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Versalia.

Revue de la Société
des Amis de Versailles

Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à


Versailles. Distribution et décor intérieur (1773-1792)
Jean-Jacques Gautier

Citer ce document / Cite this document :

Gautier Jean-Jacques. Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles. Distribution et décor intérieur
(1773-1792). In: Versalia. Revue de la Société des Amis de Versailles, n°13, 2010. pp. 29-54;

doi : https://doi.org/10.3406/versa.2010.902

https://www.persee.fr/doc/versa_1285-8412_2010_num_13_1_902

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Les appartements du comte
et de la comtesse d’Artois à Versailles

Distribution et décor intérieur (1773-1792)

par Jean-Jacques GAUTIER


inspecteur au Mobilier national

qui veut avoir une juste idée de la dis- relevaient encore d’un esprit de représenta-

À tribution et de l’échelle des apparte-


ments du comte et de la comtesse
d’Artois, il lui faut se rendre au rez-
de-chaussée de l’aile des Princes, dans les
salles réaménagées sous Louis-Philippe, mais
tion, cher au Grand Siècle, et qui ne satisfai-
sait déjà plus les jeunes générations. En
outre, ces espaces en enfilade étaient desser-
vis par de grands escaliers de pierre dont le
principal subsiste à l’entrée de l’aile sous le
épargnées dans leurs proportions. C’est là nom d’escalier des Princes, et au centre par un
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

qu’il pourra prendre conscience des volumes salon gigantesque qui, en imposant une cé-
créés par le dessin des murs de refend, en sure au milieu de l’aile, contrariait les exi-
transposant par l’imagination la distribution gences de la distribution d’un appartement
à l’étage noble, même si l’élévation diffère. Et princier dès le début du XVIIIe siècle. En se
s’il a la chance de pouvoir pénétrer dans les tournant du côté des croisées, il aura la juste
petits cabinets qui doublent l’enfilade sur le idée des hautes fenêtres rectangulaires qui se
jardin et qui ne tirent leur jour que de la gale- retrouvent d’ailleurs identiques du côté de
rie des Princes, il pourra se rendre compte, de l’aile du Nord. Il comprendra alors que les en-
par leur exiguïté, combien le développement tresols créés au-dessus des pièces en enfilade
d’une vie intime devait être difficile pour les côté jardin entraînaient le sacrifice de leur
occupants, fussent-ils princiers, d’autant que voussure afin de récupérer l’imposte des croi-
la disposition des fenêtres sur ces galeries in- sées qui permettait d’éclairer ces entresols.
vitait à toutes les indiscrétions. Ces distribu- Les adaptations de Louis-Philippe pour son
tions dues à Jules Hardouin-Mansart, premier musée sont là dévastatrices. Le curetage qui
architecte de Louis XIV, et qui ne devaient réduisit les murs des appartements Artois à
d’ailleurs pas être reprises pour l’aile Neuve néant et qui transforma en architecture de
du côté nord en ce qui concerne les cabinets, trompe-l’œil, avec fenêtres aveugles et étage

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d’attique sans objet, laisse un sentiment par- thèses séduisantes qui laissent parfois dans
tagé. C’est parce que « leurs démolitions a fait l’âme du chercheur le sentiment d’une investi-
disparaître un chapitre important de l’histoire gation inaboutie. Car il ne reste dans cette
culturelle du palais1 », que l’on peut proposer partie de Versailles, plus ou moins intacts,
1. Vue actuelle de tenter de reconstituer l’univers de cette que les deux grandes galeries superposées
de l’escalier
des Princes,
partie du château sous le règne de Louis XVI. ainsi que le grand escalier des Princes, malgré
détail de l’entablement, Ainsi, évoquer les appartements du comte et les importantes modifications apportées par
des pilastres de la comtesse d’Artois à Versailles relève de Louis-Philippe et sous la IIIe République. On
et de l’accès
chez la comtesse la démarche des reconstitutions d’ensembles peut prendre ici la mesure de ces modifica-
d’Artois entièrement disparus, avec son lot d’hypo- tions par un mémoire du sculpteur Boichard,
Jean-Jacques Gautier

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chargé d’enlever les emblèmes royaux après la d’Artois, puisse disposer de l’appartement li-
chute de la monarchie, et qui permet d’évo- béré par le prince de Beauvau. Elle risquait
quer une partie du décor disparu : « à l’escalier sans cela de loger « à la ville, ce qui n’est ni
en pierre dit des princes. Avoir effacé dans la commode, ni décent ». Les ordres sont don-
frise 156 fleurs de lys de 6 pouces de haut tant nés par le directeur des Bâtiments du roi et
fleurs de lys que dauphins, avoir fait en place réponse faite dans le sens voulu par le gouver-
des fleurs de lys des branches de laurier pour neur du château, le 6 septembre. Le 15 du
raccorder aux branches et avoir fait en place même mois, le directeur informait l’inspecteur
des dauphins des cornes produisant des fruits Lécuyer de son désir de terminer « les appar-
[…]. Plus avoir fait dans la moulure de la cor- tements […] de M. de Beauvau dont dépend
niche avoir effacé 312 fleurs de lys en pierre de celui de Mme de Forcalquier3 ».
3 pouces ½ de développement […]. Plus aux Il avait fallu aménager des appartements
chapiteaux de pierre dudit escalier, avoir effacé pour les deux premiers gentilshommes de la
3 fleurs de lys dont une dans le milieu. Refaire chambre, les comtes de Maillé et de Bourbon-
ledit fleuron et un qui est à chaque côté de la Busset, le premier s’installant dans l’apparte-
feuille du milieu du chapiteau2 » (fig. 1). ment de la maréchale de Mirepoix et des deux
capitaines des gardes, le chevalier de Crussol
et le prince d’Henin. En dehors de la dame
d’honneur, un logement s’était avéré indis-
Logements des Maisons du comte pensable pour la comtesse de Bourbon-
et de la comtesse d’Artois Busset, dame d’atours de la comtesse d’Artois.

À la fin du règne de Louis XV, la dégradation


des finances royales rendait difficile toute en-
treprise de grande envergure dans les Bâti-
Les travaux des appartements
ments. Les cérémonies du mariage fixé au princiers en 1773
16 novembre 1773 approchaient, mais les tra-
vaux nécessaires pour loger les titulaires des Au début de l’année 1773, 30 000 livres avaient
charges des Maisons du prince et de sa jeune été prévues pour « le changement à faire aux
épouse ne commençaient pas. À ce sujet, appartements de M. le comte et de Madame la
toute une correspondance subsiste, échangée comtesse d’Artois ». C’est pendant le voyage
entre trois interlocuteurs essentiels : le pre- de Fontainebleau, où la Cour se rendit pour
mier architecte Ange-Jacques Gabriel, le gou- accueillir la jeune princesse arrivant de Sa-
verneur du château de Versailles, le comte de voie, que les travaux furent effectués. Un
Noailles, et le directeur des Bâtiments du Roi, dépôt de glace du 21 juin 1773 nous renseigne
successivement le marquis de Marigny, puis sur le début des transformations. Une note
en 1773 l’abbé Terray qui cumulait cette fonc- ensuite, de l’inspecteur Lécuyer, datée du
tion avec le poste de contrôleur général des 17 juillet 1773, indique qu’à cette date « on
Finances. travaille fortement aux appartements de Mon-
Le comte de Noailles, soucieux de voir loger sieur le Comte et de Madame la Comtesse
tous les membres des deux importantes Mai- d’Artois ». Les soucis pour soulager les entre-
sons constituées en la circonstance, adressa preneurs étaient toujours aussi obsédants
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

aux Bâtiments deux lettres chargées de les sti- pour les inspecteurs des Bâtiments. « On a
muler, datées des 28 février et 31 août 1773, commencé sur l’espérance des fonds. Il faut
qui révèlent la nervosité habituelle liée aux d’ici en 9bre une dizaine de mille livres par
préparatifs de mariages princiers. La première mois. »
montre le jeune couple installé, « mais leurs Le retour de la Cour eut lieu le 13 novembre.
dames d’honneur, d’atours, 1ers gentils- Ce jour-là, Gabriel écrit à l’abbé Terray que
hommes de la chambre, capitaine des gardes les appartements « seront en état d’être habi-
et chevaliers d’honneur, tous nécessaires in- tés pour le retour, mais n’auront pas leur per-
dispensablement seront à l’auberge pour le fection totale en égard à une infinité de dé-
mariage ». Le marquis de Marigny écrivit en tails de propretés et recherches que le temps
conséquence le 2 mars à l’abbé Terray et n’a pas permis d’exécuter, même de disposi-
Louis XV demanda lors d’un séjour à La tion de petits cabinets que l’on a suspendu
Muette d’accélérer les travaux. jusqu’à ce que les princes les aiant décidés4 ».
La seconde lettre du comte de Noailles, tout Il se peut que l’on ait dans un premier temps
aussi préoccupée de ton, est adressée à l’abbé prévu de laisser le prince là où il était depuis
Terray. Il demande que Mme de Forcalquier, 1771 et d’installer la comtesse d’Artois dans
nommée dame d’honneur de la comtesse l’ancien appartement de Mme de Valentinois.

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Cette petite-fille de Saint-Simon était au pre- Comtesse d’Artois dans la galerie » pour tenir
mier étage au centre de l’aile (G et GG). Mais à distance le public. La peinture et la dorure
ce parti fut abandonné très vite. furent confiées à Dutems, alors que la partie
Dans les Grands Appartements, objet des pre- sculptée revint à Antoine Rousseau6.
miers soins du bureau d’architecture, les tra- En 1774, on se préoccupe encore de confort
vaux de déplacement de trumeaux, de disposi- par la disposition de « cinq croisées à faire
tions de cheminée avec remploi d’anciens dans les arcades de la galerie haute des
chambranles de marbre, la mise en place de princes, vis-à-vis l’appartement de Monsei-
boiseries nouvelles nous échappent. Le rem- gneur le comte d’Artois ». Demandé par ce
ploi est la règle pour les pièces des Grands prince, l’objet est jugé « indispensable, à faire
Appartements, comme le suggère une men- tout de suite ». Elles sont réalisées au prin-
tion de l’architecte Lécuyer, inspecteur : temps et peuvent être posées pour le retour
« Quant à celles [les glaces] qu’il faut pour les de la Cour de Fontainebleau en octobre 1774.
grands appartements de M. le Comte et de « Les croisées en éventail pour fermer les ar-
Madame la Comtesse d’Artois, elles sont cades dans la galerie de Mgr le Comte d’Artois
toutes en magasin5. » On relève toutefois des sont absolument posées […]. J’ai commandé
mentions d’ordre général comme cet état daté au sieur Thomas de faire des portes battantes
du 10 octobre 1773 qui nous dit qu’il « a été et des châssis vitrés pour fermer les deux ex-
donné sur cet appartement 30 000 livres en trémités7. » Ainsi les cinq dernières arcades de
deux fois », et qui semble déjà témoigner d’un la galerie haute des Princes se trouvaient fer-
repentir dans les distributions, voulu par le mées de croisées pour protéger du froid le
comte d’Artois, puisqu’on y évoque les prince et ses familiers. Qui sait si ce souci du
« bains, la bibliothèque et les changements confort ne devait pas lui attirer les suffrages
demandés par le Prince depuis le Ier devis ». de ceux qui étaient obligés d’emprunter cette
Le menuisier Thomas, installé rue Neuve à galerie au quotidien ?
Versailles, est un des artisans les plus rétri-
bués pour ces aménagements. Il touche Afin de rendre cette étude plus accessible, on
21 270 livres, 16 sols et 11 deniers uniquement a maintenu la division très nette au niveau des
pour l’appartement du prince et la biblio- garde-meubles, mais tout aussi perceptible à
thèque. Sur un document distinct, lui-même celui des Bâtiments du roi, entre Grands Ap-
évoque avoir « pour l’appartement de M. le partements et Cabinets intérieurs, parfois ap-
Comte d’Artois fourny beaucoup de menuise- pelés aussi Petits Appartements. Pour rendre
rie ainsi que la garde-robe aux habits et la la compréhension des distributions plus
bibliothèque et le cabinet avec un nombre aisée, on a également adopté une numérota-
d’armoires par derrière ». Pour la somme tion par lettre capitale pour la commodité de
supplémentaire de 5 597 livres, 13 sols et 4 de- la lecture des plans et le repérage des pièces.
2. Plan du premier niers, Thomas réalise pour la galerie qui des- Elle suit la division des murs de refend du
étage vers 1788, sert l’étage « 8 grandes croisées en éventail et dessin d’Hardouin-Mansart depuis l’escalier
Archives nationales
O1 1780/4 n° 11 ;
2 portes battantes » qui devaient apporter un des Princes. Quand la pièce fut ultérieurement
ce plan donne une idée certain confort à cette galerie de pierre avec divisée, la lettre est doublée. Sur le même
juste des distributions ses grandes arcades ouvertes au vent et principe, les pièces des entresols correspon-
des appartements Artois
à la veille au froid. On note aussi la disposition d’une dants sont avec exposant et les cabinets sur la
de la Révolution « grille devant les croisées de Mme la galerie de pierre en minuscule (fig. 2).

