzu remuer dans un liquide
búzúgù buzugu estomac
c
cǎ: ca appeler/chanter (coq)
cà:jóŋ caayoŋ appel
cà:kôw caakow personne qui appel, muezzin
cá: cá caaca jeu de cartes
cá: cá caaca jouer aux cartes
cá: cěj zè caacayze carte/personne ayant l’habitude
de jouer aux cartes
cà: dá caada être cher
cà: dàntè caadante qui est cher, très recherché
cá: déndì caadendi rendre cher
cà: lé caale pitre
cá: nù caanu se chauffer au feu
cá: nùj óŋ caanuyoŋ fait de se chauffer au feu
cá: rà caara herminette
cá: réj caaray peindre
càbé cabe montrer
càbèj óŋ cabeyoŋ fait de montrer
càbé cabe prodiguer des conseils
càbé cabe conseil
cácâr cacar faire exprès, délibérément quelque chose
càkàtì cakati déchet après mastication
cáhâ̰: caha̰ être pressé
cáhâ̰: jóŋ caha̰a̰yoŋ fait d’être pressé
cálè cale camarade, semblable
– 38 –
des mots au . . .
– 39 –
des mots au . . .
– 40 –
des mots au . . .
– 41 –
des mots au . . .
d
dà: da caractère
dá: fútéj da-futay mauvais caractère (se dit généralement
d’un enfant ou d’une femme qui accepte
difficilement tout ce qu’on lui propose,
tout ce qu’on lui offre)
dá: hénnéj da-hennay bon caractère
dá: lá: léj da-laalay mauvais caractère
dá: bù daabu fermer, couvrir, enfermer
dà: bàntè daabante qui est fermé
dá: bùj óŋ daabuyoŋ fait de fermer
dà: bírɟì daabirji fermeture
dá: béndì daabendi coincer quelqu’un en un lieu pour l’obliger
à vous donner quelque chose
dá: búlé daabule rideau, paravent
dà: gà daaga personne de l'ethnie Touareg
dá: híréndì daahirendi attester, certifier
dà: lúŋ fà daalunfa herbes non coupées au cours
du sarclage du mil/riz
– 42 –
des mots au . . .
– 43 –
des mots au . . .
– 44 –
des mots au . . .
– 45 –
des mots au . . .
– 46 –
des mots au . . .
– 47 –
des mots au . . .
– 48 –
des mots au . . .
– 49 –
des mots au . . .
– 50 –
des mots au . . .
e
èrènî: ereni réunion
f
fà: bá faaba secourir
fà: bá faaba secours
fà: báj óŋ faabayoŋ fait de secourir (secours)
fà: bàkôw faabakow personne qui vient au secours de
fà: bù faabu maigrir
fà: bùj óŋ faabuyoŋ fait de maigrir
fá: béndì faabendi rendre maigre
fà: bù faabu couver
fà: búj óŋ faabuyoŋ fait de couver
fà: fà: gù faafaagu serviette
fá: ká: réj faakaaray causerie
fá: ká: réj faakaaray causer
fǎ: ɟì faaji solitude
fǎ: ɟì faaji être en situation de solitude
fá: ɟéndì faajendi faire que quelqu’un se retrouve seul
fá: ɟíká: réj faajikaaray causerie
fà: ɟìkà: rí faajikaari compagnon de causerie
fà: là faala chose facile, gratis
fà: là faala être facile
fá: léndì faalendi rendre facile
– 51 –
des mots au . . .
– 52 –
des mots au . . .
– 54 –
des mots au . . .
– 55 –
des mots au . . .
– 56 –
des mots au . . .
– 57 –
des mots au . . .
g
gá: (gaham) ga corps
gá: ká: néj gaakaanay gaieté exprimée à la vue de quelqu’un
gá: kúrí gaakuri charme, charisme
gá: kúríhóttéj gaakuri-hottay fait de ne pas être
ou ne pas se faire aimer par les autres
gá: bú: néj gaabuunay faiblesse (physique)
gá: dúséj gaadusay faiblesse physique
gá: kô:nú ga koonu être nu
gá: kô:nú ga-koonu nudité
gǎ: ga enclos à vaches
gà: ga aider
gà: jóŋ gaayoŋ fait d’aider
gá: kásínéj gaakasinay aide, appui
gá: bà gaaba bailler
gá: bàj óŋ gaabayoŋ fait de bailler
gá: bù gaabu être fort
gâ:bí gaabi force
gà: bìkòj ní gaabikoyni qui est fort, solide
gá: bù gaabu garder, retenir
gâ:gâ: ga-ga oiseau, sp.
gà: jí gaayi arrêter quelqu’un ou quelque chose
gà: jí gaayi garder, tenir, élever,
gà: jíj óŋ gaayiyoŋ fait de garder, de tenir, d’élever
gà: jì gaayi regarder, fixer du regard
gà: jìj óŋ gaayiyoŋ fait de regarder, de fixer
gá: lím gaalim ramper à la manière des serpents
gá: límjóŋ gaalimyoŋ fait de ramper à la manière des serpents
gà: ní gaani nom d’un mois
gà: níbándá gaani-banda nom d’un mois
gá: nù gaanu danser
gà: ní gaani danse
gà: nìkôw gaanikow danseur
gá: néndì gaanendi faire danser
– 58 –
des mots au . . .
– 59 –
des mots au . . .
– 60 –
des mots au . . .
– 61 –
des mots au . . .
– 62 –
des mots au . . .
– 63 –
des mots au . . .
– 64 –
des mots au . . .
– 65 –
des mots au . . .
h
hà: (= hèrì) ha chose
hà: bá haaba galoper
há: béndì haabendi faire galoper
hà: báj óŋ haabayoŋ fait de galoper (galop)
há: bú haabu balayer
hà: bàntè haabante qui est balayé
há: búj óŋ haabuyoŋ fait de balayer
hà: bù haabu coton
hà: búlámbá haabulamba cottonier
hǎ: gà haaga griller
hà: gàntè haagante qui grillé
há: gàj óŋ haagayoŋ fait de griller (grillade)
há: gà haaga être allumé (en parlant d’une lumière)
hâ:mâ: haama petit-fils/petite fille
hà: mèj haamay arracher avec violence
hà: mèj jóŋ haamayyoŋ fait d’arracher
há: rú haaru rire
há: réj haaray rire (nom)
há: réndì haarendi faire rire
hà: ròw haarow cheval, sp.
– 66 –
des mots au . . .
– 67 –
des mots au . . .
– 68 –
des mots au . . .
– 69 –
des mots au . . .
– 70 –
des mots au . . .
– 71 –
des mots au . . .
– 72 –
des mots au . . .
– 73 –
des mots au . . .
– 74 –
des mots au . . .
– 75 –
des mots au . . .
– 76 –
des mots au . . .
hû: hu maison
hû:kê: huuke hôte, logeur
hú: bé: rè huubeere ville où se trouvent des services
de l’administration
hû:hû: hu-hu insecte, sp.
hú: rà huura poisson, sp.
hú: rú huuru introduire
hú: rúj óŋ huuruyoŋ fait d’introduire
hú: zù huuzu faire semblant de frapper pour faire peur
hú: zùj óŋ huuzuyoŋ fait de faire semblant de frapper
pour faire peur
i
ìbá: jì ibaayi (à) sa guise, (à) sa volonté
ìbérì iberi ennemi
ìbèrìtarêj iberitaray méchanceté
íbìlí: sì ibiliisi démon, diable
íddù iddu six
ìddùwàntè idduwante huitième
ìgúmâ: iguma allié
í: jè iye sept
ì: jàntè iyante septième
ísà isa fleuve
ísǐ:zè isiize qui vit au bord ou dans le fleuve
ìrí: bà iriiba profit
ízè ize fils
ízèbí: rí ize-biiri fils adoptif
ízèfùmbó ize-fumbo beau-fils, belle-fille
ìzîn izin usine
j/y
jǎ: ya inonder
jà: bí yaabi presser le pas, marcher rapidement
jà: bíj óŋ yaabiyoŋ fait de presser le pas
jà: fá yaafa pardonner, bénir
jà: fáj óŋ yaafayoŋ fait de pardonner, de bénir
jà: féj zè yaafayze personne dont les parents ont
décidé qu’elle est bénite
– 77 –
des mots au . . .
– 78 –
des mots au . . .
– 79 –
des mots au . . .
ɟ/j
ɟǎ: ja se renverser (en parlant de cartes)
ɟǎ: joŋ jaayoŋ fait de se renverser (en parlant de cartes)
ɟá: dì jaadi fiancé(e)
ɟá: ɟè jaaje revenir à la maison
ɟá: ɟéndì jaajendi faire revenir à la maison
ɟá: ɟéndìj óŋ jaajendiyoŋ fait de faire revenir à la maison
ɟá: ɟèj óŋ jaajeyoŋ fait de revenir à la maison
ɟá: nà jaana type de coquillage
ɟá: sè jaase n'être bon à rien
ɟà: sànte jaasante qui n’est bon à rien
ɟá: sèj óŋ jaaseyoŋ fait de n’être bon à rien
– 80 –
des mots au . . .
– 81 –
des mots au . . .
– 82 –
des mots au . . .
– 83 –
des mots au . . .
k
kǎ: ka enlever
kǎ: jóŋ kaayoŋ fait d’enlever
kà: ka venir
kà: jóŋ kaayoŋ fait de venir
kà: kôw kaakow personne qui arrive, être humain
kà: ka cheval, sp.
ká: bá kaaba confiance
ká: bá kaaba compter sur
kà: bè kaabe barbe
kà: bêj kaabay arbre, sp.
– 84 –
des mots au . . .
– 85 –
des mots au . . .
– 86 –
des mots au . . .
démarrer la prière
kábéj kabay emporter
kábéj kabay passer chez quelqu'un, bifurquer
kábéj kábéj kabay-kabay faire plusieurs haltes, ce qui donne
l’impression de marcher sans but
kàddá: sù kaddaasu papier
kàfá: rà kafaara péché
káfân kafan manquer de quelque chose, échouer
káfánéj kafanay manque de, échec
kàfê: kafe café
kàkà: rù kakaaru graminée aquatique, sp.
kàkà kaka haie de secco
kákásé kakase saupoudrer
kákáséj óŋ kakaseyoŋ fait de saupoudrer
káków kakow discussion
káków kakow discuter
kákôw kakow contredire
kálâm kalam crayon
kàlàmbè: sà kalambeesa bifurquer, changer de direction
kálhâ̰: kalhã plante, sp.
kǎllìbí kallibi mouchoir de tête, foulard
kálmì kalmi calomnier, imputer
kálmìj óŋ kalmiyoŋ fait de calomnier, d’imputer
kámbà kamba dévier, bifurquer
kámbàj óŋ kamba fait de dévier, de bifurquer
kámbú kambu côté
kámbù kambu pinces
kàmbù kambu virginité
kàmî: kami plisser des yeux
kàmî:kàmî: kami-kami (re)plisser des yeux
kàmî:jóŋ kamiiyoŋ fait de plisser
kámsâl kamsal camisole
kàndámà kandama gros crocodile/baleine
kànêj kanay pastèque
kántà kanta tasser de la farine
kántàj óŋ kantayoŋ fait de tasser de la farine
kàntàŋ ká: là kantankaala intrument utilisé pour enlever
les grains d'un épi de mil
– 87 –
des mots au . . .
– 88 –
des mots au . . .
– 89 –
des mots au . . .
– 90 –
des mots au . . .
– 91 –
des mots au . . .
– 93 –
des mots au . . .
– 94 –
des mots au . . .
– 95 –
des mots au . . .
l
lâ: la gombo
lá: hǒj la-hoy sauce de gombo
là: dân laadan muezzin
– 96 –
des mots au . . .
– 97 –
des mots au . . .
– 98 –
des mots au . . .
m
má: ma antendre, sentir
má: jóŋ maayoŋ fait d’antendre
mâ: ma nom, prénom
má: bà maaba griot généalogiste
mà: fé maafe repas succulent
má: là maala tisserand
mǎ:mà:cí maamaaci chose étonnante
má: málé maamale faire du commerce
mà: márì maamari ligne de fond avec plusieurs hameçons
má: ní maani graisse
má: râmbúkà maarambuka plante, sp.
má: rásù maarasu tomber malade suite à un changement
de régime alimentaire
má: ráséndì maarasendi rendre malade suite à un changement
de régime alimentaire
mâ:rí maari soumbala
mà: rìɲɲě:rù maariɲɲeeru type de robe
má: sà maasa galette
mà: sù maasu retrousser un habit
mà: sùj óŋ maasuyoŋ fait de retrousser un habit
– 100 –
des mots au . . .
– 101 –
des mots au . . .
– 102 –
des mots au . . .
– 103 –
des mots au . . .
– 104 –
des mots au . . .
– 105 –
des mots au . . .
n
ná: fí: là naafiila deuxième prière du soir en période
de Ramadan
ná: fí: là naafiila faire la deuxième prière en période
de Ramadan
nà: gà naaga coller
nà: gàntè naagante qui est collé
nà: gàj óŋ naagayoŋ fait de coller
ná: géndì naagendi faire coller
nà: gà naaga calfater une pirogue
nà: ɟì naaji poison, venin
nà: ɟì naaji souffrir d’une douleur, de la chaleur
nà: ɟìkê: naajike véneneux
ná: néj naanay confiance
ná: néj naanay avoir confiance
ná: nú naanu téter
ná: núj óŋ naanu fait de téter
ná: néndì naanendi faire téter du lait (bébé)
ná: néndì naanendi bébé
ná: rú naaru voyager
nà: rimèj naarumay yvoyage
ná: rúɟínéj naaru-jinay cadeau de voyage
ná: sú naasu grossir, devenir gras
ná: súj óŋ naasuyoŋ fait de grossir et de devenir gras
ná: séndì naasendi rendre gros et gras
nà: só naaso gros et gras
nàfá nafa être utile
nàfàntè nafante qui est utile
nàfàj óŋ nafayoŋ fait d’être utile
nàkkásì nakkasi ne pas grandir normalement
nàkkàsàntè nakkasante qui est diminué, rabougri
nákkáséndì nakkasendi diminuer, rendre rabougri
nàmá nama mordre
nàmàj óŋ namayoŋ fait de mordre
nàmâ:ri ́ namaari arbre, sp.
nàmèj namay python
nàn nan enfoncer, s'appuyer sur
nànjóŋ nanyoŋ fait d’enfoncer, d’appuyer sur
– 106 –
des mots au . . .
– 107 –
des mots au . . .
ɲ
ɲâ: ɲa mère
ɲà:fùmbó ɲaafumbo belle-mère
ɲá: ɟîn ɲaajin frapper
ɲá: ɟînjóŋ ɲaajinyoŋ fait de frapper
ɲá: lá ɲaala faire vite
ɲá: láɲá: lá ɲaala-ɲaala faire très vite, très rapidement
ɲá: lá ɲaala briller
ɲa:láj óŋ ɲaalayoŋ fait de briller
ɲa:léndì ɲaalendi faire briller
ɲà: lé ɲaale femme coquette
ɲà: lèwèj ɲaale-way femme coquette
ɲá: mí ɲaami être mélangé
ɲà: mí ɲaami bout de l’hameçon
ɲà: sù ɲaasu griffer
ɲáfà ɲafa insecte, sp.
ɲákù ɲaku avoir des problèmes de croissance (flétrir)
ɲákùj óŋ ɲakuyoŋ fait d’avoir des problèmes de croissance
ɲáŋ gálbú: bú ɲangalbuubu plante sp.
ɲé: lè ɲeele écarter avec force
ɲèlòw ɲelow apercevoir au passage
ɲèlòwjóŋ ɲelowyoŋ fait d’apercevoir au passage
ɲìfì ɲifi mettre sa main pour prendre une poignée
ɲìfìj óŋ ɲifiyoŋ fait de prendre une poignée
ɲíɲímí ɲiɲimi ronger
ɲíɲímíj óŋ ɲiɲimiyoŋ fait de ronger
ɲókò ɲoko coïter
ɲókòj óŋ ɲokoyoŋ fait de coïter
ɲǒmtì ɲomti pincer du bout des doigts
ɲǒmtìj óŋ ɲomtiyoŋ fait de pincer
ɲó: gò ɲoogo faire bouger
ɲó: sè ɲoose gloutonnerie
ɲó: sè ɲoose être glouton
– 108 –
des mots au . . .
ŋ
ŋǎ: ŋa manger/ chiquer (en parlant de tabac)
ŋǎ: jóŋ ŋaayoŋ fait de manger
ŋá: jéndì ŋaayendi faire manger
ŋǎ: rì ŋaari nourriture
ŋá: kásínéj ŋaakasinay fait de manger, de partager
les repas ensemble
ŋà:môj ŋaamoy condiments
ŋá: réj ŋaaray demande, requête
ŋá: réj ŋaaray quémander, souhaiter
ŋà: rèj kôw ŋaaraykow griot
ŋàw ŋaw faire semblant de frapper quelqu'un
pour lui faire peur
o
ó: lè ole jaune (robe de vache)
òró: fù oroofu vantardise
òrò: fàntè oroofante qui aime faire de la vantardise
òrrógò orrogo manioc
p
pá: kè paake entasser
pá: sè paase repasser des habits
pàkàm pakam s’asseoir (lourdement) sur les fesses
páŋ gâl pangal épingle
pàténtì patenti patante
páwdà pawda poudre (talc)
pé: là peela pelle
pé: tú peetu cache-sexe
– 109 –
des mots au . . .
s
sá: bá saaba case en paillote
sà: bárà saabara arbuste, sp.
sà: bé saabe faire macérer
sá: bú saabu remercier
sá: bí saabi remerciement, reconnaissance
sà: círêj saaciray arbre, sp.
sá: fì saafi fermer à clé
sá: fǐ: zè saafiize clé
sá: fù saafu deuxième prière du soir
sà: fûn saafun savon
sà: gêj saagay euphorbe
sà: lìmbálé saalimbale poisson, sp.
sá: mù saamu être stupide
sá: méndì saamendi rendre stupide/ prendre pour
stupide/tromper
sà: mó saamo idiot
sà: mòtàrêj saamotaray idiotie, bêtise
sà: rêj saaray tombeau
sá: rì saari acheter en gros
sá: rìj óŋ saari fait d’acheter gros
– 110 –
des mots au . . .
– 111 –
des mots au . . .
– 112 –
des mots au . . .
– 113 –
des mots au . . .
– 114 –
des mots au . . .
– 115 –
des mots au . . .
– 116 –
des mots au . . .
– 117 –
des mots au . . .
– 118 –
des mots au . . .
t
tá: ta coudre
tá: jóŋ taayoŋ couture
tà: jàntè taayante qui est cousu
tà: kôw taakow couturier
tà: tà: gá: sú taataagaasu personne spécialisée dans le rafistolage
des calebasses
– 119 –
des mots au . . .
– 120 –
des mots au . . .
– 121 –
des mots au . . .
– 122 –
des mots au . . .
– 123 –
des mots au . . .
– 124 –
des mots au . . .
– 125 –
des mots au . . .
– 126 –
des mots au . . .
– 127 –
des mots au . . .
u
úddù uddu hurler, pleurer
úddùj óŋ udduyoŋ fait de pleurer, d’hurler
úrâ: (= úrôw) ura or (métal)
úzúrù uzuru maladie
ùzùràntè uzurante qui est souvent malade, maladif
ú: là ula plante, sp.
w
wá: wa déféquer
wá: jóŋ waayoŋ fait de déféquer
wá: wa souffrir (parce que frappé ou battu)
wá: jéndì waayendi faire souffrir en frappant
wâ: wa payer pour insubordination
wâ: wa éviter quelque chose (de pas
agréable généralement) à quelqu’un
wà: wa lait
wǎ: dù waadu fatalité
wá: fákù waakafu décision commune
wá: fákù waakafu s'antendre, convenir
wá: jì waayi traire
wá: jìj óŋ waayiyoŋ fait de traire
wà: lî: waali cigogne
wà: lí: gòj waali-goy plante sp.
wá: ní waani savoir
wá: níj oŋ waaniyoŋ fait de savoir
wá: ní waani ce qui appartient à autrui
– 128 –
des mots au . . .
– 129 –
des mots au . . .
– 130 –
des mots au . . .
z
zǎ: bì zaabi répondre, adresser la parole
zǎ: bì zaabi réponse
zà:lìŋfóntó zaalinfonto pochette en cuire, porte-monnaie
zá: lûm zaalum provoquer
zá: lûmjóŋ zaalumyoŋ fait de provoquer
zà: lùmàntè zaalumante qui provoque
zá: mà zaama remporter une victoire, vaincre
zá: màj óŋ zaamayoŋ fait de remporter une victoire, de vaincre
zà: mà zaama couteau
zá: rà zaara habit, vêtement
zà: ràzá: rá zaara-zaara chiffon, haillon
zá: rîŋ zaariŋ jour
zà: rìŋ zá: zaarinza partir dans la journée (vers 13heures)
zá: rú zaaru donner beaucoup de petits (poules)
– 131 –
des mots au . . .
– 132 –
des mots au . . .
– 133 –
des mots au . . .
– 134 –
des mots au . . .
– 135 –
des mots au . . .
– 138 –
. . . texte songhay
1. Avec l’eau
Gala est un petit village du canton de Balyam et qui se trouve au bord du
fleuve. Disons qu’il s’agit d’une île, une de ses îles du fleuve Niger. Aussi
lorsque l’on est à la rive droite et que l’on désire se rendre à Gala, l’on est
obligé d’emprunter une pirogue. De même, lorsque l’on se trouve à la rive
droite fleuve, l’on ne peut se rendre à Gala qu’à bord d’une pirogue. Autant
ceux qui n’habitent pas les îles utilisent leurs montures ou leurs voitures pour
voyager, autant les habitants de Gala usent de leurs pirogues pour rendre visite
à leurs parents vivant dans les villages environnants. D’après leur histoire, les
habitants de Gala sont des soŋay boro : ils sont en fait des descendants de
Maamar Kassay.
Les habitants de ce village pratiquent différentes activités. Ils cultivent le riz,
ce qui peut paraître normal pour un riverain d’un fleuve. Ils pratiquent
également la culture du mil et celle de la patate douce et du manioc après la
saison des pluies. Bien qu’ils ne soient pas des pêcheurs, ils pratiquent aussi la
pêche, juste pour leur consommation courante. Ils leur arrivent aussi de vendre
le produit de cette pêche : leur action dans ce domaine n’atteint guère celle des
sorkos. On trouve d’ailleurs parmi eux des gens qui détiennent des pouvoirs
relativement à la vie aquatique. Dans sa vie de tous les jours, l’être humain
cherche à dompter son environnement. Et comme le dit bien l’adage : ‘il existe
bien des choses sous l’eau, hormis l’hippopotame et le caïman’.
Ceux qui détiennent des pouvoirs liés au fleuve sont des ‘do’. Ce sont eux qui,
lorsqu’un hippopotame ou un caïman furieux arrivent aux abords des rivages
du village, font, par leur pouvoir magique, qu’ils continuent ailleurs ou bien
qu’ils ne nuisent pas aux habitants du village. Lorsqu’une pirogue chavire, c’est
à eux que l’on fait appel pour la sortir des eaux profondes. Et l’on raconte que
lorsqu’ils s’immergent à cette occasion, ils se transforment en silures. Quelle
que soit la profondeur des eaux, ils remonteront la pirogue. Mais pour que tout
cela se fasse, les habitants du village se doivent de respecter certaines
consignes. Par exemple, il existe un endroit que l’on appelle Taaso-me où
aucune femme du village ne doit y amener une marmite pour la laver, au
risque de s’attirer les foudres des ‘do’.
C’est dans ce village de Gala qu’une jeune femme vint à mourir après avoir
mis au monde une petite fille : elle mourut juste après la venue au monde de
son bébé car le travail a été très long. Si l’on connaît son âge, l’on peut
– 139 –
Bana
Suuru kaŋ se i na a hiijendi ga zeen’a hala manti moso: jiiri waranka cindi gu
no go a se alwaato kaŋ i na care hiiji. I koyra borey, boro bobow diiyoŋo ga,
Suuru wo mana tar ka hiiji, zama a waddey kulu mana hiiji kala jiiri waranka
cindi fo-fo ga. Ya-din no i koyra ra za doŋ-doŋ.
Jiiri fo nda jare hiijay banda no Suuru gorkosino na kocciya din hay, hayyoŋ
koŋ ra a koy ka tu nga koyo se.
Kaŋ ɲoŋo bu, i na kocciya no a ɲa beere fo se a ma a naanendi: a ɲa beere no
i ga ne iri annaamey ra, zama waybora nda kocciya ɲa wane ɲoŋey kulu ifo. I
ɲoŋey kayne nda beere yoŋ no kaŋ ga marga ɲa folloŋ. Ya-din ga, wayboro fa
wane wa ga te ifa ize se, sanda ɲa gundo wono.
A sabanda kaŋ wayboro din gonda zanka kayna kaŋ go ka naanu: ya-din ga, a
gonda wa. A ize gundo mo bisa jiiri fo; a gonda hanni nga ma a ka wa ne ka
koy kayna.
Kaŋ jirbi iyya to, i na caba te, i na kocciya daŋ Bana. Ma no kaŋ zanka kaŋ
kaŋ hayra fo te ka si, ba hala a ga ka anduɲɲa.
Bana ɲa kayno din no na gaayi kala a te jiiri hinza, alwaati kaŋ cine zanka ga
sintin ka waani senni, a ga sintin ka nga kabe-guma nda nga kabe-wowa bay ka
ka care ra.
– 140 –
. . . texte songhay
aisément comprendre qu’elle ait eu des difficultés au cours de son
accouchement : elle avait douze ans et demi.
Son mari qui s’appelle Sourou est en fait son cousin : ils sont les enfants
respectivement d’un frère et d'une sœur. Et c’est à sa naissance même que son
père pris la décision de la donner plus tard en mariage à son neveu. Il prit
donc la décision de la donner en mariage à son cousin à elle qui s’appelle
Sourou. Dans le village de Gala, la coutume était de marier les filles à partir de
l’âge de douze ans.
Son mari Sourou était nettement plus âgé qu’elle : il avait vingt-cinq ans
lorsqu’ils se sont mariés. Et de l’avis de beaucoup de personnes de son village,
Sourou s’est marié tardivement car ses camarades de classe d’âge se sont tous
mariés lorsqu’ils avaient vingt un ans. Il en était ainsi depuis la nuit des temps
dans cette contrée.
C’est après un an et demi de mariage que l’épouse de Sourou mit au monde
ce bébé, accouchement au cours duquel elle perdit la vie.
A la suite du décès de sa maman, l’on confia la petite fille à une de ses tantes.
Il s’agit en fait d’une grande sœur de sa mère, les deux femmes étant
considérées ici comme des sœurs, comme le sont leurs mamans. Elles sont donc
de même lait. Le lait de l’une de ces femmes doit par conséquent convenir à
l’enfant de l’autre.
Il se trouvait que cette femme avait un enfant qu'elle allaitait encore et
qu’elle s’apprêtait à sevrer. En fait, son enfant avait déjà un peu plus d’un an.
Aussi, au septième jour de sa naissance, l’on organisa la cérémonie de
baptême et l’enfant reçut le prénom de Bana. Il s’agit-là d’un prénom que l’on
donne à un enfant qui a perdu l’un de ses parents avant sa naissance.
C’est cette tante de Bana qui assura son éducation jusqu’à l’âge de trois ans,
âge à partir duquel un enfant commence à parler ; c’est l’âge où l’on dit d’un
enfant qu’il peut distinguer sa main droite de la gauche.
Depuis le décès de sa femme, Sourou avait pris la décision de ne plus se
remarier. Les habitants du village ont tout fait pour qu’il se remarie, il refusa.
Son argument principal est que sa femme lui avait été promise alors même que
sa mère venait de la mettre au monde. Et bien que son père qui se trouve être
son oncle à lui mourut, sa mère avait respecté leur promesse. C’est juste après
leur mariage que sa belle-mère est décédée à son tour. Se remarier signifierait
pour lui qu’il n’était pas digne de la confiance de toutes ces personnes.
– 141 –
Bana
Baabo mo, za ɲoŋo te ka si, a ne nga si ye ka gorkasinay. Borey te heri kulu a
ma ye ka hiiji, a wenji. A ne kaŋ nga si hin ka hiiji za kaŋ nga wande kaŋ bu,
amaana beeri boŋ no i na a hiijendi nga se: za ɲoŋo na a hay no i na a di nga
se. Kaŋ a beeri, ba kaŋ baabo kaŋ ti nga hase si huna, ɲoŋo yadda ka a hiijendi
nga se. Ngey hiija banda no ɲa zeena koy tu nga koyo se.
A ne kaŋ wo-din banda, da nga hiiji honkuna, kulu nga izo din, Bana, si ma
nga kaani. May no ga bay hala bora kaŋ nga ga hiiji ga yadda ka a ga gaayi
mate kaŋ nga ga ba. A ga sendi wayboro ma ba nga kurɲe wane ize. Da a
baar’a mo sintino de no; da a gay kulu a ga kabe kuna-futay.
Kaŋ Bana te jiiri hinza, baabo koy ka di ɲa kayna din, nga izo fondo ra. Suuru
ne waybora se:
– Bana ɲa, ni ma alhaanaŋ ay se mo, zama ay ga ba ay ma heri fo ci ne se,
heri kaŋ ay ga bay kaŋ a si kaanu ni se. Ay ga bay, Irke ga bay, koyra borey
kulu mo ga seede, kaŋ ni no naŋ Bana te boro, ni kaŋ taay’a za hano kaŋ hane
ɲoŋo te ka si kala hoŋ wo. Ay ga bay mo kaŋ a ga kaasu ni ga ka bisa ba ni ize
gundey. Amma day, ni ma ye ka alhaanaŋ ay se mo, ay ga ba ni ma ay no
fondo ay ma kond’a hu ka yaari. Ay diiyoŋo ra, ni na ni hina kulu te. Ba kaŋ ay
ga hatta ka kande kayna-kayna kaŋ ga te a se ŋaari, zanka yaariyoŋ si faala.
Ba hala Bana baaba ga nga senno ban, wayboro sintin ka mundi doori, a
sintin ka hẽ. Bino kulu hasara. A si bay heri kaŋ nga ga ne kocciya baaba se. Za
kaŋ Bana ɲa bu ka ka sohoŋ, ɲa kayna din mana heri kulu genji a se. Boro kaŋ
na boro naanendi mo jiiri fo alhaali, da i ne i ma boro ta a ga, hero si jaŋ de ka
dor bora din ga. A si ba mo Bana baaba ma bay kaŋ wo kaŋ a ka ka nga hã wo,
heri no kaŋ si kaanu nga se.
Za hano kaŋ Bana ɲa bu ka ka sohoŋ, baabo man bay ka te zaari hinka kaŋ a
mana ka ka diy’a. Kocciya bumbo ga bay boro kaŋ ti nga baaba. ɲa kayna kaŋ
do no a go kurɲe go ka nga hina kulu te kocciya ma si jaŋ heri kulu kaŋ a ga
ba, amma de Bana ga bay kaŋ manti nga baaba no. Da baayoŋ baaba gundo si
ka kala alaasar jingaryoŋ banda. Da a ga ka, a ga kande a se heri kaŋ a ga ba.
ɲa kayna kurɲo mo mana heri kulu genji a se : a ga baar’a sanda de nga
bumbo ize no. Irkoy ga bay kaŋ a sinda hina beeri, zama a jamaa ga ba: ize
iddu no go a se. Nga hinne mo no go ka goy ka i kulu ŋaayendi.
Wo-din de ti mafaari beero kaŋ naŋ Bana baaba ne nga hima ka nga izo ta,
nga ma du ka jaraw zabu i se. Annama, alboro kaŋ sinda gorkasin ga hin mo
de ka zanka kayna yaari? A ga bay kaŋ hero si faala, amma a ga hima a ma
Bana ta zama borey kaŋ do no a go hina ga kayna.
