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1 Antoine Vergote, "Apport des données psychanalytiques à l'exégèse. Vie, loi et clivage du Moi dans l'épître aux Romains 7 ",
Exégèse et herméneutique, coll. Parole de Dieu, Paris, 1971, pp. 109-173.
2
Bible et Psychanalyse, Dictionnaire Encyclopédique de la Bible, en ligne sur http://www.knowhowsphere.net/Bases2.aspx.
3
Paul Beauchamp, Cinquante portraits Bibliques. Editions du Seuil Points Sa288 2013, p.30.
4
Jean-Yves LELOUP, Apocalypse de Jean, Albin Michel 2011, p.213.
5
Paul Ricœur, La Psychanalyse, philosophie ? Thérapeutique ? Science ? », (Paris), 24e année, nouvelle série, cahier n°31, juillet-
octobre 1967, pp. 111-126.
6
Rm 7, 15-25.
7
Paul Ricœur, Une interprétation philosophique de Freud, Le Conflit des Interprétations, Point-Essais 2017, p.243.
Au premier niveau, une comparaison directe peut être effectuée entre la théorie
psychanalytique et certains discours bibliques à l’instar du chapitre 7 de l'épître de Paul
aux Romains vu précédemment. Cependant, « pour décoder aussi objectivement que
possible le message de Paul, il faut expliciter ses catégories anthropologiques à l’aide
d’une psychologie informée qui scrutant les dynamismes et les structures de l’homme
contemporain, est en mesure de mieux apprécier tout à la fois les différences
culturelles et les structures permanentes de l’être humain. »8
Le deuxième niveau pourrait être le décodage indirect tel que pratiqué par Françoise
DOLTO : « la lecture des évangiles est une projection c’est-à-dire que chaque scène
décrite vous donne la possibilité d’attribuer vos sentiments à un ou deux personnages
et ainsi éventuellement de mieux vous connaître… Ce qu’il y a d’unique dans les textes
bibliques, c’est que chacun d’entre nous peut y projeter son imaginaire afin que le
message symbolique lui parvienne. Si le message symbolique passe sans qu’il y ait
participation de notre être et donc de notre corps et du vécu de chacun, … alors ces
textes n’apportent pas la vie à notre corps, à notre esprit, à notre cœur. » 9
La proximité des récits bibliques avec l’univers des mythes est attestée par ce que
Paul RICŒUR identifie comme un double rattachement13 : le premier étant d’ordre
8
Antoine Vergote, idem.
9
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, l’Evangile au risque de la Psychanalyse. T1 Editions du Seuil 1994. Points 111, p.79.
10
Joseph CAMPBELL, Le héros aux mille et un visages. Éditions Oxus, 2010, p.15.
11
Paul DIEL, le symbolisme de l’évangile de Jean, Petite Bibliothèque Payot, p.29.
12
Paul DIEL,
13
Paul Ricœur, Culpabilité Tragique et Culpabilité Biblique, Revue d’histoire et de philosophie religieuse 33/4 (1953)
14
Catherine Chalier, Lire la Torah. Editions du seuil 2014, p.119.
15
Philon d’Alexandrie, De Migratione Abrahami §20.
16
Joseph CAMPBELL, Le héros aux mille et un visages. Éditions Oxus, 2010, p.216.
17
Stanisław Kapuściński, Biblical Symbolism, INHOUSEPRESS, MONTREAL, CANADA.
18
Purification de l'âme du spectateur par le spectacle du châtiment du coupable. Le châtiment du coupable, voilà
l'expiation, la purification que le philosophe avait en vue. Pour prendre un exemple, dans la fable d'Oreste, la catharsis
consiste dans le châtiment infligé au fils parricide. 1. Purification de l'âme ou purgation des passions du spectateur par
la terreur et la pitié qu'il éprouve devant le spectacle d'une destinée tragique. Ce mode d'expression de soi qu'était le
théâtre antique permettait, comme le psychodrame moderne, d'opérer une catharsis, une purification de l'âme, une
La présente composition est, en grande partie, basée sur les entretiens des
psychanalystes Françoise Dolto et Gérard Sévérin, publiés sous le titre « l’Evangile au
risque de la Psychanalyse », parus aux Editions du Seuil, Collection Points : N° 111
1980 pour Tome 1 et N°145 1982 pour le Tome 2. Nous les abrégerons ci-dessous par
FDT1 ou FDT2. Les autres références (Paul DIEL, Antoine VERGOTE, Mary
BALMARY, Simone PACOT, Daniel SIBONY…) seront précisées progressivement en
notes de bas de page.
liquidation des complexes. 2. Plaisir éprouvé par le spectateur grâce à la dérivation causée par ces sentiments. Le mot
s'emploie toutefois pour désigner surtout le ravissement esthétique``.
B.− Moyen thérapeutique (ex. hypnose, suggestion, etc.) par lequel le psychiatre amène le malade à se libérer de ses
traumatismes affectifs refoulés. Synon. méthode cathartique, défoulement, abréaction. Le résultat de cette opération.
C.− Action purificatrice. Catharsis ascétique : La prise de conscience historique réalise une véritable catharsis, une
libération de notre inconscient sociologique un peu analogue à celle que sur le plan psychologique cherche à obtenir la
psychanalyse.
19
Benny Levy, P58
20
Robert Lane, Reading the Bible: Intention, Text, Interpretation, University Press of America, January 1994.
21
Antoine VERGOTE
« Le Dieu des Juifs s’appelle le Nom, c’est l’être quand il devient nommant ; c’est le
devenir nommant de l’être. »22
« Le Dieu de la Bible se nomme l’Être, un Être qui se manifeste toujours au futur, parce
qu’il porte en lui la potentialité d’un autre, de tous les autres êtres.»23
« YHWH se donne comme nom, potentiel de nomination ; presque un nom propre de
l’être-temps, vu que rien n’arrive à la lettre sans passer par l’être-temps. YHWH est le
carrefour des métaphores de l’être qui devient parlant, du devenir parlant, et même du
devenir existant. C’est le nom ouvert aux après-coups, car il se décline : je suis ce qui
sera, autrement dit, l’évènement à venir aura passé par l’être-temps, … Du coup,
puisque c’est l’être en devenir, il échappe aux déterminations du temps, mais il les
porte : il est le temps en déploiement. »24
Le Devenir Humain
L’être humain est donc essentiellement un être en devenir : « Que l’homme vive à
New-York ou dans les cavernes de la préhistoire, il passe par les mêmes étapes :
l’enfance, l’acquisition de la maturité sexuelle, la transformation en homme ou en
femme chargés de responsabilités, le mariage, la dégradation physique, la perte
graduelle des capacités et la mort. » 25
22
Daniel SIBONY, Les trois monothéismes : Juifs, Chrétiens, Musulmans entre leurs sources et leurs destins. Seuil Poche 1997,
p.136.