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Les Grands Appartements la Comtesse d’Artois, l’autorisation que
M. Heurtier vous a donnée d’aller de l’avant ;
En 1773, on entrait chez la jeune princesse de et je désire que vous y mettiez toute l’activité
Savoie par le palier de l’escalier des Princes. particulièrement due aux opérations qui inté-
Quatre volumes en enfilade constituaient l’an- ressent la famille Royale. »
tichambre (A), le salon des nobles (B), la Étaient ainsi prévus : « Trois cheminées de
chambre (C) et le grand cabinet (D). Derrière marbre neuf, les bordures des glaces et des ta-
sa chambre étaient situés sa garde-robe à pisseries de la chambre à refaire. La pose de
chaise (c) avec cheminée et poêle, et deux tru- quatre trumeaux ; les portes et partie de lam-
meaux. bris à refaire dans le grand cabinet, et le blan-
Le grand cabinet de la princesse eut une chis de tout l’appartement. Un plafond en
existence éphémère (D). C’était l’ancienne plâtre à faire dans la chambre. » Ces travaux
chambre du Dauphin et son décor avec ses étaient évalués à 6 000 livres. Les dates de
trois trumeaux de glace devait au moins dater dépose et de repose des glaces, le 21 avril et
du fils de Louis XV. Quand, pendant l’été de le 6 août 1788, donnent la chronologie des
1774, il fut décidé de cloisonner cette grande travaux8.
pièce pour en créer quatre plus petites à usage Avant cette date de 1788, les modifications
de cabinets, les trois trumeaux en trois par- furent minimes. En 1774, l’ancienne salle des
ties de la cheminée, en vis-à-vis et entre les gardes du Dauphin fut divisée dans sa lon-
deux fenêtres furent déposés les 27 et 28 juin, gueur pour constituer deux antichambres (A
pendant le voyage de Compiègne. Le grand et AA) dont la première devint par la suite
cabinet de compagnie ne fut qu’imparfaite- salle des gardes. La pièce disposait d’un en-
ment remplacé dans sa fonction par le salon tresol avec escalier de service sur la galerie,
des nobles. Pour laisser à cette dernière pièce entresol destiné aux garde-robes aux habits et
un usage exclusif de salon, l’antichambre fut au linge ou lingerie (A’ et AA’). Il y subsistait
alors divisée en deux dans sa longueur. peut-être encore la cheminée de marbre rouge
On entrait chez le comte d’Artois, soit par la du Languedoc de l’ancienne salle des gardes
dixième arcade qui ouvrait sur la galerie de du Dauphin. Lors de la remise en état de ces
pierre et permettait d’accéder au salon des appartements en 1815 par Drahonet, entrepre-
nobles du prince, soit par la treizième arcade neur à Versailles rue Maurepas, la pièce est
qui ouvrait sur sa salle des suisses (h). Puis dite présenter trois chambranles sculptés
venaient la salle des gardes s’éclairant sur le pour les portes et la croisée9. La première an-
parterre (H), l’antichambre (GG), le salon des tichambre (A) est dite aussi avec chambranles
nobles (G), la chambre (F) et le grand cabinet sculptés de portes et croisée.
(E). Le premier valet de chambre et les lieux à Le volume suivant est celui du salon des
l’anglaise étaient de plain-pied sur la galerie. nobles (B) qui conserva, jusqu’à sa destruc-
Un escalier commun (e) permettait d’accéder tion par Louis-Philippe, ses proportions du
aux entresols. Quatre petites pièces en entre- XVIIe siècle. Quand, en 1744, on voulut établir
sol sur le jardin, disposant chacune d’une là une deuxième antichambre pour la Dau-
croisée, devaient servir de cabinets particu- phine, on projeta d’y placer une cheminée qui
liers et de bibliothèques au couple princier. provenait de Marly avec son trumeau de glace
Elles étaient situées au-dessus de la chambre sculpté de 1699 10 . Aucun document ne
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

et grand cabinet du comte d’Artois. Ce prince confirme sa présence en 1773, mais on sait
disposait en plus, à l’entresol s’éclairant sur la qu’il ne s’y trouvait toujours qu’un seul tru-
galerie, d’un laboratoire et d’un cabinet du meau. De même la pièce présentait toujours
tour. Certaines pièces furent systématique- son aspect d’antichambre de par la modestie
ment blanchies comme, en 1776, « les grands de son décor. De plus, en 1789, l’ornementa-
appartements de Mr le Comte d’Artois », ou tion datait encore de Louis XIV avec les deux
les volumes B et C en octobre 1783. chambranles de croisée, sculptés de vingt-
Pour ce qui regarde la comtesse d’Artois, il fal- huit fleurs de lis, et ceux des portes, sculptés
lut attendre l’année 1788 pour voir une impor- chacun de dix-huit fleurs de lis. On y remar-
tante campagne de modernisation de son ap- quait aussi deux dessus-de-porte de Jean-
partement de Versailles. Cette campagne était Baptiste Monnoyer représentant des bou-
prévue dès la fin de 1787 avec la volonté de quets de fleurs, et une voussure, la seule qui
d’Angiviller d’y mettre toute l’efficacité de son subsista de l’enfilade en 1789.
service, comme il l’écrivit à Loiseleur, le 12 dé- Progressivement la comtesse d’Artois obtint
cembre : « Je confirme Monsieur, d’après votre que cette grande pièce fût modernisée. De
exposé du 10 et le rapport de M. Heurtier nouvelles bordures à la charge des Bâtiments
du même jour sur la demande de Madame furent demandées pour la tapisserie en

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décembre 1784. En 1787, un trumeau fut ré- la voussure, la corniche en plâtre décorée d’un
clamé en entre-fenêtres, mais il ne fut placé rythme de fleurs de lis et de lambrequins por-
qu’en mai 1788. La pièce fut alors dotée de tant trois fleurs de lis chaque, les deux cham-
trois trumeaux aux bordures neuves dont un branles sculptés des portes avec fleurs de lis
face à celui de la cheminée. Cette dernière en ainsi que ceux des croisées, enfin les deux
griotte d’Italie fut remplacée par un marbre dessus-de-porte peints par Jean-Baptiste
cervelas de 6 pieds de long (1,94 m), restauré Monnoyer. C’est ici que la princesse mit au
en octobre 1791 par le marbrier Hersent qui monde ses quatre enfants : le duc d’Angou-
décrivit à ce moment-là une cheminée mo- lême le 6 août 1775, Mademoiselle le 5 juillet
derne avec consoles et rosaces11. 1776, le duc de Berry le 24 janvier 1778 et sa
En 1788, le vieux lambris rentra en magasin, dernière fille le 6 janvier 1783 (fig. 3).
remplacé par un neuf composé de huit parties Sous différents prétextes, la comtesse d’Artois
de lambris d’appui et de nouvelles portes. n’eut de cesse de réclamer auprès des Bâti-
Toutefois, les bordures dorées de tapisserie de ments du roi des travaux de modernisation
1784 et, parce qu’on n’en trouva pas d’autres pour sa chambre. C’est ainsi qu’en août 1779,
du même format, les tableaux de Monnoyer elle désira créer un entresol dans la pièce pour
furent restaurés et replacés. Entre les portes disposer de deux cabinets supplémentaires et
et les trumeaux étaient situés des panneaux c’est à Richard Mique qu’elle demanda cette
sculptés. Restaurée en 1815, la pièce est dé- transformation. L’architecte de la reine ne put
3. Naissance crite avec sa voûte en plafond, trois glaces, que s’exécuter et en informa d’Angiviller.
du duc d’Angoulême,
aquarelle ; le décor deux croisées et deux tableaux en dessus-de- « Madame la Comtesse d’Artois a fait appeler
qui apparaît sur porte. le sieur Mique pour lui dire qu’elle désirait un
cette représentation de
la chambre à coucher
La chambre (C) qui suivait devait présenter entresol dessus la chambre, après quelques
de la comtesse d’Artois encore l’aspect que lui avaient donné les tra- observations sur ce que principalement la
ne correspond pas vaux de 1744, comme chambre de la Dau- chambre allait être gâté, Madame la Comtesse
à ce que les documents
d’archives donnent phine, puis deuxième antichambre du Dau- d’Artois parut avoir abandonné ce projet, et le
comme vision phin. La cheminée de 5 pieds 7 pouces sieur Mique crut ne devoir pas rendre compte
de cette pièce ; (1,81 m) était encore celle de brèche grise et d’un objet dont il avait pensé qu’il ne serait
le mobilier est
certainement son foyer de même marbre « avec des bandes plus question, mais Madame la Comtesse
une invention de Languedoc au pourtour ». Trois trumeaux d’Artois vient de renvoyer chercher le sieur
du dessinateur ;
les proportions toutefois
de glace en vis-à-vis et entre les fenêtres ryth- Mique et elle lui a dit qu’ayant besoin de deux
semblent bonnes, tout maient la pièce. L’étoffe faisait l’essentiel du petites pièces et qu’après avoir examiné la
comme l’atmosphère décor. chambre de Monseigneur le Comte d’Artois
suggérée d’un
événement important Cependant se rencontraient encore de nom- qui était entresolée, la sienne se trouverait en-
de la Cour de France breux éléments du règne de Louis XIV, comme core bien comme cela, qu’enfin elle désirerait
Jean-Jacques Gautier

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que cet entresol fût fait pendant le voyage de trumeaux de glace furent déposés le 17 dé-
Fontainebleau. Le sieur Mique a répondu à cembre 1787 et reposés le 22 du même mois.
Madame la Comtesse d’Artois qu’il avoit à en Ce n’était qu’une solution provisoire pour l’hi-
rendre compte à monsieur le directeur géné- ver. En 1788, on envisagea « un plafond en
ral, mais ne l’ayant trouvé chez luy le sieur plâtre à faire dans la chambre ». Les glaces
Mique a mis par écrit ce qu’il aurait eu l’hon- furent de nouveau déposées le 21 avril 1788.
neur de lui dire de bouche. » La réponse de Le même jour, « les bordures des trumeaux de
d’Angiviller est du 23 août : « Puisque vos re- la chambre à coucher et celle de la cheminée
présentations monsieur à Madame la Com- de la salle des nobles sont supprimées et ren-
tesse d’Artois n’ont point détaché de cette trées en magasin », ainsi que « les bordures
princesse de son projet d’entresol dont vous de la tenture de la chambre à coucher […]
me rendez compte par votre note du 19 de ce supprimées », remplacées par d’autres plus
mois, il ne reste qu’à exécuter ses ordres dès modernes, au moment où l’on renouvelait le
le premier instant où la circonstance d’un meuble d’étoffe des grandes pièces. Les
voyage rendra les lieux libres : il n’y aura peut- glaces mises à l’abri en magasin furent repo-
être que cette exécution qui puisse rendre sées par le miroitier Maréchal, les travaux
sensible à Madame la Comtesse d’Artois les étant achevés le 6 août 1788. La cheminée de
inconvénients dont vous avez taché de la frap- brèche grise rentra aussi en magasin. On
per. Mais alors, si il y a lieu, on pourra re- ignore la qualité du nouveau marbre pour la
mettre les choses dans leur premier état. Vous cheminée neuve, mais, si l’on se réfère à un
voudrez en disposant cette opération me faire mémoire de restauration du marbrier Boi-
passer l’évaluation de la dépense, et un plan chard en 1814-1815, il évoque la « dépose et
du nouvel état afin de le rapporter sur les repose d’un chambranle bleu turquin à la
plans généraux du château. » grecque avec consoles galbées de 1,80 m sur
Plusieurs remarques peuvent être faites à la 1,26 m avec tablette de 47 de large, les revête-
lecture de ces lettres, trop rares, car la plupart ments unis dans la hauteur, 33 cm de large12 ».
des ordres de travaux se donnaient verbale- En cette circonstance, on désira également
ment, intéressantes quand elles mettent en changer les deux tableaux au-dessus
scène occupants et exécutants. La première des portes. « Il y a quelques temps que M. Loi-
concerne le rôle de Richard Mique que l’on seleur m’a envoyé quatre dessus de portes de
voit ici intervenir en 1779, à Versailles, dans un Baptiste dans le plus mauvais état, de l’appar-
appartement autre que celui de la reine. La tement de Mme la Comtesse d’Artois, où l’on
deuxième est cette forme de résistance par la fait quelques changements. Il m’a fait enten-
temporisation de la part d’hommes comme dre que Mme la Comtesse désirait avoir en
Mique ou d’Angiviller, sensibles aux grandeurs place de ces tableaux de fleurs, des objets
architecturales du XVII e siècle. L’entresol, plus intéressants. Je n’ai trouvé au magasin
« cette construction qui gâterait totalement la que deux tableaux de Natoire pour la chambre
pièce », devait être conçu comme réversible à coucher, l’un est Télémaque dans l’île de Ca-
afin de revenir à l’état premier, idéal. Ici, si on lypso caressant l’Amour, l’autre Télémaque
donne suite aux ordres de la comtesse d’Ar- endormi et préservé par Minerve des traits de
tois, c’est dans l’espoir qu’elle revienne sur sa l’Amour. À l’égard du cabinet, les mêmes ta-
décision avec le temps. D’ailleurs la réticence bleaux de fleurs y retourneront bien rentoilés,
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

marquée fut efficace puisqu’il ne fut rien fait nettoyés et vernis. » Cette lettre de Durameau,
cette année 1779. datée du 5 août 1788, nous met en mémoire
Mais en décembre 1787, la comtesse d’Artois deux tableaux de Charles Natoire exécutés
fit une nouvelle demande, moins exigeante : pour le Dauphin en 1746, et que l’on voit reve-
elle ne voulait que « la construction d’un plan- nir par un retour des choses dans l’aile des
cher de planches qui se posera au-dessus de Princes. « Le premier tableau de forme chan-
la corniche de sa chambre pour diminuer la tournée de grandeur 3 pieds de largeur sur 4
hauteur de la dite chambre ». Plus d’entresol de hauteur, représentant Télémaque endormi
donc, mais un simple plafond dont l’établisse- songe que Vénus lui apparaît, l’Amour lui tire
ment n’entraînait pas de modifications de un trait que Minerve repousse de son égide, le
décor. De plus, le prétexte n’était plus le plai- tout accompagné des attributs convenables
sir, mais l’objet de « la demande de Madame […]. Le second de même forme et de grandeur
Comtesse d’Artois […] intéresse la santé de semblable représente Télémaque parmi les
cette princesse ». nymphes, dans l’ile de Calypso, caressant
Comme pour la pièce précédente, les travaux l’Amour. Le fond du tableau représente un
de la chambre furent importants et s’exécu- paysage orné de fleurs et de toutes les
tèrent essentiellement en 1788. Les trois marques nécessaires à décorer le sujet. » Ces