– 142 –
. . . texte songhay
Outre cette question de confiance, se remarier risque de constituer une source
de problèmes pour sa fille. Qui sait si la femme qu’il épousera n’infligera pas
les pires traitements à sa fille. Il est bien difficile de trouver une femme qui
éprouvera de l’amour pour sa belle-fille. Si elle montre des signes d’amour, ce
ne sera qu’au début du mariage ; à la longue, elle finira par la maltraiter.
Lorsque Bana eut ses trois années révolues, son père Sourou alla un jour voir
sa tante en vue de parler de sa fille. Il dit à la femme :
– Chère mère de Bana, je m’excuse d’avance pour ce que je vais te dire car je
sais que cela ne te plaira pas. Comme tous les habitants de ce village, je suis
conscient du fait que tu es la seule mère de Bana, pour l’avoir recueillie après
le décès de sa maman. Je sais aussi que tu l’aimes beaucoup : elle est même ton
enfant choyée. Malgré tout, et je te demande encore fois de m’excuser pour ce
que je vais dire, je souhaite que tu me permettes de l’amener chez moi pour
continuer son éducation. J’estime que tu as largement fait pour elle. Bien que
j’apporte de temps en temps ma modeste contribution, je dois reconnaître qu’il
n’est pas aisé d’assurer l’éducation d’un enfant.
Avant même que le père de Bana ne termine son propos, sa tante ne put
retenir ses larmes ; elle commença à pleurer car perturbée par ce que venait de
dire le père de Bana. Depuis le décès de sa maman, Bana était sous la
responsabilité de cette tante qui ne l’avait privée de rien. Et lorsqu’une femme
qui a allaité un enfant durant des mois doit du jour au lendemain se séparer de
lui, cela doit être certainement difficile pour elle, même si ce n’est pas elle qui
l’a mise au monde. Elle ne souhaite pas non plus que le père de Bana sache
qu’elle ne veut pas de son départ.
Depuis le décès de sa mère, son père n’a jamais fait deux jours sans venir lui
rendre visite. Au fil du temps, Bana s’est rendue compte que c’est bien lui son
vrai père, même si le mari de sa tante l’a toujours traitée comme si elle était sa
propre fille. Bana sait bien que le mari de sa tante n’est pas son père.
D’habitude, son père lui rend visite dans l’après-midi, juste après la prière de
alaasar. Il lui apporte généralement un cadeau.
Le mari de sa tante a également fait de son mieux : il lui a toujours montré
son affection comme si elle était sa propre fille. Bien qu’il ne soit pas très nanti
et qu’il ait une grande famille, il s’est toujours comporté en chef de famille
responsable.
C’est au vu de cette grande charge que le père de Bana a jugé utile de
reprendre sa fille chez lui, afin d’alléger la charge de la famille d’accueil de sa
– 143 –
Bana
Hala Bana ɲa kayna ga miyo feri ka salaŋ kulu mundey doori. A ne Bana
baaba se:
– Sohoŋ, Bana baaba, kocci kayniyo wo no ni ga ka ka ne ay ma a no ni se, ni
ma koy ka a yaari, ni kaŋ sinda wande, ni hinne no go ka ni baahuna te? Wala
ni diiyoŋo ga, ay si ma hawgay nd’a a ma boori no?
Bana baaba na nga boŋo zingi; a si bay heri kulu kaŋ nga ga ne waybora se.
A ka ka sabanda waato din cine Bana go taray ka hooray, nga nda kayney.
Sanda mate kaŋ baabo ga te waati kulu, a kande a se hamiisa sooyayye.
Hamiisa din no nga nda kayney go ka ŋa taray. A si ka bay kaŋ hoŋ wo baabo
mana ka waati kulu kaayoŋo dumo, zama a ga ba nga ma kond’a nga bande
kaŋ kala hatta ka ka hatta no a ga ka ka di nga kayney nda nga ɲa. Bana ga
nga baaba bay, amma a ga bay mo kaŋ borey kaŋ do nga go, ga ba nga hala
manti moso.
Bana baaba na me ka ka ne waybora se:
– Bana ɲa, ni ma ye ka alhaanaŋ ay se, manti hala ay si wo-din kulu bay no,
amma ay ga miile kaŋ a to noŋ kaŋ cine ay hima ka war hunanzam. War na
war hina kulu te; za de kaŋ Bana sintin ka caram, war ma naŋ a ma ye ay do
nda gorey.
– De may do no a ga goro waati kaŋ se ni go ka koy genjo ra, wala mo waati
kaŋ cine ni ga koy tamo do.
– Ay ga a kabay ay bande no; ay sinda hanni kaŋ ga dira ka a naŋ hu.
Bana baaba nda ɲa kayna naŋ go faakaara din ga no kaŋ waybora kurɲo hure
huwo ra ka i gar. Za a go ka, a go ka ma heri kaŋ i go ka ne. A si bay heri kaŋ
nga ga ne. Da a ga du, kocciya ma koy baabo bande; ya-din ga a jamaa ga
zabu. Annama, a ga hamburu wando ma si koy di a taali, wando ma si koy ka
miile kaŋ kocciya gora no si ka kaanu a se. I si ne albora se kala Kayliyo.
Kaŋ Kaliyo hure huwo ra, a na Suuru gune beene, a na gune ganda. A di kaŋ
wando go ka hẽ. A ne i se:
– Fo no war du? Bana senni no war go ka te? Zama manti ay ka hay se no
war ga care marga ka salaŋ, war mana ba saaware ay ga. Ay go ka ma heri
kulu kaŋ war go ka ne!
Suuru ne:
– Bana baaba, iri si ka taali kulu har. Cimi no, Bana senni de no ay ka ka te
ni gorkasino se, amma ay gonda hanni ay ma ka ka di ni zama ay si bisa ni
– 144 –
. . . texte songhay
fille. Mais, peut-on imaginer un homme sans épouse assurer l’éducation d’une
petite fille? Sourou est conscient du fait que cela n’est pas facile. Néanmoins, il
pense qu’il est de son devoir de récupérer sa fille pour alléger la charge de
ceux qui l’ont gardé jusqu’ici.
Le temps qu’elle ouvre la bouche, la tante de Bana laissa couler quelques
larmes. Elle dit au père de Bana :
– Père de Bana, tu te rends compte de ce que tu me demandes ? Ce n’est pas
cette petite fille que tu souhaites prendre chez toi pour la garder, toi qui n’es
pas marié ? Ou bien tu penses que je ne m’occupe pas suffisamment d’elle ?
Le père de Bana hocha la tête, ne sachant que répondre à la femme. A ce
moment précis, Bana était dehors en train de jouer avec ses cousins. Comme
c’est souvent le cas, son père lui avait apporté du poisson frit. Après avoir
mangé ce poisson, elle et ses cousins se mirent à jouer. Elle ignorait
complètement que l’intention de son père est de repartir avec elle. Elle
reviendrait de temps en temps rendre visite à sa tante. Bana comme son père
sont conscients du fait que toutes ces personnes l’aiment bien.
Le père de Bana dit alors :
– Chère mère de Bana, je te demande à nouveau de m’excuser pour ce que je
vais dire. Ce n’est pas que je ne suis pas conscient du fait que je vis seul ; je
pense seulement qu’il est grand temps pour moi de vous soulager, car vous
avez beaucoup fait pour ma fille. Comme elle a un peu grandi, je souhaite que
vous me la confiiez.
– Mais auprès de qui vas-tu la laisser lorsque tu dois aller au champ ou bien à
la pêche ?
– Je l’amènerai avec moi ; je n’ai pas l’intention de la laisser à la maison.
Pendant que le père de Bana et sa tante étaient en pleine conversation, le
mari de sa tante entra dans la maison. Bien avant d’y entrer, il les entendait ; il
savait donc de quoi ils parlaient. Il ne savait quoi leur dire. Dans la mesure du
possible, il serait souhaitable que la petite parte vivre auprès de son papa : de
cette façon, sa charge diminuera. Mais il a peur que cela ne déplaise à sa
femme, que son épouse ne considère qu’il ne veuille pas de la présence de sa
nièce.
Le mari de la tante de Bana qui s’appelle Kaylio entra alors dans la maison où
il trouva Sourou et son épouse. Il regarda Sourou de haut en bas ; il constata
que son épouse était en pleurs. Il dit alors :
– 145 –
Bana
heri kulu Bana ra. Ni de ka ti baabo. Heri kaŋ naŋ ay jin ka ka ɲoŋo do ka ti
wayboro wo faaliyoŋ ga sendi ka bisa alboro. Ay nda ni wo alboro hinka no;
heri kaŋ iri te kulu iri ga faham care se de no. Wo kaŋ ay ga ba ka ti war ma ay
no fondo ay ma Bana ye ay do nda goray. Jiiri hinza banda, zanka gaayiyoŋ si
te alboro se sanday. Wo kaŋ kande ayi no-ya.
Kayliyo ne:
– Suuru, mate no ni ga te ka kocciya wo sambu ka kond’a ka ne ni ma a yaari,
ni kaŋ sinda wande? Ba boro ga ba zankaa, boro hima ka fondo gana. Hala a
naŋ ka ka gar arwasiize no doŋ ay ga hin ka faham ni se, amma mate no ni ga
te nda wayboriize kayna, jiiri hinza ize. Da ni go ka koy genjo ra, mate no ni
ga te a se? Wala mo ni di de no kaŋ iri si ka hawgay nd’a mate kaŋ a
himand"a?
– Ha’a walla Kayliyo! Ay sinda fondo kulu ay ma wo-din har, zama mata kaŋ
war hawgay nda Bana, ba ay kaŋ ti baabo si bisa ya-din ga. Wo kaŋ se ay ka ka
ne war ma a no ay se de ka ti kaŋ, ay ga ba ay ma war hunanzam nda jara,
zama jiiri hinza manti jirbi hinza. Wo-din banda mo, alboro ga wayboro, Bana
cine ga hin ka koy ay bande farey do. Ay mana ne mo kaŋ da ay kond’a hu, a si
ye ka ka ka di war no. Wo-din si hin ka te!
Bana ɲa go ka goro, a si bay heri kulu kaŋ nga ga ne senno ra. Senno ye
kurɲo nda Suuru game. Suuru ne i se kaŋ nga go ka faaji de no. Da nga go
farey do, nga hinne no; da nga ka hu mo, hala ka ka sohoŋ nga hinne no. A ne
kaŋ wo-din si ka nga cindi. I ma naŋ nga ma konda Bana a ma te nga se cale.
Suuru ne:
– Bana baaba nda Bana ɲa, ay ga bay kaŋ senney wey kulu kaŋ war ci, cimi
yoŋ no. Annama, war ma gune ka di mo mate kaŋ ay go ka taabi nda. Boro
folloŋ goray wo bone de no. War ga bay kaŋ boro fo si yadda ka ay no nga izo
kaŋ ay wono go no. Ba kaŋ wayboro no, ize de no. Ya-din ga, war ma naŋ ay
ma konda wo kaŋ Irke na ay no. War ma bay mo kaŋ ba ay kond’a, a ga ka ka
di war waati kaŋ a ga ba kulu.
Kayliyo nda nga wande jaŋ heri kaŋ i ga ne Suuru se. I ne a ma naŋ hala i ma
soola kocciya se; ya-din ga a ma koy ka ka, ne nda jirbi yoŋ. Wo-din boŋ no i
na senno gaayi.
Suuru go ka fatta windo ra, Bana zuru ka ka ka koli a ga, mate kaŋ cine a
doona ka te. Waati kulu kaŋ baabo ga dira kulu kala a ma a dum kala windo
me.
– 146 –
. . . texte songhay
– De quoi parlez-vous ? Je suppose qu’il s’agit du sort de Bana ? C’est parce
que ce n’est pas moi qui l’ai mise au monde que vous vous réunissez sans moi ?
J’ai tout de même tout entendu!
Sourou dit :
– Cher père de Bana, nous ne disions rien de mal. C’est bien vrai que nous
parlions du sort de Bana, ton épouse et moi. Mais j’avais la ferme intention de
venir t’en parler car elle est ton enfant à toi aussi. C’est même toi son père pour
l’avoir gardée jusqu’ici. J’ai préféré rencontrer en premier lieu ton épouse car
je sais qu’entre hommes, nous nous comprendrons. Une femme n’est pas
toujours facile à négocier sur ce plan. Toi et moi, nous sommes des hommes :
par conséquent, nous ne pouvons que nous comprendre. Ce que je veux de
vous, c’est de me permettre d’emmener Bana avec moi. Il n’est pas difficile,
même pour un homme, de garder une enfant de trois ans.
Kaylio répondit :
– Sourou, comment vas-tu faire pour garder un enfant de cet âge, toi qui n’as
pas de femme ? Même si tu veux être avec ton enfant, il faut quand même que
tu remplisses les conditions pour cela ! Si c’était un petit garçon, j’aurais
compris ta démarche. Mais comment vas-tu faire avec une petite fille de trois
ans. Si tu dois aller au champ, comment ferais-tu ? Ou bien tu trouves que nous
ne nous en occupions pas assez ?
– Non, Kaylio, je n’ai pas le droit de dire cela car vous vous êtes toujours bien
occupés de Bana. Même moi qui suis son père ne peux pas faire mieux. La
raison pour laquelle je viens vous demander l’autorisation de l’emmener avec
moi est simple : je veux juste vous diminuer la charge que vous avez. Cela fait
trois ans qu’elle habite chez vous, ce qui est important quand même en termes
de charge. Par ailleurs, même si Bana est une fille, elle peut bien
m’accompagner au champ. Le fait de l’emmener avec moi ne signifie pas non
plus qu’elle ne reviendra plus chez vous, ne serait-ce que de temps en temps.
La tante de Bana est restée bouche bée ; elle ne savait quoi dire dans cette
discussion. Le débat se fait maintenant entre son mari et Sourou. Ce dernier
leur fit part de la solitude dans laquelle il vit. Que ce soit au champ ou bien à
la maison, il est toujours seul. Cela devient de plus en plus insupportable pour
lui. Il souhaite donc que l’on lui permette de partir avec sa fille Bana.
– 147 –
Bana
Jirbi hinka banda, alaasar jingaryoŋ banda, Bana ɲa kayna soola a se nga ma
du ka yenda baabo yoŋ do. Bana go ka ma kaani kaŋ nga go ye nga baaba yoŋ
do.
Kaŋ kocciya go ka dira borey kaŋ na a gaayi yoŋ do, a go ka ma kaani zama
nga baaba do no nga go ka koy; amma, a ga bay mo kaŋ nga go ka dira ka nga
caley kaŋ nga nd’ey ga horay naŋ. Zankey na a dum zaati kala windo me. I ne
a se a lakkaley ma keni, ngey ga hatta ka ka ka diy’a.
Bana ka hu, alaasar baana ra; a na nga baaba gar a go ka goro karga fo boŋ.
Za a diy’a, a zuru ka koli a ga. A ma kaani kaŋ nga ka ngey do; amma, a ga bay
mo kaŋ nga dira ka boro yoŋ kaŋ ga ba nga hala manti moso naŋ: Kayliyo izey
hinne no a ga bay, za a tun ka ka sohoŋ. Nga nd’ey no tun care bande.
Kayliyo wande na Bana jiney daŋ baabo huwo ra, a na banda bare ka ye hu.
Kaŋ a go ka koy, kocciya na a dum kala windo me. A faham kaŋ nga ɲa mana
ma nga dira kaani. I te moy taaci kulu waybora sintin ka mundi doori. Bana ne
a se:
– Ay ɲa, ay ga ye ka ka, ka di ni. Ni ma si hẽ ni ma.
Bana sinda kala jiiri hinza kaŋ a ye baabo do nda goray. I windo mo, mate
kaŋ cine kawye windey baayoŋo kulu go nda, huukoyni bobow no go a ra.
Borey baayoŋo kulu care ɲayze yoŋ no: kayne nda beere yoŋ, hasayze nda
hawayze yoŋ. Hatta bi filow no boro ga sabanda windi ra boro kaŋ nga nda
jamaa baayoŋo kulu si dumi. Ba wo-din mo, boro si du ka ne bora wo ce-waani
no, zama boro ga bay de kaŋ hiijay no kande bora windo ra.
Susubay kulu, Suuru ga nga izo tunendi jirbi za nda hinay, a ma nga moyey
ɲumay hala a ga hun jingara ra. Da baabo ka ka hun jingaro do, Bana ma gaso
kaŋ ra baabo doono go sambu ka do haro me hiyo do. Nga nda baabo no ga
koy farey do; baabo ga goy, Bana mo ga nga horay te. Suuru ga di nga izo yoŋo
ga a no gaabi ka tonton hala manti moso.
Da alaasaro ga ba ka to, Suuru ga nga goyo gaayi, nga nda Bana ma hure
ngey hiyo ra. Manti hala hu no i go ka ye ka ka: waati din cine no i ga koy tam.
Ba kaŋ Suuru ga mo fari nda hayni fari daŋ, hatta ka ka hatta a ga tam. Manti
hala sorko no: borey din dumo no kaŋ ga tam ngey ma du heri kaŋ ga ŋa hinne
se. A ka ka gar mo Bana ga ba hamiisa gumo.
Da i tam ka du kayna, i ma ye ka ka hu. Hamiisa kaŋ i du, i si a no kala Suuru
gorkasin fo se: Laabata manti kala wayboro no kaŋ kurɲo bu ka dira ka naŋ a
se ize wayboro hinka. Laabata ga Suuru hamiisey ta ka hina. A ma ka nga izey
se, a ma Suuru nda nga izo ba ka, wo kaŋ cindi a ma a zaban windo borey se.
– 148 –
. . . texte songhay
Sourou ajouta :
– Chers parents de Bana, je reconnais que tout ce que vous venez de dire est
vrai. Mais, je vous demande de prendre en compte ma souffrance. Vivre seul
est quand même synonyme de malheur. Vous savez par ailleurs que personne
ne peut me donner son enfant pendant que le mien est là chez vous. Même s’il
s’agit d’une fillette, c’est quand même un enfant. Soyez aussi sûrs que même si
elle vous quitte aujourd’hui, elle vous rendra visite à sa guise.
Kaylio et son épouse ne savaient plus que dire à Sourou. Ils lui demandèrent
de leur donner le temps d’apprêter la fillette. Ils lui suggèrent d’aller revenir
dans quelques jours.
Alors que son père s’apprêtait à sortir de la concession, Bana courut s’agripper
à lui comme à l’accoutumée. Chaque fois que son père repartait, elle avait pris
l’habitude de le raccompagner jusqu’à la porte de la concession.
Deux jours plus tard, après la prière de alaasar, la tante de Bana l’apprêta
pour la conduire chez son père ; elle était joyeuse à l’idée qu’elle partait vivre
chez son père.
Lorsqu’arriva le moment de quitter les personnes chez qui elle était depuis des
années, la fillette était contente. Mais elle sait aussi qu’elle quittait des amis
avec qui elle a pris l’habitude de jouer. Les autres enfants de la concession
l’accompagnèrent jusqu’à la porte ; elles la rassurèrent qu’elles viendraient de
temps à autre leur rendre visite.
Bana arriva chez son père dans l’après-midi, bien après la prière de alaasar.
Elle trouva son père assis sur un escabeau. Dès qu’elle aperçut son père, elle
courut se jeter dans ses bras ; elle était contente de revenir chez son père. Elle
est tout de même consciente du fait que les gens chez qui elle était l’aimaient
bien. De toute sa vie, elle ne connut que les enfants de Kaylio ; ils ont d’ailleurs
grandi ensemble.
La femme de Kaylio mit les affaires de Bana dans la maison de son père, puis
elle s’en retourna. Lorsqu’elle reprit le chemin de retour, Bana la raccompagna
jusqu’à la porte de la concession. Elle comprit que sa tante n’était pas contente
qu’elle l’ait quittée. Aussi lorsqu’elles se regardèrent les yeux dans les yeux, sa
tante n’a pu retenir ses larmes. Bana lui dit alors :
– Ma chère tante, je reviendrai te voir. Ne pleure pas.
Bana avait donc juste trois ans quand elle retourna vivre chez son père. La
concession de son père, à l’image de celle de la plupart des villages du canton
– 149 –
Bana
Laabata ize wayboro hinkaa din ga zeena Bana kayna. Waati fo yoŋ, i ga ka
ka a ce ngey ma koy horay. Ya-din, ya-din kala i doona care gumo. Kala a to
noŋ kaŋ Bana ga ba kani i do.
Han kaŋ se Bana nda nga baaba mana koy genjo ra, a ga hatta ka koy Kayliyo
yoŋ do ka di borey kaŋ do a beeri. Wo-din ga kaanu ɲa kayna din se, a ga
kaanu mo Kayliyo se.
Jiiri ga bu, jiiri ga tun, kala Bana ka ka te jiiri way cindi iddu. Sohoŋ wo nga
no ga nga baaba ŋaarey te: a ma doono duru, a ma hawro te. A si koy baabo
bande farey do koyne. Baabo ne a ma sobay ka goro hu ka hawgay nda nga
ŋaaro.
Laabata ize wayboro hinkaa mo go windo ra, ngey nda Bana yoŋ go care
bande waati kulu. I go care se sanda de kayne nda beere yoŋ. Za kaŋ Laabata
kurɲe bu, a mana du baakow koyne, zama a kurɲe hinkanta no-ya kaŋ bu. A
wane ize wayborey din, boro kulu nda nga baaba no. Borey ga ne mo kaŋ,
wayboro kaŋ gorkasiney bu hiijay si boori: da boro na hiiji boro mo ga bu de
no.
Bana nda Laabata izey din doona care kala boro kaŋ si bay ga miile ikulu ɲa
fo baaba fo. Wo-din mo kulu Laabata no na a te, zama a gonda heri kaŋ ra a ga
ba nga ma Bana daŋ. Da a ga du, Bana baaba ma nga hiiji, ngey zankey ma du
ka te ifo. Wo-din banda, za kurɲo bu ka ka sohoŋ, nga no go ka nga izey jare.
Kocciyey gonda baaba beere yoŋ, amma ikulu si zankey ciine ra zama i ga
miile kaŋ i ɲa ka ngey kayne wi.
Laabata lakkalo go za gayyoŋ Suuru ma ka ka nga hiiji. Za kaŋ Bana ye ka ka
windo ra no a miile kaŋ wo-din ga te. Sohoŋ binde, jiirey go ka koy, a ga ba ka
to noŋ kaŋ a ga fatta hayyoŋ: da wayboro bisa jiiri waytaaci, a ga miile kaŋ
boro kulu si nga hiiji, zama nga si du hayyoŋ se.
Han fo bine, Laabata na Bana ce nga huwo ra, alwaati kaŋ boro kulu si no. A
ne a se:
– Bana, manti taali fo se no ay na ni ce; senni fo de no go ay bino ra za
gayyoŋ, senni kaŋ ay ga miile kaŋ a ga kaanu ni bumbo se. Da ni gune, jiiri
yoŋ ne kaŋ ay zankey baaba te ka si. Ya-din no, za ni ka anduɲɲa yoŋo waate,
ni ɲa koy ka tu nga koyo se. Han din ka ka sohoŋ, ni baaba hinne no go ka nga
baahuna te. Ay mo ya-din da. Za ni ka windo ra ka ka sohoŋ, ni nda ay zankey
no go care bande waati kulu. Boro kaŋ si bay ga miile kaŋ war kulu ifo. Boro
kaŋ si bay ga miile kaŋ ay ti ni ɲa, Suuru mo ti ay zankey baaba. Da ay ga du,
iri ma te heri kaŋ ga naŋ wo kaŋ borey go ka miile din ma te cimi. Ay ga bay
– 150 –
. . . texte songhay
de Balyam, compte plusieurs familles. La plupart des gens qui vivent dans une
même concession ont des liens de parenté : ce sont généralement des frères,
des cousins. C’est très rarement que l’on trouve dans une concession quelqu’un
qui n’a aucun lien de parenté avec la plupart des habitants. Et même dans ce
cas, l’on ne peut parler d’un étranger dans la mesure où la personne est
certainement arrivée par le mariage.
Chaque matin, Sourou réveille sa fille assez tôt, pour qu’elle fasse sa toilette
avant que lui ne revienne de la prière du matin. Lorsque son père revient de la
mosquée, Bana prend la calebasse de boule et l’amène au bord du fleuve pour
la mettre dans la pirogue de son père. Elle accompagne toujours son père au
champ. Pendant que son père travaille, Bana passe son temps à jouer. Le fait
d’avoir sa fille sous ses yeux motive davantage Sourou.
Après la prière de alaasar, Sourou et sa fille ont coutume de prendre leur
pirogue, non pas pour rentrer à la maison, mais pour aller à la pêche. Même si
l’agriculture est sa principale activité, Sourou pratique aussi la pêche. Il n’est
pas pêcheur de profession : il fait partie de ces personnes qui pratiquent la
pêche juste pour leur besoin en poisson. Il se trouve aussi que sa fille Bana
adore manger du poisson.
Dès qu’ils attrapent quelques poissons, ils rentrent à la maison. Le poisson est
alors remis à une voisine de Sourou : Laabata, la voisine, est une veuve avec
deux filles. Elle prend toujours le poisson que Sourou ramène pour le préparer.
Elle en enlève pour ses propres enfants, pour Sourou et sa fille et le reste elle
en donne, comme il est de tradition, aux voisins.
Les deux filles de Laabata sont un peu plus âgées que Bana. Parfois, elles
l’invitent à jouer avec elles. Au fil du temps, elles s’habituent les unes aux
autres au point qu’il arrive que Bana passe la nuit chez elles.
Les jours où elle et son père ne partent pas au champ, Bana rend parfois visite
à la famille de Kaylio. Ce qui fait beaucoup plaisir à sa tante.
Les années passèrent. Bana eut bientôt seize ans. Aussi c’est elle-même qui
prépare les repas de son père qui est resté encore veuf. Elle préparait la boule
de mil ainsi que le repas du soir. Elle ne suivait plus son père au champ. Son
père lui avait demandé de rester à la maison pour s’occuper de leur nourriture.
Les deux filles de Laabata et Bana étaient toujours ensemble. Elles vivaient
comme des vraies sœurs. Depuis le décès de son second mari, Laabata n’a pas
eu de nouveau prétendant. Dans la tradition, l’on dit toujours qu’il n’est pas
bien indiqué d’épouser une femme qui a perdu deux maris car, comme le dit
bien l’adage, il n’y a jamais deux sans trois.
– 151 –
Bana
kaŋ ni baaba si heri kulu genji ni se, wo-din se no ay ka ka ni hã ni ma koy ka
diy’a ka ci a se wo kaŋ ay ga har ni se wo: a ma ka iri ma gorkasinay. Da Irke
na hayyoŋ daŋ iri game, ni ga du kayne yoŋ.
– Ay ɲa, wallaahi senno kaŋ ni ci wo, ay bumbo na a miile za gayyoŋ. A sinda
sikka kaŋ da war boro hinkaa gorkasinay, hero gonda donganay iri kulu se.
Amma da ay ga du, ni ma di ay baaba ka ci a se ni bumbo. Ay si hin ka senno
wo dumo har a se. Amma a ga kaanu ay se hala a yadda.
– Da ay na ni ce ka senno har ni se, manti kala zama ay bumbo si hin ka a har
a se. Ay ga miile mo kaŋ boro kulu si koyro wo ra kaŋ se a ga hangan ka to ni.
Ay ga bay kaŋ waato kaŋ ni ɲa te ka si, borey te heri kulu, jiiri hinka banda, a
ma gorkasinay, a wenji. A ne borey se kaŋ nga si hin ka hiiji, amaanaa kaŋ go
nga nda ni ɲa game ra se. Ay ga miile kaŋ wo-din ti mafaaro kaŋ naŋ a go
mata kaŋ ni beeri ka saband’a. Wo-din banda iri, annaamey ra, wayboro si hin
ka ne alboro se a ma ka ka nga hiiji, ba waybora ga baar’a ka bisa. Alboro no
ga di wayboro kaŋ nga ga ba, a ma borey donto a ga. Wo kaŋ ay ga ba ni ga ka
ti ni ma diy’a ka a hã. Manti za ni nd’a di care no ni ga ne a ma ka ka ay hiiji;
ni ga a carmay ka a hã hala a mana hima a ma hiiji ka di hala a ga du ni se
kayne. Boro kulu no ga ba nga izo se kayne. Da ni ma kaŋ a gonda hanni, ni
ma ay faakaaray te a se.
Bana fatta, kala a sabanda baabo hun farey do. A na a kubay ka jiney ta a se.
A na a fo nda goy, a koy nda jiney ka daŋ huwo ra.
Ciino ra, a windi ka ka baabo do, sanda boro kaŋ ga ba nga ma salaŋ boro se.
Bino mongo, a ye ka fatta. A koy Laabata huwo ra ka nga caley gar. I faakaaray
kayna, a ye ka ka baabo do. Baabo na hã heri kaŋ se no a go ka koy ka ye. A na
a hã hala heri fo no a ga ba. Bana ne kaŋ nga zaara fo no nga ka ka sambu,
zama yeeni no go.
Wo-ne kulu, Laabata go taray ka kocciya batu, ka ma heri kaŋ baabo ga ne.
Sokoko kaŋ i soote! Heri kaŋ boro ga ba, kaŋ boro fo ne nga ga boro ga boro
ma duw’a! Kaŋ Bana ye ka ka, Laabata na hã heri kaŋ baabo ne. A ne nga
mana du bine kaŋ har a se.
Bana ga bay kaŋ nga baaba si heri kulu genji nga se. Amma, mate no boro ga
te ka ne boro hayra se a ma ka ka koy gorkasinay, hayra kaŋ ne nga si hiiji
amaanaa kaŋ go nga nda boro ɲa game ra se. Lalle mo a ga nga baaba ma
gorkasinay. Nga ma du kayne yoŋo din ga kaanu a se hala manti moso. Amma,
a si bay mate kaŋ no nga te ka senno har nga baaba se; a si ba mo a ma di nga
taali.
– 152 –
. . . texte songhay
Les rapports entre les filles de Laabata et Bana étaient tels que bien de gens
pensaient qu’elles étaient du même père. En fait, Laabata a beaucoup fait pour
qu’il en soit ainsi car elle nourrit une ambition. Elle souhaite y faire jouer à
Bana un rôle de premier plan. En effet, elle souhaite que le père de Bana
l’épouse, ce qui permettra à leurs enfants de devenir de vraies sœurs. Cela
d’autant plus que depuis le décès de son second mari, c’est elle qui a la charge
de ses deux filles. Chacune de ses filles a des oncles paternels qui sont censés
subvenir à leurs besoins, mais comme ceux-là pensent que Laabata est à la base
du décès de leur frère, ils ne s’occupent pas des enfants.
Depuis fort longtemps Laabata n’a cessé de penser à un mariage entre elle et
Sourou. Avec l’arrivée de Bana chez son père, elle croyait davantage à la
réalisation de ce projet. Le temps passe et elle va bientôt atteindre la
ménopause : lorsqu’une femme a un peu plus de quarante ans, elle pense que le
mariage devient difficile pour elle car très peu d’hommes acceptent de prendre
pour épouse une femme qui ne pourra peut être plus faire des enfants.
Un jour, Laabata appela Bana dans sa maison alors qu’il n’y avait personne.
Elle lui dit :
– Bana, ce n’est pas pour quelque chose de mal que j’ai voulu m’entretenir
d’avec toi. En fait je veux te parler de quelque chose qui me tracasse depuis des
années. Je pense que c’est quelque chose qui t’intéresse toi aussi. Si tu regardes
de près les choses, tu constateras que cela fait des années que le père de mes
enfants est décédé. Pour ta part, tu as perdu ta mère à ta naissance. Et depuis
ce jour ton père vit seul. Je suis moi aussi dans la même situation. Depuis que
tu es revenue dans cette concession, tu es toujours avec mes enfants au point
que celui qui ne le sait pas peut penser même que vous êtes les mêmes. On
peut même penser que je suis ta mère et que Sourou est le père de mes deux
filles. Aussi, je souhaite vivement que nous fassions tout pour que ce que
pensent les gens deviennent une réalité. Comme je sais que ton père ne peut
rien te refuser, j’ai voulu te demander de lui en parler. Je souhaite que lui et
moi nous nous marions. Si le Bon Dieu nous gratifie de naissances, tu auras des
frères et sœurs.
