Vous êtes sur la page 1sur 11

Chapitre 3

« Jae ? Jae ? »

Le ton bas me tira doucement de l'état comateux dans lequel je me trouvai. J'ouvris des
paupières raidies par la poussière et la chaleur. Ma langue était comme du cuir, et quand je
tournai la tête pour vérifier qu'à ma ceinture se trouvai une gourde, je vis des traces rouges
et sombres sur mes jambes. Vin. Sang. Vomi. Les images m'assaillirent, et je dégringolais
dans les bras du voyageur.

« Attendez. Voilà, buvez ça. Buvez » m'ordonna t-il, après m'avoir soulevée jusqu'à une
dépression dans le sable. J'entrouvris la bouche et un liquide vaguement sucré coula dans
ma gorge ; comme une explosion, je sentis ma vigueur me revenir et me redressai.

Le messager d'Ynrod alla s'occuper de sa monture, et je remarquai à la lueur crue de la lune


que nous étions couverts de poussière et, surtout pour le lézard à plumes, de sang. Je
frissonnai, et non pas seulement à cause du froid.

« Quel est votre nom ? »

Tout s'était passé si vite. Cet homme m'avait de toute évidence sauvé la vie, et je ne
connaissais pas son nom. Il eut un grognement - peut-être venait-il de se faire la même
réflexion que moi. Il déposa la selle sur le sol rocheux, et vint s'asseoir en face de moi. Il
sortit d'une de ses nombreuses poches de petits objets, sans que je sache ce que c'était car
il me boucha la vue en me tournant le dos.

« Kero. Tais-toi maintenant. »

L'injonction me parut injuste, et j'allai protester, mais les lueurs écrasèrent mes mots dans
ma gorge. Les deux mains au-dessus du rectangle sombre, dos à moi, il priait Ynrod. J'eus
un tressaillement - tous ces petits miracles qu'étaient capables de faire les hommes et les
femmes des dieux, tout cela était vrai, je le savais. J'y avais toujours vu un don intrinsèque à
une personne plutôt que l'offrande d'une déité, mais en cet instant, je n'en fus plus aussi
sûre. Quoi que fit Kero, le feu prit devant lui, et la flambée était telle que je dus reculer du
bout des fesses.

« Cela nous tiendra au chaud cette nuit. Mourir de froid ne servirait à rien. »

Nul bois ne nourrissait les flammes d'or et de carmin, mais elles étaient bel et bien là. D'où
tiraient-elles leur énergie ? Je n'en savais rien, et je n'osais pousser la curiosité au-delà.
J'étais trop fatigue, trop hébétée pour réellement me poser des questions.

« Es-tu blessée ? » demanda t-il en s'approchant de moi. Je lui lançai un regard noir et
découvris les dents en un sourire carnassier.

« Où sont les griffirs ? Ils nous poursuivent encore ? Comment ont-ils pu pénétrer dans le
temple ? Les Valaris sont ... Et Dame Lorna ... Annassyt ... »

Ma voix s'étouffa sous l'émotion, et je décidai calmement de transformer mon horreur en


colère. Dirigée soudain vers Kero, je me levai pour prendre la domination de la conversation
face à l'homme assis. J'étais finalement capable de me poser des interrogations, et je les
dirigeais contre lui comme on pointe quelqu'un avec une épée.
« Nous ont-ils suivis ? Sommes-nous encore en danger ? Vous m'avez emmenée loin du
temple ! Mes camarades, mes professeurs ... Il faut les secourir ! Vous n'avez pas pensé une
seule seconde à ces gens ! »

« Comme si vous vous inquiétiez vraiment pour elles » grinça t-il avec une amertume
sincère. « J'ai sauvé votre peau, parce que c'était vous qu'ils cherchaient. Si vous voulez,
nous pouvons retourner sur nos pas ; je serai plus que ravi de vous offrir en pâture à ces
mercenaires contre la certitude que Lorna ou Felnigra soient vivantes.»

Un mot de plus et j'en serai venue aux mains avec lui. Un mot. Il me rendit mon regard, sans
aucun respect pour mon rang. J'étais la princesse Ledazar, et lui un simple voyageur. Il
servait de courrier, de messager, et le voilà qui tenait tête à une femme au sang bleu !

« Il y a une oasis à quelques kilomètres plus au Nord. Nous l'atteindrons demain.»

« Et puis après ? »

La résignation transformait ma voix, lui donnait des timbres rauques et violents. Kero me
lança un coup d'oeil exaspéré. Il n'en savait pas plus que moi - la fuite avait sûrement
semblé un horizon plus agréable, mais à présent, nous étions simplement perdus dans le
désert. Les dunes avaient perdues leurs reflets rouges, et la nuit donnait des allures
fantomatiques au paysage de sable.

