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LA PASSION DE LA TERRE

C H A P I T R E 1 5 - L E C H E M I N D E S   R É V É L AT E U R S
Sophia éprouva de nombreuses émotions lorsqu’elle se métamorphosa en Gaïa, la Terre
vivante. Si vous voulez en avoir un aperçu, allez faire une promenade dans la Nature, dans la
Nature sauvage. Voyez ce que vous ressentez – ou encore mieux, voyez avec vos feelings. Il
est sûr que tout ce que nous allons ressentir, en présence de la Nature, ne correspond pas à ce
que la Déesse ressentit lorsqu’elle se transforma en la planète, ou à ce qu’elle ressent
maintenant, alors qu’elle s’est pleinement métamorphosée. Mais nous pouvons apprendre à
ressentir précisément ce que la planète ressent. Nous pouvons bâtir une discipline de la
pratique de la révérence et de la pratique du transsentir. Ce faisant, nous pourrons peut-être
accéder à un sens altéré de l’humanité.

Si les Gnostiques avaient raison, nous sommes une espèce émotionnellement équipée pour
croître en empathie avec Sophia et pour connaître les voies par lesquelles nous nous intégrons
à son histoire.

Sagesse Naturelle

Les Révélateurs Gnostiques, qui s’appelaient eux-mêmes les Enfants de Seth, revendiquaient
un lignage sacré dont les origines remontaient à une période préhistorique. Leurs
connaissances témoignaient d’une puissance considérable et pérenne et pourtant les Gardiens
des Mystères ne furent pas capables de sauvegarder leur mode de vie après 400 EC. Pourquoi
en fut-il ainsi? Une raison en est peut-être que la puissance du sacré, telle qu’elle se manifeste
dans l’expérience humaine, ne se prête pas à l’agression et à la domination. Elle est par
conséquent difficile à protéger. C’est ainsi que furent anéantis les enseignements et les
pratiques spécifiques à l’expérience des Mystères et, qui plus est, la reconnaissance même de
la Divinité dans la Nature, qui est innée à l’espèce humaine et indispensable à sa survie. Et il
fallait qu’ils le soient pour que la religion rédemptionniste puisse prévaloir et pour que le
programme global du patriarcat puisse s’imposer. Cet acte capital de domination peut être
plus aisément appréhendé lorsque l’on examine la mentalité de ceux qui le perpétrèrent.

Sir John Woodroffe observa que «un aspect ancien des Mystères antiques est la distinction
qu’il fait entre l’initié dont la Shakti est éveillée et le Pasu, le non-illuminé ou “l’animal” , et
comme les Gnostiques l’appelaient l’homme “matériel”». Pour les initiés qui partageaient une
intimité avec Sophia, “l’homme matériel” était la personne de mentalité matérialiste qui ne
voit dans la Nature qu’un gisement de ressources à exploiter pour des finalités humaines ou
même simplement pour satisfaire à ses caprices.

«Le Naturel, qui est la manifestation de la Mère de la Nature, et le Spirituel ou la Mère en


tant qu’elle est en Elle-même et par Elle-même, ne sont qu’un, mais il n’y a que l’initié qui
puisse véritablement reconnaître cette unité» écrivit Woodroffe.198 Paradoxalement, les
individus matérialistes peuvent être définis comme ceux qui ne reconnaissent pas la nature
authentique du monde matériel. Cela explique comment une culture de matérialisme effréné
peut aveuglement détruire les ressources naturelles de la planète sur laquelle elle demeure.
Cependant, même dans la phase la plus extrême de l’implication de toute la société dans une
destruction aveugle du monde naturel, de nombreux êtres humains sont enclins à reconnaître
la dimension sacrée de la Nature et à réagir négativement vis à vis des prédations du
matérialisme. Ils sont alors forcés, de par leur empathie avec Gaïa, d’adopter une attitude
conflictuelle d’auto-défense et de défense de la Nature. L’agressivité est fondamentale au
matérialisme mais elle peut également jouer un rôle dans la défense du sacré, et y compris la
dimension sacrée de la Terre et de la vie non-humaine. La différence entre l’agressivité
prédatrice et l’agressivité défensive a été soulignée par Erich Fromm qui affirme
que «l’homme est phylogénétiquement un animal non-prédateur et donc son agression, en ce
qui concerne ses racines neurophysiologiques, n’est pas, par essence, prédatrice» 199. Selon
que l’on adopte cette vision ou son opposé, on a donc le choix de croire ou non que l’homme
est intrinsèquement un prédateur, enclin à se battre bec et ongles pour “la survie des plus
adaptés”. En tout cas, le bon sens peut déterminer entre l’agression en soi et l’agression
(l’utilisation de la force violente) pour des raisons d’auto-défense. Il reste à voir comment on
peut avoir recours à l’agression défensive pour confronter et vaincre l’agression prédatrice à
l’encontre de la planète.

