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Le Fantôme
de l'Opéra

Gaston Leroux
Le Fantôme de
l'Opéra

Gaston Lerou x
Adaptation du texte: Nicolas Gerrier

hachette
FRANÇAJS LANGUE ETRANGÈRE
Audio
OMMAIRE
Durée: 124'4.5
Format: MP3
Piste 1 Chapitre 1 Chapitre 1 ..... 5
Piste 2 Chapiue 2 La soirée de gala
Piste 3 Chapitre 3
Chapitre 2
Piste 4 Chapiue 4
Le fantôme est partout !
Piste 5 Chapiue 5
Piste 6 Chapitre 6 Chapitre 3 .. . 21
Piste 7 Chapiue 7 Raoul 1'aime telle.ment
Piste S Chapitre g
Chapitre 4 . .. 28
Piste 9 Chapiue 9 Un malheur à !'Opéra
Piste JO Épilo911e
Chapitre 5 . .. 35
Qui est Érîk ?
Chapitre 6 .. . 43
Rédaction du dossier pédagogique: ~kolas Cerrîe:r Christine raconte cout
Édition: Atelier des 2 Ormeaux (Christine De.lormeau) Chapitre 7 .. . St
Maquette de cou·v erture: Nicolas Pirou....: La drôle d'histoire des dîrec-teurs

Photos de couverture: masque: pas.sî_gutî © iStock . bâtiment: ilbw.ca © iStock Chapitre S . .. 59


Maquette intérieure: Sophie Fournia--Villiot (Amarante) A la poursuite du fantôme

Mise en pages: Atelier de s 2 Ormeaux (Franck Delorme.au) Chapitre 9. . . 67


Le scorpion ou la sauterelle ?
Illustrations : Jérôme Mondoloni
Enregistrements: Quali'son.s Épilogue . . .. 71
Comédien: Paoick Mancini

ISBN : 978-2-01 -714410-6


@ HACHETTE LIVRE 2021 , S8 rue Jean-Bleu.zen, 92178VANVES CEDEX, France.
T= les dtoêu de tn®aÎœl.. de r ~ ~ r i u d'atbputîœi r~'l'is p= oxit ~-s. b li» d-:i. 11 =
1'Sï ri' =i:;=, au.-.: tenm ffl .l!::iê:1$ 2 u l de I' :acide ,U. d'W)t )H'l't. ~ .. les ccpîi:$ eu «ft'Oèue-
lioru ?riacn:mt rtscnffl â l'~g, prfrt du copiY.c et nim èc~~ à w:,e ~ colleetiTt ,. «.
d ';u.cre p.at, q-:,c « les =lpcs « ks ewrtc~ cibtîc~ • d= vn h:.t d•acmp!,e et d'i!!uw,tîcn, « oxitt
rcprésct:.o:;tion ou reprc~ :idgralt ou ,amOe., bite = le ~ttrt.cma.< de hutcu:r O'll dt ~
~·.n:.~ dtcêtou ~u,u au:t, t;11:illicicc • (,\l::ih I dt l'utîclc 40). C'w:e rep-écwcicn ou r c ~
pz 'iuclque procêdo! 'iuc « :cêt, s= =crintîim dt l'édi~ur O'll du C'.el:IO't &~s dt l'~le~~ du
dmt de copie (20, ru.e des On:uù·,~.~~. 7Soo, f'-.:-is) . corucin:.am donc œ'IC cc:i:.cr~oc s ~ ·
:Mc pi:r les i:rôdcs 42,) « sci,-mu du Cod<, pmil.

3
LeJantoÎne de l' Opéra a existé. Mes recherches dans le.s documents
de l'Académie nationale de musique 1 et mes nombreuses conversations
le moncrent. Mes visites dans les rous-sols de l'Opéra, ma découverte de
ron squelette et ma rencontre a~·e.c le Persan me permettent de le dire :
non, lefantôme n'est pas un m;,,he 1 !
Je peur avec toi, lecteur, revivre mon enquête sur cette histoire
d'amour et de peur.

La soirée de gala

C e soir-là. c' est la dernière soirée de gala de lviessieurs


Debienne et Poligny, les directeurs de l' Opéra de Paris.
Une danseuse célèbre, la Sorelli. est en train d' appr endre son
dis.cours dans sa loge. De jeunes camarades entrent et ferment la
porte à clef. Elles r ient et poussent des cris.
- C'est le fant6me, dit la petite Jammes.
- Vous l' avez i.u ? demande la SorellL
- Bien sûr.
- Il est laid, dit la petite Giry.
- Vous voyez le fantôme par tout, dit calmement tu1e troisième
danseuse.
C'est bien ,ni ! Depuis quelques mois, tout le monde parle d' un
fantôme en habit noir qui se promène dans l' Opéra. Cette histoire
,ientde Joseph Buquet, le chef machiniste;. Lui, il a ,u le fant6me

1 L' AacU:mie de m~c : l'Opén.


2 lie mythe : wtt h:stoir, n"-11:e W pc:rsomu.gccdm1gimire~
3 lie te1.o:hiuuu : il s'occupe d.c~ décors à l'Opén.

5
dans le petit escalier qui descend dans les sous-sols. ll dit du fantôme :
« llest trèsmaigreetsonhabitesttrop grand pour lui. Il adeu.'<grands
trous noirs à la place des yeu.-x comme les têtes de mort. Sa peau est
jatme et son nez est presque ini.isible. Il a simplement trois ou quatre
mèches brunes de cheYeU.'<. » Joseph l'a poursui,i , mais le fantôme
a dis.paru oomme par magie. Joseph est tm homme s.érieu..x qui ne
boit pas. On le croit e t, depuis, d 'autres per sonnes ont vu au.(Si un
fantôme a,.·ec tm habit noir et tme tête de mort. Zviême tm chef des
pompiers. Mais lui a vu tme t ête de feu et a eu très peur (poW"tant
un pompier n'a pas peur du feu). Les danseuses pensent donc que le
fantôme a plusieurs t ~tes, et oeci ex-plique leur inquiétude.
- Écout ez ! dit Jammes.
Elles entendent un bruit derrière la porte.
- Q.ui est là ? demande la Sor elli.
Personne ne r épond.
- ll y a quelqu'un derrière la porte ? demande-t-elle plus fort.
La Sor elli prend un petit cou teau et ou,Te la porte. Le couloir
est désert.
- Mes enfan ts, ditla Sorelli, il faut Yous calmer . Personne n ' a
jamais vu le fantôme.
- Si, nous l'avons vu tout à l'heure. Et Gabriel aussi.
- Le maître de chant? ll av·ait son habit noir ?
- Gabriel ?
- Mais n on, le fan tôme !
- Bien sûr , dit Jammes. Gabr ie l était dans le bureau d u
régisseurL. Tout à coup la portes' ouvre et le Per san entre. Vous
s.a\·e2 que le Per san a le « mauvais œil s »?
- Oh oui. disent les danseuses.
- Et Gabriel est superstitieux'. ll Yeut donc toucher le fer de

4 lie régim:ur: iJ s•occupe: dot b prêpn-.;-tion d•un ~pecuck.


5 ,h·oî:r lot ~.w,·ili e-:il : il parce. maklu11«.
6 Ecre supa~tiêewt : croî:re da.ru de pouYoî:n surtutw'ck.

6 7
la serrure de l' armoire. Mais il déchire son pantalon sur un clou - Quel malheur ! Joseph Buquet est mor t ! On l'a trouvé
et, quand il veut quitter le bureau, il se tape la tête et se coupe le pendu' dans le troisième sous-sol. Les machinistes 10 ont entendu
bras sur un meuble. Il essaye alors des' appuyer sur le piano, mais le le chant des m orts autour de son corps.
couvercle tombe et lui écrase les doigts .. . Il a eu peur car le fantôme - C'est le fant6me ! dit la petite Giry. Oh non ! Je n'ai rien dit.. .
était derrière le Persan, avec sa tête de mort et son habit noir ! Zv!.ais toutes répètent à i:oi.-x basse : « C'est sûrement le fantôme . »
La petite 1vieg Giry in tervien t : - Je ne vais pas pouvoir faire mon discours, dit la Sorelli.
- D' apr ès ma mère, Joseph Buquet doit se taire. Tout le monde aim e Joseph Buquet à !'Opéra. Les petites
- Et pourquoi ? danseuses se groupent autour de la Sorelli comme des moutons
- Le fantôme ne Yeut pas qu •on l' ennuie. qui ont peur. Puis, quelques instants plus tard, elles par tent toutes
- Pourquoi ? ensemble vers le foyer 11 . Elles rencontrent le oomte de Chagny
- Parce que . .. rien ! dans un escalier.
Les filles se serrent les wies con tre les autres et lui demanden t - Ah, Sorelli, quelle belle soir ée ! dit-il. Et Christine Daaé :
de s' e.xpliquer : quel triomphe !
- C'est à cause de la loge7 du fantôme. - Ce n' est pas possible , dit Meg Giry. Il y a si,x mois elle
- Le fant6me a une loge? Oh ! Mon Dieu ! Raconte. chantait très m al.
- C'est la loge numéro S. C' est M'man l'ouvreuse 5 . Les /\·lais le comte de Chagny a r aison : le gala était extraordinaire. Le
directeurs doivent la réserver au fan tôme. Tout-Paris a déoouver t Christine Daaé. Elle a chanté quelques passages
- Et il y va? de Roméo et julietu et le rôle de Marguerite dans Faust à la place de la
- Mais non! Le fantôme y "ient et il n'y a personne. grande chanteuse Carlotta, malade. La salle entière a acclamé Christine
Les danseuses ne comprennent pas. Daaé et, à la fin de la représentation, elles' est évanouie cl'émotion.
- Le fant6me n'a pas de tête et pas d'habit ! O n l'entend, on Le critique P. de St-V. était sous le charme et a déclaré :
ne le .-oit pas m ais il est là ! M'man le sait car elle lui donne le - D' où vient son talent ? li descend du ciel ou il monte des
programm e. Elle m ' a dit hier : « Cela portera malheur à Joseph enfers? Christine a-t-elle fait un pacte .-·ec le diable ?
de raconter tout cela». Le comte Philippe de Chagny est ce soir à l' Opéra avec son
Ace mom ent-là. on en tend des pas dans le couloir. frère Raoul. Leur famille est l'une des plus ,ieilles de France.
- Cécile, tu es-là ? demande une voLx à travers la porte. Leur for tune est immense. Aquaran te et un ans, Philippe est
- C'est maman, dit Jammes. Qu'y a-t-il ? un bel homme sûr de lui. Raoul a un peu plus de vingt et un ans,
Jammes OU\.Te la porte. Une dame entre dans la pièce et se mais il en faitdi.x-huit. Il est timide, porte une petite moustache
laisse tomber dans un fauteuil : blonde, a les yeux bleus et beaucoup de charme. Il doit bientôt

9 Peudu : ~ccrocM a\-·e c =t cordt .l.UtoUr du cou.


7 Uec loge : un C$f~Cc pour quelque~ ~p«u«ur~d.ui.~ = chéia-e. 10 lie m1.o:hiuuu : il chm.gc. lu dicors.
8 Uec ou-.-rciuc : dlc moi::uc b ph.cc des ~peeutcun. 11 Le. foyer: uee. ~Jlk i. l'cn.tréc d\m tbi:âO'c..