« N'avez-vous nul endroit où vous réfugier ? Des alliés politiques de vos parents, des amis
de longue date ? »

Il semblait gêné pour moi, ce bout d'homme, au visage fermé. Son regard se perdait dans les
flammes jaunes et rouges. Je me mis à réfléchir : j'avais toujours crue être en sécurité, dans
le palais royal ou au temple. Je prenais cela pour acquis - qui aurait osé s'en prendre à de
tels endroits, rendus sacrés par les Dieux ? Mais tout avait volé en éclats. Tout n'était que
poussière à mes pieds ; je pris une pleine poignée de sable, avec l'impression amère que
chaque grain que je laissais s'écouler n'était que ma vie partant en lambeaux. Je secouai la
tête, passais ma main sale dans mes cheveux courts et hirsutes.

« Je ne crois pas » avouais-je finalement, effrayée.

Qu'allions-nous faire ? Kero n'allait pas me garder avec lui jusqu'à la fin de ce monde. Cela
le mettait en danger. Et moi, alors ? songeais-je, la peur prenant le pas sur toute autre forme
d'émotion. Baronie allait me chercher, jusqu'à ce qu'il me trouve ou qu'il impose un autre
moyen de prendre le pouvoir. Car c'était ce qu'il voulait, non ? Il avait fait prisonnière ma
famille. Il avait même peut-être de leur sang sur ses mains. De mon sang. Je frissonnais.

« Allons-y étape par étape. L'Oasis de la Flèche, puis nous improviserons. »

Cela ne ressemblait pas à un plan, mais je n'avais pas mieux. Je commençais à avoir de
nouveau faim, et ma gorge se desséchait à cause du vent plein de poussière. Mon ventre
noué me faisait mal, et ma tête me tournait. Kero m'aida à remonter sur sa monture, et nous
repartîmes, cahin-caha. Le temps me semblait d'une longueur interminable. Mes pieds
gonflés par la chaleur me faisaient souffrir, une cloque à ma main droite suintait, et mon
crâne pulsait au rythme machinal de mon voyage, occasionnant une migraine qui dura de
longues heures, m'offrant une vision floue - de toute façon, le désert n'avait rien d'agréable à
regarder, alors je me centrais sur ma propre douleur, recroquevillée sur la selle entre les
bras de mon sauveur. Parfois il parlait, me contait notre escapade, m'expliquait comment il
m'avait sauvé. Peut-être pour vérifier que j'étais toujours en vie, ou pour s'occuper l'esprit et
la langue.

« Cette tempête a été un véritable don des dieux. Ma Naïs a réussi à traverser le voile de
sable, il y est habitué, ce n'est pas la première tempête que l'on essuie. Les griffirs, eux,
surtout montés par ces mercenaires couards, n'ont pas osé pénétrer la tempête. Cela
m'étonnerait que l'on nous suive encore. Même si, à mon avis, ils vont rapidement le
regretter si Baronie vous veut au point d'attaquer le Temple de Shaark’va. »

Je fixais un point au-dessus du crâne de la bête que nous montions, et une questions aussi
stupide que spontannée franchit mes lèvres.

« Qu'est-ce que vous êtes, vous et cette créature ? »

Il était un messager d'Ynrod, mais j'étais certaine qu'il était plus que cela. Il avait risqué sa
vie pour me sortir de ce carnage. D'après ce qu'il disait, Baronie me recherchait plutôt vive
que morte, mais ce n'était pas exclu que quelques morceaux manquent. Je n'étais toujours
pas persuadé de sa perfidie. Baronie avait bien connu ma famille. Mais ce qui s'était passé -
Hier ? Déjà ? J'avais perdu la notion du temps. L'attaque du temple me semblait dater de
plusieurs mois, quand pourtant les souvenirs qui remontaient douloureusement étaient
comme une scène vivante sous mes yeux, à jamais au présent. Combien d'heures avions-
nous passé sur cette affreuse bestiole, entourés uniquement de sable, craignant le ciel
comme le sol sous nos pieds ?

« Avez-vous perdu la mémoire ? » s'inquiéta t-il, retirant un gant de monte pour palper mon
front.

Comme je n'avais pas de fièvre, il haussa un sourcil avant de se décider à me répondre.

« Je suis Kero, messager du dieu Ynrod. Quand à la bête que nous montons, elle a pour
nom Naïs. C'est une Naxcyth. Ils vivent dans des déserts plus au Nord, et sont parfaitement
équipés pour les longs voyages. Leurs pattes griffues possèdent de petits coussinets
incroyables, qui leur donne une résistance sur les grandes distances, autant qu'au froid ou
au chaud, et leurs doigts possèdent de petites membranes qui évitent qu'ils ne s'enfoncent
dans le sable ou dans la neige. Leur bec acéré ... »

Je n'écoutais déjà plus, harassée, à moitié endormie, bercée par sa voix grave qui résonnait
à travers son torse dans mon dos comme une caresse.