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4

4. Charles Natoire, toiles de Natoire avaient été commandées retranchement où est le lit du garçon des
Télémaque pour le cabinet du Dauphin en 1745. Les di- garçons de la Chambre 14 », que les plans
dans l’île de Calypso,
huile sur toile, mensions des œuvres témoignent de l’aspect confirment.
musée du château vertical des dessus-de-porte des pièces non Puis se rencontrait le salon des nobles (G),
de Versailles
et des Trianons,
entresolées dans cette partie de Versailles. Le créé comme la pièce précédente avec le retour
inv. 5869 second des tableaux existe encore à Ver- des dernières filles de Louis XV de Fontevraud
sailles : modifié dans ses dimensions, il orne en 1750, Mesdames Sophie et Louise. En cette
toutefois de nouveau un grand cabinet du circonstance on disposa une cheminée de
Dauphin13 (fig. 4). marbre vert campan provenant de la salle du
L’ancienne chambre de la princesse fut reprise Billard de Trianon, mais c’est pour un « demi
par l’entrepreneur Drahonet en 1815 où il polissage d’un chambranle en griotte d’Italie
parle d’une grande multiplicité des orne- de 1,80 m sur 1,10 m » qu’intervint Boichard.
ments, « ornements sur les pilastres », trois En 1815, Drahoney restaura la double face de
trumeaux, « deux glaces au-dessus des portes la porte donnant dans la pièce de derrière de
[sic] », richesse des ornements et sculptures 2,22 m de haut sur 0,92 m de large, c'est-à-dire
sur les portes et croisées. l’accès à l’appartement donnant sur la galerie.
Du côté du prince, la disposition se présentait Il signala également des volets sculptés, ainsi
ainsi en 1789 : après avoir traversé la salle des qu’une glace sur la cheminée. Ce salon des
suisses (h), la première pièce sur le jardin nobles était entièrement lambrissé avec un
avec ses deux fenêtres était la salle des trumeau de glace au-dessus de sa cheminée.
gardes (H), munie d’un poêle disposé dans Cette pièce servait parfois de salle à manger
l’âtre de la cheminée. Cette pièce avait été re- au prince.
maniée en 1750 en y installant une cheminée La chambre à coucher (F), qui fut celle de
provenant de l’ancien appartement du duc de nombreux membres de la famille royale, ve-
Penthièvre. Sous la Restauration, Boichard nait ensuite tout naturellement. D’abord
intervint pour une « dépose et repose d’un chambre de la Dauphine en 1745 avec ses trois
chambranle en campan rouge de 1,80 m sur trumeaux de glace, ce fut celle de Madame
1,16 m ». L’antichambre (GG) venait ensuite Adélaïde en 1747, du comte de Provence
avec ses deux fenêtres, avec une porte à jusqu’en 1771, puis du comte de La Marche,
Jean-Jacques Gautier

gauche de la cheminée ; une « dépose et re- prince du sang. Quand, en 1773, on disposa ici
pose de la tablette de cheminée en griotte celle du comte d’Artois, la chambre fut entre-
d’Italie de 1,95 m sur 43 cm de large », effec- solée. On déposa le 21 juin les trois trumeaux
tuée par Boichard, nous renseigne sur sa na- anciens15, qui furent remplacés par trois nou-
ture. Sous l’Ancien Régime se trouvait « un veaux dont un surmontait une cheminée. C’est

36
encore par la « dépose et repose d’un cham-
branle en campan vert à l’ancien moderne de
1,97 m sur 1,25 m » par Boichard sous la Restau-
ration qu’est confirmée la qualité du marbre,
la mention « ancien moderne » voulant signi-
fier certainement un chambranle Louis XIV,
sans chantournement rocaille. L’étoffe régnait
sur les murs et changeait suivant la saison,
mais on peut imaginer un décor sculpté sur
les panneaux qui flanquaient les portes et fai-
saient le lien avec les trumeaux. En mars 1781,
deux glaces au tain de 66 sur 44 pouces pour
la cheminée et en vis-à-vis furent délivrées,
ainsi que deux glaces blanches pour deux
portes de 41 sur 23 pouces, qui devaient cer-
tainement se trouver sur le mur face aux fe-
nêtres. En 1815 étaient décrites « trois cor-
niches au pourtour des trois [sic] parties du
plafond », avec une multiplicité des orne-
ments et deux glaces en vis-à-vis (fig. 5).
La dernière pièce (E) de belles proportions
était l’ancien grand cabinet du Dauphin en 5
1744, qui était pour sa part entièrement lam-
brissée. Quatre grandes glaces éclairaient cha- sont eux qui énumèrent trois paires de bras 5. Alexandre Moitte,
cun des murs. La cheminée de marbre campan de lumière ou quatre portières en huit parties Portrait du comte
d’Artois, Amiens,
était un remploi. C’est une « dépose et repose pour cette même pièce. Ce cabinet servait à la musée des Beaux-Arts
d’un chambranle en campan rouge ancien mo- veille de la Révolution de salle du conseil au
derne de 1,97 m de long sur 1,20 de haut avec prince avec sa longue table en chêne à pieds
tablette de 34 de large » en 1814-1815 qui de biche. Tous les ans, en octobre, étaient dis-
confirme sa qualité. Grand cabinet commun à posées dans les appartements des doubles-
Mesdames en 1747, entresolé l’année sui- croisées que l’on calfeutrait et qui disparais-
vante, le volume faisait partie de l’apparte- saient au printemps.
ment du comte de La Marche après 1771 et Les distributions des appartements sont
c’est pour lui ou pour le comte d’Artois que la confirmées par un « procès verbal des scellés
pièce fut modifiée avec la destruction de l’es- apposées sur les principaux appartements du
calier de l’entresol de 1747, qui permit de don- château de Versailles en août 1792 […] appar-
ner plus de profondeur à la pièce. En 1815, la tement de Madame d’Artois. 1er Sur la porte
corniche est dite avec ornements. La même du passage du cabinet de Madame d’Artois à
année le lambris de hauteur à grand cadre celui de Charles-Philippe prince français.
avec ornements dans les frises et au-dessus 2 e sur la porte croisée du logement des
des portes est décrit, ainsi que l’armoire à femmes de chambre donnant sur la galerie
double face à gauche de la glace en face de la des Princes. 3e Sur la porte d’un cabinet don-
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

cheminée. Relevons que la porte qui donne nant sur la même galerie. 4e Sur la porte de la
sur le cabinet en enfilade est dite « porte de la garde-robe à chaise donnant sur la même ga-
bibliothèque à quatre glaces ». Drahonet parle lerie. 5e Sur la porte de sortie de la biblio-
d’une « grande multiplicité des ornements ». thèque donnant sur la même galerie. 6e Sur la
Le rythme des panneaux de boiserie sculptée porte de l’Escalier communiquant à la même
était interrompu par quatre portes à deux van- garde-robe aux habits de Madame d’Artois.
taux, deux côtés fenêtres qui donnaient accès 7e Sur la porte croisée de la pièce ensuite de
à la chambre précédente et au cabinet inté- celle de la garde-robe aux habits de Madame
rieur en suite, et deux autres que l’on imagine d’Artois donnant sur le pied de l’escalier.
placées là pour la symétrie en fausse porte, à Le scellé apposé sur l’appartement de
moins que le mur du fond où se trouvaient Mme d’Artois, la garde en a été confiée au
deux ouvertures secondaires menant au nou- sr Joseph Haffner, Suisse du château, qui s’en
vel escalier de l’entresol n’ait été travesti avec ait chargé sous sa responsabilité, et à signer
porte à double battant. Il faut avouer ici que avec nous16. » Notons que sur les plans géné-
ces détails proviennent d’indiscrétions livrées raux de la fin de l’Ancien Régime, l’apparte-
par les inventaires rédigés par l’administra- ment de la princesse est numéroté 66 et celui
tion du Garde-Meuble de la Couronne. Ce du prince 67.

37
Les cabinets intérieurs Le cabinet intérieur
Déjà citée par Nolhac, cette phrase d’un de la comtesse d’Artois
contemporain, le comte d'Hézecques, traduit Le premier cabinet intérieur de la comtesse
le sentiment général que devaient rendre ces d’Artois (fig. 6) était encore celui de Madame
appartements princiers : « M. et Madame la Henriette réalisé en 1748, qu’elle avait fait
comtesse d’Artois occupaient à Versailles, orner de papiers chinois achetés chez Lazare
avec Madame Élisabeth, tout le premier étage Duvaux la même année (EE’). Très vite, la
de l’aile droite du château qui donnait sur pièce fut modifiée, comme le laissent suppo-
l’orangerie, dans la galerie appelée galerie des ser les mentions suivantes : il reste en maga-
princes. Les appartements quoique vastes, ne sin « 2 glaces au tain provenantes du cabinet
l’étaient pas tant que plusieurs cabinets ne ti- à côté de la bibliothèque de Madame la Com-
rassent leur jour de la galerie et ne fussent tesse d’Artois19 », le 17 décembre 1773 ; « du
très obscurs17. » Les cabinets intérieurs du bas-lambris provenant des entresols chez Mde
comte et de la comtesse d’Artois, refuges de la Cesse d’Artois, 7 toises, plus deux portes,
l’intimité des princes, ne cessèrent d’être mo- plus deux chambranles, plus vingt feuilles de
difiés jusqu’en 1789. parquet20 », le 20 décembre. Ces indications
Dans un premier temps, comme nous le ver- montrent que l’on avait modifié le décor an-
rons dans le détail, rien n’était réellement cien de ces entresols avant ces dates.
prêt après le mariage, ni décors, ni « même de Au début de l’année suivante, l’état des ap-
dispositions de petits cabinets que l’on a sus- pointements concernant Versailles prévoyait
pendu jusqu’à ce que les princes les ayant dé- 30 000 livres, pendant l’année 1774, pour
cidés18 ». Il fallut attendre l’année 1774 et les achever la bibliothèque et le cabinet intérieur
6. Ch. Le Clercq voyages saisonniers de la Cour pour voir éta- de la comtesse d’Artois21. On le voit, la somme
(attr. à), Portrait
de la comtesse d’Artois
blir et meubler ces pièces essentielles à l’inti- était exactement la même que celle destinée
et de ses enfants, mité des jeunes époux. Quant aux travaux de aux réfections générales des deux grands ap-
musée du château 1781 chez le comte d’Artois et de 1782 chez partements en 1773, ce qui témoigne encore
de Versailles
et des Trianons, son épouse, ils entraînèrent des modifica- une fois que toute la richesse, les matériaux
MV 8572 tions de décor mais non de distribution. neufs et la modernité stylistique étaient réser-
vés aux pièces intérieures, dont le coût essen-
tiel provenait des travaux de sculpture et de
dorure.
La mort de Louis XV, le 10 mai 1774, laissa
certainement plus d’initiative au comte d’Ar-
tois, qui annexa dans le courant de 1774 les
cabinets intérieurs de sa femme et, en com-
pensation pour son épouse, « demande une
entresolle sur le cabinet de Madame la Com-
tesse d’Artois, un degré pour y monter et une
cheminée nouvelle pour y former une biblio-
thèque particulière22 ». L’entresol fut décidé
en juin 1774 et réalisé pendant le voyage de
Compiègne23. Les Bâtiments avaient divisé le
grand cabinet de la comtesse d’Artois, obte-
nant ainsi deux pièces pour la princesse en
entresol et un cabinet de plain-pied à son
grand appartement, qui devint, à ce moment-
là, le nouveau cabinet intérieur de la prin-
cesse (D).
Une seule fenêtre l’éclairait ; une cheminée
neuve donc moderne de marbre griotte d’Italie
de 4 pieds 5 pouces (1,435 m) se trouvait sur
le mur commun avec la chambre24, avec son
trumeau de glace et un second en vis-à-vis25.
Jean-Jacques Gautier

L’essentiel du décor se trouvait en étoffe.


En 1778, la comtesse d’Artois demanda l’éta-
blissement d’une niche dans son cabinet. Elle
fut réalisée entre le 18 mai et le 5 juin, dates
6 des dépose et repose de glace26. Le travail

38
était simple : il fut « fait une niche de menui- En 1779, il est demandé à la manufacture de la
serie dans le cabinet particulier en face de la Savonnerie un tapis pour la pièce, délivré le
croisée, ornée de glaces dans le fond avec bor- 28 octobre 178032. De 11 pieds sur 22, il nous
dures dorées, la dite niche peinte en blanc27 ». donne les dimensions de ce cabinet de re-
Le 2 juin, il avait été demandé une glace de traite (3,57 / 7,14 m).
63 pouces (1,705 m) sur 48 (1,30 m) pour le
fond de la niche28.
Peu de jours après l’exécution, la princesse, le
16 juin 1778, désira « un trophée en sculpture
Cabinets et pièces de service
dans le panneau au-dessus de la niche de son de la comtesse d’Artois
cabinet29 ». Il faut imaginer les trois côtés et le
fond de l’alcôve pourvus de glaces. À la date C’est à la fin de l’année 1786 que la comtesse
du 10 décembre 1778, « les glaces de la niche d’Artois avait manifesté le désir d’un supplé-
du cabinet particulier sont posées30 ». ment de bibliothèque, là où étaient disposés
Nouvelle demande quatre ans plus tard, le ses bains (d). Une note de l’inspecteur Loise-
12 août 1782, quand Heurtier réclama « une leur, datée du 9 octobre 1786, nous précise
glace de 67 pouces sur 29 pouces [181,4 / « que Madame Comtesse d’Artois demande
78,5 m] pour le plafond de la niche du cabinet deux corps d’armoires aux portes en glaces
particulier de Madame Comtesse d’Artois31 », blanches dans la pièce des bains pour former
qui ne fut posée qu’en 1783. Le 10 octobre de un supplément de bibliothèque ». On pré-
cette année-là, Maréchal, miroitier, déposa les voyait de le réaliser pendant le voyage de Fon-
glaces, alors que Heurtier renouvelait sa de- tainebleau.
mande. On en profita pour blanchir le cabinet Le chambranle de brocatelle d’Espagne rentre
particulier comme il avait été prévu de le faire le 20 octobre. Le lendemain, Heurtier fournit
au début de l’année. À cette occasion, les un « état des glaces nécessaires pour la biblio-
meubles d’étoffe renouvelés par le garde- thèque de Madame Comtesse d’Artois ».
meuble privé de la princesse, et qui restent in- L’ordre de livraison est expédié le 23 octobre
connus, nous intéressent ici, car l’un des deux depuis Fontainebleau. Cet état fait mention
devait nécessiter la dépose et la repose de la de 38 glaces blanches. Enfin, le 12 novembre
glace du plafond de l’alcôve. Cette contrainte, 1786, « des bordures dorées provenant des en-
avec d’autres, se voit vérifier jusqu’en 1789 par tresols de l’appartement de Madame Élisa-
les interventions du miroitier – ainsi les beth » furent délivrées « pour garnir le tru-
28 juillet et 1er novembre 1784, 2 novembre meau de la cheminée de la nouvelle
1785, 2 décembre 1788, 11 mai 1789. bibliothèque de Madame Comtesse d’Artois ».
L’importante campagne de travaux qui affecta Comme on peut le déduire à l’examen des
l’appartement de la princesse en 1788 glaces, cette bibliothèque de plain-pied à la
concerne aussi son cabinet particulier. Les 15 galerie avait trois niveaux d’armoires vitrées
et 16 mai, on délivra au doreur Dutems les bor- qui se disposaient en douze portes de biblio-
dures des deux trumeaux et « de la tenture de thèque, dont dix entières et deux coupées
la tapisserie » pour les redorer – elles étaient étaient des portes d’accès. Un troisième accès
déposées depuis le 22 avril. Le chambranle de comportait peut-être une glace entière. La lo-
marbre griotte d’Italie « ayant sa traverse cas- calisation est confirmée par une glace au tain
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