8 9
partir en ex--pédition dans les glaces du pôle. Mais en ce moment,
il est en vacances pour sL"{ mois et Philippe lui fait découvTir les
plaisirs artistiques de Paris.
Après le concert, Raoul veut voir la Daaé dans sa loge. Christine
et lui se sont rencontrés il y a longtemps, pendant leur enfanœ.
Pourtant, quand Christine chante, Raoul ressent toujours une très
grande émotion. ~fais Raoul ne veut aimer que sa future femme
et le vicomte de Chagny ne peut pas épouser wie chanteuse.
- Allons-y, dit Raoul.
- Où veux-tu aller ? dit Philippe.
- La voir ! Tu ne vois pas qu'elle se trouve mal ?
- C' est toi qui Yas mal. Tu es tout blanc. Que t' arrive-t-il ?
Les deux hommes passent par l'entrée des abonnés 12 • vont sur
la scène et prennent le couloir vers les loges. Philippe est étonné :
son frère connait le chemin Yers la loge de Christine ! Raoul est
impatient et bouscule les nombreux admirateurs. ll n'est plus
timide du tout ce soir.
Raoul arrive en même temps que le médecin dans la loge. La
chanteuse est encore é,:anouie. - lviademoiselle, je veux ,;ous dire quelque chose de très
- Docteur, dit Raoul. on ne respire pas ici. Ces messieurs important.
- Plus tard quand j'irai mieux. Vous êtes très gentil.
doi,;ent quitter la loge.
- Vous avez raison. - Vous devez partir maintenant, ajoute le docteur. Laissez-moi
soigner mademoiselle.
Le docteur met tout le monde dehors, à part Raoul et la femme
- Je ne suis pas malade, dit Christine a,;ec une énergie
de chambre. Christine OU\Te les yeux. Elle sourit au docteur,
inattendue. J'ai besoin de rester seule. Allez-,;ous-en tous !
regarde la femme de chambre puis voit Raoul.
- Q.ui êtes-vous, ~1onsieur ? Dans le couloir, le docteur dit à Raoul :
- Je ne la reconnais pas. elle est très douce normalement.
Raoul met un genou à terre et lui donne W1 baiser sur la main :
Raoul r este seul dans le couloir. li se cache dans un petit coin et
- Madame, je suis le petit enfant qui est allé chercher votre
attend. La porte de la loges' ou,Te et la femme de chambre sort. ll
échar pe dans la mer.
lui demande des nouvelles de Christine. Elle i.-a très bien, mais elle
Christine, le docteur et la femme de chambre se mettent à
veut r ester seule. Quelques instants plus tard, Raoul s'approche de
rire. Raoul se relève, le visage rouge.
la por te. li va frapper, mais entend une YOix d'homme dans la loge :
- Christine, il faut m'aimer.
10 11
- Comment pouvez-vous m e dire cela ? répond Christine des
lar m es dans la voL-...:. Je chante pour vous.
Raoul s'appuie sur le mur. Son cœur lui fait mal. La voix
demande ensuite à Christine si elle est fatiguée.
- Ce soir, je vous ai donné mon âme 13 et je suis morte.
- Ton âm e est belle, m on enfant. Je te rem ercie. Les anges
ont pleur é ce soir. Le fantôme est p artout !
Raoul ne peut plus entendre. ll se cache de nouveau dans le
endant ce temps, on fête le départ de Messieur s Debienne et
couloir. Il veut voir qui est cet homme ! Quand la portes' OU\.Te,
Christine sor t seule et passe devant Raoul sans le YOir. Raoul attend
P Poligny dans le foyer de la danse. Une foule se pr esse autour
du buffet etles deu.x dir ecteurs sont joyeu.'<. lls sourient à la Sorelli
quelques instants puis entre dans la loge. La pièce est sombre.
qui commenœ son disoours. Soudain, la petite Jammes crie :
- Il y a quelqu'wt ici ? Pourquoi ,;ous ne r épondez pas ?Vous
- Le fant6me de l' Opéra !
êtes un lâche u..
Elle m ontre de son doigt un visage blanc, lugubre 1 et laid avec
Raoul allume une allumette: il n'y a personne dans la loge.
des trous à la place des yeux . Cette tête de mort a Wl grand succès :
Il ferme alors la por te à clef et allume les lampes. Il va dans le
on rit et on veut lui offrir à boire. Mais elle n 'est déjà plus là !
cabinet de toilette, OU\.Te les armoires, cher che le long des murs.
La Sorelli est furieuse car elle ne peut pacS finir son disoours.
Personne!
Les deux dir ecteurs l' embr assent et s'en vont déjà. lls ont un Omer
- Est-ce que je deviens fou ?
a,.·ec leurs amis. Ils y r etrouvent J\t1essieW"sArmand l\rioncharmin et
Il reste ainsi di-...: minutes à écouter le silenœ puis sort. Il ne
Firmin Richard, les nouveaux directeurs. Les quatre hommes ne se
sait plus ce qu'il fait et où il va. ll sent toutà coup de l'air glacé
connaissent pas bien, mais ils se font de nombreux compliments.
sur son "isage. Il est en bas d'un petit escalier. Des OU\.Tier s sont
Le dîner est presque gai et il y a plusieur s discour s. Soudain, les
derrièr e lui et portent Wl brancard u avec un linge blanc.
invités r emarquent l'étrange per sonnage que la petite Jammes a
- La sortie, ;' il vous plaît, leur demande Raoul.
appelé« le fant6me de !'Opéra». Il ne boit pas, ne mange pas
- En face de vous. ~lais laissez-nous pa,s ser d'abord.
et ne dit rien. Ses ,;oisins ne savent pas depuis quand il est avec
- Q.u ' est-ce que c'est que ça ?
eux. O n lui sourit et, juste après. on regarde ailleur s. Les am is
- Ça, c' est Joseph Buquet. On l'a retrouvé pendu au troisième
de Debienne et Poligny pensent qu' il est une connaissanœ de
sous-sol, tout pr ès du décor du Roi de Lahore.
/v!oncharmin et Richard. Les amis de Moncharmin et Richard
Raoul laisse passer les ou,.Tiers. les salue, puis sort.
pensent qu'il est une connaissanœ de Debienne et Po ligny. Ceu.'<
qui connaissent le témoignage de Joseph Buquet pensent que c'est
le fantôm e. Pourtant, Buquet a dit qu' il n' avait pas de nez et œt
13 Uec ûnc : l'e~ritd'unc pencu:m.e.
1, Uehc :ilmmquedecourage.
1S ~ brmemi : ue lit pour trui.:ponoer un bleui. Lugubre : cri~ a-~u et qui repr~c:m: b mon.

12 13
J\,t. Poligny va à son bureau et re,..;ent avec le cahier des
char ges 2 de la d irection de l'Opéra. Il commence par: « Les
représentations doivent montrer l'importance de la premièr e
scène lyrique 3 française . .. ». Et il se termine par l'article 98 :
« Le contrats' arrête si le directeur ne respecte pas les conditions
suivantes . . . ». Ces conditions suivent à l'encre noire, mais deux
lignes sont en rouge : « Le directeur doit payer 20 000 francs par
mois au fant6me de l' Opéra » et« Le fant6me de l' Opéra dispose
de la loge n° S à toutes les représentations».
- Je compr ends pourquoi Yous partez, dit Richard, les affaires
sont difficiles avec ce fantôme .. . Mais vous êtes trop gentils ,
pourquoi ne pas le faire arrêter ?
- Comment? Où ? Nous ne le voyons jamais !
- Et quand il ,ient dans sa loge ?
- Il ne i.ient jamais.
- Alors, louez-la !
- Louer la loge du fant6me del' Opéra ? Essayez, Messieurs !
Les quatre directeurs se séparent et les deux nouveaux sont
homme en a wt. ]\,fais est-ce un vrai nez ?
bien contents de r ire autant .
Soudain, l'homme se met à parler :
lls passent ensuite des premiers jow-s merveilleu.x à l' Opéra. Ils
- La mort de ce pau,..Te Buquetn' est peut-être pas naturelle.
se sentent les maîtres des lieux et oublient l'histoire d u fantôme.
Debienne et Poligny sursautent, car ils n'étaient pas au courant.
Un jour, Fir min Richard arrive à onze heures à son bureau.
Leurs vis.ages deviennent blancs. Ils entraînent tout de suite les
J\,t Rémy, son secrétaire, lui montre son cow-rier. Richard reconnaît
nouveaux directeurs dans leur bureau.
l'encre rouge et l'écriture de l'une d' elles :
- Connaissez-vous cet homme ? leur demande Debienne.
Mon cher directeur, je vous demande pardon de ,·ous déran9er.10us êt,s
- N on.
en train de travailler pour I' Opéra.Je connais vos projets pour la Carlotta,
- Alors, il faut changer les serrures de toutes les portes.
la Sorelli ec la petiteJammes. Mais je vous si9nale que la Carlotca chante
- Il y a des ,;oleurs à l'Opéra? s'amusent N1oncharmin et
comme une seringue\ la Sorelli ne ,·aut pas mieux et la petiteJammes danse
Richard .
- Il y a quelque chose de pire: le fantôme! LamortdeBuquet est
w,avertissement.Vousdevez donneraufantômetoutcequ'ildemande.
Les nouveaux directeurs r ient de bon cœur : 2 lie CÙl:c: dt~ elurge~ : Ja lute d.c.: cbo:c~ i rt:$J>ecte:r d.uu = concn.t.
3 Lyrî.qut : w::e OCU\-n de mu::i!f1e clu~que et de dnu.e.
- Q.u e Yeut œ fant6me ? demande Richard. 4 Climtcr comme une. s.cl'îngue : cri~ m..ù chmtu.

14 15
comme un veaus. Par contre, le génie de Christine Daaé est certain. je musique pendant le spectacle. D 'apr ès eux, une voix dans la
nux l'entendre ce soir dans le r8le de Siebel. j e ,·eux aus,i aarder la loge loge leur disait : « Il y a quelqu'un». L' ou,nuse a regardé, mais
n° 5 pour moi. Ne m'enle~·ez pas ma loae, si ,·ous ,·oulez ~ilTe en paix. il n' y avait personne.
Signé .. . Ede l' Opéra. /v!oncharmin regarde Richard et sourit. /\·! ais Richard ne sourit
Aœ moment-là. Armand N1oncharmin entre dans le bureau. plus. L'inspecteur, lui, sourit pour faire plaisir à Richard. Mais
Il a reçu la même lettre. Les deux directeurs éclatent de rire. cela ne plaît pas à Richard.
Zvioncharmin remarque que la lettre est par tie du bur eau de - Il n' y avait personne dans la loge quand ces gens-là sont
poste d u boulevard des Capucines, c' est-à-dire près de chez arrivés ?
/vl. Debienne : - Personne !
- La plaisanterie continue, dit Richard, mais elle n' est pas - Qu'a dit l'ou\Teuse?
dr6le ! Poligny et Debienne veulent une loge pour ce soir ? Eh - Elle a dit : «C' est le fant6me de [' Opéra ».
bien, Zvionsieur Rémy, gardez la loge n° S pour ces messieurs. L' inspecteur rit de nouveau. Richard de\.ient méchant :
Les deux directeurs reçoivent toute la journée les artistes pour - Allez me cher cher l' OU\.Teuse !
parler de leur a\·enir. C'est une jour née de discussions difficiles
L' inspecteur veut dire quelque chose, m ais Richard lui dit:
et le soir de ce 25 janvier, ils se couchent de bonne heure. Le - Taisez-vous !
lendemain matin, ils r eçoivent deux lettres. La première est Puis, il lui demande :
signée F. de l' O. : - Q.u ' est-ce que le « fant6me de l' Opéra » ?
Jfon cher Directeur,
L' inspecteur n'ose plus parler. Il fait une grimace pour dire
Jferci. Charmante soirée. Daaé extraordinaire.Attention aux chœurs.
qu'il n' en sait r ien.
La Carlotta, magnifique, mais instrument ordinaire. je ~·ous écrirai pour
- Vous l' ave2 déjà vu ?
les 240 000 francs bientôt.
L' inspecteur bouge la tête pour dire « non » .
La deuxième lettre est signée de /v!M. Debienne et Poligny :
- Le fantôme est partout, m ais on ne le voit jamais. Je vais
JfeS:>ieurs,
m ' occuper de tous ceux qui ne Yoient pas le fantôme.
Jferci pour voue imitation. Mais nous ne pou~·ons pas occupe.r la loge
Zvi. Richar d travaille ensuite avec son administrateur et ne
n° S. Jtous sa,·ez à qui elle appartient..
;' occupe plus de l'inspecteur. Celui-ci se dirige tout doucement
- Ils m ' énen·ent, dit avec violenœ Fir min Richard.
vers la por te. Zvi. Richard hurle alors : « Ne bougez pa.s ! » .
Le soir, les directeurs louent la loge n° 5. Le lendemain matin,
L' OU\Teuse entre dans le bureau et le directeur lui demande son
l'inspecteur ' leur fai t part d'un incident durant le spectacle.
nom:
- Q.u e s'est-il passé ? demande Richard à l'inspecteur.
- Mame Giry. Vous me connaissez. je suis la mère de la petite
- Les occupants de la loge numéro 5 n'écoutaient pas la
Giry, la petite Meg.
5 D=u coteme w::i ,·e.;.u : mal <Ùruc:: . Le directeur ne oonnaît ni N1ame Gir y ni la petite Giry ni la
6 ~ ~pe,:c.,:ur : il :urnille h repré.:enuri.on. petite N1eg. Mais Zviame Giry pense que tout le monde la connaît.
16 17
Ses chaussures sont usées et sa robe est vieille. /vl. Moncharmin (vexé7 de la description de son physique par
- Qu' est-il arrivé hier soir ? demande le dir ecteur. /vlame Gir)') .
- Je voulais vous voir m oi aussi. Au début, lv!M. Debienne et - Mais si, quand M. Saack s'est enfui par l'escalier !
Poligny ne voulaient pas m ' écouter et ils ont eu des problèmes, - Le fantôme vous a raconté ça ?
- Non, c'est M. Maniera.
mais .. .
- Mais vous, YOUS avez parlé au fantôme ?
- Je Yous demande : que s' est-il passé hier soir?
- Bien sûr.
/vlame Giry n'aime pas qu'on lui parle sur œ ton. Elle se lève
- Il vous a dit quoi ?
pour partir puis se rassoit. - Il m'a dit de lui apporter un petit banc.
- On dérange encore le fantôme ! Richard, Moncharmin et le secrétaire Rémy se mettent à r ire.
Richard ,:as' éner ver, alors Moncharmin pose les questions. L' inspecteur n' ose plus rire, car il a peur de la colère du directeur.
lviame Giry trouve normal d' entendre « il y a quelqu' wt » dans - Ne r iez pas du fant6me, dit Marne Giry. M. Poligny aussi
une loge où il n'y a personne. O n peut la croire, car elle ne ment l'a entendu.
jamais. On peut aussi demander à MM. Debienne et Poligny, et
aussi à M. Isidore Saack, à qui le fantôme a cassé wte jam be.
- Le fantôme a cassé une jambe à Isidor e Saack ?
lviame Giry OU\Te de grands yeu.x. Ces directeurs ne savent
r ien ! Elle raconte alor s :
- Un soir, NL Maniera et sa dame, Julie ~rfaniera, sont au
premier rang. Derrière eux. il y a leur gr and ami, NL Isidore
Saack. On joue Faust et Méphistophélès chante « Vous qui faites
l'endor mie». NL Maniera entend alor s à son or eille droite : « Ce
n'est pas Julie qui fait l' endormie». Il se tourne à droite, m ais
ne voit personne. Puis, Méphistophélès chante : « Catherine que
j'adore, pourquoi refuser un si doux baiser ? ». La voi,-x dit à l'oreille
de ~ri. lvianiera : « Julie ne refuse pas un baiser à Isidore ! ». Il se
tourne du oôté de sa dame et voit Isidore qui embrasse la main
de sa femme. M. Maniera est grand et fort (comme Monsieur
Richard), il donne une gifle à M. Isidore, qui est mince et faible
( comme M. /vioncharmin). /vlais /vl. Saack réussit à s'échapper.
- Le fantôme ne lui a pas cassé la jambe alor s ? demande
18 19
- Un soir, on jouait La juive et M. Poligny assistait au spectacle
dans laloge n° .5. Quand Léopold a chanté « Fuyons ! », M. Poligny,
a quitté la loge, blanc comme un mort et s'est perdu dans l' Opéra.
Il le connaît bien pourtant ! Depuis ce soir-là. les dir ecteur s
réservent la loge n°,; au fan tôme. Il arrive vers le m ilieu d u
premier acte et frappe trois petits coups à la loge. La pr emière
fois.je ne comprenais pas, car je ne i:oyais personne dans la loge. Raoul l' aime tellen1ent
l\•1ais une voi.x m'a dit : « Mame Jules (c'est le nom de mon m ari).
un petit banc, s' il vous plaît». Cela venait du premier fauteuil. Je
ne i:oyais per sonne, mais il y avait quelqu'wt de très poli. J' amène
C hristine Daaé ne chante plus à l' Opéra depuis son triom phe
lors de la soirée de gala. O n ne la voit nulle part. Pourquoi ?
Personne ne le sait. On dit qu' elle est orgueilleuse 1 ou, au oontraire,
donc un banc à chaque fois, mais je ne le ,;ois jamais.
trop modeste 2 • Le ,icom te Raoul de Chagny lui écrit une lettre
L' inspecteur fait de grands gestes derrière l' ouvTeuse : cette
et wt matin il recoit cette réponse :
femme est folle. • Monsieur,Je n'o~blie pas l'enjan, qui est allé chercher mon écharpe
- Il laisse toujours une pièce dans la loge. continue Mame
dans la mer. Je pars aujourd'hui pour Perros 3. C'est l'anniversaire de
Giry. Parfois, je trou\·e une r ose. Une fois, il y a,;ait une boîte de la mort de mon paw-'re papa. Il vous aimait bien. Il est enterré avec son
mes bonbons anglais préférés. t-iolon. Le cimetière est au bord de la route où nous nous sommes dit adieu.
- C' est bien, Marne Giry, YOUS pouvez partir, dit Richard.
Le vicomte de Chagny s'habille très Yite et part à la gare
i\·1ame Gir y quitte le bureau et les deu..x directeur s disent à
1viontparnasse. ll rate le train et passe la journée à attendre le
l' inspecteur de ren,;oyer 1viame Giry de l'Opéra. Puis, quand
suivant. Une fois dans le wagon, Raoul relit la lettre de Christine.
l' inspecteur est parti, ils disent à l'administrateur de renvoyer
Il rêve de la jeune femme d urant toute la n uit du Yoyage. li
aussi l' inspecteur.
descend à Lannion puis prend la diligenceLpour Perros-Guirec.
Ensuite, ils ont la même idée : aller faire un tour dans la loge Le cocher s a vu la veille une jeune femme à l•air de Parisienne.
n° S.
Elle Yoyageaitseule et est maintenant à l'h6tel du Soleil-Couchant.
Raoul est heureux, car il va pouvoir par ler seul à Chr istine. ll
l'aime tellement !
Durantla fm de son voyage, Raoul pense à l'histoire de Christine
et à ses souvenirs avec elle. Enfant, Christine habite avec ses