23
Shmuel TRIGANO, Le judaïsme et l’Esprit du Monde. Editions Grasset. Janvier 2011, p.28.
24
Daniel SIBONY, idem, pp.132-133.
25
Joseph CAMPBELL, La Puissance du Mythe, J’ai Lu, p.79.
26
Pierre Vilain, Jésus le Dieu des Rencontres, Desclée de Brouwer 2001, pp 16-17.
27
FDT2 p.18.
28
Jean Philippe Lefebvre, Le Fils perdu et retrouvé. Luc 1-2 : Une lecture de la Genèse entre Tradition Juive et Culture païenne CPE
n° 125, mars 2012.
« Un enfant est une promesse, un miroir dans lequel les anciens peuvent apercevoir le
reflet de l’avenir. Une libération pour les uns, une torture pour les autres. »29
« L’enfant est une émergence d’être, proche de ce qui est premier, non encore refoulé,
et tout l’appel christique pour ce royaume est un appel à se rebrancher sur l’être en
surmontant le refoulement. »30
L’enfance spirituelle
« Le symbolisme biblique a son admirable logique, de même que l’âme est comparée à
une femme, l’Idée spirituelle31 enfantée par l’âme est figurée par un enfant. La
découverte consciente que vous faites de ce pouvoir et votre détermination de vous en
servir représente la naissance de l’enfant. Il est facile de reconnaître la justesse de ce
symbole, car, l’enfant né dans la conscience est une entité aussi faible que n’importe
quel nouveau-né, et il a besoin de soins attentifs. »32
L’enfance « est un stade de « non-expansion », si l’on peut ainsi parler, où toutes les
puissances de l’être sont pour ainsi dire concentrées en un point, réalisant par leur
unification une simplicité indifférenciée, apparemment semblable à la potentialité
embryonnaire33. C’est aussi, en un sens un peu différent, mais qui complète le
précédent (car il y a à la fois résorption et plénitude), le retour à « l’état primordial ». Ce
retour est effectivement une étape nécessaire sur la Voie qui mène à l’Union (à Dieu),
car c’est seulement à partir de cet « état primordial » qu’il est possible de franchir les
limites de l’individualité humaine pour s’élever aux états supérieurs. »34
29
Patrick Banon, Jésus, la Biographie non autorisée. Michel LAFON 2013, p.27.
30
Daniel SIBONY, Les trois monothéismes : Juifs, Chrétiens, Musulmans entre leurs sources et leurs destins. Seuil Poche 1997.
P272.
31
La prise de Conscience de sa Vocation personnelle ?
32
Emmet FOX, Le Pouvoir par la Pensée Constructive Editions BUSSIERE ASTRA Décembre 2007. Le Jardin d’Allah p.13.
33
Cf. également la parabole du grain de sénévé (Mat. XIII, 31).
34
René Guénon, l’homme et son devenir selon le Vedanta, Chap. XXIV (p. 240 de la 2° édition).
35
FDT p.92.
36
Josy EISENBERG et Armand ABECASSIS, op. cit. p.878
« La circoncision exprime la séparation (de l’âme) avec le plaisir et avec toutes les
passions. »38
La Puberté ou la nubilité est l’âge de l’initiation, l’âge où l’adolescent trouve son identité
propre.40
« Ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il
eut douze ans, comme ils y étaient montés suivant la coutume de la fête et qu’à la fin
des jours de fête ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses
parents s’en aperçoivent. Pensant qu’il était avec leurs compagnons de route, ils firent
une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne
l’ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem en le cherchant. C’est au bout de trois
jours qu’ils le retrouvèrent dans le temple, assis au milieu des maîtres, à les écouter et
les interroger. Tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur l’intelligence de ses
réponses. En le voyant, ils furent frappés d’étonnement et sa mère lui dit : « Mon
enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? Vois, ton père et moi, nous te
cherchons tout angoissés. » Il leur dit : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne
saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Mais eux ne comprirent pas ce
qu’il leur disait. Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth ; il leur était soumis ; et
sa mère retenait tous ces événements dans son cœur. Jésus progressait en sagesse
et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes. »41
37
Joseph Campbell, le héros aux mille et un visages, p.125-126.
38
Philon d’Alexandrie, De Migratione Abrahami §92.
39
La Bar Mitzvah est l'état de majorité religieuse acquis par les jeunes garçons juifs, à 13 ans. Par extension, il désigne aussi la
cérémonie facultative célébrant ce passage. L’équivalent féminin est la Bat Mitsvah, par laquelle la jeune fille juive atteint sa
majorité religieuse, à 12 ans. Une cérémonie peut être célébrée, généralement dans la sphère familiale.
40
Joseph CAMPBELL, La Puissance du Mythe, p.282.
41
Evangile selon Saint Luc, Traduction Œcuménique de la Bible.
42
FDT1 pp.34-38.
Le Chemin de Sanctification
« La crise survient au milieu du chemin de notre vie, égaré dans un bois dangereux,
lorsque trois animaux symbolisant l’orgueil, le désir et la peur viennent vous
menacer. »47
« Jésus va jusqu’aux limites de la conscience de son époque en se faisant baptiser par
Jean-Baptiste. Puis il franchit le seuil en demeurant quarante jours dans le désert... Là,
il eut à vaincre trois tentations. La première fut une tentation économique. Le malin
s’approcha de lui en disant : « tu as faim, jeune homme ? Pourquoi ne changes-tu pas
ces pierres en pains ? » Réponse de jésus : « L’homme ne vit pas seulement de pain,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » La deuxième tentation fut de
nature politique. Le Malin emmena Jésus au sommet d’une montagne d’où il pouvait
voir tous les royaumes du monde à ses pieds. « Si tu te soumets à moi, tu règneras sur
l’univers », lui dit-il. Cette condition est encore valable aujourd’hui pour tous les
politiciens, mais le public l’ignore. Jésus refusa. « Puisque tu te prends pour un pur
esprit, poursuivit le diable, monte tout en haut du temple d’Hérode et jette-toi en bas.
