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LE COMMERCE DE DÉTAIL À ROCHE FORT.

LA DUALITÉ CENTRE-PÉRIPHÉRIE
Bull. Assoc. Géogr. Franc., Paris, 1993 - 3
Jean SOUMAGNE *
(RETAIL COMMERCE IN ROCHEFORT. THE TOWN CENTRE-PERIPHERAL AREA DUALITY)
Rochefort (Charente-Maritime) est un cas original entre Loire et Gironde. Il s'agit d'une ville créée
de toutes pièces dans le dernier tiers du dix-septième siècle pour des raisons militaires. L'arsenal
et la base navale ont fait vivre la ville jusqu'à l'Entre-deux-guerres et, malgré la fermeture du
premier en 1926, il reste des activités importantes, quoique déclinantes, liées à la Défense.
Rochefort est ainsi une des rares villes de tradition industrielle en Poitou-Charentes, où un vieux
tissu de banlieue s'est développé depuis le dix-huitième siècle. C'est une ville entrée en crise
après la première guerre mondiale et qui n'en est sortie que dans les années 70, crise sociale,
économique, démographique et urbaine qui a réduit le potentiel tertiaire. Le redémarrage se
fonde sur une vigoureuse politique d'urbanisme, un sursaut économique, une valorisation
touristique.
Aujourd'hui le tissu socio-économique de cette agglomération de 35 000 habitants est quadruple :
une fonction industrielle en partie issue des reconversions, en tout environ 3 000 emplois, peu
liés au port; une vieille fonc-
Maître de Conférences, Université de Poitiers.
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tion portuaire, autour des deux pôles de Tonnay -Charente et de Rochefort mais de niveau
modeste : moins d'un million de tonnes par an ; une fonction militaire héritée avec plusieurs
bases-écoles mais aux effectifs globaux en baisse ; des fonctions tertiaires plus banales : sous-
préfecture, hôpital, lycées... et commerce de détail. Au total, grâce à une politique active (zones
industrielles, ateliers-relais, cadre urbain) la situation rochefortaise est plus saine aujourd'hui qu'il
y a vingt ans. Il y a eu diversification de l'activité et de l'emploi. Néanmoins, compte tenu des «
dégraissages », en particulier dans le secteur militaire, Rochefort constitue, comme La Rochelle,
une des poches de chômage dans la France atlantique (17 % pour une moyenne départementale
de 12 %).
Longtemps isolée côté terre, entourée de marais (marais de Rochefort et de Brouage) à
l'économie extravertie, la ville n'a maîtrisé qu'une aire de chalandise moyenne, compte tenu des
attractions vers La Rochelle, Saintes, Royan, trois villes moyennes encadrant Rochefort et
placées entre 30 et 40 km, ou vers Surgères, Tonnay-Boutonne, Pont-l'Abbé-d'Arnoult,
Marennes, petits centres plus proches. Le commerce rochefortais a cumulé les handicaps d'une
inadaptation en quantité et en qualité : un marasme économique d'un demi-siècle limitant le
potentiel d'achat, un appareil marchand correspondant à une clientèle extérieure disparue. Dans
les quinze dernières années le défi de la modernisation a été tenu.

1. Long déclin puis renaissance du potentiel commercial


Rochefort constitue un cas exceptionnel par l'ampleur et la durée du déclin commercial. Au début
du siècle, Rochefort comptait plus de 1 100 commerces de détail (1923 : 1 131, soit 3,84 pour
100 habitants). Ceci est alors lié à l'imposante clientèle de marins et de soldats de l'infanterie
coloniale et se traduit entre autres dans le nombre énorme : 222 d'hôtels, débits et cafés,
restaurants et auberges, soit 19,6 % du total.
En 1975, Rochefort avec 750 établissements, a perdu un tiers du potentiel en un demi-siècle. La
densité commerciale est tombée au même niveau que dans les autres villes moyennes de
Charente- Maritime (Royan excepté), soit 2,35 à 2,74, selon que l'on compte ou non la population
militaire). Le potentiel reste marqué par un poids élevé des commerces alimentaires (23 %) - dont
48 épiceries sur 173 magasins de la catégorie -. L'équipement de la personne a fondu en valeur
absolue et en valeur relative : 82 établissements - 11 % au total -, poids bien plus limité qu'à La
Rochelle, Saintes ou Royan ; cette évolution est une anomalie parmi les villes moyennes. Le
secteur hôtels-restaurants-cafés (« ho-re-ca ») a beaucoup baissé aussi, tombant à une
proportion courante (13 %). Ont progressé la catégorie loisirs (9 %) qui reste cependant
inférieure aux autres villes, les services (22 % en 1975 contre 12% en 1923).
Le potentiel marchand rochefortais est en 1975 assez terne, peu marqué par l'anomalité, héritier
d'une longue évolution régressive, adapté à une cité dont les populations n'ont qu'un pouvoir
d'achat limité et où sévit une rude concurrence de La Rochelle et de Saintes auprès des couches
moyennes et aisées.
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Fig. 1. Structure commerciale de

l'agglomération rochefortaise en 1979 et en 1992 (nombre d'établissements)