La traversée du désert à pied m'avait parue durer une éternité. Mais je venais d'un point plus
proche. Je ne savais pas où nous allions, mais cela durait bien trop. Quand, enfin, au bout
de trois jours et demi de chevauchée, l'oasis de la Flèche apparut au loin, sur un horizon
composé de bien trop de sable - je m'étais mise à haïr cet environnement - je poussais un
soupir de soulagement. Kero devait lui aussi ressentir cette émotion car, malgré notre
épuisement à tous, il fit courir Naïs pour arriver plus vite. L'oasis était un petit coin de
verdure, où des plantes avaient réussi à survivre dans ce désert sec et mortel. Des arbres
rabougris, clairsemés, et pourtant leur ombre nous fit un bien fou. J'étais cuite par le soleil,
mais je n'arrivais pas à me soucier de mon apparence déguenillée. Je mis pied à terre, sur
un petit chemin qui avait dû voir passer plusieurs décennies. Ses plaques d'ardoise grise
étaient à moitié recouvertes d'une mousse beige et de sable, mais je suivis tout de même le
serpentement jusqu'à l'eau. Il y faisait presque frais, dans cet écrin de nature et je
m'agenouillais au sol dans le sable humide, pour immerger totalement mon visage. Je refis
surface, avec l'impression d'avoir une pomme ridée à la place de mes traits habituels. Je bus
à longues gorgées, observant autour de moi le cercle étrange de fourrés verdoyants et
d'herbes folles. Ici et là, il y avait des vestiges d'anciens campements : de petites caisses de
bois fendu, abîmé par le temps, mais aussi de vieilles marques de feux de camp ou des
cicatrices dans la végétation là où avaient peut-être dormi des inconnus. Je me tournai vers
Kero qui avait retiré sa selle à Naïs et la laissait dévorer tout son saoul les feuilles piquantes
d'un buisson de ronces. Il me rejoignit et nous restâmes là, apaisés par la fraîcheur et l'eau.
Il ne restait que quelques heures avant la tombée de la nuit, et le messager mit cela à
contribution pour chasser : il changea son pourpoint pour un étrange vêtement couleur de
sable, afin de se fondre dans les dunes. Je le regardais partir, et m'allongeais pour dormir,
car je n'avais pas grand chose d'autre à faire. Je ne faisais que cela depuis notre départ du
temple - m'endormir, me réveiller, manger, boire, faire fonctionner le corps à son minimum.
Je refoulais les pensées noires, les souvenirs qui s'imprimaient dans mon esprit. J'étais
épuisée, mais les cauchemars me visitaient comme des fantômes, et j'étais toujours
fatiguée, toujours somnolente. Néanmoins, l'ombre et l'humidité de l'eau à proximité me
permet de m'endormir soulagée, roulée en boule sur un tapis de mousse, sous l'oeil vigilant
de Naïs.

***

« La viande est prête. » La voix me fit émerger, tout autant que l'affriolante odeur de graisse
fondue. Je me redressais sur mon séant, les yeux embrumés, salivant d'avance. Je m'étais
mieux reposée en deux ou trois heures que durant tout ces moments de sommeil durant les
trois ou quatre derniers jours. Sans prendre même la peine de m'épousseter, une odeur de
plante et de poussière agrémentée de viande cuite plein le nez, je m'approchais en rampant
à moitié jusqu'au feu. Le bois sec crépitait, offrant au lieu des éclats flamboyants agréables.
Sa chaleur, dans l'air ambiant qui se refroidissait grandement, était rassurante. J'avais retiré
mes vieilles bottes abîmés, et sous mes pieds encroûtés de sable, la mousse était
duveteuse, humide. Kero me tendit une cuisse de quelque chose, et toute la politesse du
monde n'aurait pas pu m'empêcher de me jeter sauvagement dessus et d'en ronger le
moindre morceau jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un os. Alors que nous étions concentrés
sur notre repas, la nuit tomba totalement, sa voûte stellaire s'ornant des étoiles qui formaient,
ici, des constellations si différentes de ma région. Je voyais le Chat, la Couronne de Ronce
et le Pinceau. Nous avions donc voyagé vers un axe Sud-Ouest.

