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Marcellin MOMBE EKORE

Lectures Psychanalytiques de la Bible


La Maturation Humaine et ses Risques Psychopathologiques

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Introduction .................................................................................................................................. 3
Les Ages de la Vie et la Psychologie Biblique du Développement ................................................ 7
Le Devenir Humain .................................................................................................................................. 7
L’Enfance ................................................................................................................................................. 8
L’enfance spirituelle ............................................................................................................................................. 8
Le Huitième jour (8°), l’âge de la circoncision ...................................................................................................... 8
L’Adolescence : Douze (12) ans, l’âge de l’intronisation dans la société ................................................ 9
La Maturité : Trente (30) ans, l’âge de la Vocation ............................................................................... 10
Le Chemin de Sanctification .................................................................................................................. 10
La Crise de la Maturité et les Trois Tentations ................................................................................................... 10
Le Mariage et la Naissance à la Vie Publique ..................................................................................................... 11
La Naissance à la Vie Universelle........................................................................................................................ 12
Le Renoncement ................................................................................................................................................ 12
L’Apothéose, la Résurrection, la Divinisation ..................................................................................................... 12
La Maturité et le Changement de Nom .............................................................................................................. 13

La Légion Démoniaque des Psychopathologies .......................................................................... 14


La Démonologie des Sens ...................................................................................................................... 15
Handicaps Physiques vs Infirmités spirituelles ...................................................................................... 16
Le Tragique l’existence .......................................................................................................................... 17
Christophanies et Psychopathologies de la Vie Quotidienne ..................................................... 19
La Fille de Jaïre et les dérives de la possessivité paternelle (Mc 5 : 22 et Lc 8 : 41) .............................. 19
Registre de la fille ............................................................................................................................................... 20
Registre du père ................................................................................................................................................. 20
Récit entrelacé : femme métrorragique ou victime d’une frustration nubile ? ................................................. 20
Action de la Puissance Christique....................................................................................................................... 21
Le fils de la veuve à Naïn et les dérives de la possessivité maternelle (Lc 7, 11-17) ............. 21
Registre de la mère ............................................................................................................................................ 21
Le fils endormi dans le seul compagnonnage de sa mère veuve. ...................................................................... 22
Action de la Puissance Christique sur le Fils. ...................................................................................................... 22
Synthèse ............................................................................................................................................................. 23
Lazare de Béthanie et la morbidité du désir charnel (Jn 11, 1-44) ............................................. 23
Un trio de névrotiques ....................................................................................................................................... 23
Les deux mutations de Lazare et de Jésus sont parallèles. ................................................................................ 24

L’Eveil Spirituel et l’Accomplissement de Soi.............................................................................. 25


Maternité Virginale ............................................................................................................................... 25
La nouvelle Naissance, la Nativité ......................................................................................................... 26
Annexe : Principes de lectures Psychanalytiques de la Bible...................................................... 27
Aux sources mythiques de la Bible ........................................................................................................ 27
Le mythe, une préscience du fonctionnement du psychisme. .............................................................. 28
Exégèse Typologique et l’unité nucléaire des mythes tragiques........................................................... 28
Alternatives pour la Traduction psychanalytique des Ecritures ............................................................ 29
Le Cycle de Vie et La Psychologie du Développement .......................................................................... 30
Esquisse Bibliographique ............................................................................................................ 33

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Introduction

« Les contributions de la psychanalyse à l’interprétation des documents anciens,


mythes, légendes, symboles religieux démontrent qu’elle est en mesure d’éclairer
partiellement la lecture des textes bibliques. Nouvelle compréhension de l’homme et
non seulement étude clinique des phénomènes aberrants, la psychanalyse fait partie
de l’herméneutique à double titre. Elle permet de réviser les concepts anthropologiques
non-justifiés qui guident nos lectures plus ou moins consciemment et elle fournit des
théories scientifiques sur des structures existentielles présentes dans certains
documents, dans leurs enchaînements comme dans leurs points de rupture. » 1

L’approche psychanalytique « aborde la Bible comme un livre où se reflètent les


processus et les difficultés de la maturation humaine. Dans cette perspective, les
textes bibliques sont vus en quelque sorte comme un miroir permettant au lecteur de
s'interpréter lui-même. »2
« La Bible est une espèce de sonde qui descend dans les couches profondes de
l’histoire humaine, à travers des siècles. Toutes les strates de l’histoire humaine sont
encore présentes en chaque homme… l’éclairage du passé des hommes m’éclaire sur
moi-même. »3
« Les conflits qui se manifestent dans l’histoire du monde sont d’abord ceux qui se
vivent à l’intérieur de chacun… Le monde n’est constitué pour l’essentiel que de la
projection de ces mondes intérieurs multiples et contradictoires. »4

La psychanalyse peut d’abord être considérée comme un procès contre la conscience


et la rationalité, « un procès contre le cogito illusoire qui occupe d’abord la place de
l’acte fondateur du je pense, je suis. »5 Son discours inaugural pourrait se retrouver
dans l’épître de l’Apôtre Paul aux Romains : « Je ne comprends pas ce que je fais: car
je ne fais pas ce que je voudrais faire, mais je fais ce que je déteste. Si ce que je fais,
je ne le veux pas, je reconnais ainsi que la loi est bonne. Ce n’est donc pas moi qui
agis ainsi, mais c’est le péché qui habite en moi. Car je sais que le bien n’habite pas en
moi, c’est-à-dire dans ma faiblesse humaine. En effet, quoique le désir de faire le bien
existe en moi, je suis pourtant incapable de l’accomplir. Je ne fais pas le bien que je
veux, et je fais le mal que je ne veux pas. (…) »6
Ainsi donc, avec la psychanalyse, « la conscience a changé de signe philosophique :
elle n’est plus une donnée; il n’y a plus de « données immédiates de la conscience »
elle est une tâche, la tâche de devenir conscience… l’homme sort de l’enfant en
devenant capable d’un certain parcours signifiant…»7

La lecture psychanalytique de la Bible consiste donc à dévoiler la « théorie du devenir


de la personnalité », les dynamiques psychiques, le risque psychopathologique et

1 Antoine Vergote, "Apport des données psychanalytiques à l'exégèse. Vie, loi et clivage du Moi dans l'épître aux Romains 7 ",
Exégèse et herméneutique, coll. Parole de Dieu, Paris, 1971, pp. 109-173.
2
Bible et Psychanalyse, Dictionnaire Encyclopédique de la Bible, en ligne sur http://www.knowhowsphere.net/Bases2.aspx.
3
Paul Beauchamp, Cinquante portraits Bibliques. Editions du Seuil Points Sa288 2013, p.30.
4
Jean-Yves LELOUP, Apocalypse de Jean, Albin Michel 2011, p.213.
5
Paul Ricœur, La Psychanalyse, philosophie ? Thérapeutique ? Science ? », (Paris), 24e année, nouvelle série, cahier n°31, juillet-
octobre 1967, pp. 111-126.
6
Rm 7, 15-25.
7
Paul Ricœur, Une interprétation philosophique de Freud, Le Conflit des Interprétations, Point-Essais 2017, p.243.

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même l’intention psychothérapique ou cathartique mis en œuvre par les récits. Elle
procède de méthodes directes et indirectes ou par niveaux.

Au premier niveau, une comparaison directe peut être effectuée entre la théorie
psychanalytique et certains discours bibliques à l’instar du chapitre 7 de l'épître de Paul
aux Romains vu précédemment. Cependant, « pour décoder aussi objectivement que
possible le message de Paul, il faut expliciter ses catégories anthropologiques à l’aide
d’une psychologie informée qui scrutant les dynamismes et les structures de l’homme
contemporain, est en mesure de mieux apprécier tout à la fois les différences
culturelles et les structures permanentes de l’être humain. »8

Le deuxième niveau pourrait être le décodage indirect tel que pratiqué par Françoise
DOLTO : « la lecture des évangiles est une projection c’est-à-dire que chaque scène
décrite vous donne la possibilité d’attribuer vos sentiments à un ou deux personnages
et ainsi éventuellement de mieux vous connaître… Ce qu’il y a d’unique dans les textes
bibliques, c’est que chacun d’entre nous peut y projeter son imaginaire afin que le
message symbolique lui parvienne. Si le message symbolique passe sans qu’il y ait
participation de notre être et donc de notre corps et du vécu de chacun, … alors ces
textes n’apportent pas la vie à notre corps, à notre esprit, à notre cœur. » 9

Le troisième niveau de l’exégèse psychanalytique peut nécessiter un détour par la


pensée mythique. Dans ce cadre, on admettra, d’une part, l’enracinement de la Bible
dans la pensée la mythique, pensée analogique et symbolique, et d’autre part, le
caractère préscientifique des mythes comme le résume si bien Joseph CAMPBELL et
Paul DIEL: « Les religions, les philosophies, les arts, les formes sociales de l'homme
primitif et historique, les principales découvertes de la science et de la technologie, les
rêves mêmes qui troublent le sommeil proviennent du cercle magique et fondamental
du mythe. »10 « Le mythe est une préscience du fonctionnement psychique, tout
symbole mythique représente une fonction psychique : désirs matériels ou sexuels,
désir essentiel, imagination sublime ou perverse, pensée lucide ou affective,
sentiments ou ressentiments, volitions surconsciemment ou subconsciemment
déterminées. »11
Dans le mythe, « le fonctionnement sensé est personnifié par les divinités, l’insensé
par les démons. Dans la mythologie grecque, par exemple, ZEUS signifie la lucidité,
qualité suprême de l’esprit. Héra l’amour. Apollon l’harmonie des désirs ; Athéna, la
sagesse ; etc. Dans les mythes monothéistes, les qualités positives se trouvent
condensée en une seule image divine, symbole suprême de la conduite sensée… La
direction insensée de la vie se trouve elle aussi condensée en une seule figure
symbolique : le démon, Satan, l’ange tombé, l’esprit déchu. »12

La proximité des récits bibliques avec l’univers des mythes est attestée par ce que
Paul RICŒUR identifie comme un double rattachement13 : le premier étant d’ordre

8
Antoine Vergote, idem.
9
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, l’Evangile au risque de la Psychanalyse. T1 Editions du Seuil 1994. Points 111, p.79.
10
Joseph CAMPBELL, Le héros aux mille et un visages. Éditions Oxus, 2010, p.15.
11
Paul DIEL, le symbolisme de l’évangile de Jean, Petite Bibliothèque Payot, p.29.
12
Paul DIEL,
13
Paul Ricœur, Culpabilité Tragique et Culpabilité Biblique, Revue d’histoire et de philosophie religieuse 33/4 (1953)

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structurel et le deuxième se rapportant à l’intention transformante qui élabore les récits
bibliques ou les mythes hébraïques en contre-pôle des mythes tragiques.
Les mythes tragiques et les mythes bibliques sont reliés notamment par le symbolisme
du voyage. « Penser le cours de la vie humaine comme un chemin, un pèlerinage, une
montée, ou encore une voie et un itinéraire scandés par des étapes ou des épreuves à
franchir afin d’atteindre une finalité hautement désirable, se retrouve dans des
contextes culturels divers […] Souvent décrit comme un détachement et un
renoncement progressif aux illusions de ce monde-ci, surtout celle du ‘moi’, et de ses
inclinaisons à aimer tout ce que les sens et les émotions lui présentent comme
désirable, ce voyage vise à éveiller en l’homme ses facultés spirituelles et intuitives
afin de le conduire patiemment à la Réalité. »14
Nous prétendons que l’« unité nucléaire », la structure universelle des aventures du
héros mythique formalisée par Joseph CAMPBELL, peut permettre de décrypter le
cheminement spirituel du peuple hébreu ainsi que le parcours d’individuation de ses
héros (Abraham, Jacob, Moïse, David, Jésus…). « La race des hébreux [est la race de
ceux] qui toujours voyagent du sensible vers l’intelligible (hébreu se traduit par «
émigrant »). »15 « Le héros mythologique, quittant la chaumière ou le château où il
vivait jusqu'alors, est attiré, enlevé, ou encore se dirige volontairement, vers le seuil de
l'aventure. Il y rencontre une présence obscure qui garde le passage. Le héros peut,
soit vaincre cette puissance — ou se la concilier — et pénétrer vivant dans le royaume
des ténèbres (combat avec le frère, contre le dragon, ou offrande, amulette) ; soit être
tué par son adversaire et descendre au royaume de la mort (démembrement,
crucifixion). Une fois ce seuil franchi, le héros poursuit son voyage à travers un monde
de forces inhabituelles quoique étrangement familières, dont certaines le menacent
dangereusement (épreuves), tandis que d'autres lui offrent leur secours magique
(guides)… »16

Le quatrième niveau de l’exégèse psychanalytique pourrait nécessiter l’usage de


l’onomastique (toponymie et anthroponymie) tel que le pratique Charles Sherlock
Fillmore ou Stanisław Kapuściński et aboutir à une lecture entièrement analogique.
« Toutes les dénominations de lieux géographiques, bourgades, villes, déserts, et
même de maisons, demeures et tentes symbolisent les conditions dans lesquelles une
âme pourrait se trouver au moment particulier où l'histoire est racontée. Les noms se
réfèrent donc aux différents états de la conscience que l'âme ou la psyché peut
expérimenter sur son cheminement vers la réalisation de soi… Les noms des
personnages bibliques, y compris leurs titres ont une signification... le nom décrit
toujours ou symbolise la nature ou les principaux traits de caractère de la personne
ainsi nommée. »17

Le cinquième niveau pourrait correspondre à l’intention psychothérapique ou


cathartique18 des récits littéraires. Cette lecture correspondrait à une facette de

14
Catherine Chalier, Lire la Torah. Editions du seuil 2014, p.119.
15
Philon d’Alexandrie, De Migratione Abrahami §20.
16
Joseph CAMPBELL, Le héros aux mille et un visages. Éditions Oxus, 2010, p.216.
17
Stanisław Kapuściński, Biblical Symbolism, INHOUSEPRESS, MONTREAL, CANADA.
18
Purification de l'âme du spectateur par le spectacle du châtiment du coupable. Le châtiment du coupable, voilà
l'expiation, la purification que le philosophe avait en vue. Pour prendre un exemple, dans la fable d'Oreste, la catharsis
consiste dans le châtiment infligé au fils parricide. 1. Purification de l'âme ou purgation des passions du spectateur par
la terreur et la pitié qu'il éprouve devant le spectacle d'une destinée tragique. Ce mode d'expression de soi qu'était le
théâtre antique permettait, comme le psychodrame moderne, d'opérer une catharsis, une purification de l'âme, une

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l’interprétation allégorique de Philon d’Alexandrie : « l’allégorie viserait chez le lecteur
des Ecritures, ce moment décisif où ce dernier est révélé à lui-même, où Abraham,
Isaac, Jacob…, c’est lui-même, où l’histoire sainte est l’histoire de sa naissance. »19
« L’insouciance, malgré son omnipotence dans la marche des affaires humaines, peut
être dévoilée par des récits fictifs ou mythiques, médiation, miroir des comportements
individuels et sociaux. »20
L’intention cathartique pourrait aussi correspondre à la formulation du Décalogue, par
exemple. « La loi émet une sentence en deuxième personne du singulier du mode
interdictif… La loi produit une prise de conscience, en première personne, du péché.
Par sa formule concrète d’injonction, la loi est de structure dialoguale. La prise de
conscience simultanée de la Loi et du Moi responsable (qui a à répondre) introduit
l’exposé sur la division du Moi décrite en première personne… La loi est manifestation,
révélation de la vérité de l’homme devant Dieu »21.

