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L’Ecaille et la Plume

Vol 1 : La cérémonie des Éléments

Nessendyl

Édition Plumes Ecailles et Pixels

Novella à suite
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REMERCIEMENTS

Merci à mon homme de me soutenir dans mes choix et mes rêves qui
deviennent de plus en plus grands, de plus en plus vrais.
Merci à Lee qui corrige avec attention mes textes, me dirige, m’aide dans
mes choix artistiques.
Merci à vous qui avez acheté ce modeste ouvrage et vous apprêtez à le lire
!

INFORMATIONS

J’ai également réalisé personnellement la couverture. Merci à Fotolia et à


leurs auteurs pour les images utilisées.
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L’écaille et la plume

Il sentait autour de lui son corps se déployer, grandir, s’étirer… Ses


ailes poussaient et son sang palpitait dans ses veines qui progressaient aussi
vite que sa chair. Il y avait également cette chaleur intense, cette chaleur
trop brûlante pour un humain. Un humain, il ne l’était pas, il était un
Anima. Oh pas un Anima des peuples du Nord ou du Sud, ces animaux
loyaux aux grands rois, homme Chat ou Chien voire Cheval, non. C’était un
Anima du Centre, un Anima royal, prétentieux, arrogant… Du sang plus
ancien que la plupart des hommes coulait dans ses veines, dans ses muscles,
sa chair actuellement si foncée. Arrogant il l’était, mais pouvait-il en être
autrement lorsqu’on est un Anima Dragon ? La plus haute classe des
mutants. Sa gueule s’étira dans ce qui aurait pu être un sourire, une grimace
orgueilleuse face à ce pouvoir qui grandissait en lui aussi vite que
poussaient ses écailles. Il n’était encore qu’un Dragonnet. Ses ailes
pouvaient le porter, mais il ne savait pas voler plus d’une heure, il se
fatiguait trop vite à son goût. Il avait tellement hâte d’être un vrai Dragon,
fort, rude, antique !
– Kev ! Tu ne devrais pas, ce n’est pas le moment !
Le Dragon tourna sa lourde tête vers l’homme qui semblait si petit, là sur le
sol. Même s’il n’était qu’un Dragonnet, il était déjà de la taille d’une
maison humaine, d’une petite chaumière de campagne. Et les chaumières,
lorsqu’il les survolait, il aimait les brûler ! Cependant, ce soir, on avait
visiblement décidé de le surveiller. Ce fait lui fit fumer les naseaux, le feu,
il ne savait pas encore le maîtriser, bien qu’il commençait à s’approcher de
ce pouvoir supplémentaire. Il le sentait à la fournaise dans sa gorge.
– Kev je te parle ! Beugla l’humain de toutes ses faibles forces.
Il s’agissait d’un jeune homme de quatorze ans, Kev le Dragon le savait
bien, car il était son compagnon de chambrée à l’école. Ici, dans l’école des
Animas du Centre, les enfants étaient placés par origine, par sexe et par âge
dans les chambres. Ainsi Kevold et Stefander s’étaient retrouvés dans la
même. Deux garçons de quatorze ans et de sang royal. Deux garçons aussi
différents que le jour et la nuit ! Kevold dit Kev était du feu, personne ne
pouvait en douter, encore moins leurs nombreux professeurs. Il était un
Anima Dragon, un adolescent plein de vie, de curiosité jusqu’à l’extrême,
certains diraient qu’il s’agissait surtout de témérité. De la plus haute famille
royale, son ego ne manquait pas non plus de force. Stefan, lui, était un
enfant doux, blond de cheveux et pâle de peau, il représentait si bien le
Pégase qui était son Anima que s’en était troublant. Son calme pouvait
passer pour de la torpeur, mais dans le turquoise profond de ses yeux, on
pouvait voir s’éclairer toute son intelligence. Plus mature que son ami, il
était également bien plus posé et sage. Lui ne s’amusait pas à écraser les
chaumières des paysans ! Il était également le seul à avoir du poids sur Kev,
ce dernier l’écoutait et tout le monde ne pouvait pas s’en vanter.
Grommelant dans sa gorge écailleuse, le Dragon le lorgna de ses yeux dorés
et plus ardents que des braises. Secouant la tête de dépit, il laissa toutefois
la magie opérer en sens inverse. Kevold préférait se transformer en Dragon
plutôt que de redevenir homme. Déjà, parce qu’il se retrouvait alors nu,
ensuite parce que c’était tellement plus valorisant d’être une créature
mythique plutôt qu’un simple adolescent ! Accroupi sur le sol, il se redressa
tout doucement en faisant craquer ses vertèbres, sans grimacer et sans se
plaindre, pourtant son ami savait à quel point ses muscles devaient être
douloureux en cet instant. Kev n’avait pas eu le temps de s’éloigner, ainsi
ramassa-t-il ses vêtements et les enfila-t-il sous le regard de Stefan.
Lorsqu’on était un Anima, on ne pouvait pas se permettre d’être pudique !
Bougonnant de sa gorge humaine cette fois, il prit le chemin de l’école sans
plus s’occuper de son acolyte.
L’école, si l’on pouvait l’appeler ainsi, était un énorme château entouré de
bâtisses et d’écuries. Il faisait nuit en cet instant, ainsi était-elle éclairée de
torches, de braseros et de nombreux feux, ce qui lui donnait un aspect plus
ancien et mystique que jamais. De pierres très épaisses et grises, le château
était imprenable et aucune guerre n’avait réussi à le faire tomber.
– Kev…
– Quoi encore ?
– Tu vas finir par avoir des ennuis, tu sais qu’être un Anima Dragon n’est
pas ce qu’il y a de plus discret, nous ne sommes pas censés à notre âge nous
transformer hors des cérémonies.
– Tu sais très bien que l’on ne me dira rien !
– Etre fils de roi ne te donne pas tous les droits… Soupira le blondinet.
Son ami lui répondit par un reniflement dédaigneux. Maintenant qu’ils
étaient dans la cour de l’école, ses cheveux roux flamboyaient grâce aux
reflets des flammes environnantes, autant que son âme sauvage et rebelle.
Les deux adolescents passèrent les larges portes de chêne protégées par
deux gardes aux couleurs de la cité – le vert et le bleu ciel – non sans avoir
reçu au passage des regards pesants et lourds de reproches. Des enfants
n’avaient rien à faire à une heure si tardive en dehors des murs. Les gardes
avaient autre chose à faire que surveiller leurs allées et venues, ce n’était
pas leur travail. Ils ne leur firent toutefois aucun commentaire. Traînant des
pieds dans les couloirs au sol de marbre gris, Kev fit tant de bruit qu’il attira
le courroux d’une surveillante. LaMoche Missy, comme l’appelaient les
élèves, alla droit vers eux. Son vrai nom était LaBelle Missy, mais ses
moustaches duveteuses et ses grosses lunettes à écailles oranges laissaient
planer un large doute à ce sujet…
– Kevold DeLaHaie D’Or et Stefander Rubois ! Que faites-vous debout à
cette heure tardive !
Ce n’était pas une question, plutôt une mise en garde, les deux garçons le
savaient bien. Ainsi ne firent-ils pas la bêtise de répondre sous peine de
passer pour des effrontés et partirent-ils d’un pas plus rapide vers l’escalier
menant aux chambres. LaMoche Missy ne plaisantait pas en matière de
punition, sang royal ou non. Plus d’un prince avait du nettoyer cet escalier à
la brosse à dent et à l’eau gelée et n’était pas près de l’oublier !
Arrivés dans leur chambre, les garçons y entrèrent et sans dire un mot,
enfilèrent leurs pyjamas. Ici, chacun devait porter des vêtements aux
couleurs de sa maison, de jour comme de nuit, mais également les armoiries
de cette dernière. Pour Kev c’était le dragon, une écaille large et verte sur
fond jaune pâle. Pour Stefan, c’était la plume blanche des pégases sur fond
turquoise. Leurs armoiries étaient communes à leurs Animas, comme leurs
parents, mais cela pouvait changer dans certaines familles où les races
d’Animas se mélangeaient. Toutefois, les Dragons faisaient rarement des
Chats.
Kev était toujours en colère lorsqu’il se glissa sous ses draps :
– Tu n’aurais pas dû m’arrêter, je n’allais rien faire de mal, je voulais juste
profiter de la nuit.
– Et rentrer au matin épuisé pour le cours de Savoir Passif et ainsi
t’endormir, encore, sur ton pupitre. Et bien sûr être, encore, puni.
– Tu n’es pas mon père ! Râla l’autre le ton mauvais et colérique.
– Je sais, tu serais bien plus puni si je l’étais !
Silence, rompu après dix longues minutes par le Pégase :
– Je n’ai pas fait ça pour t’embêter, si tu es trop souvent puni, prince ou
non, tu devras quitter l’école et je n’en ai pas envie. J’ai peut-être agi par
égoïsme, je l’avoue, mais je ne veux pas que tu quittes cette école. Nous
sommes amis non ?
– Oui.
Réponse simple, mais réponse tout de même qui fit sourire Stefan. Oui ils
étaient amis, pourtant, depuis peu. Kevold avait été long à apprivoiser et
Stefan donnait difficilement son amitié. Oui ils étaient amis, plus qu’ils
n’avaient pensé tous deux l’être au début, ils étaient maintenant comme des
frères. D’ailleurs, ils avaient mélangé un soir l’écaille et la plume de leurs
Animas dans un brasero, liant leurs âmes animales plus encore que leurs
âmes d’hommes.
– Demain, les nouveaux arrivent et dans quelques jours il y aura la
cérémonie des Éléments, ces prochains jours vont être très intéressants !
Lança Stefan dans un enthousiasme feint.
– Oui.
Réponse toujours aussi courte, Kev n’avait visiblement pas envie de causer,
il était peut-être temps de dormir. Soufflant sa bougie, douce flamme posée
sur un petit tabouret de bois près de son lit, Stefan annonça son accord au
sommeil. Le jeune Dragon fit de même et tous deux s’endormirent
rapidement.