Fig. 1. Structure commerciale de l'agglomération rochefortaise en 1979 et en 1992 (nombre
d'établissements).
En 1980 se remarque la continuation du dégraissage du potentiel : 692 établissements, -7,7 %
entre 1975 et 1980. Mais cet affaissement masque une modernisation structurelle déjà
remarquable : c'est la catégorie alimentation qui a principalement baissé, tombant à 15 % du
total, par suite de la construction de grandes surfaces périphériques; les épiceries se sont
effondrées (16 seulement contre 48) tandis que les autres catégories alimentaires spécialisées
connaissaient seulement des tassements. En revanche l'équipement de la personne et plus
encore l'équipement de la maison ont progressé. Ces gains vers l'anomalité commerciale sont
d'autant plus significatifs que plusieurs des nouveaux magasins sont de grande taille et installés
en périphérie. Une nouvelle capacité d'influence externe du commerce rochefortais s'est donc
mise en place. Il y a synergie entre modernisation structurelle et modification spatiale de
l'appareil commercial. Les autres catégories marchandes, dont l'«ho-re-ca », sont à peu près
stables.
Pendant cette période 1975-1980 la capacité de Tonnay-Charente, commune de l'agglomération,
s'est encore affaiblie : de 105 à 85 établissements. La structure est peu moderne (beaucoup
d'alimentaire, peu d'équipement de la personne), mais l'équipement de la maison s'accroît car
Tonnay-Charente commence à servir d'exutoire à Rochefort dans ce domaine.
En 1992, Rochefort apparaît avec 717 établissements sur une dynamique positive. Le commerce
a de nouveau augmenté sensiblement : + 3,6 % entre 1980 et 1991, davantage en surface. Cette
évolution témoigne du succès des efforts pour attirer la clientèle vers de nouvelles plates-formes
le long des grandes radiales externes, pour renouveler l'image du centre-ville, pour faire jouer à
la ville un rôle de carrefour touristique.
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La structure catégorielle est marquée par les signes du renouveau :
- L'alimentaire a encore baissé en valeur absolue et relative tout en s'affi- nant (développement
d'alimentation fine et diététique, briocherie, traiteurs).
- L'équipement de la personne monte beaucoup plus vigoureusement depuis 1980 que dans les
années 70. C'est devenu, avec 15,6 % et 112 magasins, la deuxième catégorie derrière les
services qui, eux, n'ont que légèrement augmenté.
- Trois catégories restent stables : l'équipement de la maison, les services, les loisirs.
- La catégorie « ho-re-ca » reprend sa progression après plusieurs décennies de déclin puis de
stagnation. Ce regain correspond à des créations de restaurants.
Dans la commune suburbaine de Tonnay-Charente une progression globale est enregistrable : le
nombre d'établissements monte de 85 à 104, les gains s'opérant dans le secteur combustibles-
transports et l'équipement de la personne.
Au total l'agglomération de Rochefort compte donc 821 établissements commerciaux de détail
contre 777 en 1980 (+ 5,7 %).
L'équipement en grandes surfaces a progressé rapidement depuis 20 ans.
A la fin des années 60 Rochefort ne comptait encore qu'un magasin populaire Prisunic implanté
depuis 1934 en centre-ville et dont la surface (1 350 m2) n'a pas bougé depuis.
Dès 1970 s'installait un petit supermarché Entrepôt à Tonnay-Charente (450 m2), en 1971, sur la
commune de Rochefort un grand supermarché Leclerc (1 800 m2), puis, en 1974, un
supermarché Coop de même taille. En 1975 l'agglomération ne totalisait que 5 600 m2 de
grandes surfaces, chiffre qui stagna jusqu'aux années 80.
Trois supermarchés furent construits en 1982-1983 : deux Intermarchés de 1 200 m2 et un Super
U de 850 m2. En 1985, moyennant divers ajustements, on totalisait 10 500 m2 de grandes
surfaces dans l'agglomération. Si depuis lors il n'y a pas eu de nouvelles implantations, les
augmentations de superficies ont fait monter le total à 12 000 m2 : 2 hypermarchés de 3 100-3
200 m2 chacun (Leclerc et Intermarché), 1 grand supermarché Coop de 1 800 m2, 1 moyen
Intermarché (1 200 m2), deux petits Unico et Timmy (850 et 750 m2), le Prisunic (1 640 m2).
Avec 0,35 m2 de surface de vente par habitant (0,16 en 1980), l'agglomération rochefortaise est
aussi bien dotée que les autres de la région. Les années 80 ont également vu se multiplier les
surfaces spécialisées dans le bricolage (5 totalisant 7 250 m2 de surface de vente) et les
jardineries.