La présente composition est, en grande partie, basée sur les entretiens des
psychanalystes Françoise Dolto et Gérard Sévérin, publiés sous le titre « l’Evangile au
risque de la Psychanalyse », parus aux Editions du Seuil, Collection Points : N° 111
1980 pour Tome 1 et N°145 1982 pour le Tome 2. Nous les abrégerons ci-dessous par
FDT1 ou FDT2. Les autres références (Paul DIEL, Antoine VERGOTE, Mary
BALMARY, Simone PACOT, Daniel SIBONY…) seront précisées progressivement en
notes de bas de page.

liquidation des complexes. 2. Plaisir éprouvé par le spectateur grâce à la dérivation causée par ces sentiments. Le mot
s'emploie toutefois pour désigner surtout le ravissement esthétique``.
B.− Moyen thérapeutique (ex. hypnose, suggestion, etc.) par lequel le psychiatre amène le malade à se libérer de ses
traumatismes affectifs refoulés. Synon. méthode cathartique, défoulement, abréaction. Le résultat de cette opération.
C.− Action purificatrice. Catharsis ascétique : La prise de conscience historique réalise une véritable catharsis, une
libération de notre inconscient sociologique un peu analogue à celle que sur le plan psychologique cherche à obtenir la
psychanalyse.
19
Benny Levy, P58
20
Robert Lane, Reading the Bible: Intention, Text, Interpretation, University Press of America, January 1994.
21
Antoine VERGOTE

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Les Âges de la Vie et la Psychologie Biblique du Développement

« Le Dieu des Juifs s’appelle le Nom, c’est l’être quand il devient nommant ; c’est le
devenir nommant de l’être. »22
« Le Dieu de la Bible se nomme l’Être, un Être qui se manifeste toujours au futur, parce
qu’il porte en lui la potentialité d’un autre, de tous les autres êtres.»23
« YHWH se donne comme nom, potentiel de nomination ; presque un nom propre de
l’être-temps, vu que rien n’arrive à la lettre sans passer par l’être-temps. YHWH est le
carrefour des métaphores de l’être qui devient parlant, du devenir parlant, et même du
devenir existant. C’est le nom ouvert aux après-coups, car il se décline : je suis ce qui
sera, autrement dit, l’évènement à venir aura passé par l’être-temps, … Du coup,
puisque c’est l’être en devenir, il échappe aux déterminations du temps, mais il les
porte : il est le temps en déploiement. »24

Le Devenir Humain

L’être humain est donc essentiellement un être en devenir : « Que l’homme vive à
New-York ou dans les cavernes de la préhistoire, il passe par les mêmes étapes :
l’enfance, l’acquisition de la maturité sexuelle, la transformation en homme ou en
femme chargés de responsabilités, le mariage, la dégradation physique, la perte
graduelle des capacités et la mort. » 25

« De sa naissance, sous les étoiles de Bethléem, à l’ultime abandon du Golgotha,


Jésus, comme tout homme et comme tous les hommes, a construit son humanité dans
la pratique permanente de l’altérité, car seule la relation crée l’humain… Comme tous
les êtres humains, il lui a fallu affronter celles et ceux qu’il rencontrait pour affermir et
affirmer sa personnalité… »26
« Jésus est vraiment homme ; il découvre, au fur et à mesure des évènements, des
rencontres, au fur et à mesure des irruptions de son inconscient dans sa vie, il
découvre sa voie, sa vocation, son désir. »27 Ces mutations sont le plus souvent
catalysées par des femmes : Marie, Marie de Magdala, Marthe, la samaritaine, la syro-
phénicienne, à la manière « des triades de divinités tutélaires qui accueillent les
enfants et les lancent vers leurs destins ».28

22
Daniel SIBONY, Les trois monothéismes : Juifs, Chrétiens, Musulmans entre leurs sources et leurs destins. Seuil Poche 1997,
p.136.
23
Shmuel TRIGANO, Le judaïsme et l’Esprit du Monde. Editions Grasset. Janvier 2011, p.28.
24
Daniel SIBONY, idem, pp.132-133.
25
Joseph CAMPBELL, La Puissance du Mythe, J’ai Lu, p.79.
26
Pierre Vilain, Jésus le Dieu des Rencontres, Desclée de Brouwer 2001, pp 16-17.
27
FDT2 p.18.
28
Jean Philippe Lefebvre, Le Fils perdu et retrouvé. Luc 1-2 : Une lecture de la Genèse entre Tradition Juive et Culture païenne CPE
n° 125, mars 2012.

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L’Enfance

« Un enfant est une promesse, un miroir dans lequel les anciens peuvent apercevoir le
reflet de l’avenir. Une libération pour les uns, une torture pour les autres. »29
« L’enfant est une émergence d’être, proche de ce qui est premier, non encore refoulé,
et tout l’appel christique pour ce royaume est un appel à se rebrancher sur l’être en
surmontant le refoulement. »30

L’enfance spirituelle

« Le symbolisme biblique a son admirable logique, de même que l’âme est comparée à
une femme, l’Idée spirituelle31 enfantée par l’âme est figurée par un enfant. La
découverte consciente que vous faites de ce pouvoir et votre détermination de vous en
servir représente la naissance de l’enfant. Il est facile de reconnaître la justesse de ce
symbole, car, l’enfant né dans la conscience est une entité aussi faible que n’importe
quel nouveau-né, et il a besoin de soins attentifs. »32

L’enfance « est un stade de « non-expansion », si l’on peut ainsi parler, où toutes les
puissances de l’être sont pour ainsi dire concentrées en un point, réalisant par leur
unification une simplicité indifférenciée, apparemment semblable à la potentialité
embryonnaire33. C’est aussi, en un sens un peu différent, mais qui complète le
précédent (car il y a à la fois résorption et plénitude), le retour à « l’état primordial ». Ce
retour est effectivement une étape nécessaire sur la Voie qui mène à l’Union (à Dieu),
car c’est seulement à partir de cet « état primordial » qu’il est possible de franchir les
limites de l’individualité humaine pour s’élever aux états supérieurs. »34

Le Huitième jour (8°), l’âge de la circoncision

« Le monde a été créé en 7 jours et le 8° jour, selon la symbolique, est celui du


renouvellement du nouveau monde. La circoncision est le signe de l'alliance avec Dieu
pour les hébreux. Elle se pratique au 8° jour de la naissance. Le huit est le symbole de
l'équilibre, de la justice et aussi de l'éternité. »
La circoncision marque l’accès de tout bébé mâle à la société des hommes.35 « La
circoncision du cœur et du corps est la reconnaissance en acte de la transcendance.
Sur le plan social, elle équivaut à l’initiation par laquelle l’individu est arraché au
pouvoir de la mère et accède à la culture de son groupe… La circoncision physique et
psychique consiste toujours à entrer dans l’Alliance, à reconnaître la transcendance, à
accepter la loi de cette Alliance. »36

29
Patrick Banon, Jésus, la Biographie non autorisée. Michel LAFON 2013, p.27.
30
Daniel SIBONY, Les trois monothéismes : Juifs, Chrétiens, Musulmans entre leurs sources et leurs destins. Seuil Poche 1997.
P272.
31
La prise de Conscience de sa Vocation personnelle ?
32
Emmet FOX, Le Pouvoir par la Pensée Constructive Editions BUSSIERE ASTRA Décembre 2007. Le Jardin d’Allah p.13.
33
Cf. également la parabole du grain de sénévé (Mat. XIII, 31).
34
René Guénon, l’homme et son devenir selon le Vedanta, Chap. XXIV (p. 240 de la 2° édition).
35
FDT p.92.
36
Josy EISENBERG et Armand ABECASSIS, op. cit. p.878

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« Epreuve culminante, dans la longue succession des rites, elle consiste, pour le
garçon, à libérer son pénis, c'est-à-dire lui-même en tant que héros, de son prépuce
protecteur, et cela, dans la terrifiante et douloureuse agression du circonciseur. « Le
père (c'est-à-dire le circonciseur) est celui qui sépare l'enfant de la mère... Ce dont
l'enfant est séparé est vraiment la mère... Le gland dans le prépuce est l'enfant dans la
mère. »37

« La circoncision exprime la séparation (de l’âme) avec le plaisir et avec toutes les
passions. »38

L’Adolescence : Douze (12) ans, l’âge de l’intronisation dans la société39

La Puberté ou la nubilité est l’âge de l’initiation, l’âge où l’adolescent trouve son identité
propre.40
« Ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il
eut douze ans, comme ils y étaient montés suivant la coutume de la fête et qu’à la fin
des jours de fête ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses
parents s’en aperçoivent. Pensant qu’il était avec leurs compagnons de route, ils firent
une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne
l’ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem en le cherchant. C’est au bout de trois
jours qu’ils le retrouvèrent dans le temple, assis au milieu des maîtres, à les écouter et
les interroger. Tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur l’intelligence de ses
réponses. En le voyant, ils furent frappés d’étonnement et sa mère lui dit : « Mon
enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? Vois, ton père et moi, nous te
cherchons tout angoissés. » Il leur dit : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne
saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Mais eux ne comprirent pas ce
qu’il leur disait. Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth ; il leur était soumis ; et
sa mère retenait tous ces événements dans son cœur. Jésus progressait en sagesse
et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes. »41

A douze ans, Jésus, l’être en processus de sanctification, donne à ses parents la


castration que tous les parents doivent recevoir de leur enfant : la castration de la
possessivité filiale et l’entrée dans la vie adulte.42
De façon symétrique, à douze ans la fille de Jaïre reçoit le sevrage de son père grâce
à la puissance christique de transmutation. (Voir ci-dessous, les miracles de
résurrection).

37
Joseph Campbell, le héros aux mille et un visages, p.125-126.
38
Philon d’Alexandrie, De Migratione Abrahami §92.
39
La Bar Mitzvah est l'état de majorité religieuse acquis par les jeunes garçons juifs, à 13 ans. Par extension, il désigne aussi la
cérémonie facultative célébrant ce passage. L’équivalent féminin est la Bat Mitsvah, par laquelle la jeune fille juive atteint sa
majorité religieuse, à 12 ans. Une cérémonie peut être célébrée, généralement dans la sphère familiale.
40
Joseph CAMPBELL, La Puissance du Mythe, p.282.
41
Evangile selon Saint Luc, Traduction Œcuménique de la Bible.
42
FDT1 pp.34-38.

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La Maturité : Trente (30) ans, l’âge de la Vocation

« … Pharaon donna à Joseph le nom de Çafnath-Panéah (Psonthomphanech) et lui


donna pour femme Asenath fille de Poti-Phéra prêtre de One… Joseph avait trente ans
quand il se tint en présence du Pharaon, roi d’Egypte. Il prit congé de lui pour parcourir
tout le pays d’Egypte. »43
« David était âgé de 30 ans lorsqu’il devint roi. Il régna 7 ans et 6 mois sur Juda et 33
ans sur tout Israël et Juda à Jérusalem. »44
« Jésus avait environ 30 ans lorsqu’il commença son ministère. »45

Le Chemin de Sanctification

« Le chemin de Jésus apparaît presque comme une unique montée en pèlerinage de


Galilée à Jérusalem. C’est une montée avant tout dans le sens géographique : la mer
de Galilée est située à environ 200 mètres en dessous du niveau de la mer, la hauteur
moyenne de Jérusalem est de 760 mètres au-dessus. Comme par paliers de cette
montée, chacun des synoptiques nous a transmis trois prophéties de Jésus à propos
de sa passion, faisant ainsi allusion par-là à la montée intérieure qui se déroule sur
son chemin extérieur, montée vers le Temple comme lieu où Dieu voulait « établir
son Nom », ainsi que le Livre du Deutéronome (12,11 ; 14,23) le décrit. » 46
Jésus pourrait donc personnifier une dynamique optimale de sanctification de la
naissance à l’accomplissement spirituel, c’est-à-dire l’idéal d’une vie bonne, une vie à
imiter.