sée en différents endroits, les deux consoles rentrée le 7 décembre 1788 de 50 pouces ½
idem et son foyer hors de service », rentra le sur 30 de la « cheminée dans la bibliothèque
27 mai. Il fut remplacé par un vert campan que de Madame Comtesse d’Artois donnant sur la
déposa et reposa Boichard sous la Restaura- galerie des Princes ». Elle fut remplacée le 15
tion, « à la grecque avec consoles galbées 1,45 du même mois33 (fig. 7).
sur 1,06 de haut avec tablette de 34 cm et revê- Quant aux bains, ils étaient situés là où se trou-
tement de 54 cm de large ». Les glaces de la vaient ceux du Dauphin et de la Dauphine en
niche furent déposées le 28 juin « en dépôt 1745, s’éclairant sur la galerie (d). S’ils se les
avec leurs bordures ». Celles des trumeaux étaient partagés la première année, la com-
l’étaient depuis le 21 avril. Toutes furent re- tesse d’Artois s’en était réservé l’usage après
mises en place, le 6 août 1788, annonçant la fin 1774. La pièce comportait une cheminée de
des travaux qui durent être modestes : blanchi- marbre de brocatelle d’Espagne de 3 pieds
ment et redorure des bordures. En 1815, le 10 pouces, surmontée d’une glace de 64 pouces
lambris est dit de hauteur à grand cadre avec sur 31. Des modifications que laissent
panneaux garnis d’ornements, deux glaces en deviner une dépose le 28 juin et une repose le
vis-à-vis, portes sculptées, sculptures des 16 septembre 1774 d’une glace de 64 sur
chambranles des portes et des lambris. 33 pouces les concernent sans autre précision.

39
7

7. Élément de boiserie, C’est certainement la même glace au tain vaux de cette année-là, que nous avons vu
bois sculpté, peint « provenant de dessus la cheminée des affecter surtout les pièces d’apparat, allait
et doré, vers 1785,
coll. Mobilier national Bains » qui fut de nouveau déposée et reposée comprendre également la garde-robe à chaise.
GME 470 ; en 1867 le 16 octobre 1775, pour une opération ponc- Aussi fut-il construit un petit escalier qui des-
furent réalisées trois
armoires réemployant
tuelle. La princesse disposait de pièce des servait ce nouveau cabinet d’entresol à usage
dix éléments de boiserie bains et chambre des bains avec dallage de de bibliothèque et furent fournies le 8 août
qui semblent provenir marbre blanc et noir pour la première, et che- huit glaces pour les armoires de 39 pouces sur
de portes de
bibliothèque ; leur date, minée garnie en carreau de faïence de Hol- 21 (1,05 m sur 0,56 m), ainsi qu’une autre
leur style peuvent les lande pour la seconde34. moins grande de 38 pouces, mais large de 36
rapprocher de ces Comme nous l’avons vu, en 1786 les bains (0,97 m), « pour être posées aux portes d’une
décors réalisés
pour la famille royale à furent détruits pour devenir supplément de bi- petite bibliothèque aux entresols, apparte-
Versailles ou Saint-Cloud bliothèque. Il semble que, de nouveau, la ment de Madame Comtesse d’Artois et cabi-
à la veille
de la Révolution
princesse ait partagé les bains de son époux. net au-dessous », qui permettait d’éclairer
8. Plan des entresols Ils sont d’ailleurs numérotés 66 sur le plan ac- le nouveau petit escalier. La cheminée de
du premier étage, tualisé jusqu’en 1789, chiffre qui correspond, marbre d’Antin de 3 pieds 4 pouces (1,08 m)
premier état,
vers 1774, Archives on s’en souvient, à celui de son appartement rentra également le 8 juillet 1788.
nationales sur les plans plus anciens (c’ et d’). La petite pièce (b) qui suit sur la galerie en re-
O11780/5 n° 4 ; La pièce contiguë à la précédente, qui ouvrait tournant vers l’escalier des Princes n’est pas
ce plan montre la
distribution au moment sur la chambre à coucher, était un cabinet à identifiée formellement, d’autant que les pa-
du mariage en 1773 pans coupés et servait de garde-robe à chaise, piers du garde-meuble privé de la comtesse
ainsi que de chambre des bains (c). Elle était d’Artois ne révèlent aucun meuble d’étoffe
chauffée par un poêle surmonté d’une glace pour Versailles. On sait toutefois qu’il existait
en vis-à-vis. Il subsistait pourtant une chemi- un cabinet de toilette que l’on situerait volon-
née de marbre d’Antin « garnie en carreau de tiers à cet emplacement. Le 24 novembre
fayance de Hollande […] les carreaux de 1788, le miroitier Gérard fournit une pièce de
faiance […] arrondis suivant le cintre de la verre de Bohême épais de 27 sur 24 pouces au
dite devanture ». Sa porte et son imposte cabinet de toilette, chez Madame Comtesse
comportaient des glaces. d’Artois. Le qualificatif « épais » laisse en-
En 1788, la comtesse d’Artois « demande la tendre une protection renforcée pour une
construction d’un plancher au dessus de sa pièce sur la galerie.
garde-robe à chaise pour former un petit cabi- La dernière requête connue de la princesse
net d’entresol ». En effet, la campagne de tra- concerne la création d’un réchauffoir, là où se
Jean-Jacques Gautier

40
10

tenaient ses femmes de chambre, au plain-pied alcôve avec porte à petits carreaux de glace et 9. Plan des entresols
derrière le salon des nobles ou grand cabinet cheminée de pierre réparées en 1785, pour la du premier étage,
second état,
(a). L’émigration du couple princier, au surlen- première femme de chambre et une autre vers 1788 ; il s’agit
demain du 14 juillet, interrompit le travail, et la pour les femmes de Madame, comtesse d’Ar- de l’étage d’entresol
correspondant au plan
pièce restait inachevée à la fin de 1789. Il avait tois (fig. 8 & 9). de la figure 2.
été prévu de déposer le « lambris et parquet de 10. Élévations du
la dite pièce pour en former un réchauffoir. La cabinet bibliothèque
de Mme Adélaïde
démolition du plancher de l’entresol de la dite
pièce pour lui donner plus de hauteur. La
La bibliothèque et le cabinet vers 1751, côté fenêtre,
Chantilly, musée Condé ;
construction d’une grande cheminée, le carre- arabesque de la comtesse d’Artois il est intéressant
de reproduire
lage de la dite pièce en place du parquet ; cet ces élévations, alors que
arrangement en suspension. […] cet objet est On se souvient que la première bibliothèque les quatre subsistent,
car elles donnent non
suspendu depuis le départ du roi. » Le 3 octo- de la princesse fut celle de Madame Adélaïde seulement une juste idée
bre 1789, un chambranle de pierre à tablette de qu’avait dessinée Gabriel en décembre 1750 des proportions
marbre Sainte-Anne de 3 pieds 9 pouces et réalisée pendant le voyage de 1751 (fig. 10). de ces entresols, mais
aussi de l’éclairage
(1,23 m) rentra de la garde-robe des femmes35. Il semble que la pièce était intacte en 1773. donné par l’imposte
Il existait aussi aux entresols une chambre à Abandonnant ces volumes au comte d’Artois, des croisées (E’)

41
celle de la porte d’entrée, les deux trumeaux
étaient ceux de la bibliothèque d’Adélaïde de
1751, déposés le 30 juin 1774 et reposés ici en
juillet 1775. Deux poêles à tablette de marbre
blanc, l’un au pied de l’escalier, remplacé par
une armoire en 1778, l’autre, « pour la pièce à
côté de la bibliothèque », furent fournis la
même année. En novembre 1775, les travaux
étaient terminés.
En décembre 1780, « une armoire sur le palier
de l’escalier de la bibliothèque est réalisée ».
Le 1er décembre 1781, « Mme la Comtesse
d’Artois demande que les panneaux de sa pe-
tite bibliothèque soient décorées de peintures
arabesques et que les livres soient couverts
d’une toile peinte dans le même genre. Cette
princesse désirerait que dans le besoin, sa bi-
bliothèque put lui servir de salle à manger. J’ai
l’honneur de rendre compte à monsieur le Di-
recteur général que cette demande nécessi-
tera de repeindre les boiseries et de redorer
11. Trois pilastres de les ornements de cette bibliothèque. Il n’est
bibliothèque, bois peint,
sculpté et doré,
pas possible d’apprécier au juste la dépense
vers 1774, qu’occasionnera ce changement, mais je crois
musée du château qu’elle sera un objet d’environ 6 000 livres37. »
de Versailles
et des Trianons, Mais ce furent 11 000 livres qui furent prévues
V 3075, V 3076 et pour 1782, dont seulement 1 000 pour la me-
V 3077 ; le style de ces nuiserie de Deruelle et 10 000 pour la peinture
pilastres de bibliothèque 11
où se lisent les noms et dorure de Dutems.
de Virgile et d’Horace la princesse disposa de deux petites pièces En janvier, « les lambris de la bibliothèque
n’est pas sans rappeler
celui de la bibliothèque
auxquelles elle accédait par un escalier parti- sont grattés pour être repeints et dorés ». On
du roi. La qualité culier (D’ et DD’). Son intimité devenait ainsi modifia le décor du petit cabinet qui reçut,
et la dorure imposent plus complète et autonome vis-à-vis de son face à la fenêtre, une alcôve de glaces. Ces
un travail réalisé pour
un membre de la famille époux. Au début de 1774, la « Bibliothèque et dernières furent demandées le 25 février par
royale à Versailles ; Petit Cabinet de Madame la Comtesse d’Artois Heurtier. Les retours de cette même niche
on note que deux de à faire à neuf ; indiqués pour 1774 », s’éle- étaient composés de deux glaces au tain en
ces pilastres sont ornés
de moulures dorées vaient à 29 300 livres, dont 2 000 pour le serru- deux parties, alors que son fond était fait
au revers et présentaient rier Cahon, 4 000 pour le menuisier Clicot, d’une glace blanche afin d’éclairer le palier de
donc deux faces visibles.
On peut suggérer
10 000 de peinture et de dorure pour Dutems, l’escalier. En mars, « les dorures de la biblio-
comme provenance soit et 9 000 pour la partie sculptée réalisée par An- thèque sont très avancées. Les lambris du
la première bibliothèque toine Rousseau36. Les travaux qui eurent lieu petit cabinet à côté sont posés et blanchis et
du comte d’Artois
de 1774, soit celle pendant l’été de 1774 ne se trouvèrent achevés commencés à adoucir. » Il fut décidé d’en
de son épouse, qu’à la fin de cette année-là. Une note du changer la cheminée prévue en griotte d’Italie,
créée la même année ; 1er novembre nous apprend que « les entresols comme celle de la bibliothèque qui devait re-
ces éléments
m’ont été signalés par de Mme la Comtesse d’Artois seront terminés cevoir « une tablette de même marbre pour un
M. Christian Baulez à peu de chose près. Ils l’auraient été absolu- pied de table ». Mais il semble que cette qua-
qui voudra bien
accepter ici l’expression
ment pour le retour, mais il a fallu faire une lité de marbre ne fut pas retenue. En avril,
de ma reconnaissance. voussure en menuiserie après coup et dont on « les dorures de la bibliothèque sont finies,
V 3075 mesure 2,91 m a pu prendre les mesures que tard. Cette vous- celles du petit cabinet près la bibliothèque
sur 0,39 m ;
le bas-lambris sure d’une exécution très difficile va présente- sont finies. On va commencer à peindre sur
mesure 0,81 m ; ment entre les mains du sculpteur et comme il les panneaux. » Au mois de juin, « on continue
il est à parement n’y a pas de plâtre neuf dans cette partie, vous les peintures des panneaux de la bibliothèque
mouluré sur le revers.
V 3076 mesure 3,06 pouvez assurer Mme la Comtesse d’Artois, et du petit cabinet ». En juillet, « on continue
sur 0,39 m ; M. qu’elle pourra jouir de ses entresols, quinze les peintures de la bibliothèque ». En août,
il est à parement
Jean-Jacques Gautier

sur le revers. V 3077


jours après son retour, au plus tard. » « les peintures de la bibliothèque sont faites.
mesure 3,03 sur L’année suivante, en 1775, on remploya une L’on est à ébaucher celles du cabinet. » En
0,33 m ; c’est un cheminée vert campan et on délivra un nou- septembre, « les peintures du cabinet d’entre-
panneau mural. Tous
portent la marque au veau foyer « pour le cabinet à côté de la biblio- sol sont commencées ». En octobre, « on
pochoir E 12 thèque ». Les onze glaces de bibliothèque, continue les peintures du cabinet ». En

