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Sylvie Misslin

d 'après Alice au pays des merveilles


de Lewis Carroll

Éditions
amaterra
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L'histoire d'Alice,
racontée par Sylvie Misslin
et illustrée par Sébastien Mourrain.
Alice
d'après Alice au pays des merveilles
de Lewis Carroll

Éditions
amaterra
1
Alice rêvassait dans un
champ d'herbes folles
lorsqu'un Lapin Blanc, fort
bien vêtu, passa en courant.

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Près d'une haie, il marqua un arrêt, Un tunnel partait du fond du puits et Alice
tira une montre de sa poche et regarda y aperçut la silhouette du Lapin Blanc.
l'heure, avant de s'engouffrer dans La poursuite reprit, mais la fillette se trouva
un énorme terrier. Intriguée, la fillette bientôt face à une porte minuscule.
s'élança derrière lui. Après quelques Une clé dorée était posée sur une table
pas sous terre, elle tomba dans un puits. de verre et elle l'utilisa. Elle entrevit a lors
Heureusement, sa chute s'acheva par l'ouverture un adorable jardinet.
en douceur, sur un tas de feuilles mortes. - Ma gentille chatte Dinah s'y faufilerait
sans problème! s'exclama-t-elle. Pour moi,
c'est une autre affaire !

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Il y avait aussi un flacon sur la table de verre.
Une étiquette collée dessus indiquait :
« Bois-moi ! » Alice goûta le liquide, il était

délicieux. Elle but le reste et se sentit aussitôt


rapetisser. Elle fut bientôt assez petite pour
passer par la porte, mais elle poussa
un cri de dépit. Elle avait remis la clé sur
la table et il lui était à présent impossible
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de la saisir ! Elle allait se mettre à pleurer
quand elle vit un gâteau, surmonté d'une
autre étiquette : « Mange-moi ! » Alice dévora le gâteau
Alice contempla la friandise, hésitante.
et se mit à grandir et grandir
encore, jusqu'à ce que
sa tête heurte le plafond.

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La fillette ramassa l'éventail et, sans même
y penser, s'éventa. À sa grande surprise,
elle se m it alors à rapetisser à nouveau.
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Elle eut bientôt la bonne taille pour entrer
dans le jardinet. Elle s'avança, toute contente,
et plouf ! Elle tomba dans la mare.
66
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- Ça alors, il n'y avait pas d'eau ici tout
ô <)
' ,, Ôr à l'heure!
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-- L'eau était salée et Alice comprit que c'était
celle de ses larmes.
- Heureusement, je sais nager. Me noyer
Elle prit la clé dorée sur la table de verre
dans mes propres larmes aurait été une mort
mais, à présent, elle était bien trop grande
bien étrange !
pour passer la porte ! Découragée, elle
fondit en larmes. Une mare s'était formée
à ses pieds quand le Lapin Blanc surgit.
Il trottait tout en grommelant:
- Je suis en retard! très en retard! Que dira
la Duchesse ?
(
Découvrant Alice, il sursauta, laissa tomber
l'éventail qu'il portait et se sauva. -
-- - --
10 11
Alice aperçut bientôt une Souris, un Canard,
un Aiglon et d'autres oiseaux qui barbotaient,
eux aussi.
- Vous nagez beaucoup mieux que Dinah !
s'étonna Alice.
- Qui est Dinah ? demanda la Souris.
Je ne la connais pas.
- Regagnons le bord, je vous parlerai d'elle.
3
Suivie de la petite troupe, Alice se dirigea
vers la rive.
Alice, la Sou ris
et les oiseaux s'installèrent
au bord de la mare.