2. L'évolution spatiale du commerce


Le commerce de l'agglomération rochefortaise obéit dans son organisation spatiale à une série
de contraintes qui tiennent au milieu et au cadre urbanistique :
- un centre-ville constitué d'une grille rigide de rues orthogonales, assez
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larges mais peu différenciées, au sein desquelles l'hypercentre se distingue mal ;
- une banlieue traditionnelle, le « Faubourg », à l'ouest du centre, constituée d'un habitat bas le
long de rues sans originalité ;
- un blocage à l'ouest, au sud, à l'est par les marais fluviaux ou par la Charente elle-même. Un
seul accès au sud en direction de Marennes-Oléron et Royan. Cette unique radiale correspond
au pont sur la Charente récemment reconstruit, à péage alors qu'il était gratuit auparavant.
L'urbanisation s'opère difficilement sur ce secteur de marais. L'essor résidentiel y est faible mais
des développements commerciaux modernes peuvent s'opérer le long de l'axe routier à grande
circulation ;
- un bourrelet ferroviaire, portuaire et industriel gêne l'essor urbain au nord-nord-est. Il y a donc
report de la croissance commerciale au-delà au nord-est, surtout sur la commune de Tonnay-
Charente le long des routes de Saintes et de Niort, au débouché de la rocade nord de
l'agglomération ;
- une croissance urbaine des années 1950-1975 d'abord réalisée au nord- ouest (sur des terres
calcaires saines) mais quasiment sans intégration de projets commerciaux. De nouvelles zones
d'urbanisation intègrent la fonction marchande au nord-nord-ouest en périphérie de
l'agglomération, en bordure de la route de La Rochelle et de la rocade ouest.
La répartition spatiale du commerce s'établit aujourd'hui de manière presque équilibrée entre le
centre-ville, 434 établissements et les banlieues (y compris Tonnay-Charente) qui disposent de
387 commerces. Le rapport des surfaces de vente se situe à 60 %/40 %.

Stabilisation et affinage central


Le centre a 52,9 % des établissements contre 55,2 % en 1979. Le tassement relatif est donc
léger, et en valeur absolue se note une stabilité presque parfaite (429 commerces en 1979).
Compte tenu de la structure du bâti et du foncier dans ce centre-ville qui est presque entièrement
inscrit à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques et des sites, les
agrandissements de commerces n'ont pu se réaliser qu'avec parcimonie en intégrant les
prescriptions de la Charte architecturale et d'un Plan d'occupation des sols très encadrant.
Au sein de ce centre-ville de 500 mètres sur 800, un hypercentre se définit par la densité des
magasins, leur spécialisation et leur standing. Les commerces sont ici à façades contiguës. Cet
espace d'environ 300 mètres sur 250 intègre environ 300 établissements. Les transversales
participent à la puissance commerciale de cet hypercentre dont les points de référence sont la
place Colbert - la seule place du centre-ville et l'avenue Charles-de-Gaulle qui est l'artère la plus
large. Cet hypercentre contient la quasi-totalité des commerces d'équipement de la personne du
centre-ville et la grande majorité de ceux de l'agglomération, soit 90 établissements sur 126. Les
services (102 dans le centre-ville) sont plutôt reportés sur les marges de l'hypercentre, tandis que
les autres catégories se répartissent de manière plus équilibrée.
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Fig. 2. La structure de Rochefort

Fig. 2. La structure de Rochefort.


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Globalement, le centre-ville a environ la moitié des commerces alimentaires, d'équipement de la
maison, des « ho-re-ca », des services de l'agglomération rochefortaise mais sa domination
s'affirme nettement dans les catégories suivantes: équipement de la personne (71,4 %), loisirs-
culture (60,3 %), entretien de la personne (69 %). En revanche, comme on peut s'y attendre, le
secteur combustibles-transports est faible (12 %). Dans l'ensemble, l'évolution des catégories a
été assez modérée depuis douze ans : légère baisse de l'alimentaire et des services, montée de
l'équipement de la personne (de 72 à 90 établissements) de l'«ho-re-ca » (de 56 à 65). En
somme le classique affinage central concerne aussi le centre rochefortais quoique avec moins de
vigueur qu'à La Rochelle. Soulignons qu'il reste d'assez nombreux locaux commerciaux vacants
dans le centre : 55 en 1991 (mais 86 en 1979-1980), magasins abandonnés, à louer ou à vendre,
qui témoignent du passé de l'économie marchande rochefortaise. La plupart de ces commerces
fermés sont dans les marges du centre, les fermetures - à part celles pour travaux ou reprises -
étant assez rares dans l'hypercentre.
Au total, le centre de Rochefort dispose d'une force de vente assez importante, en cours
d'affinage avec l'appui d'un seul magasin populaire. Il bénéficie de possibilités de stationnement
encore acceptables, d'un accès assez commode, d'une remise en état patrimoniale qui assure un
cachet particulier, d'un essor touristique et thermal vigoureux.
Les banlieues de l'agglomération cumulent sur les communes de Roche- fort et de Tonnay-
Charente 387 établissements (348 en 1979). Elles s'articulent en plusieurs zones et pôles.