Dieu te portera et ton pied ne heurtera même pas la pierre. » Il faisait ici allusion à
l’aveuglement spirituel qui consiste à croire que nous sommes bien au-dessus des
43
Gn 41 41,46
44
2 Sam 5,4.
45
Luc 3, 23.
46
Joseph RATZINGER Benoît XVI, Jésus de Nazareth, de l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Editions du Rocher. Mars 2011.
47
Joseph CAMPBELL, la Puissance du Mythe. Editions J’ai Lu, p.198.
De manière analogue, « Le Bouddha partit, lui aussi, dans la forêt et s’entretint avec
les gourous les plus remarquables de son temps. Il les dépassa tous et, après une
saison d’épreuves et de recherches, il s’assit sous l’arbre Bo, l’arbre de l’illumination,
où il subit également trois tentations : le désir, la peur et le conformisme, ce besoin
d’obéir à l’opinion publique. Pour le tenter, le Seigneur du désir fit apparaître devant
lui trois jolies filles. Elles s’appelaient Désir, Accomplissement et Regrets. Elles
représentaient le futur, le présent et le passé. Mais le Bouddha qui s’était déjà libéré de
tout attachement à la sensualité demeura impassible. Le Seigneur du désir fit place
alors au Seigneur de la mort qui dirigea vers le Bouddha toutes les armes maniées
par une armée de monstres. Mais le Bouddha avait découvert en lui ce calme parfait,
qui appartient à l’éternité, et ne peut être troublé par le temps. Une fois de plus, il ne
montra pas une émotion et les projectiles qu’on lui lançait se muèrent en offrandes
fleuries. Enfin, les deux tentateurs se transformèrent en Seigneur du devoir social.
« Jeune homme, demanda-t-il, avez-vous lu les gazettes du jour ? Ne savez-vous pas
que des tâches vous attendent ? » Pour toute réponse, le Bouddha effleura la terre du
bout des doigts de sa main droite et on entendit la voix de la Déesse-Mère qui grondait
comme le tonnerre à l’horizon. « Celui-ci, dit-elle, est mon fils bien aimé qui s’est donné
tout entier au monde et que nul ne peut contester. Arrêtez ces sottises. »50 Sur ce,
l’éléphant que montait le Seigneur du devoir social s’agenouilla devant le Bouddha
pour l’adorer et les trois ennemis disparurent comme dans un rêve. Cette nuit-là, le
Bouddha atteignit l’illumination51 et durant cinquante ans demeura parmi les
hommes pour leur enseigner comment anéantir en eux l’égoïsme asservisseur. »52
Naître à la vie sociale c’est quitter une vie de silence, une vie cachée pour une vie
publique. Aux noces de Cana, lieu du premier miracle de Jésus, lors l’épisode du
manque de vin, « le Christ pose une question à sa mère exactement comme le fœtus
pose une question muette à sa mère [‘Femme qu’y a-t-il entre toi et moi ?’], au moment
où se déclenchent les premiers mouvements qui font dire à la mère : ça y est l’enfant
va naître… Il y a certainement entre une mère et son fils, entre une mère et le fruit
vivant qu’est son enfant, il y a cette connivence, il y a quelque chose à ne pas
manquer : c’est le moment où tous les deux sont accordés pour qu’une mutation
48
Joseph CAMPBELL, La puissance du mythe, p.232.
49
Jean-Yves Leloup, Apocalypse de Jean, Albin Michel 2011, p.224
50
Voir aussi au Baptême de Jésus par Jean-Baptiste.
51
L’entrée dans la lumière.
52
Joseph CAMPBELL, la puissance du mythe, p.233.
« Parti de là, Jésus se rendit dans le territoire de Tyr. Il entra dans une maison et il ne
voulait pas qu’on le sache, mais il ne put rester ignoré. Tout de suite, une femme dont
la fille avait un esprit impur entendit parler de lui et vint se jeter à ses pieds. Cette
femme était païenne, syro-phénicienne de naissance. Elle demandait à Jésus de
chasser le démon hors de sa fille. Jésus lui disait : « Laisse d’abord les enfants se
rassasier, car ce n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits
chiens. » Elle lui répondit : « C’est vrai, Seigneur, mais les petits chiens, sous la table,
mangent des miettes des enfants. » Il lui dit : « A cause de cette parole, va, le démon
est sorti de ta fille. » Elle retourna chez elle et trouva l’enfant étendue sur le lit : le
démon l’avait quittée. »54
« A Cana, une femme fait entrer Jésus dans la vie publique. Ici en terre étrangère une
femme le fait entrer dans la vie universelle.» FDT2
Le Renoncement
« De même que Marie sa mère lui avait révélé à Cana son heure publique, il est
possible que Marie de Béthanie, par son parfum, lui ait révélé, par son amour et son
intuition, son heure venue de mourir, l’heure de la Transfiguration. »55.
53
FDT1 p.58.
54
Evangile selon Saint Marc Mc 7, 24-31, voir aussi Saint Mt XV, 21-28, Traduction Œcuménique de la Bible.
55
FDT1 p.142.
56
Une courte définition du mystère : L'étymologie du mot mystère est tirée du grec "mysterion" qui a été traduit par sacramentum
en latin. Les sacrements chrétiens sont à la fois révélation de Dieu et source de vie.
Le mot mystère vient du grec musterion, dérivé de muein, "être fermé". Saint Paul utilise souvent ce terme dans ses Lettres :
mystère de Dieu, mystère du Christ, mystère de la foi... Mais il l'emploie dans un sens biblique : ce mot désigne alors ce qui
normalement serait caché, mais que Dieu veut partager et dire aux hommes. Tout en étant révélé par Dieu, le mystère est ce que
l'homme n'a jamais fini de comprendre.
En son sens le plus courant, le mystère est une réalité inaccessible à la seule raison et objet d'une révélation. Pour Paul le
"mystère" est le dessein même de Dieu, qui donne son sens à l'histoire. Ce dessein, d'abord caché, mais au travail dans la nature
et l'existence des hommes, est révélé à tous dans le Christ. À tous !
Nous ne sommes pas dans la gnose (qui prétend détenir un enseignement caché, destiné à quelques initiés), il n'y a pas d'autre
vérité à découvrir que le Christ lui-même. Le mystère a ceci de particulier qu'on ne peut le cerner, en faire le tour, et que par
conséquent il est inépuisable. Mais comme le soleil, impossible à fixer directement, il éclaire tout le reste et donne son sens
dernier à toutes choses.