La Crise de la Maturité et les Trois Tentations

« La crise survient au milieu du chemin de notre vie, égaré dans un bois dangereux,
lorsque trois animaux symbolisant l’orgueil, le désir et la peur viennent vous
menacer. »47
« Jésus va jusqu’aux limites de la conscience de son époque en se faisant baptiser par
Jean-Baptiste. Puis il franchit le seuil en demeurant quarante jours dans le désert... Là,
il eut à vaincre trois tentations. La première fut une tentation économique. Le malin
s’approcha de lui en disant : « tu as faim, jeune homme ? Pourquoi ne changes-tu pas
ces pierres en pains ? » Réponse de jésus : « L’homme ne vit pas seulement de pain,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » La deuxième tentation fut de
nature politique. Le Malin emmena Jésus au sommet d’une montagne d’où il pouvait
voir tous les royaumes du monde à ses pieds. « Si tu te soumets à moi, tu règneras sur
l’univers », lui dit-il. Cette condition est encore valable aujourd’hui pour tous les
politiciens, mais le public l’ignore. Jésus refusa. « Puisque tu te prends pour un pur
esprit, poursuivit le diable, monte tout en haut du temple d’Hérode et jette-toi en bas.
Dieu te portera et ton pied ne heurtera même pas la pierre. » Il faisait ici allusion à
l’aveuglement spirituel qui consiste à croire que nous sommes bien au-dessus des

43
Gn 41 41,46
44
2 Sam 5,4.
45
Luc 3, 23.
46
Joseph RATZINGER Benoît XVI, Jésus de Nazareth, de l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Editions du Rocher. Mars 2011.
47
Joseph CAMPBELL, la Puissance du Mythe. Editions J’ai Lu, p.198.

Lectures Psychanalytiques de la Bible Page [10] de [34]


soucis charnels. Mais Jésus était un être de chair et de sang, n’est-ce pas ? Et il
répliqua : « Il est écrit : tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu. » Voilà quelles furent
les trois tentations du Christ et elles sont toujours valables à l’heure actuelle qu’il y a
trente siècles. »48
« Lorsque Satan conduit YESHOUA dans le désert pour le tenter, pour voir quel genre
de Messie il pourrait être, il se trouve en face de quelqu’un qui lui résiste avec toute la
présence de son être et de sa vérité, et qui ne se laisse pas entraîner sur les voies du
pouvoir qu’il lui propose : pouvoir économique (changer les pierres en pains) ; pouvoir
politique (dominer toutes les nations rassemblées dans une globalité) ; pouvoir
magique (se jeter du haut du temple sans se faire mal). »49

De manière analogue, « Le Bouddha partit, lui aussi, dans la forêt et s’entretint avec
les gourous les plus remarquables de son temps. Il les dépassa tous et, après une
saison d’épreuves et de recherches, il s’assit sous l’arbre Bo, l’arbre de l’illumination,
où il subit également trois tentations : le désir, la peur et le conformisme, ce besoin
d’obéir à l’opinion publique. Pour le tenter, le Seigneur du désir fit apparaître devant
lui trois jolies filles. Elles s’appelaient Désir, Accomplissement et Regrets. Elles
représentaient le futur, le présent et le passé. Mais le Bouddha qui s’était déjà libéré de
tout attachement à la sensualité demeura impassible. Le Seigneur du désir fit place
alors au Seigneur de la mort qui dirigea vers le Bouddha toutes les armes maniées
par une armée de monstres. Mais le Bouddha avait découvert en lui ce calme parfait,
qui appartient à l’éternité, et ne peut être troublé par le temps. Une fois de plus, il ne
montra pas une émotion et les projectiles qu’on lui lançait se muèrent en offrandes
fleuries. Enfin, les deux tentateurs se transformèrent en Seigneur du devoir social.
« Jeune homme, demanda-t-il, avez-vous lu les gazettes du jour ? Ne savez-vous pas
que des tâches vous attendent ? » Pour toute réponse, le Bouddha effleura la terre du
bout des doigts de sa main droite et on entendit la voix de la Déesse-Mère qui grondait
comme le tonnerre à l’horizon. « Celui-ci, dit-elle, est mon fils bien aimé qui s’est donné
tout entier au monde et que nul ne peut contester. Arrêtez ces sottises. »50 Sur ce,
l’éléphant que montait le Seigneur du devoir social s’agenouilla devant le Bouddha
pour l’adorer et les trois ennemis disparurent comme dans un rêve. Cette nuit-là, le
Bouddha atteignit l’illumination51 et durant cinquante ans demeura parmi les
hommes pour leur enseigner comment anéantir en eux l’égoïsme asservisseur. »52

Le Mariage et la Naissance à la Vie Publique

Naître à la vie sociale c’est quitter une vie de silence, une vie cachée pour une vie
publique. Aux noces de Cana, lieu du premier miracle de Jésus, lors l’épisode du
manque de vin, « le Christ pose une question à sa mère exactement comme le fœtus
pose une question muette à sa mère [‘Femme qu’y a-t-il entre toi et moi ?’], au moment
où se déclenchent les premiers mouvements qui font dire à la mère : ça y est l’enfant
va naître… Il y a certainement entre une mère et son fils, entre une mère et le fruit
vivant qu’est son enfant, il y a cette connivence, il y a quelque chose à ne pas
manquer : c’est le moment où tous les deux sont accordés pour qu’une mutation

48
Joseph CAMPBELL, La puissance du mythe, p.232.
49
Jean-Yves Leloup, Apocalypse de Jean, Albin Michel 2011, p.224
50
Voir aussi au Baptême de Jésus par Jean-Baptiste.
51
L’entrée dans la lumière.
52
Joseph CAMPBELL, la puissance du mythe, p.233.

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advienne, pour que la naissance arrive… Peut-être est-ce à ce moment-là, aux noces
de Cana, que Marie est devenue mère de Dieu. »53

La Naissance à la Vie Universelle

« Parti de là, Jésus se rendit dans le territoire de Tyr. Il entra dans une maison et il ne
voulait pas qu’on le sache, mais il ne put rester ignoré. Tout de suite, une femme dont
la fille avait un esprit impur entendit parler de lui et vint se jeter à ses pieds. Cette
femme était païenne, syro-phénicienne de naissance. Elle demandait à Jésus de
chasser le démon hors de sa fille. Jésus lui disait : « Laisse d’abord les enfants se
rassasier, car ce n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits
chiens. » Elle lui répondit : « C’est vrai, Seigneur, mais les petits chiens, sous la table,
mangent des miettes des enfants. » Il lui dit : « A cause de cette parole, va, le démon
est sorti de ta fille. » Elle retourna chez elle et trouva l’enfant étendue sur le lit : le
démon l’avait quittée. »54
« A Cana, une femme fait entrer Jésus dans la vie publique. Ici en terre étrangère une
femme le fait entrer dans la vie universelle.» FDT2

Le Renoncement

« De même que Marie sa mère lui avait révélé à Cana son heure publique, il est
possible que Marie de Béthanie, par son parfum, lui ait révélé, par son amour et son
intuition, son heure venue de mourir, l’heure de la Transfiguration. »55.

L’Apothéose, la Résurrection, la Divinisation

A propos de la passion du Christ, le Cardinal Gianfranco RAVASI médite sur les


diverses formulations de la résurrection par les évangiles.
« L’expression « résurrection du Christ » employée par les évangiles et par la Tradition
chrétienne définit-elle un évènement historique ou s’agit-il seulement d’une catégorie
herméneutique, à savoir l’interprétation théologique d’une réalité transcendante ?... [La
Résurrection est] une transformation qui va bien au-delà de la seule physicalité de
Jésus, c’est-à-dire de son historicité et qui influe sur l’être tout entier et de l’histoire.
Selon les Evangiles, le germe et le levain de la divinité pénètrent à travers la personne
de Jésus-Christ, Fils de Dieu, dans la vaste réalité de l’humanité et de l’être cosmique
en les transfigurant. C’est une irruption qui sème l’éternité et l’infini dans notre temps et
notre espace. Pour exprimer cette sorte de phénomène qui laisse des traces visibles,
mais qui opère principalement en profondeur, le Nouveau Testament recourt à deux
types de langage pour manifester ce qui est par excellence un « mystère »56, c’est-à-

53
FDT1 p.58.
54
Evangile selon Saint Marc Mc 7, 24-31, voir aussi Saint Mt XV, 21-28, Traduction Œcuménique de la Bible.
55
FDT1 p.142.
56
Une courte définition du mystère : L'étymologie du mot mystère est tirée du grec "mysterion" qui a été traduit par sacramentum
en latin. Les sacrements chrétiens sont à la fois révélation de Dieu et source de vie.
Le mot mystère vient du grec musterion, dérivé de muein, "être fermé". Saint Paul utilise souvent ce terme dans ses Lettres :
mystère de Dieu, mystère du Christ, mystère de la foi... Mais il l'emploie dans un sens biblique : ce mot désigne alors ce qui
normalement serait caché, mais que Dieu veut partager et dire aux hommes. Tout en étant révélé par Dieu, le mystère est ce que
l'homme n'a jamais fini de comprendre.
En son sens le plus courant, le mystère est une réalité inaccessible à la seule raison et objet d'une révélation. Pour Paul le
"mystère" est le dessein même de Dieu, qui donne son sens à l'histoire. Ce dessein, d'abord caché, mais au travail dans la nature
et l'existence des hommes, est révélé à tous dans le Christ. À tous !

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dire, une réalité transcendante qui déborde l’horizon humain. Le premier parle de
résurrection, terme déjà connu dans l’Ancien Testament… Pour évoquer la
« résurrection », le Nouveau Testament utilise tantôt le verbe eghéirein- s’éveiller de la
mort considérée symboliquement comme un sommeil profond-, tantôt le verbe anistémi
« se lever, se dresser sur les pieds ». Derrière le voile du langage symbolique, il est ici
montré comment Jésus, en tant qu’homme, franchit la mort, signe radical de la
« crétularité » humaine, pour « se réveiller » à la vie divine qui lui est propre et qui
désormais, domine la mort et triomphe d’elle.
Il existe cependant un autre langage, cher à Jean, et qui évoque l’exaltation ou la
glorification à travers le verbe grec hypsoùn, « hisser, élever » et des images de
montée et d’ascension… Avec la « résurrection » s’affirme surtout la continuité entre le
Jésus historique et le Christ ressuscité. Avec « l’exaltation », c’est la gloire divine du
Christ ressuscité qui est célébrée. En venant parmi nous, Jésus est devenu en tout
semblable à nous. Sa mort achève son règne historique, mais elle « l’exalte » puisqu’il
rejoint le monde divin auquel il appartient en tant que Fils de Dieu attirant vers lui cette
humanité dont il s’était chargé en s’incarnant et en mourant pour la conduire vers la
gloire.
Ainsi, l’ascension-exaltation-élévation ne doit pas être conçue en termes matérialistes
ou « astronautiques » mais selon des catégories métaphysiques et théologiques. Dans
toutes les cultures, le ciel est le domaine de la divinité parce qu’il transcende l’horizon
terrestre et qu’il symbolise la supériorité et la richesse de Dieu au regard de l’homme.
Ce qui se passe dans la résurrection du Christ est donc un évènement, rapporté avec
précision par les évangélistes. C’est un évènement qui s’enracine dans le temps et
l’espace, à savoir dans la mort et dans la réalité d’une tombe. Pour cette raison, il
admet une vérifiabilité historique, certes minime, néanmoins essentielle. Il s’épanouit
en même temps dans l’éternel et le divin, et c’est pour cela qu’il exige une analyse
puisant dans les sources de la foi et de la théologie. Dans son essence, la Pâques du
Christ est une réalité transcendante et comme telle, elle dépasse la seule vérification
historique. Mais elle a aussi une résonnance agissante, tant dans l’histoire que dans
l’espace où il en subsiste des traces et des signes. »57

La Maturité et le Changement de Nom

Nous ne sommes pas dans la gnose (qui prétend détenir un enseignement caché, destiné à quelques initiés), il n'y a pas d'autre
vérité à découvrir que le Christ lui-même. Le mystère a ceci de particulier qu'on ne peut le cerner, en faire le tour, et que par
conséquent il est inépuisable. Mais comme le soleil, impossible à fixer directement, il éclaire tout le reste et donne son sens
dernier à toutes choses.
57
Mgr Gianfranco RAVASI, Luc FERRY, Le Cardinal et le Philosophe. Editions PLON 2013. P158. Le Cardinal Gianfranco Ravasi est
président des Conseils pontificaux pour la culture, l'archéologie sacrée et le patrimoine culturel de l'Église.