Le Faubourg, une vieille banlieue en perte de vitesse


Dans ce quartier qui désigne les banlieues des dix-huitième et dix-neuvième siècles développées
à l'ouest du vieux centre on compte 185 établissements - 204 en 1979 -; l'érosion traduit
l'affaiblissement démographique et la compétition des centres commerciaux. Les commerces
sont pour les trois quarts établis au long des trois avenues transversales qui assurent la desserte
principale et convergent vers le centre-ville.
A lui seul, l'axe issu de la route nationale Rochefort-La Rochelle (RN 137) compte 84
établissements, de plus en plus densément implantés quand on se rapproche du cœur. La
fonction marchande se maintient sur cet axe grâce au passage et comporte des modules
traditionnels assez petits; il se note une baisse du secteur alimentaire et un essor des services,
par report et extension depuis le centre-ville.
Un deuxième axe, plus au sud et grossièrement parallèle au premier, est en perte de vitesse : 25
commerces contre 35 douze ans auparavant. Le rôle de lieu fixateur pour le commerce de
proximité diminue, la population des quartiers riverains baissant et la concurrence des grandes
surfaces (centre du Martrou) se faisant sentir; de là provient la baisse de l'alimentaire. Un
troisième axe forme limite au nord avec les secteurs de construction plus récente et la zone de la
gare. Cet axe n'a que 13 commerces (16 en 1979).
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Fig. 3. La structure commerciale du centre et de la banlieue de Rochefort

en 1979 et en 1992 (nombre d'établissements)


Fig. 3. La structure commerciale du centre et de la banlieue de Rochefort en 1979 et en 1992
(nombre d'établissements).
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En dehors de ces trois transversales, une artère nord-sud fait le contact du Faubourg avec le
centre-ville et les parcs des Cours (ex-zone non aedifi- candi). Sur cet axe 19 établissements
sont recensés (25 en 1979) dont la moitié sont des services. Ils bénéficient d'importantes
possibilités de stationnement. Un semis de petits commerces se répartit aussi dans les rues
secondaires de manière fort dispersée ; peu de changements se notent dans ces localisations.

Le secteur de la gare et du port de commerce


II apparaît peu propice à l'activité commerciale : on n'y compte que 28 commerces (29 en 1979).
La gare se trouve en effet sur une ligne transversale - Bordeaux-Nantes - et le trafic portuaire est
réduit. L'avenue qui joint la gare au centre n'a que des implantations disséminées. Néanmoins,
une opération d'urbanisme autour de la place de la gare a permis la création de quelques cellules
commerciales. Un autre motif d'espoir tient à l'essor du nautisme avec le dévasement d'un
second bassin portuaire destiné à la plaisance en 1989. Les constructions nouvelles autour de
cet ensemble et la réhabilitation de l'ancienne caserne Charente devant le premier port de
plaisance devraient réactiver la fonction commerciale.