57
Mgr Gianfranco RAVASI, Luc FERRY, Le Cardinal et le Philosophe. Editions PLON 2013. P158. Le Cardinal Gianfranco Ravasi est
président des Conseils pontificaux pour la culture, l'archéologie sacrée et le patrimoine culturel de l'Église.
« Ils abordèrent au pays des Gergéséniens58 qui est en face de la Galilée59. Comme il
descendait à terre, vint à sa rencontre un homme de la ville qui avait des démons.
Depuis longtemps il ne portait plus de vêtement et ne demeurait pas dans une maison,
mais dans les tombeaux. A la vue de Jésus, il se jeta à ses pieds en poussant des cris
et dit d’une voix forte : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’en prie,
ne me tourmente pas. » Jésus ordonnait en effet à l’esprit impur de sortir de cet
homme. Car bien des fois il s’était emparé de lui ; on le liait, pour le garder, avec des
chaînes et des entraves ; mais il brisait ses liens et il était poussé par le démon vers
les lieux déserts. Jésus l’interrogea : « Quel est ton nom ? » – « Légion », répondit-il,
car de nombreux démons étaient entrés en lui. Et ils le suppliaient de ne pas leur
ordonner de s’en aller dans l’abîme.
Or il y avait là un troupeau considérable de porcs en train de paître dans la montagne.
Les démons supplièrent Jésus de leur permettre d’entrer dans ces porcs. Il le leur
permit. Les démons sortirent de l’homme, ils entrèrent dans les porcs, et le troupeau se
précipita du haut de l’escarpement dans le lac et s’y noya.
A la vue de ce qui était arrivé, les gardiens prirent la fuite et rapportèrent la chose dans
la ville et dans les hameaux. Les gens s’en vinrent pour voir ce qui s’était passé. Ils
arrivèrent auprès de Jésus et trouvèrent, assis à ses pieds, l’homme dont les démons
étaient sortis, qui était vêtu et dans son bon sens, et ils furent saisis de crainte. Ceux
qui avaient vu leur rapportèrent comment celui qui était démoniaque avait été sauvé.
Alors, toute la population de la région des Gergéséniens demanda à Jésus de
s’éloigner d’eux, car ils étaient en proie à une grande crainte ; et lui monta en barque et
s’en retourna.
L’homme dont les démons étaient sortis le sollicitait ; il demandait à être avec lui. Mais
Jésus le renvoya en disant : « Retourne dans ta maison et raconte tout ce que Dieu a
fait pour toi. » Et l’homme s’en alla, proclamant par toute la ville tout ce que Jésus avait
fait pour lui. »60
« L’être humain se trouve confronté au cours de son existence à la réalité du mal qui
est dans le monde. Il a la responsabilité de le reconnaître, de ne pas en devenir le
complice, de se situer face à lui. En outre, il doit se construire et bien souvent se
reconstruire, au travers de sa propre vulnérabilité qui fait partie de sa nature. Il doit
affronter les pertes, les manques qui jalonnent toute vie. La plupart du temps, dès la
petite enfance, il est victime de blessures plus ou moins graves, du fait de difficultés,
des problèmes non-réglés, de torsions multiples, de comportements désordonnés qui
courent de génération en génération. C’est alors que pour contourner la souffrance de
la blessure, il lui arrive, par méconnaissance, oubli des lois de la vie de prendre une
58
Fortifications, certitudes, convictions profondes.
59
Vitalité.
60
Luc 8, 26-39 Traduction œcuménique de la Bible.
61
Simone Pacot, Oser la vie nouvelle. Edition du Cerf. Avril 2003 P.14-15.
62
Evagre le Pontique, Chapitres des disciples d'Évagre, Introduction, traduction, notes et Index par Paul Géhin, Éditions du Cerf,
Paris, 2007, pp. 166-168
63
Jean-Yves Leloup, Une femme Innombrable, Le Roman de Marie Madeleine. Albin Michel, pp. 53-55.
Les individus refoulent leurs frustrations précoces dans des psychoses (bouffées
délirantes, schizophrénie, paranoïa, manies, mélancolie), des névroses (hystérie,
névrose obsessionnelle, phobie, névrose d'angoisse, névrose traumatique, névrose de
caractère) et d’autres comportements répétitifs et morbides (perversion, caractériels...)
qui permettent d'éviter d'assumer une dépression66. Cette pléthore de névroses et de
psychoses est une caractéristique de la nudité humaine.
« Cette foule exprimait bien le triste tableau de l’état du peuple, comme celui de tout
homme devant Dieu... Chacune des infirmités que le Seigneur guérissait figurait un
côté de l’état de l’homme en chute : incapacité de marcher, de voir, d’agir, de parler,
d’entendre, selon la pensée de Dieu. »71
En effet, la venue de Christ dans ce monde, eut lieu, dit l’apôtre en Romains 5:6, «au
temps convenable», alors «que nous étions sans force», pour accomplir la vision du
prophète Esaïe :« Fortifiez les mains languissantes, Et affermissez les genoux qui
chancellent; Dites à ceux qui ont le cœur troublé: Prenez courage, ne craignez point;
Voici votre Dieu, la vengeance viendra, La rétribution de Dieu; Il viendra lui-même, et
vous sauvera.
64
Jean-Yves Leloup, Une femme Innombrable, Le Roman de Marie Madeleine. Albin Michel, p.61
65
Jean-Yves Leloup, Une femme Innombrable, Le Roman de Marie Madeleine. Albin Michel, p.59
66
C'est une maladie mentale caractérisée par une modification profonde de l'état thymique, de l'humeur dans le sens de la
tristesse, de la souffrance morale et du ralentissement psychomoteur. La dépression s'accompagne généralement d'anxiété, et
entretient chez le patient une impression douloureuse d'impuissance, de fatalité désespérante, de ruminations à thème de
culpabilité, d'indignité, d'auto- dépréciation... Tout cela peut le conduire à envisager le suicide et parfois à le réaliser.
67
Le ressaisissement, le courage.
68
Maison de la miséricorde.
69
38=40-2, une vie sans témoignage.
70
Evangile selon St Jean 5, 1-9.
71
Samuel Prod’hom, Simples Entretiens sur les Evangiles : Évangile selon Jean.
Le Tragique l’existence
72
Isaïe 35, 3-6.
73
Pierre Dumoulin, Luc, l’Evangile de la joie. Editions des Béatitudes. 2013, p.205.
74
Emmet Fox, Le Pouvoir par la Pensée constructive. Editions BUSSIERE ASTRA Décembre 2007. Le Jardin d’Allah, p.120-121.