J'en étais toute à mes réflexions, finissant ma deuxième part sans parvenir à déterminer si
c'était une aile, une cuisse ou autre chose - et qu'importe, finalement - quand, finissant sa
bouchée, Kero se retrouva en un clignement de paupières son arc à la main, une flèche
encochée, prêt à tirer, toujours assis en tailleur, le dos droit et l'oeil étincelant. Surprise, je fis
volte-face pour voir qui il visait ainsi : je manquais de crier, surprise de voir une silhouette
dans la pâleur nocturne du ciel où trônait un morceau de lune. A première vue, c'était un
homme, mais nous n'arrivions pas bien à discerner ses traits - quoique, peut-être Kero en
était-il capable, tout messager et chasseur d'Ynrod qu'il était. Je m'accroupis et vins
m'installer près de mon sauveur, sans quitter des yeux l'inconnu. A la frontière d'une rangée
d'arbres, il profitait de l'ombre pour se camoufler, je m'en rendais compte. Néanmoins, il avait
levé les mains en l'air en signe de paix, et ne m'avait pas l'air agressif. « Décline ton identité,
toi qui as tenté d'approcher furtivement de notre camp. » Kero ne s'était pas redressé, mais
on devinait dans sa posture étrange qu'il lui suffirait d'un geste pour être debout, ou pour
bondir. Il avait l'air crispé, de cette attitude féroce qu'ont les animaux prêts à se jeter sur une
proie. J'aurai pu avoir peur, mais je me sentais au contraire rassuré de le voir aussi sauvage.
Il était mon protecteur, du moins pour le moment, et j'espérais qu'il inspirait une terreur
relative à notre inconnu.

« Si c'est mon nom que vous demandez, le voici. Yvalnis. »

La voix était bien plus rauque que je ne l'aurais cru. Kero ne se laissa pas démonter, et ni
ses bras ni ses mains ni son arme ne tremblaient, comme si il était en métal trempé. Il
promettait, ainsi figé, une morte prompte ou douloureuse selon son envie. « Avance, de
quelques pas. Je veux voir ton visage. Un mouvement menaçant, et cette flèche viendra
décorer ton cou. » Ce n'étaient pas des mots en l'air. La silhouette vêtue d'ombres fit un pas,
puis deux, et s'arrêta finalement dans la lisière de notre clarté, dévoilant une peau halée, des
cheveux dorés, un corps sec et fin. Il n'avait pas de signe distinctif sur lui, comme un blason
sur sa chemise de lin, ou une couleur particulière qui l'aurait étiqueté faisant partie de telle
noblesse ou de tel clan. Peut-être Kero le connaissait-il, ou vit-il quelque chose qui l'amena à
plus de souplesse, car il baissa son arme, et sa flèche rejoignit rapidement les autres dans le
carquois de son dos. L'inconnu eut un sourire en coin et baissa les mains qu'il avait gantées,
avant de s'approcher et de s'asseoir près du feu, de l'autre côté des bûches crépitant. De
près, je vis son regard vert comme l'émeraude se poser sur nous, nous détailler avec
distance. Il me fit penser à un chat face à un étranger.

« Partagez notre repas, Yvalnis. »

L'homme aux yeux verts ne se fit pas prier - il se pencha souplement pour détacher un
morceau de viande, sans se soucier de la graisse qui tâcha ses gants. Après avoir mangé sa
part, il se repoussa en arrière, bras tendus. Il souriait au ciel nocturne, sous le regard perçant
de Kero qui ne cessait de le regarder.

« Quand et pourquoi êtes-vous venu à l'Oasis ? »

Il ferma les yeux, haussa une épaule, l'air malicieux.

« J'ai été envoyé par ma famille, afin d'accomplir une certaine mission. Mais il y a eu
quelques complications en route. Me voilà donc depuis un jour ou deux dans cette oasis, où
je reprends des forces, inconnu. Mais vous êtes bien curieux, pour des êtres qui ne vous
êtes même pas présentés, après avoir réclamé ma propre identité. »

Son ton insolent me rappela si fort Rikka que j'eus une brusque bouffée d'antipathie envers
lui, sans même le connaître. Mais il était dans le vrai - Kero avait réclamé son nom sans
même avoir la politesse de lui retourner nos identités. Avant que mon sauveur n'ait pu
répondre, je pris les devants.

« Voici Kero, messager d'Ynrod, et moi-même je suis Jae. Juste Jae. »

J'avais eu la présence d'esprit de ne pas dévoiler mon rôle ou mon nom de famille. Le regard
agacé de Kero ne reflétait aucun soutien et il fit un geste de la main nerveusement.
« Elle est ma nièce, et mon apprentie » mentit-il facilement, d'un ton si naturel que j'eus un
instant d'ébahissement, avant de baisser les yeux.

« Vraiment ? » Le ton d'Yvalnis était narquois - il ne nous croyait absolument pas, c'était
évident. « Enchanté de vous connaître, Kero d'Ynrod et Jae. Je tiens à vous remercier pour
ce repas. Je n'ai pu me remplir le ventre que d'eau depuis mon arrivée, et je mourrais de
faim. »

Il n'avait pas d'armes sur lui, il était habillé simplement, d'étoffes qui avaient vu de meilleurs
jours. Il était également pieds nus, son pantalon remontant sur ses mollets, ample et léger.