1 Orgueillciue : dle ~ crou,·c mcr,'f':îUei.nc.


2 Mo~tc : dle uc. perue pu n'Oî:r de gr.inde: qui liID.
3 Perro~: Pe'ros.·Guiree, wtc ,·iUe en B:eugn.c.
4 Uee diligence : une. ..-oiwre i cb,-;J. Le bm d.c )'époque.
5 lie eocber : iJ coi::duit uuc. .-omn'e i cb,"1').

20 21
parents dans les en-irons d'Upsal, en Suède. Son père cultive la du pays du Nor d. Quand il se tait , les enfants disent : « Encore».
terre pendant la semaine et chante le dimanche. C 'est un grand L' Ange de la musique apparaît dans beaucoup de ses histoires. Ce
musicien. ll fait danser dans les mariages et les fêtes de toute la personnage rend visite à tous les grands musiciens au moins wie
Scandina,ie. ll apprend aussi à Christine à lire la musique. Christine fois dans leur i.ie. Grâce à lui, ils jouent très bien d'un instrument
a six ans lorsque sa mère meurt. Son père vend sa maison et ils ou chantent d'une façon extraordinaire. Le père Daaé n'a jamais
partent chercher la g loire à Upsal. /\.\ais ils ne trouvent que la vu l' Ange, mais il dit à Christine :
misère. Un jour, le professeur Valérius les entend jouer à la foire - Quand je serai au ciel, je tel' enverrai et tu l' entendras.
de Limby. Pour lui, le père est le plus grand ,ioloniste du monde Christine fait des études de musique. Elle est douée et on dit
et la fille a le talent d'une grande artiste. Valér ius et sa femm e qu •elle sera une grande artiste. Mais Christine perd son génie et
s'occupent de l' éducation de Christine. La mèreValérius considère son âme à la mort de son père.
Christine comme sa fille. C'est pourquoi Christine et son père Bien des années plus tard, Raoul entend Christine chanter à
accompagnent les Valérius lorsqu' ils vont s'installer en Franœ. l' Opéra. Il la trouve toujour s très jolie, mais elle semble détachée
i\·!ais le père Daaé regrette son pays : il passe ses journées dans sa de tout 7 . ll veut lui parler et ,..a souvent dei.·ant sa loge. ~lais
chambre à jouer du i.iolon et à chanter. Christine ne le ,..oit pas ou ne s'intéresse pas à lui. Et puis, il y a
L'été, ils partent tous ensemble à Perros-Guirec. Les couleurs le triomphe de la soirée de gala et la voix d'homme derrière la
de la Bretagne rappellent la Suède au père Daaé. A l'époque des porte de la loge. Pourquoi Christine a ri quand elle a oui.·ert les
pardons', Daaé et sa fille parcourent la région. Ils chantent et yeu..x et a vu Raoul ? Pourquoi lui écrit-elle maintenant?
dansent dans les ,illages et couchent dans des fermes. Un jour, Quand Raoul retrou Ye Chr istine à l'auberge, son cœur bat
sur une plage, le ven t empor te l'écharpe de Christine. Un petit très fort.
garçon lui dit : - Vous êtes venu, dit Christine. On m'a annoncé votre arrivée.
- Ne vous dérangez pas, lviadem oiselle, je vais ramasser i:otre Raoul prend la main de Christine dans ses mains et d emande :
échar pe dans la mer. - Q.u i?
C' est le vicomte Raoul de Chagny. Il en tre dans l'eau tou t - Mon pau,Te papa.
habillé. Sa gouvernante crie et Christine rit de tout son cœur. - Vous a-t-il dit aussi : « Raoul ,..ous aime, il ne peut pas vhTe
Raoul rapporte l' écharpe et Christine l'embrasse. Les deux enfants sans vous » ?
se voient ensuite tous les jours. Le père Daaé donne mê me des - Vous êtes fou , mon ami.
leçons de violon à Raoul. Ainsi, Raoul apprend à aimer les m~mes - Je suis sérieu.x. Pourquoi vous m 'ai.·e-z fait venir ici ?
airs que Christine. Ils ont tous les deux la même petite âme - Je ne sais pas. Je suis une petite fille heureuse de revoir son
rêveuse et calme. Le soir, après le coucher du soleil, le père Daaé petit camarade.
s'assoit avec eux au bord de la route. Il leur raconte les histoires Ils se taisent. Christine n' est pas naturelle et Raoul veut

22 23
Jaloux et malheureux, Raoul se rend au cimetière. Il se promène
parmi les tom bes. Des roses rouges sur l' une d'elles apportent
un peu de "ie dans ce décor de mort. La mort est partout et il y a
même des centaines de squelettes et de crânes oontre le mur de
l'église. Raoul pr ie pour le père Daaé puis, quand la nuit tombe,
il quitte le cimetière. 1l s'acSsoit face à la mer. 1l Yenait souvent
ici avec Christine pour voir danser les korrigans 5 . Il ne les voyait
pas, mais Christine disait e n voir beaucoup. Soudain, une voix
lui demande :
- Les korrigans "iendront ce soir ?
C'est Christine.
- Écoutez-moi, Raoul, je dois vous dire quelque c hose de très
grave. Vous ,;ous souvenez de la légende del' .Ange de la musique?
Eh bien , il est ,;enu me voir.
Raoul la comprend : elle doit mélanger le souvenir de son
père et son triomphe à l' Opéra.
- J'en suis sûr, r épond-il. Vous chantez tellement bien.
- Il "ient me donner des leçons quotidiennes dans ma loge.
comprendre pourquoi. Elle 3\·oue l' 3\·oir vu plusieurs fois à l' Opéra - Dans votre loge ?
a,..ant la soirée de gala. - Oui. C'est là que je l' entends. C'est lui qui a dit:« Il faut
- Pourquoi ne m' avez-Yous pas reconnu ce soir-là dans votre m 'aimer.»

loge? Car il y avait quelqu'un dans YOtre loge ? Raoul rit.


- De qui parlez-i:ous? - Q uoi , Raoul ?Vous ne me croyez pas? Il n'y a,;ait personne
- De celui à qui vous avez dit : « Je ne chante que pour vous ! » dans ma loge, mais !'Ange me parlait.
- Je le sais. Mais quelqu' un se m oque de Yous.
Christine attrape le bras de Raoul et le serre avec wie force
Elle pousse un cri et s'en ,:a. Il court après elle. m ais elle lui dit :
incro)'able.
- Laissez-mo i !
- Vous éooutez derrière ma porte?
Raoul rentre à l' auberge. Il est fatigué, découragé et triste. Il
- Oui. car je vous aime. i\•iaisil vous a dit :« Il fautm'aimer » .
dîne tout seul et lit ensuite dans sa chambre. Q.u e fait Christine?
Christine dei.i ent pâle, elle ,:a tom ber, mais Raoul la retient.
Dort-elle ? A o nze heures et demie, il entend marcher dans la
Elle fixe Raoul avec des yeux de folle puis elle se met à pleurer.
Le jeune homme Yeut la prendre dans ses bras, m ais elle se sauve
dans sa chambre.
24 25
chambr e de Christine. Soudain, il entend une porte. n regarde
dans le couloir et voit Christine descendre l'escalier. Puis il entend
l'aubergiste dire « Ne per dez pas la clé ». li retourne dans sa
chambre et voit Christine sur le quai par sa fenêtre. Raoul quitte
à son tour l'h6tel.
L'horloge de l' église sonne minuit moins le quart. Christine se
met à oour ir vers le cimetière. La lune éclaire la neige. Christine
veut sans doute prier sur la tombe de son père. i\•iais pourquoi ne
l'entend-elle pas marcher derrière elle ? Elle s'arr ête devant la
tombe et s'agenouille. Minuit sonne à ce moment-là. Au dernier
coup, la jeune fille lhe la tête, regarde le ciel et tend les bras Yers
la Lune. Que se passe-t-il ? Raoul lèi:e aussi les yeux vers le ciel
et entend une musique. Christine et lui la connaissent. C'est la
Résurreaion de Lazare. Le père Daaé leur jouait souvent . ~fais elle
est encore plus belle cette nuit. D ' où "ient-elle? Il n'y a aucun
musicien dans le cimetière. Raoul pense au "iolon dans la tombe
du père Daaé ! Il a alor s très peur et croit entendre rire les têtes
de mort contre le m ur de l'église.
Puis Christine se relèi:e et quitte le cimetière. Une tête de
mor t roule jusqu'au.-...: pieds de Raoul, puis une autre, et une
autre . .. ll voit alor s une om bre' sur le mur, elle ouvTe la porte de
l'église et pénètre à l'intérieur. li court dans l'église et attrape un
bout de son manteau. L' ombre se r etourne. Une effroyable tête
de m ort regarde Raoul avec des yeux de feu. C' est le d iable 10 !
Raoul s' éi:anouit.
Le lendem ain matin, il se r heille dans sa petite chambre de
l'auberge du Soleil-Couchant.

9 Uee o:mbre : \IJ!.t forme noire.


10 Le dil.b!c : il reprheuœ Je m.tl.

26 27
-;- Il m 'énen·e, crie Richard et il tape des poings sur la table.
A ce moment-là , N1ercier, l'administrateur. entre dans le
bureau:
- Lachenal veut voir l'un de vous deu.x.
- Q.u i est Lachenal ? demande Richard.
- L'écu yer' en chef. Il ; ' occupe donc del' écurie.
Un malheur à l' Opéra - Il y a une écurie à l ' Opéra ? Mais où est -elle ? À quoi sert-
elle ?
essieurs Richard et Moncharmin sont seuls dans la gr ande
M salle de l' Opéra. lis regardent la loge n ° 5 depuis le p; emier
rang des fauteuils d 'or chestre 1 . Tout à coup, M. Richard voit une
- Elle est dans les sous-sols. Nous avons douze c hevau..x pour
certains spectacles.
- Faites-le entrer.
form e dans la loge. /vl. Mon charmin en voit une aussi. Ils ne disent
Lachenal vient demander aux directeurs de renvoyer tous les
r ien, mais se pr ennent la main et restent quelques minutes sans
palefr eniers 5 car on a volé César, le plus beau de ses chevau.x.
bouger. Puis la forme disparaît. Pour 1v1oncharmin, la forme était
- Les palefreniers accusent des figur an ts' .
une tête de mort et pour Richard. c' était une i.ieille femme qui
- Et vous, ,;ous avez une idée ?
ressemblait à la mère Giry. lls r ient de leur imagination et courent
- Bien sûr. C'est le fantôme.
vers la loge. Elle est vide comme toutes les autres !
- Ah ! Vous aussi !
- On se m oque de nous, s'écrie Firm in Richard. Samedi, on
joue Faust et n ous serons tous les deux dans la loge n° S !
- rai vu une ombre noire. Elle montait un che,:al qui ressemblait
à César. J'ai couru après, m ais elle est partie à tou te allure.
i\•iais le samedi matin, les directeurs recoivent wie lettre ·
/vl. Richard se lève :
Jfes chers directeurs, · ·
- Très b ien, Monsieur Lachenal, vous pouvez n ous laisser . Je
C'est donc la 9uerre ?Si i,·o w "·oulez encore la paix, voici mes conditions :
vais déposer une plain te': oontre le fantôme et mettre à la porte
1) Me rendre ma loge.
vos palefreniers.
2) Christine Daaé doit chanter le r8le de « Marguerite » ce soir (ne
Lachenal sort du bureau et Richard dit à 1''1er cier :
1·ous occupez pas de la Carlotta, elle sera malade).
- Ren,;oyez cet imbécile !
3) Jt=' Giry doit retrouJ·er son ua,rai] d'ouvreuse.
- Mais c'est un ami de l\1. le commissaire du oouvernement . ~
4) Donnez une lettre à .4î-' Giry dans laquelle vous acceptez le cahier
Et il prend l'apér itif O\·ec des journalistes. Il ,·a leur raconter cette
des char9es comme vos prédécei:J.-eurs2•
histoire de fantôm e et nous serons ridicules.
À bon entendeur, salut 3 !
EDEI:O.
4 lie écuyer : il dre$:e les cM\-au."<.
1 L'orcb:~D'e : le: ph.cc~ ~~tu&:~ N même ,:,:h-cNqu,e: b lc.i:ee d= un thHa-e. 5 lie p ilc!renicr : il doi:::i::e i ~nl€-er et b,-c le cbe,.-w:c..
2 LI:$ pré<Utt:$c:Un : li:$ direec,e:un z•:mi: eux.. 6 ~ S.gurmi: : il pucî.cipc i uu $J>eeud e mm ri' a p:i~ de rôle priecip.ù.
3 A bon c:nteudcu.:r, ~Jlut : lt~ deux. di:r«uu;n doi•'C:l::t &ire cc que dit Ù. lettre, ::înon•.. 7 Déposer \!JI.'!: pb.il::tc : ~:ikr le b.:ttôme i. b police.