75
Charles Sherlock Fillmore, MBD, entrée boiteux (lame).
76
Charles Fillmore, MBD. Entrée Lèpre.
« La souffrance nous menace de trois côtés : dans notre propre corps qui, destiné à la
déchéance et à la dissolution, ne peut même se passer de ces signaux d'alarme que
constituent la douleur et l'angoisse ; du côté du monde extérieur, lequel dispose de
forces invincibles et inexorables pour s'acharner contre nous et nous anéantir ; la
troisième menace enfin provient de nos rapports avec les autres êtres humains. La
souffrance issue de cette source nous est plus dure peut-être que toute autre ; nous
sommes enclins à la considérer comme un accessoire en quelque sorte superflu, bien
qu'elle n'appartienne pas moins à notre sort et soit aussi inévitable que celles dont
l'origine est autre. »80
77
Karl Jaspers, Introduction à la philosophie. Plon, « Bibliothèques 10/18 ». Août 2006, p.18.
78
Jacques Colette, L’existentialisme, « Que sais-je ? » N°253 4e éd. Presses Universitaires de France, 2007, p.5-11.
79
Paul Ricœur, Culpabilité tragique et Culpabilité Biblique. Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses, 1953 33/4, p.296,
accessible sur www.fondsricoeur.fr.
80
Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation. Edition en ligne sur Classiques de sciences Sociales.
« Jésus cite la Torah et les prophètes pour y pointer l’appel, l’appel à l’être plus qu’au
paraître. Il implique le corps, le souffle, le geste, le mode d’être. Même les miracles
qu’il opère sont dans le style des vieux prophètes : démultiplier la nourriture, guérir les
malades, ressusciter les morts, bref prendre sur soi l’abîme entre un être et son
manque, supporter ce transfert, jusqu’à le reconduire vers son énergie propre, celle qui
se consumait dans la mort, la maladie, la disette, la détresse. Comme ce paralytique,
grabataire depuis des années ; personne n’a pris sur lui de lui dire : « lève-toi et
marche » ; personne n’avait reconnu sa souffrance pour penser le lui dire. Au fond
Jésus leur enseigne la traversée des frontières entre l’être et ce qui est, entre
l’être et le manque à être. »81
Jésus est donc une puissance de dénouement des impasses spirituelles sur le chemin
de la maturité. Il caractérise alors la résilience de l’être, la puissance d’introspection, de
contrition, de renoncement, de restructuration, d’ajustement, de réforme, d’anticipation,
d’éclosion, d’élévation, d’ascension, de libération, de résurrection, de relèvement, de
relance, de métamorphose, de transmutation, d’avènement, de purgation, de catharsis,
d’indignation, de révolte, de révolution, de distanciation, de compassion, etc. Les
rencontres de Jésus sont autant de Théophanies.
81
Daniel SIBONY, Les trois monothéismes : Juifs, Chrétiens, Musulmans entre leurs sources et leurs destins. Seuil Poche 1997,
p.270.
82
Roland Meynet, s.j. : Marie au centre de l’attention (Lc 8). Une contribution de l’analyse rhétorique à la mariologie.
C’était tellement rare, une fille que son père aimait tant, et quelle père ! FDT1 p.111.
La fille de Jaïre est artificiellement maintenue en position infantile de dépendance.
FDT1 p.105. Elle est méconnue comme sujet, flattée comme objet, elle n’est pas
introduite à la société, à la vie sociale. FDT1 p.115. Elle est retenue à son corps
d’enfance par un lien d’amour non rompu qui la voue à une stagnation stérilisante.
Cette jeune fille ignorait son désir de devenir adulte. Il ne lui restait qu’à en rêver dans
le sommeil apparent. FDT1 p.111. Comparable à la mort.
Quand l’enfant qui tient une place précise dans la pathologie d’une famille de
névrosés- ici la place d’une poupée, objet privilégié du père- veut quitter cette place et
vivre son désir personnel, en admettant qu’il en a encore l’énergie, ce qui est rare
après tant d’années de parasitage réciproque, alors l’autre sombre dans la
neurasthénie83, voire dans le suicide. Même désespoir dans forme passive ou active.
La fille de Jaïre a abandonné la lutte pour la vie. FDT1 p.110.
La petite fille est un objet, participante de la notoriété de son père, support des
fantasmes de puissance pour les gens d’une société adoratrice d’argent et de titres,
que possédait son père. FDT1 p.115.
Registre du père
« La femme hémorragique a achevé la croissance adulte de son corps, mais son sang
s’écoule inutilement, sa sexualité féminine, hors circuit des échanges du désir et de
l’amour, s’écoule et meurt : elle ne peut se reconnaître femme dans le regard d’un
homme.
Non cyclée génitalement, elle vit cachée et besogneuse comme un être neutre.
Femme non-éclose, elle continue de rejeter le sang dont le courant ne donne pas la vie
à d’autres vies.
Elle est impure à ses propres yeux, elle est impure aux regards des hommes.
Intouchable et frustrée, sa désespérance a douze ans, comme l’objet de la
désespérance de Jaïre, sa fille.
Sa génitalité, perturbée depuis douze ans, l’éprouve socialement, elle est pauvre et
humble. » FDT1 p.106.
83
Etat durable d’abattement accompagné de tristesse.
Registre de la mère
Pour cette veuve une seule fois mère et privée des étreintes de son époux, le fils
unique devait tout remplacer : le social, l’érotique, la tendresse. P86.
« Combien de fils de femmes sans homme sont retenus dans les limbes de l’amour
puéril, tristes et studieux, conjoints artificiels d’une mère qu’eux-mêmes, autoritaires
gardiens, surveillent jalousement. Fils barrés au désir de leur âge par leur génitrice, qui
les étouffe de sa sollicitude maternelle, abusive et sclérosante.
De telle femmes, jeunes encore, sourde aux appels de leur désir et aveugles à
d’éventuel prétendants, se veulent consacrées, sacrifice admirable, à leur veuvage et à
leur stérilité ! Soucieuse de l’avenir de leur fils, elles sont aux aguets des corps
féminins qui passent auprès d’eux, au cours de leurs promenades. Chattes
gourmandes ou flatteuses, elles isolent, elles encombrent leur chaste fils névrosé.
Comment de tels fils pourraient-ils s’arracher à de telles mères ? Toute la société (la
foule) les stigmatiserait d’ingratitude.