– Chère maman, je vous jure que moi aussi j’ai souvent pensé à cela. Il est
certain que si vous vous mariez, cela facilitera les choses pour nous tous. Mais
je pense que c’est à vous de voir mon père pour lui parler de cela. Je ne peux
pas lui parler sur ce ton. Mais je serais très contente s’il accepte votre
proposition.
– 153 –
Bana
Kaŋ mo bo, Bana biya ka ka nga baaba do ka a keni baani. Za a sintin ka te
hondiyow no a si ka keni ngey do. Nga nda Laabata izey no ga keni, Laabata
huwo ra.
Kaŋ a ka ka baabo keni baani, a ga a gune, a si bay mate kaŋ no nga ga te ka
senno kaŋ go nga bino boŋ har a se. A na hoobo sambu ka fatta, ka do haro
me, ka koy hari guru. A ye ka ka, a na doonu diibi nga baaba se. Han din wo
Suuru si ka koy genjo ra. Kaŋ a na doono haŋ ka ban, a taŋ ka keni daaro boŋ.
Goyteeri kaŋ si hunanzam da goy go no, da a du hunanzamay, a ga tar ka jirbi.
Suuru keniyoŋo nda a ma jirbi yoŋo kulu care bande no. Bana na hayni ka
gaasi ra ka koy ka sintin ka a sosobu. A ka ka gar Laabata izey mo na ngey
hayno kaŋ i ga te doonu ka taray, i na care kubay miliya beero kaŋ go windo
ra cire. Han din zaariŋo kulu, Bana go de boro kaŋ sinda baani: a ga-hamo ga
tiŋ a ga. A si bay mate kulu kaŋ no nga ga te ka senno din har nga baaba se.
Da baayoŋ, alaasaro jingaro banda, baabo ga koy tam ka di hala nga ga du
heri kaŋ i ga te hoy. Kaŋ a hun jingaray, a ka ka Bana gar a go ka goro huwo ra
daaro boŋ, boŋo go singante.
A ne a se:
– Fo no du ni kaŋ ni go ka boŋ singi?
– Samay de no ay baaba!
– Manti samay ke, ay mana bay ka di ni ma ka ka goro ne-wo, huwo wo ra, ka
boŋ singi ya-cine! Wala boro fo no na heri fo te ni se? Salaŋ ay ma ma!
– Manti taali fo kulu no, senni fo de no ay ga ba ay ma ni hã!
– Wo-din se no ay go ka di za bi ni go ka siw-siw! Salaŋ ka ka, hala heri kaŋ
ay ga bay no, ni ga bay kaŋ ay ga a har ni se.
– Manti senni zeeno no bo ay baaba, senni no kaŋ ay si bay hala ay na har ni
se, hala a ga kaanu ni se wala mo a si kaanu ni se. Hay fo! Heri fo de no ay ga
ba ni ma te, amma ay si bay hala ni ga a te ba ay se, zama ay ga tammahã kaŋ
a si kaanu ni se.
– Bana, ay ize kaasa, heri kulu si no anduɲɲo wo boŋ kaŋ ni ga ay hã, kaŋ go
ay hina ra, kaŋ ay si te ni se. Ba ni ne ay ma ay hundo ka ni se, ay ga te, da a
ga kaanu ni se.
– Ay baaba, ay si bay hala ni ga wo kaŋ ay ga ba ka ni hã wo te ay se. Ay gay
ka ma no kaŋ ni ne ni si a te kala ni ma bu!
– Si senno kukendi ay se Bana, ci ay se ay ma ma ma heri kaŋ ni ga ba ay ga.
– 154 –
. . . texte songhay
– Si je t’ai appelé pour t’en parler c’est parce que je ne peux lui en parler moi-
même. Je suis également convaincue qu’il n’existe personne dans ce village
qu’il écoute autant que toi. Je sais aussi que deux ans après le décès de ta
maman, des gens lui ont conseillé de se remarier, ce qu’il refusa. Il évoqua la
confiance à la base de leur union. C’est ce qui explique la situation dans
laquelle il se trouve aujourd’hui des années après ta naissance. Par ailleurs, les
traditions de chez nous sont telles que ce n’est pas à la femme de demander à
l’homme de l’épouser, quel que soit le degré d’amour de cette femme. C’est
l’homme qui lorsqu’il voit une femme qui lui plait envoie des émissaires auprès
d’elle. Ce que je veux de toi, c’est de l’approcher pour lui en parler. Ce n’est pas
à votre première rencontre que tu lui proposeras de m’épouser ; tu le sonderas
pour savoir s’il ne pense pas au mariage en faisant comprendre que tu
souhaites avoir des frères et sœurs, ce qui est naturel. Si tu sens qu’il désire se
remarier, alors tu lui parleras de moi.
Bana sortit de la maison de Laabata et trouva son père rentré des champs. Elle
récupéra les affaires qu’il portait afin de les mettre dans la maison.
La nuit tombée, elle se présenta à son père comme si elle avait quelque chose
à lui dire. Mais elle n’arrivait pas à parler. Elle quitta aussitôt son père et
rejoignit ses camarades qui étaient dans la maison de Laabata. Quelques
instants après, elle revint auprès de son père. Il lui demanda ce que signifient
ses va-et-vient incessants. Il lui demanda si elle avait besoin de quelque chose.
Bana répondit qu’en fait elle était revenue récupérer un de ses pagnes dont elle
avait besoin pour se couvrir car elle a froid.
Laabata était là, devant sa porte, en train de tout suivre. Elle attend avec
impatience ce que dira le père de Bana. Lorsque l’on désire acquérir quelque
chose et qu’une personne se propose de vous appuyer, l’on ne peut qu’être
content. Aussi lorsque Bana revint dans sa maison, s’est-elle empressée de lui
demander ce que son père a répondu. Elle lui dit n’avoir pas encore parlé de
cela à son père.
Bana est consciente du fait que son père ne peut rien lui refuser. Mais,
comment demander à son père de se remarier, un père qui a jusqu’ici refusé de
se remarier par amour pour sa mère. Bien sûr qu’elle souhaite que ce père se
remarie pour qu’elle puisse avoir des frères et sœurs. Comment aborder la
question avec ce père sans que cela ne soit perçu comme un manque de
respect ?
– 155 –
Bana
– Wo kaŋ ay ga ba ni ga de ti kayne. Senno me de no-ya. Ay wo ke, da ay ga
du ni ma tun ni seeni jina din boŋ. Ba i ga ne amaana, ni na amaana toonendi
zama jiiri marje ne kaŋ ay ɲa te ka si kaŋ ni mana gorkasinay.
– Bana, wallaahi ni kande senni. Ni bay kaŋ za gayyoŋ no borey go ay bande
ka ne ay ma hiiji, ay wenji. Mate no ni ga te ka ne ay se honkuna ay ma
gorkasinay? Ni ga bay heri kaŋ se mo ay ne ay si gorkasinay! Ifo de, amaanaa
kaŋ naŋ ni kaagey na ni ɲa hiijendi ay se. Ihinkanta, da ay gorkasinay
honkuna, ay ga bay kaŋ bora si ba ni sanda de nga bumbo ize.
– Ay baaba, bora kaŋ ay ga ba ni ma gorkasinay din si hin de ka jaŋ ka ba ayi.
Wo-din banda, ay walla ga ba kayne.
– Ya-din ga, da ay faham ni se Bana, ni na ni bora suuban ba hala ni ga ka ka
senno wo toonendi ay do. May no ni lakkaley ra ay hima ay ma gorkasinay?
– May kala iri ɲa kaŋ iri nd’ey go windi fo. Ay si kala Kattuuma ɲa ga.
– Hã’ã, Bana. Wo-din si hin ka te! Wo kaŋ ay ga hin ka te ni se ka ti
gorkasinayyoŋo, amma bora kaŋ ay ga gorkasinay manti ni no ga a suuban ay
se. Han kaŋ hane ay di ay bora kulu ay ga te wo kaŋ ni na ay hã. Fatta ka
sobay ka koy ni goyey te ka fanda ayi.
– 156 –
. . . texte songhay
Le lendemain matin, comme d’habitude, Bana arriva auprès de son père pour
lui dire bonjour. Depuis qu’elle est devenue une grande fille, elle ne passe plus
la nuit avec son père. Elle passe la nuit chez Laabata, en compagnie de ses deux
filles.
Lorsqu’elle arriva auprès de son père pour lui dire bonjour, elle n’a pas arrêté
de le regarder car ne parvenant pas à lui dire ce qu’elle a sur la langue.
Elle prit la jarre d’eau pour se rendre au bord du fleuve afin de puiser de
l’eau. A son retour, elle délaya de la boule de mil pour son père qui avait choisi
ce jour-là de ne pas aller au champ.
Après avoir bu la boule de mil, Sourou s’allongea sur son lit afin de récupérer
de la fatigue des jours précédents. Le sommeil l’emporta aussitôt.
Quant à Bana, elle prit une petite quantité de mil dans une calebasse ; elle mit
ce mil dans un mortier et commença à le piler. Les deux filles de Laabata
étaient là elles aussi autour d’un mortier en train de piler du mil.
Toute la journée, Bana avait l’air de quelqu’un de malade : elle ne se sentait
pas à l’aise. Elle ne savait pas comment faire pour annoncer à son papa ce
qu’elle a sur le cœur.
Son père avait l’habitude, après la prière de alaasar, d’aller à la pêche : cela
lui permettait de trouver le poisson nécessaire à la préparation de la sauce du
soir.
A son retour de la mosquée, il trouva Bana sur le lit à l’intérieur de la maison,
la tête entre les mains.
Il lui dit :
– Qui y a-t-il pour que tu te tiennes la tête avec les deux mains ?
– Rien, papa !
– Rien ? Je ne t’ai jamais vue venir t’asseoir sur le lit et te tenir la tête comme
tu le fais aujourd’hui ! Quelqu’un t’a-t-il fait quelque chose de mal ? Parle !
– Il n’y a rien. Seulement, j’ai une question que je souhaite te poser !
– C’est pour cela que je te voyais taciturne depuis hier. Parle. Si c’est quelque
chose dont je connais la réponse, tu sais bien que je ne manquerai pas de te le
dire !
– Papa, ce n’est pas une question liée à notre histoire. Par ailleurs, je ne suis
pas sûre qu’elle te plaise. En fait….Je souhaite que tu fasses quelque chose
– 157 –
Bana
Bana fatta ka nga ma sambu ka koy a dasa. A na nga caley gar i ga ba ka ban.
Da manti kaŋ i na a ga, doŋ han din a hawro si tar ka hun.
Bana nda baabo faakaara din na baabo futendi jirbi yoŋ: a te jirbi yoŋ kaŋ a si
ba nga nda nga izo ma care kubay huwo ra. A si tar ka a ce soko fa a ma a
donto. Bana mo si gaaru a se, zama a ga bay kaŋ ba kaŋ a yadda nga ma
gorkasinay, bora kaŋ nga suuban a se din, a si ba nga ma a maayo.
Jirbi ga bu jirbi ga tun, kala hebu hinka. Waati kaŋ i kubay nda care huwo ra
kulu Bana ga miile kaŋ nga baaba naŋ ga ne nga se to ay yadda ni senno ga. A
ka ka gar baabo wo si kala laasaabu nda laasaabu ra. A go ka nga boŋ hã heri
kaŋ koyra borey ga ne hala nga ne Kattuuma ɲa no nga ga ba gorkasinay se,
bora kaŋ nga nd’ey kulu windi fo. A ga kurɲo bay hala manti moso. Ya-din mo
no Kattuuma ɲa ga wando bay. Amma hero kaŋ go ka a taabendi ka ti kaŋ
Kattuuma ɲa ga zeen’a jiiri hinka wala ihinza cine. Mate no alboro ga te ka
wayboro kaŋ nga nd’a kulu jiiri fo hiiji, soko fa wayboro kaŋ ga zeen’a.
Suuru nda izo faakaara te hebu hinza, a mana tu a se. Han fo bine, Bana na
nga baaba gar huwo, cirkosay waate. A ne a se:
– Ay baaba, ay ka iri ma senno kaŋ iri sintin din kokay. Mate no?
– Ay izo, ay si ba ni ga gaaru-gaaru ay se. Ni ma te heri kaŋ ga ni gune.
– Ay baaba, ay si miiri ne-wo da manti ni ci ay se wo kaŋ go ni do.
– Sanda mate?
– Ay ga ba ay ma bay hala ni yadda wala ni mana yadda wo kaŋ ay ne.
Suuru na nga boŋo singi, a na nga kabe hinkaa ka a di. A ne nga boŋ se kaŋ
wallaahi Bana barmay, kaŋ ga naŋ zanka ma ka ka kay ka salaŋ nga baaba se
sanda de a wadde. A si hin ka kaati a ga, zama a ga baar’a kala a si bay mate
kaŋ nga ga te. A na bino nan ya-din da, ka ne a se:
– Ay izo, ay di kaŋ ni tun de ni ma ay daŋ heri kaŋ ay si ba ay ma te ra. Wo
kaŋ ay ga ne ni se ka ti da gorkasina wo mana te mate kaŋ ay ga baar’a kulu ni
ga di ay taali. Heri folloŋ se no ay yadda ay ma a te, kaŋ ti kaŋ ni ne ni ga ba
kayne. Ay ga ŋaaray Irke ga a ma ni no kayne gorkasina wo fonda ra.
– Ya-din ga, ay baaba, ni yadda? Ni ga te wo kaŋ ay na ni hã wala? Ay ma
koy ka senno har Kattuuma ɲa se?
– Kay jina, ay izo! Ay yadda, amma wo kaŋ cindi manti zanka senni no. Naŋ
ay no ga wo kaŋ cindi te, zama albeeri senni no. Naŋ hala ay ma koy di
allbeerey ka har i se. Ni ma si har boro kulu se jina.
– 158 –
. . . texte songhay
même … Je ne sais pas si tu vas accepter de le faire, car je ne suis pas sûre que
cela te plaise.
– Bana, ma fille aimée, il n’y a rien dont je suis capable que je puisse te
refuser. Même si tu me demandes de m’ôter la vie, je le ferai si cela te fait
plaisir.
– Papa, je ne suis pas sûre que tu puisses accepter de faire ce que je souhaite
que tu fasses. J’ai appris que tu avais décidé il y a très longtemps de ne jamais
faire cela, et ce jusqu’à la fin de ta vie.
– Va droit au but ma chère Bana. Dis-moi ce que tu veux de moi.
– Ce que je veux….eh…un petit frère ou une petite sœur. C’est tout ! Si
possible, je voudrais que tu reviennes sur ta parole. Tu parles toujours de
reconnaissance, moi je pense que tu as été suffisamment reconnaissant envers
les autres (maman et ses parents). La preuve, cela fait des années après la mort
de maman que tu es sans épouse !
– Ma fille, tu viens de me demander quelque chose de très difficile. Tu sais
bien que cela fait des années que bien des personnes m’ont demandé de me
remarier : j’ai refusé en dépit de leur pression. Comment oses-tu à ton tour me
demander de me remarier ! Tu connais bien l’une des raisons pour lesquelles je
refuse de me remarier. D’autre part, tu penses que si je me remarie, ma
nouvelle épouse va t’accepter, elle va t’aimer comme il faut, comme si tu étais
sa propre fille ?
– Papa, la personne que je voudrais que tu épouses ne peut pas ne pas
m’aimer ! Et comme je l’ai dit déjà, je souhaite vivement avoir un petit-frère ou
une petite sœur.
– Si j’ai bien compris Bana, tu as même choisi la personne que je dois épouser
bien avant de me parler de cette affaire ? A qui as-tu pensé ?
– Qui d’autre que ‘ma mère’ qui habite la même concession que nous ? Je
veux parler de la mère de Kattouma.
– Non, ma fille Bana! Cela n’est pas possible! Je peux certes accepter de me
remarier, mais quant au choix de la personne avec qui je vais me marier, ce ne
sera pas à toi d’en décider. Le jour où je rencontrerai la personne de mon
choix, alors j’accèderai à ta requête. Sors de la maison et vas vaquer à tes
occupations.
– 159 –
Bana
Bana yadda, a zuru ka fatta huwo ra. A ka ka sabanda Kattuuma ɲa mo go
taray ka a batu. Za a diy’a no bino kaanu: mate kaŋ Bana go ka farhã nda din,
boro kulu no ga bay kaŋ a du wo kaŋ a go ka ceeci. A ka ka goro Kattuuma ɲa
jare ga, ka ciinay a se. A ne a se a ma si naŋ boro kulu ma bay, nga baaba
yadda amma a ne kala nda nga di nga wane albeerey.
Jirbi yoŋ bisa, Bana nda nga baaba senno banda, Suuru nda Kattuuma ɲa
gorkasina te. Albeeri hinka hiijay sinda dorendi fo: i na koyra albeerey marga,
alfagey ta alfaatiya, i na hiija haw. Kattuuma ɲa na nga jiney sambu ka ye
Suuru huwo ra, a zankey nda Bana mo goro hu fa ra.
Waato kaŋ Bana baaba mana Kattuuma ɲa gorkasinay, a wane ize-wayey no
ga a huwo goyey kulu te a se. Amma za kaŋ hiija te, barmayyoŋ hure goyey ce-
dirawo ra: goyey baayoŋo kulu Bana no ga i te. Nga no ga hayno kaŋ i ga te
doonu duru, nga no ga ma kaŋ i ga te hawru safa, a ma a dasa. Ya-din, ya-din
kala konda wane ize-wayey hun goy kulu teeyoŋ.
Heri kaŋ na wo-din te mo ka ti kaŋ Bana ma gorkasina din teeyoŋo kaani kala
goy kulu kaŋ i ne a ma te, a si nga boŋ hã hala nga hinne no hima ka a te, wala
nga nda caley goy no. Za mo bo no a ga tun ka sintin goy, kala almaariŋ a go a
ga. Da heri fo muraadu no Kattuuma ɲa te kulu Bana de no a ga ce ka donto.
Suuru nda Kattuuma ɲa hiija jiiri fo banda, i mana du hayyoŋ. Alhaali ga mo,
waybora si yaari. Bana kaŋ ne nga baabo ma a hiiji nga ma du ka du kayne
sintin ka nga boŋ hã hala manti waybora si hay no koyne. A sintin ka koyra
– 160 –
. . . texte songhay
Bana sortit et se remit à piler : elle avait du riz paddy à décortiquer. Elle
trouva ses camarades en train de piler : elles étaient sur le point de finir. Aussi,
si elles ne l’avaient pas aidée, ce soir-là elle allait finir tardivement la
préparation du repas.
La discussion que Bana a eu ce jour-là d’avec son père a bien énervé ce dernier :
des jours durant, il ne souhaitait pas l’avoir en face. Il ne souhaitait pas se
retrouver seul avec elle dans la maison. Il ne l’appelait même plus pour l’envoyer
lui faire une commission. Bana avait bien compris tout cela : elle l’évitait autant
qu’elle le peut. Elle sait que son père a accepté de faire ce qu’elle lui a demandé,
mais elle sait aussi que son père n’est pas d’accord avec son choix.
Des jours passèrent. Et chaque fois qu’ils se rencontraient dans la maison,
Bana s’attend à ce que son père lui dise : ma fille, je suis d’accord pour faire ce
que tu m’as demandé. Elle ne savait pas que son père était en train de réfléchir
aux implications de la décision qu’il doit prendre. Que penseront les gens du
village lorsqu’il leur annoncera qu’il a décidé d’épouser la mère de Kattouma,
cette femme avec qui il partage depuis des années la même concession ? Il
connaissait bien le défunt mari de cette femme. La mère de Kattouma
connaissait elle aussi sa défunte épouse. Mais la chose qui le préoccupe le plus
reste l’écart d’âge entre lui et cette femme plus âgée que lui de deux ou trois
ans. Comment un homme peut-il décider de prendre pour épouse une femme
de même âge que lui ? Qu’en est-il lorsque cette femme est plus âgée que lui ?
Deux semaines après leur discussion, Sourou n’avait pas encore répondu à la
question de sa fille. Un jour, alors que son père était dans la chambre, Bana y
entra. Elle lui dit :
– Père, je suis venue pour que nous terminions la conversation que nous
avions engagée. Que dis-tu ?
– Ma fille, je ne veux pas que tu me déranges. Occupes-toi de ce qui te
regarde.
– Père, je ne bougerai pas d’ici si tu ne me dis pas ce que tu as décidé.
– Comme quoi ?
– Je veux savoir si tu es d’accord ou pas avec ma proposition.
Sourou baissa la tête ; il se prit la tête dans les deux mains. Il se dit alors que
sa fille a beaucoup changé : comment sa fille peut-elle s’adresser à lui comme
s’il était son égal ? Il ne peut la gronder, vu l’amour qu’il a pour elle. Il ne sait
pas non plus quoi lui dire. Il se décida finalement à lui parler en ces termes :
– 161 –
Bana
albeeri fo yoŋ hã jiiri marje kaŋ no go waybora se. A bayra ra, da wayboro to
jiiri waytaaci alhaali, ifo yoŋ si ye ka du hayyoŋ.
Bana bino sintin ka hasara. A si bay mate kaŋ no nga ga te. Wo kaŋ hẽẽno
baabo te no ga ba ka te. Suuru na Kattuuma ɲa gorkasinay ka miile nga ma du
nga izo se kayne, amma hala ka ka sohoŋ heri kulu mana te. Kaado senni ra no
i ga ne, hero kaŋ se boro na ni ɲa neere, da boro mana duw’a, mursay beeri te
boro se. Bana mana du kayno kaŋ se a ne nga baaba ma gorkasinay, a go mo
sohoŋ nga hinne no ga huwo goyey kulu te. Waybora wane ize-way hinkaa si
heri kulu te kala keniyoŋ, kala jirbi. May do no a ga koy ka hẽ; manti baabo
ya!
Jiiri hinka ne kaŋ Suuru nda Kattuuma ɲa gorkasina te amma wo kaŋ naŋ
Bana baaba hiij’a mana te; a si ka di a wane alhaali mo. Bana kaŋ naŋ hiija te
mo, zaari kulu kaŋ bisa, a go ka taabi de ka tonton no: a to noŋ kaŋ hu goyey
kulu nga hinne no go ka i te. Baabo go ka di heri kaŋ go ka te amma a mana
bay ka salaŋ.
Susubay kulu, da a biya ka tun, a ga nga goy-jiney sambu ka koy nd’ey hiyo
do. Da a koy genjo ra, kala alaasar baano da a ye ka ka. Da baayoŋ, ba hala a
ga ye ka ka hu, a ga koy tam ka du heri kaŋ i ga te hoy.
Han fo bine, Bana baaba du kayrow beeri fo tamo do. Alaasar waate a ka hu;
a zigi nda jiney jarey, a dira ka hamiisaa naŋ hiyo ra. Kaŋ a ka hu, a ne wando
se a ma ne zankey ma koy hamiisaa din sambu.
– 162 –
. . . texte songhay
– Ma fille, j’ai compris que tu es décidée à m’obliger à faire quelque chose que
je ne souhaitais pas faire. Mais je dois te dire que si ce mariage ne réussit pas,
je t’en voudrais. Je ne l’accepte que pour une seule chose, notamment ton
souhait d’avoir un petit-frère ou une petite sœur. Je prie le Bon Dieu pour qu’il
te donne un frère ou une sœur dans le cadre de ce mariage.
– Père ! Tu as accepté donc ! Tu feras donc ce que je t’ai demandé ? Je peux
donc en informer la mère de Kattouma.
– Arrête ma fille! C’est vrai que j’ai accepté de faire ce que tu m’as demandé,
mais ce qui reste n’est pas de ton ressort. C’est à moi de faire le reste car c’est
une affaire des grandes personnes. Laisse-moi en informer les grandes
personnes. Tu n’en parles à personne avant.
Bana accepta ce que son père venait de lui dire et sortit de la maison toute
heureuse. Elle s’en alla retrouver la mère de Kattouma pour lui en annoncer
dans la plus grande discrétion l’information que cette dernière attendait depuis
belle lurette. Elle lui conseilla de n’en parler à personne, le temps que son père
voit les anciens.
Quelques jours plus tard, on célébra le mariage du père de Bana et de la mère
de Kattouma. En général, le mariage de deux personnes âgées ne donne pas
lieu à de grandes réjouissances : quelques personnes âgées se réunissent et l’on
demande à un marabout de faire la fatiah. La mère de Kattouma prit ses
affaires et s’installa dans la maison de Sourou. Ses deux filles et Bana occupent
quant à elle sa maison.
Bien avant son mariage d’avec le père de Bana, c’était aux filles de la mère
Kattouma de faire ses travaux ménagers. Mais depuis qu’elle est devenue
l’épouse de Bana, les choses changèrent : la plupart des travaux domestiques
étaient à la charge de Bana seule. C’est elle qui travaillait le mil nécessaire à la
préparation de la boule de mil ; il en est ainsi du riz qu’elle doit piler une
première fois pour en enlever la balle avant de le piler à nouveau pour qu’il
soit prêt pour être mis dans la marmite. Aussi, et avec le temps, les deux filles
de sa belle-mère n’avaient plus rien à faire.
Bana était tellement contente du fait que son père se soit remarié qu’elle était
prête à faire tous les travaux domestiques, qu’on le lui ait demandé ou pas. Elle
ne demande même pas si c’est avec ses camarades qu’elle doit le faire. Du lever
du soleil au coucher, elle ne faisait que travailler, sans un seul instant de repos.
Dès que la mère de Kattouma a besoin de quelque chose, elle fait aussitôt appel
à Bana.
– 163 –
Bana
Kaŋ Kattuuma ɲa fatta binde, a na zanka hinzaa kulu gar taray: ize-way
hinkaa nda Bana. A ka gar Bana wo go ka goy. A ne a se a ma goyo din naŋ ka
koy kate hamiisaa kaŋ go hiyo ra. Bana na taasa beeri fo sambu ka do haro me.
A ka ka sabanda kayrow beeri no baabo tam ka du. A hure hiyo ra, nga ma
kayra din sambu, kala a ma senni. A miile ba boro fo no go nga banda kaŋ go
ka salaŋ nga se. A ma i ne:
– Si ay sambu, ay naŋ! Da ni na ay ye haro ra kulu ni ga ma kaani!
A zogo beene nda ganda, a mana di boro kulu. A na kabe daŋ ka ne nga ma
hamiisaa sambu, kala a ma senni zeena koyne. A kay siw! Mate? Hamiisa no ga
salaŋ? A si hin de ka te ! Sorro hinzanta kaŋ a ne nga ga hamiisaa sambu, a di
kaŋ a ga tiŋ hala manti moso. A faham kaŋ hamiisaa de no go ka salaŋ nga se.
A ne nga boŋ se cimi no wo kaŋ borey ga ci, kaŋ ti heri go hari ra kaŋ manti
kaaray nda baŋa.
Isaa cowo borey annaamey ra, i ga ne kaŋ heri kaŋ go isaa cire ga ba nda wo
kaŋ go labo boŋ. I ga ne kaŋ koyre yoŋ bumbo no go haro cire. Da zankey koy
hooray haro ra, i ga ne i se i ma ngey boŋ lakkal zama mate kaŋ heri henno go
haro nda, ya-din mo no heri laalo mo go no. Nongu yoŋ go no kaŋ, waato kaŋ
alsilaamataray mana ka, i ga ba alman yoŋ wi ka sarga jiiri kulu, heri kaŋ ga
naŋ koyra borey ma wa nda haro wane heri futey. Ya-din mo no, i ga sargay
yoŋ te, ngey ma du ka du haro wane albarkaa.
Kaŋ Bana na hamiisaa sambu nga ma du ka a daŋ haro ra, hamiisaa ye ka ne
a se a ma batu alzumay hane, waati kaŋ cine borey koy zumma do, de a ma ka
ne-wo, ne kaŋ hiyo go. Wo-din banda, da a zigi, da i na a hã hamiisaa, a ma ne
kaŋ nga mana a gar hiyo. Hamiisaa ne da a yadda nga senney wey kulu ga,
kulu a ma nga sambu ka ye haro.
Bana binde na nga bino nan, a na kayra sambu ka te sanda nga ga a leele haro
ra, de a na kabe ka a ga: kayra koy. Bana na nga fonda sambu ka ka hu.
Kaŋ a ka hu, konda na hã hamiisaa kaŋ a ne a ma koy sambu. A ne:
– Ay mana ham kulu gar hiyo ra. Salla boro fo ka diy’a ka a sambu ba hala ay
ga to haro me.
Bana baaba kaŋ go huwo ra go ka ma heri kaŋ i go ka ne; a fatta ka ka. A ne:
– Ni ne ni mana hamiisaa gar hiyo ra? Wala manti ya-din no ay go ka ma?
– Ay baaba, ay mana heri kulu gar hiyo ra.
– 164 –
. . . texte songhay
Un an après leur mariage, Sourou et Laabata n’ont pas encore eu d’enfant. On
peut aisément constater aussi que cette femme n’est pas encore enceinte. Bana
qui avait souhaité que ce mariage ait lieu dans le but ultime d’avoir un frère ou
une sœur commence à se demander si la mère de Kattouma n’a déjà pas atteint
la ménopause. Elle commença à demander à certaines personnes l’âge à
laquelle une femme arrête de faire des enfants. A sa connaissance, certaines
femmes arrêtent de faire des enfants dès qu’elles ont quarante ans ou plus.
Bana commença à se sentir mal. Elle ne sait plus quoi faire, que dire. La
crainte qui animait son père lorsqu’elle lui avait demandé ce mariage
commence à prendre forme. Il pensait qu’en épousant la mère de Kattouma, il
allait satisfaire sa fille. Mais jusqu’ici rien de tout cela ne se dessine. Comme on
dit bien en pays kaado, ‘si l’on n’obtient pas la chose pour laquelle l’on a décidé de
vendre sa mère, l’on a certainement fait une très grosse perte’. Bana n’a pas encore
eu de frère ou sœur ; de plus, elle est seule à faire tous les travaux ménagers.
Les deux filles de Laabata ne font rien : elles passent leur temps à dormir.
Auprès de qui Bana peut-elle aller se plaindre ? Certainement pas son père !
Deux ans après le mariage de Sourou et de la mère de Kattouma, Bana n’a
toujours pas eu gain de cause. Leur vie de couple n’est pas des meilleures : rien
ne marche. Bana qui est à l’origine du mariage ne fait que souffrir de jour en
jour. Elle est la seule à faire tous les travaux de la maison. Son père voyait tout
cela, mais il ne pouvait pas dire un mot.
Chaque matin, il prend ses affaires qu’il met dans la pirogue ; il passe sa
journée au champ : il n’en revient qu’à l’approche de la prière de alaasar. Il
arrive qu’il aille pêcher avant de rentrer à la maison afin d’avoir le poisson
nécessaire à la préparation du repas du soir.
Un jour, le père de Bana ramena de la pêche un poisson capitaine. Il était
rentré aux environs de seize heures (à l’heure de la prière de alaasar). Il rentra
à la maison avec une partie de ses affaires. Il avait laissé le poisson dans la
pirogue. Arrivé à la maison, il informa son épouse Laabata du fait qu’il a laissé
un poisson dans la pirogue : il faudrait qu’elle envoie les enfants le chercher.
Lorsque la mère de Kattouma sortit de la maison, elle trouva les trois filles
dehors. Bana était en train de travailler, pendant que les deux filles de Laabata
étaient assises à ne rien faire. Elle ordonna à Bana de laisser tomber ce qu’elle
faisait pour aller chercher le poisson. Bana prit alors une cuvette et s’en alla au
bord du fleuve.
– 165 –
Bana
– Manti ya hamiisaa din cine no boro fo ga gar hi waani ra ka sambu! A si hin
ka te boro fo ma kayra din cine gar hi ra ka sambu. Ni bay mo kaŋ no-din no
ay doona ka hamiisaey naŋ.
– Ay baaba, kaŋ ay koy hiyo do, ay mana hamiisa kulu gar a ra. Ni ga bay kaŋ
zanka fo yoŋ go no kaŋ kabey ga kursu. Heri kulu kaŋ i di, i si bisa a ga.
– To! Sohoŋ kay iri ma naŋ senno, zama hamiisaa din manti boro kulu no ga
diy’a ka bisa a ga. Sobay ka koy ka hure ni muraadey ra.