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La Légion Démoniaque des Psychopathologies

« Ils abordèrent au pays des Gergéséniens58 qui est en face de la Galilée59. Comme il
descendait à terre, vint à sa rencontre un homme de la ville qui avait des démons.
Depuis longtemps il ne portait plus de vêtement et ne demeurait pas dans une maison,
mais dans les tombeaux. A la vue de Jésus, il se jeta à ses pieds en poussant des cris
et dit d’une voix forte : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’en prie,
ne me tourmente pas. » Jésus ordonnait en effet à l’esprit impur de sortir de cet
homme. Car bien des fois il s’était emparé de lui ; on le liait, pour le garder, avec des
chaînes et des entraves ; mais il brisait ses liens et il était poussé par le démon vers
les lieux déserts. Jésus l’interrogea : « Quel est ton nom ? » – « Légion », répondit-il,
car de nombreux démons étaient entrés en lui. Et ils le suppliaient de ne pas leur
ordonner de s’en aller dans l’abîme.
Or il y avait là un troupeau considérable de porcs en train de paître dans la montagne.
Les démons supplièrent Jésus de leur permettre d’entrer dans ces porcs. Il le leur
permit. Les démons sortirent de l’homme, ils entrèrent dans les porcs, et le troupeau se
précipita du haut de l’escarpement dans le lac et s’y noya.
A la vue de ce qui était arrivé, les gardiens prirent la fuite et rapportèrent la chose dans
la ville et dans les hameaux. Les gens s’en vinrent pour voir ce qui s’était passé. Ils
arrivèrent auprès de Jésus et trouvèrent, assis à ses pieds, l’homme dont les démons
étaient sortis, qui était vêtu et dans son bon sens, et ils furent saisis de crainte. Ceux
qui avaient vu leur rapportèrent comment celui qui était démoniaque avait été sauvé.
Alors, toute la population de la région des Gergéséniens demanda à Jésus de
s’éloigner d’eux, car ils étaient en proie à une grande crainte ; et lui monta en barque et
s’en retourna.
L’homme dont les démons étaient sortis le sollicitait ; il demandait à être avec lui. Mais
Jésus le renvoya en disant : « Retourne dans ta maison et raconte tout ce que Dieu a
fait pour toi. » Et l’homme s’en alla, proclamant par toute la ville tout ce que Jésus avait
fait pour lui. »60

Le tableau clinique de l’humanité rencontrée par Jésus se caractérise donc par la


nudité, l’aliénation (la possession démoniaque), la désorientation de la vie (le souffle
impur), la maladie, la mort spirituelle (la vie dans les tombeaux), la peur et la résistance
au changement (la grande crainte de la population).

« L’être humain se trouve confronté au cours de son existence à la réalité du mal qui
est dans le monde. Il a la responsabilité de le reconnaître, de ne pas en devenir le
complice, de se situer face à lui. En outre, il doit se construire et bien souvent se
reconstruire, au travers de sa propre vulnérabilité qui fait partie de sa nature. Il doit
affronter les pertes, les manques qui jalonnent toute vie. La plupart du temps, dès la
petite enfance, il est victime de blessures plus ou moins graves, du fait de difficultés,
des problèmes non-réglés, de torsions multiples, de comportements désordonnés qui
courent de génération en génération. C’est alors que pour contourner la souffrance de
la blessure, il lui arrive, par méconnaissance, oubli des lois de la vie de prendre une

58
Fortifications, certitudes, convictions profondes.
59
Vitalité.
60
Luc 8, 26-39 Traduction œcuménique de la Bible.

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mauvaise direction, une fausse route qui mène à une forme de mort et non à la vie. Il
se trouve alors au fil des ans face à des difficultés dont il ignore souvent l’origine et
qu’il ne sait comment gérer. »61

La Démonologie des Sens


« Les pensées génériques provenant de la partie concupiscible sont trois : celle
de gourmandise, celle d'avarice et celle de vaine gloire, car on désire soit des
nourritures, soit de l'argent, soit la gloire ; mais la cupidité, la vaine gloire et les autres
pensées de la partie concupiscible sont précédées par l'égoïsme. Seule la pensée
de tristesse ne comporte pas de plaisir. Celle de l'orgueil est sans matières. À celles
de rancune et de colère est liée la tristesse. Toutes aboutissent à celle d'orgueil, mais
se ramènent à celle d'égoïsme. Celui donc qui n'est pas égoïste est forcément aussi
ennemi du plaisir, car devenu maître de lui, il les a évidemment toutes maîtrisées. »62

La perniciosité du désir humain, à l’épreuve du manque, de la faim ou de la soif des


sens et de la recherche des sécurités, est comparable à la possession démoniaque.
Aux trois aspects de la démesure potentielle des passions correspondent trois
catégories de démons63 : le démon du ventre, le démon de la luxure et celui de
l’avarice.
« Avec le démon du ventre, Belzébuth, l’individu devient l’espace d’un gouffre sans
fond, aucune nourriture ne peut la remplir, il pourrait manger des hommes, les mordre,
les boire et chercher dans leur lait on ne sait quelle substance où trouver l’apaisement.
Mais ce qui vient n’est que de la fatigue, de l’épuisement et du dégoût… ».
« Le démon de la luxure, Asmodée, est une faim insatiable qui ronge le plus bas du
ventre où le sexe remplace la nourriture. Tout objet peut alors être soumis à ces
simulacres de plaisir qui ne sont attendus par aucun désir… »
Le troisième démon se nomme Mammon, « le démon de l’avarice, le besoin de garder,
d’accumuler, d’engranger ce qui ne vit qu’à se donner et qui, en se conservant, ne peut
que pourrir... »
« La possession démoniaque, la peur de manquer, la peur du vide, le besoin de
combler ce vide de nourriture (la boulimie, la voracité, l’ivrognerie), de sexe (la luxure),
de richesse (l’avarice), de colères (l’irascibilité) ou de larmes (la dépression) peu
importe mais sentir enfin le plein, une chose qui nous déborde et qui, en apaisant
toutes nos faims, rassasierait du plus infime à l’infinie de nos désirs. Le comportement
de ceux qui ont subi, on ne sait quelle famine. Il faut que leur grenier regorge de biens
pour qu’il s’autorise le nécessaire ou une petite largesse […] Rarement la lucidité vient
vous enjoindre pour vous faire avouer que ce n’est pas le plaisir qui est recherché mais
la mort, l’ultime détente et volupté, là où dans la totale usure des sens l’être humain
semble dispensé du désir de durer et de la noble exigence qui le rend capable de
penser... »
« Les Démons ne savent que posséder, ils haïssent toutes les formes de liberté, ils
vous « mangent » par une partie, un membre de votre corps, et vous perdez le tout,
vous n’êtes plus une personne entière mais un morceau de vous-même qui prend
toute la place, qui vous efface et cherche à soumettre le reste du monde. »

61
Simone Pacot, Oser la vie nouvelle. Edition du Cerf. Avril 2003 P.14-15.
62
Evagre le Pontique, Chapitres des disciples d'Évagre, Introduction, traduction, notes et Index par Paul Géhin, Éditions du Cerf,
Paris, 2007, pp. 166-168
63
Jean-Yves Leloup, Une femme Innombrable, Le Roman de Marie Madeleine. Albin Michel, pp. 53-55.

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« Il arrive souvent qu’un démon en chasse un autre, c’est d’ailleurs le propre des
démons de s’entre-détruire et de se faire la guerre. »
« Tous les démons ne font qu’un, la possession du moi par l’ignorance et l’illusion. Se
prendre pour ce qu’on n’est pas et vouloir l’imposer à n’importe quel prix de perversité
ou de violence aux autres qui en doutent ou ne le reconnaissent pas. »64

« Chaque démon est un état de conscience qui vous submerge. »65

Les individus refoulent leurs frustrations précoces dans des psychoses (bouffées
délirantes, schizophrénie, paranoïa, manies, mélancolie), des névroses (hystérie,
névrose obsessionnelle, phobie, névrose d'angoisse, névrose traumatique, névrose de
caractère) et d’autres comportements répétitifs et morbides (perversion, caractériels...)
qui permettent d'éviter d'assumer une dépression66. Cette pléthore de névroses et de
psychoses est une caractéristique de la nudité humaine.

Handicaps Physiques vs Infirmités spirituelles

« Après cela et à l’occasion d’une fête juive, Jésus67 monta à Jérusalem. Or il


existe à Jérusalem, près de la porte des Brebis, une piscine qui s’appelle en hébreu
Bethzatha68. Elle possède cinq portiques, sous lesquels gisaient une foule de malades,
aveugles, boiteux, impotents. [… ] Il y avait là un homme infirme depuis trente-huit
ans69. Jésus le vit couché et, apprenant qu’il était dans cet état depuis longtemps déjà,
lui dit : « Veux-tu guérir ? » L’infirme lui répondit : « Seigneur, je n’ai personne pour me
plonger dans la piscine au moment où l’eau commence à s’agiter ; et, le temps d’y
aller, un autre descend avant moi. » Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et
marche. » Et aussitôt l’homme fut guéri ; il prit son grabat, il marchait. »70

« Cette foule exprimait bien le triste tableau de l’état du peuple, comme celui de tout
homme devant Dieu... Chacune des infirmités que le Seigneur guérissait figurait un
côté de l’état de l’homme en chute : incapacité de marcher, de voir, d’agir, de parler,
d’entendre, selon la pensée de Dieu. »71
En effet, la venue de Christ dans ce monde, eut lieu, dit l’apôtre en Romains 5:6, «au
temps convenable», alors «que nous étions sans force», pour accomplir la vision du
prophète Esaïe :« Fortifiez les mains languissantes, Et affermissez les genoux qui
chancellent; Dites à ceux qui ont le cœur troublé: Prenez courage, ne craignez point;
Voici votre Dieu, la vengeance viendra, La rétribution de Dieu; Il viendra lui-même, et
vous sauvera.

64
Jean-Yves Leloup, Une femme Innombrable, Le Roman de Marie Madeleine. Albin Michel, p.61
65
Jean-Yves Leloup, Une femme Innombrable, Le Roman de Marie Madeleine. Albin Michel, p.59
66
C'est une maladie mentale caractérisée par une modification profonde de l'état thymique, de l'humeur dans le sens de la
tristesse, de la souffrance morale et du ralentissement psychomoteur. La dépression s'accompagne généralement d'anxiété, et
entretient chez le patient une impression douloureuse d'impuissance, de fatalité désespérante, de ruminations à thème de
culpabilité, d'indignité, d'auto- dépréciation... Tout cela peut le conduire à envisager le suicide et parfois à le réaliser.
67
Le ressaisissement, le courage.
68
Maison de la miséricorde.
69
38=40-2, une vie sans témoignage.
70
Evangile selon St Jean 5, 1-9.
71
Samuel Prod’hom, Simples Entretiens sur les Evangiles : Évangile selon Jean.

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Alors s'ouvriront les yeux des aveugles, S'ouvriront les oreilles des sourds; Alors le
boiteux sautera comme un cerf, Et la langue du muet éclatera de joie. »72

L’humanité souffre donc d’une pléthore d’infirmités spirituelles comparables aux


handicaps physiques : surdité, mutité, cécité, agueusie, anosmie, claudication,
tétraplégie, paraplégie et autres paralysies partielles.
« Née d’un peuple nomade, la langue hébraïque a associé « marcher » et « vivre »…
En conséquence, les pieds sont dans la Bible le symbole de l’activité humaine, voilà
pourquoi Jésus choisit de les laver. »73
« C’est miraculeux que le boiteux, physiquement parlant, retrouve si bien sa force que
jetant ses béquilles et se redressant, il s’attribue son droit à la santé et bondisse
comme un cerf. Mais il est mille fois plus important que les esprits boiteux réussissent
à surmonter leur infirmité et se redressent en exerçant librement leurs facultés
spirituelles et la prière…
C’est magnifique que les yeux physiques de l’aveugle soient ouverts, mais ceux-ci sont
aussi la faculté que possède l’homme de percevoir les choses spirituelles…
C’est miraculeux que les oreilles physiques des sourds soient ouvertes, mais entendre
au sens élevé signifie comprendre les choses spirituelles…
C’est miraculeux que les muets physiquement parlant puissent parler et chanter. Mais
la langue représente aussi l’empire, le pouvoir spirituel de l’homme, or parler est mille
fois plus important pour les muets spirituels, pour ceux qui n’ont pas le pouvoir de la
démonstration spirituelle et ne peuvent acquérir celui du Logos, du Mot créateur qui est
leur héritage divin, pour ceux qui ne savent pas s’en servir pour leur propre bien et
enfin celui de leur semblables… »74

« Chez la majorité des personnes, le subconscient, est tellement engourdi par la


négligence et l’ignorance qu’ils sont apparemment sourds, muets, aveugles et morts.
Lorsque le subconscient commence à être instruit de la vitalité du corps et du fait que
chaque cellule est une entité consciente, il se produit un grand éveil et une résurrection
des énergies en veilleuse dans le tombeau de la matière. « L’homme qui était boiteux
de naissance, » et qui était allongé à la « porte du temple surnommée Beauté »
demandant l’aumône, représente tout individu qui n’exerce pas encore la puissance
spirituelle de son feu divin intérieur. La « porte du temple surnommée Beauté» est la
compréhension spirituelle. La porte s’ouvre lorsque nous prions et louons. »75

Quant à la lèpre, elle symbolise la substance tellement séparé de la grande Source de


vie centrale qu'elle en a perdu sa vitalité (loin des peuplements). La vitalité de l'homme
s'exprime à travers les sens. Si les sens ne sont pas rédimés et éveillés il y a une
tendance à utiliser la pureté de la vie divine dans le plaisir des sens. La condition du «
lépreux » ou l’impureté de l'organisme en est l’aboutissement.76

Le Tragique l’existence

72
Isaïe 35, 3-6.
73
Pierre Dumoulin, Luc, l’Evangile de la joie. Editions des Béatitudes. 2013, p.205.
74
Emmet Fox, Le Pouvoir par la Pensée constructive. Editions BUSSIERE ASTRA Décembre 2007. Le Jardin d’Allah, p.120-121.
75
Charles Sherlock Fillmore, MBD, entrée boiteux (lame).
76
Charles Fillmore, MBD. Entrée Lèpre.