Si la vie appelle ces garçons, si un désir viril éveille leur sexualité nubile, le regard
réprobateur de leur mère, le risque de malédiction, s’abat sournoisement sur eux. Ils
ne peuvent s’aventurer hors du train-train mortel du foyer marsupial. Ils ne peuvent
qu’imaginer des exploits sexuels horribles ou idéalisés. Ils apaisent leurs rêveries par
la masturbation qui trompe leur solitude. » P86.
84
MBD: suitable dwelling place for and the expresser of life and Truth and substance
L’enlisement dans le sable de l’amour maternel et filial attardés dans leur modalité
infantile. P85
Le fils s’identifiant à son père courant le risque de mourir et de suivre son père pour
lutter contre le fait de rester enfant, couplé à sa mère. P85
L’absence de son père entre lui et sa mère avait pétrifié son désir d’impuissance. Cet
enfant unique face à sa mère abandonnée ne pouvait, guidée et entourée par elle,
conquérir son destin fécondateur, géniteur, car sans le savoir, elle lui barrait les
avenues de son destin. P85.
L’enfant périssait à force de reculer dans sa relation à sa mère. Il devait donc s’en
détacher une deuxième fois en se délivrant d’elle. Mais il ne le pouvait pas sans
l’intervention de jésus, sans ce troisième terme qu’est la voix d’homme… » P83
« Le fils était, dans sa relation duelle à sa mère, arrêté devant sa nubilité, sans
promesse de fécondité, sans issue à son désir d’homme. Ses forces de vie vaincues,
la mort symbolique distillée jour après jour, son corps ne pouvait plus qu’être la proie
de la maladie ou s’abandonner au refuge du sommeil dans l’oubli de ses besoins,
jusqu’à la mort physique. » P87.
Et qui est donc cet homme près de lui qui vient de l’éveiller d’un monde d’où il revient,
sans savoir que le rien d’où il sort s’appelle la mort ? Quelle est donc cette voix plus
douce et plus forte et plus accordée aussi, dans le secret de son être, à son désir
nouveau. Cette voix d’homme qui, à son oreille d’enfant réveille l’écho des injonctions
tutélaires de son père trop tôt disparu ? Est-ce lui ressurgi qu’il voit au côté de sa
mère ? […] Quel est donc cette voix qui l’appelle à advenir ? P80
Alors que dans la maladie il se sentait un enfant qui avait oublié son âge dans le halo
de fièvre qui embuait sa conscience, voilà que c’est en jeune homme qu’il s’éveille, par
l’effet surgissant qu’une voix d’homme intime à son cœur. P80.
« L’homme est là. L’adolescent est par lui fasciné. Les yeux fixés dans le regard de
Jésus qui parle à son âme, il entend qu’il est délivré une seconde fois, coupé pour
toujours de la dépendance qui le retenait à sa mère, à la mort. Une voix d’homme
l’appelle, et ordonne en son larynx et en ses génitoires la mue de l’adolescence. Son
désir est délivré de l’attraction fatale à suivre la voie que lui avait dictée, en désertant
son foyer, son père mort trop tôt. Sa virilité de fils rendue à sa puissance lui revient, à
cet orphelin depuis l’enfance, pour qui sa mère était devenue sa compagne,
conjointement orpheline. Son option d’adolescent appelé à la vie chante de promesses
d’amour. L’ordre du désir, rendu à la vie symbolique, a passé sur le groupe.
Synthèse
Jésus se fait le représentant de l’époux symbolique et en même temps du père
symbolique tant de la femme que du garçon. P98.
Au fils, Jésus donne, par son appel impératif et public, la stature d’homme libre qu’il lui
révèle et l’élan pour sa vie à construire, face à une société ébahie qu’elle fait taire. Il
éveille cet avorton de cœur à sa virilité de corps. Tout garçon en a la connaissance,
témoin qu’il est de son sexe car il est visible et se dresse dans sa chair. Mais qu’en
faire quand aucun homme ne vous initie à la loi de cette chair ? P87.
De même que le fils de la veuve de Sarepta (1 Rois 17, MBD : Zarephath, Place of
refinement), le fils de la veuve de Naïm est un jeune homme vivant. En le séparant des
fantasmes de la sexualité infantile, Jésus le rend à sa mère, elle-même séparé de lui
par la parole de l’homme qui lui redonne la vie. Il opère en sa virilité endormie dans
l’hypnose incestueuse la mutation de l’adolescence.
Jésus lui donne la castration urétro-anale et génitale. P128
Dans la résurrection du fils de la veuve Zeraphath par le prophète Elie (1 Rois 17), Elie
sépara l’enfant décédé de sa mère. Il le monta dans la chambre supérieure85, symbole
de l’ascension allégorique de la croissance d’un enfant. Dans cette chambre haute,
Elie se coucha par trois fois sur le corps de l’enfant en priant Dieu de rendre âme à ce
corps. Ces trois contacts d’un homme étendu sur le corps d’un enfant, pour une
psychanalyste qui lit cette histoire, symbolisent l’initiation par trois fois du désir de
l’enfant au désir d’un homme dans la loi.
Le jeune homme entre dans la loi du désir dans un corps d’homme rendu à sa
puissance, par l’interdit mutant signifié au désir oral, anal, génital de convoiter la
femme dans sa mère génitrice, nourrice et tutélaire, l’épouse de son père absent. Par
l’homme, par son corps par trois fois imposé, Elie suscite, ressuscite la virilité du fils
endormi dans le seul compagnonnage de sa mère veuve. P88-89
Quand Jésus les connaît et devient leur ami, Lazare (celui à qui Dieu vient en aide) est
encore lié à ses deux sœurs Marthe (Maîtresse de maison) et Marie86. Adulte mâle
célibataire, il est attaché à deux femmes célibataires. Tous trois restent comme des
enfants inséparables, non sevrés dans la maison de leurs parents. Plus, peut-être, tels
des triplés pas encore nés à la vie sociale, aucun des trois ne s’assume
indépendamment des autres par sa libido propre. P127.
Un trio de névrotiques
Marthe est attachée à Jésus par ses œuvres de sublimation anale : elle travaille de
ses mains, elle organise, elle fait. P127.
85
Etape suivante du processus d’individuation ou d’apothéose.
86
The feminine, the soul, the affectional and emotional phase of man's being, both when seemingly bound and limited by sensate
thought, and in its freed, exalted state.
Lazare souffre d’une dépression aigüe… Il n’est pas mort d’un accomplissement de
son désir, il est mort de manque, d’une frustration du désir qu’il avait pour Jésus (la
personnalité humaine du Christ), d’un manque de nourriture psychologique et
spirituelle. P125-126.