Pour autant que les initiés Occidentaux, de l’époque d’Hypatia, eussent été capables de
percevoir clairement les dangers du matérialisme – enraciné comme il était dans le plan
patriarcal avec son programme rédemptionniste comme couverture que les initiés avaient
dévoilé en profondeur avec une grande finesse psychologique, y compris le facteur
Archontique – ils ne purent pas réagir avec une force suffisante d’agressivité défensive pour
protéger les Mystères. En l’espace de quelques siècles, la vague déferlante de frénésie
rédemptionniste les annihila.

Innovation Humaine

Le triomphe du Christianisme détruisit la tradition des Mystères et laissa l’oeuvre des


Révélateurs Gnostiques en ruines. La révélation sublime de Gaïa-Sophia était incomplète
mais c’était, dans un sens, la manière dont les Telestai l’avaient toujours conçue. Un texte
Tantrique dit: «la Révélation (akasavani) ne cesse jamais. La Révélation apparaît dans le
temps et l’espace où est présent un vrai voyant ou Rishi.» 200 La tragédie ne fut pas que le
Grand Oeuvre de l’initiation ne fût pas achevé mais que l’engagement millénaire de
promouvoir le potentiel humain fût interrompu avec ignorance et brutalité.

Cependant, le Grand Oeuvre continue et l’histoire de Sophia se déroule en permanence.


L’épisode 9 introduit la notion fascinante de la “correction” de Sophia (diorthosis) qu’il faut
bien distinguer de sa “conversion” (epistrophe), le processus par lequel elle se métamorphosa
en la Terre tout en demeurant essentiellement ce qu’elle est, un courant massif de Lumière
Organique (épisode 7). Ces deux concepts sont cruciaux quant à notre engagement avec la
Déesse, le premier parce que nous sommes, d’une certaine manière, impliqués dans sa
correction, le second parce que ce n’est qu’au travers d’une communion empathique avec
Sophia, dans les éléments physiques de la biosphère, que nous pouvons vivre cette
implication.

A la suite de l’intercession Christique, la Déesse est laissée à ses propres ressources.


Maintenant qu’elle est totalement identifiée avec les processus de vie de la planète qu’elle est
devenue, Sophia se retrouve dans le monde de son propre Rêve. Son isolement est presque de
nature autiste, pourrait-on dire. Progressivement, une espèce particulière, appelée l’humanité,
émerge et se joint aux autres espèces vivant dans l’environnement Gaïen. Le développement
d’une innovation humaine, si vivement attendue par la déesse, commence maintenant. Si l’on
considère la vaste amplitude de l’histoire sacrée, il est aisé de nous laisser hors du tableau!
Mais Sophia ne le fait jamais. Afin de comprendre comment nous sommes impliqués dans son
Rêve, récapitulons les épisodes:

Après qu’une singularité fut libérée comme l’offrande altruiste émanant de la Source (épisode
1), Sophia et Christos se joignirent dans une danse rituelle pour configurer l’Anthropos
(épisode 2), encodant ainsi le génome de notre espèce, selon la corrélation que j’ai suggérée.
Ensuite, le Plérome, en tant que communauté, projeta l’Anthropos dans le dema, les champs
de matière élémentaire ou subatomique circulant dans les bras galactiques (épisode 3).
Lorsque Sophia plongea du Plérome (épisode 4), sa fascination pour l’innovation humaine
dirigea son Rêve vers une onde émergeant dans le chaos en-dessous mais elle n’avait aucune
idée qu’elle allait elle-même se transformer en ce monde! Son action précipitée induisit la
naissance d’une espèce inorganique étrange d’Archontes.