« Vous pouvez dormir, je monte la garde. Yvalnis, je propose que l'on arrête ici les
bavardages. Gardez le but de votre mission pour vous, et nous nous séparerions en bons
termes à l'aube, entendu ? »

Pour aller où ? J'eus envie de lui crier au visage, alors que les deux hommes s'observaient
en coin. Je n'étais pas fatiguée, mon somme sur la mousse m'ayant reposée. J'étais, au
contraire, assez excitée de rencontrer un inconnu. Excitée et effrayée : si il était un homme
au service de Baronie ? Il avait dit être envoyé en mission, par sa famille ... Mais il ne
ressemblait pas à un noble. Cependant, venir ici avec un blason ennemi, cela aurait été du
suicide. Quelle pouvait être sa mission ? Cosnan devait avoir puni ses hommes, et renvoyé
d'autres mercenaires à nos trousses. C'était inévitable. Kero avait été clair : Baronie n'était-il
pas prêt à tout pour m'avoir ? « On approche » murmura soudain Kero ; il se leva cette fois,
éteignant du pied le feu en y traînant du sable. La clarté dorée fut aussitôt remplacée par
celle, argentée, de la lune. J'eus la désagréable surprise de voir les prunelles de Kero et
d'Yvalnis briller dans cette pénombre, comme des yeux de bêtes. « Qui ? » J'avais la
stupidité de demander. Kero me fit signe de me baisser, alors qu'il se tournait vers un côté
de l'Oasis. Deux lumières s'allumèrent soudain - deux torches, brandies par deux
silhouettes, mais ils étaient plus nombreux, derrière. Ils étaient en face de nous, et certains
tenaient des arbalètes, tournées dans notre direction. Ils ne semblèrent pas surpris de voir
trois personnes. La lune n'aidait nullement, sa lumière rendant le paysage et nos personnes
parfaitement visibles.

« Faites le tour et enchaînez-les, tous les trois. »

L'ordre venait d'un de ceux qui tenaient les torches, un homme d'âge mûr aux cheveux gris
acier et à la tenue de tissu souple et dur comme une carapace d'insecte.

« Eh bien, Yvalnis, tu as réussi à te traîner jusqu'ici. Mais Maïtre Jeshamar nous a payé une
somme rondelette pour ta capture. Et ceux-là, qui sont-ils ? Des alliés ? Ils ont été envoyés
comme toi ? »

Alors qu'il posait la question, l'attention de ceux qui tenaient les armes, jusque là plutôt
tournée vers Yvalnis, sursauta pour mieux menacer Kero et moi-même. Une voix féminine
jaillit de derrière l'homme.

« Ils sont humains, même si l'homme est un touché des dieux. D'Ynrod pour être exacte. »

Le chef secoua la tête, et son visage parut soulagé. J'étais figée, à moitié cachée par Kero
qui tenait toujours son arc bandé, flèche vers cet homme qui donnait les ordres. Mais déjà,
plusieurs hommes avaient déjà fait le tour de l'étendue d'eau, et s'approchaient en faisant
cliqueter des chaînes de métal.

« Jeshamar a fini par céder à ses pulsions ambitieuses ? » demanda doucement Kero, d'une
voix venimeuse comme un serpent camouflé dans de hautes herbes.

Au nom de son supérieur prononcé avec autant de mépris, l'homme tiqua, les yeux plissés.

« Combien ? » demanda plus doucement encore Kero, alors que l'inconnu aux cheveux gris
et à la torche aboyait des ordres.

« Neuf, dix en comptant la prêtresse de Rosharaum là-bas. » La voix d'Yvalnis était aussi
basse qu'un ronronnement d'animal.

La lune formait un halo autour des deux hommes près de moi.

« Kero, vous n'allez pas vous battre, nous... nous ne pouvons pas ... » m'insurgeais-je, alors
même que se révélait à moi que la seule issue si il ne combattait pas, c'était semblerait-il
d'être amenée enchaînée à un certain Jeshamar.

Mais déjà les hommes étaient sur nous, tenant de beaux bracelets de fer forgé avec de
longues chaînes de maillons clinquants. Cependant, les deux à ma droite qui approchaient
Yvalnis étaient très prudents, et deux hommes en plus le tenaient en joue de leurs arbalètes.
Quatre à droite, pour enchaîner Yvalnis ; deux pour venir nous capturer. Et en face, le chef,
deux autres tenant respectivement un arc et une autre arbalète, et derrière eux, une
silhouette encapuchonnée de bleu. Prêtresse de Rosharaum ? N'était-ce pas le dieu de la
Grande Nuit, du ciel nocturne, de la solitude, de la mort ? Un dieu qui avait peu d'adeptes,
tant ses dons pouvaient paraître des malédictions, par rapport aux autres divinités. Et je me
demandais toujours ce qu'entendaient ces hommes en sous-entendant qu'Yvalnis n'était pas
humain. Il n'était de toute évidence ni un ver des sables, ni un troll des montagnes ni un
kelpie des eaux sauvages. Il n'était pas un monstre. Quelques créatures des contes
pouvaient prendre forme humaine, mais ils étaient rares et puissants. Je frissonnais,
désorientée. Ces hommes n'étaient pas ceux qui en avaient après moi, mais je risquais
pourtant d'être blessée, réduite en esclavage, ou vendue à cet homme, ce Jeshamar dont le
nom me semblait vaguement familier. Un noble des Contrées Froides, du Nord Gris, de Lès-
Pavalez ou de Perumdra ?