Trois portes de ville dynamiques


La sortie nord-est de l'agglomération, sur la commune de Rochefort et sur celle de Tonnay-
Charente connaît un constant essor: 57 commerces aujourd'hui contre 29 en 1979. Il y a ici
jonction de la voie d'accès au centre- ville et de la rocade nord, de la route de La Rochelle et de
celle de Saintes. Cet axe est marqué par le passage : là se trouvent un tiers des établissements
de « combustibles-transports » de l'agglomération : garages et stations-services principalement.
Cette catégorie a notablement augmenté par transfert depuis le centre ou le Faubourg, en
particulier après l'ouverture de la rocade nord. Cette sortie rassemble aussi des magasins
d'équipement de la maison, dont plusieurs sont implantés dans un nouveau lotissement
commercial (« La Fraternité ») installé côté Tonnay-Charente de part et d'autre de la route
nationale. Un magasin Conforama était déjà présent depuis les années 70 ; dans quatre
bâtiments ont pris place 17 nouveaux établissements : équipement de la maison (sols et murs ;
sanitaire-chauffage ; carrelage ; cheminées ; menuiserie ; literie), équipement de la personne
(magasin d'usine), solderie, transports. Au long du même axe deux grandes surfaces sont
présentes : le supermarché Maxicoop accompagné d'une cafétéria, l'Intermarché auquel est
adjointe une surface spécialisée Bricomarché. Au total, la sortie nord-est présente une force de
vente importante ; les handicaps tiennent à l'inachèvement des carrefours, à la présence d'un
passage à niveau et d'un pont-levant, à une lisibilité moyenne de structures marchandes
longtemps additionnées sans cohérence.
La sortie sud de l'agglomération (avenue du 11 -Novembre) connaît aussi un constant essor car il
s'agit de l'accès au pont sur la Charente et donc à la
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base militaire de Saint-Agnant, aux marais de Brouage, à la zone touristique majeure de Royan-
Saint-Palais. On est passé ici de 12 établissements en 1979 à 35 aujourd'hui. Si l'on note bien
quelques transferts, ce sont principalement des créations qui ont eu lieu. Elles augmentent le
potentiel de l'équipement de la maison et des services, mais surtout intègrent de nouvelles
catégories (équipement de la personne, loisirs), jusqu'ici absentes. Dans les années 70, il y avait
essentiellement un Centre Leclerc sans galerie marchande, un magasin de meubles et
électroménager, une jardinerie. Aujourd'hui se trouvent répartis en deux localisations les
nouveaux commerces : un égrenage routier et un centre commercial.
Au long de l'avenue et de la bretelle qui conduit au nouveau pont de Mar- trou (1991) ont pris
place des structures importantes dont beaucoup de franchisés : des commerces de la route
(concessions ; pièces détachées ; garage) ; des grandes surfaces d'équipement de la maison
(bricolage 2 400 m2 ; matériaux ; papiers peints ; cheminées ; jardinerie ; piscines) ; une
solderie ; divers autres établissements dont un hôtel-restaurant. Le centre commercial « Martrou
» intègre autour de l'hypermarché Leclerc et de sa cafétéria une galerie marchande assez
modeste : 13 magasins avec un panachage courant (4 équipements de la personne, 2 services,
2 « loisirs », 2 équipements de la maison, 1 opticien, 1 poissonnier, 1 bar).
La sortie sud de Rochefort, quasi vierge de tout commerce il y a vingt ans, connaît un
développement spectaculaire et relativement ordonné. Ce nouveau potentiel marchand souffre
cependant de l'ouverture de la rocade ouest qui permet au trafic La Rochelle-Royan d'éviter la
zone agglomérée centrale et court-circuite l'axe commerçant récemment constitué.
La sortie nord de Rochefort (route nationale 137 en direction de La Rochelle ; avenue d'Aunis)
frappait dans les années 70 par la curieuse absence du commerce moderne ; c'était un reflet de
l'archaïsme structurel du commerce rochefortais. Il n'y avait que trois commerces de la route au
nord du carrefour du boulevard Aristide-Briand. Les documents d'urbanisme, dont le P.O.S.,
prévoyaient l'ouverture de zones d'activité tertiaire dans le secteur. Le processus s'engagea avec
l'édification en 1983 du supermarché Intermarché. Puis un centre commercial s'est constitué
autour de cette surface agrandie en 1989 à 3 200 m2 : petite galerie marchande (5 boutiques de
services), auberge des Mousquetaires, surface de bricolage Brico- marché. Symétrique de cette
zone commerciale du Brillouet, la zone commerciale de Villeneuve-Montigny a été aménagée en
1989-1990. Plusieurs moyennes surfaces spécialisées ont été ouvertes depuis : Forum de la
Chaussure, sol et mur Foucray. Un troisième pôle commercial de porte de ville s'est donc
constitué en un point-clé : près du carrefour entre la route de La Rochelle et la rocade ouest de
l'agglomération, au contact des zones les plus peuplées qui correspondent à l'urbanisation en
habitat collectif et individuel des années 1950-1980.