Avant que la Terre ne se fût formée, ils procédèrent rapidement à construire leur propre
système de monde, supervisé par le Démiurge arrogant qui se prit pour le dieu unique dans le
cosmos (épisode 5). Pour ridiculiser le démiurge, Sophia invoqua “l’Enfant de Lumière
immortel, l’Anthropos” dont elle contemplait la présence dans le rayonnement de la
Nébuleuse d’Orion.201 L’étoile-mère Sabaoth, née de la nébuleuse, était également composée
de matière inorganique comme le monde planétaire des Archontes. Mais Sabaoth fut à ce
point impressionnée par le contraste entre l’Anthropos et les Archontes quelle “se repentit” et
s’aligna avec Sophia (épisode 6). Sophia se métamorphosa alors en la Terre, qui devint
captive de ce système (épisode 7). Finalement, un effort concerté des Eons Pléromiques mena
à l’intercession Christique, une mission de sauvetage destinée à assister Sophia dans la
gestion de sa progéniture vaste et diversifiée (épisode 8).

La promesse de la potentialité humaine est la singularité qui tremblote dans le Rêve de


Sophia mais un certain risque de déviation accompagne cette innovation. Rappelons que
Sophia, elle-même, a dévié de l’ordre cosmique «muée par l’amour ou par une aspiration
audacieuse» selon Irénée.

Impulsée par son désir propre et agissant sans son partenaire, la Déesse est appelée Prunikos
“outrancière, dépassant les limites de son espace”. Son acte peut être comparé à celui d’une
prostituée qui se découvre sans honte. De par la conversion des courants divins en la
substance matérielle et sensorielle de la Terre, “la Prostituée de Sagesse” cabriolait
lascivement avec les éléments. Sophia éprouva des élans de passion et de plaisir d’amplitude
cosmique mais aussi des immenses convulsions de chagrin et de confusion.

«Ils [les hérétiques] déclarent que cette collection [de passions de Sophia] fut la substance de
la matière à partir de laquelle ce monde fut formé. Car de [son désir] de retour [vers celui
qui lui donna la vie], toute âme appartenant à ce monde, ainsi que celle du Démiurge lui-
même, dériva son origine. Toutes les autres choses doivent leur origine à sa terreur et à sa
douleur. Car c’est de ses larmes que tout ce qui est liquide fut formé; de son sourire, tout ce
qui est lumineux; et de son chagrin et de sa perplexité, tous les éléments physiques de ce
monde.
Car à certains moments, affirment-ils, elle pleurait et se lamentait à cause d’être laissée seule
au milieu des ténèbres et du vide; tandis qu’à d’autres moments, réfléchissant sur la lumière
qui l’avait abandonnée, elle était emplie de joie et de rires; et de nouveau, elle était frappée
de terreur; ou, à d’autres moments, elle sombrait dans la consternation et
l’effarement.» (Irénée, I, 4:2).

Il se peut que l’empathie avec la Déesse, dans son embarras, soit essentielle pour faire face à
notre propre embarras sur Terre. Dans la vision Gnostique, l’espèce humaine, attachée à la
Terre, n’est que l’une de nombreuses singularités possibles projetées à partir de la matrice
archétypique, l’Anthropos. Tout comme la Déesse, nous sommes enchevêtrés, sensuellement
et physiquement, avec le monde terrestre et nous sommes particulièrement susceptibles à
l’influence extraterrestre des Archontes qui émergèrent tel un effet collatéral aberrant de la
chute de Sophia. D’une manière quelque peu mystérieuse, le réalignement de la Déesse avec
le centre cosmique semble dépendre de la seule espèce qui soit impliquée profondément dans
son aberration.

Les Gnostiques ne définirent pas précisément comment l’espèce humaine contribue à la


correction de Sophia; ou bien, s’ils le firent, rien n’en a survécu à ce jour. Mais les récits que
nous avons sont très clairs quant au triple défi auquel l’humanité doit faire face: reconnaître
ses origines cosmiques authentiques dans le Plérome, découvrir sa niche évolutive dans la
biosphère et développer sa potentialité singulière, accomplissant ainsi le telos ou la finalité
évolutive optimale pour notre espèce. Et il se peut même qu’il existe un autre défi car la
correction de Sophia convie une sorte de bravade transcendantale pour l’humanité. Elle nous
met au défi de jouer et d’incarner notre rôle dans les finalités transhumaines de Gaïa afin que
sa finalité évolutive puisse s’accomplir en complicité avec la résolution humaine.