28 29
- D' accord, n'en parlons plus, dit Richard . Sur la scène, Christine Daaé chante. Elle aperçoit soudain le
A ce moment-là, Zviame Giry entre dans le bureau. Elle d it "icomte de C hagny dans sa loge et sa voix se met à trembler. Le
venir de la part du fantôme. Richard est furieux. ll fai t pivoter "icomte pleure comme un enfan t. Après son voyage à Perros ,
/vlame Giry et lui donne un coup de pied dans les fesses. Elle hurle Christine lui a écrit une lettre :
des menaces de mort. .Mon cher ancien pe.tît amî, ne venez plus me voîr si vous m'aîmez.
A la même heure, la Carlotta est dans son h6tel de la rue d u Ne venez plus dans ma loae. Il y va de ma 1-i e et de la vôue.
Faubourg Saint-Honoré. Elle lit une lettre anonyme à l'encre füue pe.tîte Christine.
rouge : « Ne chantez pas ce soir. Sinon, il ,·ous anivera un malheur pire La Carlotta entre bientô t su r scèn e sous de nombreux
que la mort ! » applaudissements. On l' acclame à la fm de ses airs. ~lais, soudain,
La Car lotta reçoit parfois ce genr e de lettre. D ' après elle, elles il arrive une chose effroyable. Son "isage se tord de douleur et
"iennent d'amis de Christine Daaé. La Carlotta ne l'aime pas et ses yeu.x sont comme fous. Puis le bruit d'un crapaud sort des.a
est jalouse de son triomphe. ~lais la Car lotta a aussi des am is, ils bouche : couac ! D'où "ient ce couac ? Il n' est pas naturel.c'est
seront ce soir à l ' Opér a pour la soutenir. Acinq heures, elle reçoit un sor tilèges ! La salle est sous le choc. La Carlotta r egarde
une nouvelle lettre de menace, m ais elle en r it. autour d'elle et plaœ ses mains au tour de sa gorge. Ce couac
Le soir, la salle est pleine d'habitués et les directeurs son t dans n'est pas à elle !Tout cela ne dure que quelques secondes. mais
la loge n° 5. Richard est assis dans le fauteuil du fantôme. Q.u and la elles sont interminables pour les deux directeurs. Depuis u n
instant, le fan tôme est avec eu..x. Son souffle soulève les cheYeu.x
représentation commence, il se penche ver s son associé et lui dit :
- Tu entends une i:oix, toi ? de Monchar min et le front de Richar d est en sueur ' . lls en tendent
s.a respiration, ils sentent sa pr ésence. Ils son t trois dans la loge l
- Ne sois pas trop pr essé ! Le fantôme arrive toujours vers le
Ils veulent fuir, mais n •osent pas.
milieu du premier acte.
- Continuez ! crie Richard à la Carlotta.
Le premier acte se passe sans incident .
Elle ne continue pas. m ais r ecommence à chanter le même air :
- Et d ' un, dit /v!oncharmin.
J'écoute. El jecomprends cette ,oit solitaire. .. (couac !) . .. qui chante
- Le fantôme est en retard, s'amuse Richard.
dans mon . .. (couac !)
A ce moment-là. Moncharmin m on tre une grosse dame et La salles' agite. Les deux directeur s n'osent plus regarder. Et
deu.x hommes mal habillés au milieu de la salle.
là, ils entendent dans leur oreille droite :
- C'est ma concierge, dit Richard. Elle ,·a bientôt remplacer
- Elle chan te ce soir à décrocher le lustre 10 !
Zv!ame Giry comme OU'-'Teuse et je lui ai donné des places. C 'est
Ils lèvent la tête et Yoient le lustre tomber et s'écraser sur la
sa première fois à l' Opéra.
tête de la concierge de M. Richard ! Elle meurt sur le coup. Les
Pendant l' entracte, les directeur s quittent leur loge quelques
instants. Q uand ils re"iennen t, ils trouvent wie boîte de bonbons
8 lie sorciüge : wte .1.ction magique.
anglais. D 'où "iennent-ils ? Us n' ont plus envie de r ire, surtout 9 Ec lUCW" : iJ .l elu.ud,
qu'ils sen tent un courant d'air autour d' eu.x. 10 lie lustre : wte grande b:mpe .lca-ocbée .i UD ph.fond..

30 31
- Elle est avec son« bon génie », l' Ange de la musique. ~lais
il ne faut pas le répéter.
- Vous pouvez com pter sur m oi.
Le bon génie, l' Ange de la musique, le fant8me de l' Opéra . .
Raoul ne sait pas quoi penser.
- Je vous aime bien, dit ~ ' Valérius. Christine aussi vous aime
bien. Vous lui avez dit votre amour. n' est-œ pas? Mais Christine
n'est pas libre.
- Elle est fiancée ?
- Non, mais le génie de la 1v1usique lui interdit de se m arier.
- Il lui interdit ?
- Pas '-Tai.ment. ~lais si Chr istine se marie, alors elle ne
l'entendra plus, il par tir a pour toujours. Elle ne veut pas le laisser
partir.c'est norm al.
- C' est normal .. .
- Elle ne vous l' a pas dit à Perros ? Son génie deYait jouer la
Résurrection de Lazare sur la tombe de Daaé a\·ec le "iolon de son père.
Raoul se lève et dit avec autorité :
journau.-x écrivent le lendemain : Deux cent mille kilos sur la tête
- Madame. dites-moi où ce génie habite !
d'une concierge!
- Mais. au ciel !
Après cette soirée tragique, la Car lotta tom be m alade et
Raoul est stupéfait ! Il com pr end l'état d' esprit de Christine,
Christine Daaé dispar aît pendant quinze jour s. L' enquête sur la
a\·ec un père superstitieu.~ et une mère folle.
chute du lustre conclut à un accident.
- Depuis combien de temps connaît-elle ce génie ? demande
Les deux directeurs sont tristes et traver sent maintenant
Raoul.
l' Opéra la tête basse.
- Il lui donne des leçons depuis trois m ois dans sa loge. Il n'y
Raoul leur demande des explications sur la disparition de
a personne à huit heures à l' Opéra. on ne les dérange pas. Vous
Christine Daaé. Ils r épondent simplement que Christine est
comprenez ?
absente, car elle est m alade. Ils n'en savent pas plus.
- Je com pr ends.
Raoul se rend chez ~rt=' Valérius , rue Notre-Dame-des-
Raoul quitte la vieille dame sur-le-champ". Il veut se taper la
Victoires. Ses cheveu.~ sont devenus blancs, mais ses yeux sont
tête contre les murs. Comment a-t-il pu se tromper sur Christine?
toujours jeunes.
- M. de Chagny ! dit-elle avec joie.
- Madame. où est Christine ?
32 33
Il la croyait innocente ! Le génie de la musique doit être Wl joli
garçon qui chante la bouche en cœur 12.
Raoul retourne chez son frère et tombe dans ses br as. Philippe
lui apprend qu •on a i.u Christine la veille au soir dans une voiture
dans le bois. Apr ès le d îner, ver s dix heures, Raoul se rend à
l'endroit indiqué. 1l fait très froid et la lwie éclaire la route. Une
demi-heur e plus tar d, wie .-oitur e ;' approche de lui. Une femme Qui est Érik ?
penche sa tête par la vitre ouverte. C'est elle ! N1on Dieu, comme
il l'aime !
- Christine !
R aoul relit la lettre de Christine et son espoir renait. Quelqu'un
utilise la ,ieille légende de l' Ange de la musique pour tromper
la jeune femme : l'idée lui fait mal, mais il pr éfère une Christine
i\•iais la voiture accélère et passe de,:ant lui, la i.itre fermée.
innocente à une Christine m enteuse. Mais peut-être joue-t-elle
Il court derrière et appelle encore, mais elle ne répond pas. li
a-·ec lui. Doit-il la plaindr e ou la maudire 1 ? Il ne sait pas. Alors,
l'aime, mais elle ne l'aim e pas.
tour à tour, il la plaint et la maudit.
- Raoul, cette jeune fille joue a-·ec toi.
Le bal de l' Opér a est une f~te extraordinaire. Raoul est déguisé
Est-elle timide? Mais pourquoi se promène-t-elle alor s avec
en domino blanc et porte un masque. A minuit moins cinq, il
un mystérieux amoureux ?
monte le gr and escalier et entre dans le salon derrière la cheminée
- Va-t'en ! crie-t-il. Disparais ! Tu ne comptes pas.
du grand foyer . li )' a beaucoup de monde. Très ,ite, un domino
Raoul a vingt ans et il i:eut mour ir.
noir lui serre la main.
Le lendem ain matin, son domestique le trou,.·e encore habillé
- C'est vous. Christine? demande-t-il.
et désespér é sur son lit. Raoul lui arrache le courrier des mains.
Le d omino place son doigt de,·ant ses lèvres : il ne d oit pas
Il r econnaît!' écriture d'une lettre :
dire son nom. Raoul la suit en silence. Il ne ressen t plus de haine
Mon ami, soyez demain au bal masqué de I' Opéra, à minuit, dans
contre elle. Il veut bien tout par donner. Il l' aime et bientôt elle va
le petit salon derrière la cheminée du grand foyer. Ne parlez pas de ce
tout lui exl'liquer. Ils passen t à côté d ' un gro upe de personnes q ui
rendez-,·ous..Mettez-,·ous en domino blanc~ bien masqué. On ne doit pas
entoure un per sonnage à l' aspectmacabre 2 • Ses habits sont rouge
,·ous reconnaître.
"if et il a un immense chapeau à plumes sur sa tête de mor t. On
Christine.
lit en lettres d ' or sur son long manteau : « Ne me touchez pas ! je
suis la .Mort rouge qui passe». Raoul reconnaît la tête de mort : c'est
celle du cimetière de Perros ! Il veut se pr écipiter sur elle. m ais
le domino noir l'entraine loin du foyer . lis mon tent deux étages

1 Maudire : pen~ du nul.


2 Mielhre : qui fait perucr i h mort.

34 35
puis entrent dans une loge. Raoul enlève son masque. Christine - Pourquoi m 'avoir laissé de l' espoir ? Pourquoi vous moquer
garde le sien et regar de dans le couloir : de moi ? Je vous déteste.
- Il doit être au-dessus. Il redescend ! - Un jour, vous me demander ez par don de ces paroles. Et je
Elle veut fer mer la porte, mais Raoul l' en empêche. vous pardonner ai.
- C'est lui, il ne peut pas m 'échapper. - Non l Vous m e rende-z fou. Je voulais donner mon nom à
]\,fais Christine ne le laisse pas sortir : une jeune fille d' O péra ! Je vais mourir.
- De qui parles-tu ? - Vivez, mon ami Et adieu ! Je ne chanterai plus, Raoul. Nous
- De votre am i du cim etière de Perros, N1adame, votre.Ange ne nous re\·errons plus.c'est fini !
de la musique. Je veu.-x enlever son ma,s.que et savoir qui YOUS - /\·l ais enfin, quelle est cette histoir e? Expliquez-moi ! Q.uelle
aimez et qui vous aime ! est cette comédie ?
- Au nom de notre amour. Raoul, restez là ! Christine ôte son masque :
Que dit-elle ? Elle ne par le jamais de leur am our. Pourquoi - C'est une tragédie, m on ami.
maintenant ? Veut-elle laisser le temps à la Mort rouge de Le visage de Christine est pâle, ses yeux sont mystérieux et
s' échapper ? Leur amour ? Elle ment ! tristes. Raoul est effrayé. Il tend les bras et dit :
- Mon amie ! Vous avez promis de me pardonner.
- Peut-être un jour.
Christine remet son masque et s'en va. Raoul veut la suivre,
mais elle fait un geste d'adieu. Il rejoint la foule du bal. Il cherche
la J\t1ort rouge. mais il ne la voit nulle part.
Vers deux heures du matin, Raoul se dirige vers la loge de Christine.
nentre et voit du papier à lettres sur le bureau. n pense lui écrire
quelques mots, mais entend des pas dans le couloir. Il se cache derrière
un rideau. Christine entre et murmure:« PauvTe Érik ». Pourquoi
dit-elle cela et pas « PaU\Te Raoul» ? Christine se met à écrire puis
s'arrête. Elle semble écouter. Raoul aussi entend une Yoi.x lointaine.
Puis la voi." s'approche. Elle est douoe et belle. Christine lui parle:
- Me voici, Érik, je suis pr ête.
]\,fais Raoul ne voit personne ! Un sourire illwnine le \isage
de Christine. La voix chante de nouveau. C'est à la fois fort et
doux. L' air est simple, mais la voix le rend magnifique. Christine
tend les bras oomme elle les tendait vers le violoniste invisible
dans le cimetière de Perros.