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- Dinah est notre chatte, dit la fillette. En un rien de temps, Alice fut seule à nouveau.
Elle est merveilleuse. À la chasse, elle est Cela ne dura pas car le Lapin Blanc réapparut
la meilleure. Elle attrape des souris et parfois presque aussitôt.
des oiseaux. - Eh bien, Marie-Anne! s'exclama-t-il en
la voyant, que faites-vous plantée là ?
Un silence consterné suivit ces paroles.
Filez à la maison et rapportez-moi un éventail !
Puis, tous parlèrent en même temps:
- j'ai une course à faire. Tout en courant dans la direction indiquée
- Il va bientôt faire nuit. par le Lapin, Alice pensa qu'il était
- C'est l'heure de coucher mon souriceau. bien distrait: il l'avait sans doute confondue
avec sa bonne !

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Elle poussa la porte d'une jolie maisonnette.
Un éventail était posé sur une table, à côté
d'un flacon. Il n'y avait pas d'étiquette
«Bois-moi! », mais la fillette but tout
de même. L'effet ne se fit pas attendre.
Elle grandit tant qu'elle dut s'allonger
sur le plancher. Puis, résignée, elle attendit.
La voix du Lapin Blanc retentit bientôt :
- Eh bien, Marie-Anne ? Cet éventail ?
Il tenta en vain d'entrer: le coude d'Alice
bloquait la porte.

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- -.. - -.. -.
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Il y eut un silence, puis des petits cailloux
s'abattirent par la fenêtre.
- Aïe ! cria l'enfant.
Il se produisit alors une chose curieuse.

4
Alice, qui n'arrêtait pas de vivre des
événements étranges depuis qu'elle avait
suivi le Lapin Blanc, ne s'en étonna guère:
les cailloux éparpillés sur le plancher se
transformèrent en gôteaux. Elle s'empressa
d'en avaler un. Elle se mit aussitôt
à rapetisser. Dès qu'elle le put, elle sortit
Alice s'assit sur une souche.
en trombe et courut se réfugier dans le bois - Me voilà à nouveau
tout proche.
minuscule ! s'exclama-t-elle
d'un ton rageur.

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Une voix traînante demanda : Alice détacha un morceau de chaque
- Et quelle taille voudrais-tu avoir? côté du champignon. Elle grignota celui
qu'elle tenait dans sa main gauche.
Alice sursauta en découvrant l'insecte qui
Elle se sentit devenir encore plus petite.
venait de poser cette question. La Chenille,
Elle croqua ensuite l'autre moiceau jusqu'à
installée sur un champignon, fumait
ce qu'elle eût retrouvé sa tailfe no ale.
un narguilé. Elle dévisageait l'enfant
avec sévérité.
- Alors, réponds !
-J'aimerais être plus grande. Je ne mesure
que huit centimètres, c'est ridicule !
La Chenille mesurait exactement huit
centimètres. Elle aspira plusieurs bouffées
avant de déclarer d'un ton pincé :
- Je trouve que c'est une très bonne taille.
Elle descendit du champignon et le lui montra :
- Un côté te fera grandir, l'autre
te fera rapetisser. , ....
• •

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- Maintenant, déclara-t-elle, je dois
retrouver cet adorable jardinet; j'ai ce
qu'il faut pour y entrer sans problème.
Comme elle prononçait ces mots,

5
elle aperçut dans une clairière, une toute
petite maison. La fillette ne voulait
pas effrayer ses occupants : à nouveau,
elle grignota un bout du champignon.

Un valet de pied sortit


de la forêt, non loin
d'Alice, et se dirigea vers
la maisonnette.

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Un second valet lui ouvrit la porte. Puis il s'inclina avant de s'éloigner.
Tous deux se ressemblaient, à un détail près : Alice s'approcha à son tour. La Duchesse
le premier avait une tête de poisson était assise à table. À ses pieds, un chat
alors que celle du second évoquait plutôt souriait jusqu'aux oreilles.
une grenouille. Le Valet de pied-Poisson - S'il vous plaît, demanda la fillette,
tendit une lettre au Valet de pied-Grenouille. pourriez-vous me dire pourquoi votre
- Pour la Duchesse, déclara-t-il. chat sourit ainsi ?
Une invitation de la Reine à une partie - C'est un chat du comté de Chester,
de croquet. dit la Duchesse, voilà pourquoi !