Telle est la connexion cosmique de l’humanité selon la vision Sophianique des Mystères.
Mais les voyants de cette antique tradition prévinrent l’humanité qu’elle ne pouvait pas
réaliser cette connexion sans vaincre la déviance insidieuse représentée par nos cousins
cosmiques, les Archontes.

Théorie de l’Erreur

«La connaissance de soi est auto-lumineuse et fondamentale et elle est la base de toute autre
connaissance. En raison de sa transcendance, elle se situe au-delà de la preuve et de celui qui
prouve. Elle est auto-réalisée (Svanubhava). Mais Shruti (la Révélation) est la source dont
cette connaissance émane, ainsi que Shamkara le dit, en enlevant (comme peut aussi le
réaliser la raison, dans une certaine mesure) toutes les fausses notions qui la concernent. Elle
se révèle en éliminant la masse surincombante de l’erreur humaine».203

Les instructeurs des Ecoles de Mystères ne dressèrent jamais d’opposition entre la raison et la
révélation. Leur méthode de guidance (méthode Télestique) combinait les deux, permettant à
l’une d’amplifier l’autre tout en évitant soigneusement que le côté rationnel et réducteur de la
raison inhibe notre sensibilité innée à la Nature Sacrée. Woodroffe met en valeur la
perspicacité Gnostique lorsqu’il dit que «la révélation élimine la masse surincombante de
l’erreur humaine». Dans leur rôle de gardiens de la révélation permanente de Sophia, les
Gnostiques se sentaient profondément concernés par l’erreur humaine, étroitement associée au
facteur Archontique dans leur vision du monde.
La théorie Gnostique de l’erreur constitue l’une des notions les plus sophistiquées jamais
conçues par le mental humain lorsque ce dernier tente de se comprendre lui-même. Elle ne
fait pas des Archontes la source de l’erreur humaine mais elle souligne que leur influence
intrapsychique est un facteur-clé dans la propension des erreurs à se débrider, à atteindre des
proportions rendant leur correction peu aisée. L’Anthropos est un animal en processus
d’apprentissage. Pour apprendre, nous devons être libres de nous égarer, de faire des erreurs,
car c’est en corrigeant nos erreurs que nous évoluons sur le chemin de l’apprentissage d’une
façon qui est unique à notre espèce. Nous évoluons précisément grâce à l’extraordinaire
potentialité d’erreurs qui nous a été accordée. Nous évoluons non seulement par
l’apprentissage, comme toutes les créatures vivantes le font, mais encore en apprenant de nos
erreurs.

La latitude exceptionnellement large pour l’erreur caractérise la singularité humaine,


l’ennoia (l’intentionnalité) innée à notre espèce. Mais si nous agissons de sorte que nos
erreurs ne soient pas détectées et corrigées, nous exprimons la singularité de notre espèce
selon des voies destructrices, des voies déviantes. L’humanité seule est capable de dévier du
plan de vie de Sophia à un point tel que nous en mettions en péril notre propre survie et que
vraisemblablement nous représentions même un danger pour la planète.

En bref, l’erreur qui dépasse le stade de la correction devient le mal, à savoir ce qui oeuvre à
l’encontre de notre faculté même de vivre sur Terre (NDT, association de termes intraduisible
entre “e-v-i-l” and “l-i-v-e”), en symbiose avec toutes les espèces et en harmonie avec Sophia.

La méthode Télestique des Révélateurs oeuvrait sur quatre plans: préserver la révélation
permanente de la Sophia Divine dans l’expérience des Mystères (l’instruction par la
Lumière); cultiver le potentiel humain au travers des multiples facettes du talent individuel (la
singularité de l’Anthropos); enseigner la théorie de l’erreur (incluant la “forte étrangeté” de la
déviation par les Archontes); et développer une pratique visionnaire afin d’accomplir le rôle
de l’humanité dans la correction de Sophia. Tel était le programme des Mystères, le Grand
Oeuvre de co-évolution brutalement interrompu par l’assaut du Christianisme.