36 37
Raoul veut r éagir. mais il est aussi sous le charme du chant. Il
réussit quand même à tirer le rideau . Christine avance vers son
image dans un grand m iroir. Les deu..x Christine s' approchent
l' une de l'autre, se touchent, puis ne sont plus qu' une personne.
Raoul veut les saisir, mais il sent un vent glacé sur son "isage. ll
voit quatre, huit, ,i ngt Christine qui tournent autour de lui. Puis,
tout à coup. il se voit dans la glace. Christine n'est plus là.
Où est-elle? Il s'assied et pleure oomme un enfant :
- Q.ui est cet Érik?
Le lendemain, Raoul se rend che2 Nl1'=-~ valér ius pour avoir des
nouvelles de Christine. La dame est assise dans son lit et tricote.
Christine est là aussi et fait de la dentelle. Son "isage a de nou\·eau
des couleur s frakhes. Elle se lève et lui tend la m ain. Raoul ne
comprend pas.
- Eh bien, monsieur de Chagny. vous ne connaissez plus notre
Christine? Son« bon génie» .. .
- Zv!aman, Yous s.a\·ez bien que le génie de la musique n 'existe
pas. Je YOUS e.xpliquerai un jour. N1ais ceci n'intéresse pas Monsieur
de Chagny.
- Vous vous trompez. Et je m'inquiète del' a\·enture dangereuse
que vous vivez en ce moment .
- Christine est en danger ?
- Ne le crois pacS, mam an.
- Dans ce cas. ma chérie, pr omets-moi de ne pas me quitter,
dit M.'"' Valérius.
- C' est une bonne idée, dit Raoul. Restez avec nous !
- Seul mon m ari peut me contrôler. !\fais je n'ai pas de m ari
et je n'en aur ai jamais !
Raoul Yoit alor s un anneau en or à un doigt de Christine.
- Cette alliance est pourtant une promesse. Madame, pourquoi
me torturer ? J'ai vu votre réaction dans votre loge au son de la
voL-x. Vous êtes sous un charme dangereux. Le génie n' e.-xiste pas,

38 39
dîtes-vous. Alors, pourquoi le suhTe? Christine, dites-nous qui Raoul accepte de jouer : il espère décou"Tir le mystère pendant
est cette voix. Q.uel est le nom de cet homme ? ce m ois et que Christine acceptera ensuite de devenir sa femme.
- Vous ne le saur ez jamais. Les premiers jour s sont agréables. Ils se disent des choses
La maman Valérius prend la défense de sa fille : mer,;eilleuses, s'écrivent des lettres et passent des apr ès-midis dans
- Si elle aime cet homme, cela ne ,;ous r egarde pas. N1onsieur. la loge de Christine. Mais au bout de huit jours, Raoul annonce qu'il
- lin' est pas digne d'elle;. ne par t plus au pôle. Christine prend peur et disparaît deu.'< jours.
- Ce n •est pas à vous d'en juger. Vous ne savez rien sur lui. Puis Christine r emplace la Carlotta dans le rôle de La juive.
- Je sais wie chose : ils' appelle Érik. Vous avez dit : « PaU\.Te C'est un triomphe ! Raoul assiste au spectacle puis retrouve
Érik ». Christine dans sa loge. Il se m et à genoux, dit qu'il partira au
- Vous éooutez toujours aux portes? pôle et veut passer chaque heure de ce mois a-·ec elle. Elle pleure
- Non, j'étais dans votre loge ! et ils s' embrassent comme un frère et une sœur heureux de se
- Malheureux l Vous voulez qu•on vous tue ? retrou,·er. Soudain, elle entend quelque chose.
- Peut-être. - Sortez, dit-elle et.revenez demain. Ce soir.j'ai chanté pour
Raoul parle a,;ec amour et désespoir. Christine se met alor s à vous.
pleurer et lui prend les m ains. Elle lui demande d' oublier œtte Raoul revient le lendemain. i\•iais l' ambiance n'est plus la
voL-x et de ne pas chercher à en savoir plus. même. Ils se r egar dent avec des yeu..x tristes et ne disent rien.
- Ce mystère est donc terrible ? - Allons nous pr omener, dit Christine, l'air frais nous fera
- C' est le plus terrible. Ne Yenez. pas dans ma loge. Jurez- du bien.
le-moi ! Raoul espèr e sortir de !'Opéra, m ais elle l'entraîne au milieu
- Vous me promettez de m 'y in"iter parfois? du décor du prochain spectacle.
- Je Yous le pr omets. - Notre amour est bien ici, n' est-ce pas? Ces déoors voient
- Q.uand? les plus beau..x amours in,;entés par les poètes. Notre am our aussi
- Demain. est wie illusions.
- Alors, je veu..x bien jurer. Un autre jour, ils se promènent au milieu des oostwnes. ~lais
Le lendemain, Raoul et Christine se Yoient à l' Opéra. Raoul Christine devient de plus en plus ner,;euse. Elle court par fois
annonce que son ex--pédition au pôle part dans trois semaines. ll après wie ombr e imaginaire et s' arrête tout à coup. Sa m ain est
a peur de ne plus jamais la revoir. froide. Elle r it puis se met à pleurer.
- Fiançons-noust. pour W1 m o is, dit Christine. Apr ès votre Un autre jour encor e, ils passent devant une trappe' ouverte
départ, je ser ai heureuse toute ma ,ie avec le sou,;enir de ce mois. sur la scène. Raoul lui demande s' ils peu,;ent "isiter les sous-sols
Jouons au futur petit m ari et à la futur e petite femme ! de !'Opéra.

3 Eac digue. d' dle : il D' a p.u .us.ci dt qwlités pour elle. 5 Uee illu.:;io:n : dk u' e::oruu. pn.
4 Sc ~ l ' : s' ttiVsa i ~ m..uicr. 6 Uee mippe : une portt d.uu le s.ol

40 41
- Jamais ! dit-elle. Vous n' avez pas le droit d ' y aller. Tout ce
qui est sous la terre lui appartient.
- li habite donc là-dessous ?
- Je n'ai pas dit cela ! Venez !
Elle l'entraîne plus loin. Soudain, la trappe se ferme ,iolemment.
- C'est lui ?
- Mais non, dit Christine. li travaille. Christine raconte tout
- Àquoi?
- Aquelque chose de terrible. Nous sommes tranquilles quand
il travaille, car il n' a pas le temps de jouer avec les trappes.
C hristine et Raoul sont assis sur les toits de l ' Opéra.
- Bientôt , dit Christine, nous partirons. J'ai peur de
retourner avec lui sous la terre.
- Vous avez peur de lui ?
- N ' y retournez pas !
- Mais non!
- Je le dois. sinon de grands malheurs arriveront. ll va Yenir
Pourtant, Christine tremble et s'éloigne de la trappe.
me c hercher avec sa voix. 1l se mettra à genoux et pleurera. Ah,
Les jours suivants, ils se promènent dans les combles 7 • loin
je ne veu..x plus voir ses larmes par les trous de sa tête de mort !
des trappes. Christine est de plus en plus agitée. Un après-midi,
C'est trop horrible.
elle arrive très en ret.ard, le "isage pâle et les yeux rouges. Raoul
- Fuyons maintenant.
lui dit alors :
- Non, c' est trop cruel. ll doit encore m'entendre chanter
- Je ne pars pas au pôle avant de s.a\·oir le secret de cette voL~.
une fois demain soir. Vous viendre2 me c hercher à minuit dans
- Taisez-vous ! Il ne doit pas vous entendre sinon ...
ma loge et nous partirons.
- ]\,fais je peux vous sauver. Je ,;ous cacherai là où il ne viendra
Raoul et Christine se retournent en même temps.
pas vous c hercher. Puis, je partirai aussi parce que vous ne voule-z
- Vous avez entendu ? demande Raoul. Q.u elqu 'un souffre ici.
pas vous marier avec moi.
Ils se lèvent et regardent autour d' eu..x. i\•iais ils sont seuls sur
Christine le croit quelques instants. Alors, elle l'entraîne
le toit. Christine raconte alors son histoire.
jusqu'au dernier étage de l' Opéra. Elle serre avec for ce les mains
- Quand j'ai entendu la Voix pour la première fois, j'ai pensé à
de Raoul. Puis elle tourne la tête, inquiète. Elle l'entraîne encore
l' Ange de la musique. Elle m ' a proposé de me donner des leçons
plus haut, juste sous les toits. À chaque instant, elle regarde derrière
et j'avais confiance. L'œu,.Te de mon père continuait. J'ai fait des
elle, m ais elle ne voit pas l' ombre qui les suit.
progrès incroyables. La Voix habitait ma bouche. Mais en dehors
~.
de ma loae 1·e chantais a\·ec ma voLx ordinaire.« Attendez encore
un peu, YOUS verrez. nous étonnerons Paris», me disait-elle. Un
soir. je vous ai vu dans la salle. J'étais heureuse. rai raconté à la
VoLx mon am our pour vous. Elle est devenue jalouse.
Christine et Raoul restent un long moment silencieux dans les

42 43
bras l'un de l' autre. lls ne voient pas l'ombre des deu.x gr andes
ailes qui vient de se rapprocher d ' eu.x.
- Le lendemain, la VoLx m'a parlé avec wie gr ande tristesse.
Elle voulait remon ter au ciel. Je ne Youlais pas, car ses leçons
étaient si belles et m e faisaient penser à mon père. Je savais aussi
notre am our im possible, Raoul, à cause de votre plaœ dans la
société. C'est pourquoi je ne voulais pas vous voir. Un soir, la
VoLx m •a dit : « Va main tenant, tu peux apporter au.x hommes la
musique du ciel. »
Raoul se sou,ient du triomphe de la soirée de gala.
- Quand j'ouvrais les yeu.-.. dans m a loge après le spectacle, vous
étiez là, mais laVoix aussi.J'ai fait e.,--près dene pas vous reconnaître.
i\•!ais, plus tard , la voix m •a fait une scène horrible !Comment ne
me suis-je pas rendu compte de l' imposture I quand elle a joué du
"iolon sur la tombe de mon père? Et puis, un soir, j'ai quitté ma
loge sans sai:oir oomment. Je me suis retrouvée dans un couloir
noir. Un homme avec un grand manteau noir et un masque sur
le vis.age a posé sa main sur la mienne. Elle était froide et sentait
- Restez ! Vous dei:e2 tou t sai:oir ici.
la mort. Je m e suis évanouie. Am on réveil, j'a\·ais la tête sur ses
- Pourquoi ici ?
genoux. Qui était-il ? Où était la voix? Il m'a installé sur César, le
- Nous sommes loin des trappes. Je n' ai pas le droit de vous
che-..1blanc. Étais-je la prisonnière du fant8me de l' Opér a ? Nous
voir en dehor s de }' O péra. ll ne fau t pas le con trarier 3 •
sommes arr ivés au bord d ' W1 lac et nous sommes montés dans W1e
Raoul veut fuir tou t de suite. Mais Christine ne veut pas faire
barque 2 • Je me suis endormie à nou\·eau. Amon réveil, j'étais dans
de mal à Érik.
un salon. L' homme était à genou.x devant m oi : « Rassurez-vow.Vinis
- Q.u e ressentez-vous pour lui ?
ne courez aucun danger». C'était la Voix. Je voulais lui arracher son
- De l' horreur, mais je ne le déteste pas. Écoutez la suite de
masque. « Jtow ne courez aucun dan9er, mais vous ne devez pas toucher
mon histoire : Érik està m es pieds. Il me retient sous terre, mais il
à ce masque.Je ne suis ni ange, ni génie, ni fantôme.Je suis Érik ! » La
me r especte et il pleure. Je peux partir, mais il se met à chanter et
Voi.-.. était un homme ! J'ai alors beaucoup pleuré.
je reste, car ses airs sont doux. Je m ' endor s enoore etme réi:eille
Raoul et Christine se retournent à nou\·eau. L'écho r épète-t-il
cette fois dans une petite chambre. Je trouve wie lettre à l' encre
« Érik » ? Raoul se lève, mais Christine le r etient :
rouge : « Ji>us êtes seule en ce moment, car je suis en uain d'acheter le

1 Uec imponurc : la Voix s.c hitp.u~crpour l'Angc d.c Ja~u.c.


2 Uec buq,u,e: : un pccit bacuu en boU.

45
"
linge dont: ,·ousaurez besoin». Je suis donc entre les mains d'un fou! des hommes. Christine Daaé vous re9arde et a peur? Si elle tremble, c'est
Quand il revient, je lui demande d ' enlever son masque : « Jtous devant ,·oue 9énie. » Il tombe à mes genou..x et sa bouche de mort
ne ,·errez jamais le i."isage d' Érik. Dans cinq jours, i.·ous serez libre, car me dit des mots d 'am our. Pendant quinze jours, il s'occupe de
,·ous ne me craindrez plus et: vous reviendrez». Des larmes coulent moi. Il m 'emmène d'abord mar cher pr ès du lac. Puis nous le
sous son masque. Nous déjeunons ensemble puis il m'emmène traversons et allons nous promener en voiture dans le bois. Quinze
dans sa chambre et me montre son cercueil L : « je dors dedans. car jours plus tar d, je lui dis : « Je re,iendrai ». li me fait confiance
nous dei.·ons nous habituer à tout, même à I'éternités. » Je détourne la et me laisse par tir .
~te devant ce spectacle. Sur le pupitre d'un grand orgue, je vois - Vous revenez en effet le i:oir plus tar d.
un cahier avec des notes de musique rouges et le titre Don juan - Je rei.iens à cause de ses pleur s. PaU'-'Te Érik ! N1es visites
triomphant. « je travaille dessus depuis >ingt ans. Qyand il sera fini, je ne le calment pas, elles le rendent fou d'amour. /\foi, j'ai de plus
le prendrai ai.·ec moi dans ce cercueil et: je ne me réveillerai plus. » Il se en plus peur !
met au piano et nous chantons le duo d ' Othello. C'est m agnifique. - M'aimez-vous, Christine?
Petit à petit, je m ' approche de lui et j'arrache son masque. - Pourquoi me demander cela? Ô m on fiancé d 'un jour, je vous
- O h ! horr eur !. . . horreur !. .. horreur !. . . donne mes lèvres pour la première et la dernière fois. Les voici.
Christine p rend les mains de Raoul dans les siennes : une voix Raoul embrasse C hristine. Au mêm e instant, ils entendent
"ien t-elle de répéter trois fois« horreur l » ? un cri dans la nuit. Ils quittent le toit et voient un oiseau de n uit
- J'entendrai toujours le cri de sa douleur. O h ! Raoul, imaginez au..x yeu..x de feu. lls se metten t à cour ir. Soudain, un homme est
une tête qui bouge avec les quatre trous de son nez. ses yeux et devan t eux et dit :
sa bouche ! ll crie : « Ji:iis ma laideur ! Ji:ius êtes si curieuses, vous les - Par ici.
femmes. je suis beau ? je te fais peur? je suis fait avec de la mort de la Christine entraîne Raoul dans la dir ection indiquée.
t:êt:e aux pieds. Un cadane t'aime et: ne t:e quit:t:era jamais.je vais faire - Q.u i est-ce? demande Raoul.
asrandir le cercueil. Tu dois rester id maintenant, car t:u me sais horrible. - Le Persan . On ne sait pas ce qu'il fait à l'Opéra, mais il est
Si t:u pars, t:u ne rei."iendras plus. » toujour s là.
- Assez, crie Raoul, je vais le tuer ! Christine, où est ce lac? Us r ejoignentla loge de Christine. Soudain, le ,isage de Christine
- Tais-toi, et éooute la suite! Après œ la. il r am pe' jusqu'à sa devient blanc comme la mort.
chambre. Je reste seule et veux me tuer avec des ciseaux. i\•iais - O h, mon Dieu ! L'anneau ! li n'est plus à mon doigt ! Érik
il joue son Don juan. Sa musique est une longue et magnifique m •a dit : « JJ1alheur à vous, si i.·ous enlevez cet anneau. »
douleur. Érik fuit le regard des homm es. Je vais le voir et lui Us cherchent l'anneau partout , mais ne le trouvent pas. Christine
dis : « Érik, montrez-moi votre visase. Vous êtes le plus extraordinaire quitte Raoul sans rien dire. Le vicomte rentre chez lui et se couche.
Il Yoit deux yeux br illants au pied de son lit. li allume une lampe
4 tin «l'cucil : il co=i.ticnt Je c01'p$ d' Wl m01't..
5 L' êun:,iû: : k mnp~ mu d.ébut mfm. et la lumière fait disparaître les yeux. Mais sont-ils encor e là ? li
6 RmtpeT : zi.·mttr le ,-entre contre k $.OL cher che partout puis se trouve ridicule :
47
Raoul se lève et passe une robe de chambr e et des pantoufles 5 .
ll attrape une lampe et vérifie la porte-fen~tre. Une balle a traversé
la i.itre.
- Du sang ! k i et là encore ! Un fantôme qui saigne, c' est
moins dangereux !
- Raoul ! Es-tu deven u fo u ? Réveille-toi ! Tu as peut-être
tiré sur un chat !
- C'est possible! Est-ce Érik, un chat, une ombre ou un
fantôme ? Avec Érik, on ne sait jamais !
- Q.u i est Érik ? demande Philippe.
- C' est m on rival'.
Raoul fait sortir les domestiques et reste seul avec son frèr e.
- Demain, j'enlèverai Christine Daaé, dit-il à son frère.
Le lendemain, lors du petit-déjeuner, Philippe montre à Raoul
un article du journal !:Époque :
Une 9rande nouvelle : ily a une promesse de mariaae entre Mlle Christine
Daaé, artim !frique, et M. le •'icomte Raoul de Chaany. On dieque le comte
Philippe ne veut pas de ce maria9e. Mais comment peut-il l'emptcher ?
- Tu nous rends ridicules, Raoul, dit Philippe d 'une voix
triste. Cette petite te fait tourner la tête ! Je ne te laisserai pas
- Où finit le réel. où commence le fan tastique ? Ces yeux
partir avec elle ce soir.
brillent-ils dans mon imagination ?
Toute la journée, Raoul prépare l'enlèvem ent de Christine.
Il éteint la lampe et les yeux apparaissent de nouYeau .
- Est-ce toi, Érik ? Sic' est lui, il est sur le balcon !
A neuf heures du soir, une i:oiture s'arrête devant l'Opéra
derrière les voitures de la Carlotta, de la Sorelli et du comte
Il attrape un revolver et ouvTe la porte-fenêtre. !\riais il n'y
Philippe de Chagny. Une ombre dans un gr and manteau noir et
a per sonne, il se reoouche et voit toujours les yeux. Il tire avec
avec un chapeau mou s' appr oche de la i:oiture puis s' éloigne.
son revolver. Les yeux dispar aissent . Le comte Philippe et des
Est-ce le ,icom te de Chagny ou le fant8me ?
dom estiques entrent dans la chambr e :
Ce soir, on joue iirust. Tout le beau monde est là. Les spectateurs
- Qu'y a-t-il Raoul?
regardent avec cur iosité la loge du comte de Chagny. Philippe y
- rai rêi:é et je i.iens de tirer sur deux étoiles.
est tout seul et on parle de l' absence de son frère. On accueille
- Tu divagues' !
8 Des pm.t=RC$ : cbaurnuc~ pour )'il::téricur.
9 lie rion,J : Raoul et &ik aîmu,t b mœe femme.