Lazare est comme un enfant mort in utero… P126.
Le processus de mort, qui soumet toute créature à la désorganisation organique,
réduit le corps de Lazare à retourner aux éléments telluriques…P126.
Lazare abandonné a perdu l’instinct de conservation. Il lui manque le seul être au
monde dont dépendait sa vie depuis qu’il a appris à aimer. P126-127. Lazare
meurt, peut-on dire d’une névrose mélancolique aiguë. P127.
« Seul un transport de langage – c’est-à-dire ce que l’on appelle une métaphore – peut
rendre compte de ce qui précède le langage, le retrait de la présence dans le présent,
la dissociation de la présence et du présent, de la Totalité et de la singularité […] La
métaphore la mieux à même d’expliquer le mouvement du retrait est celle de
l’enfantement, quand un être est produit par un autre être sans que ce dernier
disparaisse ou soit démembré. »87
Maternité Virginale
«Chez les hommes, l’union en vue de la création des enfants fait, des vierges, des
femmes. Mais quand Dieu commence à avoir commerce avec l’âme, de ce qui était
auparavant une femme, il refait une vierge car il détruit et chasse les désirs sans
noblesse ni virilité qui l’efféminaient. »90
87
Shmuel TRIGANO, Le judaïsme et l’Esprit du Monde. Editions Grasset. Janvier 2011. P31-32.
88
Philippe Cornu, Le bouddhisme : une philosophie du bonheur ?, Paris, Le Seuil, 2013, p.71.
89
Abbé Henri Stéphane, Introduction à l’ésotérisme chrétien. Editions Dervy 2006. P308.
90
Philon d’Alexandrie, Les Chérubins §50.
91
Patrick Banon, Jésus, la Biographie non autorisée. Michel LAFON 2013, p.56.
92
Wulfing Von ROHR, le Véritable enseignement de Jésus. Guy Trédaniel Editeur. 1998, p.11.
La proximité des récits bibliques avec l’univers des mythes est attestée par ce que
Paul RICŒUR identifie comme un double rattachement : le premier étant d’ordre
structurel et le deuxième se rapportant à l’intention transformante qui élabore les récits
bibliques ou les mythes hébraïques en contre-pôle des mythes tragiques. « L’analogie
de la structure n'apparaît qu'à un lecteur moderne qui a conquis la coupure du mythe
et de l’histoire. Pour le rédacteur jahviste et pour ses contemporains, les récits sur les
origines ne sont pas d'un genre essentiellement différent des chroniques de Saül et de
David, par exemple ; les traditions orales ou écrites se rapportant aux patriarches et
aux premiers hommes sont à leurs yeux coordonnables à la même histoire et au même
temps que les récits que nous tenons aujourd'hui pour historiques ; par une marche
régressive de la mémoire folklorique, la chronique s'enfonce dans la profondeur d'un
temps où les groupes ethniques étaient représentés par une seule famille, par un seul
ancêtre ; au-delà de ce temps des patriarches, elle atteint un temps où une seule
famille, un seul couple, portait le destin de l'humanité, avant la dispersion des peuples
et des langues. La chronique du premier couple a ainsi une fonction étiologique ;
toutes les misères actuelles de la condition humaine — la dureté du travail et l'avarice
de la nature, les douleurs de l’enfantement, la honte sexuelle et le vêtement, etc. —,
toutes ces misères, la chronique du premier couple les rapporte à un événement
unique, qui fut une désobéissance ; cet événement qui eut lieu une fois, en un certain
lieu, introduisit une cassure dans la nature humaine ; et cette cassure, à partir de ce
jour néfaste, traverse toute l'histoire à la manière d'une malédiction collective.
Or, nous ne pouvons plus coordonner à l'histoire, telle que nous la pratiquons, selon
les règles de la méthode historique, ces récits sur les premiers hommes. C'est d'abord
ce que nous voulons dire, quand nous les tenons pour des mythes ; le temps et le lieu
de cet événement ne peuvent être rattachés au temps de l'histoire et à l'espace de la
géographie.
Mais cette structure mythique n'est pas la seule, ni même la principale dimension du
récit de la chute : une intention le rattache au contenu théologique de l'Ancien
Testament et, par-là, à la foi d'Israël et à la foi de l'Église chrétienne. En reprenant des
mythes qui appartiennent à la couche la plus ancienne du symbolisme humain, la
tradition hébraïque les a transformés dans un certain sens ; et c'est cette retouche qui
contient l'intention fondamentale. Le mythe n'est pas ici dans une situation différente
de l'oracle prophétique, ou de la chronique, ou des codes, ou de la poésie lyrique, ou
du genre sapiental ; il s'agit chaque fois d'une matière préalable, d'un genre antérieur
qui sont remodelés, surélevés, transfigurés ; il y avait des oracles avant Amos, des
codes avant les rédactions progressives du Décalogue ; la flèche intentionnelle qui
traverse ces transmutations, l'intention transformante à l'intérieur même du mythe,
comme à l'intérieur de l'oracle, comme à l'intérieur de la chronique, codes, etc., sont
dès lors essentielles à l'intelligence religieuse du contenu même du mythe. La peinture
pessimiste que le Jahviste fait de l'homme est incorporée, par cette intention
transformante d'une matière mythique préalable, au dessein plus vaste de raconter
l'élection d'Israël et la miséricorde de Dieu. »93
93
Paul Ricœur, Culpabilité tragique et Culpabilité Biblique. Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses, 1953 33/4, p.296.
Cette unité nucléaire du mythe de héros selon Joseph CAMPBELL peut être
rapprochée de l’exégèse de la vie des grands chefs bibliques pour laquelle Martin
BUBER distingue, «quatre motifs biographiques saisissables» : «Premièrement, la
fuite, caractéristique pour le libérateur du peuple qui doit s’ensevelir à l’étranger afin
d’en revenir, grandi et armé, pourvu de moyens d’accomplir son action.
Deuxièmement, le retour à la condition pastorale des Patriarches. Ce motif a un
94
Philippe SELLIER, Introduction à la genèse, La Bible Traduction de Louis Isaac LEMAÎTRE de SACY. Opt cit. p.5. Philippe Sellier, né
le 8 novembre 19311, est professeur émérite de lettres de l'université Paris-IV Sorbonne, spécialiste du jansénisme. Agrégé de
Lettres classiques en 1962, docteur en Sciences religieuses et en lettres, ainsi que docteur d’État ès lettres, Philippe Sellier est un
spécialiste des études sur le jansénisme.