Sublime Expérience

Le passage de Sir John Woodroffe, cité ci-dessus, met en lumière le parallèle entre
l’instruction Gnostique et les enseignements Asiatiques quant à la nature auto-libératrice de la
conscience pure. Rigpa, le nom donné à la conscience pure et primordiale dans le Dzogchen,
est l’équivalent de la pronoïa Gnostique, littéralement la pré-connaissance, comprise dans le
sens d’une conscience fondamentale qui existe avant que toute connaissance n’émerge et qui
rend toute connaissance possible. Le Ch’an, le Zen et le Dzogchen affirment tous que la
conscience primordiale ne peut pas être obscurcie ou profanée, même si elle semble l’être.
Atteindre l’illumination, c’est savoir directement comment la conscience primordiale se
clarifie et se libère, instant après instant. Cette connaissance transcendantale fut
universellement accomplie et appliquée par les révélateurs de la tradition Gnostique. Un
révélateur était un Bouddha vivant, un instructeur d’illumination. Les Telestai, les instructeurs
des Mystères, participaient donc de la Bouddhéité mais ils n’enseignaient pas seulement
l’illumination ou la nature auto-libératrice du mental. Ils enseignaient comment recouvrer et
développer l’étincelle de génie créatif qui est innée à notre espèce.
La tradition des Mystères Occidentaux différait de sa contrepartie Asiatique sur deux points
distincts: l’insistance sur l’éducation, ainsi que nous venons de le souligner, et sa consécration
à la Magna Mater, Gaïa-Sophia. Bien qu’il existe de nombreuses raisons d’identifier, disons,
la Prajnaparamita du Bouddhisme Mahayana avec l’Eon Sophia des Gnostiques, il faut
cependant en observer les différences essentielles. Les érudits de la religion, tels que
Guiseppe Tucci et Edward Conze confirment les parallèles – par exemple, Tucci appela la
sagesse des Tantras Hindous «l’expression de la gnose Indienne» – mais tendent à en ignorer
les différences. Une monographie monumentale de Conze “Le Bouddhisme et la Gnose”,
publiée en 1979, met en exergue huit similarités fondamentales et vingt-trois parallèles
proches entre les deux systèmes. Dans une remarque-clé sur leurs divergences, Conze écrivit:

«[Le Ténor] de la littérature sur la Sophia Gnostique est essentiellement différent de celui des
livres de sagesse Bouddhistes. Si l’on assume que l’homme soit déchu dans ce monde à partir
d’une condition plus parfaite, les Gnostiques déployèrent beaucoup d’ingéniosité à tenter de
décrire le processus qui généra cette chute. Le Bouddhisme classique ne montre aucun intérêt
pour ce qui a pu précéder l’ignorance».204

Même si elle interprète de façon erronée l’enseignement Gnostique sur la Chute, cette
remarque est extrêmement pertinente quant au contraste évoqué entre les Révélateurs et leurs
équivalents Asiatiques. Les Gnostiques n’ont jamais dit que les êtres humains étaient déchus
dans ce monde d’une condition plus parfaite. C’est la méconception la plus commune et la
plus insidieuse vis à vis de l’enseignement Gnostique, sans cesse répétée. S’inspirant de leurs
expériences visionnaires, les Gnostiques affirmèrent qu’une partie de la Divinité chute dans
une implication inhabituelle avec l’évolution matérielle. C’est Sophia qui chute et non pas
l’humanité. Cependant, cet acte n’est pas une scission de la Divinité tel qu’il est supposé dans
la dualité Perse (métaphysique de source divisée). Cet acte est dû à un débordement de
générosité divine. Sophia chuta dans son propre Rêve mais le Rêve était anormal parce que la
Déesse s’y engagea de manière unilatérale, sans un partenaire Pléromique, et parce qu’elle
outrepassa ensuite les frontières Pléromiques. Son émanation exceptionnelle devint notre
habitat.

La notion selon laquelle l’humanité souffre d’une état déchu est étrangère à l’enseignement
Gnostique authentique et va à l’encontre de l’esprit tellurique des Mystères. Il n’existe rien,
dans le mythos de Sophia, qui stipule que l’Anthropos chute d’une condition plus parfaite
mais il y a une mise en garde claire contre le fait que notre espèce puisse sombrer sous
l’influence déviante des Archontes, nos cousins cosmiques là-bas dans le système planétaire.
La mise en garde du mythos concerne le fait que nous puissions trahir notre humanité en
manquant de réaliser et d’actualiser sa potentialité unique. Il n’est nul besoin de dire que si
nous sommes dans l’ignorance du potentiel divin que nous avons en nous, nous n’allons pas
être enclins à le revendiquer et à le développer.