48 49
Christine Daaé froidement (on ne lui pardonne pas de vouloir
épouser un "icom te) . ~fais elle chante avec tou te son âm e et la
salle lui fait un triomphe. Un homme se lèYe au centre de la salle.
C'est Raoul ! Christine tend les bras et chante :
- Anges purs ! .Anges r adieu.x 10 ! Porte2 m on âme au sein des
Cieu.-x 11 !
Ace moment-là, la lumières' éteint dans la salle. Les spectateurs La drôle d' histoire des directeurs
poussent Wl cri, mais très vite la lumière r e"ient.
Christine Daaé a disparu de la scène. Les anges i.iennent-ils
d' emporter la chanteuse dans les cieux ? Raoul pousse un cri.
L es ar tistes, les machinistes , les danseuses et les figuran ts
parlent de la disparition de Christine Daaé :
- La Carlotta a fait le coup !
Philippe est debout dans sa loge. Les spectateurs regar dent l'un
- Non, c'est le vicomte de Chagny.
puis l'autre. Cet événement a-t-il un rappor t avec l' article d u
- Non, c'est le fantôme !
matin dans tÉpoque? Raoul quitte sa place et Philippe disparaît
Dans un coin, Gabriel, le maîtr e de chant, lviercier,
de sa loge. Puis le rideau se lève et on annonce : « Nlesdames,
l'administrateur et Rémy, le secrétaire parlent des directeurs.
lviessieurs. ~ladame Christine Daaé a disparu sous nos yeux. Et
Richard et Moncharmin sont dans leur bur eau depuis le dernier
nous ne savons pas comment ! »
acte de Fawt et ne veulent pas être dérangés.
- lvioncharmin m ' a ou\·ert la porte, dit Rémy. Il a crié« A1·ez-
,·ow une épingle à nourrice 1 ? ». On lui en a apporté une etil a r efermé
la porte. Ce soir, on ne devait pas les toucher et ils marchaient
à r eculons 2 ! ! !
- Monchar min m 'a aussi ouvert la porte, dit Mercier. Il était
très pS!e. J'ai dit « On a enlei·é Christine Daaé » . Il a r épondu : « Tant
mieux pour elle ! » ll a mis dans ma main une épingle à nourrice et
il a r efermé la por te. Nos directeurs deviennent fous.
Une voLx leur demande :
- Pardon, lviessieurs, pou,;e-z-vous me dire où est Christine
Daaé?
C' est le ,icom te Raoul de C hagny. La question est étrange
et les trois hommes rien t. A ce moment-là, un homme arrive. ll

10 Ra.,fü:u."( : mcn--cillcux. 1 Epingle i nOW'Ti«; : dk pcrmoec d•atucbcr hciloemc:1.t deux MOl'Cel.UX de cinu.
11 Les Cita.~ : plwid de « ciel • · 2 Mucher i reeuloru: m.uc.kr ,-en l'ariùe.

50 51
est calme, il a le visage rose, les cheveux frisés et les yeux bleus.
C'est le commissaire de police /vlifroid :
- Enchanté de vous voir 3 , Monsieur le i.ioomte de Chagny.
Vous voulez bien i.·enir avec m oi dans le bureau des directeurs ?
Pour comprendre l'attitude étrange des deux directeurs lors de
cette soirée. il faut revenir quelques jours en arrière. Ce m atin-là.
les directeurs trouvent une lettre sur leur bureau :
Mettez ,ingt billets de mille francs dans l'em·eloppe marquée « A
Monsieur Ede I' O. » et remettez-la à M=• Giry. Ellefera le nécessaire.
Edel'O.
Les directeurs donnent. donc l 'enveloppe à ZvP11.c Giry a,.·ec les
billets. lls surveillent ensuite l' ouvTeuse avec ~1ercier et Gabriel.
Quand celle-ci dépose l'enveloppe dans la loge du fantôme, les
quatre hommes l'observent. ils attendent, mais personne ne vient.
Les deu.-x directeurs reprennent. alors l' eni.·eloppe et s' aperçoh·ent
qu'elle contient maintenant de faux billets ! Comment cela est-il
possible?
Zvioncharmin veut prévenir la police, mais Richard refuse : il ne
veut pas être ridicule. Un mois plus tard, le matin de la disparition
- Vous croyez tout ce qu'il ,..ous dit?
de Christine Daaé, les directeurs reçoivent une nouvelle lettre
- Bien sûr ! N1a petite Zvieg est chef de ballet grâce à lui. car il
signée Ede l'O. Une demi-heure avant le début de Faust, Richard
a donné l'idée à M. Poligny. M. Poligny faisait tout ce que disait
place les billets dans l' enveloppe et fait venir la mère Gir)' :
le fantôme.
- Bonjour Messieurs, dit /\-lame Gir)'. C' est le jour de
- Ah ! le fant6me est donc un ami de Poligny ! Et oomme
l'enveloppe ?
Mm, Gir y est une amie de M. Poligny... Vous sa,·ez ce qu'il y a
- Oui. Mais cette blague a assez duré. Qui est votre complicé ?
Mm, Giry ne comprend pas. Le fantôme lui donne juste di," dans cette em·eloppe ?
- Non ! Je le jure.
francs pour lui porter l' enveloppe.
Le directeur lui montre les billets et dit :
- Pourquoi vous faites cela pour lui ?
- La police va vous arrêter !
- J'ai trou,·é une lettre un jour dans la loge. Elle disait que
zvp11.c Giry se jette sur le directeur.
ma petite Meg allait devenir impératriœ.
- Pourquoi ?
3 Eucluntê de \'OU$ ,-o:ir : je s>.ili bi:ureux de \"OUS voir. - Car vous êtes une i.·oleuse !
4 Un complice : b pcrsom,.c qui fut h bbguc d.c 1'cn,,cJoppe. a\'« d ie. - Répète !
52 53
lviame G ir y donne des gifles à Richard. ~·1 oncharmin veut Puis, Richard marche à r eculons (il a marché comme cela, il y
l'arrêter, mais 1v1=• Giry attrape l' enveloppe et gifle le directeur a un m ois devant le sous-secrétaire d' État aux Beau..x-Arts) . Et,
a\·ec. Les billets s' eni:olent . Les deux directeurs se jettent sur les quand quelqu'un Yeut lui dire bonjour, il ne veut pas qu'on le
billets : touche (car personne ne l' a touché il y a un mois!) .
- Ils sont toujours vrais, Monchar min ? /\.\ais personne ne pr end l'enveloppe dans la poche de Richard.
- Ils sont toujours vrais, Richar d ? Les deux direct eurs se retrouvent donc dans leur bureau.
- Ils sont toujours vrais ! ! ! i\•ioncharmin accuse Richard d ' être un voleur et Richard accuse
]\,pi.~ Gir y se jette aussi sur les billets : Moncharmin d'être w, voleur. Moncharmin a alors l'idée d'attacher
- Ah , je suis une voleuse ? Vous, Monsieur Richar d, i:ous l'enveloppe au pantalon de Richard a\·ec une épingle à nourrice :
s.a\·e2 mieu..x que moi où sont les premiers vingt mille francs, car - Comme cela, tu sentir as la m ain qui prend l'enveloppe.
ils étaient dans i:otre poche ! Les deu.x directeurs attendent ensuite dans leur bureau jusqu' à
i\·ioncharmin demande des ex--plications. minuit. Lorsque le douzième coup sonne, N1oncharmin dit :
- Le fant6me me demande de mettre l'enveloppe dans la poche - Nous pouvons nous en aller maintenant. Je peu.x regar der
de M. Richard et de placer dans la loge w,e autre enveloppe qu'il dans ta poche ?
me donne. Regardez, j'ai d'ailleurs ici une enveloppe préparée Richard sent l'épingle. Mais l'enveloppe n'est plus là !
pour aujourd'hui. - Le fant6me . .. dit Moncharmin.
- Comment faites-vous cela ? demande Richard . C' est à ce m oment-là que le commissaire Mifroid frappe à
- Cela se passe dans les coulisses.s . Il y a du monde et vous
leur porte et dit :
ne faites pas attention. La dernièr e fois, c'est le soir où le sous-
- ÛU\Tez. au nom de la loi !
secrétair e d ' État au.x Beau..x-Arts était là.
Les directeurs ouvr ent et le oonunissaire entre. Quand Raoul va
- Évidemment ! dit M. Richard. Le fant6me peut ensuite m e
franchir la porte, le Persan pose sa main sur son épaule et lui dit :
prendre l'argent dans la poche, car je ne sais pas qu'il y est! C'est
- Les secrets d' Érik doivent rester secrets.
une excellente idée.
- Christine Daaé est-elle ici ? demande ~·fifroid aux directeurs.
/v!oncharmin soupçonne Richard de gar der l'argent pour lui
- Non, répond Richard. Pourquoi ?
et les deu.x directeurs se disputent. Richard lui propose alor s le
- Elle a disparu en pleine représentation. Elle chantait pour
plan suis.nt: 1° Lui, Richard, ,.._ faire les mêmes gestes qu'il )'
les anges du Ciel et a dispar u . Mais w, ange n' a pas fait le coup.
a un m ois. 2° Moncharmin i:a surveiller s.a poche. Comme cela,
- Si, c' est un ange, dit Raoul. Il s'appelle Ériket habite !'Opéra.
ils verront qui pr end l' enYeloppe dans sa poche !
C'est l' Ange de la musique.
Voilà pourquoi le soir de la disparition de Christine Daaé, les
Le commissaire se tourne vers les directeur s. Ils seoouent la
deux directeurs vont dans les coulisses avant le début de Faust. ll
tête : ils ne connaissent pas cet homme.
laisse Marne Giry mettre l' enveloppe dans la poche de Richard .
- O h si, dit le ,icomte, ils connaissent le fant6me del' Opéra.
5 LC$ C01l.W$u : Jâ oû k~ aettun ~c prép.aei::c.. Le fantôme et l' Ange, c'est la m ême chose. Son i.Tai nom est Érik.
54 55
- Vous ,;ous moquez de la police ? dit Mifroid . Et vous - Vous êtes sûr de cela ?
lviessieurs. ,;ous oonnaissez ce fantôme ? - Il est parti dans sa voiture juste après sa dispar ition et a pr is
- Non ! ~lais nous ,;oulons bien le connaître. car. ce soir. il la route de Bruxelles.
nous a volé i.i ngt mille francs ! - Oh ! dit Raoul, je vais les rattraper.
« C.es trois hommes sontfous». se dit le commissaire. Raoul quitte le bureau fur ieux.
- Commençons par la chanteuse. nous verrons pour l'argent - Ramenez-nous Christine Daaé, crie le commissaire.
ensuite. Où avez-,;ous ·vu cet Érik. lvionsieur de Chagny? Puis, le commissaire se tourne ,;ers les directeur s et dit :
- Dans Wl cimetière. - Je ne sais pas si le comte de Chagny a enleYé Christine Daaé.
Raoul raconte son i.·oyage à Perros-Guirec. le violon. la tête i\·iais comme œ la, le i..i com te trai.·aille pour m oi !
de mort. . On écoute son histoire et on le pr end pour Wl fou. A peine sorti du bureau , une ombre arrête Raoul :
A ce mom ent-là, un policier entre dans le bureau et par le au - Où allez-vous si i.ite ?
commissaire. J\.1. lviifro id dit ensuite à Raoul : - C' est encore vous ! Et qui êtes-vous donc ?
- Votre frère a enlevé Christine Daaé. - Je suis le Persan. Où courez-vous ?
- Je ,;ais sauver Christine.
- Alors, restez ici. Car Christine est ici avec Érik !
- Comment le savez-vous ?
- Un seul homme au m onde peut réussir cet enlèvem ent.
- Vous connaissez donc Érik ?
- Je peux ,;ous conduire auprès de lui. Ne dites pas son nom.
Appelons-le« Il» pour ne pas attirer son attention.
- li est près de nous ?
- C' est possible.
Le Persan conduit Raoul dans des endro its cachés de !'Opér a.
Les deux hommes montent et descendent plusieur s escaliers. Puis
le Persan ouvre une petite porte. Ils se retrouvent dans un couloir
qui mène jusqu'à la loge de Christine.
- Vous connaissez bien l' Opéra.
- Moins que lui !
Ils entrent dans la loge de Christine. Là, le Per san montre
deu.x pistolets' à Raoul.
- Vous i.·oulez vous battre en d uel ? demande Raoul.