De nouveaux élèves arrivaient, accédant à l’école par l’entrée principale.


On avait déjà annoncé leurs noms : Elisse HautJardin, Micha Tadoy et enfin
Elénay Dildenay. Trois enfants ou plutôt adolescents, du Centre, du Nord et
du Sud. La cour avait été décorée de nombreux étendards, de brassées de
fleurs et de vives couleurs, et ce soir, à la cantine, le repas allait se révéler
succulent pour leur faire honneur. Les nouveaux élèves étaient rares, tout
comme l’étaient les naissances d’Animas. Il y avait maintenant bien plus
d’humains que d’Animas. Les vieux conseillers, guérisseurs et chimistes ne
savaient pas dire pourquoi. C’était ainsi, les Animas s’éteignaient
doucement, dans la crainte de tous.
Kevold n’avait pas voulu voir les nouveaux, ainsi Stefan les observait-il
seul, dans la large foule bordant les côtés de l’allée menant aux portes. De
ses yeux d’un turquoise d’océan, il ne put s’empêcher de les observer en
détail. Il y avait en tête de file une adolescente de certainement seize ans ou
plus, aux cheveux mi-longs noirs et aux grands yeux gris. Elle avançait
droite comme un i, fière, avec un large sourire sur ses lèvres pulpeuses et
roses. Elle était un Anima Griffon, un griffon noir et sauvage. Stefan avait
le pouvoir, entre autres, de voir les Animas des autres. Cette jeune fille ou
plutôt jeune femme était donc de sang royal, la facture de ses vêtements et
de ses soieries suffisaient à n’en pas douter. Elle était suivie d’un jeune
garçon d’environ douze ans, un peu balourd, de petite taille et à la carrure
grossière malgré son jeune âge. Ses vêtements étaient bien moins riches,
leurs couleurs plus ternes. Ses épaules étaient légèrement voûtées, mais son
sourire était bien là, il était fier de rejoindre l’école et il avait raison, c’était
un grand honneur. Anima ou non, tout le monde n’y était pas invité.
Stefander n’eut pas à réfléchir longtemps, cet enfant était un anima Cheval,
un Percheron à la peau baie. Enfin, terminant la petite file de nouveaux
élèves, discrète et silencieuse comme une souris, une enfant de petite taille,
fine et gracile, avançait le visage crispé. Elle semblait très impressionnée
par tout ce qui l’entourait. Elle était certainement native du Nord, de la
région la plus pauvre du monde. Ses cheveux étaient d’un noir de jais avec
des reflets bleutés sous les rayons du soleil et ils étaient extraordinairement
longs, descendant plus bas encore que ses hanches. Ses yeux semblaient
bleu ciel, mais avec la distance c’était difficile d’en être certain. Une
impression étrange donna un frisson à l’Anima Pégase. Il ne voyait pas son
Anima. Il ne voyait rien de spécial. Cette jeune fille, cette Anima, ne lui
donnait aucune image spécifique. D’ordinaire, sans aucune difficulté, une
imagine traversait l’esprit de l’adolescent dès qu’il regardait quelqu’un.
L’image de l’Anima pour les Animas, rien pour les humains. Là, il voyait
une tache floue, opaque, comme un miroir couvert de buée. Frustré,
extrêmement surpris, il ne put quitter du regard la jeune fille. Quel était ce
mystère ?

