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Bréal, la mondialisation 

: chapitre 5

2. NOURRIR LA TERRE, NOURRIR LES HOMMES.


2.1. LE DÉFI ALIMENTAIRE MONDIAL : UN ENJEU VITAL.
2.1.1. Les termes du débat dans un monde encore si inégal.
La progression de la production de denrées alimentaires peut-elle répondre à l’accroissement des besoins ? Les
difficultés sont quantitatives, historiques, qualitatives, le tout dans un contexte de mondialisation et
d’accroissement des inégalités. La situation alimentaire et agricole mondiale est contrastée : variations des
facteurs organisant la demande. Les agriculteurs sont devenus marginaux dans la population active en Europe
de l’Ouest mais historiquement le nombre d’agriculteurs n’a jamais été aussi élevé (1961 : 850 millions ; 2006 :
1,347 milliards) malgré le recul du poids relatif dans la population active mondiale (1978 : 53% ; 2006 : 43%). Le
même clivage se retrouve dans les structures techniques productives : en Chine et en Inde (66% des
agriculteurs de la planète) exploitations de plus en plus petites du fait de la pression démographique mais dans
les pays développés regroupant 3% des agriculteurs la taille des exploitations croît, la production agricole est
devenue excédentaire. À l’échelle mondiale la situation est claire : poursuite de l’intensification devant les
difficultés d’extension. :)
2.1.2. L’évaluation des besoins : une consommation alimentaire très contrastée.
Les disponibilités alimentaires moyennes par habitant par jour sont de 2 800 Cal : amélioration depuis 1960
mais les situations restent contrastées. Pour les pays développés 3 300 Cal par personne et par jour contre 2
650 dans les pays en développement, groupe de plus en plus hétérogène. Malgré la progression des
disponibilités la sous-alimentation et malnutrition restent problématiques (923 millions de personnes
concernées en 2007). La qualité et la diversité des régimes alimentaires est variable : consommation de
protides inégale, or tout qui améliore ses conditions économiques et sociale voit sa consommation en calories
animales progresser rapidement : doublement de la consommation par tête en Chine depuis 1980. En
consommant de la viande nous consommons des céréales et du soja, d’où le stress sur les marchés céréaliers
mondiaux d’autant que les aides américaines et européennes sont principalement constituées de blé. Les
agricultures vivrières traditionnelles sont déstabilisées par ces importations à bas prix, les modes
d’alimentation s’uniformisent, la dépendance envers les pays développés se renforce. Cependant persistance
de traits culturels alimentaires.
2.1.3. La sécurité alimentaire : un enjeu géopolitique vital.
97% des 923 millions souffrant de sous-nutrition vivent dans des pays en développement. Le nombre de sous-
alimentés augmente depuis 1995 : émeutes de la faim en 2007-2008. En 1960 l’Asie esy le continent le plus
touché mais c’est désormais l’Afrique : 20% de la population asiatique contre 40% en Afrique souffrent de sous-
nutrition. La malnutrition est d’abord un produit du sous-développement et de la pauvreté. Elle affaiblit les
individus. 16 millions souffrent de sous-nutrition et 800 000 de malnutrition dans les pays en transition ou
développés. Ces populations se caractérisent par un régime alimentaire irrégulier et carencé. Forte exposition
aux risques : naturels, économiques, sanitaires.
À l’intérieur d’un même pays contraste entre les régions, les catégories sociales, les villes et les campagnes. Sur
les 923 millions de sous-alimentés, 75% sont des paysans. En priorité les minorités ethniques et les ruraux sont
concernés. La sécurité alimentaire dans les pays développés prend un sens sanitaire.

2.2. LES RÉPONSES AU DÉFI ALIMENTAIRE.


2.2.1. Les révolutions agricoles : un doublement de la production mondiale.
Depuis 1970 la population mondiale s’est accrue de 70% et la production agricole globale a doublé. Ces
résultats sont dus à la seconde révolution agricole débutée après 1945 : motomécanisation (céréales et
oléagineux), chimisation (rendements). Diffusion de la mécanisation des pays développés vers les pays en
développement. Grâce à ces progrès le rendement du maïs passe de 25 q/ha à 140 q/ha. Le poids des intrants
et la structure des marchés tendent à faire des agriculteurs de simples producteurs.
La révolution verte débute en 1960 dans les pays en développement et s’appuie sur des variétés à haut
rendement. Points communs avec la seconde révolution agricole des pays développés : nouvelles variétés,
emploi de quantités importantes d’engrais et de produits phytosanitaires, développement de l’irrigation. La
maîtrise de l’eau en est un élément essentiel. La motomécanisation lourde est absente. Système reposant sur
des subventions étatiques et un encadrement technique, commercial, financier et administratif. Bons résultats
productifs (rendements du riz x3, doublement des récoltes) mais critiques : exacerbation des contrastes sociaux