6 lie p~tolet : =e .ame i. feu.

56 57
- N ous allons nous battre en duel contre le plus terrible des
adversaires, mais à deu.."' oontre un.
- l\•1oi, j'aime Christine, mais ,;ous, pourquoi voulez-vous vous
battre ?Vous h aïssez1 Érik ?
- N on. Il m 'a fai t du mal, m ais je lui ai pardonné.
Raoul retrouve che2 le Persan la pitié' de Christine pour Érik.
Le Persan appuie avec le doigt sur le mur. À la poursuite du fantôn1e
- Dans wie demi-minu te, nous serons sur son c hemin.
ardez votre main devant votre visage et soyez prêt à tirer, dit
Ils se placent tous les deux devan t la glace. Le Persan appuie
contre le miroir pendant un long moment. Tout à coup. la glace
_ G le Persan à Raoul.
Le Persan attrape une lanterne. ll ouvTe ensuite une trappe
tourne sur elle-même et en traîne Raoul et le Persan. Les deux
dans le p lancher.
hommes passent de la lumière à l'obscurité.
- Suivez-m oi !
Le Persan tien t son pistolet entre les dents puis se laisse glisser
à travers la trappe. Raoul le suit et tombe dans ses bras. Aussitôt ,
Raoul enten d la i:oL'\: du commissaire Zviifroid. Le policier est
proche, m ais il ne peut pas les Yoir. D'où il est, Raoul aperçoit
trois cor ps sur wt escalier.
- Lui, dit sim plemen t le Persan.
La voix du commissaire de,ient plus forte. Il pose des questions
sur l' éclairage del' Opéra. Puis, lvlifroid décou,Te l' un des corps :
- C' est Mauclair, dit le r égisseur, le chef des éclairages. Il est
mort.
- Il est plu tô t ivre m or t 1 . Ou b ien on lui a fait pren dre un
narcotique 2 • Et là, deux autres corps !
- Ce sont ses aides, dit le r égisseur.
- Ils dorment profondément , dit Mifroid. C'est une affaire
très cur ieuse. Enlever une artiste en scène est très difficile à faire.
Qu'en p ensez-vous, Messieur s ?
Raoul et le Persan entendent alors la voix de M.o ncharmin :

7 Hm : déttHcr. 1 hTe mort : il dort eu iJ a trop bu..


8 La pitié : Cbirnne et le Pcnm so:i::t m..alh,:u;rcu.,"( pour Erik. 2 lie mrcoôque : un médicnncnt qui fait dorreir.

58 59
- Nous ne com pr enons pas ce qui se passe ici.
- Merci de Yotre aide . . . , dit Mifroid .
• Le policier , le régisseur et les dir ecteur s repartent avec les
corps. Raoul et le Persan con tinuen t leur descente dans les sous-
sols. Quand ils arriven t au troisième sous-sol, wie voix r etentit :
- Tous les machinistes doivent venir sur la scène, le commissaire
veut les vo ir.
Le Pers.an attire Raoul d ans une cachette . Des hommes passent
près d ' eux.
- lls ne doi,;ent pas nous trouver, par tons ! Et restez prêt à tirer.
- Mais je fatigue .. .
- Vous pouvez mettre le pistolet dans votre poche. i\•iais gardez
toujours la main devant i:otre visage. C'est une question de "ie
ou de mort. Maintenant, taisez-i:ous et sui,;e-z-moi.
Ils arrivent au cinquième sous-sol.
- Couchez-vous, crie le Persan.
Une ombre passe près d'eux. Elle porte un long manteau et
un chapeau mou. Elle donne des coups de pied dans les mur s.
- C' est Lui ? demande Raoul. Puis la t ~te disparait. Raoul et le Persan souffient 3 •
- Non. - Érik m ' a parlé de lui, mais je ne m'en souYenais pas.
Il veut ajouter q uelque chose, mais une figure fantastique - Nous sommes encore loin du lac ? demande Raoul.
- Nous ne pouvons pas entrer che2 lui par le lac. La Voi.x de
ap paraît soudain deYant eux. C' est wt visage en feu qui n'a pas
la sirène"- est trop dangereuse.
de cor ps.
- C' est la prenùère fois que je la vois, dit le Persan. Ce n'est - Mais oomment peut-on sauver Christine ?
- Nous allons passer par un passage pr ès du décor d u Roi de
pas Lui m ais il l'envoie peut-être. Atten tion, Lui peut arriver par-
Lahore, là où est m ort Joseph Buquet. Nous y étions tou tà l'heure
derrièr e. Gardez YOtre m ain à la hauteur de votre œil.
a\·ant de devoir fuir.
Ils se m ettent à cour ir, mais la tête les suit. Ils arrivent deYant
Ils remon tent au troisième sous-sol. Le Persan appuie sur le
un mur etne peu\·en t plus avancer . Ils entendent alors des milliers
mur pr ès du décor du Roi de Lahore. Une pierre bouge et un trou
de petits pas avancer dans leur direction. Le bruit est terrible. La
apparait dans le mur .
tête s' approche et leur parle :
- Ne bougez pas. ne me suh·e2 pas. je suis le tueur de r ats, 3 Souffioer: ili ont eu pcurmili nuil::tcn.un, le dm gcr e t p:m.ê.
laissez-moi passer aYec mes rats. 4 Uec ~ :rra : un pc:so=igc ~ i-!cmmc ~i·poisK>~.
60 61
- nfaut n ous laisser tomber de quelques mètres, dit le Persan. Depuis ce jour, j'ai peur pour les autres et je sun·eille sa relation
Je vais passer en premier. "·ec Christine Daaé. Érik est laid . nne peut pas être avec les autres
• Raoul se jette apr ès le Persan et celui-ci l 'attrape. Au-dessus humains car sa voL'\: ne fait pas oublier son "isage. Bien sûr, wie
d'eux, le mur se referme tout seul. Le Persan trouve une corde très belle personne a le droit d ' aimer le plus horrible monstre.
sur le sol : i\•iais Christine Daaé est amoureuse du vicomte de Chagny. Elle
- Le.fil du I>endjab ! dit le Persan. On a étranglé' M. Buquet avec. ne pense à Érik que par peur. Si Ér ik l' apprend, il peu t faire les
Raoul rem arque un arbre qui monte jusqu'au p lafond. Puis il pires choses. C'est pourquoi je dois la sauver . Je suis même prêt
passe la main sur les murs. à tuer Érik pour cela.
- Ce sont des g laces ! d it-il. Le vicomte et moi cherchons donc Érik dans sa maison des s.ous-
- Nous sommes dans la chambr e des supplices' , dit le Persan. sols. Nlais que pouvons-nous oontre W1 grand prestidigitateur 5 ? Sa
science et son imagination lui donnent des forces extraordinaires.
* •
En plus, c'est le r oi du.fil du Pendjab. Cet art permetd' étrangler
* un ad\·ersaire avec un mince fil. N1ais je connais wie parade' :
Apr ès la fm de cette histoire, le Persan enverra aux journ au..~ garder sa m ain à hauteur des yeux. Ainsi, le fù s'enroule autour
\llle lettre pour raconter les évén ements. Voilà ce qu'il ex--pliquer a : de la main et on peut l' enlever facilement.
J'ai connu Érik en Perse il y a longtemps. Quand je le retrouve Chez nous, on appelle Érik l'amateur de trappes. na transformé de
à l' Opéra de Paris, je me m ets à le sur veiller. Un jour, je i:eux nombr eux châteaux avec ses trappes et ses inventions. La chambre
traver ser le lac pour entrer chez lui. i\•i ais la YOÎX d'une sirène des supplices 10 est son invent ion la p lus horrible. Il y a toujours
m ' attire. Je me penche à l' extérieur de la barque et deux b ras un fil du Penjab par t erre dans cette chambre pour se suicider 11 •
monstrueux m'attrapent. Ils m e retiennent sous l' eau et je crois Le ,icomte et moi sommes donc dans la chambre des supplices.
mourir. i\•iais c'est Ér ik et il me conduit sur la r ive. Nous ne pouvons pas voir de sor tie de ce côté des glaces.
- Pourquoi veux-tu entrer chez moi ?Je ne i:eu.-x voir personne ! Tout à coup , nous entendons le bruit d'wie porte qui s'ou,..Te
- Tu m ' as promis de ne plus tuer des gen s ! et se ferme. Puis, la voix d 'Érik :
- Je n'ai rien fait de mal. - C'est à prendre ou à laisser : la messe de mariage ou la mel)-e
- Et le lustre ? des morts.
- Ce n' est pas moi, cher daroga1 . Ce lustre était très "ieux, Je tiens le br as du \icom te devant sa bouche, il ne doit pas
il est tombé t out seul. l\riaintenant, pars et ne reviens jamais. Les réagir et appeler Christine Daaé. Le monstre ne doit pas connaître
secrets d 'Érik doivent r ester les secrets d'Érik. Tant pis pour le notre pr ésence.
monde si on les découvTe ! - i\•iaintenant, ditÉrik, je veux vÎ\.Te conune les autreshwnains.

8 Un prcâdigîmeur : un ffU€:icim.
5 Ecrmglé : $C1Té la :o1'gc. 9 Uec puidt : uec :11cêon qui empêcht k S1 d'étnngltr b pusom1.t.
6 Un supplia: : \IJ!.'1: torwre, ut1.e grande. sou.ffi.mcc. 10 lie supplia: : =t ;ccion doulourew.e.
7 Duov, : un policier en Pcnc. 11 Sc $lÛci~cr : se cuu s.oi·m.êmc.

62 63
Je veu..x a,;oir Wle femme comm e t ou t le m onde. rai inventé un - Qu'est-ce que tu as fait de mon sac? Tu voulais être libre
masque qui me fait une figure normale. Tu seras la plus heureuse pour m e pr endre mon sac ?
• des femmes. Nous chanterons ensemble. Tu pleures ? ~fais je Nous entendon s les pas de Christine qui s'approche du mur
ne suis pas méchant. Aime-moi et tu le oomprendras. Pourquoi de la c hambre.
pleures-tu ?Tu ne m'aimes pas ! - Si nous devons vivre ensemble, Érik, œ qui vous appartien t
Nous entendons alors une sonnerie. m 'ap partient.
- Q.u i "ien t encore nous déranger ? Attends-moi un peu. Je - Q.u e ,..eu..x-tu faire ai.·ec œs clefs?
vais demander à la sir ène d ' OU\Tir ! - Je ,..eu..x i.isiter cette chambre dont ,..ous cachez l' en trée.
Christine doit maintenan t être seule dans la pièce. - Je n •aime pas les femmes curieuses. Rendez-moi ce sac !
- Christine ! crie le vicomte. Christine crie de douleur . Ace moment-là, le vicomte hur le,
- Je rêYe, dit-elle. car il ne peut pas aider Christine.
- Ce n •est pas un r êve, nous sommes là pour vous sauver. - Qu'est-ce que c' est que ça? ditÉrik.Tu enten ds, C hristine ?
- Raoul ! - Non ! Vous devenez fou.
Christine a très peur. - Il y a quelq u 'un dans la cham bre des supplices ! Ah, je
- J'ai jusqu'à demain 0112eheures du soir pour accepter d ' être comprends maintenant. C'est ton fiancé, peut-être?
sa femme. Ce sera la messe des m orts ou la messe de m ariage. - Je n'ai pas de fiancé.
« Et. si non, tout le monde est mort et enterré ! » a-t-il dit. - Nous n'avons pacS besoin d ' ouvTir la porte pour vérifier.
Christine voit la porte vers la chambre des supplices. Elle est J'allume la chambre .. .
fermée et la clef est dans un sac en cuir dans la c ham bre d ' Érik. Une lumière forte nous éclaire. Le vicomte tombe par terre.
- Tu peU,'< regarder la chambre des supplices par la petite
/\fais Christine ne peut pas aller la chercher.
fenêtre du haut.
- Je suis attachée car j 'ai essayé de me tuer. Chut ! Il rei.ient.
- Quels supplices ?
Nous entendons des pas puis :
- Alle-z voir, ma chérie ! Montez !
- Mes habits sont tou t mouillés, je suis désolé. C'est la faute
Nous entendons une échelle rouler.
de l' auue. N1ais la sir ène lui a ouvert. Pourquoi as-tu crié ?
- Il n'y a personne, dit Christine. Mais c'est très beau. Vous
- Je souffre, Érik. D élhTe2 mes m ain s.
êtes lUl grand ar tiste. l\•1ais pourquoi appelez-vous cela la chambre
Érik hésite puis accepte :
des supplices?
- D' accord. Mon Dieu, tes poignets ! Je leur ai fait m al ! Je
- Vous avez vu quoi ?
mér ite la mort ! A propos de mort, je dois chanter la messe des
- Une for êt, ai.·ec des ar bres, et des branches .. .
morts pour le malheureu..x qui a sonné.
- Et dans les branches, il y a un gibet 12 ! Voilà pourquoi cela
Quel m alheureu..x la sirène a-t-elle tué ? O n entend alors
s'appelle la c hambre des supplices. Mais j'en ai assez. Je veux
un chan t sublime dans toute la maison. Puis la voix et l'orgue
s' arrêtent d ' un ooup :
64 65
un appartemen t et une ,ie tranquille comme tout le mon de. Tu
m 'aimes ?Tu vas t 'habituer à moi et m ' aimer.
• Érik se met à par ler avec son ventre, car il est ven triloque. Il
fait p ar ler une chaise, un mur. son s.ac .. .
- Vous me fatiguez avec votre i:oix. Il fait très chaud ici. Le
m ur est brûlan t .
Christine compren d que la lumière fait partie des supplices et Le scorpion ou la sauterelle ?
supplie Érik del' éteindre. /\fais Érik r it. Je ne peu.x plus r etenir
le vicomte qui frappe oontre les murs. Nous en tendons alors des
b r uits de lutte puis d'un corps qui t ombe et qu'on traine sur le
L e r écit du Persan continue ainsi :
Le "icom te et moi sommes dans la c hambre des supplices.
Les miroirs reflèten t les images de l'arbre et créent l' illusion d'une
soL Tout devien t ensuite silencieux.
forêt. Les yeux du i.icomte ont du m al à voir la r éalité des choses.
Le vicomte et moi nous retrouvons au cœur d 'une forêt
ll y a des m arques sur les miroirs : Joseph Buquet est sans doute
d' Afr ique !
mort dans cette pièœ. ll s'est pendu à l'arbre pour arr~ter les supplices.
i\•iais je col'Ulais les trucs d'Érik et je peu.-x trouver une sortie. Nlais où
est cette porte ? La chaleur fait tourner la tête du "icomte. ncroit se
promener dans une forà et se tape contre les glaces.
- Nous sommes dans tme petite chambre. Nous devons trou\·er
la porte ! Allongez-vous et laissez-moi la chercher .
Le "ioom te s'allonge etme dit que la '-'Ue est m agnifique depuis
le sol. Je cher che sur chaque glace un mécanisme. Au bout de trois
glaces et d'une demi-heure. le vicomte m e dit:
- Je n •arrh·e plus à respirer. Allez-vous bientôt trouver quelque
chose ? Nous ne sortirons jamais de cette forêt et allons m ourir
a\·ant Christine. La messe des m orts sera aussi pour nous.
Je me trompe de glace et r ecommence plusieurs fois à chercher
sur la m ême. Le "icomte de\ient fou : il cherche Christine dans
cette for êt et croit la voir derrière un arbre. Plus tard, la n uit
tombe, mais il fait toujours aussi chaud. Soudain, un lion r ugit 1 .
- Vous le voye2 ? me demande le vicomte.
Le lion r ugit de nouveau. Le vicomte tir e et casse une glace.