Lorsqu’il le raconta à Kev quelques heures plus tard, celui-ci ne le crut


pas.
– Tu as dit qu’elle était fine et discrète et puis si elle vient du Nord, ça doit
être une Souris ou un Chat !
– Je l’aurais vu dans ce cas.
– Tes visions sont brouillées.
– Ce ne sont pas des visions et elles ne sont jamais brouillées, ça ne m’est
jamais arrivé, bougonna Stefan. Si elle était un Chat ou une simple Souris,
je l’aurais vu.
Kevold se passa un doigt sur le menton comme pour s’aider à réfléchir.
– Une Souris invisible ?
– Très drôle… Soupira l’autre, car non, pour lui, drôle ça ne l’était pas.
Le repas du soir vint vite et le festin avec lui. Les longues tables de la
cantine avaient été couvertes de nappes blanches et brodées qui
remplaçaient les nappes de toiles élimées habituelles. Tous les chandeliers
étaient allumés de bougies également blanches et les blasons des plus
grandes maisons étaient alignés sur les murs. Kev ne put que sourire avec
fierté en voyant l’écaille de sa famille, Stefan lui, ne jeta pas même un
regard à sa plume, il n’avait d’yeux que pour la nouvelle élève. Elénay était
assise avec les autres nouveaux étudiants, à une table au centre, devant un
poulet rôti fumant et un large plat de légumes, elle n’osait se servir et
attendait en silence la tête baissée.
Stefan alla droit vers cette table et sans attendre d’y être invité, prit place
près de l’adolescente. Elle leva un œil étonné vers lui, rien de plus. La
surveillante qui passait près des tables à ce moment-là ne fit aucune
réflexion, les enfants de sang royal avaient plus de droits que les autres, il
fallait bien qu’être prince ait de réels avantages. Ainsi si Stefan avait envie
de s’asseoir à cette table, qu’il en soit ainsi, il y avait de toute façon dans
cette immense salle, bien plus de places que d’élèves. Kev, mains dans les
poches, vint les rejoindre pour s’installer en face d’eux. Il ne perdit pas une
minute pour se servir très largement – être un Dragon donnait de l’appétit –
sous le regard accusateur d’Elisse, la fille Griffon noir. Elle ne semblait pas
apprécier que cet intrus se serve avant elle et elle lui fit rapidement
remarquer :
– On ne t’a pas appris à te servir après les invités chez toi ?
– A l’école non et chez moi non plus d’ailleurs, les invités se servent après
la famille royale.
La jeune fille leva un sourcil et se tint coi quelques instants. Ses yeux
étaient discrètement maquillés, mais suffisamment pour paraître plus
femme, ses vêtements étaient richement brodés de perles et ses cheveux
sagement attachés avec un ruban de satin rouge, du même rouge profond
que son corset de soie aux perles nacrées. Elle était belle, visiblement
hautaine, mais très belle, même si Kev préférait son poulet en cet instant, il
l’avait très certainement remarqué.
– Tu es de quelle maison royale ? Demanda-t-elle d’une voix plus posée.
– Dragon. Fut la seule réponse dudit Dragon avant de s’enfourner une
cuillère rebondie dans la bouche et de la mâcher un peu trop bruyamment.
Elisse resta bouche bée et ne put s’empêcher de jeter un œil brillant vers les
étendards derrière eux. L’étendard du Dragon trônait au milieu et sur une
tapisserie plus large et plus brodée que toutes les autres.
– Euh… Enchantée, bredouilla-t-elle finalement, je suis Elisse HautJardin,
de la maison Griffon.
Kev ne répondant pas, Stefan se sentit obligé de le faire à sa place :
– Enchanté. Je suis Stefander de la maison Pégase et voici donc Kevold de
la maison Dragon.
– Moi c’est Micha, enchaîna le plus jeune garçon arrivé également au
matin, ma famille n’a pas de blason, je ne suis pas d’une famille royale
comme vous.
Il n’y avait pas de reproche dans sa voix, juste une légère gêne de se
présenter ainsi.
– Elénay. Elénay Dildenay, pas de blason non plus.
Tous les regards se portèrent sur la jeune fille aux cheveux bleutés, sa voix
était aussi menue qu’elle, elle avait vraiment tout d’une petite souris.
– Ton Anima ? Questionna sans hésiter Stefan, sa curiosité toujours aussi
vive.
Elénay planta ses yeux dans les siens, ils étaient d’un bleu très clair,
presque translucides, des yeux d’eau, d’eau claire et triste. Son visage était
sans expression, ni tendu, ni relâché, ses lèvres ne souriaient pas, mais ne
grimaçaient pas non plus. Et soudain elle se leva. Sans un mot, offrant juste
une courte et timide révérence, elle sortit de table et disparut dans l’allée
principale à grands pas.
– Elle manque de politesse celle-ci et puis elle n’a pas dit un mot durant le
long trajet jusqu’ici. Un vrai mur ! S’exclama Elisse visiblement
dédaigneuse.
Kev haussa simplement les épaules tandis que Stefander, lui, n’avait pas dit
son dernier mot.