Kero ne bougeait pas, alors qu'approchaient les deux hommes. Au moment où ils se
penchèrent vers nous pour attraper nos poignets, convaincus que nous n'oserions rien faire
à cause des armes tournées vers nous, un cri retentit, un meuglement que je connaissais
bien. Peut-être Kero avait-il émit un sifflement pour appeler Naïs, que je n'avais pas vu de la
soirée. Une flèche ou un carreau fusa vers la bête trapue, qui bondit vers nous et nos
ennemis. Kero me mit un poignard en mains sans que je sache d'où il sortait, et enfin il se
jeta sur l'homme qui avait voulu l'enchaîner tandis que le second se retrouvait écrasé sous le
poids d'une Naïs furibonde, une flèche plantée dans le flanc. Le bleuté de son corps donnait
une sensation d'irréel à la scène. Derrière moi, des hurlements. De l'autre côté de la berge
de l'oasis, les hommes armés avançaient pour aider leurs amis, tandis que le chef avait
dégainé un sabre dont la lame brilla à la lumière de la lune. La silhouette encapuchonnée
avait dévoilé son visage : émacié comme une momie, des yeux clos à jamais cousus par des
fils, les traits couverts de petites runes en doré qui brillaient d'une lumière interne. Je
n'entendais pas d'ici ce qu'elle disait, mais je voyais, étrangement, ses lèvres remuer
distinctement. J'étais empotée, avec mon arme, et la vision de cette adepte de Rosharaum
me mettait mal à l'aise. Les bruits derrière moi me firent finalement me retourner pour voir
trois silhouettes au sol. Le sable sous eux buvait leur sang, donnant aux grains une allure
sombre sous la lune. Kero se tenait droit, à peine essouflé. Je brandis le poignard qu'il
m'avait donné en voyant approcher les deux hommes, leur chef au sabre et à la torche, et la
femme derrière eux. Kero et Naïs passèrent près de moi, le messager montant sur sa bête
d'un bond vif. Je vis qu'il avait réussi à retirer la flèche plantée dans la Naxcyth. Yvalnis était
immobile à quelques mètres, me présentant son dos. Ses mains semblaient sombres elles
aussi - avait-il été blessé ? Ou était-ce le sang de nos ennemis ?

« Je m'occupe de Berim et de la prêtresse. Tuez les deux autres. » Sa voix n'avait plus rien
de plaisante : enrouée, gutturale.

Kero hocha la tête, visiblement mécontent de recevoir des ordres. C'est lui que je suivis des
yeux alors qu'il bondissait vers l'archer et l'arbalétrier. De nouveaux carreaux et d'autres
flèches jaillirent, mais ils n'avaient aucune chance. Une espèce de détonation étrange, pas
exactement silencieuse mais pas bruyante non plus, comme une implosion de vide, retentit
et je me tournai vivement vers Yvalnis qui s'avançait vers la droite, là où le chef était
accompagné de la prêtresse. L'homme aux cheveux gris avait réussi à planter le sabre dans
l'épaule du jeune homme aux yeux verts, mais non sans être blessé lui aussi. J'écarquillais
les yeux en voyant la scène : Yvalnis retira lentement sa main de l'abdomen de l'homme, et
ses doigts étaient clairement plus longs, pointus comme des poignards, bizarrement courbes
en leur extrémité et couverts de sang mais cela n'empêchait pas de voir d'étranges poils. La
prêtresse ne cria pas quand l'homme s'effondra dans un bruit sourd. Elle leva à nouveau les
mains, et cette fois-ci, la détonation étrange fut accompagnée d'une lumière aveuglante et de
crissements douloureux. C'était comme si les étoiles s'étaient mises à hurler. Yvalnis recula
d'un pas, comme repoussé par un vent céleste - de ce fait, ses cheveux s'agitaient, et ses
traits semblaient crispés. La prêtresse tourna une main vers Naïs et Kero qui s'avançaient
vers elle.

« Laissez-moi le demi-dieu, et je ne vous tuerai pas, toi et la fille. »

Sa voix était hachée ; de toute évidence elle mettait beaucoup d'énergie à maintenir le flux
de son pouvoir sur les deux hommes. Ils semblaient souffrir, et Naïs s'était penchée en
avant, haletante. Que faisait cette prêtresse, au juste ? Les étoiles scintillaient avec des
bruits quasi humains, au-dessus de nous, comme si elles gémissaient. Je n'eus pas le temps
de déterminer tout cela, ni de comprendre ses paroles. Je me devais d'aider Kero et Yvalnis,
et peut-être que mon corps eut le réflexe de mon apprentissage au temple ; en tout les cas
je me ramassais sur moi-même et roulais dans le sable et la mousse, pour finir par me
redresser en tendant le bras. Le poignard, lancé de biais, se ficha dans la poitrine de la
prêtre sous la cape bleue. Elle cligna des yeux, tournant son visage aveugle vers moi. J'étais
certaine que, d'une manière ou d'une autre, elle savait où chaque chose était. Qu'elle voyait,
d'une manière sordide, inhumaine.