Bana na taasaa jisi, a ka ka hinjo sambu ka ma kaŋ a dira ka naŋ humburo ra
safa. Ba kaŋ i na a donto, Kattuuma yoŋ mana lamba a jiney ga, soko fa i ma
ma safa. Za Bana baaba na i ɲa gorkasinay no Kattuuma nda nga beere na ngey
boŋ ka goy. Hatta bi filow no i ga bokoti sambu ka do haro me ka hari guru.
Wo-din kulu si ka doru Bana ga to kaŋ waybora kaŋ naŋ a na nga baaba ka
nga senno boŋ mo ka ka konn’a hala manti moso. Bana na nga boŋ hã heri kaŋ
se no waybora kaŋ waati din a ga ba nga gumo, a ga konno nga sanda boro kaŋ
na boro wi boro se. Da Kattuuma ɲa ga salaŋ Bana se, boro ga miile ba hala a
ga ba ka a kar no. A ga seri a ga, a ga kaati a ga. Bana baaba bayray ra mo no
wo-ne kulu go ka te; amma albora si ne heri kulu. Boro ga miile ba i na a miyo
haw no.
Bana sintin ka ne nga boŋ se kaŋ cimi no senno kaŋ kaadey ga ci, kaŋ i ga ne
beriyo kaŋ boro ŋaayendi de no ga ceeci nga ma boro zeeri ka wi. Wala mo iri
ma ne bora kaŋ se boro na gomni beeri te de no ga bare ka te boro se iberi.
Amma da boro laasaabu a boori, boro ga faham heri kaŋ se Kattuuma ɲa si ba
Bana ka daŋ ba safaray ra: kocciya ga boori nda a wane izey kulu, a te ga-kuri
nd’ey, a te sorho nd’ey. Ciini kulu mo, arwasu kulu kaŋ ka i windo ra, a sinda
sikka kaŋ Bana de no a ka ka hã. I boro hinzaa mo kulu no to hiijay zama
kawye ya, ize-way kaŋ bisa jiiri way cindi iddu cine, boro fo yoŋ ga miile kaŋ a
ba je.
Arwasey kaŋ ga ka baayoŋo sintin ka baabo hamburendi. Da boro gonda ize-
way henno, boro kulu dumi-dumi no ga ka ka boro hiire baani. Bana booro nda
a ga-kuro na a to noŋ kaŋ koyre waaney ra no arwasey ga hun: arwasu yoŋ ka
ka hun koyre yoŋ kaŋ go Gala se kilo way cindi gu cine, i ma ne maayo de no
ngey ma ka ka. Da ize-way te baakow bobow, a hayrey hima ka hamburu,
zama a hiijay ga gaabu.
– 166 –
. . . texte songhay
Elle trouva dans la pirogue de son père un gros poisson capitaine. Elle entra
dans la pirogue pour se saisir du poisson. C’est alors qu’elle entendit une voix,
comme si quelqu’un lui parlait. Elle pensait qu’il y avait quelqu’un derrière
elle, en train de lui parler. Elle entendit dire :
– Ne me prends pas ! Laisse-moi. Si tu me remets à l’eau, tu auras une belle
surprise plus tard.
Stupéfaite, elle regardait à gauche et à droite, mais elle ne vit personne. Elle
essaya à nouveau de prendre le poisson et entendit à nouveau les mêmes
paroles. Elle s’arrêta net ! Elle se dit alors :
– Quoi ? Un poisson qui parle ! Cela n’est pas possible !
Pour la troisième fois elle essaya de prendre le poisson, elle se rendit compte
qu’il est très lourd. Elle comprit aussi que c’est bel et bien le poisson qui
parlait. Elle se dit alors que ce que l’on raconte est bien vrai : il y a bien des
choses dans les eaux profondes, des choses différentes de l’hippopotame et du
caïman.
Selon les croyances des peuples qui vivent au bord du fleuve, il existe bien
plus de choses sous l’eau que sur terre. L’on dit qu’il existe même des villages
sous l’eau. Et souvent lorsque les enfants jouent dans l’eau, on leur demande de
faire attention, en particulier lorsqu’ils vont dans les profondeurs des eaux, car
il existe aussi des choses qui peuvent leur faire du mal. Il est des endroits où,
bien avant l’arrivée de l’islam, l’on sacrifiait des animaux afin que les habitants
du village soient protégés contre les mauvaises choses qui vivent dans l’eau.
L’on faisait des sacrifices pour que les populations puissent aussi avoir
beaucoup de poissons.
Lorsque Bana prit le poisson afin de le remettre à l’eau, ce dernier lui dit de
revenir au même lieu un vendredi à l’heure où les gens vont pour la prière de
vendredi. Par ailleurs, lorsqu’elle rentrera à la maison et qu’on lui demande le
poisson, il faudrait qu’elle dise ne l’avoir pas trouvé dans la pirogue. Le poisson
dit enfin :
– Si tu acceptes de faire tout ce que je viens de dire, tu seras bien
récompensée.
Le cœur serré, Bana prit le poisson et fit comme si elle voulait le laver ; après
quoi elle le relâcha dans l’eau. Le poisson disparut sous l’eau et Bana reprit le
chemin de la maison.
– 167 –
Bana
Kawye gonda alaada fo kaŋ ti hondi si hin ka me ka ka ne arwasu se nga si
baar’a. Kala de cermay ra, a ma heri fo yoŋ te kaŋ ga naŋ arwaso ma bay kaŋ a
sinda nga muraadu.
Bana gonda jiiri waranka cine, a waddey baayoŋo kulu sintin ka hiiji, amma
nga wo i mana kande a se ba ce-gaayi. Hero ga maamaacendi zama boori go,
ga-kuri go, lakkal binde do hare a sinda wadde. Koyra albeerey kulu no ga a
sifa nda wo-din. Albeeri kulu kaŋ a di jarow go a se no a ga ta a se. Wo-din
banda, saafuney nda jiyey kaŋ arwasey go ka kate a se, baakasina fonda ra,
ikulu no a ga zaban windo albeerey se. Ya-din no hondi hima a ma te, i koyra
ra.
Wo kaŋ se no a mana du boro kaŋ ga kande a se suuji ka ti, arwasu kulu kaŋ
ne nga baar’a, da arwoso koy ka ci nga hayrey se kulu i ga ne a se hala a gonda
hina kaŋ go kocci henna din hiiji: ifo de, a suuji nooro ga ba, ya-din mo no a
gaayi yoŋ si faala. Da wayboro ga boori mata kaŋ cine Bana ga boori nda din,
kala boro ma soola. Waati kulu no boro ga di boro fo kaŋ ga cabe boro se kaŋ
nga ga baar’a ka bisa boro.
Suuru kaŋ ti Bana baaba sintin ka hamburu arwasey ma si koy ka nga izo
safar. Zama arwasu yoŋ go no kaŋ da i ma bora ma, i si ka a ga kabe koonu.
Suuru sintin ka koy alfagey do ka ŋaaray Irke ma nga izo hallesi. A si bay kaŋ
da Irke ban ka yadda boro se, taka-heri kulu no si hin heri fo ka hasara boro se.
Kaŋ alzuma to, Bana batu hala zaariŋo kay, waati kaŋ cine borey ga koy
zumma. A fatta, a mana har boro kulu se noŋ kaŋ nga go ka koy. A do haro me.
A ka ka sabanda nga baaba hiyo ra jinay yoŋ kaŋ go ka haw zaara kaŋ ga ɲaala
gal-gal ra. A hure hiyo ra, a gungum ka ne nga ma zaara hawanta sambu. Hala
ba kabo ga tuku jiney din ga kulu a ma jinde fo. A ne a se:
– Bana, ni se no ay kande jiney wey. Ikulu ni wane yoŋ no. Ni ga di taami cale
hinka i ra. Da ni koy hu, ni ma si yadda boro kulu ma di ni jiney wey. Ni ma
batu hala ciino ma hure, waati kaŋ cine i na saafo jingar, ni ma koy jingara
bande ka taami cale fa jindow a ma kaŋ jingara windo ra. Da ni na wo-din te
kulu ni ma si ye war do. Ni ma koy keni koyra ra ka batu hala suba. Ni ga di
heri kaŋ ga te.
Kaŋ Bana zigi, a bisa ka koy ɲa kayna din kaŋ na gaayi yoŋ do. A ne i ma nga
jiney wey jisi nga se hala nga ga koy dontay fo te ka ye ka ka. A ne boro kulu
ma si i feri. Wo-din banda no a ye ka ka hu. A batu hala i na saafo jingar, a koy
ka taami cale fa jindow jingara windo ra.
– 168 –
. . . texte songhay
Lorsqu’elle arriva à la maison, sa marâtre ne voyant pas le poisson qu’elle est
sensée ramener lui demanda ce qui s’est passé. Bana dit alors :
– Je n’ai trouvé aucun poisson dans la pirogue de papa. Peut être que
quelqu’un l’a pris avant que je n’arrive.
Le père de Bana qui était à l’intérieur de la maison sortit pour dire à Bana :
– Tu dis n’avoir pas trouvé de poisson ? N’est-ce pas ce que je viens de
t’entendre dire ?
– Papa, je n’ai rien trouvé dans la pirogue.
– Ce n’est quand même pas un poisson de cette taille que quelqu’un peut
trouver dans la pirogue d’autrui et le prendre comme s’il lui appartenait ! Il
n’est pas possible que quelqu'un vole un poisson capitaine de cette taille ! Tu
sais bien que c’est à cette même place que j’ai l’habitude de laisser les
poissons ! Ajouta le père de Bana.
– Père, je n’ai trouvé aucun poisson dans la pirogue. Tu sais bien qu’il existe
maintenant beaucoup de jeunes qui prennent facilement ce qui ne leur
appartient pas.
– Bon ! Laissons tomber cette histoire de poisson. Je pense aussi que ce n’est
pas n’importe quelle personne qui peut voir ce genre de poisson et ne pas le
prendre, même s’il ne lui appartient pas.
Bana déposa alors la cuvette qu’elle avait en main et reprit le pilon pour
continuer à décortiquer le riz qu’elle avait laissé dans le mortier. Bien qu’elle
ait été envoyée faire une commission, Kattouma et sa sœur n’ont pas touché à
ses affaires ; elles n’ont donc pas touché au riz qui était dans le mortier. Depuis
que le père de Bana a épousé leur mère, Kattouma et sa sœur ont arrêté de
travailler. De rares fois, elle et sa sœur prennent un sceau d’eau pour se rendre
au bord du fleuve puiser de l'eau ou laver leurs linges.
De tout cela, ce qui faisait le plus mal à Bana reste le fait que la femme que
son père ne voulait pas épouser a beaucoup changé à son égard. Bana
commença à se demander pourquoi Laabata qui était très gentille avec elle
avant son mariage d’avec son père a complètement changé : Laabata la déteste
comme pas possible, comme si Bana avait tué un membre de sa famille.
Souvent lorsque Laabata s’adresse à elle, on aurait dit qu’elle allait la rouer de
coups : elle n’arrêtait pas de la menacer. Tout cela se faisait au vu et su de son
père. Pourtant il ne disait rien ; on aurait dit qu’on lui aurait jeté un sort.
– 169 –
Bana
Ba hala a ga dira hu, a ne nga baaba se kaŋ nga si keni kala ɲa kayna din yoŋ
do. A ne kaŋ nga ga koy faakaaray i se, zama nga gay ka fay’ey.
Taamo jindowyoŋo banda, a ye ka ka nga ɲa kayna yoŋ do. Nga nda zankey
hanna ka faakaaray kala ciino bi, i koy keni. Han din ciino, Bana mongo ka
jirbi; a go ka batu heri kaŋ ga te taamo jindowyoŋo banda. Gomni no a ga ba
ka du wala mo heri laalo fo no ga ba ka duw’a? Da gomni no, fo no a ga hin ka
te? Hambagar, kayno kaŋ a mana du hala ka ka sohoŋ no Irke ga ba ka samba
a se. Wo-din ga kaanu a se hala manti moso. A ga bay kaŋ da Irke tun a ma
boro gomni, heri kulu no si a genji. Da a ga du, Irke ma te heri kaŋ ga naŋ a
ma du kayne.
Heri fo mo go no kaŋ ga kaanu a se gumo. A gonda jiiri waranka haraŋ: ya-
din ga, a to hiijay. Cimi no a gonda baakow bobow, amma a si bay mate nga ga
te ka suuban. A ga ŋaaray Irke ga, a ma suuban nga se ihenno.
Bana hanna ka miile, kala alfazar a mongo ka jirbi. A sintin ka dusungu kayna
kala a ga ma laadano na jinde daŋ: susuba jingaro caayoŋo no go ka te. Ya-din
ga, a si keni koyne zama a hima ka tun ka jingar.
Kaŋ laadano ka ka ca, a hure jingara windo ra, a dira kala a ka ka to nongo kaŋ
a ga kay ka ca. A na nga jindo faaru kayna, a sintin ka ca: Allaahu akbar,
Allaahu akbar. Hala a ga zumendi kulu a di kuba ra heri fo kaŋ ga ɲaala gal-gal.
– 170 –
. . . texte songhay
Bana commença à croire à l’adage de chez elle qui dit bien que 'c’est le cheval
que l’on a bien nourri qui tentera un jour de nous tuer'. Ou si l’on préfère, on
peut tout aussi dire que la personne à qui vous faites du bien peut bien vous
faire du mal.
Mais si l’on réfléchit un peu, l’on peut aisément comprendre pourquoi la mère
de Kattouma déteste tant Bana : non seulement elle est plus belle que ses deux
filles, mais en plus elle est plus charismatique. Bien plus, tous les jeunes
garçons qui chaque soir viennent dans la famille ne se déplacent que pour
Bana, mais jamais pour l’une ou l’autre des deux filles de Laabata. Pourtant
elles sont toutes en âge de se marier car dans ce village l’âge du mariage pour
les jeunes filles à cette époque était de quinze ou seize ans.
Le nombre important des jeunes qui viennent chaque soir rendre visite à Bana
commença à donner des inquiétudes à son père. Lorsque l’on est le père d’une
belle fille et que l’on voit défiler chez soi un nombre important de garçons, l’on
ne peut être tranquille. La beauté et le charme de Bana sont tels que les
prétendants venaient même d’autres villages : certains venaient de villages se
trouvant à une dizaine de kilomètres de Gala. Ils disaient avoir entendu parler
d’elle. Lorsqu’une fille a beaucoup de prétendants, ses parents craignent qu’à la
fin du compte elle n’ait pas de candidat au mariage.
La coutume dans ce village est telle qu’une fille ne peut jamais dire
directement à un garçon qu’elle ne l’aime pas au risque de s’attirer les foudres
de ce dernier. Elle peut le faire au travers de quelques subtilités langagières ou
encore à travers certains gestes.
Bana aura bientôt vingt ans ; la plupart des filles de son âge sont déjà mariées.
Pour sa part, elle n’a même pas franchi la première étape car jusqu’ici aucun
garçon n’a manifesté son désir de l’épouser, comme cela se fait à Gala à travers
le dépôt du ce-gaayi. Cela était difficile à comprendre pour tous les habitants
de ce village tellement elle avait d’atouts : elle était belle, charmante mais
également respectueuse de tous. Cette dernière qualité lui était reconnue de
tous les habitants de ce village. Quelle que soit la personne âgée qu’elle
rencontrait avec une charge, elle le lui portait jusqu’à son domicile. Elle
distribuait tous les cadeaux que les garçons lui apportaient, notamment les
savons et les pommades qu’elle recevait de ses multiples visiteurs. C’est ce que
l’on attend d’une jeune fille dans ce village.
En fait les garçons qui venaient faire la cour à Bana et qui informaient leurs
parents de leur désir de la prendre pour épouse étaient très souvent dissuadés
par ces derniers : les parents disaient généralement à leur fils qu’ils n’ont pas
– 171 –
Bana
A si bay nga naŋ ga caayoŋo gaayi ka koy di heri kaŋ no, wala mo nga ma naŋ
hala nga ma ca ka ban. A na nga bino nan ya-din da ka ca ka ban. Amma, za a
ca ka ban no a zuru ka koy di heri kaŋ no ga ka ɲaala kuba ra. A ne nga boŋ
se:
– Naŋ ay ma ɲaala ka koy ka di heri kaŋ no, za borey mana ka. Hambara Irke
no hongu ay ga ka samba ay se heri kaŋ ga ay ka talkataray beero wo kaŋ ra ay
go.
Laadan zuru ka koy, kala a ka ka sabanda taamo kaŋ Bana jindow no. Taamo
ga ɲaala kala a ga moy goru. A na a sambu, a ga a gune ka koy, a ga a gune ka
ye. Taamo mo, taami sasawante no kaŋ si te alboro kaŋ gonda ce beeri se. Za a
na taamo sambu no a bay kaŋ a ga kayna nga se. A sintin ka taamo cale fa
gune. Guneyoŋo din ra no a go kaŋ alboro hinka fo salam ka hure jingara
windo ra. A ma i jindey, a na taami cale fa guneyoŋo naŋ zama a mana salaati
daŋ jina.
Kaŋ laadan mana bay borey din kaayoŋo ga se, a mana du ka ba taamo tugu.
A ba no nga ma a daŋ nga ziibaa ra. Boro hinkaa kaŋ hure din mo diy’a. A ne
nga ga mooru ka bisa i ga, boro fa ne a se:
– Laadan, fo no ni se wo kaŋ ga ɲaala sanda ura?
– 172 –
. . . texte songhay
les moyens de payer la dot d’une aussi belle créature. Non seulement la dot
doit être élevée mais en plus il faut plus de moyens pour l’entretenir. Pour une
femme aussi belle que Bana il faut bien sûr se préparer en conséquence, car
chaque jour que Dieu fait il y a de nouveaux prétendants.
Sourou, le père de Bana commença à avoir des inquiétudes : il a bien peur que
l’un de ces nombreux garçons qui viennent voir sa fille ne lui jette un mauvais
sort. Très souvent, les prétendants à la main d’une fille ne viennent pas les
mains vides. Sourou consulta à cet effet des marabouts pour des prières. Ce
qu’il ignore, c’est que sa fille fait partie des « élus » de Dieu.
Le vendredi, jour du rendez-vous, Bana attendit l’heure convenue d’avec le
poisson pour se rendre au bord du fleuve. Elle attendit que la plupart des gens
partent à la mosquée ; elle sortit alors de chez elle à l’insu de tout le monde et
se rendit au bord du fleuve. Elle trouva dans la pirogue de son père un paquet
mis dans un pagne qui brille comme de l’or. Elle entra dans la pirogue, se
courba pour essayer de se saisir du colis. Et avant qu’elle ne touche le paquet,
elle entendit une voix lui dire :
– Bana, c’est pour toi j’ai apporté ce paquet. Tout ce qui est dedans
t’appartient. Tu y trouveras une paire de chaussures. Une fois arrivée à la
maison, n’acceptes pas que quelqu’un d’autre sache ce que tu as avec toi. Tu
attendras la fin de la deuxième prière du soir (saafu) pour aller jeter l’une des
chaussures dans la cour de la mosquée. Après quoi tu ne dois pas rentrer chez
toi. Tu dois passer la nuit ailleurs que chez toi. Tu verras ce qui va t’arriver de
bien par la suite.
Bana quitta le poisson et s’en alla chez sa tante qui l’avait gardée quand elle
était toute petite. Elle confia son paquet et dit aller faire une course. Elle
demanda à ce que personne ne l’ouvre. Après quoi, elle rentra chez elle pour
attendre l’heure de la deuxième prière du soir. A l’heure convenue avec le
poisson, elle s’en alla faire que ce dernier lui avait dit de faire.
Auparavant, elle prit soin d’informer son père du fait qu’elle allait passer la
nuit chez sa tante qui l’avait gardée : cela faisait bien longtemps qu’elle n’est
pas allée lui rendre visite.
Après qu’elle ait jeté la chaussure dans la cour de la mosquée, elle alla chez la
tante. Elle passa une bonne partie de la nuit à jouer avec ses cousins avant
d’aller se coucher tard dans la nuit. Cette nuit-là, elle n’arriva pas à avoir le
sommeil : elle se demandait ce qui allait arriver après qu’elle eut jeté la
chaussure dans la cour de la mosquée. Doit-elle s’attendre à une bonne
– 173 –
Bana
– Manti heri kulu, taami cale de no kaŋ ay di a go ka furu jingara windo ra,
ay mo na a sambu, ay ga ba ay ma koy ka a furu.
– Iri ma di mate kaŋ a ga himanda. Ay wo mana bay ka di taami kaŋ ga
ɲaalayoŋo wo dumo te.
– Nga ne-ya.
I go faakaara din ga no kala boro taaci fo mo hure jingara windo ra. Sohoŋ ya
borey te ngey boro iyye. Alboro fo ne laadan se a ma koy ca, a ma koy salaati
daŋ za alwaato mana bisa. A ne da borey jingar ka ban, a ga di heri kaŋ no a
kumna. Laadan koy ka ca.
Waato kaŋ i jingar ka ban, a na taami cala sambu kala liiman do. A ne kaŋ
jingara ra no nga na a gar. Lalle mo a si hima taamey kaŋ dumo ngey doona ka
di. Liimam ne nga ga miile kaŋ taamo din ga hima i ma a gune a ma boori.
Manti yaamo se no ngey na a gar jingara windo ra.
A ka ka sabanda koyra Bonkoyno go jamaa ra. A ne i ma kande taami cala
nga ma di. I na daŋ kabo ra. Waato din cine, tara sintin ka henen. Boro ga di ga
boori. Borey sintin ka care hã taami kaŋ dumi no taamo wo, mate kaŋ a ga
ɲaala nda.
Da boro na a gune a boori, boro ga bay kaŋ a si te borey kaŋ go jingara ra ba
ifo se. Da a mana kayna bora se, kulu a ga kankam bora se. Bonkoyno ne to, i
ma naŋ hala tara ma henen ka boori, de i ma ne koyra borey se i ma care
marga nga windo me, i ma du ka bay boro kaŋ wane no taamo.
Kaŋ wayna koroŋ kayna, koyra dondonkaro na hara sambu ka fe koyre me a
me ra ka ne:
– He-e, alsilaamey, Bonkoyno ne i ma ne war se kaŋ aru ga way ga, zanka ga
albeeri ga, boro kulu kaŋ go Gala koyra ra honkuna zaari, bora ma salle ka ne
nga windo me, batama beero ra, nga gonda borey se senni beeri fo.
Hala a ga te kayna kulu jamaa marga Bonkoyno windo me: jamaa baayoŋo
kala boro ga miile ba hala jingar hane no. Ba kaŋ goy waate no, albeerey kaŋ
go jingara ra waato kaŋ i di taamo ba ifo mana koy genjo ra. Ba hala
dondonkaro ga hara kar ka fe, senno say koyra ra. Borey kaŋ na alfazaro jingar
jingara ra no na alhabaaro toonendi boro bobow do.
Bonkoyno ka ka goro nga konje beero ra, liimam go ka goro a jare ga. I kande
taamo ka jisi Bonkoyno jine, karga fo boŋ. Taami kaŋ ga ɲaala kubay ra kaŋ
adduha wayna din go ka kar, ɲaalayoŋo laala kala a ga moy goru. Taamo ga
– 174 –
. . . texte songhay
nouvelle ou plutôt à un malheur ? Dans le cas où il s’agirait d’une bonne
nouvelle, qu’est ce que cela pourrait être ? Peut-être qu’il s’agit du petit-frère
(ou de la petite-sœur) qu’elle souhaite avoir vivement. Elle est convaincue du
fait que si le bon Dieu décide de gratifier sa créature de quelque chose,
personne ne peut empêcher cela. Son vœu le plus cher reste bien entendu la
naissance de ce petit-frère ou de cette petite-sœur.
Une autre chose lui tient également à cœur. Elle a vingt ans cette année : elle
a donc atteint l’âge du mariage. Elle a certes beaucoup de prétendants, mais
elle ne sait pas lequel choisir. Elle souhaite de tout cœur que le bon Dieu guide
ses pas dans ce domaine aussi pour qu’elle fasse le bon choix.
Bana passa donc cette nuit à penser : jusqu’à l’aube, elle n’avait pas fermé
l’œil. Elle avait commencé à somnoler lorsque le muezzin commença à appeler
les fidèles à la prière. Elle ne peut donc s’endormir car il faut qu’elle fasse la
prière.
Cette nuit-là, lorsque le muezzin arriva pour appeler les fidèles à la prière, il
se mit à la place habituelle. Il se racla la gorge et dit : allaahou akbar, allaahou
akbar. Il aperçut alors un objet brillant dans l’obscurité. Il se demanda alors s’il
devait arrêter l’appel à la prière pour aller voir ce dont il s’agit ou bien s’il doit
continuer d’appeler à la prière. Il se résout à finir l’appel. Mais aussitôt l’appel
terminé, il courut voir de près ce qui brillait dans l’obscurité. Il se dit :
– Je dois faire vite pour voir ce dont il s’agit avant l’arrivée des fidèles. Peut-
être que Dieu a finalement pensé à moi, vu que je suis un pauvre type.
Laadan se précipita pour voir ce qu’il y avait dans le noir et découvrit la
chaussure que Bana avait jetée juste après la prière de saafo. La chaussure
brillait au point de faire mal aux yeux. Il la prit et se mit à la retourner dans
tous les sens. C’était une chaussure de taille moyenne, une chaussure qui ne
pouvait aller à un homme avec de grands pieds. Laadan avait d’ailleurs
remarqué qu’elle n’était pas à la taille de son pied. Il se mit alors à rechercher
la seconde chaussure. Et pendant qu’il cherchait la deuxième chaussure, deux
hommes firent leur entrée dans la cour de la mosquée après avoir dit la
formule d’usage lorsque l’on entre dans un lieu de prière. Laadan arrêta alors
sa recherche et se positionna pour appeler à nouveau les fidèles à la prière.
Surpris par l’arrivée de ces deux personnes, Laadan n’eut pas le temps de
cacher la chaussure. Il aurait souhaité la dissimuler dans l’une des poches de sa
jallabia. Malheureusement pour lui, les deux arrivants ont bien vu la
chaussure. Aussi lorsqu’il voulut passer discrètement, l’un d’eux lui dit :
– 175 –
Bana
boori kaŋ boro kulu ga ba i ma ne nga wane no. Amma ba i na a no boro se,
boro si hin ka a daŋ zama a sinda cale. Boro cindey sintin ka ne ura no i na a te
nd’a. Ya-din ga, ba boro si a daŋ, boro ga hin ka a soogo ka neere, neereyoŋ
kaŋ ra boro ga du nooru bobow. Boro yoŋ sintin ka di fondo kaŋ ra ngey moori
nda talkataray ga ban.
Waato kaŋ jamaa sintin ka ba, kaŋ de Bonkoyno di kaŋ nga koyra borey
baayoŋo kulu ka, i ne borey ma laaye kaŋ ga naŋ boro kulu ma taamo daŋ ka
di hala a ga te nga se. Borey laaye; i sintin ka taamo si ifo-fo. Boro fo yoŋ za i
ka ka kay no i ga ne i ma bisa zama alhaali ga i cowey beeri nda taamo.
Zankey kaŋ mana to jiiri way wo i na i baayoŋo kulu ye kambu ga, zama ngey
wo taamo beeri i se, ba diiyoŋ ga.
Za susuba guru yagga kaŋ jamaa marga Gala Bonkoyno windo miyo ga, i go
ka taamo koyo ceeci, kala sohoŋ ya wayna koroŋ: cirkosay waate no ga ba ka
to, i mana di taamo koyo. Boro kulu kaŋ na nga cowo manendi taamo ga no
heri fo ga a ton cowo ga. Bora cowo ga a kaaji kayna-kayna. Taamo sintin ka
borey hamburendi. Senno kar ka say koyra me a ma ra. Koyrey kaŋ ga Gala
windi borey sintin ka ka, zama alhabaaro to ngey mo do. Borey ma kaŋ dobo
nda maamaaci fo no go ka te Gala.
– 176 –
. . . texte songhay
– Laadan, qu’est-ce que tu as qui brille comme de l’or ?
– Ce n’est rien d’autre qu’une chaussure que j’ai trouvée dans la cour de la
mosquée et que j’ai ramassée afin de la jeter hors de notre lieu de prière.
– Fais-moi voir ! Moi, je n’ai jamais vu une chaussure qui brille comme celle-là!
– La voilà.
Pendant qu’ils discutaient, quatre autres personnes firent leur entrée dans la
cour de la mosquée. Ils se retrouvent maintenant à sept. L’un des fidèles
demande alors à Laadan d’appeler à la prière avant qu’il ne soit tard. Après la
prière, il a tout le temps de comprendre ce qu’il a découvert. Laadan s’exécuta.
Après la prière, Laadan remit la chaussure à Liimam. Il lui confia l’avoir
retrouvée dans la cour de la mosquée. Lui aussi s’étonna de la qualité de la
chaussure. Liimam dit alors que cette chaussure mérite que l’on y prête
attention car ce n’est pas par hasard qu’elle s’est retrouvée dans la cour de la
mosquée.
Tout cela s’est passé en présence du chef du village. Ce dernier demanda
qu’on lui remette la chaussure, ce qui fut fait immédiatement. Il commençait à
faire jour à ce moment. L’on pouvait donc bien voir la nature de la chaussure.
Les commentaires fusaient alors de toutes parts car la chaussure brillait
davantage à la lumière du jour.
En la regardant de très près, on peut facilement se rendre compte que cette
chaussure ne convient à aucune des personnes présentes dans la mosquée : elle
est soit très petite ou très étroite pour chacune de ces personnes. Le chef
ordonna alors de convier l’ensemble des habitants du village à sa cour de
manière à savoir à qui appartient la chaussure.
Au lever du jour, le crieur public prit son tambour d’aisselle et s’en alla
annoncer à tous les habitants du village que le chef souhaitait les voir à la
porte de sa demeure. Il livrait le message suivant :
– Héé, chers habitants de ce village, le chef vous convie à une grande
rencontre à son palais. Vous y êtes tous conviés, grands comme petits, hommes
comme femmes.
Quelques instants seulement après le message, la devanture de la cour du chef
de village était noire de monde : on aurait dit qu’il s’agissait d’un jour de fête.
Bien que ce soit la période des travaux champêtres, mêmes les adultes qui
étaient à la mosquée à l’heure où l’on a retrouvé la chaussure ne sont pas allés
– 177 –
Bana
Kaŋ zaariŋo kay, wayna sintin ka hottu, Gala Bonkoyno ne i ma alfagey ce
nga se, i ma taamo gune nga se a ma boori.
Alfagey na care marga, taamo go i gamo ra. Boro kaŋ gonda nga bayray
kayna kulu ma salaŋ: alfagey kulu laasaabo ka ti taamo boro fo se no i na a
samba. Taamo si te boro kulu mo se kala de bora din. Bora mo si kala de Gala
koyra ra. Alfagey ne mo kaŋ ngey ga tabbatendi kaŋ wayboro wane no,
wayboro kaŋ mana bay ka hiiji wane no.
Sohoŋ ke borey sintin ka care gune. I bay de kaŋ hondiyow fo de se no i na
taamo din samba. Amma may ti bora kaŋ se i na a samba? May ka a samba a
se?
Heri kaŋ go ka borey kulu maamaacendi ka ti taamo ɲaalayoŋo nda a takaro:
ba borey kaŋ doona ka koy labu waaney ra (sanda Gaana, Kodduwaaru,
Naajirya nda WKC) ne kaŋ ngey mana bay ka di taamo din dumo.
Aluula jingaro ka ka to, i mana di taamo se ke. Bonkoyno laasaabo ga, a koyra
borey kulu ka ka taamo si ifo-fo. A mana bay kaŋ Bana si jamaa din ra.
I ne to i ma laasaabu windi ka ka windi, ka di hala borey kulu ka wala i
mana ka. I go wo-din ra no boro fo ne nga mana di Suuru ize-wayo: Bana si
borey kaŋ yoŋ na taamo si ra.
A ka ka sabanda Bana go nga ɲa kayna koyre. A go ka hayni duru. A jiney kaŋ
a du haro me (taami cale fa nda bankaarey) kulu go huwo ra ka jisi noŋ kaŋ
boro kulu si diy’ey.