La cérémonie des Éléments arriva deux jours plus tard. Cette cérémonie,
très importante pour les adolescents Animas, était organisée une fois par an,
le lendemain d’une lune ronde et pleine, un jour choisi par l’ancien le plus
respectable de l’école. Ce parcours initiatique qui commençait tôt le matin,
était uniquement relevé par les élèves qui le désiraient et qui avaient au
moins quatorze ans. Pour dire vrai, peu étaient pressés de le réaliser.
Parvenir au bout de cette épreuve vous donnait un titre supplémentaire et
surtout le droit de vous transformer en Anima lorsque vous le désiriez –
même si certains le faisaient déjà en cachette – toutefois, il s’agissait d’une
réelle épreuve où votre vie était en danger et courants étaient les
adolescents qui y mourraient. Tous à l’école s’étaient réunis l’année passée
pour ensevelir sous des roches grises et rouges un enfant de haute lignée de
la famille Sphinx. Une autre année, c’étaient des jumeaux trop sûr d’eux qui
avaient quitté le monde ensemble, main dans la main et ensevelis sous des
pierres aux couleurs de leur maison dans la même position. On ne
plaisantait pas avec la cérémonie des Éléments, tous le savaient.
Tous ?
– J’ai hâte de commencer ! S’exclama Kevold en étirant ses muscles
comme un chat. Depuis le temps que je me prépare pour être le meilleur !
– Reste concentré dans ce cas, le prévint Stefan bien moins enjoué, je viens
avec toi comme promis, mais je n’avais pas hâte de me lancer dans cette
épreuve, j’aurais bien attendu quelques années de plus.
– Trouillard !
– Non, je suis juste sensé et prudent, contrairement à d’autres...
Kev renifla avec dédain. Pour lui, prudence était bel et bien un synonyme
de trouille ! Grâce à son sang bouillonnant de Dragon, rien ne l’inquiétait
jamais, rien ne lui faisait peur. Ce manque de crainte pouvait également
provoquer chez lui un surplus dangereux de témérité, mais il préférait
ignorer ce fait la plupart du temps.
Le vieux maître Bolkush, un des plus anciens professeurs de l’école,
portant les traditionnelles robes rouge sang brodées d’or de la cérémonie,
s’avança au devant de tous sur la petite estrade bordant les jardins. Les
jardins de l’école du Centre étaient connus pour leur luxuriance et leur
multitude d’espèces rares de plantes mais également de faune ailée et
d’insectes. En cette période de l’année, ni trop chaude, ni trop froide et avec
une humidité parfaite, ils étaient au summum de leur beauté. Ces immenses
plantations donnaient directement sur une forêt ancestrale, tout aussi
luxuriante où se passerait la suite de l’épreuve. Lieu en temps normal,
interdit aux élèves sauf lors de rares excursions avec leurs professeurs.
Le vieux maître s’éclaircit la gorge avant de commencer, de sa voix grave
d’orateur, toujours aussi forte malgré son grand âge il lança :
– La cérémonie des Éléments va commencer. Que nos jeunes Animas s’y
confrontant s’approchent et que ceux qui la craignent reste à leur place et
dans le silence.
Kevold ne se le fit pas dire deux fois, avant que le vieux maître ne puisse
dire un mot de plus, il avait sauté sur l’estrade et attendait raide de fierté
près de lui que d’autres osent agir de même. Grognant un peu sous
l’arrogance de son ami, Stefander alla pourtant le rejoindre, montant avec
plus de douceur et de discrétion. Le maître les observa sans que son
expression ne laisse passer de sentiment, ce qui troubla beaucoup le garçon
Pégase qui avait besoin d’encouragement en cet instant. Quelques minutes
passèrent lorsque la foule s’ouvrit pour laisser passer Elisse dans une robe
de velours tout aussi flamboyante que la robe de cérémonie du vieux maître.
Ses lèvres charnues et maquillées de rose offrirent un large sourire et elle
grimpa à son tour d’un bond de félin. Mains sur les hanches, aussi droite et
fière que Kev, elle attendit. Ils seraient donc trois à passer l’épreuve et à
pouvoir s’aider pour survivre, ce n’était pas si mal... Le vieux maître fit un
pas en avant pour annoncer le début de l’épreuve lorsqu’une petite voix lui
demanda d’attendre. Elénay venait d’apparaître et tête un peu basse,
s’avança vers l’estrade à son tour. Une main en avant pour prouver son
désaccord et lui ordonner de s’arrêter, maître Bolkush prévint :
– Tu n’as que treize ans Elénay Dildenay, tu ne peux pas participer à la
cérémonie des Éléments, attend ta prochaine année.
Visiblement blessée, la jeune fille baissa plus encore la tête, serrant ses bras
contre sa poitrine.
– Laissez-la maître Bolkush.
La voix était douce et mélodieuse. Tous les regards convergèrent vers la
même personne : la reine Crystalina de la maison de l’Hydre, qui était
venue à titre d’invité royal assister aux festivités.
– Enfin madame…
– J’ai entendu tellement de choses à propos de cette enfant, on m’a conté
qu’elle n’était pas comme les autres. Je décide donc qu’elle mérite, à titre
honorifique et exceptionnel, un changement de règle. Si elle veut participer
et nous montrer ses capacités, qu’il en soit ainsi !
– Est-ce un ordre royal de votre maison madame ?
– Oui.
Après avoir laissé passer une légère grimace entre ses lèvres fines aux
contours ridés, le maître s’inclina bien bas et fit signe à l’enfant d’avancer.
S’aidant de ses mains pour se hisser, Elénay grimpa sur la plate-forme près
des autres et s’y tint dans un profond silence, la tête à nouveau baissée sur
ses pieds bottés.
– Kevold DeLaHaie D’or, Stefander Rubois, Elisse HautJardin et Elénay
Dildenay sont nos champions, prononça le vieil homme en ouvrant grand
les bras pour les désigner à la foule. Ils commenceront l’épreuve de la
cérémonie des Éléments dans un instant. Ils pourront s’aider les uns les
autres, se transformer lorsqu’ils le désireront et ainsi parvenir jusqu’au bout
de leur quête. Cette quête la voici : apporter avant minuit quatre éléments,
une plume d’oiseau roc, une fiole d’eau du lac Bleu, une fleur de nuit et un
poil de salamandre. L’air, l’eau, la terre et le feu. Les étudiants revenant
avec ces trophées seront nommés adultes et gardiens de leur emblème
Anima. Personne ne leur donnera plus d’ordre au sein de l’école et ils
seront invités à y devenir professeur dans quelques années, s’ils le désirent.
Tout ceci étaient des cadeaux honorifiques et des titres, rien de plus. Kev
savait qu’en vérité, c’étaient les regards qui changeaient lorsque l’on
revenait vivant de cette cérémonie. Les regards emplis d’admiration de
tous, professeurs, élèves et même rois et reines qui dans leurs jeunesses
n’avaient osé franchir l’épreuve. Kevold ne voulait pas devenir professeur,
il voulait voir ces regards dans les yeux de ceux qu’il croiserait !
Stefander savait très bien ce que pensait l’enfant Dragon. Lorgnant
discrètement du côté d’Elisse, il ne doutait pas que la jeune femme pensait
la même chose, son sourire et ses yeux brillants le prouvaient bien. Elénay,
quant à elle, ne quittait pas ses bottes en cuir des yeux. Qui était cette
adolescente ? Qu’est-ce que la reine avait entendu par différente ? Et bien
sûr, il ne voyait toujours pas son Anima même en se concentrant de toutes
ses forces. Ce fait l’exaspérait toujours autant. Finalement, juste pour mettre
à mal ce mystère, il était heureux de participer à la cérémonie.