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Il disparut, puis réapparut dans un arbre,
un peu plus loin.
- Si tu vas par là, tu rencontreras un Lièvre
de Mars. Tu feras aussi la connaissance
de son ami, le Chapelier.

Et elle se leva, déclarant qu'elle devait


se préparer pour la partie de croquet
de la Reine.
Alice prit congé. Elle sursauta en découvrant
le Chat du comté de Chester sur un muret,
à la sortie du jardin. Il semblait l'attendre.
- Iras-tu à la partie de croquet de la Reine?
demanda-t-il.
- Je n'ai pas été invitée. ,,
''
- Tu m'y verras, dit le Chat.
.,

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6
Il disparut progressivement, cette fois,
en commençant par le bout de la queue
et en finissant par le sourire, qui flotta
seul quelques instants.
La fillette éta it habituée à présent
à voir toutes sortes de choses bizarres. Le Lièvre de Mars
Elle continua sa route.
et le Chapelier prenaient
le thé sous un arbre.

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Ils dévisagèrent Alice d'un air étonné Le Chapelier fronça les sourcils :
et le Chapelier demanda : - As-tu trouvé la réponse de la devinette ?
- Pourquoi est-ce qu'un corbeau ressemble - Non. Quelle est-elle?
à un bureau? -Je n'en ai pas la moindre idée!
- Moi non plus, ajouta le Lièvre de Mars.
La fillette aimait les devinettes. Elle se mit
à réfléchir. Alice poussa un soupir.
- Vous n'avez rien d'autre à faire que
Le Chapelier consulta sa montre.
de perdre votre temps à poser des devinettes
- Quel jour du mois sommes-nous ?
dont vous ne connaissez pas la réponse ?
demanda-t-il.
- Ne parle pas du Temps ainsi, s'énerva
- Le quatre, répondit Alice.
le Chapelier, il pourrait se vexer. Il est fôché
- Elle retarde de deux jours, murmura
contre moi depuis le dernier concert chez
le Chapelier en tapotant le cadran.
la Reine de Cœur. Je chantais, quand elle
- Quelle drôle de montre, elle indique
m'a interrompu :
le jour du mois et elle ne donne pas l'heure !
« Il n 'observe pas les pauses entre les mots,
il massacre le Temps !» Depuis, continua
le Chapelier, je n'ai que des ennuis avec
le Temps.

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La fillette ne l'écoutait plus. Elle venait
de remarquer une porte dans un arbre.
Elle s'excusa et la poussa. Après avoir longé
un couloir, elle se retrouva devant l'entrée
du jardinet ! Cette fois, elle prit d'abord
la minuscule clé d'or et la tourna dans
la serrure. Ensuite, elle grignota un bout
de champignon et franchit le seuil.
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Du fond du jardin,
un cortège s'avançait
vers Alice.

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Dix soldats venaient en tête, suivis d'invités, La Reine interpella Alice :
parmi lesquels elle reconnut le Lapin Blanc. - Sais-tu jouer au croquet?
Derrière eux, marchaient le Valet de Cœur, La fillette fit signe que oui et se joignit au
qui portait la couronne royale sur un coussin cortège. Elle se trouva à côté du Lapin Blanc
de velours rouge, puis, le Roi et la Reine et elle s'étonna de l'absence de la Duchesse.
de Cœur. Tous, ou presque, étaient des cartes - Elle est arrivée en retard, murmura
à jouer. le Lapin. Elle aura la tête coupée .