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« Considérons un peu quelle est notre condition, à nous, hommes. Nous nous trouvons
toujours dans des situations déterminées. Les situations changent, des occasions se
présentent. Quand on les manque, elles ne reviennent plus. Je peux travailler moi-
même à changer une situation. Mais il en est qui subsistent dans leur essence, même
si leur apparence momentanée se modifie et si leur toute-puissance se dissimule sous
un voile : il me faut mourir, il me faut souffrir, il me faut lutter ; je suis soumis au hasard,
je me trouve pris inévitablement dans les lacets de la culpabilité. Ces situations
fondamentales qu’implique notre vie, nous les appelons « situations-limites ». Cela
veut dire que nous ne pouvons pas les dépasser, nous ne pouvons pas les
transformer. »77

La religion judéo-chrétienne est souvent comparée au courant philosophique et


littéraire de « l’existentialisme » c’est-à-dire « la perception du sens de l’absurde
s’ajoutant à celle du sentiment tragique de la vie. L’expérience d’une humanité livrée
aux violences meurtrières… L’angoisse, le vertige dont l’homme est saisi dans
l’expérience de la liberté comme pouvoir du bien et du mal... Le vécu tel qu’il se donne,
non au terme de quelque savante déduction ou d’audacieuse construction, mais tel
qu’il s’offre à de simples quoique complexes descriptions.»78
La religion judéo-chrétienne pourrait faire sienne la situation initiale de tout itinéraire
philosophique, à savoir la prise de conscience de la finitude et la culpabilité, les « deux
‘négativités’ irréductibles, deux manières radicalement différentes de manquer d'être,
deux pôles d’une relation dialectique, le socle de l’infirmité ontologique de l’homme,
qu'on l'appelle la faiblesse, la misère, la détresse… » 79

« La souffrance nous menace de trois côtés : dans notre propre corps qui, destiné à la
déchéance et à la dissolution, ne peut même se passer de ces signaux d'alarme que
constituent la douleur et l'angoisse ; du côté du monde extérieur, lequel dispose de
forces invincibles et inexorables pour s'acharner contre nous et nous anéantir ; la
troisième menace enfin provient de nos rapports avec les autres êtres humains. La
souffrance issue de cette source nous est plus dure peut-être que toute autre ; nous
sommes enclins à la considérer comme un accessoire en quelque sorte superflu, bien
qu'elle n'appartienne pas moins à notre sort et soit aussi inévitable que celles dont
l'origine est autre. »80

77
Karl Jaspers, Introduction à la philosophie. Plon, « Bibliothèques 10/18 ». Août 2006, p.18.
78
Jacques Colette, L’existentialisme, « Que sais-je ? » N°253 4e éd. Presses Universitaires de France, 2007, p.5-11.
79
Paul Ricœur, Culpabilité tragique et Culpabilité Biblique. Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses, 1953 33/4, p.296,
accessible sur www.fondsricoeur.fr.
80
Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation. Edition en ligne sur Classiques de sciences Sociales.

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Christophanies et Psychopathologies de la Vie Quotidienne

« Jésus cite la Torah et les prophètes pour y pointer l’appel, l’appel à l’être plus qu’au
paraître. Il implique le corps, le souffle, le geste, le mode d’être. Même les miracles
qu’il opère sont dans le style des vieux prophètes : démultiplier la nourriture, guérir les
malades, ressusciter les morts, bref prendre sur soi l’abîme entre un être et son
manque, supporter ce transfert, jusqu’à le reconduire vers son énergie propre, celle qui
se consumait dans la mort, la maladie, la disette, la détresse. Comme ce paralytique,
grabataire depuis des années ; personne n’a pris sur lui de lui dire : « lève-toi et
marche » ; personne n’avait reconnu sa souffrance pour penser le lui dire. Au fond
Jésus leur enseigne la traversée des frontières entre l’être et ce qui est, entre
l’être et le manque à être. »81

Jésus est donc une puissance de dénouement des impasses spirituelles sur le chemin
de la maturité. Il caractérise alors la résilience de l’être, la puissance d’introspection, de
contrition, de renoncement, de restructuration, d’ajustement, de réforme, d’anticipation,
d’éclosion, d’élévation, d’ascension, de libération, de résurrection, de relèvement, de
relance, de métamorphose, de transmutation, d’avènement, de purgation, de catharsis,
d’indignation, de révolte, de révolution, de distanciation, de compassion, etc. Les
rencontres de Jésus sont autant de Théophanies.

La Fille de Jaïre et les dérives de la possessivité paternelle (Mc 5 : 22 et Lc 8 :


41)
« Après le salut accordé aux hommes — les disciples et le démoniaque —, vient le tour
des femmes, la fille de Jaïre et l’hémorroïsse. On pourrait penser que, comme pour les
hommes qui les précèdent, c’est de la mort que Jésus délivre les deux femmes ; en
effet, l’une meurt effectivement, et l’autre, en perdant son sang, perd sa vie. Mais il
s’agit en fait d’autre chose, ou, plus exactement d’un aspect particulier de la mort qui
les atteint dans une dimension essentielle de leur être de femmes. Là encore, les mots
qui sont répétés dans les deux épisodes mettent sur la voie de l’interprétation. La
première femme a « environ douze ans » : ce n’est plus une enfant, puisqu’elle arrive à
l’âge nubile selon la Loi. Et la mort va l’emporter, privée à jamais du mariage et de la
maternité. La deuxième femme souffre de pertes de sang « depuis douze ans ». Ce
qu’on peut interpréter comme « depuis douze années », ce qui voudrait dire qu’elle est
dans cet état depuis l’année de la naissance de la fille de Jaïre. Les deux femmes
tuilent. Mais on peut interpréter autrement, car l’expression « depuis douze ans » est
ambiguë aussi bien en grec qu’en français : elle a des pertes de sang « depuis l’âge de
douze ans », c’est-à-dire depuis ses premières règles. Selon cette deuxième
interprétation, les deux femmes tuilent aussi. La deuxième ne peut pas concevoir,
d’une part pour des raisons médicales, mais aussi parce que la Loi lui interdit d’avoir
des relations sexuelles. Le problème est le même pour toutes deux : elles sont privées
de la maternité. Et Jésus, en rendant la vie à la première et la santé à l’autre leur
restitue la puissance d’engendrer. »82

81
Daniel SIBONY, Les trois monothéismes : Juifs, Chrétiens, Musulmans entre leurs sources et leurs destins. Seuil Poche 1997,
p.270.
82
Roland Meynet, s.j. : Marie au centre de l’attention (Lc 8). Une contribution de l’analyse rhétorique à la mariologie.

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Registre de la fille

C’était tellement rare, une fille que son père aimait tant, et quelle père ! FDT1 p.111.
La fille de Jaïre est artificiellement maintenue en position infantile de dépendance.
FDT1 p.105. Elle est méconnue comme sujet, flattée comme objet, elle n’est pas
introduite à la société, à la vie sociale. FDT1 p.115. Elle est retenue à son corps
d’enfance par un lien d’amour non rompu qui la voue à une stagnation stérilisante.
Cette jeune fille ignorait son désir de devenir adulte. Il ne lui restait qu’à en rêver dans
le sommeil apparent. FDT1 p.111. Comparable à la mort.
Quand l’enfant qui tient une place précise dans la pathologie d’une famille de
névrosés- ici la place d’une poupée, objet privilégié du père- veut quitter cette place et
vivre son désir personnel, en admettant qu’il en a encore l’énergie, ce qui est rare
après tant d’années de parasitage réciproque, alors l’autre sombre dans la
neurasthénie83, voire dans le suicide. Même désespoir dans forme passive ou active.
La fille de Jaïre a abandonné la lutte pour la vie. FDT1 p.110.
La petite fille est un objet, participante de la notoriété de son père, support des
fantasmes de puissance pour les gens d’une société adoratrice d’argent et de titres,
que possédait son père. FDT1 p.115.

Registre du père

Jaïre (illumination spirituelle) apparaît comme fixé inconsciemment et incestueusement


à sa fille. FDT1 p.102.
La fille est engourdie, figée par un homme qui n’est pas encore castré, pas encore
séparé de son désir d’être à la fois homme et femme : Il évinçait sa femme, vivait de
l’amour de son enfant. FDT1 p.112.
Sa génitude, depuis douze ans, faisait avec sa richesse matérielle, son orgueil. Le
voilà le plus misérable des hommes, sa vie perd son sens. Le voilà devenu comme le
plus pauvre des hommes. Le voilà authentiquement demandeur. FDT1 p.106.
Le père ignore qu’il en est en grande partie responsable [de la souffrance de sa fille]. Il
souffre, il a peur, il appelle Jésus à son secours. FDT1 p.110.

Récit entrelacé : femme métrorragique ou victime d’une frustration nubile ?

« La femme hémorragique a achevé la croissance adulte de son corps, mais son sang
s’écoule inutilement, sa sexualité féminine, hors circuit des échanges du désir et de
l’amour, s’écoule et meurt : elle ne peut se reconnaître femme dans le regard d’un
homme.
Non cyclée génitalement, elle vit cachée et besogneuse comme un être neutre.
Femme non-éclose, elle continue de rejeter le sang dont le courant ne donne pas la vie
à d’autres vies.
Elle est impure à ses propres yeux, elle est impure aux regards des hommes.
Intouchable et frustrée, sa désespérance a douze ans, comme l’objet de la
désespérance de Jaïre, sa fille.
Sa génitalité, perturbée depuis douze ans, l’éprouve socialement, elle est pauvre et
humble. » FDT1 p.106.

83
Etat durable d’abattement accompagné de tristesse.

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« La femme hémorragique est blessée d’une castration imaginaire. Bien des fillettes,
en découvrant la différence anatomique des sexes et devant la fierté des garçonnets,
pensent qu’il leur manque ‘quelque chose’. Bien des jeunes filles gardent de cette
déconvenue première oubliée une opinion peu flatteuse de leur sexe, une honte intime
que renouvelle mensuellement après sa nubilité, la période d’éviction qu’impose le flux
mensuel, pressenti comme opprobre. Bien des jeunes filles conserve aussi, du fait de
leur sexe, des sentiments d’infériorité jusqu’au jour où, par un homme, elles
découvrent leur valeur de femme. Ce qu’elles croyaient une blessure leur est révélé
ouverture à l’amour. » FDT1 P116.

Action de la Puissance Christique


Le Christ rompt ce lien et les rend autonomes. Elles éclosent, libérées – la fillette d’être
survalorisée, la femme, d’être méprisée. Enfin capables, depuis douze ans, l’une de
marcher seule, l’autre de vivre femme.
Jésus supprime tout le pathos, tout le mélodrame des lamentations, toutes les
protections, tous les usages qui avaient enfermé la petite, objet et non sujet, depuis
douze ans dans le sommeil du cœur. Cette jeune fille ignorait son désir de devenir
adulte. Il ne lui restait qu’à en rêver dans le sommeil apparent. P111.
Jésus initie cette fille à son avenir de femme. P113.
Jésus donne à la fille de Jaïre le sevrage de son père. P128.
La fille de Jaïre détachée de la dépendance à son père s’éveille. L’homme Jésus lui
offre sa main et ainsi lui révèle son identité de jeune fille. P114.

Le fils de la veuve à Naïn84 et les dérives de la possessivité maternelle (Lc 7, 11-


17)

Registre de la mère

Pour cette veuve une seule fois mère et privée des étreintes de son époux, le fils
unique devait tout remplacer : le social, l’érotique, la tendresse. P86.
« Combien de fils de femmes sans homme sont retenus dans les limbes de l’amour
puéril, tristes et studieux, conjoints artificiels d’une mère qu’eux-mêmes, autoritaires
gardiens, surveillent jalousement. Fils barrés au désir de leur âge par leur génitrice, qui
les étouffe de sa sollicitude maternelle, abusive et sclérosante.
De telle femmes, jeunes encore, sourde aux appels de leur désir et aveugles à
d’éventuel prétendants, se veulent consacrées, sacrifice admirable, à leur veuvage et à
leur stérilité ! Soucieuse de l’avenir de leur fils, elles sont aux aguets des corps
féminins qui passent auprès d’eux, au cours de leurs promenades. Chattes
gourmandes ou flatteuses, elles isolent, elles encombrent leur chaste fils névrosé.
Comment de tels fils pourraient-ils s’arracher à de telles mères ? Toute la société (la
foule) les stigmatiserait d’ingratitude.
Si la vie appelle ces garçons, si un désir viril éveille leur sexualité nubile, le regard
réprobateur de leur mère, le risque de malédiction, s’abat sournoisement sur eux. Ils
ne peuvent s’aventurer hors du train-train mortel du foyer marsupial. Ils ne peuvent
qu’imaginer des exploits sexuels horribles ou idéalisés. Ils apaisent leurs rêveries par
la masturbation qui trompe leur solitude. » P86.

84
MBD: suitable dwelling place for and the expresser of life and Truth and substance

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L’amour de cette mère est un amour pervers, c’est-à-dire dévoyée, parasitaire : son
enfant se devait de rester son bâton de vieillesse. Il devenait ainsi un enfant demeuré
dont le devoir était de partager la vie de la mère jusqu’au soir de sa vie. Elle s’était
annexé son enfant. P90.
La veuve de Naïm subit une castration, une séparation, une rupture qu’elle refuse et
qu’elle veut remplacer par toute la « cuisine » sociale d’un enterrement qui la fait
plaindre par tout le monde. P79.

Le fils endormi dans le seul compagnonnage de sa mère veuve.

L’enlisement dans le sable de l’amour maternel et filial attardés dans leur modalité
infantile. P85
Le fils s’identifiant à son père courant le risque de mourir et de suivre son père pour
lutter contre le fait de rester enfant, couplé à sa mère. P85
L’absence de son père entre lui et sa mère avait pétrifié son désir d’impuissance. Cet
enfant unique face à sa mère abandonnée ne pouvait, guidée et entourée par elle,
conquérir son destin fécondateur, géniteur, car sans le savoir, elle lui barrait les
avenues de son destin. P85.
L’enfant périssait à force de reculer dans sa relation à sa mère. Il devait donc s’en
détacher une deuxième fois en se délivrant d’elle. Mais il ne le pouvait pas sans
l’intervention de jésus, sans ce troisième terme qu’est la voix d’homme… » P83
« Le fils était, dans sa relation duelle à sa mère, arrêté devant sa nubilité, sans
promesse de fécondité, sans issue à son désir d’homme. Ses forces de vie vaincues,
la mort symbolique distillée jour après jour, son corps ne pouvait plus qu’être la proie
de la maladie ou s’abandonner au refuge du sommeil dans l’oubli de ses besoins,
jusqu’à la mort physique. » P87.