Conze souligna, à juste titre, que le Bouddhisme ne témoigne d’aucun intérêt pour ce qui
projette l’humanité dans l’ignorance alors que dans la tradition des Mystères, la moitié du
travail consistait à en découvrir les causes. Dans son insistance trop souvent exclusive sur la
nature du mental, le Bouddhisme manque de l’approche des Gnostiques – une approche
focalisée sur la Nature. La plus grande différence entre la Gnose et le Bouddhisme provient
du fait que la Gnose pourvoit une narration de guidance, un script directeur pour accompagner
l’humanité dans sa découverte de sa niche dans le monde naturel au contraire du Bouddhisme.
Rappelons que les adeptes des Mystères ne s’appelaient pas eux-mêmes Gnostikoi, un nom
dont leurs adversaires, les Pères de l’Église, les affublaient de façon insultante, mais ils se
nommaient eux-mêmes les Telestai “ceux qui ont une finalité”. Le terme telos signifie “but,
finalité, l’ultime qui puisse être réalisé”, mais il ne signifie pas perfection. “L’ultime” est
suprêmement atteignable en développant un potentiel donné, à son niveau optimal, alors que
la perfection n’est pas atteignable. Le standard de zaddik imposé par les sectaires de la Mer
Morte implique un niveau de perfection surhumaine qui n’est pas atteignable bien que
l’humanité soit jugée par ses efforts pour l’atteindre. Le standard sur-humain de zaddik définit
la religion rédemptionniste et assujettit ses croyants à une exigence démente et inhumaine.
Quant au telos, il implique ce qui peut être réellement atteint, et la méthode Télestique en
montre la voie de la réalisation. L’opposition entre telos et zaddik est considérable et elle n’est
pas réconciliable.

Je décris les Mystères comme des rituels téléologiques destinés à promouvoir le potentiel
humain à son niveau optimal, à son apogée. A cet égard, la méthode Télestique partage
beaucoup en commun avec la “quatrième vague” de la psychologie transpersonnelle proposée
par Abraham Maslow (1908-1970). Plutôt que de fonder la théorie psychologique sur des cas
de maladie mentale, comme le firent Jung and Freud, Maslow proposa de la fonder sur
“l’expérience paroxystique”, la plus sublime que l’homme ait accomplie – telos, l’ultime. La
psychologie transpersonnelle représente l’apogée du mouvement pour le potentiel humain
mais Maslow, à l’image de Moïse, visualisa une Terre Promise en laquelle il ne pénétra pas de
son vivant. Dans la préface de la seconde édition (1968) de “Vers Une Psychologie de l’Etre”
(Fayard, Paris, 1989), il écrivit:

«Je considère que la psychologie Humaniste de Troisième Force n’est qu’une transition, une
préparation pour une psychologie “supérieure”, une Quatrième Psychologie,
transpersonnelle, transhumaine, centrée dans le cosmos plutôt que sur les besoins et les
intérêts humains, allant au delà de l’humain, de l’identité, de l’auto-réalisation, et ainsi de
suite».205

Ceux qui atteignaient les cercles les plus élevés des Mystères prenaient l’engagement sacré de
guider l’humanité en enseignant l’auto-direction. Il y a des milliers d’années, ils oeuvraient
déjà dans la sphère que Maslow visualisa dans les années 60. La méthode Télestique à la fois
satisfaisait les besoins humains et elle les dépassait en ouvrant la voie pour que l’humanité
s’aligne avec les desseins transhumains de Gaïa. L’engagement sacré des gardiens des Ecoles
des Mystères impliquait plusieurs initiatives qui étaient communes à toutes les cellules
réparties dans le réseau, en Europe, dans le Levant et en Egypte: l’instruction par la Lumière,
la participation dans le cycle du révélateur, la consécration à l’Anthropos, la révélation du
guide intérieur et le développement de l’histoire d’accompagnement, le Mythos de Sophia.

C’est l’héritage des Révélateurs, la promesse immortelle de la Gnose, la sagesse ultime, la


faculté de connaître comme les dieux connaissent.

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