Le pôle secondaire de Tonnay-Charente


Tonnay-Charente s'est historiquement développé en pôle économique
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indépendant à six kilomètres en amont de Rochefort en rive droite de la Charente sur le bord
concave d'un méandre. L'accroissement de l'espace urbanisé des deux communes a abouti à
une jonction de fait. Différentes structures intercommunales confortent cette situation. En dehors
de l'échelonnement commercial sur l'avenue qui joint les deux villes, dont on a vu le
renforcement, Tonnay-Charente conserve en son cœur un équipement d'intérêt plus local formé
d'environ 60 établissements dont deux petits supermarchés. !!s se localisent dans les vieux
quartiers proches des quais fluviaux et dans les extensions pavillonnaires placées plus au nord.
Cet appareil commercial, au sein duquel les catégories banales dominent, est relativement
stable. Il est adapté à la desserte de la population résidante pour des besoins courants, mais a
souffert de la fermeture du vieux pont suspendu sur la Charente en 1964, qui a fait du cœur de
Tonnay un cul-de- sac ; le trafic général s'est trouvé dévié vers un ouvrage plus oriental. Le
centre de Tonnay-Charente, qui est chef-lieu de canton, draine aussi une clientèle rurale, mais la
concurrence du grand commerce rochefortais est aujourd'hui rude.
Les équipements de l'agglomération de Rochefort apparaissent mieux adaptés en 1992 que dans
les années 70 à l'exercice actif de la fonction commerciale.
- Le profil central s'adapte en se spécialisant et en s'affinant au sein d'un hypercentre bien
délimité.
- Le Faubourg se reconvertit, tout en s'amaigrissant, par une orientation vers les services et les
branches qui n'ont plus de place au centre-ville.
- Les « portes de ville » dans les trois directions majeures se sont garnies en commerces de
grande distribution, grandes surfaces polyvalentes et moyennes surfaces spécialisées.
Au total, une adéquation apparaît vis-à-vis des types de clientèles drai- nables.

3. Zones de chalandise et flux d'achat


Le potentiel de population attirée varie selon les branches commerciales (Inventaire communal
1988). Il est très élevé pour le commerce vestimentaire : plus de 50 000 habitants (sans compter
la population urbaine agglomérée), assez élevé pour les chaussures (18 000), les meubles (20
000), les grandes surfaces de bricolage (30 000), plutôt limité pour la quincaillerie (1 000), la
librairie (15 000), les produits alimentaires en boutiques. Rochefort atteint son meilleur chiffre
avec le rayonnement des grandes surfaces polyvalentes : les communes drainées totalisent 64
000 habitants. La ville vient juste après Saintes (85 000 habitants attirés) mais avant La Rochelle
(42 000 hab) et Royan (44 000 hab). La relative puissance d'attraction de Rochefort tient à sa
position plus centrale que celle de La Rochelle dont une partie de l'aire d'influence rurale est peu
peuplée. Néanmoins, dans le domaine de l'équipement de la personne, La Rochelle attire bien
davantage et à de plus grandes distances que Rochefort.
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Un potentiel urbain local en baisse


La première base du commerce rochefortais est constituée de la population urbaine locale. Celle-
ci se monte à 35 047 habitants au recensement de 1990 ; la régression a été constante depuis
l'après-guerre: 37 000 hab en
Fig. 4. La région de Rochefort

Fig. 4. La région de Rochefort.


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1968, 36 400 en 1975, 35 122 en 1982. Or, la population militaire- la majeure partie de la
population comptée à part - connaît le même mouvement descendant, ce qui aggrave la situation
(1 835 personnes en 1982, 1 700 en 1990).
La structure de la population est assez jeune : 25,2 % des résidents de la commune de Rochefort
ont moins de 20 ans, contre 22,9 % à Saintes, 23,5 à La Rochelle, 17,7 % à Royan, 24,5 % pour
l'ensemble de la Charente-Maritime. Une structure relativement plus jeune que dans les autres
villes cha- rentaises se retrouve au sein des classes d'âge adulte. La composition sociale est
marquée par l'importance des milieux modestes. Rochefort demeure une ville ouvrière. Compte
tenu de la crise aiguë traversée par l'industrie à La Rochelle, Rochefort est même devenu la
première ville ouvrière du département (environ 30 % des actifs occupés dans le secteur
industrie-BGC contre moins de 20 % à Saintes et environ 26 % à La Rochelle). Le contraste st
particulièrement prononcé avec Saintes, cité moins industrielle et donc plus tertiaire où le poids
des ouvriers, quel que soit leur secteur d'activité est très inférieur, tandis que celui des employés,
professions intermédiaires, cadres supérieurs, professions libérales est plus élevé.
De ce fait Rochefort paie un lourd tribut au chômage : 17,4 % en 1990 dans l'unité urbaine (13,7
% en 1982, 5,3 % en 1975) alors que Saintes est bien moins touché : 13,9 % en 1990 (9,9 % en
1982 ; 3,6 % en 1975). Ce chômage aux assises anciennes est à mettre en relation, au-delà de
l'effet de la structure par âge, avec des décalages dans la formation et les niveaux de scolarité
vis-à-vis des autres cités charentaises. En conséquence, il n'y a pas lieu de s'étonner de trouver
des revenus par ménage inférieurs à ceux des autres milieux urbains de Poitou-Cha rentes
(Décimal, n° 115, avril 1991).
Dans sa répartition, la population agglomérée évolue : baisse prononcée de la population de
Rochefort (-1 600 entre 1975 et 1990) tandis que celle des communes de Tonnay-Charente et
d'Echillais a gagné un peu. De là provient, entre autres, la continuation du développement spatial
et résidentiel dans un contexte peu tonique. La baisse la plus vive concerne le centre- ville et le
Faubourg de Rochefort en dépit des opérations d'urbanisme visant la revitalisation. Par contre,
les marges progressent. Les quartiers où existe un « commerce de proximité » sont donc en
perte de vitesse, tandis que les nouvelles zones d'urbanisation sont dépourvues de ce type
d'appareil marchand, mais plus proches des structures du grand commerce d'attraction.
Si, pour les besoins courants, on peut estimer qu'il y a un bon ancrage de la population
rochefortaise vis-à-vis de son commerce, soulignons l'importance des évasions d'achat - pour les
niveaux de standing commercial élevé - en direction de La Rochelle, si ce n'est de Saintes.
L'existence d'une « voie rapide » entre Rochefort et l'agglomération préfectorale met celle-ci à
vingt minutes. Par son potentiel ludique et de restauration, son secteur piétonnier orienté vers
l'équipement de la personne, La Rochelle a des atouts d'attraction.
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Un potentiel rural en essor