Action de la Puissance Christique sur le Fils.

Et qui est donc cet homme près de lui qui vient de l’éveiller d’un monde d’où il revient,
sans savoir que le rien d’où il sort s’appelle la mort ? Quelle est donc cette voix plus
douce et plus forte et plus accordée aussi, dans le secret de son être, à son désir
nouveau. Cette voix d’homme qui, à son oreille d’enfant réveille l’écho des injonctions
tutélaires de son père trop tôt disparu ? Est-ce lui ressurgi qu’il voit au côté de sa
mère ? […] Quel est donc cette voix qui l’appelle à advenir ? P80
Alors que dans la maladie il se sentait un enfant qui avait oublié son âge dans le halo
de fièvre qui embuait sa conscience, voilà que c’est en jeune homme qu’il s’éveille, par
l’effet surgissant qu’une voix d’homme intime à son cœur. P80.
« L’homme est là. L’adolescent est par lui fasciné. Les yeux fixés dans le regard de
Jésus qui parle à son âme, il entend qu’il est délivré une seconde fois, coupé pour
toujours de la dépendance qui le retenait à sa mère, à la mort. Une voix d’homme
l’appelle, et ordonne en son larynx et en ses génitoires la mue de l’adolescence. Son
désir est délivré de l’attraction fatale à suivre la voie que lui avait dictée, en désertant
son foyer, son père mort trop tôt. Sa virilité de fils rendue à sa puissance lui revient, à
cet orphelin depuis l’enfance, pour qui sa mère était devenue sa compagne,
conjointement orpheline. Son option d’adolescent appelé à la vie chante de promesses
d’amour. L’ordre du désir, rendu à la vie symbolique, a passé sur le groupe.

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L’adolescent fait signe aux porteurs – c’est lui qui fait signe aux porteurs ! -, qui posent
à terre le cercueil. Et le jeune homme en sa pleine stature, laisse rayonner le sourire
joyeux qui s’éteint aux lèvres du petit garçon malade, qui dévivait, jusqu’à en mourir. »
P82-83.

Synthèse
Jésus se fait le représentant de l’époux symbolique et en même temps du père
symbolique tant de la femme que du garçon. P98.
Au fils, Jésus donne, par son appel impératif et public, la stature d’homme libre qu’il lui
révèle et l’élan pour sa vie à construire, face à une société ébahie qu’elle fait taire. Il
éveille cet avorton de cœur à sa virilité de corps. Tout garçon en a la connaissance,
témoin qu’il est de son sexe car il est visible et se dresse dans sa chair. Mais qu’en
faire quand aucun homme ne vous initie à la loi de cette chair ? P87.
De même que le fils de la veuve de Sarepta (1 Rois 17, MBD : Zarephath, Place of
refinement), le fils de la veuve de Naïm est un jeune homme vivant. En le séparant des
fantasmes de la sexualité infantile, Jésus le rend à sa mère, elle-même séparé de lui
par la parole de l’homme qui lui redonne la vie. Il opère en sa virilité endormie dans
l’hypnose incestueuse la mutation de l’adolescence.
Jésus lui donne la castration urétro-anale et génitale. P128

Dans la résurrection du fils de la veuve Zeraphath par le prophète Elie (1 Rois 17), Elie
sépara l’enfant décédé de sa mère. Il le monta dans la chambre supérieure85, symbole
de l’ascension allégorique de la croissance d’un enfant. Dans cette chambre haute,
Elie se coucha par trois fois sur le corps de l’enfant en priant Dieu de rendre âme à ce
corps. Ces trois contacts d’un homme étendu sur le corps d’un enfant, pour une
psychanalyste qui lit cette histoire, symbolisent l’initiation par trois fois du désir de
l’enfant au désir d’un homme dans la loi.
Le jeune homme entre dans la loi du désir dans un corps d’homme rendu à sa
puissance, par l’interdit mutant signifié au désir oral, anal, génital de convoiter la
femme dans sa mère génitrice, nourrice et tutélaire, l’épouse de son père absent. Par
l’homme, par son corps par trois fois imposé, Elie suscite, ressuscite la virilité du fils
endormi dans le seul compagnonnage de sa mère veuve. P88-89

Lazare de Béthanie et la morbidité du désir charnel (Jn 11, 1-44)

Quand Jésus les connaît et devient leur ami, Lazare (celui à qui Dieu vient en aide) est
encore lié à ses deux sœurs Marthe (Maîtresse de maison) et Marie86. Adulte mâle
célibataire, il est attaché à deux femmes célibataires. Tous trois restent comme des
enfants inséparables, non sevrés dans la maison de leurs parents. Plus, peut-être, tels
des triplés pas encore nés à la vie sociale, aucun des trois ne s’assume
indépendamment des autres par sa libido propre. P127.

Un trio de névrotiques
 Marthe est attachée à Jésus par ses œuvres de sublimation anale : elle travaille de
ses mains, elle organise, elle fait. P127.

85
Etape suivante du processus d’individuation ou d’apothéose.
86
The feminine, the soul, the affectional and emotional phase of man's being, both when seemingly bound and limited by sensate
thought, and in its freed, exalted state.

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 Marie est fixée à lui dans une adoration orante : …elle buvait le lait de ses paroles,
immobile à le contempler. Situation affective de transfert oral. P127.
 Lazare ou l’amour statique, un amour de dépendance charnelle. L’amitié
passionnelle et narcissique. Le fétichisme. P123.
 Lazare était fixé au Christ par Jésus qui était sa lumière, mais le Christ absent il
marchait dans la nuit. (Si quelqu’un marche le jour, il ne trébuche pas, mais s’il
marche la nuit il trébuche). Jésus était son soleil pas le Christ. P125.
 Il y a un transfert de Lazare sur Jésus qui représente, pour l’inconscient de Lazare,
et son père et sa mère. Transfert auquel Jésus répond par un contre transfert,
dynamique inévitable dans l’économie libidinale. P128-129.

Lazare souffre d’une dépression aigüe… Il n’est pas mort d’un accomplissement de
son désir, il est mort de manque, d’une frustration du désir qu’il avait pour Jésus (la
personnalité humaine du Christ), d’un manque de nourriture psychologique et
spirituelle. P125-126.
 Lazare est comme un enfant mort in utero… P126.
 Le processus de mort, qui soumet toute créature à la désorganisation organique,
réduit le corps de Lazare à retourner aux éléments telluriques…P126.
 Lazare abandonné a perdu l’instinct de conservation. Il lui manque le seul être au
monde dont dépendait sa vie depuis qu’il a appris à aimer. P126-127. Lazare
meurt, peut-on dire d’une névrose mélancolique aiguë. P127.

Les deux mutations de Lazare et de Jésus sont parallèles.


 Il faut que Jésus souffre de ce que Lazare a souffert pour comprendre ce qu’il y a
encore de narcissique en lui et qui le lie à ses amis dans la vie de chaque jour. Il
découvre combien il avait encore besoin de ses amis, et dans un rugissement
d’amour il s’en sépare. P129.

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L’Eveil Spirituel et l’Accomplissement de Soi

« Seul un transport de langage – c’est-à-dire ce que l’on appelle une métaphore – peut
rendre compte de ce qui précède le langage, le retrait de la présence dans le présent,
la dissociation de la présence et du présent, de la Totalité et de la singularité […] La
métaphore la mieux à même d’expliquer le mouvement du retrait est celle de
l’enfantement, quand un être est produit par un autre être sans que ce dernier
disparaisse ou soit démembré. »87

L’Etre en situation de désorientation, de péché ou de mort spirituelle peut percevoir un


appel au ressaisissement ou théophanie. « La hiérophanie, qui désigne la
manifestation du sacré, consiste non pas en l’irruption d’une
puissance numineuse extérieure dans le domaine profane, mais s’exprime dans un
regard neuf sur ce qui nous entoure et sur nous-même, la vision pure. »88
Il peut s’ensuivre une démarche de psychologie des profondeurs : « Lors de la
première phase, la conversion ou le retournement, l'âme ayant perçu un
commencement de Lumière divine se détourne sous l'action de la Grâce - en intention
tout au moins - de l'ego et du monde. C'est une "orientation nouvelle" : l'âme se tourne
vers le Soleil Spirituel. C'est l'entrée dans la voie, mais il reste toute la route à
parcourir. A la deuxième phase, la purification ou la mortification des passions et du
désir, l'âme "orientée" doit se purifier de tous les obstacles à l'accomplissement et à
l'épanouissement de la Vie Divine en elle. A la troisième phase, l’apaisement ou
contentement, l'âme, libérée de l'ego et des passions, est dans l'état de pureté, de
virginité, de passivité parfaite (materia prima) pour recevoir le Fiat Lux, le Verbe
Illuminateur et Transformateur qui veut s'incarner en elle ; c'est le Mystère de
l'Incarnation et de la "Transsubstantiation" : "Ceci est mon Corps". La quatrième
phase correspond à la Théôsis, la divinisation : l'âme, entièrement dépouillée, n'est
plus elle-même car elle est "transformée" en Dieu. » 89

Cette trajectoire correspond aussi à une nouvelle naissance ou à la conception de de


l’enfant spirituel : sa gestation, son enfantement, son maternage et son éducation.

Maternité Virginale
«Chez les hommes, l’union en vue de la création des enfants fait, des vierges, des
femmes. Mais quand Dieu commence à avoir commerce avec l’âme, de ce qui était
auparavant une femme, il refait une vierge car il détruit et chasse les désirs sans
noblesse ni virilité qui l’efféminaient. »90

La conception de l’enfant merveilleux ou l’Eveil dans l’âme des pensées spirituelles,


est conditionnée par une certaine fécondité spirituelle propitiatoire aux noces
mystiques.

87
Shmuel TRIGANO, Le judaïsme et l’Esprit du Monde. Editions Grasset. Janvier 2011. P31-32.
88
Philippe Cornu, Le bouddhisme : une philosophie du bonheur ?, Paris, Le Seuil, 2013, p.71.
89
Abbé Henri Stéphane, Introduction à l’ésotérisme chrétien. Editions Dervy 2006. P308.
90
Philon d’Alexandrie, Les Chérubins §50.

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« Entre virginité et stérilité, le ventre des femmes se trouve de nouveau au cœur de
tous les espoirs…Les uns fondent tous les espoirs dans la grossesse d’une femme
stérile puisque dans ce cas Yahvé en personne veille à la survie de son peuple dans
un monde en paix. D’autres espèrent la grossesse d’une femme vierge y voyant
l’annonce du pardon définitif de toutes les fautes commises par le peuple de Yahvé
dont la promesse du retour au Jardin d’Eden et à la vie éternelle. Deux espoirs qui
s’affrontent et dont le vainqueur aura pour mission de sauver le perdant. »91

La nouvelle Naissance, la Nativité


« L’histoire d’une promesse, d’un message plein de joie et d’un accomplissement allant
droit au cœur. Un rayon de lumière divine traverse l’obscurité de ce monde, pénètre
dans nos incertitudes et pétrie nos angoisses existentielles, cette nuit faite de misère
de guerre et de mort pour nous faire oublier notre souffrance en apportant un nouvel
espoir à notre âme. La puissance invisible existant en filigrane de toute vie, ce Dieu si
lointain et apparemment si peu concerné par notre vie sur terre est capable de faire
rayonner sa lumière à travers un être humain qui peut nous consoler, nous redresser,
nous aider et même nous guider vers Dieu. Quelle bénédiction et quelle grâce ! »92

91
Patrick Banon, Jésus, la Biographie non autorisée. Michel LAFON 2013, p.56.
92
Wulfing Von ROHR, le Véritable enseignement de Jésus. Guy Trédaniel Editeur. 1998, p.11.