Ils partirent en cette aube magnifique sous les acclamations et les


applaudissements de tous : professeurs, élèves et visiteurs de marque. Les
spectateurs suivraient leur aventure grâce à de petits globes de cristal
disposés dans la forêt, qui retransmettraient les images de ce qu’ils
capteraient sur des miroirs dans le réfectoire. S’agissant de la plus grande
salle de l’établissement, chacun y trouverait une place, par grade et famille
pour se délecter des images offertes. Ainsi, les adolescents pourraient
mourir en direct sous les yeux de tous s’ils échouaient. Un possible
spectacle qui attirait bien des familles, bien des curieux.
Elisse déplia une carte en peau finement tannée. Couverte de lignes et de
taches, ce plan les aiderait à s’orienter dans l’immense forêt.
– Le lac est un peu plus bas vers l’Est, commença-t-elle un doigt sur une
tache bleu ciel. Il suffit d’aller par ici, finit-elle en désignant cette fois-ci un
bosquet d’arbres sur la droite.
Kevold lui fit remarquer alors, avec un geste de haut en bas vers elle :
– Ta robe ne va pas être pratique pour crapahuter dans les fourrés.
– Ne t’inquiète pas pour moi, j’ai de solides bottes et lorsque je devrais aller
vite ou me défendre, je le ferais sous ma forme de griffon et alors plus de
robe.
Les deux adolescents se sourirent avec entendement, vivre sous forme
d’Anima était certainement ce qu’ils préféraient tous deux !
Stefander porta son attention sur Elénay toujours très discrète et muette, une
vraie tombe au visage sans expression. Le jeune homme avait finalement
hâte d’entrer dans l’action, ne serait-ce que pour la voir à l’œuvre, elle et
son mystère.
Comme proposé par Elisse, ils partirent à droite en direction du lac Bleu. Il
y arrivèrent vite et c’était une bonne chose car ils n’avaient qu’une petite
journée, pour revenir avant minuit. Le lac Bleu scintillait sous les rayons du
soleil, entouré d’arbres et de buissons verdoyants, l’endroit était calme, très
apaisant. Pourtant, les adolescents progressèrent avec précaution sous les
yeux invisibles d’une sphère de cristal. Ils savaient qu’il ne fallait pas se
fier aux apparences et que ces eaux miroitantes et translucides pouvaient
cacher bien des pièges mortels. Ils stoppèrent à quelques mètres, sous le
couvert d’un large chêne.
– Qui s’y colle ? Questionna à voix basse Stefan.
– J’y vais.
Sans demander l’accord des autres, Kev s’avança à grands pas vers l’eau,
semblant oublier toute prudence.
– Je n’entends rien de spécial, tout est calme, il peut y aller, murmura
Elénay d’une voix presque inaudible.
L’enfant Pégase la dévisagea, elle était plus petite que lui, tellement menue
qu’elle paraissait extrêmement fragile, mais quelque chose lui disait qu’il
avait tort et que cette petite femme possédait une force surprenante, voir des
capacités étonnantes.
– Tu entends ce qui se passe dans l’eau ?
– C’est un peu plus compliqué que ça… Baragouina la jeune fille, ses
cheveux cachant en partie son visage à la peau blanche et délicate.
– Mais encore ?
Stefander se sentait agacé. Il n’aimait pas les mystères et pire encore les
mystères qui le dépassaient et dont il ne pouvait percer les secrets. Kevold
lui, arrivait au bord de l’eau. Etudiant ce qui l’entourait de droite et de
gauche, il finit par ouvrir son sac à dos et en sortir une petite fiole en verre.
Faisant sauter le bouchon de liège, il la trempa dans l’eau pour la remplir.
Ce fut vite fait et à peine trois minutes plus tard il fut de nouveau près des
autres.
– Vous voyez, souffla Elénay.
Elisse la jugea en silence, puis, ne s’intéressant plus à elle, reprit sa carte
pour indiquer la direction suivante, elle semblait avoir décidé de mener.
– Ca me paraît trop facile… Souffla Stefan en jetant un regard inquiet
autour de lui.
– On ne va pas s’en plaindre ! Riposta son compagnon de chambre en lui
donnant une tape amicale sur l’épaule, continuons.
Et c’est ce qu’ils firent. Ils mirent une heure cette fois à atteindre leur
nouvelle destination. Une petite montagne en plein milieu de la forêt.
Colline verdoyante à sa base puis rocailleuse au sommet. Le nid des oiseaux
roc. Oiseaux gigantesques et irascibles, ils le savaient tous. Bien sûr, aucune
plume ne trônait gentiment sur le sol, ils allaient devoir monter pour en
trouver une.
– A mon tour.
Et comme Kev avant elle, Elisse s’avança sans demander l’accord des
autres. Passant ses mains dans son dos, elle se mit en devoir de défaire les
lacets de son corset. Comprenant ce qu’elle allait faire, Stefan et Elénay se
détournèrent avec politesse, Kev, lui, n’en fit rien et profita du spectacle les
bras croisés sur sa poitrine. Elisse ne lui accorda pas un regard le temps de
se dévêtir, comme tout Anima, elle avait appris à ne pas s’agacer d’un
regard pesant. En une poignée de minutes elle fut nue et put commencer sa
transformation. Sa peau s’étira et se noircit, ses cheveux devinrent courts
puis plumes, plumes qui se répandirent sur tout son corps, perçant sa peau
tandis qu’elle changeait de forme. Rapidement et dans un froissement
d’ailes, un griffon noir se présenta devant eux. Il sourit de son bec d’aigle
avant de se propulser d’un bond dans les airs de ses pattes de lion.
Virevoltant avec un mélange de grâce et d’arrogance, il monta haut vers le
sommet et il fut vite difficile de le distinguer en détail à cause des nuages
bas. La main en visière pour se protéger du soleil, ses compagnons le
regardèrent progresser et il ne fallut que cinq minutes pour que le griffon
redescende à l’aide de ses immenses ailes noires. Piquant en spirale,
l’animal se posa dans une gerbe d’herbes et de poussières devant eux. Une
longue plume dorée trônait dans son bec et il la posa avec délicatesse sur
une touffe de fleurs. Le regard brillant, Elisse poussa un cri strident de
contentement en battant des ailes sous les rires de ses amis. Ce moment
d’innocence ne dura pas. Elénay poussa un cri en pointant un doigt vers le
ciel et le Griffon se poussa juste à temps pour éviter un oiseau roc qui
fonçait à pic sur lui. Deux autres oiseaux géants arrivèrent à leur tour et il
fut vite flagrant que l’adolescente ne pourrait se débarrasser sans casse de
ces trois créatures. Un peu plus grandes qu’elle, elles l’encerclaient et
piquaient sur elle chacune leur tour, la fatigant et la déstabilisant. Kev
mettant la plume à l’abri dans son sac à dos, prononça paniqué :
– Je vais aller l’aider, autrement ça va mal finir !
– Non, garde tes forces, on aura certainement besoin d’un Dragon. J’y vais !
S’exclama Elénay.
Les deux adolescents clignèrent des yeux sous la remarque de la gamine qui
se déshabillait déjà. Le mystère allait être dévoilé, et Kev eut à peine les
yeux sur sa poitrine naissante que l’enfant devint une Manticore. Un Anima
Manticore, aucun d’eux n’en avait entendu parler autrement que dans des
livres ! Le lion tourna sa tête vers eux, avec sa queue de scorpion et ses
ailes de chauve-souris, il était très impressionnant et surtout effrayant, les
Manticores, n’étaient pas réputées dans les légendes pour être des créatures
tendres. Comment une enfant aussi douce et discrète pouvait être une telle
créature ? L’Anima sembla hésiter, courbant sa queue de scorpion fort sur
son dos d’un geste provocateur, une goutte de poison perlant à sa pointe.
Les deux jeunes hommes se tassèrent sur eux même, prêts à se transformer
à leur tour. Un cri strident coupa l’air comme un couteau et tous les regards,
d’adolescents et de fauve, montèrent vers le ciel. Elisse était en mauvaise
posture, elle semblait épuisée et avait une aile raidie, peinant à se stabiliser,
elle risquait de tomber et de s’écraser au pied de la montagne à tout
moment. Les oiseaux rocs ne la lâchaient pas, lui refusant le moindre repos.
La Manticore bondit sans plus attendre et en un éclair agrippa de ses griffes
un oiseau. Sa queue se tendit en avant et l’animal fut piqué à la base du cou.
Il hurla, tressaillit, avant d’être lâché par l’Anima. Les jeunes hommes
durent se pousser pour laisser la place à l’oiseau de s’écraser au sol. Un
souffle et les yeux de l’animal devinrent vitreux, c’était terminé pour lui. La
Manticore, elle, ne perdit pas une seconde avant d’en attaquer un deuxième
et d’essayer de le déchirer en deux entre ses griffes. L’oiseau géant se
débattit tant et si bien qu’il parvint à s’échapper non sans y laisser des
plumes, volant d’une façon boiteuse, il monta plus haut pour se sauver, son
dernier acolyte le dépassant pour fuir la bataille. Il ne resta vite que les deux
adolescentes Animas qui se posèrent sur le sol à grands bruits. Le griffon