95
Paul DIEL, le symbolisme de l’évangile de Jean, Petite Bibliothèque Payot, p.5.
96
Paul DIEL, le symbolisme de l’évangile de Jean, Petite Bibliothèque Payot, p.29.
97
Joseph CAMPBELL, Le héros aux mille et un visages. Éditions Oxus, 2010, dernière couverture.
Avec le prédicateur Emmet Fox nous pouvons admettre que « les Grands initiés qui
ont écrit la Bible sous l’inspiration divine, connaissaient parfaitement tout ce que nous
enseigne la psychologie moderne. Ils ont pénétré la nature humaine comme personne
et l’ont dépeinte dans leurs écrits comme on ne l’a fait ni avant eux, ni après eux. Les
idées concernant le subconscient et le rôle qu’ils jouent dans nos décisions que les
recherches de Freud, Jung et d’autres ont assez exposées récemment, si originales
qu’elles nous semblent aujourd’hui, étaient familières aux Grands initiés de la Bible…
Moïse, Isaïe, Jean et les psalmistes, par exemple, connaissaient parfaitement les
phénomènes de dissociation et bien d’autres que nos psychiatres modernes n’ont pas
encore découverts»99.
Un premier aspect de l’interprétation psychanalytique de l’Ecriture passe par le
décodage direct de son symbolisme. Ainsi, par exemple, « le fonctionnement sensé est
personnifié par les divinités, l’insensé par les démons. Dans la mythologie grecque,
par exemple, ZEUS signifie la lucidité, qualité suprême de l’esprit. Héra l’amour.
Apollon l’harmonie des désirs ; Athéna, la sagesse ; etc. Dans les mythes
monothéistes, les qualités positives se trouvent condensée en une seule image divine,
symbole suprême de la conduite sensée. Dieu unique finit par être imaginé comme
l’esprit idéalisé à dimension absolue, omniscient, omniprésent, omnipotent. Il dirige
encore plus clairement encore que les divinités païennes, la vie humaine, dicte les
valeurs et juge les hommes. La direction insensée de la vie se trouve elle aussi
condensée en une seule figure symbolique : le démon, Satan, l’ange tombé, l’esprit
déchu. »100
« Le véritable fondement du symbolisme, c’est la correspondance qui existe entre tous
les ordres de réalité, qui les relie l’un à l’autre, et qui s’étend, par conséquent, de
l’ordre naturel pris dans son ensemble à l’ordre surnaturel lui-même ; en vertu de cette
correspondance, la nature tout entière n’est elle-même qu’un symbole, c’est-à-dire
qu’elle ne reçoit sa vraie signification que si on la regarde comme un support pour
nous élever à la connaissance des vérités surnaturelles, ou « métaphysiques » au
sens propre et étymologique de ce mot, ce qui est précisément la fonction essentielle
du symbolisme, et ce qui est aussi la raison d’être profonde de toute science
traditionnelle. »101
Un type de décodage indirect est pratiqué par Françoise DOLTO : « la lecture des
évangiles est une projection c’est-à-dire que chaque scène décrite vous donne la
possibilité d’attribuer vos sentiments à un ou deux personnages et ainsi
éventuellement de mieux vous connaître … Ce qu’il y a d’unique dans les textes
bibliques, c’est que chacun d’entre nous peut y projeter son imaginaire afin que le
98
Martin BUBER, Moïse, les Belles Lettres 2015, p.70-71.
99
Emmet Fox, Le Pouvoir par la Pensée constructive. Editions BUSSIERE ASTRA Décembre 2007, p.64.
100
Paul DIEL,
101
René Guénon, Aperçus sur l’initiation. Les Éditions traditionnelles 1946. p.133
102
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, l’Evangile au risque de la Psychanalyse. T1 Editions du Seuil 1994. Points 111, p.79.
L’individu poursuit donc une quête d’identité en même temps qu’il doit progressivement
sublimer ses pulsions intérieures. Cette quête d’identité se présente comme une
dialectique entre la pulsion de vie ou « le désir à laisser advenir » et la conscience
collective. « L’individu trouve devant soi l’œuvre de son peuple comme un monde
achevé qu’il doit s’incorporer : Sa religion, ses lois, ses langues, ses coutumes, son art.
Les évènements qui lui arrivent, ses actes et ses attitudes à l’égard des autres
peuples… »104
À chaque stade de sa croissance spirituelle, qui se construit sur les bases édifiées lors
des stades précédents, l'individu biopsychologique est confronté à de nouveaux défis à
maîtriser. Il peut éventuellement mettre en œuvre un ensemble de mécanismes de
défense dont la finalité est de réduire, de supprimer toute évolution susceptible de
mettre en danger son intégrité et sa constance. « L’homme connaît l’angoisse devant
des actes importants qui engagent son destin et sa responsabilité. »105
Les huit principaux types de ces mécanismes de défense sont : le refoulement, le
déplacement, la formation réactionnelle, le déni, la projection, la rationalisation, la
régression et la compensation.
Lorsqu'un conflit s'intensifie entre les différentes instances psychiques (Ça, Moi, Idéal
du Moi, Surmoi en théorie freudienne) ou entre certaines de ces instances et la réalité,
ou bien si les mécanismes sont trop rigides ou mal adaptés, le fonctionnement
psychique perd alors de sa souplesse et les mécanismes de défense génèrent des
comportements psychopathologiques. C’est la phénoménologie des crises de passage.
« Si le sujet est empêché de réaliser pleinement une des étapes du développement de
ses instincts, il peut soit progresser prématurément, soit régresser à une position
antérieure, plus sûre, réalisant une fixation pulsionnelle… »106
La crise psychologique désigne alors « l'état de malaise profond, à la fois corporel et
psychique, lié au passage d'un âge de la vie à l'autre ». « Le mot crise n'est ici
employé que dans un contexte évolutif, non point pour désigner une menace de
catastrophe mais un tournant, une période cruciale de vulnérabilité accrue et de
potentialité accentuée et, partant, une source ontogénétique de force créatrice mais
aussi de déséquilibre»107.
108
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, T1 Op cit. P.128.
109
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, L’Evangile au risque de la Psychanalyse T2 P.100.
110
Joseph CAMPBELL, La Puissance du Mythe, J’ai Lu P132.
111
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, T1 Op cit., P69.
112
Françoise Dolto et Gérard Sévérin, T1 Op cit., P104.
113
Joseph CAMPBELL, La Puissance du Mythe, J’ai Lu P153.