« Je vois. Non, pas juste une fille. Shaark'Va, hein ? »

Et elle tomba, morte ou moribonde, alors que les étoiles se taisaient enfin et que le vent
céleste cessait ses assauts douloureux. Yvalnis, Kero et Naïs s'effondrèrent à moitié,
épuisés d'avoir résisté au courant du pouvoir. Je m'approchais du messager et de sa
monture pour m'assurer qu'ils allaient bien.

« Relevez-vous, et buvez un peu. Vous les avez entendus ? Il n'est pas humain. »

Je me tournais vers Yvalnis non sans avoir tendu ma gourde à Kero d'abord, et les mains sur
les hanches, je le toisai férocement.

« Demi-dieu ? C'est vrai ? Vos doigts ... Dites nous la vérité. Toute la vérité. Je me fiche de
votre orgueil à tous les deux, les missions qui doivent être scellées sous le sceau du secret
et toutes ces restrictions ennuyeuses. Nous avons failli mourir à cause de vos poursuivants.
Vous nous devez des explications. » J'avais pris une voix princière, et je réalisais que je
reprenais rapidement mes anciennes habitudes de commander aux autres.

Autour de nous, neuf corps se vidaient de leur sang en plus ou moins grand quantité. L'odeur
était étrange, douceâtre, moins écoeurante que lors du carnage au temple. Mais j'avais le
sentiment diffus et désagréable d'avoir souillé l'oasis. Yvalnis s'était assis et tenait son
épaule blessée dans sa main. Ses doigts étaient normaux, avec le nombre de phalanges
qu'il fallait, et sans poils étranges. Mais je n'avais pas rêvé. Et la prêtresse l'avait appelé
demi-dieu. Je tenais leur existence pour des légendes, mais après tout, je n'avais pas de
réelle foi en les dieux. Peut-être avais-je eu tord. Le Temple m'avait apprit à relativiser. Peut-
être mon père avait-il eu tord dans son éducation, et qu'il aurait dû m'inculquer non la
fausseté des croyances mais l'ouverture d'esprit nécessaire pour appréhender des
existences qui nous dépassent. Si les dieux existaient, cela changeait beaucoup de choses.
Mais ils étaient censés exister depuis l'aube des temps. Est-ce que croire en eux changeait
véritablement la donne ? Comment expliquer ces textes ancestraux, les légendes, les
témoignages, toutes ces preuves plus ou moins fondées, comment expliquer alors que notre
foi puisse se résorber, se refermer comme une plaie ? Je délaissais là mes questions
théologiques : Naïs avait eu un faible gémissement derrière moi et je vis du coin de l'oeil
Kero nettoyer leurs blessures à tous les deux.

« Je suis effectivement un demi-dieu. Si vous me regardiez en pleine lumière, vous ne


verriez rien de vraiment différent de vous. Pourtant, je ne suis pas vraiment humain, ou pas
en grande partie. J'ai été envoyé par les dieux, ou du moins ceux qui forment ma famille,
comme éclaireur. Je devais me renseigner sur le Prince Jeshamar. Ou plutôt le Roi
Jeshamar, à présent. »

Il semblait amer, mais je ne voyais pas bien ses traits d'où j'étais. Je m'agenouillais
doucement ; j'entendais ce qu'il disait, mais cela avait du mal à pénétrer mon coeur. Cet
homme, ou cet être, était d'essence divine. Il était un envoyé des dieux sur notre terre.

« Cet homme - si l'on peut le nommer ainsi - a comme but la domination divine. Il veut
devenir un dieu, le maître des dieux, le maître des cieux, de la terre, des mers. Il veut
assouvir ses plus bas instincts, quitte à devoir tuer chaque divinité, chaque être portant en lui
une essence divine, chaque personne touchée par un dieu. Il a déjà commencé ses plans,
perpétué des horreurs. »

Je me taisais, abasourdie. Je tremblais doucement, sans savoir si je croyais un traître mot


de ce que disait cet inconnu aux yeux verts.
« Folie que cela. Comment pourrait-il vous trouver, dieux comme demi-dieux ? Il naît et il
meurt chaque jour des divinités mineures et majeurs. Les dieux tirent leur puissance de la
foi. Comment peut-il désirer devenir un dieu, et tuer les autres pour régner ? »

Kero secoua la tête, s'immobilisant à côté de moi. J'avais les mains jointes, posées sur mes
cuisses.