L'agglomération rochefortaise maîtrise à peu près trois cantons ruraux ou à dominante rurale et
une petite ville. Les potentiels démographiques ont connu l'évolution suivante :

II faudrait y ajouter quelques communes des cantons de Saint-Porchaire et de Marennes et, pour
certains domaines, l'île d'Oléron.
La croissance démographique de l'aire rurale proche de Rochefort est donc significative et
dépasse amplement les pertes de l'agglomération proprement dite, dont elle est issue pour
partie. Cette périurbanisation pose des problèmes sur le plan commercial.
Du côté nord, par rapport au fleuve, les communes rurales n'ont que très peu de commerces. Il y
a donc un bon rabattement vers Rochefort et Tonnay-Charente. Seul Fouras a un potentiel assez
important, 140 établissements et un petit supermarché, mais une bonne partie de cette structure
est orientée vers une desserte saisonnière et touristique. La présence de quatre routes radiales
convergeant vers Rochefort et de circulation aisée facilite l'attraction, mais, pour certaines
communes, les liaisons vers La Rochelle et Surgères sont également bonnes.
Au sud de la Charente, la situation est différente. Saint-Agnant, chef-lieu du canton éponyme, a
environ 30 commerces. Marennes dispose d'un grand supermarché de même que les communes
de l'île d'Oléron. Mais le principal handicap pour développer l'attraction rochefortaise vers le sud
demeure les liaisons. Le nouveau viaduc, plus large, devrait les rendre plus aisées mais
l'instauration d'un péage va décourager une partie des chalands et orienter plutôt vers Saintes,
Royan, Marennes, Saujon, Pont-l'Abbé- d'Arnoult, en fonction, évidemment, des articles
recherchés. De plus, la mise en voie rapide de l'axe Rochefort-Saintes devrait mieux assurer
l'assise du centre concurrent sur le canton de Saint-Porchaire.