Senney kaŋ hero kaŋ kande jiney har a se ra, i ne a ma si koy jamaa ra da
manti i ka ka a ce no. A ma goro hala boro fo ma ka ka ne i go ka a hã. Waati
din a ma nga jiney kulu sambu ka koy nongo kaŋ borey marga. Wo-din banda,
a mana hima a ma ci boro kulu se heri kaŋ nga di haro me.
I ne Bonkoyno se kaŋ Bana mana ka ka taamo si: borey kulu ga bay kaŋ
hondiyow no, a mana bay ka hiiji. Bonkoyno ne to waasi, i ma koy ka a ce a
ma ka ka taamo daŋ.
Bora kaŋ i donto mana jin ka koy kala Bana baaba yoŋ do. A ka ka sabanda
Kattuuma ɲa yoŋ go faakaara ga. A wane ize-wayey kulu koy taamo siiyoŋo do,
amma a si te ba ifo se. Bora kaŋ Bonkoyno donto na i hã Bana, i ne a go ɲa
kayna yoŋ do. Albora zuru ka fatta windo ra ka koy nongo kaŋ i ne Bana go.
Kaŋ a hure windo ra, a ka gar Bana go ka goro karga kayna fo boŋ, boŋo go
kabe hinkaa ra. Za a na boŋ sambu ka albora gune no bino peti. A ne nga boŋ
se alwaato mana jaŋ ka to. Albora salam, i tu a se. A ne:
– 178 –
. . . texte songhay
aux champs ce jour-là. Car bien avant que le messager du chef ne convie les
habitants du village à cette rencontre, la nouvelle de la chaussure était connue
de beaucoup de villageois. Ceux qui étaient à la mosquée à l’heure de la prière
de susubay ont bien diffusé l’information.
Le chef du village était installé dans son fauteuil à la devanture de sa cour,
avec à ses côtés le grand liimam du village. L’on avait apporté la chaussure :
elle était placée devant le chef de village sur un petit escabeau, de manière à ce
que tout le monde puisse la voir. La chaussure qui était bien brillante à l’aube
ne pouvait que luire davantage à cette heure où le soleil est déjà bien haut
dans le ciel : elle brillait tellement que cela faisait mal aux yeux de celui qui la
regardait assez longuement. Elle était tellement jolie que chacun voulait que
l’on dise qu’elle lui appartient. Mais que faire alors de cette chaussure qui est
seule ? Dans tous les cas, on ne peut la porter. Certaines personnes
commencèrent à dire qu’elle était en or. Aussi, si l’on ne peut la porter, on peut
quand même envisager de la fondre pour la revendre, ce qui permettrait de
gagner beaucoup d’argent. Et beaucoup d’argent permettrait certainement de
ne plus faire partie de cette grande communauté des pauvres.
Après que le chef du village eut constaté que l’essentiel des habitants de son
village est réuni, il ordonna à ce que toutes les personnes présentes se mettent
en ligne de façon à ce que chacun puisse essayer la chaussure. Ce qui fut fait ;
chacun essaya alors la chaussure. Pour certains, dès qu’ils se présentent au
niveau de la chaussure, on leur demandait de passer car la forme de leur pied
indiquait bien que la chaussure était trop petite pour eux. Tous les enfants qui
avaient moins de dix ans ont été écartés du processus car leurs pieds étaient
trop petits pour la chaussure.
C’est aux environs de neuf heures que l’on avait commencé à rechercher le
propriétaire de la chaussure ; il va être bientôt midi et l’on a toujours pas
trouvé la personne. Bientôt, ce sera l’heure du repas de midi. Chaque fois
qu’une personne essayait la chaussure, elle sentait un petit picotement venir de
la chaussure. La personne avait par la suite des démangeaisons au niveau de
son pied qu’elle a mis dans la chaussure. Les gens commencent alors à avoir
peur de cette chaussure. Dans tout le village, on ne parlait que de la chaussure.
Ce fut ensuite au tour des villages environnants de venir à Gala car informés
eux aussi du mystère de la chaussure.
Lorsque le soleil fut bien haut dans le ciel, lorsque le soleil commence à bien
darder ses rayons, le chef du village demanda alors que l’on lui rassemble tous
les grands marabouts du village afin qu’ils examinent cette chaussure.
– 179 –
Bana
– Bana, Bonkoyno ne ni ma ka sohonda. Ni hinne no nga go ka batu.
– Fo no ay te kaŋ Bonkoyno ga ne ni ma ka ka ay ce?
– Ni mana heri kulu te. A ne de nga mana di ni taamo siiyoŋo do. Ya-din ga,
ni hima ka ka, ka a daŋ i ma du ka bay hala a ga te ni se.
– Naŋ hala ay ma ay jiney kaŋ go huwo ra sambu.
Bana hure huwo ra, a na nga adiika kaŋ ra jiney kaŋ cindi go sambu. A fatta
ka ka ɲa kayna do, a ne a se nga go ka koy tu Bonkoyno se, kala nga kaayoŋ.
Bana ga dake albora ga, i ga zuru ka Bonkoyno windo do ceeci: boro kaŋ
bonkoyni na boro donto a ga ka ne nga ga ba nga ma diy’a, bora si du dirow,
kala de nda bora zuru. Zankey kaŋ go windo ra mo dake i ga nda kaato.
Hala a ga te kayna kulu i ka ka to Bonkoyno faadaa ra. Sahã din i na fondo te
i boro hinkaa se i ma du ka to Bonkoyno do. Bana ka ka kay, ga-hamo ga jijiri
a ga kar-kar.
Bonkoyno ne a se:
– Bana, ni mana ma kaŋ za susubo, ay ne koyra borey kulu ma ka ne-wo iri
ma du ka bay boro kaŋ wane no taamo wo kaŋ iri gar jingara ra, taami kaŋ go
ka borey maamaacendi? Mate no te kaŋ ni mana ka?
– Ay mana bay hala i naŋ ne boro kulu kaŋ go koyra ma ka. Ay mana ma
senno ka boori no.
– To! A sinda taali. Sohoŋ kaŋ ni ka, ay si ba kala ni ma ni cowo daŋ a ra iri
ma di hala a ga te ni se.
Bana na nga taamey kaŋ go nga cowey ka, a dira kayna ka manu taamo. A ga-
hamo kaŋ go ka jijiri za kaŋ i ka ka a ce sobay ka jijiri ka tonton. A si bay mate
kaŋ no nga ga te nga ma si koy kaŋ. Jamaa kulu te siw, i go ka hangan heri kaŋ
ga te. Taami kaŋ za susubo no i go ka ke ceeci a se, kaŋ kala wayna ga ba ka
kaŋ i mana di koyo!
Bonkoyno ne Bana se a ma manu ka taamo zi nga cowo ra. Bana na nga bino
nan, a ka ka kay taamo boŋ: taami kaŋ boro bobow na ngey cowey daŋ a ra, a
ziibi kala a ɲaalayoŋo sintin ka dare, kusow se. Bana na kabe daŋ ka nga cowo
tuusu, de a na daŋ taamo ra. Cowo nda taamo naŋ ga sawa day-day. Hala
borey ga soola kulu taamo ye ka ɲaala, ɲaalayoŋ kaŋ bisa mata kaŋ a go
susuba ra. Ba hala Bonkoyno ga me ka ka salaŋ, Bana na kabe daŋ nga adiikaa
ra ka taamo cale fa ka taray. A na jisi ganda. Sohoŋ ya kaato nda cillo tun
nongo kulu. Borey sobay ka care buti: boro kulu ga ba nga ma di Bana.
– 180 –
. . . texte songhay
L’on rassembla alors les grands alfaga qui ont désormais la chaussure entre
leurs mains. Chacun dit alors ce qu’il pense de la chaussure. La conclusion est
que la chaussure est destinée à une personne, une personne qui habite bien le
village de Gala. Les marabouts assurèrent qu’il s’agit d’une personne de sexe
féminin, une femme qui ne s’est jamais mariée.
Les uns et les autres comprirent alors que la chaussure est destinée à une
jeune fille. Mais de qui s’agit-il ? Qui lui a envoyé cette chaussure ?
Ce qui rendait la situation très compliquée reste bien sûr la nature de la
chaussure : non seulement elle brille beaucoup mais aussi elle a une forme
particulière que même ceux qui ont beaucoup voyagé n’expliquent pas. Mêmes
ceux qui ont été au Ghana, en Côte d’Ivoire, au Nigéria n’ont jamais vu pareille
chaussure.
Jusqu’ à l’heure de la prière de alaasar, l’on n’a pas pu trouver à qui revenait
la chaussure. Le chef du village pensait à ce moment-là que tous les habitants
de son village étaient déjà passés essayer la chaussure. Il ne savait pas que
Bana n’est pas encore passée.
Une personne parmi l’assistance recommanda que l’on vérifie si personne ne
manque à l’appel en faisant le compte concession par concession. C’est alors
que quelqu’un dit n’avoir pas vu la fille de Sourou : Bana ne fait pas partie des
personnes qui ont essayé la chaussure.
Pendant que l’on parlait d’elle, Bana était chez sa tante. Elle était en train de
piler du mil. Ses affaires (l’autre paire de chaussure ainsi que les habits) étaient
dans la maison, déposées dans un endroit où personne d’autre qu’elle ne
pouvait les retrouver.
De ce que le poisson lui avait dit, elle ne devait pas se rendre à la cour du
chef avant que quelqu’un ne vienne la chercher. Elle doit attendre qu’une
personne vienne lui signifier qu’elle est demandée à la cour du chef. A ce
moment seulement, elle pourra prendre toutes ses affaires pour se rendre à la
place où sont réunis tous les habitants du village. Elle ne devrait pas non plus
parler à qui que ce soit de ce qu’elle a vu au bord du fleuve.
L’on informa le chef de village du fait que Bana n’est pas encore venue
essayer la chaussure. Tout le village sait qu’il s’agit-là d’une jeune fille qui ne
s’est jamais mariée. Le chef de village ordonna alors que l’on aille la chercher
pour qu’elle vienne à son tour essayer la chaussure.
Le messager du chef de village se rendit d’abord dans la concession du père de
Bana. Il trouva la mère de Kattouma et d’autres personnes en train de parler de
– 181 –
Bana
Bonkoyno ne:
– To! Cimo ne-ya. Sohoŋ kulu no taamo koyo ka. Senno ban.
Hala i ga soola kulu Bana na kabe daŋ nga adiikaa ra ka zaara ɲaalante fo ka
taray; a na dake nga boŋo boŋ ka te bongum. Zaaraa din dumo se no i ga ne
adiisabeeba. Zaara no kaŋ zaari ga, ciini ga, a ga ɲaala no hala manti moso.
Wayboro zaara no kaŋ ga caada gumo: da boro ga ba boro ma a day ni wande
se kala nda boro na nooro bobow marga wala mo boro ma ni yeeji beeri neere.
I si a neere mo kala labo koyre beerey ra. Borey kaŋ koy Yamma bumbo
ifolloŋ-folloŋ no na a day ka kande ngey wandey se. Borey din mo, boro yoŋ no
kaŋ ceeco te i se gumo.
Senno kar ka say koyra: borey kulu ma kaŋ Bana, Suuru ize follonka kaŋ
wande jina bu ka dira ka naŋ a se, wane no taamo. Taamo ga te a se sanda de a
se no i a te; wo-din banda mo taamo cale fa go a se. Kaŋ na a ka taamo, i ne
kaŋ a gonda bankaaray yoŋ kaŋ boro yoŋ ne kaŋ za Irke na ngey taka, ngey
mana bay ka di i dumo.
Bana kaŋ za hano a ga boori, a gonda ga-kuri, a ga kaanu boro bobow se, kaŋ
ka ka du jinay henney wey! Kocciya darzaa nda a ga-kuro tonton kala ba borey
kaŋ mana bay ka a baakasinay miile sintin ka ngey boŋey kaaji-kaaji.
– 182 –
. . . texte songhay
cette histoire de chaussure qui est sur toutes les lèvres. Ses deux filles s’étaient
déjà rendues à la cour du chef pour essayer la chaussure : elle n’allait à aucune
des deux.
Le messager du chef leur demanda où se trouvait Bana et elles répondirent
qu’elle était chez sa tante. Le messager sortit de la concession en courant pour
se diriger vers le domicile de la tante de Bana. Elle la trouva assise sur un
tabouret, la tête entre ses deux mains. Dès qu’elle leva la tête pour voir le
messager du chef, elle eut un pincement au cœur, une sorte de ces peurs qui
attrapent toute personne anxieuse. Elle se dit alors que l’heure du rendez-vous
donné par le poisson a probablement sonné.
Le messager s’annonça ainsi et dit :
– Salaamalaykoum. Bana, le chef de village te demande de venir à sa cour tout
de suite. Il n’attend que toi !
– Qu’ai-je fait pour que le chef ordonne de venir me chercher ? dit-elle.
– Tu n’as rien fait de mal. Il dit ne t’avoir pas vue parmi toutes les personnes
qui sont venues essayer la chaussure. Par conséquent tu dois venir l’essayer toi
aussi pour que l’on puisse savoir si elle t’est destinée ou pas.
– Laisse-moi prendre mes affaires qui sont dans la maison.
Bana entra dans la maison et se saisit du ballot qui contient ses affaires. Elle
en sortit et se présenta à sa tante à qui elle annonce aller répondre à l’appel du
chef de village.
Flanqué de Bana, le messager du chef prit alors la direction de la cour du
chef. Lorsque le chef vous envoie chercher quelqu’un et que vous retrouvez la
personne, vous ne pouvez que courir pour regagner l’endroit d’où vous venez.
Les enfants suivirent le messager du chef et Bana dans un brouhaha
indescriptible.
Quelques instants après ils arrivèrent à la cour du chef. La foule massée sur
place leur permit aussitôt d’arriver auprès du chef qui les attendait. Bana
tremblait de tous ses membres.
Le chef lui dit alors :
– Bana, tu ne savais pas que j’avais demandé, depuis ce matin, à tous les
habitants de ce village de venir ici pour que l’on puisse savoir à qui appartient
la chaussure retrouvée dans la cour de la mosquée, une chaussure qui n’a pas
fini d’étonner tout le monde ? Pourquoi tu n’es pas venue ?
– 183 –
Bana
Wo-ne kulu ka ka sabanda kaŋ Suuru go tondo boŋ, nongo kaŋ alborey ga
care marga ka faakaaray alaasaro jingaro banda. Ma ka ma yoŋ ra no a du
alhabaaro kaŋ Bana hinne se no taamo ga te. A ma mo kaŋ Bana gonda taamo
cale fa nda zaara yoŋ kaŋ ga ɲaala mata kaŋ taamo ga ɲaala nda.
Kaŋ borey kulu tabbatendi kaŋ Bana wane no taamo, Bonkoyno ne koyra
borey se boro kulu ma sobay ka ye hu, zama senno ban. A ne nga faadancey ra
boro hinka ma hure Bana jine ka kond’a i do.
Boro fa hure Bana jine, ifa mo dake a ga, i kond’a kala i do, baabo windi. Kaŋ
i tun Bonkoyno windo ra, zankey nda koŋŋey dake i ga nda kaato nda cillo.
Bana ka ka hure ngey windo ra, jamaa go a bande. A gar Kattuuma ɲa go ka
goro karga fo boŋ, a go ka alwala nga ma du ka almaariŋo jingar. A wane ize-
way hinkaa mo go ka goro taray taraa boŋ, ngey huwo me.
Kattuuma ɲa ma za gayyoŋ kaŋ Bana hinne se no taamo ga te. A ma kaŋ a
gonda ba taamo cale fa. A di mo kaŋ boro yoŋ no Bonkoyno daŋ i ma hure a
jine ka kand’a ngey do. Bana ga hima de boro beeri fo. Za gayyoŋ, a ga a
dukkurendi: za honkuna zaariŋo mana ka no Bana konde sintin ka cabe a se
kaŋ nga si baar’a, manti mo nda tugaray. Bana baaba bumbo ga bay kaŋ
Kattuuma ɲa si ba nga izo sohoŋ kokorbanda wo.
– 184 –
. . . texte songhay
– Je ne savais pas que l’on avait demandé à tout un chacun de venir. Je
n’étais pas suffisamment informée.
– D’accord ! Ce n’est pas un problème. Maintenant que tu es là, je voudrais
que tu essaies la chaussure pour que l’on puisse savoir si elle te va ou non.
Bana enleva alors les chaussures qu’elle portait et s’avança vers la chaussure
mystérieuse. Son corps tremblait encore plus. Elle ne savait plus comment faire
pour ne pas tomber devant tout ce monde. Un grand silence se fit aussitôt en ce
lieu bruyant il y a quelques minutes encore. Chacun se demandait ce qui allait
se passer. Ah ! Cette chaussure dont on a passé la journée à chercher le
propriétaire et pour laquelle jusqu’ici l’on n’a pas le moindre indice !
Le chef demanda à Bana de s’avancer pour pouvoir essayer la chaussure. Le
cœur serré, Bana avança jusqu’au niveau de la chaussure, cette chaussure que
nombre de personnes du village avaient essayé au point ou elle était devenue
toute poussiéreuse. Elle a même perdu de son éclat. Bana s’essuya le pied et
l’introduisit dans la chaussure. La chaussure lui allait comme un gant. Si tôt
après, la chaussure redevient luisante : elle brillait plus qu’avant la cérémonie
d’essayage qui avait commencé depuis le matin. Et avant même que le chef
n’ouvre la bouche pour parler, Bana sortit la deuxième chaussure de son
ballot : elle la déposa à terre. Aussitôt des cris et les you-you se firent entendre.
Les gens se bousculaient ; chacun voulait voir Bana.
Le chef dit alors :
– Enfin la vérité est apparue ! C’est maintenant qu’est arrivée la personne à
qui la chaussure est destinée. Tout est fini maintenant.
Bana sortit ensuite de son ballot un morceau de tissu brillant ; elle s’en servit
pour se couvrir la tête. C’est ce type de tissu que les gens de son village
appellent Addis-Abéba. C’est un tissu qui brille de nuit comme de jour. Il est
porté par les femmes seulement ; lorsque l’on veut l’offrir à sa femme, l’on est
tenu d’économiser beaucoup d’argent ou bien de vendre un grand taureau. Il se
vend dans les grandes villes seulement. Même parmi ceux qui sont allés à
Yamma, ils sont rares ceux qui l’on acheté à leurs épouses. Il s’agit-là de ceux
qui ont fait fortune.
Tout le village apprit alors la nouvelle ; tout le monde apprit que la chaussure
est destinée à l’unique fille de Sourou, fille qu’il a eue de son premier mariage. La
chaussure lui allait comme si elle était fabriquée pour elle et elle seule. D’ailleurs,
elle détient la deuxième chaussure. L’on dit aussi qu’en plus des chaussures, elle
avait des habits que beaucoup de personnes disent n’avoir jamais vu.
– 185 –
Bana
Kaŋ borey kaŋ kande Bana salam Kattuuma ɲa ga, a mana ba i do hare gune.
A hure huwo ra ka te sanda de nga go ka koy jingar no.
Bana hure nga baaba huwo ra ka nga jiney jisi, waati din a fatta ka ka, ka
alwala ka jingar.
Almaariŋo jingaro banda, Bana baaba ka ka hun jingaray. A na Bana gar a ga
goro karga fo boŋ nga huwo me. Han din hane wo a mana koy Kattuuma yoŋ
huwo me.
Kaŋ baabo ka, a batu hala a hure huwo ra, a hure a bande. Baabo na a gune
beene, a na gune ganda. A si bay heri kaŋ nga ga ne a se. Bana ga bay kaŋ nga
baaba ma heri kulu kaŋ te Bonkoyno faadaa ra. A ne a se:
– Ay baaba, ni di wo kaŋ te honkuna! Jiney wey, ay mana i gar kala ni wane
hiyo ra. Hano kaŋ ni ne ay ma koy kayra din sambu no kayra salaŋ ay se ka ne
ay ma nga taŋ. A ne da ay na nga taŋ kulu ay ma ye ka ka alzumay hane.
Alzuma zaariŋo, waati kaŋ cine borey koy zumma do, ay do haro me; ay ka ka
jiney wey gar ni hiyo ra, i go adiika ra. Kaŋ ay ne ay ma i sambu, ay ma jinde
fo kaŋ ne ay se ay ma koy taami cale fa jindow jingara windo ra. A ne da ay na
wo-din te kulu ay ma koy keni nongu fo kaŋ manti ne-wo. Wo-din no naŋ ay ne
ni se ay ga koy faakaaray ay ɲa yoŋ se. Heri kaŋ te wo-din banda, ni ga a bay
zama ay bay de kaŋ ni maar’a. Wo kaŋ ay ga ba ay baaba, ka ti ni ma ay yaafa.
Ni ma ŋaaray ay se mo Irke ma ay faaba. Za hano ay go ka hamburu ay boŋ se.
Sohoŋ ya binde, ay hamburkuuma tonton.
– Ay ko! Si hamburu heri kulu. Ni ma ne Irke. Boro kulu no si hin heri fo ka te
boro se kaŋ manti Irke do no a hun. Naŋ ni lakkaley ma keni, ay si ka keni. Da
Irke ba mo kulu ni ga hellesi. Sobay ka koy ni caley do.
Bana fatta, a na nga jiney sambu ka koy ka Kattuuma nda nga beere gar. A
hure huwo ra ka nga jiney jisi.
Han din ciino ra, Suuru yoŋ windo ga hima de hebu, mata kaŋ borey ga koy i
ga ka nda a ra. Boro fo yoŋ ga ka ka Suuru barka zama i ga miile kaŋ wo kaŋ te
izo se boŋ-kaanay wane no. I ka ka a barka, i ma gaara Irke ma saaya ka koy
nda jine. Boro fo yoŋ mo sooti de no go ka kond’ey: Bana taamey nda zaarey
kaŋ ma i ma de no i ga ba ngey ma di. Zaara nda taami kaŋ yoŋ ba borey kaŋ
bay ka naaru ka koy hala labu waaney ra mana bay ka di i dumey, boro kulu
ga ba nga moyey ma seede i ga.
Suuru yoŋ windo di ka to boro kala i sintin ka ne borey se i ma sobay ka koy
keni zama ciino bi.
– 186 –
. . . texte songhay
Bana était depuis toujours une très belle fille, avec beaucoup de charme ; elle
était aimée de beaucoup de personnes. Et voilà qu’elle a en plus de si beaux
habits. Son aura et son charisme n’ont fait que croître avec cet évènement. Elle
est désormais aimée par tous ceux qui n’avaient jamais pensé l’aimer.
Pendant que sa fille était reçue à la cour du chef avec tous les honneurs, Sourou,
le père de Bana, était à la place où les gens de sa génération se retrouvent pour
causer : c’est sur un petit rocher, aux abords du fleuve où les hommes mûrs se
retrouvent à cette heure-là pour échanger sur tout et rien. C’est là qu’ils se
retrouvent tous les jours après la prière de alaasar. Et c’est par l’entremise de
personnes venues de la cour du chef qu’il apprit que finalement la chaussure
n’allait qu’à sa fille. Il a appris aussi que Bana avait dans ses affaires non seulement
la seconde chaussure, mais aussi des habits qui sont brillants comme la chaussure.
Lorsque tout le monde comprit que la chaussure était finalement destinée à
Bana, le chef ordonna à ce que la foule se disperse, que chacun rentre à la
maison car tout était fini. Il demanda à deux de ses collaborateurs de
reconduire Bana chez elle.
Encadrée par ces deux personnes, Bana arriva au domicile de son père. Ils
étaient, comme on peut l’imaginer, suivis par les enfants ainsi que les ‘koŋŋo’
qui n’arrêtaient de faire des you-yous, signes annonciateurs d’un d’évènement
exceptionnel.
Bana arriva dans la concession familiale suivie d’une horde de personnes. Elle
trouva la mère de Kattouma en train de faire ses ablutions pour la prière de
magrib. Ses deux filles étaient assises sur le lit faites de lattes situé à l’entrée de
la maison de leur mère.
La mère de Kattouma avait appris, bien avant l’arrivée de Bana, que la
chaussure retrouvée dans la cour de la mosquée n’allait qu’à elle et elle seule.
Elle avait également appris que Bana disposait de la seconde chaussure. Elle a
aussi constaté que le chef avait même désigné des personnes pour la reconduire
chez elle. Pour elle, Bana commençait à avoir des allures d’une personnalité.
Elle ne l’avait jamais aimée : bien avant ce jour pas ordinaire, Bana était
détestée par cette belle-mère qu’elle a défendue auprès de son père. Elle ne s’en
est jamais cachée d’ailleurs, depuis son remariage d’avec le père de Bana. Du
reste, Sourou, le père de Bana, n’ignorait pas cette situation.
Aussi, lorsque les deux personnes qui ont accompagné Bana s’annoncèrent par
des salamaleck, la mère de Kattouma n’a même pas daigné leur répondre. Elle
entra dans sa maison pour faire semblant d’y prier.
– 187 –
Bana
– 188 –
. . . texte songhay
Bana entra pour sa part dans la maison de son père pour y déposer ses
affaires, après quoi elle en sortit pour faire ses ablutions.
Après la prière, Sourou, le père de Bana, revint à son domicile. Il retrouva
Bana assise sur un escabeau à la devanture de leur maison. Ce jour-là, elle n’est
pas allée retrouver les deux filles de sa belle-mère.
Lorsque son père revint de la prière, elle attendit qu’il rentre dans la maison
pour l’y retrouver. Son père la regarda longuement. Bana est consciente du fait
que son père est au courant de tout ce qui s’est passé au palais du chef. Elle lui
dit :
– Père, vous avez certainement appris ce qui s’est passé aujourd’hui. En fait,
c’est dans votre pirogue que j’ai retrouvé toutes ces affaires. Et c’est le jour où
vous m’avez demandé d’aller chercher le poisson capitaine que ce dernier
m’avait demandé de le relâcher. Il me demanda aussi de revenir au même
endroit un vendredi. Ce jour-là, alors que la plupart des adultes sont allés à la
prière, je me suis rendue au bord du fleuve. J’avais alors trouvé ces affaires
dans votre pirogue. Lorsque je me suis penchée pour m’en saisir, j’entendis une
voix qui m'a dit d’aller jeter l’une des chaussures dans la cour de la mosquée.
La voix ajouta qu’après cela, je dois aller passer la nuit ailleurs qu’ici. C’est
pour cette raison que je suis allée passer la nuit chez ma tante. Je crois que
vous êtes au courant de tout ce qui s’en est suivi : je suis sûre que vous en avez
été informé. Ce que je veux de vous, cher papa, c’est de me bénir. Je souhaite
aussi que vous priiez pour moi pour que Dieu le Tout Puissant me protège. Bien
avant cet évènement, j’ai toujours eu peur pour moi ; cette peur est encore plus
grande aujourd’hui.
– Ma fille, n’aies pas peur. Remets-toi à Dieu. Personne ne peut te faire du
mal. Tout vient de Dieu et c’est à lui qu’il faut se référer. Rassures-toi car je fais
de mon mieux. Et par la grâce du Seigneur, tu n’auras pas de problème. Va
rejoindre tes camarades.
Bana sortit de la maison et s’en alla rejoindre Kattouma et sa sœur. Elle entra
dans la maison de celles-ci pour y déposer ses effets.
Ce soir-là, le domicile de Sourou avait des allures d’un marché, tellement il y
avait de personnes qui y venaient pour savoir ce qui allait se passer après les
évènements de la journée. Certaines personnes venaient féliciter Sourou pour
ce qui s’est passé, considérant que c’est une chance pour sa fille. Ils sont venus
lui transmettre leurs prières, leurs souhaits de voir cela avoir une suite
heureuse. En revanche d’autres personnes venaient juste par curiosité : ils
– 189 –
Bana
Ba kaŋ a mana barmay, boro yoŋ go no kaŋ barmay a se hala manti moso. Ifo
de konda kaŋ ti Kattuuma ɲa si baar’a ba kayna. A wane ize-wayey kaŋ nga
nda Bana yoŋ go care bande waati kulu si ba a gande ba kayna: i ga canse Bana
ga kala i si bay mate kaŋ ngey ga te. Za wo mana te no i ga konn’a. Sohoŋ
binde, a si baar’a no kala boro kulu kaŋ go windo bay i ga. Wo-din kulu mana
naŋ Bana baaba ma salaŋ i se. A mana bay ka salaŋ Kattuuma ɲa bumbo se
soko fa i wane izey se.
– 190 –
. . . texte songhay
venaient voir de leurs propres yeux les chaussures et les habits de Bana dont les
gens n’ont pas arrêté de parler, des habits et des chaussures que mêmes les
personnes qui ont souvent voyagé dans d’autres pays n’ont jamais vu. Chacun
voulait donc les voir et pouvoir témoigner un jour.
La concession de Sourou était noir de monde jusque tard dans la soirée : l’on
demanda finalement à tous de rentrer car c’était l’heure pour dormir.
Le lendemain matin, très tôt, les enfants commencèrent à nouveau à
s’attrouper devant le domicile de Sourou ; ce sont surtout ceux-là qui n’étaient
pas à la cour du chef au moment où Bana avait mis son pied dans la fameuse
chaussure. Par ailleurs, ils n’avaient pas vu les habits dont les gens n’arrêtaient
pas de parler dans tout le village. Certains arrivaient jusqu’au niveau de Bana
et lui demandaient de sortir les chaussures et les habits pour qu’ils puissent les
voir.
Des jours durant, la concession de Sourou était la principale destination des
curieux du village. Des gens venaient de villages voisins, rien que pour voir
Bana. Les jeunes gens qui avaient l’habitude de lui rendre visite commençaient
à avoir peur : chacun d’eux pensait que Bana n’était pas une personne
ordinaire. Dans tout le village, personne ne savait comment elle avait fait pour
avoir ses habits et chaussures, mis à part son père bien entendu.
Trois à quatre semaines après, l’on ne parlait dans le village que de Bana. Des
personnes qui n’ont jamais mis pieds à Gala vous racontaient son histoire
comme si tout s’était passé sous leurs yeux.
Malgré tout, Bana n’avait rien changé dans sa vie. Elle continuait à faire tout
ce qu’elle avait l’habitude de faire : chaque matin elle préparait la boule de mil
et décortiquait le riz qui devait servir à la préparation du repas du soir.
Mais si Bana n’a pas changé, il y a bien des gens qui ont beaucoup changé à
son égard. Parmi ces personnes, l'on peut citer sa belle-mère, la mère de
Kattouma, qui ne l’aime pas du tout. Ses deux filles qui étaient toujours avec
Bana ne l’aiment pas non plus : elles sont jalouses d’elle au point de ne plus
savoir comment faire. Elles la détestaient bien avant les derniers évènements.
Mais maintenant, elles se comportent de telle manière que cela n’est un secret
pour personne dans la concession. Malgré tout, le père de Bana ne leur a jamais
dit quoique ce soit. Il n’a jamais non plus parlé de cela à la mère de Kattouma.
– 191 –
Bana
– 192 –
. . . texte songhay
2. Sur terre
D eux mois après ces évènements, le chef du village convoqua dans la
plus grande discrétion un de ces marabouts qui ont l’habitude de lui
faire la fatiah. Il lui dit :
– Hier soir, au cours de la nuit, j’ai fait un grand rêve. Dans ce rêve, j’ai vu
une fille qui ressemble à la fille de Sourou, celle-là même qui a créé
l’évènement il y a quelques jours. Elle se dirigeait vers moi. Elle portait un
voile blanc. Dans ce même rêve, j’ai vu du monde se réunir devant ma porte : il
y avait beaucoup de chefs des différents villages environnants. Il y avait même
le grand Amiirou de notre canton. Comme je n’ai pas bien compris les tenants
et les aboutissants de ce rêve, je veux que tu fasses tout pour m’éclairer : je
veux savoir ce qui se cache derrière ce rêve.
Le chef de village de Gala, comme beaucoup de chefs de cette contrée,
consulte toujours avant de s’engager dans une quelconque action : il consulte
toujours un alfaga ou un zimmow. De même, lorsqu’il fait un rêve comme celui
d’hier soir, il consulte toujours ses oracles pour qu’on lui dise ce qui risque de
lui arriver dans les jours à venir. C’est dans cette optique qu’il a demandé ce
matin à son alfaga la signification de son rêve.