42
novembre, « les peintures du cabinet sont très ornements de bois doré sculpté. Le tout
avancées et seront finies dans peu ». Ce n’est prisé. / 3 Item. Deux parquets de glace dans
qu’au début de 1783, à la date du 15 janvier, leur niche de bois doré, sculpté. Prisé à. /
qu’il fut annoncé que « les peintures du cabi- 4 Item. Le lambris et panneaux tant de la croi-
net sont finis ». sée que façade d’icelle. Prisé. / 5 Item. Tous le
Ce même mois de janvier, il fut décidé que les lambris, alcôve, deux parquets de glace, deux
cheminées des deux pièces seraient de blanc portes d’entrée et panneaux ornés de pein-
statuaire, mais ce n’est qu’en septembre 1784 tures avec dorure de bois sculpté. Prisé38. »
que ces deux chambranles furent délivrés. Les glaces du premier article semblent corres- 12. Panneaux de
C’est certainement le plus grand qui apparaît, pondre à celles délivrées en 1751 pour Ma- boiserie en bois sculpté
déjà restauré, en octobre 1788. dame Adélaïde, déposées en 1774, mises de peint et doré,
vers 1770 et 1780,
Il est difficile de se représenter ces pièces dis- mesure et remployées en juillet 1775 ; ainsi musée du château
parues. Peut nous y aider un procès-verbal d’ailleurs que les deux trumeaux de glace en de Versailles
et des Trianons ;
dressé le 9 prairial an II (28 mai 1794), qui vis-à-vis. Les deux premiers articles furent on peut affirmer
mentionne dans le boudoir de l’épouse de vendus sous le lot 16 907 pendant la décade en toute certitude
Charles-Philippe : « Premièrement ; onze pan- du 11 au 19 thermidor an 2 (29 juillet-6 août que ces éléments
de boiserie proviennent
neaux en glace avec tableaux dessous, le tout 1794) : « Un cabinet de bibliothèque en pein- des entresols
formant bibliothèque avec ferrures et orne- tures à l’huile arabesque consistant en treize de la comtesse d’Artois,
ments de bois doré sculpté et au-dessous des parties de glaces dont onze 67 / 22 [1,71 m sur bibliothèque
ou certainement cabinet
dits panneaux, onze autres panneaux peints 0,60 m], deux 38 / 21 [1,03 m sur 0,57 m] et arabesque ;
avec aussi ornements de bois doré sculpté. une de 25 / 21 [0,67 m sur 0,57 m]39. » L’ar- ces panneaux font 1,95
sur 1,11 m de large ;
Lesdites glaces contenant quatre pieds dix ticle 5 semble correspondre au cabinet proche le bas-lambris est
pouces de hauteur (1,57 m) sur vingt et un de la bibliothèque de l’entresol. à 0,80 m de haut ;
pouces de large (0,56 m). Le tout prisé (sans Il existe dans les réserves du château de Ver- au revers de l’un se lit
l’inscription « Feuillet » ;
estimation). / 2 Item. Deux portes de commu- sailles plusieurs éléments de boiserie présen- ils portent la marque
nication garnies de glace en deux parties avec tant un décor arabesque peint sur des au pochoir E12

Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

12

43
panneaux (fig. 11 & 12). À notre connaissance, glace blanche. Le cabinet mitoyen ne néces-
il ne semble pas qu’il y ait eu d’autres réalisa- sita que deux glaces au tain pour trumeaux et
tions de ce type pour d’autres membres de deux blanches pour dessus-de-porte. La
la famille royale à Versailles. On y voit en par- même commande vit la livraison pour les che-
ticulier deux panneaux composés d’un bas- minées d’entresol et de garde-robe de six tru-
lambris et d’un lambris de hauteur flanqués meaux de glace. Toutes avaient été deman-
de parcloses, provenant d’entresol, comme le dées le 19 octobre 1773.
suggère leur faible hauteur. Le décor peint Grâce au plan conservé aux Archives natio-
arabesque est proche de ce que l’on connaît nales, au détail des marbres et glaces deman-
des réalisations pour la comtesse d’Artois, dé- dés, ainsi qu’à la dépose de glaces réalisée le
crites dans les textes précédents. Alors que le 5 avril 1781, lors de la perspective d’une trans-
décor sculpté et doré témoigne d’une prove- formation, on peut se figurer la pièce avec pré-
nance princière, mais antérieure à 1780, on cision. Une niche face à la fenêtre avait ses
pourrait le dater de par sa facture autour de côtés ornés de glaces au tain et son fond
1770. d’une grande glace blanche qui permettait
d’éclairer le passage obscur succédant au pa-
lier. Pour augmenter ce jour de souffrance, les
deux portes qui la flanquaient comportaient
Le cabinet intérieur et aussi des glaces blanches. La cheminée était
la bibliothèque du comte d’Artois une griotte d’Italie neuve, surmontée d’un tru-
meau de glace. Dix armoires de bibliothèque
Il s’agissait, en 1773, année du mariage, de et deux autres portes de communication ryth-
disposer les indispensables cabinet intérieur maient la pièce. Les quatre glaces blanches en
et bibliothèque pour le prince. Ils se trou- dessus-de-porte, lors de la dépose, firent l’ob-
vèrent aménagés à l’entresol au-dessus de sa jet d’infinies précautions : « 4 de 22 pouces
chambre à coucher. Les deux pièces furent sur 21 blanches et peintes provenant du
conçues et décorées ensemble, et il est préfé- même lieu et déposées au Bureau de MM. Les
rable de ne pas séparer leur étude. On se sou- Inspecteurs avec les bordures des glaces au
vient que le menuisier Thomas était intervenu tain de la bibliothèque41. » On constate dès
pour y disposer un grand nombre d’armoires. lors que la pièce avait fait l’objet d’une re-
L’inspecteur Lécuyer prévoyait encore cherche au niveau de son décor, constitué de
30 000 livres le 7 février 1774 pour parachever glaces peintes en dessus-de-porte. Lors de la
ces deux pièces, ce qui laisse supposer de leur dépose d’avril 1781 par le miroitier Maréchal,
degré de richesse. La somme de 10 000 livres toutes les glaces provenant de la biblio-
revenait à Dutems au début de l’année pour la thèque, livrées en 1774, se retrouvent avec la
« Peinture et dorure du petit cabinet de Biblio- mention : « ces glaces n’étant que déposées et
thèque de Monsieur le Comte d’Artois ; com- mises en dépôt ».
mencé, indispensable à faire40 ». Les marbres Si l’on observe le plan le plus ancien avec pré-
des cheminées avaient été commandés en no- cision, on voit que le volume F est occupé par
vembre 1773 et furent délivrés le 7 mars 1774 quatre petites pièces délimitées par des cloi-
par François Bouchard. Le plus grand de sons : la bibliothèque (FF’) elle-même ne pré-
4 pieds 8 pouces consistant en foyer, jam- sente que six armoires, peut-être sept si l’une
bages, tablette et revêtements, était une s’identifie avec la porte vers le cabinet, en re-
griotte, le second de 4 pieds 6 pouces consis- vanche on en repère trois sur le passage qui la
tant en foyer, revêtements, tablette, traverse, précède : ce qui laisse supposer que cet es-
jambages et plinthe, était en marbre d’Antin. pace intermédiaire était conçu comme une
La plinthe était « entre les deux jambages de partie de la bibliothèque et devait donc être
la cheminée pour élever l’âtre du feu de décoré en harmonie et avec le même degré de
4 pieds 8 pouces de long sur 5 pouces de haut richesse. On retrouve là cette tendance déco-
et 1 pouce d’épaisseur ». Quant aux glaces, rative à multiplier les glaces sans tain et cer-
elles consistaient en une glace au tain pour la tainement à jouer de textiles colorés.
cheminée de la bibliothèque, deux pour les
côtés d’une niche, une grande glace blanche
pour le fond de la niche, les armoires de bi-
La salle à manger
Jean-Jacques Gautier

bliothèque au nombre de dix étaient sur deux


registres avec une glace de plus grande hau- du comte d’Artois
teur sous une glace carrée, quatre portes com-
portaient aussi des glaces blanches et quatre Cette pièce occupait dans un premier temps
dessus-de-porte les surmontaient, toujours en l’espace de l’ancienne bibliothèque de

44
Madame Adélaïde (E’). Comme toutes les Le laboratoire et le cabinet
pièces de l’entresol du comte d’Artois, la salle
à manger fut meublée en 1775. Des marbres du tour du comte d’Artois
furent demandés le 24 avril pour « une table En 1773, ces deux petites pièces étaient à l’en-
de marbre Languedoc de 3 pi. 9 pouce de long tresol et s’éclairaient sur la galerie de pierre.
et quatre encoignures pour la même pièce et Le laboratoire comportait une forge, avec en
de pareille marbre de chacun 15 pouce sur vis-à-vis une glace au tain, livrée en avril.
15 pouce42 ». Il semblerait qu’elles étaient En juin 1774, les changements ordonnés par
destinées à des meubles de menuiserie, peut- le comte d’Artois aboutirent à l’établissement
être sous forme de consoles prises dans la des bains dans les pièces de l’entresol sur la
boiserie. galerie et au transfert du tour et du laboratoire
Le 6 janvier 1781, le comte d’Artois « demande dans une seule pièce, ancien cabinet de Ma-
[…] la suppression de la cloison qui sépare dame Henriette, entre le cabinet intérieur et la
son laboratoire et sa petite salle à manger, salle à manger.
que ce changement nécessitera la reconstruc- De nouveaux aménagements pour ce labora-
tion de la cheminée du laboratoire et qu’il fau- toire firent intervenir Colin Gamain « employé
dra y poser une cheminée de marbre et une à souder une pompe à feu » en octobre 1775 et
glace43 » (E’ et EE’). des scellements le même mois47. On livra en
La réponse du directeur des Bâtiments mé- avril 1775 « une table de marbre languedoc de
rite d’être retranscrite, car elle témoigne des 3 pieds de long [97 centimètres] sur 19 pouces
préoccupations de cette administration : de large48 ». Le 20 mai 1776, une glace blanche
« J’adhère aux mesures que vous avez prises ; fut délivrée pour le dessus de la porte, une
je vous demande seulement de tâcher de fois de plus pour donner un jour de souffrance
combiner les arrangements que nécessitera la sur les passages49.
suppression de la cloison, de manière à éta- L’encombrement du laboratoire était grand et
blir la cheminée sur des proportions qui per- sans doute le prince se faisait aider, mais il
mettent d’employer ce qui est en magasin ; apparaît comme l’instigateur de ce labora-
peut-être que dans les détails des inspec- toire. Déjà Louis XV avait réglé les fournitures
tions, ces spéculations préalables trop négli- qu’il avait « bien voulu accorder sur ces Menus
gées, pour la cause qu’on peut si rarement re- Plaisirs à Monsieur le Comte d’Artois dès qu’il
placer des choses anciennes. » Le 8 janvier, lui a connu le goût des arts50 ». La pompe à feu
l’inspecteur Heurtier réclamait deux glaces fut faite « sous les yeux de Monseigneur ». Le
« nécessités par les changements ordonnés comte d’Artois exécuta des « étuis à filler […]
par ce prince dans sa petite salle à manger pour la Reine, Madame et Madame la Com-
et dans son laboratoire » de chacune tesse d’Artois ». Quand elle était encore Dau-
49 pouces ½ sur 33 pouces ½, soit 1,34 m sur phine, Marie-Antoinette se vit offrir par son
0,90 m44. beau-frère « un joli tour en l’air, le support en
À la date du 6 février, « les arrangements de la cuivre, les outils et la pierre en cuivre ».
nouvelle salle à manger de Monseigneur le C’est Francastel, menuisier des Menus-
comte d’Artois sont fini45 » (E’). Ces disposi- Plaisirs, qui par l’intermédiaire des premiers
tions nouvelles ne durent pas satisfaire totale- valets de chambre avait pour 4 000 livres exé-
ment le prince puisque, dès le 14 février, Heur- cuté « deux établis de tours, dont un à guillo-
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

tier réclamait de nouveau des glaces « pour la cher et l’autre à pointer en bois d’acajou, une
nouvelle salle à manger de Mgr le comte d’Ar- chaise de bois de noyer à dossier, une caisse
tois et être posées pendant une absence, pour la meule, les différents supports pour les
ayant été demandées après coup ». Destinées outils, un établi à tiroirs d’horloge, un corps
aux trumeaux des deux cheminées, elles me- de tiroirs pour les outils51 ».
suraient 1 mètre de large et 2,03 m46 de haut, En 1775, l’ameublement du laboratoire s’enri-
alors que les précédentes livrées en janvier chissait de « quatre chaises de maroquin, cinq
étaient destinées à garnir les deux portes et aunes de taffetas pour rideaux, une table de
éclairaient le passage derrière. Un réchauffoir marbre blanc, une paire de bras, deux petits
est cité en 1787. flambeaux argentés, une seconde paire plus
Les plans postérieurs à cette transformation forte, tablettes, etc.52 ».
révèlent une pièce de belles proportions, les Mais les passions du prince duraient rarement
deux portes d’accès, les deux fenêtres, deux et la pompe à feu fut remisée de l’appartement
cheminées sur le plus ancien, aucune sur celui au garde-meuble par le valet de chambre
de 1789, et enfin deux poêles sur celui de tapissier et garde-meuble, Jubault, en 177953,
1815. On a peut-être là l’évolution de ce qui et le laboratoire disparut en 1781. En
fut réalisé. août 1785, il fut remis, sur ordre du prince, au