avait la tête basse et une aile pendante, il garda une large distance entre lui
et la Manticore qui était, elle, en pleine forme. Le regard de lion se posa sur
chacun avec comme une lueur de faim au fond des prunelles. La gueule
légèrement ouverte, écumante, il huma l’air un moment. Kev venait de se
placer devant le griffon et enleva sa tunique, prêt à en découdre, mais la
Manticore lâcha comme un ricanement avant de se tordre et de diminuer de
taille. La queue et les ailes de peau disparurent, lentement, remplacés par
des bras fins et longs, les cheveux poussèrent à nouveau et en s’étirant,
Elénay fut devant eux. A nouveau fluette, à nouveau silencieuse et
visiblement très gênée. Elisse se transforma à son tour, laissant tomber bien
des plumes au passage, le bras gauche raide et en partie couvert de sang,
elle attrapa d’une main tremblante ses vêtements.
– Je vais t’aider… Prononça l’Anima Manticore.
Il n’y eut plus un mot, plus un bruit à part le chant d’un rossignol qui avait
osé revenir après la bataille de plumes et de cris. Elénay rattacha le corset
d’Elisse avec douceur, lentement et sans serrer, et surtout sans toucher son
bras blessé. Où était passée la Manticore qui hésitait à se jeter sur eux ?
Mais ce qui troubla d’un coup Stefan, était que lorsqu’il regardait l’enfant,
il ne voyait toujours pas son Anima ! Pourquoi ne pas voir une Manticore ?
Kev était bien un Dragon, Anima le plus royal selon les lois Animas et il le
voyait parfaitement dans son esprit lorsqu’il posait ses yeux sur lui.
– Quel secret caches-tu encore ?
Sa voix n’était pas douce, elle était dure, n’admettait aucune objection. Des
objections il n’y en eut pas, mais pas de mot non plus. Elénay resta coi et
lui accorda tout juste un regard avant de se détourner.
– Non !
Il se jeta sur elle et la tira vers lui par le bras, son regard aux yeux turquoise
entra dans celui presque transparent de l’adolescente et ils restèrent ainsi
longtemps, yeux dans les yeux, refusant de céder un pouce de terrain à
l’autre. Dans ces yeux, ces lacs translucides, on retrouvait la rage de la
Manticore, Stefan ne l’avait pas remarquée avant, Elénay évitant toujours
de regarder les gens. Cette enfant était le jour et la nuit. Une créature tout en
douceur qui cachait une autre créature, de feu et de rage. Son bras dans sa
main, il pouvait en y prêtant attention sentir la tension du corps et la force
des muscles.
– Qui es-tu ?
– Elénay Dildenay.
– Qui es-tu ? Répéta-t-il en appuyant sur chaque mot.
– Elénay Dildenay… Bébé trouvé et adopté par la famille Dildenay, déclaré
Anima à trois ans...
– Trois ans ! S’exclama Kev près d’Elisse qui l’aidait à se désinfecter le
bras grâce aux produits de soins qu’il avait retirés du sac à dos.
L’adolescent Dragon était réputé pour être un Anima précoce, il s’était
transformé en Dragon – Dragonnet – pour la première fois à six ans, ce qui
était rarissime, généralement les Animas le devenait vers dix ans, certains
même uniquement à la puberté.
Nouveau silence, Stefan ne voyait dans ses yeux aucun mensonge et
comment en demander plus à une enfant orpheline qui ne savait pas d’où
elle venait ? Il fut obliger de céder du terrain, pour le moment… Lâchant le
bras de la jeune adolescente, il lui adressa un petit signe de tête, tel un léger
remerciement pour sa franchise. Elle n’avait pas terminé d’être un mystère,
il en était certain.
– Où allons-nous maintenant ? Demanda Kevold pour éviter un nouveau
silence pesant.
Elisse déplia sa carte délicatement et avec des grimaces. Blessée ou non,
elle continuerait à les mener.
– Pour la fleur de nuit ça sera cette nuit… Il nous reste donc le poil de
salamandre.
– Je pensais que les salamandres étaient des amphibiens, elles n’ont donc
pas de poils ? Questionna le jeune homme soudainement très perplexe.
– Si tu avais écouté les cours de magie défensive, tu aurais entendu parler
de manteau en poils de salamandre ! Bougonna Stefan, décidément de très
mauvaise humeur.
– Ca va, ça va monsieur le professeur !
Et tous reprirent la route à travers bois. Si Elisse souffrait, elle n’en
montrait rien, même si son visage était plus pâle et tendu, ses traits crispés.
Au bout d’une heure à travers fougères et épineux, ils décidèrent de faire
une pause pour se restaurer. Assis sur le tronc d’un arbre tombé il y a
longtemps pendant un orage et couvert de mousse, ils mangèrent en silence.
Les oiseaux chantaient, les insectes bourdonnaient et les enfants
mangeaient, seuls s’entendant leurs bruits de mastication. Ils se nourrirent
de pain frais, d’œufs durs et de saucisses sèches, Kev prenant la part de
viande d’Elénay qui lui offrit gracieusement sous son air de Dragon affamé.
Elle ne semblait pas fatiguée par sa transformation que tous savaient
épuisante, combat ou non.
Kevold fouilla dans le sac à dos pour en sortir une gourde d’eau, l’ouvrant
d’un geste sec, il allait la porter à ses lèvres lorsque quelque chose le
retient, une impression, une sensation…
Il y eut alors comme une explosion qui propulsa le jeune homme en l’air et
fit littéralement éclater le vieux tronc. Tous en furent quittes pour des
échardes et Kev pour un bon mal de dos par son atterrissage forcé contre le
sol dur de la forêt. Devant eux, transparente et nue, ses cheveux ondulants
jusqu’aux sol, une ondine les fixait. A ses pieds se trouvait, ouverte, la
petite fiole qui leur avait permis de prendre l’eau du lac Bleu.
– Quand je vous disais que c’était trop facile cette histoire de lac…
Le jeune homme se passa une main dans le bas du dos, ne pouvant
empêcher une grimace de fendre son visage.
– Qui êtes-vous, pourquoi m’avoir emmenée ? Manda la créature d’une
voix limpide avec des accents aquatiques que l’on pouvait comparer à un
ruisseau courant sur des pierres.
– Nous ne vous avons pas emportée, Madame, répondit Stefander avec
politesse tout en allant discrètement vérifier que Kev allait bien.
– Je suis pourtant ici, loin de mon lac. Que me voulez-vous ?
Silence, les enfants étaient un peu perdus et surtout très surpris par cette
apparition. Stefan essayait de réfléchir à toute vitesse pour donner une
réponse qu’il espérait satisfaisante à la créature aquatique :
– Nous réalisons notre cérémonie des Éléments Madame, notre professeur
nous a demandé de lui ramener une fiole d’eau du lac Bleu.
– Celui que vous nommez professeur veut votre mort ?
Nouveau silence.
– Pourquoi vous demander une chose aussi dangereuse ? Je pourrais vous
tuer si je le désirais et je le désire en cet instant.
– Cette cérémonie est très importante pour nous Madame, continua le jeune
homme sans se démonter. Nous ne voulions pas vous déranger, juste
prendre un peu d’eau.
– Vous semblez sincère. Non, vous êtes sincère.
La créature ondulait sous le soleil, on voyait la forêt alentour au travers de
sa peau bleutée. Elle semblait réfléchir, faisant clignoter ses yeux de même
couleur et transparence que le reste de son corps. Penchant légèrement la
tête de côté, elle sourit et annonça :
– J’ai pris ma décision, je ne vous tuerais pas. Pas aujourd’hui, mais ne
revenez pas chez-moi sans mon autorisation, même si l’homme professeur
vous le demande.
Comprenant qu’elle allait disparaître, Kev insista en avançant d’un léger
bond vers elle :
– Il nous faut de l’eau de votre lac !
La créature lui lança un regard plus profond, plus brillant, qui fit frissonner
chacun à l’unisson. Si elle changeait d’avis par ce geste brusque et cette
demande qui pouvaient être pris pour de l’impolitesse…
– J’aime ton arrogance petit Dragon.
Kev allait répliquer face au terme peu élogieux de petit, mais l’Anima
Pégase qui venait de le rejoindre discrètement lui lança un coup de coude
dans les côtes qui lui fit se mordre la langue. Visiblement, les créatures
magiques comme cette ondine, savaient reconnaître leur Anima. Inclinant à
nouveau la tête de côté, la créature se pencha sur le sol pour ramasser la
fiole qui semblait perdue dans sa main d’eau. Elle appliqua un doigt sur
l’ouverture et la petite fiole se remplit de liquide clair. Puis elle l’a tendit à
Elénay qui était la plus près d’elle. La jeune fille tendit la main pour s’en
saisir, l’ondine lui donna, mais alors qu’elle s’écartait, la rattrapa par le
poignet.
– Qui es-tu enfant ?
– Je m’appelle Elénay Dildenay, récita-t-elle.
– Tu n’es pas comme eux.
– Je ne suis comme personne m’a-t-on dit.
– Tu dois te sentir si seule…
Ce n’était pas une question, mais elle y répondit par un signe affirmatif de
la tête.
– Fais attention à toi enfant.
– Merci.
Et l’ondine disparut dans une énorme gerbe d’eau qui les éclaboussa tous.