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Annexe : Principes de lectures Psychanalytiques de la Bible

Aux sources mythiques de la Bible

La proximité des récits bibliques avec l’univers des mythes est attestée par ce que
Paul RICŒUR identifie comme un double rattachement : le premier étant d’ordre
structurel et le deuxième se rapportant à l’intention transformante qui élabore les récits
bibliques ou les mythes hébraïques en contre-pôle des mythes tragiques. « L’analogie
de la structure n'apparaît qu'à un lecteur moderne qui a conquis la coupure du mythe
et de l’histoire. Pour le rédacteur jahviste et pour ses contemporains, les récits sur les
origines ne sont pas d'un genre essentiellement différent des chroniques de Saül et de
David, par exemple ; les traditions orales ou écrites se rapportant aux patriarches et
aux premiers hommes sont à leurs yeux coordonnables à la même histoire et au même
temps que les récits que nous tenons aujourd'hui pour historiques ; par une marche
régressive de la mémoire folklorique, la chronique s'enfonce dans la profondeur d'un
temps où les groupes ethniques étaient représentés par une seule famille, par un seul
ancêtre ; au-delà de ce temps des patriarches, elle atteint un temps où une seule
famille, un seul couple, portait le destin de l'humanité, avant la dispersion des peuples
et des langues. La chronique du premier couple a ainsi une fonction étiologique ;
toutes les misères actuelles de la condition humaine — la dureté du travail et l'avarice
de la nature, les douleurs de l’enfantement, la honte sexuelle et le vêtement, etc. —,
toutes ces misères, la chronique du premier couple les rapporte à un événement
unique, qui fut une désobéissance ; cet événement qui eut lieu une fois, en un certain
lieu, introduisit une cassure dans la nature humaine ; et cette cassure, à partir de ce
jour néfaste, traverse toute l'histoire à la manière d'une malédiction collective.
Or, nous ne pouvons plus coordonner à l'histoire, telle que nous la pratiquons, selon
les règles de la méthode historique, ces récits sur les premiers hommes. C'est d'abord
ce que nous voulons dire, quand nous les tenons pour des mythes ; le temps et le lieu
de cet événement ne peuvent être rattachés au temps de l'histoire et à l'espace de la
géographie.
Mais cette structure mythique n'est pas la seule, ni même la principale dimension du
récit de la chute : une intention le rattache au contenu théologique de l'Ancien
Testament et, par-là, à la foi d'Israël et à la foi de l'Église chrétienne. En reprenant des
mythes qui appartiennent à la couche la plus ancienne du symbolisme humain, la
tradition hébraïque les a transformés dans un certain sens ; et c'est cette retouche qui
contient l'intention fondamentale. Le mythe n'est pas ici dans une situation différente
de l'oracle prophétique, ou de la chronique, ou des codes, ou de la poésie lyrique, ou
du genre sapiental ; il s'agit chaque fois d'une matière préalable, d'un genre antérieur
qui sont remodelés, surélevés, transfigurés ; il y avait des oracles avant Amos, des
codes avant les rédactions progressives du Décalogue ; la flèche intentionnelle qui
traverse ces transmutations, l'intention transformante à l'intérieur même du mythe,
comme à l'intérieur de l'oracle, comme à l'intérieur de la chronique, codes, etc., sont
dès lors essentielles à l'intelligence religieuse du contenu même du mythe. La peinture
pessimiste que le Jahviste fait de l'homme est incorporée, par cette intention
transformante d'une matière mythique préalable, au dessein plus vaste de raconter
l'élection d'Israël et la miséricorde de Dieu. »93
93
Paul Ricœur, Culpabilité tragique et Culpabilité Biblique. Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses, 1953 33/4, p.296.

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Pour Philippe SELLIER, « les scribes ont retravaillé et subverti les mythes
mésopotamiens : aux luttes dérisoires des dieux ils ont substitué l’affirmation
intransigeante du monothéisme et celle de la liberté de l’homme. Aussi peut-on
caractériser ces chapitres comme des contre-mythes rédigés pour doter Israël de récits
d’origine qui lui permettent d’affirmer le caractère irréductible de sa foi, devant la marée
menaçante des religions polythéistes. »94

Le mythe, une préscience du fonctionnement du psychisme.

« Le mythe est la réponse émotive et imagée de l’esprit humain aux questions


fondamentales qu’il se pose concernant l’origine du monde et sa cause, la mort et son
mystère, la vie et son sens… Toutes les communautés culturelles ont été fondées sur
une vision mythique. Les réponses apportées par le mythe sont imagées et leur
signification sous-jacente fut intuitivement comprise par la collectivité, ce qui permettait
à ses membres de s’unir autour des images symboliques. On comprend combien
fondamentales furent les réponses à ces questions. Elles ont donné à l’homme la
possibilité de surmonter l’angoisse devant le mystère insondable de l’existence, de
calmer l’effroi devant la mort et de le sublimer en amour de la vie. »95
« Le mythe est une préscience du fonctionnement psychique, tout symbole mythique
représente une fonction psychique : désirs matériels ou sexuels, désir essentiel,
imagination sublime ou perverse, pensée lucide ou affective, sentiments ou
ressentiments, volitions surconsciemment ou subconsciemment déterminées. »96

Exégèse Typologique et l’unité nucléaire des mythes tragiques

Le cheminement spirituel des héros Bibliques (Abraham, Jacob, Moïse, David,


Jésus…) peut être décodé avec le canevas-type de Joseph Campbell : « le périple de
presque tous les grands héros mythiques se déroule selon un enchainement bien
déterminé : il commence par un « appel à l'aventure » poussant le héros à abandonner
son pays et ses proches. Au cours de son voyage, il devra franchir un premier
obstacle, souvent aidé d'un maître ou d'un guide spirituel, épreuve dont il sortira
grandi. Se succéderont alors d'autres épreuves qu'il franchira victorieux,
s'affranchissant graduellement de l'aide de son mentor, pour accomplir finalement
l'objet de sa quête, atteindre une apothéose qui représentera symboliquement
l'émancipation. Le héros retourne enfin au pays, complètement transformé par
l'expérience initiatique de son épopée. »97

Cette unité nucléaire du mythe de héros selon Joseph CAMPBELL peut être
rapprochée de l’exégèse de la vie des grands chefs bibliques pour laquelle Martin
BUBER distingue, «quatre motifs biographiques saisissables» : «Premièrement, la
fuite, caractéristique pour le libérateur du peuple qui doit s’ensevelir à l’étranger afin
d’en revenir, grandi et armé, pourvu de moyens d’accomplir son action.
Deuxièmement, le retour à la condition pastorale des Patriarches. Ce motif a un
94
Philippe SELLIER, Introduction à la genèse, La Bible Traduction de Louis Isaac LEMAÎTRE de SACY. Opt cit. p.5. Philippe Sellier, né
le 8 novembre 19311, est professeur émérite de lettres de l'université Paris-IV Sorbonne, spécialiste du jansénisme. Agrégé de
Lettres classiques en 1962, docteur en Sciences religieuses et en lettres, ainsi que docteur d’État ès lettres, Philippe Sellier est un
spécialiste des études sur le jansénisme.
95
Paul DIEL, le symbolisme de l’évangile de Jean, Petite Bibliothèque Payot, p.5.
96
Paul DIEL, le symbolisme de l’évangile de Jean, Petite Bibliothèque Payot, p.29.
97
Joseph CAMPBELL, Le héros aux mille et un visages. Éditions Oxus, 2010, dernière couverture.

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caractère universellement représentatif, tout au moins pour l’histoire des religions
sémitiques (la tradition rapporte cette parole de Mahomet : « nul ne deviendra
prophète, qui n’ait d’abord été berger). Troisièmement, la Vision et l’Audition, thème
particulier à toutes les régions du monde religieux. Enfin, la rencontre du démon ou la
terrible implication du démon à l’intérieur du divin.»98

Alternatives pour la Traduction psychanalytique des Ecritures

Avec le prédicateur Emmet Fox nous pouvons admettre que « les Grands initiés qui
ont écrit la Bible sous l’inspiration divine, connaissaient parfaitement tout ce que nous
enseigne la psychologie moderne. Ils ont pénétré la nature humaine comme personne
et l’ont dépeinte dans leurs écrits comme on ne l’a fait ni avant eux, ni après eux. Les
idées concernant le subconscient et le rôle qu’ils jouent dans nos décisions que les
recherches de Freud, Jung et d’autres ont assez exposées récemment, si originales
qu’elles nous semblent aujourd’hui, étaient familières aux Grands initiés de la Bible…
Moïse, Isaïe, Jean et les psalmistes, par exemple, connaissaient parfaitement les
phénomènes de dissociation et bien d’autres que nos psychiatres modernes n’ont pas
encore découverts»99.
Un premier aspect de l’interprétation psychanalytique de l’Ecriture passe par le
décodage direct de son symbolisme. Ainsi, par exemple, « le fonctionnement sensé est
personnifié par les divinités, l’insensé par les démons. Dans la mythologie grecque,
par exemple, ZEUS signifie la lucidité, qualité suprême de l’esprit. Héra l’amour.
Apollon l’harmonie des désirs ; Athéna, la sagesse ; etc. Dans les mythes
monothéistes, les qualités positives se trouvent condensée en une seule image divine,
symbole suprême de la conduite sensée. Dieu unique finit par être imaginé comme
l’esprit idéalisé à dimension absolue, omniscient, omniprésent, omnipotent. Il dirige
encore plus clairement encore que les divinités païennes, la vie humaine, dicte les
valeurs et juge les hommes. La direction insensée de la vie se trouve elle aussi
condensée en une seule figure symbolique : le démon, Satan, l’ange tombé, l’esprit
déchu. »100
« Le véritable fondement du symbolisme, c’est la correspondance qui existe entre tous
les ordres de réalité, qui les relie l’un à l’autre, et qui s’étend, par conséquent, de
l’ordre naturel pris dans son ensemble à l’ordre surnaturel lui-même ; en vertu de cette
correspondance, la nature tout entière n’est elle-même qu’un symbole, c’est-à-dire
qu’elle ne reçoit sa vraie signification que si on la regarde comme un support pour
nous élever à la connaissance des vérités surnaturelles, ou « métaphysiques » au
sens propre et étymologique de ce mot, ce qui est précisément la fonction essentielle
du symbolisme, et ce qui est aussi la raison d’être profonde de toute science
traditionnelle. »101

Un type de décodage indirect est pratiqué par Françoise DOLTO : « la lecture des
évangiles est une projection c’est-à-dire que chaque scène décrite vous donne la
possibilité d’attribuer vos sentiments à un ou deux personnages et ainsi
éventuellement de mieux vous connaître … Ce qu’il y a d’unique dans les textes
bibliques, c’est que chacun d’entre nous peut y projeter son imaginaire afin que le

98
Martin BUBER, Moïse, les Belles Lettres 2015, p.70-71.
99
Emmet Fox, Le Pouvoir par la Pensée constructive. Editions BUSSIERE ASTRA Décembre 2007, p.64.
100
Paul DIEL,
101
René Guénon, Aperçus sur l’initiation. Les Éditions traditionnelles 1946. p.133

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message symbolique lui parvienne. Si le message symbolique passe sans qu’il y ait
participation de notre être et donc de notre corps et du vécu de chacun, … alors ces
textes n’apportent pas la vie à notre corps, à notre esprit, à notre cœur. » 102

Le Cycle de Vie et La Psychologie du Développement

Les hommes poursuivent la satisfaction progressive de cinq besoins fondamentaux


selon le psychologue Abraham Maslow : la survie, la sécurité, l’appartenance, la
reconnaissance ou l’estime et la réalisation de soi.
La métapsychologie de Freud formalise ce processus d’individuation comme un cycle
biopsychique à cinq stades psychosexuels qui ont été étendus à huit étapes
psychosociales par son disciple Erik Erikson. « Le premier stade est celui de la
formation d’un sentiment primordial – constitutif de l’identité de l’ego – de confiance
(ou, à l’opposé, de méfiance), que peut résumer l’aphorisme : « je suis l’espoir que j’ai
et que je donne ».
Au deuxième stade se forme un sentiment d’autonomie ou, au contraire, de doute ou
encore de honte d’avoir été exposé prématurément.
Le troisième stade est celui où se forgent des imaginations de soi dans des rôles
puissants (pouvant être empreints de culpabilité) … »
Le quatrième stade correspond à une période de latence, « une étape décisive du
point de vue social », où se développe un sentiment « d’industrie » (correspondant
globalement à une volonté de créer, de travailler et d’être utile à la société) ou, au
contraire, d’infériorité : l’enfant se forge une représentation de soi, soit comme « être
compétent » (« je suis ce que je peux apprendre à faire marcher »), soit comme
incapable de devenir « jamais quoi que ce soit de bon ». Il peut aussi être amené à
considérer le travail comme la seule manière de se réaliser.
Le cinquième stade, l’adolescence est ainsi le moment où l’on peut parler pour la
première fois d’identité psychosociale, celle-ci continuant à se développer au cours des
trois âges ultérieurs de la vie. La crise d’identité de l’adolescence – l’atteinte d’un
sentiment d’identité en dépit de sentiments de confusion identitaire – est normative et
structurante. L’adolescence est un moratoire psychosocial : une période où l’individu
est à la recherche d’idéaux lui permettant de trouver une cohérence interne – une
identité – autour d’un ensemble unifié de valeurs. La confiance acquise au cours des
stades précédents en son identité, en sa valeur sociale et en sa continuité, conditionne
l’accès à une « identité assumée » du moi et permet l’accomplissement de « la
promesse tangible d’une carrière ». Cette cohérence permet d’intégrer à la fois les
différents sentiments d’identité de l’ego et les cadres sociaux propres à une société
donnée. Cette intégration se manifeste par l’émergence d’une caractéristique de
l’identité de l’ego – la fidélité : « la capacité à se conformer loyalement à ses
engagements librement choisis » – à laquelle s’oppose la confusion d’identité.
Le sixième stade ou l’âge de l’adulte jeune est une phase où se construisent des
relations d’intimité, de partenariat et d’affiliation avec autrui, fondées sur la sexualité.
Naît alors un sentiment d’affiliation qui s’oppose à l’isolement (ou incapacité à
s’engager dans de telles relations intimes).

102
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, l’Evangile au risque de la Psychanalyse. T1 Editions du Seuil 1994. Points 111, p.79.