Le marabout lui fit comprendre qu’il n’y avait rien de mal dans ce qu’il a vu
dans son rêve. Il s’agit plutôt de bonheur, de bienfait qu’il va recevoir bientôt.
Il ajouta que lui avait déjà pressenti tout cela car les jours passés, il avait au
cours de ses multiples consultations, vu les signes annonciateurs de tout cela. Il
n’a cependant pas osé lui en parler, convaincu par ailleurs que lui-même allait
voir cela dans un rêve. Le bonheur se traduira par le mariage de Bana, un
mariage qui lui apportera beaucoup de bienfaits.
Le chef dit :
– Quoi? Que dis-tu ? Qui dis-tu ? Bana? La fille de Sourou qui a créé
l’évènement les jours passés ?
– Elle-même ! Ce n’est pas par hasard que tout cela lui arrivé ! Et lorsque vous
l’aurez prise comme épouse, vous en verrez les bienfaits pour vous-même mais
aussi pour tous vos administrés. Vous savez qu’elle est coquette. Bien que
plusieurs jeunes garçons passent chez elle dans l’intention de demander sa
main, aucun d’eux ne l’épousera car Dieu même a prévu qu’elle sera l’épouse
d’un chef. Ce que je veux de vous, c’est de tout faire pour envoyer un messager
auprès de son père dans les meilleurs délais.
– 193 –
Bana
mo senno ban de no-ya. Da i boro hinkaa kulu mana yadda mo, fo no ay go ka
jaara ni se, fo ka ti ay wane alfagatara mafaaro.
– To! Alfa, ni kaŋ na handiro sabiilo har ay se, ni de no ga di boro kaŋ yoŋ ni
ga donto Suuru ga, i ma koy ka diy’a ka ma heri kaŋ no a ga ne. Ay na ni no
fondo ni ma borey suuban. Amma, ni ma hawgay fa, ni ma si naŋ warjida ma
bay jina. Ni ga a bay!
– Ni lakkaley ma keni. Da Irke ba, a si maar’a kala de waati kaŋ se ham nini
ciiri hure. Da ay tun kulu ay ga koy di ni hasay ka saawara te a se. Ay ga
tammahã kaŋ iri nda a ga muraado te.
Alfa fatta, a koy di Bonkoyno hasa. A na senno kulu har se. Bonkono hasa
bine yadda zama za hano Bonkoyno wando kaŋ go a kone si kaanu a se. A gay
kaŋ a go nga tuba bande a ma hiiji ka dake a ga. A ne Alfa se a ma ka ngey ma
koy di Suuru. Alfagaa ne a ma naŋ de hala ciino ma hure, saafo jingaro banda.
A ne ba hala alwaato din ga to nga ga boro donto a ga, a ma nga gar hu.
Suuru ga alfagaa windo bay zama a doona ka koy Irke ŋaaray Bana se, kaŋ ga
a wa nda borey miyey. Hondiyow kaŋ ga kaanu arwasu bobow se, da a hayrey
mana ŋaaray a se, bone fo ga tar ka duw’a.
Kaŋ borey na saafo jingar ka ban, Suuru na fonda sambu kala Alfa windi. A
ka ka saband’a nga mo hun jingaray. I boro hinkaa saba ka hure windo ra care
bande. Ba hala Suuru ga salam ka ban, Alfa kaŋ go a banda tu a se. Suuru ne:
– Siise, Irke ma boryendi ni ga!
– Irke ma boryendi iri nda alsilaamey kulu ga. Ni hiire baani Suuru?
– Baani samay no ay go. Mate ni windo?
– Iri ga Irke saabu. Ay mana ma taali fo kulu.
Ba hala i boro hinkaa ga to alfagaa tandaa cire, wando kande konje fo ka jisi
Alfa wono jare ga. I boro hinkaa ka ka goro care jare ga ka ye ka sintin ka care
fo. Alwaati kayna banda, Alfa ne Suuru se nga ga ba de nga ma salaŋ a se no.
Senno kaŋ nga ga ba nga toonendi a do din manti kala gomni wane no. Amma
a ma batu hala boro fo ma ka, zama ngey senno wo ga ba seede.
Hala a ga salaŋ ka ban kulu boro fo salam windo me. Alfa tu a se. Bonkoyno
hasa no. Mata kaŋ Alfa ci a se de no a te: saawara kaŋ i boro hinkaa te ra, Alfa
ne albora ma batu kayna hala ngey ma hure windo ra de a ma du ka ka. Waato
kaŋ albora fatta jingara, a koy hu jina hala a ga du ka Alfa koyre fonda sambu.
Wo-din se no Alfa nda Suuru kulu na a jini.
– 194 –
. . . texte songhay
– Tu penses qu’elle acceptera d’être ma seconde épouse ? Acceptera-t-elle
d’être mon épouse quand bien même j’ai l’âge de son père ?
– Tout ce que j’ai à vous dire c'est de dépêcher dans les meilleurs délais un
messager auprès de son père. Je suis sûr que lorsque votre messager verra son
père, il donnera un avis favorable. Et si son père donne son accord, je pense
que tout sera considéré comme réglé définitivement. A quoi est-ce que je sers si
ce n’est créer les conditions pour que tes désirs, tes souhaits se réalisent. C’est
bien cela mon rôle de grand alfaga !
– To ! Alfa ! Comme c’est toi qui as pu interpréter mon rêve, je crois que c’est
à toi de voir quelle(s) personne(s) tu dois envoyer auprès de Sourou pour
recueillir son avis sur cette affaire. Je te donne la latitude de choisir les
messagers. Mais j’ai une exigence : il faut tout faire pour que warjida ne soit au
courant de cette démarche. Tu la connais bien !
– Soyez tranquille mon cher chef ! S’il plaît à Dieu, elle ne sera au courant de
rien jusqu’à ce que toutes les démarches soient complètement terminées. De ce
pas, je vais en parler à votre oncle. Je pense que lui et moi pourrons gérer cette
affaire.
Après avoir pris congé du chef, Alfa alla à la rencontre de son oncle. Il lui fit
le compte-rendu. L’oncle donna un avis favorable pour ce second mariage de
son neveu dont la femme ne lui plaisait pas du tout. D’ailleurs cela fait un bout
de temps qu’il demandait à son neveu de prendre une seconde épouse. Aussi, il
donna son accord à Alfa pour qu’ils partent à deux voir Sourou. Alfa lui
demanda d’attendre la nuit, juste après la prière de saafo. Peu après la prière, il
enverra quelqu’un chercher Sourou pour qu’il les retrouve chez lui.
Sourou, le père de Bana, connaît bien le domicile d’Alfa : il avait l’habitude de
venir le voir pour qu’il fasse des fatiah à sa fille, pour la préserver des
mauvaises langues. Lorsqu’une fille est aimée de tous, il faut tout faire pour la
protéger, pour qu’un malheur ne lui arrive pas.
Peu après la prière de saafo, Sourou prit la direction du domicile de Alfa qui
lui aussi revenait en ce moment précis de la prière. Ils se croisèrent à la porte
de la concession et y entrèrent ensemble. En fait Sourou s’annonçait lorsque
Alfa lui répondit de derrière. Sourou dit alors :
– Cissé ! Que Dieu te protège !
– Que Dieu protège tous les musulmans. Comment vas-tu Sourou ?
– Je vais bien. Comment va ta famille ?
– Nous remercions le Seigneur. Il n’y a rien de mal chez moi.
– 195 –
Bana
Bonkoyno hasa hure tandaa cire ka Suuru nda Alfa gar. Alfa tunu nga konja
boŋ ka ye jingar-kuuru fo kaŋ go ka daaru boŋ. Fo yoŋ kukow banda, Alfa na
senno sambu ka ne:
– Suuru, sohonda ay sintin ka ne ni se kaŋ baani de se no ay na ni ce. Iri ma
ne de gomni beeri se no iri ne ni ma ka ka tu iri se ne-wo iri nda boro kaŋ ka
sohoŋ. Dontay beeri ra no iri go. Dontay mo kaŋ ga kaanu iri kulu se. Iri ga
miile mo kaŋ ni bumbo a ga kaanu ni se da ni ma a mafaaro. Sohoŋ ay ga
senno no Ankarayze se.
Bonkoyno hase se no Gala koyra borey ga ne Ankarayze zama Ankara no i na
a hay.
A ne:
– Cimi no Suuru, iri boro hinkaa kulu i na iri donto no. Bora kaŋ na iri donto
mo si boro donto boro ma jaŋ ka donta toonendi ba i ga boro wi no. Bonkoyno
ka iri donto ni do.
– Fo no ay te! Taali fo no ay te kaŋ se a na war donto ay ga!
– Naŋ ni lakkaley ma keni Suuru! Manti taali senni no. Ni ma kaŋ za iri ka ne-
wo, iri kulu gomni senni no iri go ka te ni se!
– Ay naŋ ga bay wala? To ay go ka hangan war se!
Alfa ne Ankarayze se a ma salaŋ ka a fahamendi. Suuru sintin ka nga boŋo
kaaji. A sintin ka jijiri. A sintin ka nga boŋ hã senni kaŋ dumi no i du nga se.
Waati din no a koy hongu nga izo Bana ga. A ma kaŋ i ne bora kaŋ na ngey
donto si boro kulu donto bora ma jaŋ ka donta toonendi. A faham kaŋ koyra
Bonkoyno ka i donto nga ga.
Ankarayze ne:
– Ay tuba kaŋ ti iri Gala Bonkoyno ka iri donto iri ma ka ka dumitaray hã ni
ga. Boro kaŋ ka ka hiijay hã boro do, dumitaray de no bora ga ba. Ni ize-wayo
no a ga ba nga ma gorkasinay. Ay ga miile mo kaŋ ni ga yadda, zama boro kulu
no ga ba ni ma du banda henno, banda yoŋ kaŋ ga hini ka ba koytaray ŋa.
Suuru na boŋ sambu ka Ankarayze nda Alfa gune hala a boori. A jaŋ heri kaŋ
nga ga ne. Alfa na senno sambu ka tonton Ankarayze senno ga. A ne:
– Mate kaŋ ay na a ci ni se nda, gomni beeri no iri du ni se zama Bonkoyno no
ne nga ga ba nga ma Bana gorkasinay. Da ni koy hongu heri kaŋ te ni izo se
handey kaŋ bisa ra, ni ga bay manti yaamo no. Boro kaŋ Irke suuban a ma te
boro beeri se no heri cindo ga te. Ay ga miile kaŋ taamo din kaŋ i di jingara,
– 196 –
. . . texte songhay
Avant qu’ils ne se retrouvent sous le vestibule d’Alfa, son épouse avait déjà
placé une seconde chaise à côté de celle de son mari. Ils s’installèrent et
recommencèrent les salutations d’usage. Alfa dit alors à Sourou qu’il souhaitait
juste lui parler de quelque chose, de quelque chose de bien pour lui. Mais il
faudrait attendre l’arrivée d’une autre personne, car ce dont il s’agit commande
la présence d’un témoin.
Juste à la fin de son propos, ils entendirent une personne s’annoncer de la
porte de la concession. Il s’agissait de l’oncle du chef. Il avait fait exactement
ce qu’Alfa lui avait recommandé : de ce qu’ils avaient convenu, l’oncle du chef
devait attendre qu’Alfa et Sourou entrent dans la cour avant d’arriver. Aussi,
lorsqu’il était sorti de la mosquée, il était rentré chez lui attendre un peu. C’est
seulement quelques instants après qu’il a pris la direction de chez Alfa. Ce qui
explique le fait qu’Alfa et Sourou soient arrivés au domicile d’Alfa avant lui.
L’oncle du chef entra alors et trouva Alfa et Sourou. Alfa lui céda sa chaise et
s’installa sur son tapis de prière en peau de mouton. Après les salutations
d’usage, il prit la parole en ces termes :
– Sourou, il y a quelques minutes seulement, je te disais que je t’ai demandé
de venir ici pour te parler de quelque chose de bien. Je dois dire que nous
t’avons demandé de venir pour te parler de quelque chose de bien. Nous avons
été investis d’une grande mission. Il s’agit d’une mission qui nous plaît à nous
tous. Nous pensons aussi que ce dont il s’agit te plaira toi aussi. Maintenant, je
cède la parole à Ankarayze.
Les habitants du village de Gala ont surnommés l’oncle du chef du prénom
d’Ankarayze ‘fils de Accra’ parce qu’il y est né.
Il dit :
– Tous les deux, nous sommes des messagers d’une même personne. Et
personne ne peut refuser d’accomplir une mission de la personne qui nous a
envoyé auprès de toi, même si l’on doit y laisser sa vie. Nous sommes porteurs
d’un message du chef de village.
– Qu’ai-je fait de mal ? s’exclama Sourou. Qu’ai-je fait de mal pour qu’il vous
envoie me voir ?
– Calme-toi Sourou. Il n’y a rien de mal. Tu nous as bien entendu parlé dès le
début de notre rencontre de bienfait, de bonheur.
– Je n’en sais rien ! Je suis à votre écoute alors.
– 197 –
Bana
kaŋ si te boro kulu se kala Bana ka ti silmankayna kaŋ ga cabe kaŋ ni izo
gonda saaye. Heri hinkanta kaŋ ga cabe kaŋ Irke bumbo no na a suuban ka ti
wo-ne kaŋ senni iri go ka te: manti boro kulu no Bonkoyni ga di ka ba hala a
ma hiijay miile bora ga. Da ay ga du, ni ma yadda. Irke no ga bay gomni kaŋ ni
ga du gorkasina din ra.
Senney wey kulu kaŋ Alfa nda Ankarayze te, Suuru mana me feri ka ne heri
fo. A go de ka hangan i se. Han fo a bay ka ka Alfa do ka ɲaaray Bana se,
waato kaŋ taamo senno te ka ban. Han din a na Alfa hã hala manti genji yoŋ
no go nga izo bande, genji yoŋ kaŋ ga ba ngey ma a furkendi. Alfa ne a se
manti genji kulu no go Bana bande. A ne a se kaŋ Bana ga hanni ka du heri kaŋ
beeri nda taamo nda zaarey din. A ne a se kaŋ a wane izo din, saayante beeri
no, a ma koy ka hin suuri.
Suuru sintin ka hongu Alfa senney din ga. A ne nga boŋ se kaŋ nga ga
tammahã kaŋ alwaato kaŋ senni Alfa te nga se mana jaŋ ka to. A ga bay, koyra
borey kulu ga bay, kaŋ Alfa cine ga gaabu, bayray do hare. Sanda mata kaŋ i
ga a ci nda, Alfa mana nga cowo denden heray waate. Kaŋ a cow ka ban Gala,
kaŋ a zumendi, a man koy kala Maasina ka cow. A te ba jiiri way kaŋ a mana
bay ka ka Gala. Kaŋ a ban Maasina, a ka bisa ka koy Sokkoto noŋ kaŋ a na jiiri
gu cow te, wala mo de iri ma ne a koy bayray ceeci. Sokoto banda no a koy
Saayi, Alfa Mahaman Jobbo do, ga tonton ay bayra ga. Gala borey no ga ne
ngey kaado senno ra: ‘ay ce ga meri nda Saayi koyyoŋ’, zama se Saayi no da
ciiti sendi, i ga konda borey ka ciiti i se. A ceeci ba nga ma koy Misira ka cow,
nga ma du ka waani laarabu senni ka boori zama senno din ra no i na
Alkuraana antum. Fondo de no a mana du. Gala nda nga windanta ra, boro
bobow si ɲaaray kala a do. Alfaga bobow mo go no kaŋ ga ka a do ka ngey
bayra ninendi.
Alfaga kaŋ na cow beeri-beerey wey dumo te si senni har boro se, boro ma jaŋ
ka yadda a ga. Suuru bine ne i se:
– Ay ma war senno, ay ma Bonkoyno donta. Wo kaŋ ay ga war zaaabi nd’a ka
ti, war ma koy ne Bonkoyno se kaŋ ay ma ay yadda. Nga hinne no ay go ka
batu. Ay wo sinda senni koyne. Da Irke ba, ay ga koy hu ka senno har Bana se:
a sinda sikka kaŋ a ga yadda zama ay yadda. A si hin de ka ay kakow senno wo
boŋ.
– Maadalla Suuru! Wo no i ga ba alboro ga! Wo no i ga ba windike ga! Iri
saabu kaŋ ni na iri beerendi. Irke de ma ni beerendi. Irke de ma hiijo wo te
albarkante. Iri ga koy bora kaŋ na iri donto do sohonda ka har a se kaŋ dira
boori.
– 198 –
. . . texte songhay
Alfa demanda à Ankarayze d’expliquer tout à Sourou. Il commençait déjà à se
poser des questions, à trembler de peur. Il se demandait ce dont les deux
messagers du chef allaient lui parler. Un moment après, il pensa à sa fille. Il se
rappela aussitôt avoir entendu dire par les deux messagers que personne ne
peut refuser de transmettre son message, même si l’on doit y laisser sa vie. Il
comprit alors qu’ils sont en fait les messagers du chef.
Ankarayze dit :
– Nous sommes les messagers du chef de Gala : il nous a chargé de venir
demander auprès de toi la possibilité de créer des liens de famille. Lorsqu’une
personne souhaite épouser quelqu’un des vôtres, c’est bien pour tisser des liens
familiaux. Il veut épouser ta fille. Je pense que tu accepteras cette proposition
car chacun de nous aspire avoir une bonne descendance, une descendance qui
sera capable de diriger ce village.
Sourou leva la tête pour bien regarder Alfa et Ankarayze. Il ne savait pas quoi
dire encore. Alfa prit la parole à nouveau pour apporter des précisions à la
suite des propos d’Ankarayze. Il dit :
– Comme je te l’avais bien dit, le chef a choisi d’épouser ta fille Bana pour ton
bonheur. Si tu te rappelles un peu de ce qui est arrivé à ta fille ces derniers
mois, tu dois certainement comprendre que cela n’est pas un fait du hasard.
C’est seulement aux personnes aimées du Seigneur qu’arrivent certaines choses
de la vie. Je pense que la chaussure retrouvée dans la cour de la mosquée et
qui n’allait qu’à ta fille Bana est le signe qu’elle a bien de la chance. Le
deuxième signe de ce choix divin est la démarche que nous sommes en train de
faire : un chef ne choisit pas n’importe quelle femme pour l’épouser. Si cela ne
tient qu’à moi, tu dois accepter cette proposition. Dieu seul sait ce que tu
pourras tirer de cette union.
Pendant tout le temps où Alfa et Ankarayze lui parlaient, Sourou n’a pas pu
placer un seul mot. Il ne faisait que les écouter. Il y a quelques jours, juste
après l’histoire de la chaussure retrouvée dans la cour de la mosquée, il était
venu voir Alfa pour lui demander de faire la fatiah pour sa fille. Ce jour-là, il
avait demandé au marabout si sa fille n’était pas poursuivie par les genji, ces
mauvais génies qui peuvent faire basculer la vie de quelqu’un. Alfa lui avait
alors répondu qu’il n’en est rien. Il avait même ajouté que Bana allait avoir un
jour plus qu’une simple chaussure et des habits. Il lui conseille de continuer à
prendre patience car sa fille a beaucoup de chance dans la vie.
– 199 –
Bana
Ankarayze salaŋ ka ban, a ne Alfa se nga wo na nga hina te, wo kaŋ cindi go
nga nda Bonkoyno game. A ne Alfa se a ma koy har Bonkoyno se kaŋ Suuru
yadda. Ankarayze senno banda, a fatta ka dira ka Suuru nda Alfa naŋ.
Ba hala Suuru ga fatta, a na kabe daŋ nga ziibaa ra ka dala zangu ka, ka no
Alfa se, ka ne a ma ŋaaray nga izo se. Alfa ne a ma zango gaayi, nga na a yaafa
a se.
Alfa nda Suuru yoŋ saawara a suba, Suuru batu hala Kattuuma ɲa fatta, a na
nga izo ce nga huwo ra ka har a se wo kaŋ nga ga ba a ma te. Kaŋ a na deeda
kulu te Bana se, a mana ne heri kulu. A si du ka salaŋ zama a ga bay kaŋ nga
sinda fondo nga ma wenji nga baaba se: a hongu kaŋ hano kaŋ nga ne nga
baaba ma Kattuuma ɲa gorkasinay, nga baaba si baar’a amma a yadda nga se.
A ga bay mo kaŋ ba kaŋ i ga ne alwaatey barmay, a mana hima ize ma wenji
bora kaŋ nga hayra suuban a se, hiijay fondo ra. Bora kaŋ baabo suuban a se
mo manti kala Gala Bonkoyno no, bonkoyni kaŋ gonda sorho nga talkey do.
Ya-din mo no a gondo darza ka bisa bonkoyni bobow kaŋ go Balyam labo ra.
Balyam Amiiro bumbo ga baar’a gumo. Bonkoyni no kaŋ talkey si hẽ nda
gumo: a ga ciiti fondey gana nda cimi, ya-din mo no a ga no. Wo-din se no da
kaydiya to, a talkey kulu ga care marga ka koy ka a farey kulu goy.
Bana yadda Bonkoyno ma nga hiiji, Suuru koy di ɲa kayna kaŋ na gaayi ka
har a se. Kayliyo wande binde ma alhabaaro kaani kala a si bay mate kaŋ nga
ga te borey ma si ma za de kaŋ borey kaŋ Bonkoyno donto hiija hããyoŋo fonda
ra mana to koyre jina.
Suuru ye ka ye Alfa do ka har a se. A ne i ma to koyre.
Han din, almaariŋo jingaro banda, Suuru na nga gorkasino ce huwo ra ka har
a se. Kaŋ a na senno har Kattuuma ɲa se, wayboro me ferante a ne:
– May se no ni ga ni izo hiijendi? Ni ne Bonkoyno se? Kocciyo wo cine no i ga
hiijendi albeeri se? Kocciyo wo cine no boro ga daŋ waycetaray ra?
– A si te heri kulu. Boro ga ŋaaray de no Irke ma hiija te albarkante.
Suuru ga bay za hano kaŋ Kattuuma ɲa si ba nga izo. Boro kaŋ si ba boro mo
si ba boro se gomni. A wane ize-wayey ga zeenu Bana, amma ba boro fo mana
bay ka ka, ka i hã hiijay se. Hatta ka ka hatta no boro ga di arwasu kaŋ ka ka i
hã: faakaara si bisa jirbi hinka kaŋ arwaso wane hayrey wala a baakow fo ma
senno no i ga a gaayi. Wo kaŋ i ga har a se de ti kaŋ hondiya din ɲa ga kurɲe
wi no. Ya-din ga da boro na a ize hiiji kulu boro mo ga bu de no. Gala borey
annaamey ra, i ga ne ize-way wo ɲoŋo de no a ga tubu: da laalo kulu kaŋ go
– 200 –
. . . texte songhay
Sourou commença alors à remémorer les propos que lui avait tenus Alfa il y a
quelques jours. Il se dit alors que c’est certainement ce dont Alfa lui avait parlé
qui est en train de se concrétiser. Il sait, et cela est connu aussi de tous les
habitants du village aussi, qu’Alfa est un grand érudit. Comme le dit si bien un
adage populaire, Alfa n’a pas appris à lire le Saint Coran en période de famine.
Après qu’il eut appris la lecture du Saint Coran à Gala son village natal, il est
allé dans le Macina poursuivre ses études. Il y passa dix bonnes années au
cours desquelles il n’a jamais mis pied à Gala. Après le Macina, il se rendit à
Sokoto pour approfondir ses connaissances. Après Sokoto, il séjourna à Say,
auprès de l’érudit Alfa Mahamane Djobbo, une autre grande figure de l’islam.
Les kaados de Gala ne disent-ils pas souvent que ‘leurs pieds ne supporteraient
pas un voyage jusqu’à Say’, lieu où les litiges les plus problématiques sont
tranchés.
Il a par la suite essayé de se rendre en Misra pour approfondir ses connaissances
de la langue du Saint Coran qu’est l’arabe. Il n’a malheureusement pas réussi à
partir en Egypte. La plupart des habitants de Gala et de ses environs le sollicitent
pour leurs prières. De nombreux marabouts viennent le voir pour approfondir
leurs connaissances.
Un marabout qui a une aussi grande culture ne peut vous dire quelque chose
vous concernant sans que l’on ne le croit. Sourou dit alors :
– J’ai compris ce que vous avez dit ; j’ai bien reçu le message du chef du
village. Je vous demande d’aller dire au chef que j’ai entendu son message et
que j’accède à sa demande. Je n’attends que lui. Je n’ai plus rien à dire. Dès
que je vais rentrer chez moi, je vais en informer Bana et je suis sûr qu’elle va
accepter étant donné que je suis moi-même d’accord. Elle ne pourra pas dire le
contraire.
– Très bien Sourou ! Voilà comment doit se comporter un chef de famille
responsable. Nous te remercions pour l’honneur que tu viens de nous faire. Que
Dieu te rende cet honneur. Que Dieu fasse de ce mariage une réussite. Nous
transmettrons ta réponse positive à celui qui nous a envoyé auprès de toi.
Ankarayze fit alors comprendre à Alfa que lui a fini son travail ; ce qui reste
est de son ressort. Il appartient à Alfa d’aller faire le compte-rendu au chef du
village. Après ces propos, Ankarayze prit congé de Sourou et Alfa.
Quelques instants après, Sourou s’apprêta lui aussi à quitter Alfa ; auparavant, il
remit la somme de cinq cents francs à Alfa en lui demandant de prier pour sa fille.
Le marabout lui demanda de garder l’argent en l’assurant qu’il priera pour elle.
– 201 –
Bana
ɲoŋo ga no a ga tubu a ga. Kattuuma ɲa daa, nda wo kaŋ borey ga miile a ga,
no naŋ a wane ize-wayey mongo hiijay.
Kaŋ na a ka da laala kaŋ i ga ci a ga, i ga a sifa gumo nda kotte. Gurmance
kottekoyni fo no ga ka Gala jiiri kulu, waati kaŋ cine kaydiya ga ba ka hure. A
doona ka ka zama da manti sohoŋ kaŋ alsilaamatara du fondo gumo, jiiri kulu
no Gala borey ga gurmanca din ce a ma ŋaaray ngey se kaydi henno. A ga
ŋaaray i se mo kaŋ da taasu te, do nda cirow buuney si taaso din ŋa. Wo-din
fonda ra no Lompo gurmance doona ka ka Gala. Koyra albeerey ga ne kaŋ
waati din kaŋ manti sohoŋ, nga nda nga baaba no ga ka care bande. Baabo cine
mana bay ka te guneyoŋ ra. Da a ne boro se boro ga bu suba, kulu boro ma
tabbatendi kaŋ wayna si kaŋ bora ga.
Lompo gurmance do no boro yoŋ doona ka di Kattuuma ɲa. Borey senney ra, i
ne Bana no a go ka ka, ka ceeci nga ma haw, kaŋ ga naŋ a ma si jin ka hiiji nga
ize-wayey se. Da koyre ga kayna mo, a gundu si gaayi. Lompo bumbo no na
deeda te boro fo se, boro kaŋ a ga bay bora ga ci Bana baaba se. Lompo ga ma
Bana ma; a ma mo kaŋ alaatuumi no zama ɲoŋo si huna. A ma mo kaŋ Bana no
te heri kaŋ naŋ baabo na Kattuuma ɲa gorkasinay. Lompo diiyoŋo ga, nga
mana hima ka yadda waybora ma heri laalo te Bana se.
Suuru nda nga wande go Bana hiija senno din ga no kala i ga ma boro ga
salam. Suuru fatta huwo ra kala a di kaŋ Alfa no go ka kay nga huwo me. Kaŋ i
na care fo kala fo yoŋ to nga me, Suuru ne i ma kate Alfa se konje a ma goro.
Alfa binde ne nga go ka bisa de no, nga kabay de ka a hiire baani no. Suuru na
dum ka to windo me. Waati kaŋ cine a ne nga ga bande bare ka ye, Alfa ne a se
kaŋ Bonkoyno ne a kaanu nga se kaŋ a yadda. A ne kaŋ ne ka gune jirbi yoŋ, i
ga kate heri kulu kaŋ hiijay hima nda. Bonkoyno ne nga si ba kala hero kulu
ma te kaŋ manti nda gayyoŋ. A ne nga mana Suuru hã heri kulu. Jiney kulu
nga no ga i day.
Wo-ne kulu mana te kala jow waate, alwaati kaŋ ra Gala borey ga ngey ma
wi. Da boro ga ba boro ma bay heri kaŋ go gungo boro hina ra kulu boro ma
koy naaru a se waati kaŋ cine jowo ga ba ka ban. A ga sabanda i na hayni wi, i
na mo wi, i dumariize cindey sintin ka fatta: kuudaku go, oroggo go, albasan
go, hamiisa mo go. Alwaato din cine no arwasu bobow ga hiiji.
Gala Bonkoyno na boro donto nga cale bonkoyney kulu do ka har i se. A har
mo Balyam Amiiro se. I ne kaŋ hino hando, alzumay jina ciino no hiija ga te. I
na boro yoŋ ka kaŋ ga hiija soola kulu te. Borey din se no boro kaŋ gonda
gaakasinay, wala iri ma ne kambuza, ga koy ka a no. Ba kaŋ Gala Bonkoyno
– 202 –
. . . texte songhay
Le lendemain de l’entretien qu’il a eu avec Alfa et Ankarayze, Sourou attendit
que la mère de Kattouma soit absente pour appeler sa fille à l’intérieur de la
maison et lui dire ce qu’il souhaite qu’elle accepte. Après avoir écouté son père,
Bana ne dit rien. Elle ne dit rien car convaincue qu’elle ne doit rien refuser à
son père ; elle se rappelle du jour où elle avait demandé à son père d’épouser la
mère de Kattouma : son père avait accédé à sa demande quand bien même cela
ne lui plaisait pas. Elle sait aussi qu’en dépit des changements en cours dans sa
société, il est encore une valeur importante qu’une fille puisse accepter le mari
que son père lui aura choisi. Le choix de son père n’est pas non plus un choix
ordinaire : il s’agit bien du chef du village de Gala, un chef adulé par ses sujets.
Ce chef est aimé de même par le grand Amiirou du canton de Balyam. Il est
rare qu’un de ses sujets se plaigne de lui : non seulement il est impartial, mais
également très généreux. C’est certainement ce qui explique qu’à chaque saison
de pluies, les habitants de son village se réunissent un jour pour sarcler son
grand champ de mil.
Comme Bana a accepté de devenir la future épouse du Chef du village, son
père alla donner l’information à sa tante qui l’avait gardée quand elle était
petite. Cette dernière en était tellement contente qu’elle ne savait plus
comment se comporter, au risque de divulguer la nouvelle dans tout le village.
Sourou se rendit par la suite chez Alfa pour lui dire qu’il est prêt à le recevoir
pour officialiser la demande en mariage.
Ce jour-là, après la prière de magrib, Sourou convoqua son épouse dans la
maison pour l’informer du projet de mariage de sa fille. Elle demanda aussitôt :
– A qui comptes-tu donner ta fille en mariage ? Tu dis bien le chef du village ?
Ce n’est pas cette petite fille que tu comptes donner en mariage à une personne
âgée ! Ce n’est pas une petite fille comme celle-là que tu vas mettre en situation
de coépouse ?
– Cela ne fait rien. Tu dois plutôt prier pour que tout se passe bien pour elle,
pour que Dieu bénisse ce mariage.
Sourou sait bien que la mère de Kattouma n’aime pas sa fille. Et comme le dit
bien l’adage, celui qui ne vous aime pas ne peut pas vous souhaiter du bien. Ses
propres filles sont plus âgées que Bana ; mais aucun garçon n’est venu
demander la main de l’une ou l’autre. C’est très rarement que l’on voit un
garçon venir faire la cour à l’une ou l’autre, mais cela n’a jamais duré plus de
quelques jours. Généralement c'est sur conseil ou injonction d’un parent ou
d’un ami que le garçon abandonne. L’argument avancé pour le dissuader refère
– 203 –
Bana
gonda alzaka, a talkey gonda hanni ngey ma cabe a se kaŋ a beeray go ngey do
ba suba. A ka ka sabanda mo kaŋ wayhiijo gonda sorho koyra boro bobow do:
boro kulu no mana bay ka ma noŋ kaŋ Bana, Suuru ize, na taali te boro fo se.