45
marquis de Polignac : « les outils, tour en l’air, demandes qualifiées de peu importantes
tour à guillocher et autres objets dépendants concernent des modifications que l’on identi-
des cabinets de Monseigneur à Versailles54. » fie peut-être avec cette pièce. Un nouveau ca-
binet était prévu en février 1776, auquel on
travailla entre le 29 février et le 18 mars 1776.
Les bains du comte d’Artois Si les travaux des Bâtiments se montèrent ef-
fectivement à 2 850 livres dont 1 500 pour le
Les premières interventions pour les bains menuisier Thomas et 1 200 pour le peintre-
du comte d’Artois datent d’octobre et de no- doreur Dutems, le meuble, lui, en coûta plus
vembre 1773, avec des travaux de soudure ; de 15 000. Livré la même année 1776, il donne
mais les bains particuliers furent établis en la date de création de ce premier cabinet au
juillet 1774, pendant le voyage de Compiègne. décor orientalisant de par le meuble d’étoffe
Les deux pièces des cuves et de la chambre avec une certaine précision chronologique, car
des bains remplacèrent le premier laboratoire des livraisons de taffetas cerise sont faites les
et le cabinet du tour en entresol s’éclairant sur 12 mars, 9 avril et 4 mai 1776, du gros de Flo-
la galerie. On voit livrer du vieux plomb le rence double fond blanc et cerise chiné nué le
16 juillet, de la soudure pour le plateau des 2 avril et encore « pour changement » le 8 juin.
bains les 16, 17, 18 et 21 juillet. Enfin, une Il faut bien avouer que les questions sont loin
glace en deux parties de 1,86 m de hauteur et d’être toutes résolues concernant ce cabinet
de 51 centimètres de largeur est demandée turc. La première est sa localisation. Il semble
pour la cheminée de la pièce des bains le qu’il ne puisse s’agir que du volume (DD)
11 août de la même année, glace qui est dé- s’éclairant sur le jardin par une croisée et dont
posée le 3 octobre et remise en place en no- la création, si on veut bien se le rappeler, da-
vembre. Par la suite, des opérations ponc- tait de 1774. Sur la galerie ne se rencontraient
tuelles voient fournis pour la décharge des qu’un cabinet de chaise et une pièce pour le
bains du prince une table de plomb de 7 pieds valet de chambre de quartier, dont l’ameuble-
de long sur 18 pouces de large, le 27 no - ment est décrit dans les inventaires du Garde-
vembre 1781 et le 28, un morceau de plomb Meuble de la Couronne. Ce qui peut prêter à
pour la cuvette des bains. La même interven- confusion est la représentation, sur deux
tion pour souder la cuvette aux bains est faite plans conservés aux Archives nationales, de
le 27 novembre 1787. Est parfois évoquée une corps d’armoires dans cette pièce que l’on
chambre des baigneurs. peut ainsi comprendre comme une biblio-
Les ameublements délivrés par le garde- thèque avec armoires vitrées. C’est d’ailleurs
meuble du prince corroborent les dates de comme bibliothèque qu’est décrite la pièce
création : 1774 pour la pièce et la chambre des sous la Restauration dans le mémoire du mar-
bains, 1775 pour la bibliothèque, le cabinet, la brier Boichard : « Bibliothèque. Dépose et re-
salle à manger et le laboratoire. pose d’un chambranle de Rance à la grecque
de 1,30 m. sur 1,04 avec tablette de 30 de large
avec revêtement uni de 42 cm de large. » Ainsi
que celui de Drahonet de 1815 où cette « bi-
Le premier cabinet turc bliothèque » est dite avec une croisée. Toute-
du comte d’Artois fois, ni le plan de 1773/1774, ni les plans du
début du XIXe siècle ne maintiennent cette pro-
La création de cette petite pièce (DD) fut occa- position, d’autant qu’un inventaire réalisé par
sionnée par la division du grand cabinet de la le garde-meuble privé du prince, en 1790,
comtesse d’Artois. C’est ainsi que le prince parle d’un cabinet intérieur. On le voit : si la
put disposer d’un petit espace, de plain-pied à localisation est du domaine de la certitude,
l’étage noble, entre son grand cabinet et l’ap- elle se fait en quelque sorte par défaut et té-
partement de son épouse. Créé pendant l’été moigne de la difficulté à lier l’usage d’une
de 1774, il ne présentait pas le caractère indis- pièce avec l’option décorative « à la turque ».
pensable du cabinet et de la bibliothèque, sa Revenons à cette année 1776 où l’on voit ren-
décoration fut simple et son ameublement trer au magasin « les deux glaces blanches ci-
différé. La pièce était de plan barlong avec une après qui étaient en dépôt du 29 février der-
seule croisée dont l’embrasure constituait nier, provenantes du cabinet turc de Monsieur
Jean-Jacques Gautier

presque entièrement un des côtés du boudoir. le Comte d’Artois, parcequ’elles sont suppri-
Dans un supplément d’un « état des ouvrages mées » à la date du 20 mars 1776 56 . Elles
et réparations pour l’année 1775 », on ap- avaient été déposées en même temps que
prend que le comte d’Artois « doit faire des 6 glaces au tain qui furent réemployées lors
demandes à M. le Directeur Général »55. Ces des aménagements de 1776 : « 2 de 31 ½

46
pouces sur 20 pouces ; 6 de 20 ½ pouces année, par les « situations des travaux répara-
sur 17 au tain ; les 6 au tain ont été reposées tions », nous savons qu’« on pose la menuise-
le 18 mars 1776 et les 2 blanches suppri- rie du cabinet du bas »58. En novembre, « la
mées. » Le 30 avril 1776, les travaux repre- menuiserie du cabinet du bas est posée, on va
naient, car on délivrait à cette date au miroi- commencer à peindre59 ». Les travaux conti-
tier Maréchal « 2 glaces qui ont été demandées nuent l’année suivante. En janvier 1782, « la
blanches à la Manufacture de chacune 42 ¾ peinture du petit cabinet est presque faite60 ».
sur 28 pouces qu’elle a fourni pour le Cabinet La cheminée, face à la fenêtre, est dite finie
Turc de Mgr le Comte d’Artois pour être par dès le mois d’août 178161. Ce que furent ces
changement mises au tain et employées dans décors peints reste absolument énigmatique
le dit cabinet ». puisqu’on ne sait même pas si l’arabesque en
Paradoxalement, c’est le garde-meuble privé constituait le principal ornement.
du prince qui nous donne les informations les
plus précises. On sait qu’une banquette en
trois parties de 20 pieds de long, soit plus de
6 mètres et demi, faisant office de divan,
Le second cabinet turc
œuvre de Jean-Baptiste-Antoine Francastel, du comte d’Artois
avait été réalisée apparemment pour ce bou-
doir en 1776. Relevons aussi dans les papiers La nouvelle disposition de la salle à manger
de l’apanage Artois que pour maintenir cer- dut satisfaire le comte d’Artois et l’inciter à
tains éléments textiles, le serrurier Jubault réunir son cabinet et sa bibliothèque. Il n’était
avait livré « plus pour le cabinet à la turc avoir pas simple de bouleverser ces deux pièces,
fait 4 tringles de fort fil de fer poli portant dont les fonctions devaient être conservées,
2 pieds 9 pouces chacune, garnie de gonds po- pour en faire une seule. Le volume (F’) nouvel-
sées à la croisée et porte-croisée. Plus avoir lement créé en réunissant les deux pièces de
fait 4 clefs pour démonter et monter les cou- 1773 avait sa superficie correspondant exacte-
plets dont deux pour des vis à tête carrés et ment à celle de la chambre à coucher au-
les deux autres pour des vis à tête plate et vis dessous. L’architecte la diminua dans sa pro-
à la romaine et fait un tournevis en triangle fondeur et sur son côté méridional par un cou-
ascierrer par les trois branches et un marteau loir en équerre, destiné à contenir des ar-
à scierrer avec panne fendue au manche, avec moires pour les livres. La paroi entre la pièce
charrette le tout bien conditionné. Plus avoir et ce couloir à angle droit était percée réguliè-
fait deux équerres de fer battu portant deux rement, et les ouvertures contenaient en par-
pouces de branche arrêté avec vis à tête frisée tie des glaces sans tain pour laisser passer la
et le gond portant 25 pouces servant à mainte- lumière et éclairer ce couloir de bibliothèque.
nir les cariatides dedans le cabinet turc57. » On C’était le développement poussé à l’extrême
voit ainsi que les quatre tringles pour rideaux fantaisie de la formule adaptée pour la biblio-
et portières s’appliquaient à une porte à deux thèque de 1774 et déjà repris pour le boudoir
vantaux que l’on peut imaginer comme étant turc de Marie-Antoinette à Fontainebleau en
celle ouvrant sur le grand cabinet du comte 1777.
d’Artois, en tout cas de la même largeur que la Les travaux eurent lieu en 1781. Heurtier, dans
croisée. Les mentions des glaces sont frag- une lettre datée du 1er avril, écrit intuitivement
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

mentaires et ne donnent qu’une idée impar- que « Mgr le comte d’Artois a aussi ordonné
faite de l’ensemble. Ce n’est que lors de la du changement dans sa bibliothèque lesquels
modification de la pièce en 1781 que l’on voit j’ai eu l’honneur de vous rendre compte verba-
rentrer certaines d’entre elles, révélant un peu lement. Je suis très persuadé Monsieur le
de ce qui était en train de disparaître. Ainsi, comte que les travaux qui doivent être traités
une porte de six glaces au tain dite provenant pendant le voyage de Marly et qui intéressent
du cabinet turc du comte d’Artois, mais égale- la famille royale seront beaucoup plus consi-
ment, le 4 avril, « du cabinet turc de Mgr le dérables que mon état ne les annonce. » Ils
Comte d’Artois, les glaces cy après au tain : 2 sont en effet contemporains des boudoirs
de 50 ½ pouces sur 29 ½ pouces à côté de la de la reine, de Madame et de la comtesse
croisée ; 2 de 20 sur 29 ½ vis-à-vis, 2 de 43 sur d’Artois.
28 sur la porte. Nota : ces glaces n’étant que Les états de situation des travaux nous rensei-
pour dépose et dépôt ne sont ici que pour mé- gnent sur leur évolution. Notons la distinction
moire. » faite dans le double usage de la pièce. « Les
En 1781, parallèlement à la création d’un se- arrangements du nouveau cabinet en place de
cond cabinet turc à l’entresol, le comte d’Ar- la bibliothèque sont commencés, la maçonne-
tois renouvela le décor. En octobre de cette rie est faite, on pose les menuiseries », à la

47
date du 12 mai. Dès le 1 er mai, 30 glaces 61° ½ sur 27 [0,731 m]. Glaces blanches. 1 de
blanches et 5 au tain étaient demandées pour 61 ½ sur 52 ½ [1,421 m], 4 de 61 ½ sur 36
cette pièce. Le détail de ces glaces mérite [0,974 m], 4 de 56 ½ [1,529 m] sur 22
d’être cité puisqu’il permet de justifier toute [0,595 m], 6 de 56 ½ [1,529 m] sur 20
13. Quatre éléments
du décor du second tentative de reconstitution par l’esprit de ces [0,541 m], 6 de 56 ½ sur 19 ½ [0,528 m], 3 de
cabinet turc à Versailles, cabinets. « État des Glaces à fournir par la Ma- 56 ½ sur 18 ¾ [0,508 m], 2 de 56 ½ sur 18 ½
panneaux de portes,
1781, Jean-Siméon
nufacture pour le service du Roi au château de [0,50 m], 4 de 56 ½ sur 17 ¾ [0,48 m] 62 . »
Rousseau de La Rottière Versailles ; nouvelle bibliothèque, nouveau On note qu’il y a deux hauteurs de glaces
et Jules-Hugues cabinet de M. le Comte d’Artois. Glaces au dans cette livraison : l’une de 61 pouces ½,
Rousseau, Paris,
musée des Arts tain, 2 de chacune 61° ½ sur 54 [1,665 m sur l’autre concernant 25 glaces blanches de
décoratifs 1,462 m], 1 de 61° ½ sur 50 ½ [1,367 m], 2 de 56 pouces ½, ce qui laisse supposer deux
groupes. Le second peut être rapproché des
bibliothèques du couloir en équerre. Le pre-
mier se trouve exactement complété d’une
hauteur de 12 pouces dans le mémoire d’aug-
mentation qui suit, ce qui implique un espace
autre et commun : c’est celui du boudoir turc
proprement dit.
Afin de démontrer qu’il ne s’agit bien que
d’une seule pièce, il est nécessaire de repro-
duire maintenant la demande « D’augmenta-
tion du nouveau cabinet Turc de M. le Comte
d’Artois ; au tain 2 glaces de 54° sur 12°
[1,462 m sur 0,325 m], 1 de 52 sur 12 [1,408 m
sur 0,325 m], 2 de 27 sur 12 [1,367 sur
0,325 m], 1 de 66° sur 43° [1,787 m sur
1,164 m], toutes sont dites jointes de bandes.
Blanches 2 de 62° sur 36° [1,678 m sur
0,974 m] jointes de têtes, 6 de 36° sur 12°
[0,974 m sur 0,325 m], 1 de 53 sur 12 [1,435 m
sur 0,325 m] », jointes de bandes63.
Le 14 juin, « tous les ouvrages de menuiserie
du nouveau cabinet et bibliothèque sont faits,
les ouvrages de peinture et de dorure sont
commencés […]. On continue les ouvrages du
nouveau cabinet » (le 12 juillet). Le 7 août,
« les cheminées des deux cabinets sont finis,
on continue les peintures […]. Tous le blanchi
ordinaire est fait dans le nouveau cabinet. On
peint les ornements sur les pilastres. Cette
pièce sera très avancée à la fin du mois » (le
13 septembre). Le 20 du même mois, Heurtier
spécifie « que le salon turc et le cabinet de
Mgr Comte d’Artois sont bien avancés ». Le
14 novembre, « le cabinet d’entresol est fini. Il
ne reste que les glaces à poser ». Les nou-
velles glaces dites « glaces d’augmentation du
nouveau cabinet turc » demandées le 22 oc-
tobre et posées à la date du 10 décembre
marquent l’achèvement de la pièce. Ces glaces
d’augmentation correspondaient à une surélé-
vation des armoires. Elles constituaient l’es-
sentiel du décor. Le désir de l’architecte était
de créer une pièce qui fît office de biblio-
Jean-Jacques Gautier

thèque mais ornée avec la fantaisie d’un salon


oriental rehaussé de peintures arabesques.
Ce salon turc s’éclairait par deux fenêtres.
Trois trumeaux de glace rythmaient la pièce
13 elle-même. Un entre les fenêtres, deux en vis-