Le potentiel du passage et du tourisme


Rochefort joue de plus en plus un double qui augmente son assise commerciale. C'est d'abord
une plaque tournante du trafic routier en Charente- Maritime. La ville se situe au centre de l'axe
liant les agglomérations maîtresses du département : La Rochelle, Saintes et Royan. Les trafics
depuis le sud du département passent par l'agglomération rochefortaise. A l'échelle interrégionale
la ville se place sur l'itinéraire Gironde-Basse-Loire via La
LE COMMERCE DE DETAIL A ROCHEFORT 197
Rochelle et La Roche-sur-Yon. Cependant, faute de réalisation du projet d'« autoroute des
estuaires » via La Rochelle, une partie du trafic intermétropolitain emprunte la voie «Aquitaine »
(A 10) Bordeaux-Niort, et l'achèvement de l'autoroute Nantes-Niort renforcera encore à moyen
terme cet itinéraire. A plus long terme, le commerce rochefortais pourrait profiter de la réalisation
envisagée d'un pont sur l'estuaire de la Gironde, entre la pointe de Grave et le secteur au sud de
Royan. Ce projet hypothétique ne devrait cependant pas se réaliser avant le début du siècle
prochain.
Rochefort est aussi devenu un pôle d'attraction et de séjour. La ville a vu se développer un centre
thermal à partir de la fin des années 50, mais en 1970 il n'y avait encore que 1 000 curistes ; en
1984 : 4 500. L'ouverture d'un plus grand établissement en 1987 a permis une montée plus
rapide de la fréquentation (6 350 en 1988). Les curistes, « patients » le matin, deviennent «
touristes » l'après-midi ; le secteur « ho-re-ca » profite directement de leur présence durant trois
semaines, mais c'est aussi le cas des autres branches commerciales. Par ailleurs, une fonction
touristique à proprement parler se développe dans l'estuaire charentais. Elle se fonde sur l'essor
du tourisme fluvial et maritime (pénichettes, plaisance), sur celui des festivals, sur la mise en
valeur du patrimoine monumental. La réhabilitation de l'ancienne Corderie de l'arsenal royal de
Rochefort a créé un pôle d'attraction majeur au sein duquel le Centre International de la Mer,
avec ses expositions et ses colloques, tient une bonne place. Mais c'est tout le bord du fleuve,
avec l'aménagement de sentiers de découvertes, la remise en valeur de vieilles structures - les
cales de radoub -, les plantations exotiques, la modernisation des musées qui participe de ce
mouvement. Il y aurait aujourd'hui environ 400 000 nuitées de touristes par an. De nouveaux
hôtels proches des ports de plaisance et de l'établissement thermal (Hôtel de la Corderie Royale
3 étoiles ; Fimotel 2 étoiles) contribuent à ce développement.
Rochefort a, depuis quinze ans amélioré sa position dans sa zone « naturelle » de chalandise.
Une meilleure spécialisation de ses groupements commerciaux, des améliorations des liaisons,
une image renouvelée dans un cadre réhabilité, ont contribué à cette renaissance. La nouvelle
répartition de la population, avec l'essaimage résidentiel dans l'espace rural environnant dans un
rayon de 15 km, a également fait croître les mouvements d'achat, les flux croissants de
migrations pendulaires se répercutant sur les flux d'achat. Enfin, thermalisme et tourisme fondés
sur le séjour s'ajoutent au passage routier pour regonfler l'économie commerciale rochefortaise.
Cependant, tous les secteurs marchands ne participent pas au même degré à cette dynamique
et divers éléments peuvent la freiner: la proximité - en distance-temps - de la Rochelle, le péage
du nouveau pont sur la Charente.

Conclusion
La mutation rochefortaise a été importante depuis 1975 : mutation générale par dynamisation
économique, efforts d'urbanisme et d'image de marque de la ville ; mutation commerciale par le
passage d'une structure
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assez vieillie et interne à un appareil modernisé et plus ouvert sur l'extérieur. Cela s'est traduit
fondamentalement par la naissance, tardive et massive, de trois zones commerciales d'« entrée
de ville » dont seule une a fait l'objet d'un plan d'ensemble. Assez bien placés par rapport au
réseau routier général, ces groupements concentrent grandes et moyennes surfaces ; dans le
même temps le centre-ville s'est orienté dans ses catégories, ses branches, son standing, pour
répondre à l'évolution interne (dépeuplement, réhabilitation du bâti, tertiarisation) et externe
(périurbanisation, nouvelles concurrences). Rochefort peut aujourd'hui mieux résister aux
concurrences extérieures - celles de La Rochelle et Saintes -, jouer un rôle de pivot de
circulation, assumer une fonction d'accueil ; cette diversification permet au commerce de moins
souffrir des fluctuations de l'activité militaire et des à-coups des fonctions industrielles.

Références
ANGLADE F., BERNARD G., FOURNET P., SOUMAGNË J.. 1987 - La Charente-Maritime
aujourd'hui. Editions
de l'Univ. francophone d'été. Jonzac, 264 p., 43 fig., 35 photos. DANDONNEAU S., 1992 -
L'évolution économique récente de Rochefort. Mém. Maîtr. Géographie, Univ.
Poitiers. INSEE Poitou-Charentes - Bulletin mensuel Décimal. Cahiers trimestriels Résultats.
Fascicules de l'Inventaire
communal 1988 et du recensement de 1990. PUSSIAU J., 1992 - Les mutations des centres
historiques de Saintes et Rochefort. Ann. Ass. Géographie du
Centre-Ouest, Poitiers, n° 4, pp. 67-84. RENARD R., 1971 - L'ensemble urbain Rochefort-
Tonnay-Charente et ses industries. Norois, Poitiers, t. 18,
pp. 615-631. SOUMAGNË J., 1982 - L'aménagement d'une ville moyenne : Rochefort (Charente-
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n° 113, janv.-mars, pp. 163-175, 2 fig., 2 planches. SOUMAGNË J., 1992. Commercial
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locations (IGU
symposium, 5-8 août 1991), Department of geography. Technical university of Munich. Volume 2,
185 p.

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