Rugir : a-î~r p0-w un lion.

66 67
Le lendemain m atin, nous nous retrouvons au bord d'un désert. Je
suis étonné : parfois, on entend aussi un léopard ou une mouche
• tsé-tsé. Je sais comment Ér ik fait leurs bruits .
Nous commençons à mourir de faim, de soif et de chalew-. Le
"ioomte se lève et me montre une oasis 2• Je connais ce mirage, je sais
que cela n' existe pas. Je pré"iens le i.icomte, mais il se traîne et crie :
- De l' eau, de l' eau.
Nous a\ë.nç,ons ver s la glace et la léchons : elle est brûlan te !
Nous roulons par terre. N ous sommes désespérés.
- Adieu, Christine, dit le ,icomte.
Nous nous avançons vers l' arbre du suicide, mais à ce moment -là,
r
je vois un clou n oir : enfin. j 'ai trouvé ! appuie sur le clou et une
trappe s' ou,Te dans le plancher. De l'air frais envahit la pièce.
Je sens les marches d ' un escalier sous mes doigts. J'allume ma
lanterne et nous descendons. N ous arri,;ons dans la ca,.·e d ' Érik et
trouvons des tonneaux 3 . Enfin. nous allons pou,.·oir boire. OUVTe r - Q.u elle heure est-il ?
un tonneau avec mon cou teau.
- Onze heures moins cinq minutes.
- Ce n'est pas de l'eau ! C'est de la poudre !
- Q.uelles 0112e heures ?
Nous comprenons alors la phrase d' Érik « Etsi non, coude monde
- Celles qui doiven t décider de la ,ie ou de la m ort. Je dois
est mort et enterré ! ». Si Christine ne veut pas l'épouser, il fera sauter
lui donner ma r éponse grâce à deu.x animaux en bronze dans un
l' Opéra demain à onze heures du soir pendant une r eprésentation.
coffret. Si c'est oui , je dois t ourner un scorpion. Si c'est non,
i\·iais quelle hew-e est-il?« Demain à onze heures» est peut-être
je dois tourner une sauterelleL. Érik m ' a dit:« Attention à la
aujourd' hui, ou tout de suite? J'ai l'impression d 'être depuis des
sauterelle, une sauterelle tourne, mais elle peut aussi sauter ! »
jours dans cet enfer. NL de Chagny et moi r emontons l'escalier. La
Nous comprenons que la sauterelle fera exploser les tonneau..x
trappe est ouverte, mais la pièce est maintenant noire. Nous essayons
de poudre.
de dO'iner l'heure. Le ,icomte appelle Christine, j'appelle Ér ik.
- li faut tourner le scorpion tout de suite, lui dit le ,icomte.
Tout à coup, j'entends des pas de l' autr e c6té des glaces. Puis,
Va. ma femme adorée.
la voix de C hristine appelle Raoul. Christine nous appr end que
Il y a ensuite un silence, puis je crie :
le monstre i.ient juste de sor tir. Il la laisse r éfléchir une dernière
- Christine, où êtes-vous ?
fois à sa proposition de mariage.
- Près du scorpion.

2 =
Uec o;c~~ : uc litu .w cc des plmu: cc de l'c:rud.ui.~ d&cn..
3 Un ton:ntiu : Wl récipient en bo~ <plico:i::ricui: du ,in.

68 69
- N ' y touchez pas !
Je connais Érik. n a encore trompé Christine, il lui indique la
• sauterelle, car le scorpion ,:a tout faire sauter.
- Je l'entends, dit Christine, il revien t !
Nous entendons ses pas.
- Érik. c'est moi ! dis-je. Me r econnais-tu ?
- Vous n'êtes pas encor e m orts là-dedans ? Eh bien, tenez-vous Le r écit du Pers.an s' arrête là. Il m 'a raconté la suite lors de
tranquille ! Plus un mot, daroga, ou je fais toutsauter. lv!ais l'honneur ma visite chez lui. rue de Rivoli. La Yoici :
doit re\·enir à mademoiselle. Elle a en core lechoi.x : si on tourne la Plus tard , le Per san se réYeille sur un lit de la chambre d'Érik.
sauterelle. tout saute. Si on tourne le scorpion, on noie s la poudre /vl. de Chagny est couché sur un can apé. Ér ik lui dit des c hoses
sous l' eau. Vous allez faire le cadeau de la vie à quelques centaines don t il ne se souvient plus. Christine lui apporte parfois un thé,
de Parisiens. fis écoutent en ce moment lUl pau,.Te c hef-d' œU'-'Te de mais elle ne dit r ien. Quand Ér ik quitte la pièce, il essaye d'appeler
Zv!eyerbeer. Vous allez tourner le soorpion et nous n ous marierons ! Christine, mais il est trop faible. Elle pose parfo is la main sur son
Un silence puis il ajoute : front. Elle n e regarde m ême pas M. de Chagny et r este longtemps
- Si dans deux minu tes vous n •avez pas tourné le soorpion, assise près de la cheminée. Puis, Érik lui fait boire une potion et dit :
je tourne la sauter elle. - Je vais vous reoonduire dehors pour faire plaisir à ma femme.
Le silence est terrible. M. de Chagny est à genoux et prie. Le Persans' endor t et se r éi:eille chez lui. Son ser viteur. Darius,
- Les deux minutes son t passées ! Adieu, Zviademoiselle. saute l'a trouvé la veille con tre la porte de son appartement. Quelques
sauterelle ! jours p lus tard, le Persan appren d que le vicomte Raoul a disparu
- Érik, dit Christine, m e jures-tu que je dois tourner le scorpion ? et que le comte Philippe est mort. On a trouvé le corps de ce
- Oui, mais en Yoilà acSsez. Tu ne veu..x pas du scorpion ? À dernier pr ès du lac del' Opéra. Le Pers.an se souvien t de la messe
moi. la sauterelle. des morts dans les sous-sols et est sûr d ' une chose: Érik a tué le
- Érik ! J'ai tourné le scorpion. comte Philippe.
Nous en tendons a lors le br uit del' eau. Elle m onte de la ca,·e. Le Persan ,:a alors tout r aconter à ~·1. le juge Faure. i\·iais
Nous la buvons, mais, b ient8t, il y a de l' eau partout dans la p ièce.
celui-ci est un homme terre à terre et il le p rend pour un fou.
- Érik. il y a assez d ' eau. ferme le scorpion !
C'est pourquoi le Pers.an écrit une lettre aux journaux pour tou t
- Christine. l' eau monte jusqu'à nos genoux !
expliquer.
i\·!ais ni Érik ni Christine ne r épondent. Nous sommes seuls.
Un jour, on sonne à sa porte. D arius fait entrer le visiteur
dans le noir, avec l' eau qui m onte. Est-ce que nous allons m ourir
dans son salon : c ' est le Fan t8me, c'est Érik. Il est très faible et
ici ? ressaie de m ' accrocher aux murs, mais .. . glou.glou . . . Érik !
se tient au m ur.
Christine ! glou, glou , glou !
- Assassin du com t e Philippe, lui dit le Persan, qu'as-tu fai t
5 Noya mcffl'C s= l' tiu.. du i.icomte et de Christine Daaé ?
70 71
Érik tombe puis se traîne 1 jusqu'à un fauteuil.
- Ne me parle pas du comte Philippe. C ' était un accident. li
est tombé dans le lac et était mort quand je suis sorti de la maison.
- Tu mens !
- Je i.iens ici pour te dire que je vais mourir.
- Où sont Raoul de Chagny et Christine Daaé ?
- .. .mourir d'amour. Je l'aime encore. Elle était si belle quand
je l'ai embrassée . .
- Est-elle i.ivante ou morte ?
- Elle doit ~tre ,i,..nte, je pense. Elle le mérite. Elle t'a sau,·é,
toi et son petit fiancé. Elle a tourné le scorpion , j 'étais donc son
fiancé. Elle n' ,-·ait pas besoin de deux fiancés. /\·lais elle m 'a juré
de rester ma femme et j'ai donc arrêté l'eau .
- Et le ,icom te de Chagny ?
- Je l'ai enfermé dans la partie la plus déserte des sous-sols
de l'Opéra. Là où personne ne va jamais. Et je suis revenu voir
Christine.
Ace moment de son récit, Érik se lève . Le Persan se }è,;e aussi.
- Elle m'attendait. Elle m 'a, je crois, tendu son front . Je l'ai
embrassé e t ellen' est pas partie. Tu entends ? C'était la première
lls se sont embrassés devant moi. Elle m •a jw-é de revenir une nuit
femme. Je ne pouvais pas embrasser ma mère, elle refusait e t
quand je serai m ort pour m ' enterrer. Elle m'a ensuite embrassé
me jetait mon masque. Mais là, quel bonheur! J'ai pleuré et je
sur le front et ils sont partis ensemble pour « la gare du Nord du
suis to mbé à genoux devan t elle. Toi aussi tu pleures m ain tenant .
Monde». lls Yeulent cacher leur bonheur loin du monde. Elle
J'ai arraché mon masque. Elle est restée e t nous a\·ons pleuré
ne pleurait plus. Moi seul, je pleurais. Quand je sentirai la fin
ensemble. Alors, je lui ai donné l'anneau en or. J'ai
dit: « C'est
venir, jet' enverrai toutes les lettres et les objets de Christine. Tu
mon cadeau pour toi el pour lui, pour les noces. Tu l'aimes el tu as pleuré
pourras alors annoncer ma m ort dans le journal Z:Époque pour
a"·e.c moi, alors eu peux te marier a"·e.c lui » . Elle m 'a dit : « PaU\Te
préYenir Christine.
malheureux Érik » .
Le Pe rsan reconduit Érik jusqu • à sa por te et une Yoiture
Érik est si ému qu'il doit retirer son masque. Le Persan ne le
l'emporte à l' Opéra.
regarde pas.
Trois semaines plus tard , le journal I:Épcque annonce : ÉRIK
- J'ai alors déli-Té le jeune homme et je l'ai amené à Christine.
EST MORT.
Le Persan m' e>.-plique alors qu'Érik est le fils d'un entrepreneur

72 73
de maçoMerie 2 pr ès de Rouen. il a quitté tôt la maison familiale, car
ses parents détestaient sa laideur. Il s'exhibe 3 et fait le ,;entriloque
dans des foires dans toute l'Europe. Puis la sultane fa,·orite du
sha-en-sha • du Palais de Mazenderan entend par ler de lui et le
fait venir. Là-bas, il fait le bien et le mal. li fait des horreurs, tue
des gens et fab rique des machines pour faire la guerre. Mais il
construit aussi un palais plein de trappes et de passages secrets pour
le sha-en-sha. Celui-ci veut le tuer pour être le seul à connaître
les secrets de son palais. Mais le daroga chargé de le tuer lui laisse
la i.ie. Le daroga se réfugie à Paris et Érik part travailler pour
le sultan de Constantinople. Nlais il veut avoir une vie normale
et construire des maisons ordinaires pour tout le monde. C 'est
pourquoi il fait des propositions pour les sous-sols de l' Opéra de
Paris. Il en profite pour se construire une maison sous l' Opéra.
On connaî t la suite de l'histoire.
Faut-il plaindre Érik ou le maudire ? nvoulait juste être oomme
tout le m onde. J'ai prié sur son squelette. Pourquoi Dieu a-t-il
fait un homme aussi laid que cela ? Pour moi, il faut garder son
squelette dans les archives de l'Académie nationale de musique.
Car œ n' est pas un squelette ordinaire.

2 ~ ei::ucprcM-Ur dc maçom,..erie : il coruauic du m.iliom.


3 D J'ul1:ôc : il m.o:nO'c n laidtur.
4 ~W·cn·sêu : ucroienPu~c.

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