Ils étaient cette fois devant une grotte. L’entrée d’une grotte sombre à la
gueule béante comme il se doit. L’après-midi touchait à sa fin et la nuit
serait bientôt là. Ils devaient récupérer ce poil de salamandre puis foncer au
champ des fleurs de nuit et enfin faire le trajet du retour. Le temps avançait
vite, mais personne n’était pressé d’entrer là-dedans. Elisse, malgré sa
fierté, finit par s’asseoir sur une pierre près de l’ouverture, essoufflée et le
bras tendu. Ses coupures n’étaient pas très belles malgré le désinfectant
appliqué dessus, elle aurait besoin de soins à leur retour. Mais le retour, ils
n’y étaient pas encore.
– Si ça se corse, je ne pourrai pas me transformer là-dedans, grimaça Kev
mécontent.
– Je vais donc y aller, répondit Stefan, en espérant que la voûte soit assez
haute.
– Et quel est l’intérêt d’un Pégase dans une grotte ?
– Tu as une meilleure idée ? Nous sommes tous des Animas volants je te
rappelle !
– Pas moi.
Elénay venait de parler, les yeux sur l’entrée de la grotte. Elle ne faisait pas
un mouvement, semblait calme et résolue, comme si elle venait de décider
de s’occuper seule de cette partie de la quête.
– Bien sûr que si ! Objecta le Dragon, tu es une Manticore.
– Pas toujours…
– C’est impossible, chacun a un Anima et…
– Non ! C’est impossible ! S’exclama Stefan, coupant la parole de son ami.
Retirant sa tunique et son pantalon en un éclair, l’adolescente se
transformait devant eux. Pas en Manticore, non, son corps s’allongeait,
s’étendait, verdissait… Et devint un magnifique Basilic de couleur
émeraude.
– Une Anima Légendaire, cette gamine est une Anima Légendaire ! Je n’en
ai vu que dans ce vieux livre que cache le professeur Warcan dans sa
bibliothèque. Ils n’existeraient plus depuis trois milles ans…
– Une quoi ? Questionna Kev dans un hoquet alors que le Basilic ne les
quittait pas de ses yeux reptiliens.
– Une Anima Légendaire ! Répéta-t-il encore une fois. Elle peut se
transformer en de multiple Animas, tous rares et légendaires…
– Bon sang, mon grand-père m’en a parlé, seuls les anciens connaissent
cette légende, prononça Elisse qui s’était relevée.
Le Basilic souffla vers eux d’un air menaçant, il ne semblait pas apprécier
leur façon de parler de lui. Ses pupilles de chat s’étrécirent et se retournant
dans un éclair vert il disparut dans la grotte, faisant crisser ses griffes sur la
pierre.
C’était sombre avec une odeur de souffre dans ces cavernes, de petits
champignons phosphorescents tapissaient certains murs, offrant une lumière
verdâtre et terrifiante pour un humain qui se serait aventuré par ici. Mais
Elénay n’était pas humaine. Elle était une Anima, une Anima différente des
autres. Trop différente ? Certainement, on le lui avait fait comprendre toute
sa vie, par un mélange de crainte et de question. D’où elle venait, elle
l’ignorait. Pourquoi était-elle plusieurs Animas à la fois ? Des bêtes rares et
pleine de rage, elle l’ignorait également. Elle décida de ne pas retenir sa
rage qui grandissait en elle, la laisser aller lui faisait toujours du bien. Et
elle en avait si rarement l’occasion...
Elle avait vu leurs regards avant de rentrer dans la grotte… Oui, sa rage lui
ferait le plus grand bien ! Ainsi lorsqu’elle trouva la salamandre de feu,
lovée au fond de sa grotte, sa gueule ouverte prête à se défendre, elle fonça
dessus sans hésiter. Le combat se déroula en un sursaut de secondes. Elle ne
la tua pas, se fut difficile de s’arrêter à temps, de calmer sa colère pour
stopper son geste de mort, pourtant elle y parvint. Laissant la salamandre
assommée au fond de sa tanière, elle saisit entre ses dents aiguisées comme
des rasoirs une touffe de poils magiques et prit le chemin de la sortie. Ce fut
difficile de faire baisser son niveau de rage pendant le court chemin du
retour, pourtant elle le devait pour ne pas être un danger pour ses
compagnons de route. Respirant fort, se concentrant, elle parvint à calmer
les pulsassions nerveuses de son cœur.
A son retour, il n’y eut pas de questions. Oh ils avaient certainement
longuement discuté entre eux en son absence, mais à part leurs regards en
coin, rien n’avait changé et aucun débat ne s’imposa. Peut-être avaient-ils
peur que le Basilic les transforme en pierre ?