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Bréal, la mondialisation : chapitre 5

dans les campagnes, déséquilibres environnementaux, dépendance aux multinationales. Les conditions
d’emploi et d’alimentation restent meilleure dans les campagnes touchées par cette révolution. Accroissement
de la main-d’oeuvre : frein à l’exode rural, augmentation des revenus. L’essor de la production entraine une
baisse des prix les producteurs n’étant que modérément touchés car ils produisent en masse.
Essoufflement : ralentissement de la progression des rendements, accroissement des besoins en eau. Des
campagnes restent en marge. Les problèmes environnementaux demeurent sans solution dans des campagnes
où l’intensification est de plus en plus intensive.
2.2.2. Le rôle décisif des politiques agricoles publiques : le rôle des États.
Agriculture : techniques de production et techniques d’encadrement (dynamisme). Ces politiques organisent et
encadrent la production agricole. Les marchés agricoles sont naturellement instables par le décalage entre la
demande solvable stable à court terme et l’offre variable. Dans un système régulé par les prix, les déséquilibres
entrainent des variations de prix plus importantes que celles des productions (effet King). Sur le moyen terme,
le contexte de baisse des prix justifie les politiques américaines ou européennes de gestion de l’offre. La PAC
repose sur la libre circulation des produits agricoles entre les États membres, la préférence communautaire, la
garantie de prix minima, la solidarité financière. Le marché européen est protégé des importations à bas prix
par un système de taxes variables (prélèvements) et les exportations sont soutenues par des aides
(restitutions). Le système permet la modernisation et fonctionne bien tant que les exportations restent
inférieures aux importations (années 1970). Les excédents structurels ont rendu le système couteux et
inefficace. La réforme de 1992 marque le passage à une aide directe aux agriculteurs et l’Agenda 2000 met en
place une politique plus rurale qu’agricole.
Première loi cadre américaine en 1933 : AAA : les revenus des agriculteurs se composent des produits des
ventes et des paiements directs gouvernementaux. Loi cadre agricole de 1996 (Fair Act) pour réduire les
soutiens, annulée par le Farm Security Act de 2002 mettant en place trois types d’aides directes : marketing
loans, direct payments, deficiency payments. Ces aides renforcent la compétitivité. Les aides des pays en
développement présentent des poins communs : contrôle des échanges, politique de prix et d’aides et
conquête de l’espace agricole ; mais elles disposent de moyens financiers moindres alors que la part des
agriculteurs dans la population active y reste élevée.

2.3. DES DÉSÉQUILIBRES DANS LA PRODUCTION ET LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE.


2.3.1. Des mondes agricoles diversifiés face aux marchés.
À quoi sont dus et quelles sont les conséquences des écarts de productivité ? Exemple des céréales : 45% des
superficies cultivées avec un rendement de 10q/ha en 1950 ils dépassent aujourd’hui dans certaines régions les
150q/ha ; ils varient dans le monde de 5 à 125 q/ha. L’écart s'agrandit en prenant en compte la productivité par
unité de main-d’oeuvre : écart de 1 à 3 000 : un agriculteur américain peut nourrir jusqu’à 5 500 personnes, un
malien 2. Rôle décisif sur les marchés mondiaux de plus en plus compétitifs. Des agricultures de niveaux si
différents peuvent-elles entrer en compétition ?
2.3.2. Les faiblesses de la distribution : l’organisation des échanges de produits agricoles.
Les échanges agricoles représentent 8% de l’ensemble des échanges mondiaux. Très peu d’États ont une
production globale. Selon les denrées la part sur le marché international est variable mais les pourcentages les
plus élevés concernent les produits tropicaux. Seuls quelques pays développés ont une production
excédentaire pour les produits à la base des rations alimentaires. Les autres pays sont dépendants des marchés
mondiaux. D’où la demande d’un accès élargi aux marchés des pays riches.
Le problème de fond est celui des cours mondiaux, très fluctuants, formés sur les marchés à terme à New York,
Chicago, Londres. Les situations excédentaires sont plus fréquentes que les périodes de déficit et la tendance
globale d’évolution des prix est à la baisse. Les économies développées ont modernisé et intégré leur
agriculture dans une filière industrielle et de services constituant l’agribusiness dominé par quelques groupes
internationaux américains ou européens.
L’instabilité des prix et l’organisation oligopolistique ont un effet pervers : interventions coûteuses des États,
développement d’une «arme verte» (États-Unis contre l’URSS et Cuba, Sud Soudan et Nord Soudan).
Question de la libéralisation des échanges alimentaires : jusqu’où ? La productivité par homme est décisive.
États-Unis, groupe de Cairns (1986) favorables à une libéralisation totale. Éviter d’exposer les productions des
pays déficitaires à des agricultures hypercompétitives. Organiser des marchés régionaux plus homogènes.