48
à-vis sur les murs latéraux, dont un au-dessus imaginé par M. Francklin. Je consens de tout
de la cheminée qui s’appuyait sur la paroi du mon cœur qu’il en soit chargé. Je demande
couloir. Une niche faisait face au trumeau seulement qu’il mette M. Heurtier à portée
entre-fenêtres et était aussi commune avec la d’examiner l’opération et de la faire suivre par
paroi du couloir. La cheminée était flanquée les inspecteurs du château. Je ne vous indique
de deux armoires de bibliothèques, deux là que des procédés que le bon ordre exige et
autres faisaient face. qui par conséquent seront conformes à vos
Comme souvent dans ces entresols, la niche propres idées66. »
avait en partie une glace sans tain dans son Pour essayer de reconstituer sur le papier ce
fond et les latérales au tain, sur les retours de cabinet, on dispose dans un second temps
cette alcôve. Deux portes traitées en fausses d’informations sur cette pièce et de vestiges
bibliothèques flanquaient la niche64.
L’ensemble fut connu et admiré. Le comte du
Nord, futur Paul Ier de Russie, l’ayant vu lors de
son voyage en France en 1782, désira en avoir
un modèle en cire, « orné de toutes les pièces
avec grand soin, comme nature », réalisé par
Martin. Ce dernier fit « les dessins lavés et
exécutés conformément à l’ensemble de la dé-
coration de ce cabinet, ainsi que les meubles,
tables, girandoles, tapis, cheminée et autres ».
Les quatre bordures nécessaires pour cette
maquette furent sculptées par Jean-Baptiste
Rode et dorées par Ménagé65.
Qui présida à la décoration de cet ensemble
particulièrement original et surveilla les tra-
vaux de sculpture des frères Rousseau ? Le
nom de François-Joseph Belanger a été
avancé. Il se rencontre en la circonstance uni-
quement pour un aspect technique concer-
nant la cheminée. C’est une lettre adressée à
d’Angiviller qui semble nécessiter l’aval des
Bâtiments du roi, car elle implique une inter-
vention sur la structure des murs. « J’ai l’hon-
neur de vous informer que Monseigneur
Comte d’Artois m’ayant demandé de faire pra-
tiquer dans la cheminée de son nouveau cabi-
net à Versailles, un modérateur qu’a imaginé
Mr Franklin pour empêcher la fumée, je n’ai
voulu prendre sur moi d’y rien faire faire sans
avoir auparavant votre agrément. Ce moyen
qui vous est surement connu puisqu’il est
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

fondé sur des principes physiques consiste à


mettre toujours en équilibre, l’air intérieur de
la chambre avec la capacité du tuyau de che-
minée au moyen d’une trappe en tôle, qu’il
nomme régulateur et qu’on fait mouvoir à dis-
crétion de manière que quand le volume d’air
vient à augmenter on puisse diminuer l’ouver-
ture de la cheminée ; cet expédient n’est sujet
ni au danger du feu, ni à aucune construction
considérable en plâtre. » Deux jours après, le
7 novembre 1781, le directeur des Bâtiments
du roi faisait sa réponse au premier architecte
du comte d’Artois : « Je ne puis avoir que de
l’empressement Monsieur pour tout ce qui in-
téresse Monseigneur le Comte d’Artois et si
vous pensez que le fumiste Meller soit l’ou-
vrier le plus capable d’exécuter le modérateur

49
du lambris partagés entre Versailles, le musée architectes du château […] cinq [sic] panneaux
des Arts décoratifs de Paris et le Metropolitan peints représentants des arabesques et des fi-
Museum de New York (fig. 13 & 14). Deux pan- gures vêtues de costumes turcs de fantaisie,
neaux provenant de la collection Hoentschel d’une charmante exécution, que l’on peut
et faisant partie d’un ensemble de huit sont attribuer à Leprince et qui proviennent de la
conservés à New York, tandis que les six autres décoration d’un boudoir. Par suite du même
sont à Paris. Leur origine versaillaise ne hasard, une suite de six panneaux absolument
semble faire aucun doute. Dans la Chronique des identiques se trouvait, dans le cabinet de
14. Deux éléments
du décor du second
arts du 27 juillet 1891, Alfred de Champeaux travail de l’architecte de Versailles. Il y a
cabinet turc à Versailles, publie un article où sont évoqués ces pan- quelques années le Musée des Arts Décoratifs
panneaux de portes, neaux. Il mérite d’être cité : « Dernièrement un avait obtenu de la Direction des Bâtiments ci-
1781, frères Rousseau,
New York, Metropolitan marchand d’antiquités de Paris, achetait à Ver- vils, le dépôt de trois de ces sujets dans ses
Museum of Art sailles, dans la succession de l’un des anciens galeries, tandis que les trois autres sont restés
à Versailles, accompagnés de quelques mor-
ceaux supplémentaires moins importants. Il
serait intéressant de savoir à quel moment ces
six [sic] peintures dont le propriétaire actuel
demande un prix considérable […] sont sortis
du château. Nous croyons devoir signaler le
fait à l’administration et demander une en-
quête67. » Or, nous ne connaissons à l’heure
actuelle que huit panneaux. Champeaux était-
il parfaitement informé et les cinq-six pan-
neaux de l’antiquaire, vite revendus à Georges
Hoentschel, ne seraient-ils que deux ? On
connaît également, dans les réserves de Ver-
sailles, trois pilastres peints façon turquerie
sous les numéros V 3071, V 3072 et V 3073
(fig. 15).
Enfin, les papiers révolutionnaires révèlent
que, dans un premier temps, les glaces furent
déposées et entreposées sur place, le 9 prai-
rial an II : « en présence du citoyen Robin mi-
roitier en cette commune rue du Commerce
n° 50 chargé de l’enlèvement des glaces de la
ci-devant liste civile, lequel nous a conduit
dans l’appartement ci-devant de Charles-
Philippe Capet, où nous n’avons trouvé que
les glaces étant en dépôt et appartenant à la
ci-devant Liste civile, que sur l’une des portes
même, les scellées étaient encore appo-
sées68. » Elles firent par la suite partie des
ventes de Versailles, « copie du procès verbal
de vente du 11 au 19 messidor l’an deux de la
République, décade du Cn Charles, huissier,
bibliothèque Artois 15 598 Item Six glaces
peintes sujets à la turc dont quatre 33/20 et
deux de 32/21 de l’article adjugées pour quatre
cent quinze livres au citoyen Feucher,
415 l.69 ».
À la même époque révolutionnaire, mais plus
tard, on note : « Du 6 germinal en 5 (26 avril
1797). Rentrée de la bibliothèque du ci-devant
appartement de l’émigré d’Artois au Palais na-
Jean-Jacques Gautier

tional de Versailles. Premièrement : seize


montants de baguettes de bois unies et do-
rées de chacune 6 pieds 2 pouces de haut sur
2 ½ pouces, ce qui fait une quantité de quatre
14 vingt dix huit pieds huit pouces. Plus huit tra-

50
verses de chacune sept pieds 6 pouces, ce qui volontaire se retrouve avec les panneaux
fait 60 pieds. Plus 4 traverses de chacune inférieurs. Deux sont à motif de lyre et deux
2 pieds 2 pouces ce qui fait 8 pieds 8 pouces. autres à motif de vase, ce qui laisse supposer
Plus enfin quatre autres traverses de chacune qu’il n’y avait en tout à l’origine que quatre
1 pied 8 pouces, ce qui fait 6 pieds 8 pouces. portes. Quant aux glaces peintes, elles pou-
Total Cent soixante quatorze pieds sur la dite vaient servir de dessus-de-porte. Les deux
largueur de trente lignes70. » Ces baguettes dernières devaient surmonter celles de
devaient être les dépouilles des armoires dont chaque côté de la niche. Elles sont divisées en
les glaces avaient été vendues. deux lots ; quatre font 20 pouces de largeur, ce
La modification qui entraîna un ajout de qui donne 54 centimètres. Les panneaux
glaces dans la partie du salon turc eut une in- peints ont une largeur qui oscille autour de 15. Frères Rousseau,
Trois pilastres
cidence sur le mobilier qui nous intéresse ici, 66 centimètres. On le voit, l’hypothèse, en du décor du second
car elle permet de préciser l’aspect de cette tenant compte de la bordure de bois doré, cabinet turc à Versailles,
1781, musée
pièce. À la date du 7 décembre 1781, au nou- est vraisemblable. Pour ce qui concerne les du château
veau cabinet de Versailles, le garde-meuble du trois pilastres dont il devait y avoir au moins de Versailles
prince envisageait « quatre girandoles dispo- un quatrième maintenant disparu, ils font et des Trianons,
V 3071, V 3072
sées pour les places […] deux autres giran- 98 centimètres pour le bas-lambris et 210 cen- et V 3073, marque
doles à cinq lumières pour être placées sur la timètres au-dessus, ce qui fait en tout au pochoir E 17
table aux côtés de la pendule. Trois paires de
bras simples pour le corridor de la biblio-
thèque71. »
Il est difficile de reconstituer la pièce sans
donner les dimensions de ces éléments. Les
livraisons de glace permettent une première
hypothèse cohérente. Le trumeau de la chemi-
née (certainement celle de griotte livrée
en 1774 et remployée) ne servait que l’été.
Tous les ans à l’automne, il disparaissait pour
laisser la chaleur envahir les deux espaces.
Quatre armoires vitrées diffusaient la lumière
naturelle comme d’ailleurs la glace sans tain
du fond de la niche, face aux croisées, mais
qui ne devait pas occuper toute la surface de
ce fond de niche, les flancs de cette alcôve
étant en glace au tain. On trouve un trumeau
entre les deux fenêtres. La niche était canton-
née de « fausses portes de bibliothèque » qui
communiquaient avec le couloir, comme nous
l’avons vu.
Alors, où situer les panneaux peints d’ara-
besque ? Il semble que quatre portes et
fausses portes à un seul vantail étaient
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

peintes sur deux registres avec camées bleu


turquin dans des bordures dorées feintes,
flanqués de figures de femmes-tritons ou de
femmes orientales. Dans la partie inférieure,
on voyait des enfants avec vases et instru-
ments de musique. En effet, les huit panneaux
connus se divisent nettement en deux séries,
les quatre plus riches avec camée, les autres
plus ornementaux avec des rinceaux. On peut
donc penser qu’ils se superposaient, ce qui
fait quatre portes. De plus, si l’on veut bien les
considérer avec soin, les quatre panneaux les
plus riches sont symétriques : deux sont avec
des femmes orientales, les deux autres avec
des femmes-tritons. Le dessin arabesque de
ces panneaux avec camée diffère et est simi-
laire pour les mêmes paires. La même symétrie 15

51
16

16. Panneaux de 308 centimètres. Deux font paire, mais il est d’un appartement remarquable pris entre
boiserie à sujet de difficile de leur trouver une affectation précise celui de la sœur de Louis XVI et les ensembles
turquerie, ancienne
collection Pierre sur les plans. On se rappelle toutefois que la Artois. On soupçonne, avec ces personnages
Decourcelle pièce comportait bien des pilastres peints72. dont la faveur était plus ou moins réelle
Si l’on se souvient que Champeaux parlait de auprès de Marie-Antoinette, que la présence
cinq ou six panneaux peints, ne faut-il pas de la reine y était plus spontanée que dans
prendre en compte aussi les trois panneaux d’autres parties du château. On ne dispose
publiés dans la revue Les Arts et qui montrent pas pour cette époque de mémorialistes at-
des décors très proches de ceux dont la prove- tentifs aux faits quotidiens ayant pour cadre
nance est certaine. Ces trois panneaux sont les maisons royales, ni du génie d’un duc de
attribués à cette époque à Fragonard et dits Saint-Simon posant le décor d’une scénogra-
« porte du château de Versailles ». Ils sont en phie d’étiquette quand cela lui est utile ;
1910 dans la collection Pierre Decourcelle, aussi, dans ce contexte, les mentions des do-
place François-Ier à Paris73. Si ces éléments cuments administratifs contemporains de ces
dont on ne connaît ni les dimensions, ni l’as- événements sont précieuses. Les éclairages
pect du revers, devaient prendre place dans en sont plus anecdotiques et indirects,
l’ensemble versaillais du boudoir turc du comme cette note de l’inspecteur Heurtier du
comte d’Artois, il faudrait leur assigner un em- 28 septembre 1778 adressée à son directeur, le
placement dans l’alcôve. On doit pour le mo- comte d’Angiviller : « La Reine m’a envoyé
ment les considérer comme étrangers à notre chercher ce matin pour m’ordonner de faire
ensemble (fig. 16). couper les châssis des croisées de sa chambre
à coucher comme ils sont à l’appartement de
Les appartements furent abandonnés dès juil- Madame la Comtesse d’Artois74. »
let 1789 par l’exil du prince, de son épouse et Le comte d’Artois semble avoir eu, auprès de
de leurs enfants. L’administration en profita son entourage, un certain rayonnement qui
alors pour rafraîchir ces lieux désertés. Ainsi, transparaît dans les différentes mentions rela-
pendant le second semestre de 1791, les frères tives à ses exigences. Ainsi, le 20 janvier 1780,
Rousseau envoyèrent un de leurs sculpteurs Heurtier rend compte à son directeur que
qui, pendant quatre journées, fit les répa- « Madame de Lamballe se restreignant à un
rations nécessaires aux sculptures chez lambris de papier dans son salon, la demande
Madame Élisabeth, Monsieur et Madame des bordures en devient d’autant plus admis-
d’Artois. sible, qu’elle tient aux vues de M. le Comte
d’Artois75 ». À cette date, la surintendante de
On devine combien, entre 1773 et 1789, l’étage la Maison de la reine est dans l’aile du Midi
Jean-Jacques Gautier

noble de l’aile des Princes était impliqué dans côté rue : son appartement est fréquenté par
la vie de la Cour et de la famille royale. Depuis le prince et son nom y sert de caution. Toute-
1780, Madame Élisabeth occupait le bout de fois, certaines de ses demandes sont négo-
l’enfilade des pièces sur le jardin avec sa dame ciées et finissent par être abandonnées :
d’honneur Diane de Polignac, qui disposait lorsqu’il veut un couloir pour se rendre à