C’est dans un silence absolu qu’ils reprirent la route, le crépuscule était là


et les animaux diurnes cédaient lentement leur place aux animaux
nocturnes. Une chouette hulula au-dessus de leurs têtes, visiblement déjà en
chasse. Il leur fallut encore une heure pour parvenir à une immense clairière
emplie de fleurs. Des fleurs blanches aux pétales délicats et comme
légèrement froissés qui exhalaient un parfum vanillé. La nuit les faisait
éclore, ainsi la prairie était-elle entièrement tapissée de blanc et de vert
sombre. Elisse s’assit au milieu des fleurs avec un large sourire, elle était
épuisée mais satisfaite.
– Le dernier élément, celui de la terre. Une fleur de nuit dans notre sac et
nous pourrons rentrer.
– Il faudra faire le trajet en Anima, annonça Kev avec un sourire tout aussi
large, autrement nous risquons d’être en retard.
– Je suis trop épuisée pour me transformer à nouveau, avoua la jeune
femme.
– Tu auras qu’à monter sur mon dos, je ferais attention de ne pas te faire
tomber !
L’idée de se transformer en Dragon lui donna des ailes et sans plus attendre
il se déshabilla pour s’exécuter. Comme lui-même avait fait lorsqu’elle
s’était transformée en Griffon, Elisse n’en perdit pas une miette. Le Dragon
devint vite immense, avec ses écailles plus dures que l’acier et ses yeux
dorés, il était magnifique, impressionnant mais magnifique sous les rayons
de lune de cette nuit pleine d’étoiles. Elisse lui souriait largement, lorsque
ses lèvres se figèrent, une ombre gigantesque venant d’apparaître derrière
eux et ce n’était pas celle du Dragon.
– Il ne manquait plus que ça !
Faisant sauter sa tunique et le reste de ses vêtements, Stefander se
transforma à son tour. Ses pieds devinrent sabots, des ailes poussèrent dans
son dos et son corps se couvrit de poils blancs comme neige. Il trotta
jusqu’à Elisse, se relevant péniblement malgré la peur, ses muscles rompus
de fatigues, celle-ci attrapa sa crinière et se hissa sur son dos. Le Pégase prit
immédiatement son envol pour éviter leur nouvel adversaire tandis que le
Dragon lui faisait maintenant face. Un serpent, un simple serpent, mais un
serpent au corps de la largeur d’un vieux chêne centenaire et à la taille
démesurée. Sa langue bifide dardait de sa gueule pour capter les parfums
alentours et surtout les effluves émanant de ses proies potentielles. Il ne
mangerait pas l’Anima Dragon, mais il trouverait bien un endroit délicat où
planter ses crocs empoisonnés pour s’en débarrasser et ainsi se saisir de ses
amis.
Le Dragon n’attendit pas et attaqua de suite, évitant habilement la tête du
serpent géant, il le contourna pour le mordre au milieu du corps. L’animal
souffla avec force et colère, mais le Dragon ne lâcha pas, serrant ses
mâchoires de toutes ses forces. Le Pégase en profita pour venir frapper les
yeux de la bête de ses sabots, alors que celle-ci tentait de se retourner pour
mordre son adversaire. Ruant, il parvint à lui crever un œil alors qu’Elisse
l’encourageait à pleins poumons, fermement agrippée à sa crinière et assise
entre ses ailes blanches. Le serpent se secoua en de longues ondulations qui
obligèrent le Pégase à s’éloigner et le Dragon à enfin lâcher prise.
Reculant, les griffes plantées dans le sol, il allait charger lorsque la queue
du serpent vint le rejoindre par l’arrière pour s’appliquer dans son dos.
Hurlant de colère et de surprise, il se retrouva plaqué au sol et vulnérable.
Le serpent se précipita crocs en avant pour en finir lorsqu’un coup de griffe
l’envoya valser en arrière, lâchant le Dragon. Un deuxième Dragon venait
de le griffer sévèrement au museau. Un Dragon plus menu et filiforme, avec
des écailles bleu nuit brillantes. Elénay, à n’en pas douter. Les deux
Dragons se sourirent à leur façon et d’un accord de tête muet, foncèrent
d’un même mouvement sur le serpent qui revenait lui aussi à la charge.
Après un long vacarme d’écailles arrachées et de cris reptiliens, le serpent
géant tomba inanimé sur le sol. Les deux Dragons étaient indemnes, à part
quelques éraflures et écailles perdues par-ci par-là. Le Pégase vint voler à
leur hauteur, la jeune femme, toujours sur son dos, offrit avec son aide une
caresse au museau de chaque reptile. Elénay sourit alors largement de sa
bouche écailleuse, elle semblait très touchée par cette marque d’affection,
cela se voyait dans ses yeux brillants, des yeux bleus où la rage brièvement
semblait apaisée.

Ainsi prirent-ils le chemin du retour, tous volant, tous heureux et surtout


vivants. Ils étaient fiers, ils avaient réussi, à quatre, la cérémonie des
Éléments. Ce fait resterait gravé dans leurs histoires et leurs lignées, ils
seraient les héros de leurs familles.
En attendant, ils étaient fatigués, avec des muscles durs et endoloris, mais
ils avaient réussi où bien d’autres avaient échoué.
Leur sac contenait chaque élément demandé et ainsi furent-ils acclamés par
tous à leur retour. La cérémonie n’était pas terminée, malgré leur fatigue et
blessures, ils durent endurer la cérémonie finale et les remerciement des
professeurs et familles pour leur héroïsme et avoir ainsi porté les couleurs
de l’école et de leurs familles. Un banquet dura toute la nuit et c’est épuisés
qu’ils purent rejoindre leurs lits respectifs au matin.
Épuisés ils l’étaient tous, mes exaltés également ! Tant de choses pouvaient
à présent leurs ouvrir les bras qu’ils en firent chacun des rêves tumultueux.
Des rêves d’aventures et de conquêtes, des rêves d’amitié et de présages.
Car une chose était certaine : ils n’étaient tous qu’au début de leur
connaissance en Anima et de leurs pouvoirs respectifs, mais aussi de leur
amitié !
LES PERSONNAGES

Principaux ou qui apparaissent brièvement


(Attention il est déconseillé d’étudier ces minis fiches avant de lire la
novella !)

Kevold DeLaHaie D’or


Prince de la grande maison et famille du Dragon
Roux aux yeux couleur vert et or
Anima dragon
14 ans. Fougueux, arrogant et prétentieux.

Stefander Rubois
Prince de la maison et famille du Pégase
Blond aux yeux couleur turquoise
Anima pégase
14 ans. Calme, posé et très intelligent.

Elisse HautJardin
Princesse de la maison et famille Griffon
Longs cheveux noirs et yeux gris
Anima griffon noir
16 ans. Hautaine, meneuse et courageuse.

Elénay Dildenay
Orpheline à la naissance inconnue
Très longs cheveux noirs à reflets bleus, yeux couleur bleu transparent.
Anima légendaire
13 ans. Timide, réservée et très secrète.

Micha Tadoy
Pas de blason
Brun aux yeux couleur noisette
Anima percheron à la peau baie
12 ans. Gourmand, joyeux et toujours très modeste.

Maître Bolkush
Un des plus anciens maîtres de l’école des Animas du Centre et l’un des
plus respectés.
Longs cheveux et barbe gris, yeux de couleur bleu très clair.
Anima loup géant
83 ans. Un grand sage parfois un peu rustre dans sa façon de parler.

La reine Crystalina
Reine de la maison de l’Hydre
Très longs cheveux blonds, yeux violets
Anima hydre
38 ans. Grand charisme et beauté, femme extrêmement respectée.
DU MÊME AUTEUR

2013 Vie Antérieure - Wélhandy monde magique - Plumes, Ecailles et


Pixels

2014 Le Pub aux démons - ELP Editeur


© Plumes Ecailles et Pixels 2013
ISBN pour la version numérique : 978-2-9601279-0-4

Tous droits réservés pour tous pays

Auteur : Nessendyl
Couverture : Nessendyl
Maquette : Nessendyl
Correction : Lee (Aurélie Dengis)

http://www.arbredenessa.net
nessa.artiste@gmail.com

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