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2.4. LA CAPACITÉ À FAIRE FACE AUX ENJEUX ALIMENTAIRES.


Ajustement alimentaire et équilibre dépendent des orientations agricoles (États-Unis, Union européenne,
Brésil, Chine, Inde). Deux pistes : augmenter la surface ou les rendements.
2.4.1. La difficile conquête de nouveaux espaces agricoles.
Au XIX et au XX augmentation de la production par une augmentation des surfaces. Dans les régions en
développement les surfaces cultivées augmentent et dans les régions développées ou en transition elles se
réduisent. La progression des superficies ralentit. La superficie par agriculteur a diminué depuis 30 ans.
Conquête de la terre par défrichement (fronts pionniers et déforestation). Question du développement durable
de ces régions. Chaque année perte de terres pour l’agriculture (rentabilité, érosion, salinisation, acidification
et appauvrissement des sols). La cause principale reste l’urbanisation et la construction d’infrastructures de
communication. L’augmentation de la production passe désormais par une intensification.
2.4.2. La nécessaire maîtrise de l’eau.
L’irrigation permet un accroissement des rendements. Au XX la surface irriguée a été multipliée par 5. Apporter
de l’eau pour permettre la culture (créatrice) ou améliorer les performances (d’appoint). 18% des terres
cultivées, 40% de la production agricole mondiale. Avantages : accroissement des rendements, correction des
aléas climatiques, réduction des fluctuations, conquête de nouvelles terres, doublement des cultures. La
plupart des zones irriguées sont en Asie et au Proche-Orient (33% de la superficie cultivée en Inde, 36% en
Chine, records au Japon et en Corée du Sud avec 66%). Condition du succès de la révolution verte. Techniques
comparables dans les huertas méditerranéennes et oasis sahariennes.
La gestion de l’irrigation est un enjeu majeur mais se heurte à la raréfaction des ressources en eau disponible
pour l’agriculture. 70% des prélèvements d’eau sont destinés à l’agriculture, l’arbitrage se fait souvent en
faveur des villes, des industries ou des espaces touristiques. Économies en améliorant les techniques, la
gestion.
2.4.3. La recherche de voies nouvelles.
L’impact de l’intensification de la production agricole et de l'irrigation pose la question de la durabilité.
L’augmentation des rendements est nécessaire pour répondre aux besoins alimentaires. Faut-il envisager une
révolution doublement verte ?
Agriculture raisonnée, de précision : limiter les intrants industriels, recherche non du rendement maximal mais
optimal. Haut niveau de compétence, formation des agriculteurs. Solution exclue pour les pays pauvres.
Développement de production de qualité : meilleure gestion de l’environnement et des paysages. Solution trop
limitée pour être globale. De même pour l’agriculture biologique. Voies plus classiques : diversification au-delà
de la sphère agricole.
Biotechnologies et OGM sont présentées comme des solutions à la malnutrition. Enjeu financier considérable.
L’essentiel du soja négocié sur le marché mondial est du soja OGM provenant des États-Unis, du Brésil, de
l’Argentine (70%).
Inquiétudes sanitaires et socio-économiques : doutes sur l’éventuelle toxicité des OGM, danger de la pollution
environnementale. Problème du monopole par quelques grandes sociétés (Monsanto). Les pays en
développement craignent de perdre leurs débouchés tout en étant dépossédés de leur patrimoine génétique
par des dépôts de brevets.
Perspectives offertes par les biotechnologies : golden rice, palmiers dattiers résistant à la sécheresse, Nerica
(1997)... Intensification des recherches agronomiques en Chine et en Inde. Renforces les capacités productives
par des plantes adaptées aux conditions extrêmes.
La solution vient en partie de volontés politiques d’aides à la recherche, de diffusion rapide de nouvelles
espèces, amélioration du fonctionnement des marchés sur la base d’organisations régionales. Les enjeux
géopolitiques ne doivent pas prendre le pas sur le développement.

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