52
17

couvert à la petite salle de comédie ; mais « J’ai vu revenir madame la Comtesse d’Artois 17. Aquarelle
quand il informe en 1781 qu’il « désirait que du château de Bagatelle, où elle s’est établie gouachée attribuée
à Pierre Ranson,
l’on posât une girouette sur le château, positi- pendant l’absence de M. le Comte d’Artois. vers 1780, ancienne
vement à l’angle au-dessus du cabinet de Cette princesse, grosse de près de cinq mois a collection A. Decours,
vente 19 et
Monsieur », sa requête est suivie d’effet. fait, un moment après, une chute dans sa 20 avril 1929 ;
La princesse est assez isolée au sein de la fa- bibliothèque de Versailles, qui sans pouvoir cette représentation d’un
mille royale. Les distractions sont rares : des inquiéter, l’a engagée à rester quelques heures boudoir turc témoigne
de l’extrême fantaisie
visites à Mme de Montbel à l’attique de l’aile dans son appartement avant de retourner à que pouvaient revêtir
des Princes ou ces proverbes joués chez la Bagatelle77 », nous révèle le marquis de Bom- ces décors
comtesse d’Artois en décembre 1781 par les belles à la date du 21 septembre 1782. L’im- orientalisants ;
on semble ici se trouver
Comédiens-Français, offerts par le prince cer- portance de ces bibliothèques pour tous les dans une petite pièce
tainement pour la naissance du Dauphin76. Il membres de la famille royale ne s’explique- basse de plafond avec
des dessus-de-porte
apparaît que la comtesse d’Artois semble t-elle pas, en dehors d’un goût sincère pour la de glace et un fond
avoir manqué de crédit à la Cour, comme le lecture, d’une volonté de multiplier les lieux de glace peinte
laisse supposer cette note de d’Angiviller de de retraite sous l’apparence la plus anodine ? dans la niche
1781, au moment où elle souhaite renouveler Ou encore, comme le suggère d’Angiviller, les
le décor de sa bibliothèque : « Les demandes personnes de l’entourage des princes ne cher-
de Madame Sophie et de Madame la Com- chaient-elles pas à se préserver des pièces de
tesse d’Artois dont vous m’avez Monsieur retraite sous couvert de demandes prin-
donné connaissance […] sont du nombre de cières ? Ne ressemblaient-elles pas à un alibi
celles qu’il est impossible d’écarter. Je regrette de convenance aux yeux de la Cour et de la
que la seconde ne se présente sous un aspect société parisienne ? En tout cas, les préjugés
infiniment plus dispendieux qu’il ne sera devaient être tenaces, car le cabinet turc du
Les appartements du comte et de la comtesse d’Artois à Versailles

utile : ce que je regrette plus encore, c’est comte d’Artois et les cabinets arabesques de
d’avoir à penser que toutes ces idées sont son épouse furent les seuls décors immeubles
peut-être bien moins propres à la princesse provenant des intérieurs du château de Ver-
qu’aux personnes qui l’entourent. » Ou en- sailles à être en partie soumis aux feux des en-
core, en 1788, lors de l’entresol à usage de bi- chères par la Révolution (fig. 17).
bliothèque demandé par la princesse et qui
suscite le commentaire suivant : « Vous avez Cet article est un condensé d’un mémoire de l’École du
justement, M., prévenu mes intentions, en au- Louvre soutenu en 1985. Je tiens à remercier particu-
torisant le petit plancher désiré par Madame lièrement M. Christian Baulez, conservateur honoraire
Comtesse d’Artois. Ce n’est pas que je croie du Patrimoine au musée de Versailles, pour sa disponi-
que l’entresol qui en résultera intéresse la per- bilité, ses avis, et qui m’a orienté dans la documenta-
sonne même de cette princesse, mais il me tion réunie au château de Versailles. Mes remerciements
doit suffire qu’Elle ait bien voulu y mettre son vont également à Mme Nadine Pluvieux, ainsi qu’à
nom. » En proie à des tiraillements au sein MM. Roland Bossard, Jean-Pierre Bruslé, Guy
même de la famille royale, la princesse se ré- Kuraszwesky et Gérard Mabille. J’aimerais associer
fugiait-elle, en dehors de sa petite maison de aussi à ce travail les noms de mes deux professeurs :
Saint-Cloud, dans ses cabinets de Versailles ? Colombe Samoyault-Verlet et Pierre Lemoine.

53
notes

1. Rosemarie Stratmann-Döhler, « Les logements des 25. Deux glaces furent posées par Dumont le de bibliothèque. » Ibid., même opération en
courtisans à Versailles », dans Eighteenth Century 30 août 1774, AEPV, 12, fo 35. octobre 1790 : « portes de la bibliothèque du
Life. The Art and Architecture of Versailles, 1993, cabinet turc de Mgr le Cte d’Artois. »
26. AN, O1 2002A8.
p. 167/181.
65. AN, R1 324 : « Quatre bordures […] à deux
27. AN, O1 1764A5.
2. ADY (Archives départementales des Yvelines), II Q 4. ornements qui est feuille d’eau à côte creuse et perles
28. AN, O1 1171 et O1 1764A5. l’une contre l’autre ». L’ensemble fut réalisé avec
3. AN (Archives nationales), O1 1124, O1 * 1800
précipitation et le modèle lui-même coûta 2 413 livres.
ffos 283 et 284, O1 1799164. William R. Newton, 29. AN, O1 * 18002, fo 204.
L’Espace du roi. La Cour de France au château de 66. AN, O1 1174.
Versailles 1682-1789, Paris, 2000, p. 533. 30. AN, O1 18011.
67. Document aimablement signalé par M. Christian
4. AN, O1 1764A1, O1 17992 et O1 * 2276, 31. AN, O1 * 1235, fo 207. Baulez. Ces panneaux peints semblent avoir suscité
fo 21. 32. AN, O1 1135, O1 1136 et O1 1137. l’intérêt des connaisseurs très tôt : Georges Berger,
« Un cas incroyable de vandalisme. Les boiseries
5. AN, O1 1168. 33. AN, O1 1179. sculptées du château de Versailles », Revue des arts
6. AN, O1 * 2276, ffos 32 et 34. 34. AN, O1 * 20873. décoratifs, t. XVI, 1896, p. 123 ; A. Boppe, « Les
“peintres de turcs” au XVIIIe siècle », Gazette des
7. AN, O1 1169. 35. AN, O1 2003B1. beaux-arts, 1905, p. 220 ; plus récemment,
8. AN, O1 1150, O1 18024 et O1 2003A1 et 2. 36. AN, O1 1764A1. Georges Hoentschel, Paris, 1999, p. 188/191.
9. Documents aimablement communiqués par 37. AN, O1 18011, O1 * 1234, f° 323, et O1 1174. 68. ADY, II Q 1.
MM. Guy Kuraszewsky et Christian Baulez. 69. ADY, II Q 71. Christian Baulez, « Le goût turc.
38. ADY, II Q I : « nous a encore observé le citoyen
10. Cette cheminée et son trumeau provenaient Haffner que les boiseries, panneaux de glace François Rémond et le goût turc dans la famille royale
de l’appartement aurore au rez-de-chaussée de composant les articles du présent procès verbal au temps de Louis XVI », L’Objet d’art, 2,
Marly. Stéphane Castelluccio, « La décoration et avaient été fournis par les Bâtiments et que en décembre 1987, repris dans id., Versailles, deux
l’ameublement du pavillon royal du château de Marly conséquence le tout appartenait à la ci-devant Liste siècles d’histoire de l’art, Dijon et Versailles, Faton et
à la veille de la Révolution », mémoire de l’École du Civile et non à Charles-Philippe Capet, son épouse et Société des Amis de Versailles, p. 357-366 ; voir
Louvre, décembre 1989. ses enfants émigrés… » aussi La Folie d’Artois, Paris, 1988, p. 80/141.
11. AN, O1 2003A2 et O1 17654 ; 6 pieds de 39. ADY, II Q 71, no 34. Vendu 4 000 livres au 70. AN, O2 * 402 fo 169.
long sur 3 pieds 3 pouces de haut, 6 pouces de citoyen Hedde. Les dimensions diffèrent pour la 71. AN, R1 3911.
large et ½ pouce d’épaisseur sans la tablette. Un hauteur.
dossier des Bâtiments du roi nous définit ce type 72. Ces pilastres sont numérotés V 3071, V 3072 et
de marbre : « ce marbre se trouve à Caunes, la 40. AN, O1 1168, O1 1764A1, O1 1764A5, V 3073. L’un porte la marque E 17. C’est cette
carrière est abondante ; on le connaît à Paris, c’est O1 20844 et O1 20851. même marque que l’on retrouve sur deux panneaux
un mélange de couleurs rouges et blanches, sur un 41. AEPV, 15. sculptés dorés d’une belle qualité avec parcloses
fond rouge obscur » (O1 20881). Voir Geneviève ornées de guirlandes de lauriers. L’un avec parclose
Bresc-Bautier, « Le marbre du roi : l’approvisionnement 42. AN, O1 20852. droite (V 3066) mesure 1,90 m sur 1,11 m et son
en marbre des Bâtiments du roi, 1660-1715 », 43. AN, O1 180225 et O1 * 1324, fo 4. bas-lambris fait 57 centimètres de hauteur. Son côté
dans The Art and Architecture of Versailles, 1993, gauche est coupé net, alors que le droit présente un
p. 36/54. C’est peut-être ce chambranle qui est 44. Ibid. et O1 1174. embrèvement. Le symétrique V 3067 mesure 1,90 m
restauré par Boichard en 1814-1815, « Aile du 45. AN, O1 18011. sur 1,10. Son bas lambris est de 58 centimètres de
Midi. Grds Appts 1er étage. Pièce ensuite. Dépose hauteur. Son côté gauche est avec embrèvement
et repose d’un chambranle en marbre Isabelle à la 46. Ibid. uniquement dans le bas-lambris et son côté droit est
grecque avec consoles galbées de 1,95 m de long droit. Il est difficile de trouver un emplacement précis
47. AEPV, 12.
sur 1,25 m. de haut avec tablette de 38 de large. » à ces derniers éléments.
48. AN, O1 20852.
12. Voir la note 9. 73. Ils passent en vente lors de la vente Pierre
49. AEPV, 12. Decourcelle, les 29 et 30 juin 1911, lot 15 avec les
13. Claire Constans, Musée national du château dimensions suivantes : 91 sur 52 centimètres pour le
de Versailles. Les peintures, Paris, 1995, vol. II, 50. AN, R1 310.
plus grand panneau, 82 sur 53 centimètres pour les
inv. 6859, p. 671, ses dimensions sont de 1,21 m deux plus petits. Jean-Louis Vaudoyer, Les Arts, 112,
51. AN, R1 313.
de haut sur 1,53 m. mars 1911, les trois panneaux sont reproduits. Un de
52. AN, R1 310. ces panneaux est dans le commerce d’art en 1972 :
14. AN, O1 * 1 3461, fo 508.
53. AN, R1 319. voir Plaisir de France, janvier-février 1972, p. 68. Il se
15. AEPV (Archives de l’Établissement public de rencontrait également à l’exposition de tableaux
Versailles), 11. 54. AN, R1 394. anciens au musée des Arts décoratifs des tableaux de
16. ADY, II Q 1. 55. AN, O1 1764A7. turqueries : « De Leprince, autre élève de Boucher,
l’Exposition nous montre deux très importants panneaux
17. Page à la cour de Louis XVI. Souvenir du comte 56. AEPV, 12, fo 115. Mais les documents laissent décoratifs appartenant à M. le vicomte de Ganay et
d’Hézecques, Paris, 1987, p. 29. entendre que peut-être un cabinet turc existait déjà, représentant des scènes orientales encadrées dans
comme nous le verrons plus loin. des ornements rappelant la manière de Watteau. Les
18. Lettre de Gabriel à l’abbé Terray déjà citée en
note 4, O1 17992. 57. AN, R1 311. Ces ouvrages furent réalisés par Turcs de Leprince appartiennent à cet univers de
Jubault fils, maître serrurier à Versailles. fantaisie créé par le XVIIIe siècle ; ce sont des Turcs de
19. AEPV, 12, fo 13, « Registre des plombs et paravent, des chinoiseries turques, comme eût dit
glaces ». Déposées et apportées par Dumont : une 58. AN, O1 18011 .
et 15
Théophile Gautier ; mais ils sont aimables et spirituels,
glace de 75/39 et l’autre de 69/39. Seules deux pleins de désinvolture et de grâce, qualités plus
59. AN, O1 18011 et 17.
glaces, celles de la cheminée et le vis-à-vis, rentrent essentielles que la vérité historique et ethnographique
alors qu’elles étaient quatre en 1748. Y aurait-il eu 60. AN, O1 1764B4. en matière décorative » (Paul Gasnault, « Exposition de
une modification entre ces deux dates ? tableaux anciens, de décoration & d’ornement au
61. AN, O1 18011 et 10.
20. Ibid. musée des Arts décoratifs », Revue des arts décoratifs,
62. AN, O1 1174. 1880-1881, p. 134).
21. AN, O1 1764A2.
Jean-Jacques Gautier

63. Ibid. 74. AN, O1 * 18002, fo 272.


22. AN, O1 17993.
64. AN, O1 2002B2, « État des glaces au tain […] 75. AN, O1 * 1233 fo 11.
23. AN, O1 1764A2. avril 1785 […] Le sieur Maréchal a déposé
et reposé les glaces ci après dans le Cabinet Turc 76. AN, R1 328.
24. AN, O1 2003A2. Elle mesurait 1,43 m et fut
de Mgr Comte d’Artois, savoir glaces blanches 2 77. Journal du marquis de Bombelles, Genève,
déposée en 1788.
de 62° sur 35, 2 de 7° sur 35, fausses portes 1982, t. I, p. 150-151.

54

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