« Il existe bien des manières de devenir un dieu. Aucune n'est facile, aucune n'est agréable.
Mais Jeshamar a compris que les dieux ne sont pas immortels ni éternels. Il est ambitieux, et
il a tué ses frères, comme tu l'as deviné, messager. Nous avons tous sentis, nous qui avons
l'essence divine, ou même une partie, un vacillement du monde. Une telle faim, une telle
ambition ne pouvaient que résonner dans les cordes de l'univers. Tous ceux qui cheminent
sur la terre, dans les mers, dans les forêts ou les déserts, tous ont sentis ce tremblement
interne. L'émergence d'un être puissant, qui se veut un dieu. Je me dois de prévenir les
autres, les cachés, les timides, les reclus. Mais sa prêtresse a dévoré ma capacité à
communiquer. Elle a coupé chacun des fils qui me reliaient à mes parents, aux autres dieux.
Je suis devenu impuissant, et je n'ai plus que mes instincts primaux pour retrouver les
miens, pour les avertir. Même si ils le sentent, je devais leur fournir les informations qui leur
manquent. Je devais leur expliquer que se mêler à ce conflit était de la plus haute
importance. Notre existence en dépend. Il n'est pas le premier à désirer un tel but, mais il est
le premier à le faire de cette manière, à être aussi proche, à être un potentiel danger. »

Je fronçais les sourcils. « Ne sont-ils pas omniscients, tout puissants et éternels ? Ainsi sont
les dieux, ainsi l'ai-je appris au Temple. »

Yvalnis eut un ricanement moqueur.

« Voilà la puissance de votre foi et de votre croyance. Les Dieux sont forts, puissants. Mais
ils peuvent être tués, ils peuvent mourir, quand bien même ils ne vieillissent pas. Ils ne vivent
pas dans les cieux, car la plupart foulent vos terres. Vous côtoyez vos dieux, humains. C'est
au plus proche de vous que votre foi nous nourrit. C'est pourquoi j'ai été envoyé récolter des
informations, et que sans elles, les autres sont aveugles et sourds, sauf si ils décident
d'envoyer d'autres espions ou d'apprendre par eux-mêmes. Ils vivent de par le monde, se
rassemblent parfois, souvent errent sans but, vivant à la manière d'humains. Cette
mascarade dure depuis des millénaires, pour certains. »

L'air se réchauffait doucement. La nuit courte évoluait doucement en une aube qui n'aurait
rien de réjouissant.

« Êtes-vous conscient que vous révélez des secrets vivement gardés, Yvalnis le demi-dieu ?
Certains ont tué pour clore ces paroles. » Kero avait une voix sentencieuse, et il était dressé
de toute sa hauteur, toisant l'homme aux yeux verts toujours assis.

« Vous êtes quelque peu spéciaux, pour des humains. Tu es un toi-même un touché des
dieux, protégé d'Ynrod. Tu connais ces secrets. Tu sais l'histoire d'Ynrod, ses morts et ses
renaissances. Tu es assez instruit pour comprendre bien des choses. Mais tu n'as pas à me
dire de me taire. Il s'agit de ma mission. Je te prierai de ne plus me réprimander sur ma
façon de faire. Quant à la fille ... » Il leva finalement ses grands yeux d'émeraude sur moi,
ses longs cils ombrant ses joues. Il avait l'air pensif, des éclats de sang sur la pommette
gauche, couvert de sable et de poussière. « Shaark'Va hein ? » singea t-il la prêtresse, avant
de sourire doucement, hésitant.

« Elle n'a pas été touchée par la déesse Panthère. »

Kero était assuré, dur et ferme. Yvalnis se redressa, s'étira douloureusement. Sa plaie à
l'épaule ne saignait plus, et malgré sa profondeur - la lame avait traversé les muscles,
apparemment - Yvalnis bougeait comme si il ne souffrait que d'une crampe.

« Non, elle n'a pas eu cette chance, Kero d'Ynrod. Mais c'est encore autre chose. Elle a été
au Temple. Cela laisse une sorte de marque. Comme pourra vous l'assurer la vieille
Prêtresse. »

Et il tendit le doigt. Dans l'aube rouge et orange, qui promettait déjà une chaleur étouffante,
un groupe approchait, monté sur des chameaux, des dromadaires et autres montures du
désert. Et, en tête de course, tête haute, yeux plissés, reconnaissable entre mille par son
voile marron et son bâton de marche qu'elle tenait d'une main comme une cravache, Mère
Lorna. Je passais ma main sur mon crâne où un chaume hirsute avait repoussé depuis la
coupe traditionnelle à mon entrée au Temple. Moi qui pourtant haïssait Lorna, je me sentais
fébrile, les larmes aux yeux, à l'idée que cette vieille folle ne soit pas morte. J'étais trop
occupée à me réjouir de cette arrivée impromptue pour me pencher sur les paroles d'Yvalnis.
Toutes ces histoires de dieux ne faisaient que commencer.

Vous aimerez peut-être aussi