Boro kulu mana bay ka ma noŋ kaŋ a na albeeri fo wow. Ya-din mo no baabo
gonda beeray borey do. Boro fo yoŋ si bay hala Bonkoyno no ngey ga kambuza
wala mo Suuru se no ngey ga koy nda ngey gaakasina.
Hala a ga cindi hiija se hebu hinka, Gala koyra borey kaŋ gana ka ye almaney
bande sintin ka to koyra ra: boro fo yoŋ ga kande hancini ka ne ngey kambuza
no, boro fo yoŋ mo ga kande feeji. I sintin ka alman haw kala a ga ba ka to
kuru. Fulaŋey kaŋ ga Gala borey almaney gaayi ne i ma ne kaŋ han kaŋ hane
hiija ga te, ngey mana ne boro kulu ma wa wala ji day, wo-din te ngey senni.
Ya-din no balley kaŋ ga ka Gala, da koyra borey na nga ma wi, ngey mo ne kaŋ
tuuro kaŋ i ga hina nd’a go ngey jindey ga. Ifo yoŋ kande alman, ngey
gaakasinay, Gala Bonkoyno hiija fonda ra. Da boro ga ba boro ma bay hala
innadamiize gonda baakow, boro ma batu han kaŋ hane a te batu. Gala
Bonkoyno cine ga gaabu.
Hala hiija zaariŋo ga to, Bonkoyno na zambar waydu samba Bana hayrey se,
ka ne i ma te a se hu-jinay. A daŋ nooro din bande, alman komsi iddu: yeeji
hinka, haw way fo, feeji gaaru hinza. A ne wo-din kulu Bana baaba wane yoŋ
no. A samba Lamsa, labo koyre beero kaŋ ra i ga haaza caadantey neere, i ma
day Bana se bankaaray: sunduku me fo jiney no i day. Heri kulu kaŋ ga kaanu
wayboro se da a ga ba ka hiiji no i day Bana se.
Kaŋ i kate sunduko ka hun Lamsa, i mana kond’a kala Bana ɲa kayna din do:
nga no go ka te way-ɲa. Kattuuma ɲa si ka bay heri kulu kaŋ go ka te. Suuru
no ne i ma si heri kulu daŋ a kabo ra: mate kaŋ a si ba nga izo nda din, a mana
hima a ma hure a hiija jine.
Kaŋ a ga cindi hiija se jirbi iyye, Bana gana ka ye nga ɲa kayna din yoŋ do.
Baabo go ka hamburu a se Kattuuma ɲa kotta. Jirbi bandey wey, waybora si ka
keni, a si ka goro. Boro fo yoŋ ne ngey diy’a hala koyre fo kaŋ go Gala se kilo
way cine, noŋ kaŋ zimmow beeri fo go. Kaŋ a mongo ka du ngey koyra ra boro
kaŋ ga goy a se kulu a koy no-din. Zimma ne a se:
– Kattuma ɲa, ay na ni ŋaaray nda Irke kala ni ma fanda kocciyo wo. Boro
kulu no si hin ka heri fo te a se zama a zino no ga beeri. Bana manti zanka kaŋ
ŋaaray ga heri fo genji a se. Irke bumbo ka a suuban nga taka-herey ra. Sobay
ka naŋ.
– 204 –
. . . texte songhay
à la mère de ces filles dont on dit qu’elle est tueuse de maris. Par conséquent
celui qui épouse une de ses filles aura le même sort. Les coutumes et les us de
Gala sont tels que l’on pense qu’une fille hérite du caractère de sa mère : tout
ce que sa mère a de négatif, elle en héritera. Le mauvais comportement de la
mère de Kattouma est certainement l’explication la plus probante du fait que
ces deux filles ne soient jusqu’ici pas mariées.
Outre son mauvais caractère, elle est réputée être une femme qui pratique
beaucoup la sorcellerie. Il y avait dans le village de Gala un grand devin qui y
arrivait chaque année à l’approche de la saison des pluies. Les habitants de
Gala avaient l’habitude de l’inviter pour qu’il leur fasse des consultations en
vue d’une bonne saison des pluies. De ces consultations, il pouvait annoncer
non seulement une bonne campagne agricole mais aussi que les sauterelles et
les oiseaux migratoires n’allaient pas ravager les récoltes. C’est ce qui
expliquait dans bien des cas la présence de Lompo le gourmantché. Par le passé,
il venait avec son père qui était très fort dans ce domaine. Son père était
capable de prédire la mort de quelqu’un un jour bien précis, et cela se réalisait
avant la fin de la journée.
Plusieurs personnes disent avoir vu la mère de Kattouma sortir de chez Lompo
le gourmantché. Bien de gens disent qu’elle partait pour lier Bana, pour faire
en sorte qu’elle ne se marie pas avant ses propres filles. Dans un petit village
comme Gala, les nouvelles circulent vite. Le devin Lompo a lui-même informé
une personne dont il savait qu’elle pouvait en parler au père de Bana. Il a
beaucoup entendu parler de Bana ; il sait qu’elle est orpheline de mère. Il a
appris aussi que c’est sur son insistance que son père a épousé la mère de
Kattouma. Lompo considérait alors qu’il ne doit pas permettre à cette femme
de faire du mal à Bana.
Alors que Sourou parlait du mariage de sa fille à sa seconde épouse, il
entendit quelqu’un s’annoncer à la porte de la maison. Il sortit et trouva Alfa à
la devanture de sa maison. Après les salutations d’usage, Sourou demanda que
l’on apporte une chaise pour qu’Alfa puisse s’asseoir. Celui-ci déclina la
proposition en disant être passé juste pour le saluer. Sourou l’accompagna alors
jusqu’à la porte de la concession. Alfa lui transmit alors les remerciements du
chef du village pour sa réponse positive à sa requête. Il l’informa aussi du fait
que dans quelques jours, l’on apportera tous les éléments relatifs au mariage.
Le chef souhaite que tout se passe dans un temps record. Il ne demande rien à
Sourou : il se chagera de toutes les dépenses liées au mariage.
– 205 –
Bana
– Da ni si waani, ni ma naŋ ay ma koy boro fo do. Hiija din si te honkuna, a si
te suba. Da ay go baahunay ra kulu Bonkoyno si Bana hiiji.
– Ay ne ni ma naŋ zama ay mana di boro kaŋ ga hin ka heri fo te Bana se. Da
ni si ma mo, ni ma tun ka fatta ay huwo ra za ay mana tun ni se.
– Ay go ka koy. Ni ga ma mo kaŋ Bana hiija din mana te.
Kattuuma ɲa fatta zimma huwo ra, a na nga fonda sambu ka ka Gala. A ka ka
gar hiija kaŋ a si ba a ma te soola go nga boŋ ga. Boro ga miile ba hala labo
parsidaŋo no go ka Gala koyra ra. Boro kaŋ gonda hina kulu na nga bankaaray
teeji yoŋ ta. Boro fo yoŋ mo na ngey wane zeeney ɲuma. Boro kulu ga ba i ma
ne Bana hiija hane nga jogolo te ka bisa borey kulu waney.
Za i na hiija zaariŋo gaayi kala a ga cindi a se jirbi hinka, Suuru mana bay ka
te zaari fo kaŋ a mana koy Alfa do ka ne a ma ŋaaray nga izo se, a ma ŋaaray
Irke ma naŋ bato ma ban nda baani. A mana dirgan mo ka ci Alfa se kaŋ nga
gorkasino si ba nga izo ka daŋ ba safaray ra. Alfa ne a se kaŋ a go ga nga boŋ
taabendi de no, a si hin heri kulu ka hasara Bana se.
Alzuma ciino no Bana nda Bonkoyno hiija ga hima a ma te. Alkamiisa
zaariŋo, Gala boro kulu na nga goyey gaayi ka te hiija soola senni: boro fo yoŋ
ga haabu, boro fo yoŋ ga tanda kar. A ka ka gar wayborey na ngey huwey
taalam hala i boori.
Susuba ra, i na yeeji hinka wi i ma du ka te yowey se cirkosay zama koyrey
kaŋ ga Gala windi borey sintin ka ka. Doonikey sintin doonu za susuba ra.
Waato din, Gala koyra gonda doonikow beeri fo kaŋ na Gala maayo ka taray:
doonikow no kaŋ koy ba annasaarey labey ra ka doonu.
Alaasaro jingaro banda no i ga tirhawo te. Ba hala i ga aluulaa jingar, Balyam
Amiiro ka ka to Gala. Ya-din no Balyam kumandoŋo mo ka: sooje hinka no go
a bande nda ngey malfey.
Alaasaro jingaro banda, jamaa na care marga Suuru koyre: a ka ka sabanda i
na taari beeri yoŋ daaru windo kulu ra. I na boro yoŋ daŋ kaŋ ga yowey kubay.
Borey sintin ka ka goro-goro.
Alfa nda Ankarayze no hure borey jine, ka ka tirhawo do. Ngey no ka
Bonkoyno ma ga. Ba hala i ga hure windo ra kala kaŋ i salam: da i mana tu i se
mo i si hure.
Alwaati kayna banda kaŋ Alfa nda Ankarayze yoŋ hure windo ra, Suuru yoŋ
windo me fo boro.
– 206 –
. . . texte songhay
Tout ceci se passait en fin de saison froide, période qui coïncide avec la
récolte du riz dans le village de Gala. C’est en cette période que les insulaires
qui cultivent le riz sont à même de bien accueillir une personne qui leur
rendrait visite. Ils disposent en cette période de leurs récoltes de mil et de riz,
mais aussi de bien d’autres denrées parmi lesquelles la patate douce, le manioc,
l’oignon et le poisson. Beaucoup de mariages sont célébrés en cette période.
Le chef du village de Gala prit soin auparavant d’envoyer un messager auprès
de ses homologues chefs des autres villages. Il informa aussi le grand Amiirou
de Balyam. L’on annonça que le mariage sera célébré le premier vendredi du
mois lunaire prochain. Des personnes ont été choisies pour s’occuper de tous
les préparatifs liés au mariage. Ce sont eux qui reçoivent les contributions
venant de partout. Bien que leur chef soit quelqu’un de nanti, les habitants de
Gala ont bien l’intention de montrer à leur chef qu’ils ont toujours de l’estime
pour lui. Coïncidence, la future mariée est elle-même quelqu’un qui pour qui
les habitants de Galaa ont beaucoup d’estime : personne n’a jamais entendu ou
vu Bana, la fille de Sourou, faire ou dire du mal de quelqu’un. Personne ne l’a
entendu insulter une personne plus âgée qu’elle. Son père aussi était estimé de
tous au point où certaines personnes du village ne savaient plus s’ils doivent
donner leur contribution à Sourou ou bien au chef du village.
Deux semaines avant le mariage, les habitants de Gala qui sont momentanément
installés dans les champs environnants ont commencé à regagner le village.
C’était à qui apportait un bouc ou un bélier comme contribution à l’organisation
du mariage de leur chef. Quelques jours après, les cadeaux commençaient à
constituer un vrai troupeau. Les Peulhs des environs et qui gardent les troupeaux
des habitants de Gala s’engagent pour leur part à apporter le lait et le beurre de
vache à l’occasion de ce mariage. Pour leur part, les Bellas qui viennent souvent à
Gala à l’occasion des récoltes de riz s’engagent à apporter le bois de chauffe. Et
comme le dit bien l’adage, ‘lorsque l’on veut savoir si quelqu’un a des des
personnes qui l’aiment, il faut bien attendre le jour où cette personne organise
une cérémonie’. De ce point de vue, le chef du village de Gala n’est pas une
personne ordinaire.
Bien avant la date du mariage, le chef du village a pris soin d’envoyer la somme
de trois cent mille francs aux parents de Bana pour payer la trousse de mariage. Il y
avait en plus de cette somme des animaux, notamment deux taureaux, une génisse
et trois béliers. Tout cela devait revenir au père de Bana. Il envoya quelqu’un à
Lamsa, la plus grande ville du pays où l’on vend les objets les plus chers, pour
acheter des habits à Bana : une grande malle remplie d’habits sera achetée. Tout ce
qui est nécessaire au mariage d’une jeune fille fut acheté pour Bana.
– 207 –
Bana
Waato kaŋ borey kaŋ i daŋ hiija jine kambu hinkaa kulu ka, i ne i ma goora
nda dabiina fay borey se. A ka ka gar i na wayborey wono ka ka kond’a: Alfari
wande kaŋ ti Bana ɲa kayna yoŋ do no i konda goora din. Kattuuma ɲa go ka
goro, i bisa nda goora a ga, ka kond’a no-din.
Goora fayyoŋo banda no i ka ka tirhawo bumbo te. Ankarayze kaŋ ti
Bonkoyno hase no ga hure hiija jine. Bana kambo hare mo, a wane hasay fo go
ka goro. Arhiijo borey ga salam i ga, ngey mo ga tu i se. Waati din no i ga
tirhawo nooro nda alaadey kulu nooro kabu ka no Bana hase se. Wo-din banda,
i ga ci borey kulu se kaŋ i si arhiijo hã ba dala. Wo kaŋ cindi go alfagey kabey
ra. I ne i ma alfatiya ta, i ma hiija haw. Boro fo goro banda ka ne:
– Siise, haw iri se a ma boori; caw iri se aya beeri-beerey kaŋ Maasina alfagey
ga tirhaw nd’a.
Alfa sintin nda bismillaahi. Wo-din banda no a na cow kukow fo te. Alfatiya
ban, koŋŋey tunu nda cillo. I ne:
– Kaŋ ga ka ma ye, Bana Suuru ize hiiji honkuna.
Hala hiijay te i do, Gala borey gonda ngey wane annaamu fo kaŋ i ga te.
Borey ga care marga no arhiijo yoŋ do. No-din no i ga taari daaru, taari teeji
kaŋ boŋ i ga arhiijo gorendi. Waatin, boro kulu kaŋ gonda hanni nga ma a
kambuza ga kande wo kaŋ go nga hina ra.
– 208 –
. . . texte songhay
La malle rapportée de Lamsa a été transportée au domicile de la tante de
Bana : c’est elle qui fait office de mère de la mariée. Quant à la mère de
Kattouma, elle ignore tout de l’organisation du mariage de Bana. Sourou, le
père de Bana, avait ordonné de ne rien lui confier : comme elle n’aime pas sa
fille, elle ne peut jouer le rôle de mère de la mariée.
D’ailleurs une semaine avant le mariage, Bana s’installa chez sa tante. Son
père craignait que la mère de Kattouma ne lui jette un mauvais sort. Ces
derniers temps, elle est dans tous ses états. Certaines personnes disent l’avoir
vu dans un village qui se trouve à près de dix kilomètres de Gala où elle serait
allée consulter un grand zimmow. Comme elle n’a pas pu trouver quelqu’un qui
ferait ce qu’elle souhaite, elle est allée dans ce village. Le zimmow lui aurait
dit :
– Mère de Kattouma, je te prie de vouloir laisser cette fille. Personne ne peut
rien contre elle car elle a une grande protection. Bana n’est pas une fille contre
qui l’on peut faire quelque chose de mal. Elle fait partie des élus de Dieu le
Tout-Puissant. Laisse-la.
– Si tu ne sais rien faire, laisses-moi aller ailleurs. Ce mariage n’aura pas lieu.
Tant que je serai de ce monde, le chef du village n’épousera jamais Bana.
– Je t’ai dit de laisser tomber car je ne connais personne de ce monde qui
puisse faire quelque chose de mal à Bana. Si tu ne veux pas m’écouter, je te
demande de bien vouloir partir de chez moi avant que je ne te fasse du mal.
– Je m’en vais. Et tu apprendras bientôt que le mariage de Bana n’a pas eu
lieu.
La mère de Kattouma quitta alors la demeure du zimmow pour reprendre son
chemin et revenir à Gala. Elle trouva que les préparatifs du mariage qu’elle ne
souhaitait pas se réaliser se poursuivaient normalement. On aurait dit que le
village de Gala s’apprêtait à accueillir le chef de l’Etat de Toolom. Ceux qui en
ont les moyens ont fait coudre de nouveaux habits. D’autres en revanche se
sont contentés de laver ceux qu’ils ont depuis toujours. Chacun souhaitait que
l’on dise de lui qu’il était des mieux habillés le jour du mariage de Bana.
Depuis que la date du mariage a été fixée, Sourou n’a jamais passé un seul
jour sans aller voir Alfa pour lui demander de prier pour sa fille ; il lui
demandait de prier aussi pour que toutes les cérémonies se passent dans la paix
et la tranquillité. Il n’a pas manqué d’informer Alfa du fait que son épouse
actuelle n’aime pas du tout sa fille. Alfa lui demanda de se tranquilliser car elle
ne pourra rien contre sa fille Bana.
– 209 –
Bana
Hano kaŋ hane Bana nda Bonkoyno hiija ga te din, aluula jingaro banda,
borey na care marga Gala Bonkoyno faadaa ra. Bonkoyno go ka goro nga konja
beero ra, jamaa gamo ra. A ka ka gar i na taari beeri yoŋ daaru. Taarey din
boŋ, i na tapi yoŋ daaru. Yow beeri-beerey go ka goro-goro.
Boro jina kaŋ ga kande nga kambuza ga ti arhiijo hasay, sanda ɲa gundo
wane arma. A banda no arhiijo baaba wala baabo kayney nda beerey mo ga
kande ngey gaakasina. Boro yoŋ no ga goro arhiijo jare ga, kaŋ boro kulu
kande dala wala heri fo ka ne nga na arhiijo kambuza, i ga fe ka ci, kaŋ ga naŋ
boro kulu kaŋ go bato ra ma bay heri kaŋ bora no.
Bonkoyno hiija din hane, hasa kaŋ ti Ankarayze ka bato ra, a ciinay Alfa se ka
ne nga na nga tuba kambuza nda yeeji hinka nda mo saaku gu. Koŋŋey kaŋ go
ka kay-kay na cillo sambu. I fo ne:
– Cillo ma hẽ ni se Ankarayze, zama wo no i ga ba hasay ga. Hasay ga
fayanka nda hasu.
Ankarayze kambuza banda no Bonkoyno baabey mo ka: Bonkoyno baaba
gunda kaŋ si huna wane baabiize yoŋ no. Ngey nda Bonkoyno baaba yoŋ kulu
ɲa fo, amma i si marga baaba. I boro fo kulu ne nga na Bonkoyno kambuza nda
yeeji fo nda mo saaku hinka.
– 210 –
. . . texte songhay
Le mariage du chef du village d’avec Bana est prévu un jeudi. Ce jour-là, le
matin très tôt, tout le village de Gala était occupé à organiser ce mariage :
certains balayaient pendant que d’autres faisaient des hangars. Les femmes
pour leur part ont bien orné leurs maisons.
Ce jour-là, dès le matin, l’on immola deux taureaux pour préparer le repas des
convives : en effet des gens des villages voisins avaient déjà commencé à venir
à Gala dès le matin. Les grands chanteurs du village s’activaient déjà. A cette
époque, il y avait dans ce village un grand chanteur, un chanteur de renommée
internationale : il a été dans bien de pays chanter les chansons que bien des
jeunes de Gala fredonnent tous les jours. .
C’est l’après-midi, juste après la prière de alaasar, que l’on doit organiser la
cérémonie religieuse. Auparavant, le grand Amiirou de Balyam était arrivé. Le
commandant, représentant de l’administration de l’Etat de Toolom était
également au rendez-vous : il était accompagné de deux gardes qui assuraient
sa sécurité.
La prière de alaasar faite, tout le village converge alors vers le domicile de
Sourou où doit avoir lieu la cérémonie religieuse. Auparavant des nattes ont
été étalées, des chaises disposées pour recevoir les participants à cette
cérémonie. Quelques personnes avaient été désignées pour accueillir et installer
les invités qui ont commencé à arriver.
La délégation du marié est conduite par son oncle Ankarayze et Alfa, le grand
marabout du village. Avant d’entrer dans la concession de Sourou, ils
s’annoncèrent. Et c’est seulement après une réponse de l’autre partie, en
l’occurrence les représentants de la mariée, qu’ils entrèrent dans la cour.
Quelques instants après la délégation du marié, la concession de Sourou était
pleine de monde.
Une fois les représentants des deux parties arrivés, l’on procéda à la
distribution de la cola et des dattes. A cette occasion l’on n’avait pas oublié de
remettre aux femmes leur part : c’est au domicile de la femme de Alfari, la
tante de Bana, que l’on est allé remettre ce paquet. La mère de Kattouma voyait
passer le paquet de cola sous ses yeux.
La ditribution de la cola terminée, place à la cérémonie religieuse. L’oncle du
chef du village, Ankarayze est à cette occasion le représentant du marié. Face à
lui, un oncle de Bana la mariée. Les représentants du marié s’annoncent et ceux
de la mariée leur répondent. Après quoi, l’on doit payer tous les autres frais liés
au mariage, notamment l’argent qui revient à certains groupes socio-
– 211 –
Bana
Waati kaŋ Bonkoyno baabey din ci borey kulu jine heri kaŋ ngey na ngey izo
kambuza nd'a, ɲa-hu borey ye ka ka, ka tonton Ankarayze wono ga. Hero ga
hima de beefe ɲa-hu nda baaba-hu borey game ra. Kambu kulu si ba kala i ma
ne nga no ga ba arhiijo ka bisa wo-hendi.
ɲa-hu nda baaba-hu borey banda no koyra borey nda yowey mo ga ngey
kambuzey daŋ. Balyam Amiiro mana no kala yeeji fo nda zambar way.
Kumandaŋo mo kande zambar way, kaayi beeri fo, sukkar kattoŋ fo, kafe
kunku gu nda attaayi kilo gu.
Gala Bonkoyno wane caley Bonkoyney mo ka. Fulaŋey nda balley kaŋ go a
labo ra mo kande ngey gaakasiney. Ya-din no, sorkey kaŋ go gungey kaŋ ga
man Gala mo kande hamiisa bobow ka ne ngey kambuzaa no.
Han din, i di ka nooru kabu no kala borey kaŋ go ka kabu ne i ma naŋ hala
suba i ma ci borey se marje kaŋ i du, nda alman marje kaŋ i du.
Kambuzey nooyoŋo bato banda no yow beeri-beerey kulu sobay ka ye hu:
Balyam Bonkoyno nda Kumandaŋo hure masin hi beeri fo ra ka ye hu.
Bonkoyney kaŋ go Gala windanta koyrey ra mo wayma ka ye hu. A cindi
arwasey nda doonikow buuna.
– 212 –
. . . texte songhay
professionnels. L’argent de la célébration du mariage est lui remis à l’oncle de
Bana. L’on annonce, par un crieur public, généralement une femme, que tous
les frais ont été payés et que par conséquent l’on peut faire la fatiah pour
célébrer le mariage. Le grand marabout de la séance, Alfa commença alors à
réciter les versets recommandés pour ces circonstances. Une voix se dégage de
la foule et dit :
– Cissé, célèbre-nous ce mariage ; récites-nous les grands versets que les
marabouts de Macina utilisent à ces occasions.
Alfa commença par la sourate de la fatiah. Après quoi, il récita un long verset.
S’en suivit des cris et des you-yous dits par des femmes qui annoncent :
– Le mariage entre le chef de notre village et Bana vient d’être célébré. Que
ceux qui pensent venir demander la main de Bana sache que cela n’est plus
possible car elle est désormais mariée.
Lorsqu’un mariage a lieu dans ce village de Gala, il y a une coutume à
laquelle on ne déroge jamais. Tout le monde se retrouve chez le marié. On
étale alors une grande natte neuve sur laquelle l’on installe le marié. Après
quoi, chaque personne, homme ou femme, vient déposer devant tout le monde
sa contribution à son mariage.
Le jour du mariage de Bana d’avec le chef du village, après la cérémonie
religieuse qui a eu lieu après la prière de alaasar, tout le village se retrouva à la
cour du chef. Assis sur sa grande chaise, le chef était au milieu de la foule. On
avait auparavant étalé de grandes nattes sur lesquelles l’on a posé des tapis. Les
invités de marque étaient assis autour du chef.
La première personne à venir annoncer la nature de sa contribution en cette
circonstance est bien entendu l’oncle du marié ; autrement dit le frère de sa
mère. C’est seulement après que le père du marié et ses frères (oncles paternels
du marié) vont à leur tour défiler. Des personnes assises à côté du chef
reçoivent tous les dons et cadeaux : un crieur public annonce à haute et
intelligible voix la nature de la contribution de chaque personne.
A l’occasion de ce mariage du chef de village, son oncle Ankarayze se
présenta devant la foule. Il se dirigea vers Alfa et lui murmura à l’oreille pour
lui annoncer sa contribution : il lui dit donner deux taureaux et cinq sacs de riz
paddy. L’une des femmes qui faisait office de crieurs publics et à qui Alfa
annonça la nature de la contribution de l’oncle du chef prit la parole pour dire :
– Honneur à toi Ankarayze ! C’est de cette façon que doit se comporter un
vrai oncle. Tu n’es pas un oncle ordinaire.
– 213 –
Bana
Almaariŋo jingaro banda, i na wayhiijo kubay ka kond’a nga huwo ra. Ba hala
i ga a daŋ nga huwo, i kond’a ka cabe wayco se. Bana hiiji, a te Bonkoyno se
wande.
Gala arwasey nda hondiyey te jirbi yoŋ kaŋ i go ka horay ka ngey bine-farhã
cabe ngey Bonkoyno se. Zaari kulu no i ga yeeji fo nda feeji boŋ gu wi jamaa
se. Borey me senno ra, hiija din dumo mana bay ka te Balyam labo me a me ra.
– 214 –
. . . texte songhay
Après l’oncle du chef, ce fut le tour de ses parents du côté de son père,
notamment les frères du père du chef. Ils sont de même mère que le père du
chef, mais de pères différents. Chacun d’eux dit avoir contribué à hauteur d’un
taureau et de deux sacs de riz paddy.
Par la suite, les parents du chef du côté de sa mère revinrent à la charge pour
ajouter à ce que son oncle Ankarayze a déjà annoncé. La scène ressemble
désormais à une sorte de compétition entre les membres de la famille du côté
de la mère versus ceux du côté du père. Chaque partie souhaite être vue
comme celle qui aura le plus contribué à l’occasion de ce mariage.
S’en suivent les habitants du village et ceux des villages environnants ainsi
que les grands invités du chef. Le grand Amiirou de Balyam a fait don d’un
taureau et de la somme de cinquante mille francs. Le Commandant a pour sa
part fait don de la somme de cinquante mille francs, d’un grand boubou, d’un
carton de sucre, de cinq boîtes de café et de cinq kilogrammes de thé.
Les autres chefs de village apportèrent chacun leurs contributions. Les Peulhs
et les Bellas donnèrent eux aussi leurs contributions à travers leurs chefs de
groupements. Les pêcheurs qui vivent sur les îles aux environs de Gala ont
également apporté leurs contributions.
Les contributions financières étaient telles que l’on arrêta de les compter : le
montant total ainsi que le nombre d’animaux seront annoncés le lendemain
lorsque l’on aura fini de tout compter.
Après cette cérémonie de remise des contributions, une bonne partie des
invités de marque se préparent à rentrer chez eux : le grand Amiirou de Balyam
et le Commandant entrèrent dans la pirogue à moteur pour retourner à Balyam.
Les autres chefs de villages regagnèrent leurs villages avant le coucher du
soleil. Il restait essentiellement les jeunes, mais aussi les chanteurs et les griots.
Après la prière de magrib, la mariée fut conduite au domicile de son mari.
Auparavant, elle a été présentée à sa coépouse comme le veut la tradition. Elle
aura également été présentée aux parents du chef : elle est en fait d’abord
conduite au domicile d’Ankarayze, l’oncle du chef.
Les jeunes filles et garçons passèrent des jours, comme le veut la tradition, à
célébrer ce mariage à travers chants et danses, en particulier les soirs. Il en est
ainsi dans cette contrée depuis la nuit des temps : les mariages donnent lieu à
des réjouissances tenant lieu d’expression de joie. Aux dires des uns et des
autres, un tel type de mariage n’a jamais eu lieu dans tout le canton de Balyam.
– 215 –
Bana
Bana hiija banda jiiri fo, a hay ka du ize alboro. I na kocciya daŋ Yuusufa.
Baabo no na maayo din suuban. Bonkoyno ma kocciya din hayyoŋo kaani zama
wande beero mana du a se kala ize wayboro hinne. Da i ne bonkoyni mo, i ne
boro kaŋ ga ba ize alboro zama wayboro si koytaray ŋa: bonkoyni kulu no ga
ŋaaray Irke ma nga no boro kaŋ ga nga tubu, koytara fonda ra.
– 216 –
. . . texte songhay
Bana étant mariée, elle ne vit plus avec Kattouma et sa sœur.
Quelques jours après le mariage, Sourou appela son épouse, la mère de
Kattouma, pour lui faire part d’une décision. Il lui annonça sa décision de la
répudier : elle ne doit plus entrer dans sa maison (à lui). Ce à quoi la mère de
Kattouma répondit :
– D’accord ! Je prends bonne note de cette information. Mais tu regretteras
ton acte.
Laabata dit alors à Sourou qu’il ne se remariera plus jamais de sa vie. Elle
ignorait que cela faisait bien longtemps que Sourou était à la recherche d’une
nouvelle épouse. La situation aidant, notamment le mariage de sa fille d’avec le
chef du village, il ne lui a pas été difficile de trouver une nouvelle femme. Il y
avait déjà une belle jeune femme qui était prête à accepter son offre, et cela
bien avant le mariage de sa fille. Mais Sourou souhaitait organiser d’abord le
mariage de sa fille.
Un mois après s’être séparé de la mère de Kattouma, Sourou se remaria d’avec
la jeune femme qui avait accepté il y a longtemps sa proposition. Ce mariage a
été célébré sans grand faste. Mais les choses n’ont pas plu à la mère de
Kattouma, surtout que la nouvelle épouse de Sourou vivra désormais dans la
même concession qu’elle : elle la verra donc tous les jours. Par ailleurs, ces
deux filles n’ont jusqu’ici pas de copains, à plus forte raison de prétendants au
mariage.
Un an après son mariage, Bana donna naissance à son premier enfant, un
garçon que l’on prénomma Youssoufa. Le choix de ce prénom a été fait par
Sourou, le père de Bana. Le chef du village était très content de la venue au
monde de cet enfant : il s’agit de son premier enfant du sexe masculin, sa
première épouse n’ayant jusqu’ici mis au monde que des filles. Nul n’ignore
l’importance pour un chef de village d’avoir des garçons dans sa lignée, car
seuls ceux-ci peuvent prétendre à la succession de leur père en tant que
princes. Tout chef prie donc pour avoir des enfants du sexe masculin.
– 217 –
Bana
3. Haro cire
Y uusufa hayyoŋo din na Bana kaasa tonton Bonkoyno ga. A mana naŋ a
ma nga wande beero kabe bande, amma heri bobow yoŋ go no kaŋ
Bana hinne se no a ga i har. Bana nda wayco ga ma care se gumo: ba kaŋ
wayco mana zeenu gumo, Bana si ne a se kala nga ɲa. A ga waybora beerendi
gumo. I boro hinkaa gorkasina go ka kaanu Bonkoyno se gumo.
Gala borey si ɲumay kala haro me: albeeri ga, zanka ga, boro kulu si koy kala
haro me ka ɲumay. Bonkoyno windo ra gonda kosendi kaŋ ra a ga ɲumay; da
baayoŋ wandey mo si ɲumay kala kosando din ra. Amma, waati fo yoŋ i ga do
haro ka ɲumay.
Han fo, susubay ra, adduha ra, Bana koy haro me ka ɲumay. A do haro ra
kala noŋ kaŋ cine boŋo hinne no boro ga di, heri kaŋ ga naŋ saafuno kaŋ a kar
nga ga ma hun. A ka sabanda hondiyo kayna folloŋ no nga nda go haro me.