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Le septième stade à la période de la maturité adulte est celle de la « génération ». Elle
se caractérise par l’émergence d’un souci de transmettre à autrui (des valeurs, des
produits, un style de vie, etc.) ou, à l’opposé, par une stagnation.
Enfin, la vieillesse ou le grand âge est marqué par la question du sens de l’existence :
certains développent un sentiment d’intégrité (ils perçoivent leur vie comme ayant un
sens qui s’intègre dans un ordre social plus large). Pour d’autres, le désespoir domine :
la vie apparaît insensée et le temps manque pour recommencer autre chose. »103

L’individu poursuit donc une quête d’identité en même temps qu’il doit progressivement
sublimer ses pulsions intérieures. Cette quête d’identité se présente comme une
dialectique entre la pulsion de vie ou « le désir à laisser advenir » et la conscience
collective. « L’individu trouve devant soi l’œuvre de son peuple comme un monde
achevé qu’il doit s’incorporer : Sa religion, ses lois, ses langues, ses coutumes, son art.
Les évènements qui lui arrivent, ses actes et ses attitudes à l’égard des autres
peuples… »104

À chaque stade de sa croissance spirituelle, qui se construit sur les bases édifiées lors
des stades précédents, l'individu biopsychologique est confronté à de nouveaux défis à
maîtriser. Il peut éventuellement mettre en œuvre un ensemble de mécanismes de
défense dont la finalité est de réduire, de supprimer toute évolution susceptible de
mettre en danger son intégrité et sa constance. « L’homme connaît l’angoisse devant
des actes importants qui engagent son destin et sa responsabilité. »105
Les huit principaux types de ces mécanismes de défense sont : le refoulement, le
déplacement, la formation réactionnelle, le déni, la projection, la rationalisation, la
régression et la compensation.
Lorsqu'un conflit s'intensifie entre les différentes instances psychiques (Ça, Moi, Idéal
du Moi, Surmoi en théorie freudienne) ou entre certaines de ces instances et la réalité,
ou bien si les mécanismes sont trop rigides ou mal adaptés, le fonctionnement
psychique perd alors de sa souplesse et les mécanismes de défense génèrent des
comportements psychopathologiques. C’est la phénoménologie des crises de passage.
« Si le sujet est empêché de réaliser pleinement une des étapes du développement de
ses instincts, il peut soit progresser prématurément, soit régresser à une position
antérieure, plus sûre, réalisant une fixation pulsionnelle… »106
La crise psychologique désigne alors « l'état de malaise profond, à la fois corporel et
psychique, lié au passage d'un âge de la vie à l'autre ». « Le mot crise n'est ici
employé que dans un contexte évolutif, non point pour désigner une menace de
catastrophe mais un tournant, une période cruciale de vulnérabilité accrue et de
potentialité accentuée et, partant, une source ontogénétique de force créatrice mais
aussi de déséquilibre»107.

L’individu traverse ces crises qui structurent sa personnalité par « la transmutation du


désir à travers une suite de castrations » qui sont certes des sevrages mais aussi des
naissances à la vie sociale, à ses offres d’identification et de réalisation ainsi qu’à ses
103
Valérie Cohen-Scali et Jean Guichard, L’identité : perspectives développementales, Identités & orientations – 1-37/3 | 2008.
104
Georg Wilhelm Friedrich Hegel. Leçons sur la Philosophie de l’Histoire Traduction Française sous la Direction de Myriam
Bienenstock, Le Livre de Poche 2009. P145.
105
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, T1 Op cit. P.54.
106
Daniel Lagache, la psychanalyse. Que Sais-je ? N°660. PUF P31.
107
E. H. ERIKSON, Adolescence et crise. La quête de l'identité. Editions Flammarion. Collection Champs N°60.1972. Cité par Paul
Ricœur dans La Crise : un phénomène spécifiquement moderne ? 1986.

Lectures Psychanalytiques de la Bible Page [31] de [34]


exigences. « La castration est une séparation, une rupture d’avec le premier être qui a
suscité le désir authentique et, par-delà ce deuil de leur objet élu, il suscite ce même
désir à s’accomplir dans la vie, à l’égard des autres. »108 « L’expérience de nos limites
et l’expérience des frontières de l’autre nous permettent de faire surgir notre désir autre
ou de le sublimer, comme on dit, c’est-à-dire de lui permettre de devenir créatif, inventif
en d’autres domaines que celui de sa première émergence où nous briguions de le
mener à son accomplissement mais où nous avons échoué. »109
« L’enfant est élevé dans un monde de discipline, d’obéissance et de dépendance par
rapport aux autres. Il doit dépasser cela en accédant à la maturité et abandonner la
dépendance pour l’autonomie. Si ce passage est raté, la névrose a le champ libre.»110
« Le nouveau-né est impuissant à survivre seul. Il a besoin de la nourriture, de la
protection, de la tutelle des adultes. Mais aussi, par ces adultes, le nouveau-né puis
l’enfant est informé, déformé, infirmé ou confirmé dans ses intuitions naturelles. Il ne
peut donc exprimer son désir dans sa totalité, assujetti qu’il est à la loi des adultes et à
la loi de son inconscient. »111.
« Bien sûr, l’enfant petit ne peut être autonome, il dépend des adultes tutélaires. Mais il
arrive souvent que ceux-ci jouissent de cette dépendance de leurs enfants et ne
puissent, au fur et à mesure de leur croissance en âge, les délivrer de
l’assujettissement à leur personne, à leur désir, à leur amour… »112
« La transformation des enfants en adultes est une des préoccupations essentielles
dans la vie ritualisée des hommes. Comment amener les enfants révoltés, soumis à
des pulsions naturelles, à devenir membres de la société ? » 113

108
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, T1 Op cit. P.128.
109
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, L’Evangile au risque de la Psychanalyse T2 P.100.
110
Joseph CAMPBELL, La Puissance du Mythe, J’ai Lu P132.
111
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, T1 Op cit., P69.
112
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, T1 Op cit., P104.
113
Joseph CAMPBELL, La Puissance du Mythe, J’ai Lu P153.

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Esquisse Bibliographique
1 Antoine Vergote, "Apport des données psychanalytiques à l'exégèse. Vie, loi et clivage du Moi dans l'épître aux Romains 7 ",
Exégèse et herméneutique, coll. Parole de Dieu, Paris, 1971, pp. 109-173.
1
Bible et Psychanalyse, Dictionnaire Encyclopédique de la Bible, en ligne sur http://www.knowhowsphere.net/Bases2.aspx.
1
Paul Beauchamp, Cinquante portraits Bibliques. Editions du Seuil Points Sa288 2013, p.30.
1
Jean-Yves LELOUP, Apocalypse de Jean, Albin Michel 2011, p.213.
1
Paul Ricœur, La Psychanalyse, philosophie ? Thérapeutique ? Science ? », (Paris), 24e année, nouvelle série, cahier n°31, juillet-
octobre 1967, pp. 111-126.
1
Rm 7, 15-25.
1
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, l’Evangile au risque de la Psychanalyse. FDT1 Editions du Seuil 1994. Points 111, p.79.
1
Joseph CAMPBELL, Le héros aux mille et un visages. Éditions Oxus, 2010, p.15.
1
Paul DIEL, le symbolisme de l’évangile de Jean, Petite Bibliothèque Payot, p.29.
1
Paul Ricœur, Culpabilité Tragique et Culpabilité Biblique, Revue d’histoire et de philosophie religieuse 33/4 (1953)
1
Catherine Chalier, Lire la Torah. Editions du seuil 2014, p.119.
1
Philon d’Alexandrie, De Migratione Abrahami §20.
1
Robert Lane, Reading the Bible: Intention, Text, Interpretation, University Press of America, January 1994.
1
Daniel SIBONY, Les trois monothéismes : Juifs, Chrétiens, Musulmans entre leurs sources et leurs destins. Seuil Poche 1997,
p.136.
1
Shmuel TRIGANO, Le judaïsme et l’Esprit du Monde. Editions Grasset. Janvier 2011, p.28.
1
Joseph CAMPBELL, La Puissance du Mythe, J’ai Lu, p.79.
1
Jean Philippe Lefebvre, Le Fils perdu et retrouvé. Luc 1-2 : Une lecture de la Genèse entre Tradition Juive et Culture païenne CPE
n° 125, mars 2012.
1
Joseph RATZINGER Benoît XVI, Jésus de Nazareth, de l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Editions du Rocher. Mars 2011.
1
Patrick Banon, Jésus, la Biographie non autorisée. Michel LAFON 2013, p.27.
1
Emmet FOX, Le Pouvoir par la Pensée Constructive Editions BUSSIERE ASTRA Décembre 2007. Le Jardin d’Allah p.13.
1
Cf. également la parabole du grain de sénévé (Mat. XIII, 31).
1
René Guénon, l’homme et son devenir selon le Vedanta, Chap. XXIV (p. 240 de la 2° édition).
1
Josy EISENBERG et Armand ABECASSIS, op. cit. p.878
1
Joseph Campbell, le héros aux mille et un visages, p.125-126.
1
Joseph CAMPBELL, la Puissance du Mythe. Editions J’ai Lu, p.198.
1
Jean-Yves Leloup, Apocalypse de Jean, Albin Michel 2011, p.224
1
Evangile selon Saint Marc Mc 7, 24-31, voir aussi Saint Mt XV, 21-28, Traduction Œcuménique de la Bible.
1
Gianfranco RAVASI, Luc FERRY, Le Cardinal et le Philosophe. Editions PLON 2013. P158..
1
Simone Pacot, Oser la vie nouvelle. Edition du Cerf. Avril 2003 P.14-15.
1
Evagre le Pontique, Chapitres des disciples d'Évagre, Introduction, traduction, notes et Index par Paul Géhin, Éditions du Cerf,
Paris, 2007, pp. 166-168
1
Jean-Yves Leloup, Une femme Innombrable, Le Roman de Marie Madeleine. Albin Michel, pp. 53-55.
1
Samuel Prod’hom, Simples Entretiens sur les Evangiles : Évangile selon Jean.
1
Isaïe 35, 3-6.
1
Pierre Dumoulin, Luc, l’Evangile de la joie. Editions des Béatitudes. 2013, p.205.
1
Emmet Fox, Le Pouvoir par la Pensée constructive. Editions BUSSIERE ASTRA Décembre 2007. Le Jardin d’Allah, p.120-121.
1
Charles Sherlock Fillmore, MBD, entrée boiteux (lame).
1
Charles Fillmore, MBD. Entrée Lèpre.
1
Karl Jaspers, Introduction à la philosophie. Plon, « Bibliothèques 10/18 ». Août 2006, p.18.
1
Jacques Colette, L’existentialisme, « Que sais-je ? » N°253 4e éd. Presses Universitaires de France, 2007, p.5-11.
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Paul Ricœur, Culpabilité tragique et Culpabilité Biblique. Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses, 1953 33/4, p.296,
accessible sur www.fondsricoeur.fr.
1
Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation. Edition en ligne sur Classiques de sciences Sociales.
1
Titre
1
Roland Meynet, s.j. : Marie au centre de l’attention (Lc 8). Une contribution de l’analyse rhétorique à la mariologie.
1
Etat durable d’abattement accompagné de tristesse.
1
MBD: suitable dwelling place for and the expresser of life and Truth and substance
1
Etape suivante du processus d’individuation ou d’apothéose.
1
The feminine, the soul, the affectional and emotional phase of man's being, both when seemingly bound and limited by sensate
thought, and in its freed, exalted state.
1
Shmuel TRIGANO, Le judaïsme et l’Esprit du Monde. Editions Grasset. Janvier 2011. P31-32.
1
Philippe Cornu, Le bouddhisme : une philosophie du bonheur ?, Paris, Le Seuil, 2013, p.71.
1
Abbé Henri Stéphane, Introduction à l’ésotérisme chrétien. Editions Dervy 2006. P308.
1
Philon d’Alexandrie, Les Chérubins §50.
1
Patrick Banon, Jésus, la Biographie non autorisée. Michel LAFON 2013. P56.
1
Wulfing Von ROHR, le Véritable enseignement de Jésus. Guy Trédaniel Editeur. 1998. P.11.
1
Paul Ricœur, Culpabilité tragique et Culpabilité Biblique. Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses, 1953 33/4, p.296.
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Philippe SELLIER, Introduction à la genèse, La Bible Traduction de Louis Isaac LEMAÎTRE de SACY. Opt cit. p.5. Philippe Sellier, né
le 8 novembre 19311, est professeur émérite de lettres de l'université Paris-IV Sorbonne, spécialiste du jansénisme. Agrégé de

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Paul DIEL, le symbolisme de l’évangile de Jean, Petite Bibliothèque Payot, p.5.
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Paul DIEL, le symbolisme de l’évangile de Jean, Petite Bibliothèque Payot, p.29.
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Joseph CAMPBELL, Le héros aux mille et un visages. Éditions Oxus, 2010, dernière couverture.
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Joseph CAMPBELL, la Puissance du Mythe. Editions J’ai Lu, p.198.
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Martin BUBER, Moïse, les Belles Lettres 2015, p.70-71.
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Emmet Fox, Le Pouvoir par la Pensée constructive. Editions BUSSIERE ASTRA Décembre 2007, p.64.
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Paul DIEL,
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René Guénon, Aperçus sur l’initiation. Les Éditions traditionnelles 1946. p.133
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Françoise Dolto et Gérard Sévérin, l’Evangile au risque de la Psychanalyse. FDT1 Editions du Seuil 1994. Points 111, p.79.
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Valérie Cohen-Scali et Jean Guichard, L’identité : perspectives développementales, Identités & orientations – 1-37/3 | 2008.
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Georg Wilhelm Friedrich Hegel. Leçons sur la Philosophie de l’Histoire Traduction Française sous la Direction de Myriam
Bienenstock, Le Livre de Poche 2009. P145.
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Françoise Dolto et Gérard Sévérin, FDT1 Op cit. P.54.
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Daniel Lagache, la psychanalyse. Que Sais-je ? N°660. PUF P31.
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E. H. ERIKSON, Adolescence et crise. La quête de l'identité. Editions Flammarion. Collection Champs N°60.1972. Cité par Paul
Ricœur dans La Crise : un phénomène spécifiquement moderne ? 1986.
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Françoise Dolto et Gérard Sévérin, FDT1 Op cit. P.128.
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Françoise Dolto et Gérard Sévérin, L’Evangile au risque de la Psychanalyse T2 P.100.
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Joseph CAMPBELL, La Puissance du Mythe, J’ai Lu P132.
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Françoise Dolto et Gérard Sévérin, FDT1 Op cit., P104.
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