Ils arrivèrent sur le terrain. Alice n'avait Le jeu s'avéra très difficile. Les flamants
jamais vu un jeu de croquet aussi bizarre : bougeaient sans cesse la tête et les hérissons
les boules étaient des hérissons vivants ; changeaient de place sans prévenir. Très vite,
les maillets, des flamants roses tenus ce fut la pagaille. La Reine, très contrariée,
à l'envers; et les soldats se courbaient parcourait le terrain en criant :
en deux pour former les arceaux. - Qu'on lui coupe la tête! Qu'on lui coupe
la tête !


.
.

'
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Alice remarqua avec soulagement un sourire
qui flottait dans l'air :
- Voilà mon ami, le Chat du comté
de Chester!
- Comment vas-tu ? lui demanda le Chat
dès qu'il eut une tête.
Le Roi l'aperçut et poussa un cri de frayeur.
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Il appela la Reine :
- Ma chère amie, pourriez-vous faire
disparaître ce chat ?
- Qu'on lui coupe la tête! hurla la Reine.
Une voix annonça :
Le Roi partit chercher le bourreau. L'homme
- Le procès va s'ouvrir!
déclara qu'il était impossible de couper
une tête dépourvue de corps. La tête du Chat
disparut à ce moment et tous se mirent
à la chercher.
/

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Le Chat fut aussitôt oublié et tout le monde
courut vers le même endroit. Alice suivit
et se retrouva dans une salle de tribunal.
Le Roi et la Reine de Cœu r étaient assis sur
leur trône. Derrière eux, deux soldats
encadra.ient le Valet de Cœur. Une trompette
à la main, le Lapin Blanc lut l'acte d'accusation :
le Valet de Cœur était soupçonné d'avoir volé
des tartes confectionnées par la Reine. Il fit
sonner ensuite sa trompette pour appeler le
premier témoin. Au même instant, Alice sentit
qu 'elle commençait à grandir.

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Le Chapelier s'avança, bredouilla quelques Le Roi proclama :
mots incompréhensibles et fut très vite - Article quarante-deux : toute personne
invité à se retirer. Le Lapin Blanc chercha de plus d'un kilomètre de haut doit quitter
un meilleur témoin : le tribunal.
- Alice! - Je ne suis pas aussi grande ! Et cet article
n'existe pas! Vous venez de l'inventer.
La fillette se leva d'un bond. Elle avait
- C'est l'article le plus ancien du code.
beaucoup grandi.
- En ce cas, il devrait porter le numéro un !
- Que savez-vous de cette affaire ?
demanda le Roi. Le Roi pôlit et se tourna vers la Reine.
-Rien! - Qu'on lui coupe la tête ! ordonna-t-elle.

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Personne ne bougea.
- Qui aurait peur de vous ? demanda
Alice qui avait retrouvé sa taille normale.
Vous n'êtes qu'un jeu de cartes !
À ces mots, toutes les cartes lui sautèrent dessus.
La fillette poussa un cri et se retrouva
allongée dans le champ d'herbes folles.
- Quel rêve étrange je viens de faire !
s'écria-t-elle.
Elle se releva, ôta les feuilles et les brins d'herbe
accrochés à sa robe. Tout en marchant,
elle pensa qu'elle garderait longtemps dans
son cœur ce rêve du pays des Merveilles. ~

'·''Cl.-,,,.
•••
Qui est Lewis Carroll ?

Son vrai nom était Charles


., • Lutwidge Dodgson. Il est
'l'Jlr.,fi.r:n ;;r
né en Angleterre en 1832,
dans une famille de onze
enfants. C'était un enfant
1 timide, il souffrait de bégaiement. Il était
très doué pour les études. Devenu professeur
à l'université d'Oxford, il a publié
plusieurs ouvrages dédiés à sa discipline,
les mathématiques. Il est mort en 1898.
Un jour de juillet 1862, Charles Dodgson
emmena les filles du doyen de l'uni-
versité en promenade dans une barque.
Pour distraire Alice, la plus jeune
des enfants, qui s'ennuyait, Dodgson
imagina Les Aventures d'Alice au pays
des merveilles. Le livre parut trois ans
plus tard.

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