Hala a ga te kayna, kulu hondiya di kaŋ Bana dare haro cire. Hondiya miile ba
hala a miri de no ka nga boŋo ɲumay. Kala a di kaŋ a gay, a mana tun. Hondiya
sintin ka hamburu, a sintin ka zogo-zogo. A mana di heri kulu. Kaŋ a di de kaŋ
Bana gay a mana tun, a zuru ka zigi ka koy albeerey ce. Borey zuru ka ka; boro
fo yoŋ sintin ka ne a yoole no. Boro jarey mo ma ne a si hin de ka te a ma yoole
za de kaŋ a ga waani ziiyoŋ. Boro fo yoŋ sintin ka ne hasu no na Bana di.
Hala a ga te kayna kulu senno to Bonkoyno. I ne a se kaŋ wande kayna no
dare haro ra sohonda. Sahã din a ka haro me ga, nga nda faadancey. A ne i ma
koy Alfa ce nga se. A ye ka ne i ma koy do beero ce nga se, zama hari senni no.
Mate kulu kaŋ Alfa te, a si heri fo bay haro ra ka bisa do.
Kaŋ dey albeero ka, a ne i se i ma ngey lakkal kanendi, a si hin ka te Bana ma
yoole ne-wo isaa ra; a si hin ka te mo heri fo kaŋ go haro ra ma a di. Kanay kaŋ
ti dey albeero ne Bonkoyno se:
– Ni ga bay boro kaŋ ti ni wande? Ni ga bay boro kaŋ ize no?
– Suuru kaŋ boro kulu ga bay wane izo no! Nga no fo?
– May ti ɲoŋo? Manti baaba hinne no ga ize hay!
– Ay si ka faham ni senno se Kanay.
– Ay ga ni fahamendi: Bana ɲa manti kala Arkuso haama no. Ni ga bay mo
kaŋ Arkuso no goro iri huwo izey kulu jine ba hala i ga jine-borotara daŋ ay
kabo ra.
– 218 –
. . . texte songhay
3. Sous l’eau
L a naissance de Youssoufa a rendu sa mère Bana davantage choyée : son
mari de chef l’aime encore plus. Bien qu’il ne néglige pas sa première
épouse, pour beaucoup de décisions importantes, il consulte d’abord Bana sa
deuxième épouse. D’ailleurs, les deux épouses du chef s’entendent à merveille :
bien qu’elle ne soit pas très âgée, Bana appelle sa co-épouse par l’expression
très respectueuse de ‘ma mère’. Elle a beaucoup de respect pour cette femme,
et le chef est très content de cette manière de vivre qu’elles ont adopté d’elles-
mêmes.
Les habitants de Gala ont depuis toujours pris leur bain au bord du fleuve :
c’est là que les adultes, les enfants, chacun se rend pour se laver. Toutefois, le
chef du village a dans sa cour un petit coin qui tient lieu de toilette pour lui-
même. Il arrive que ces épouses aussi utilisent cette toilette ; mais elles vont
généralement au fleuve comme la pulpart des habitants du village.
Un jour, aux environs de dix heures, Bana s’en alla au bord du fleuve pour se
laver. Comme d’habitude, elle avança jusqu’à ce que l’on aperçoive plus que la
tête, afin d’enlever complètement le savon qu’elle venait d’utiliser. Il n’y avait
ce jour-là à cet endroit précis qu’elle et une fillette.
Un moment, la fillette se rendit compte que Bana avait disparu. Elle pensait
qu’elle s’était immergée pour se laver la tête. Quelques instants après, elle ne
voyait pas Bana remonter à la surface. La petite fille commença alors à se poser
des questions ; elle prit peur et regarda dans tous les sens. Elle ne vit rien.
Constatant que Bana ne remontait toujours pas à la surface de l’eau, elle courut
appeler du secours. Aussitôt la foula s’amassa au bord du fleuve ; certains
commençaient à développer l’hypothèse de la noyade. D’autres pensent qu’elle
ne peut se noyer car elle sait très bien nager.
Quelques minutes après, l’information de la disparition de Bana arriva auprès
du chef du village : il apprit que sa seconde épouse venait de disparaître sous
l’eau. Il se rendit aussitôt au bord du fleuve, accompagné de ses courtisans. Il
ordonna que l’on appelle Alfa. Il demanda aussi que l’on fasse venir le chef des
‘do’, car il s’agit bien d’une affaire d’eau.
Lorsqu’arriva sur les lieux le chef des ‘do’, il demanda au chef et à tous ceux
étaient sur place de se calmer car Bana ne peut pas se noyer en ce lieu ; il n’est
pas non plus possible qu’une quelconque créature qui vit sous l’eau puisse lui
faire du mal en ces lieux. Kanay qui est le chef des ‘do’ s’adressa ainsi au chef :
– 219 –
Bana
– Kanay, ay si ka faham ni senno se! Har ay se noŋ kaŋ Bana go, mate kaŋ no
a gonda.
– A go baani samay.
Bonkoyno ga salaŋ, a ga jijiri kar-kar. A wande kaasa, wayhiijo no ga ba ka
dare. Kanay ne Bonkoyno se:
– Ni ga bay kaŋ iri dey gonda alaada kaŋ iri banda kulu hima a ma ka waati
kaŋ cine bora ga hiiji. Wo-din se no iri hu-kaley na a gaayi haro cire. I jalla a
ga zaati zama i batu kala a hay.
– Kanay, ci ay se heri kaŋ no i hima i ma te za wayna mana koroŋ!
– Iri alaadaa de ti da boro ga hin, feeji zan, wala mo bontabay kaaray, kabe-
kar taaci. Da ni na wo-din te kulu wayna si kaŋ ni mana di Bana. A ga fatta
haro ra, heri kulu mo no si duw’a. Amma, feejo no, bontaba no, Bana bumbo
nooro no i ga a day nd’a. Da manti ya-din mo a si te.
– 220 –
. . . texte songhay
– Vous savez qui est votre épouse ? Vous savez qui est son père ?
– Elle est bien la fille de Sourou que tout le monde ici connaît bien ! Et alors ?
– Qui est sa mère ? Ce n’est pas un homme seul qui fait un enfant !
– Je ne te comprends pas Kanay ! Sois un peu plus clair !
– Je vais vous expliquer tout. Bana est en fait la petite fille d’Arkousso. Vous
savez bien que Arkousso était le chef des ‘do’ de ce village et c’est bien après
lui que j’ai hérité de la responsabilité qui est la mienne aujourd’hui.
– Kanay, je ne te suis pas jusqu’ici ! Dis-moi où se trouve Bana, dans quel état
elle se trouve.
– Elle est en bonne santé là où elle est.
Le chef du village était dans tous ses états. Il tremblait de tout son corps, de
nervosité bien sûr. Sa seconde épouse, sa femme choyée est sur le point de
disparaître.
Kanay dit au chef :
– Vous savez que toute personne qui appartient à notre lignée, celle des ‘do’ a
une obligation vis-à-vis de nos ancêtres lorsque la personne se marie. C’est en
référence à cette tradition que les genji de la famille ont décidé de la retenir
sous l’eau. Ils ont même été indulgents à son égard car ils ont attendu qu’elle
accouche normalement, sans qu’elle n’ait des problèmes.
– Dis-moi le plus vite ce que l’on doit faire pour la tirer d’affaire.
– Notre coutume veut que, selon les moyens de chacun, que la personne
donne soit une brebis de robe blanche qui n’a jamais mis bas, soit quatre
coudées d’un turban blanc.
Le chef du village demanda alors qu’on l’attende, le temps pour lui d’aller
chez lui prendre les moyens nécessaires à ce sacrifice. Il ordonna de chercher
dans tout le village une brebis de robe blanche qui n’a jamais porté.
Deux jeunes hommes partent alors à la recherche de la brebis étant donné
qu’il n’est pas possible d’avoir à Gala un turban blanc ; il n’existe pas de
marché à Gala et il faudrait attendre le jour de marché de Balyam qui a lieu
tous les dimanches.
Les deux jeunes gens cherchèrent en vain la brebis dans tout le village de
Gala. Le chef demanda alors que l’on aille en chercher auprès des Peulhs qui
vivent sur les îles environnantes. Les deux jeunes hommes s’engouffrent alors
– 221 –
Bana
Bonkoyno ne i ma naŋ nga ma ziji ka koy hu. A ne i ma ceeci nga se koyra ra
boro kaŋ gonda feeji zan. Arwasu hinka fo hure koyra ra, feeji zano ceeciyoŋ.
Feeji no i ga ceeci zama i si du bontabay kaara: Gala koyra sinda hebu. Balyam
kaŋ ti koyre beero mo hebo si ŋa kala alhado hinne.
Borey weete ka feeji zan ceeci Gala koyra ra, i mana du. Waati din no
Bonkoyno ne i ma koy fulaŋey kaŋ go Tibo nda ngey almaney do ka di hala i
ga du feeji zan. Arwasu hinkaa sar ka hure hi fo ra ka ne fulaŋey do. I ka ka
sabanda fulaŋey gonda feeji zan kaaray; i har i wane albeero se ka ne
Bonkoyno ka ne sohonda i ma kande nga se feeji zan kaaray. Fulaŋey albeero
ne nga si hin ka feejo no zama nga izo wane no. Arwasu fa ne a se boro kulu
kaŋ wane no ngey ga kond’a ka Bana hundo faaba nd’a. Waati kaŋ se Bana
fatta haro ra, marje kulu kaŋ feeji koyo ne i ga a bana. I na feejo sambu ka daŋ
hiyo ka ka Gala.
I ka ka sabanda koyra borey baayoŋo kulu go haro me. Waato kaŋ i kande
feejo, Kanay ne i ma kond’a ka haw ngey windo ra, nga huwo me. A ne
Bonkoyno se a ma ne borey kulu ma zigi ka koy hu, wo kaŋ cindi ngey senni
no.
Borey zigi, Kanay mo koy ka nga goy-jiney sambu ka ka haro me. A na boro
donto Wakana kaŋ da nga si no, nga no ga hawgay nda haro muraadey kulu.
Nga nda Wakana na care kubay haro me, nongo kaŋ Bana dare.
Bonkoyno koy hu ka batu, batuyoŋ kaŋ ga doru. A si bay heri kaŋ go ka te
haro me, a si bay hala nga wande go hundi ra wala a bu. A ga bay kaŋ dey ga
waani heri bobow, amma a si bay hala i ga hin ka nga wande kaŋ za susubo no
a dare haro cire ka taray. Gala borey kulu ga bay kaŋ dey ga hin ka hi kaŋ mun
ka haro cire, ba nongo ga guusu. I doona ka di mo hiyey miriyoŋey din do,
boro fo ma miri, a ma te jirbi yoŋ haro cire. Kala de i ma ma bora boŋo koy
tun hala nongu fo. Ngey nda cara no ga wo-din te care se: da i ga hi miri, boro
kulu ga ba i ma ne nga no na dootara tubu nga baaba ga ka bisa boro kulu.
Wo-din se no i ga care si, hiyey miriyoŋey waate.
Bana dare haro ra yoŋo din ka ka gar baabo koy naaruyoŋ. Amma Kattuuma
ɲa go Gala han din. A go ka ŋaaray Bana ma si fatta haro ra. A ga miile kaŋ
nga kottey no toor’a.
Kanay nda Wakana go haro me ka ngey sumburkey te. I ga bay kaŋ Bonkoyno
go ka ngey batu; i ga bay mo kaŋ wande kaasa no. Ya-din ga, ne ka gune aluula
jingaro, a ga hima i ma Bana ka taray.
– 222 –
. . . texte songhay
dans une barque pour prendre la direction de l’île de Tibo où se trouve une
famille peule. Ils y trouvèrent le type de brebis recherché ; informé de la
requête du chef du village, le chef de la famille peule accepta que l’on emporte
la brebis non sans avoir hésité, prétextant que l’animal ne lui appartient pas.
Sur instance d’un des jeunes qui lui a expliqué les enjeux, notamment la vie de
Bana, les deux jeunes emportèrent la brebis dans la pirogue. Une fois la vie de
Bana sauvée, le prix de la brebis sera payé.
Ils revinrent à Gala avec la brebis, trouvant la quasi-totalité du village amassée
au bord du fleuve. Le chef des ‘do’ ordonna alors que l’on aille attacher l’animal
chez lui, devant sa porte. Il dit au chef de bien vouloir demander à la
population de quitter les abords du fleuve pour rejoindre leurs domiciles, le
reste ne les concernant pas. Après le départ des habitants, Kanay rentra chez lui
pour se préparer à la suite. Au préalable, il demanda à quelqu’un d’aller
chercher Wakana, celui qui le seconde dans ce domaine. Les deux hommes se
retrouvent au bord du fleuve, là où Bana avait disparu sous l’eau.
Le chef du village rentra chez lui attendre, une attente qui n’est pas du tout
facile. Il ne sait pas ce qui se passe au bord du fleuve ; il ne sait pas non plus si
son épouse est encore en vie ou bien si elle est déjà décédée. Il sait bien que les
‘do’ ont des pouvoirs, mais il ne sait pas s’ils sont en mesure de faire
réapparaître à la surface de l’eau son épouse qui a disparu depuis la moitié de
la matinée. Tous les habitants de Gala sont conscients du fait que les ‘do’ sont
en mesure de faire remonter à la surface une pirogue immergée, même
lorsqu’elle se retrouve dans les eaux profondes. Ils ont l’habitude de constater
au cours des séances de recherche de pirogue immergée qu’une personne
disparaisse sous l’eau et qu’elle apparaisse un ou deux jours plus tard. Dans ces
cas, l’on apprend quelques jours plus tard que la personne disparue sous l’eau
est réapparue dans un autre village. Il s’agit-là d’une des formes de rivalité
entre les ‘do’ eux-mêmes, chacun voulant montrer aux autres qu’il a le plus de
pouvoir en la matière.
La disparition de Bana sous l’eau est arrivée pendant que son père était absent
du village. En revanche la mère de Kattouma était bel et bien présente à Gala.
Elle priait pour que l’on ne retrouve jamais Bana. Elle était convaincue que le
sort qu’elle lui a jeté a fini par avoir des effets sur elle.
Accroupis en face du fleuve, Kanay et Wakana faisaient toutes les invocations,
toutes les incantations qu’exige la situation. Ils savent que le chef du village les
attend. Ils savent aussi que Bana est son épouse préférée. Ils se doivent dès lors
tout faire pour la sortir du fleuve avant la prière de alaasar.
– 223 –
Bana
Alwaati kukow banda, Wakana zigi ka arwasu hinka fo ce; a ne i ma koy
sambu hi-kaayi yoŋ ka ka. Arwasey kande hi-kaayey, Kanay hure hiyo ra, nga
nda arwasu hinkaa. Wakana goro haro me ka i batu. Kanay ne arwasey se i ma
gana nongu fo, noŋ kaŋ hare a cabe i se. Borey sikka kaŋ i go ka koy ka Bana
sambu ka kate. Wakana kaŋ cindi mo sobay ka ngey dey senniizey har. A ga
dira ka koy, a ga dira ka ka.
I ga ba ka aluula ca no Gala borey kaŋ mana zigi za i ma Bana dare haro yoŋo
di hiyo kaŋ ra Kanay nda arwasey dira din go ka. Borey kaŋ jin ka hiyo honnay
sintin ka kaati ka ne:
– Hiyo no go ka ya!
Hala a ga te minti hinka, Gala borey baayoŋo kulu do haro me. Bonkoyno no
go borey jine. Boro kulu ga nga boŋ hã boro marje kaŋ no go hiyo kaŋ go ka
ra. Albeeri fo yoŋ jin ka ne boro hinza no hiyo ra; ya-din ga i ma di Bana. Da
boro gune a boori mo, boro taaci no hiyo ra: arwasu hinkaa kaŋ go ka hiyo
huna, nda Kanay, nda Bana. Bonkoyno wande si ka goro kala Kanay jare ga.
Wo-din se no boro si diy’a ka boori.
– 224 –
. . . texte songhay
Après un bon moment consacré aux incantations, Wakana demanda à deux
jeunes hommes d’aller chercher des pagaies. Ils en apportèrent et embarquèrent
avec Kanay dans une pirogue. Quant à Wakana, il resta au bord du fleuve les
attendre. Kanay leur indiqua la direction à prendre. Les uns et les autres
commencèrent alors à penser qu’ils vont certainement à la recherche de Bana.
Wakana qui est resté continua les invocations ; ils faisaient de multiples allers
retours le long de la berge.
Il était presque l’heure de la prière de alaasar lorsque les quelques personnes
qui étaient encore au bord du fleuve aperçurent la pirogue à bord de laquelle
se trouvaient Kanay et les deux jeunes hommes revenir. Ceux qui les premiers
aperçurent la pirogue s’écrièrent :
– Voilà la pirogue qui revient !
Deux minutes après, la quasi-totalité des habitants du village de Gala se
retrouvèrent au bord du fleuve, avec le chef du village devant tout ce monde.
Chacun se demandait combien de personnes il y avait à bord de la pirogue qui
est en train d’arriver. Quelques personnes âgées, à la vue trouble, dirent qu’ils
y voyaient trois, ce qui sous-entend que l’on n’a pas retrouvé Bana. Mais
lorsque l’on regarde de très près, il y a quatre personnes dans la pirogue : les
deux jeunes qui conduisent la pirogue, Kanay, mais aussi Bana. L’épouse du
chef est en fait assise à côté de Kanay, raison pour laquelle on ne la voit pas
très bien.
Et lorsque la pirogue s’approche de la berge, le chef du village compris que
Bana est bien dans la pirogue ; il a compris que son épouse est de retour. Il
était très content, mais il ne peut manifester sa joie en tant que chef au milieu
de ses sujets. Comme le veut la tradition, un adulte ne peut manifester
publiquement son amour pour une femme.
La pirogue accosta : Kanay en descendit, suivie de Bana. Le chef se rend alors
compte que son épouse est bel et bien de retour. Il ne savait quoi dire. Il prit
quand même la parole et dit :
– Merci bien Kanay. Que Dieu te récompense !
Ce jour-là, les habitants de Gala acceptèrent que bien que l’islam a conquit
leur village, ils se doivent de respecter encore ceux qui ont les pouvoirs de
l’eau, car c’est bien de cette eau qu’ils vivent.
Plus tard, l’on apprit, par les deux jeunes hommes qui étaient avec Kanay, que
Bana avait été retrouvée sur un banc de sable au milieu du fleuve. Lorsque la
– 225 –
Bana
Waato kaŋ hiyo man jabo, Bonkoyno faham kaŋ Bana go hiyo, a faham kaŋ
nga wande ye ka ka. A go ka ma kani, amma a si ba borey ma bay. Albeeri
mana hima ka nga baakasinay cabe jamaa ra.
Hiyo ka ka fendi: Kanay no jini ka zumbu, Bana ga dake a ga. Waato-din no
Bonkoyno tabbatendi kaŋ lalle nga wande no ka. A si bay heri kaŋ nga ga ne. A
me feeranta, a ne:
– Fo nda goy Kanay! Irke ma albarka daŋ ni ga!
Han din hane no Gala borey bay ba kaŋ alsilaamataray go ngey koyra ra nda
gaabi, ngey hima ka borey kaŋ yoŋ ga dabari haro se beerendi zama isaa ra no
ngey go ka ngey baahuna te.
Arwasey kaŋ koy Bana ceeci din no ci koyra borey se kaŋ ngey mana Bana gar
kala honday fo boŋ, a go ka keni. I ne kaŋ za hiyo tun Gala, no-din no Kanay
ne ngey ma koy. Kaŋ ngey koy mo, ngey na Bana gar a go ka keni. Kala kaŋ
Kanay kay a boŋ no a tun jirbi.
Bonkoyno ne i ma Kanay hã heri kaŋ a ga ba nga ma te a se. Kanay ne i ma ne
a se kaŋ wo kaŋ nga te din, i si nga bana a se zama goy no kaŋ nga gar nga
kaagey ga. Nga sinda fonda nga ma heri fo ta boro fo ga nga goyo fonda ra. Wo
kaŋ nga ga ba de ti i ma Gala borey fahamendi kaŋ a mana hima boro kulu ma
do nda kusu do-miyo kaŋ se i ga ne Taaso-me. Wo-din no ga naŋ ngey ma du
isaa albarka. Wo-din mo no ga ngey wa nda heri futey.
Bana dare haro yoŋo din na borey di maamaaci kaŋ kala a te jirbi yoŋ kaŋ
Gala koyra ra senni kulu no borey si te kala wo-din. Boro cindey ma ne zama
Arkuso haama no se no haro borey na sambu a ma koy faakaaray ngey se. Boro
fo yoŋ ma ne kaŋ Bana wo genji de no: wo-din se no taamo kaŋ i di jingara
windo ra mongo ka te boro kulu se kala nga hinne. Boro fo yoŋ sintin ka
hambur’a.
Suuru kaŋ si no waato kaŋ Bana dare haro ra na Kanay hã heri kaŋ naŋ nga
izo dare haro cire. A ga bay kaŋ Arkuso haama no, amma a go ka nga boŋ hã
heri kaŋ naŋ wo-din te. A ga hongu mo kaŋ Bana ne a se kaŋ hano kaŋ i ne nga
ma koy kayra sambu hiyo ra, hamiisaa salaŋ nga se. Hamiisaa senno banda no
Bana na taamey nda zaara henney din gar hiyo. Mate no hayo wo kulu go ka te
ka te? Fo no ga ye ka te wey kaŋ te wo banda. Suuru na heri kulu miile. Wo-
din no naŋ a koy Kanay do a ma nga fahamendi. Kanay ne a se:
– Ni ga bay kaŋ Bana wo iri huwo ize no. Ni ga bay mo kaŋ iri huwo gonda
genji yoŋ, genji yoŋ kaŋ mana bay ka taali te boro kulu se. Ni ga bay kaŋ genjo
din se no i ga ne Moymadaaru. A si kaati boro boŋ da manti han no gaabu.
– 226 –
. . . texte songhay
pirogue avait quitté le village, Kanay leur avait indiqué la direction à prendre
pour arriver en ce lieu. Ils y retrouvèrent Bana couchée. Elle ne s’est levée que
lorsque Kanay s’est approché d’elle.
Le chef du village demanda à Kanay ce qu’il voulait en guise de récompense.
Celui-ci dit avoir fait son travail ; son action s’inscrit dans le prolongement de
ce que ses ancêtres avaient l’habitude de faire. Par conséquent, il ne doit rien
réclamer de qui que ce soit. La seule chose qu’il souhaite rappeler aux
habitants de Gala est que personne ne doit laver une marmite à l’endroit bien
connu de Taasso-me pour en enlever le suit. Il s’agit-là de la condition requise
pour que les habitants de Gala puissent continuer à bénéficier des avantages du
fleuve. Ceci permet aussi aux habitants d’être protégés contre les mauvaises
choses qui sont dans l’eau.
La disparition de Bana sous l’eau était des jours durant le principal sujet de
conversation des habitants de Gala. Certains disaient qu’elle a été retenue par
les habitants de sous l’eau du fait qu’elle est la petite-fille d’Arkousso : elle est
donc allée voir ses parents. D’autres disent que Bana est plutôt un génie : c’est
certainement cela qui explique le fait que la chaussure que l’on avait retrouvée
dans la cour de la mosquée n’allait à personne d’autre de tout le village. Elle
fait désormais peur à certaines personnes.
A son retour de voyage, lorsqu’il apprit les évènements qui se sont passés
pendant son absence, Sourou demanda à Kanay ce qui expliquerait la
disparition de sa fille sous l’eau. Il sait bien qu’elle est la petite-fille d’Arkousso,
mais il veut en savoir davantage. Il se rappelle que Bana lui avait parlé du
poisson qui lui aurait adressé la parole. Les beaux habits et les chaussures ont
été retrouvés dans la pirogue quelques jours après cette histoire de poisson qui
parle. Comment tout cela a-t-il pu se faire ? Que se passera-t-il de nouveau
après tous ses évènements ? Sourou pensa à mille et une choses. Sa visite chez
Kanay vise à comprendre tout ce à quoi il a pensé. Kanay lui dit :
– Tu sais bien que Bana est de notre famille. Tu sais aussi qu’il y a dans notre
famille un genji, mais un génie qui n’a jamais fait du mal à quiconque. Ce génie
s’appelle Moymadaarou. Il ne se manifeste que lorsqu’une situation très difficile
se présente.
– Kanay, je connais tout cela. Je n’ignore rien de tout ce que tu viens de dire.
– Bien ! C’est le genji de notre famille que tu connais bien qui protège ta fille
depuis le jour où sa mère qui l’a mise au monde est décédée. Il a juré aussi,
qu’avec la volonté de Dieu, elle ne souffrira jamais dans la vie. Elle aura une
– 227 –
Bana
– Kanay, ay ga wo-din kulu bay.
– To! Iri huwo genjey din, wala mo ay ma ne haro genjey din no na kabe
hinka daŋ ka ni izo ta za hano kaŋ ɲoŋo kaŋ na a hay bu. I ze nda mo kaŋ da
Irke ba a si taabi anduɲɲaa ra. I ze mo kaŋ a ga te ma, ga-kuri, sorho ka bisa
nga caley kulu. Noŋ kulu kaŋ a koy, a ga hallesi. Kala de han kaŋ hane Irke
kaŋ no na anduɲɲaa herey nda adamiizey kulu taka ka ka nga talfo ta. Wo-din
bine boro kulu no si hin a se heri fo: iri kulu ga bu de no han fo.
Kanay nda Suuru faakaara no naŋ Gala borey bay heri kaŋ te hano kaŋ Bana
dare haro ra. Nga no naŋ borey faham heri kaŋ naŋ laadan na taamo din gar
jingara windo ra. Nga ka ti mo kaŋ da boro na Bana gune, boro ga miile ba
hala te boŋ se no, mate kaŋ a ga boori nda. Borey sintin ka ne kaŋ a booro nda
Harake wono si mooru care. Gala borey wo do, mata kaŋ isaa ce koyre bobow
borey ga a miile, wayborey kaŋ i ga ne i ga boori, i ga daara, i gonda boŋ
hamni kaŋ kala i banda daarey ra, i de si boori ka to Harake.
Kanay nda Wakana kaŋ yoŋ ti dey albeerey no na borey fahamendi kaŋ Bana
wo haro borey no na a suuban.
Da manti kaŋ Bana wo Bonkoyno wande no doŋ jiiro din i koyra hondiyey na
dooni ka a se. Ifo yoŋ na doono sijiri zaati. Da i ga duru no i ga ne:
– Da Irke ga ba nga ma cabe ay se kaŋ nga ga ba ayi de a ma naŋ ay ma te
Bana Suuru ize cine, Bana kaŋ booro sanda de Harake.
Doono mana du ka fatta ka boori zama i si doonu Bonkoyni wande, maayo
ma si koy ka fatta ka bonkoyno maayo yoole.
Kaŋ Bana izo kaŋ se i gaa ne Yuusufa din beeri, caley na ma dake fo daŋ a ga:
i si ne a se kala Farambaaru. Harake ize beero maayo no i daŋ a ga, heri kaŋ
ga cabe kaŋ ɲoŋo yoŋ wane no isaa nda heri kulu kaŋ go a ra.
– 228 –
. . . texte songhay
grande renommée, un grand charisme plus que toutes ses camarades. Où
qu’elle soit, elle sera sous sa protection. Et ce jusqu’à ce le Seigneur Tout-
Puissant, créateur du monde, des humains et de tout lui ôte la vie. Personne ne
peut échapper à la mort : nous y passerons tous.
C’est à la suite de cette discussion entre Kanay et Bana que bon nombre de
personnes de Gala apprirent ce qui s’est réellement passé le jour de la
disparition de Bana. Les uns et les autres ont également compris l’histoire de la
chaussure retrouvée dans la cour de la mosquée. Tout cela explique par ailleurs
la beauté, disons le charme de Bana. Certaines personnes commencèrent à
comparer Bana à Haraaké Dicko à qui elle ressemble de par sa beauté
exceptionnelle. Dans l’imaginaire populaire des habitants de Gala, même les
femmes dont on dit qu’elles sont belles, de teint clair et avec une longue
chevelure, ne sont pas aussi belles que Haraaké.
Kanay et Wakana ont permis ainsi aux habitants de Gala de comprendre que
Bana est en fait une personne aimée des génies de l’eau.
Aussi, si elle n’était pas l’épouse du chef du village, les jeunes filles, comme
par le passé, lui auraient dédié une chanson. Certaines avaient même
commencé à composer la chanson à l’heure où elles pilent le riz paddy pour en
enlever la balle. Elles ont commencé à mettre en chanson la phrase suivante :
– Si Dieu veut bien me montrer que je fais partie des personnes qu’Il aime le
plus, Qu’Il fasse de moi une personne identique à Bana, la fille de Sourou, Bana
qui est aussi belle que Haraaké.
La chanson ne pouvait pas être populaire car de mémoire d’hommes, l’on a
jamais entendu chanter pour l’épouse d’un chef au risque de rendre la femme
plus populaire que son mari.
Plus tard, lorsque le fils de Bana devint grand, il reçut de ses camarades le
sobriquet de Farambaarou qui est en fait le prénom du fils de Haraaké. Ceci pour
marquer le lien fort qui lie sa famille du côté maternel avec les dieux des eaux.
– 229 –
. . . texte songhay
Bibliographie
ADEA. (1996). Le rôle des langues africaines dans l’éducation et le
développement durable. Newsletter 8 (4)
[en ligne] http://www.adeanet.org/newsletter/Vol8No4/fr_p_v8n4_1.html,
DAFF, M. (2004). Stratégies et aménagement didactiques des langues
partenaires pour un développement durable en Afrique. Actes des premières
journées scientifiques communes des réseaux de chercheurs concernant la
langue, 31 mai - 1er juin 2004, (30-43). Ouagadougou : Agence Universitaire
de la Francophonie.
ENGUEHARD, C. et KANE, S. (2004). Langues africaines et communication
électronique : développement de correcteurs orthographiques. Actes des
premières journées scientifiques communes des réseaux de chercheurs
concernant la langue, 31 mai - 1er juin 2004 (59-79). Ouagadougou : Agence
Universitaire de la Francophonie.
MALI, 1995, ‘Guide de transcription et de lecture du soŋay’
NIGER, Arrêté n°0215/MEN/SP-CNRE du 19 octobre 1999 fixant
l'orthographe de la langue soŋay-zarma
NICOLAÏ, R., (1981), Les dialectes du songhay, Contribution à l'étude des
changements linguistiques, SELAF, Paris.
" (1988), "Songhay et Mandé", MANDENKA n°18
" (1991), "Les apparentements génétiques du songhay : éléments d'analyse",
Proceedings of the fourth Nilo–Saharan Linguistics Colloquium, Bayreuth, Aug.
30.–Sep. 2, Nilo–Saharan : Linguistic Analyses and Documentation, vol. 7,
Edited by M. Lionel Bender, Helmut Buske Verlag, Hamburg, pp. 37–56.
Révérend Père André PROST, (1956), "La langue soŋay et ses dialectes",
Mémoires de l'IFAN n° 47, Dakar.
ROUCH, J., (1953), "Contribution à l'histoire des songhay", Mémoires de
l'Institut Français d'Afrique Noire n° 29, Dakar.
SARDAN, O. (de), (1983), Concepts et conceptions songhay-zarma, Editions
Nubia, Paris.
– 231 –
Bana
SEYDOU HANAFIOU Hamidou, 1995, Eléments de description du kaado
d'Ayorou-Goungokoré (parler songhay du Niger), Thèse de doctorat (nouveau
régime), Université Stendhal, Grenoble III.
SEYDOU HANAFIOU Hamidou, 2002, "Le système tonal du songhay kaado :
essai de systématisation des changements à la jonction d'items", in Mukura
Sani, Revue de l’Institut de Recherches en Sciences Humaines, vol. 10, Janvier-
Juin 2002, fascicule 2, pp. 153-184
UNESCO. (1966). Réunion d’experts organisée pour l’unification des
alphabets des langues nationales : fulfulde, hawsa, kanuri, mandingue,
songhay-zarma, tamasheq, 28 février–5 mars 1966. Rapport final. Bamako.
– 232 –