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C H A P I T R E 1 4 . L’ I N T E R C E S S I O N C H R I S T I Q U E
Les sept premiers épisodes du Mythos de Sophia relatent ce qui arrive à la Déesse jusqu’au
moment où elle se métamorphose en la Terre et où elle perd sa forme Eonique. Dans le
huitième épisode, il se passe un autre événement décisif, relativement différent de ce qui a
précédé, parce qu’il se manifeste après que la vie ait commencé à bourgeonner au sein de la
biosphère de la planète émergente.
A la lecture de ces polémiques, il nous faut distinguer entre les éléments authentiques de
connaissance Gnostique et ce qui a été mal interprété, involontairement, ou, le plus souvent,
qui a été délibérément falsifié et déformé.
On peut donc s’attendre à ce que les écrits patristiques soient plus fidèles dans leur narration
du mythos que dans la représentation de notions intellectuelles soutenues par les Gnostiques.
Un Problème de Formatage
Sophia atteignit, éventuellement, la phase durant laquelle son corps planétaire commença à
exploser de vie. Selon l’échelle de temps géologique communément acceptée, ce moment
correspondrait à l’aube de l’Age Cambrien, il y a environ 550 millions d’années, lorsque la
planète produisit une profusion de crustacés et une pléthore d’organismes dotés de squelettes.
C’est un peu plus tard, durant la Période Ordovicienne, qu’émergèrent les premiers poissons
et les plantes terrestres. Selon l’histoire sacrée, les formes émergentes de la faune et de la
flore étaient d’une profusion tellement prodigieuse que Sophia fut subjuguée par l’immense
diversité de vie qu’elle était en train de générer. Elle ne pouvait pas garder les nombreuses
espèces de sa progéniture au sein de leurs propres limites symbiotiques, ce qui était encore
plus problématique. Son autopoésie courait le risque de s’emballer. Son épreuve suscita une
réaction de la part des Eons Pléromiques qui avaient été les témoins de la trajectoire de son
plongeon depuis le tout début.
L’Eon Christos qui, avec Sophia, avait constitué la syzygie permettant de configurer
l’Anthropos, reçut une mission spéciale de l’assemblée Pléromique: quitter le coeur
Pléromique et descendre dans le monde émergent dans lequel Sophia était subjuguée par la
vie jaillissant de son corps. C’est l’intercession Christique.
«Le Christ demeurant en-haut prit pitié de sa soeur Eon et s’étant étendu au travers et au-
delà du stauros (limites du Plérome), il conféra une forme à Sophia mais selon la substance
seulement et non pas pour transmettre l’intelligence… Le Christos conféra à Sophia une
forme d’intelligence respectée et guérit ses passions en les séparant d’elle mais pas au point
des les extraire de son mental». (Contre les Hérésies, I, 4.1, mise en gras ajoutée).
Cette brève description est étonnamment détaillée, suggérant des nuances typiques du génie
visionnaire Gnostique et qui n’auraient pas pu être inventées par Irénée. Ce dernier était
d’ailleurs fortement opposé au processus de création mythique Païenne (et même s’il l’avait
voulu, c’eut été bien au-delà de ses capacités). Si l’on peut faire confiance à ce passage, il
suggère que les Gnostiques possédaient des idées assez précises quant à ce qui se passa lors
de cette mission fantastique de sauvetage réalisée par les dieux Pléromiques. L’intervention
de l’Eon qui descendit pourrait être paraphrasée de cette manière:
“Le Christos, agissant dans le respect total des facultés de Sophia, l’assista pour formaliser les
processus vitaux se développant dans son monde et guérit la douleur de ses passions en les
détachant d’elle mais pas au point où elle ne pût pas se les rappeler à l’esprit si elle le
souhaitait”.
«Tout ce que le Christos put faire fut de séparer ces formes de vie et de les distinguer, et
ensuite de les condenser et de les assembler afin de les transmuter intégralement en
organismes indépendants à partir de ses passions. Par ce processus, il leur conféra alors des
propriétés d’adaptation et de spéciation afin qu’elles puisent devenir des organismes
physiques déterminés». (Contre les Hérésies, I, 4. 2)
En d’autres mots, Christos rétablit les limites territoriales essentielles à la symbiose Gaïenne
en aidant Sophia par des dynamiques qu’elles auraient mises en place elle-même, si elle en
avait eu la capacité. Ce fut la première étape de l’intercession. La seconde étape fut d’établir
pour la progéniture de Sophia, “des propriétés d’adaptation et de spéciation afin qu’elles
puissent devenir des organismes physiques déterminés”, c’est à dire la capacité de fonctionner
de façon autonome, en harmonie avec la structure évolutive propre à chaque espèce.
De nos jours, nous appelons le plan, ou le programme, qui dirige une espèce sur son chemin
autonome et “spécifique”, l’instinct. L’intercession Christique pourvut une voie fonctionnelle
pour les programmes biologiques des créatures de la biosphère, la pléthore de formes
animales. L’Eon Christos apporta son soutien à la programmation biologique de la
progéniture de Sophia “selon la substance seulement et non pas pour transmettre
l’intelligence” – ce qui signifie qu’il ne réalisa que ce que Sophia aurait elle-même réalisé si
elle n’avait pas été autant subjuguée.
Les formes de vie d’animaux, d’insectes et de plantes de la biosphère sont fidèles à leurs
instincts guidant chaque espèce mais elles sont, néanmoins, capables de co-évolution. Les
espèces terrestres coopèrent beaucoup plus qu’elles ne sont en compétition. L’autonomie et la
co-évolution interspécifique étant garanties, Sophia était de nouveau en bonne voie quant à sa
vie évolutive. Elle était maintenant capable de procéder sur la voie de la symbiose et de
“donner forme à la substance animée qui avait émané de sa propre conversion”, assistée par
“les instructions du Christos”.
Quel tableau formidable. L’intercession Christique est une autre de ces scènes
cinématographiques prodigieuses dans l’imagination Gnostique du cosmos. Le génie
visionnaire des initiés, qui enseignèrent dans les Mystères, survit dans cet épisode du Mythos
quand bien même il ne nous parvient pas de manière directe. La mythopoésie de cet épisode
est si saisissante et si puissante qu’elle peut altérer notre perception en nous donnant accès à
une vision totalement nouvelle de qui est “le Christ”. Selon la vision Gnostique de la
préhistoire lointaine, l’Eon Christos était un esprit surnaturel dont la puissance affecta toute la
vie animale sur Terre.
La notion selon laquelle l’action du Christos Pléromique affecte toute vie consciente, et
soutient les relations interspécifiques, contraste avec l’acte strictement anthropocentrique de
rédemption attribué au Christ le Rédempteur; elle est, de plus, hautement hérétique.
Sophia imprègne d’intelligence tout ce qui vit dans la biosphère car la Déesse elle-même est
l’intelligence demeurant en la planète. Le dieu Pléromique Christos agit “non pas pour
transmettre l’intelligence” mais pour l’amplifier, pour harmoniser les impulsions
autogéniques de Sophia, les programmes instinctifs de sa progéniture. L’élément Christique
dans l’instinct animal n’est pas intrinsèquement la fondation de cet instinct car ce dernier
procède de Sophia. C’est plutôt ce qui garantit que chaque espèce soit capable de
communication interspécifique et de co-évolution selon des voies qui ne seraient pas aussi
fonctionnelles si l’intercession n’avait pas eu lieu.
En bref, l’intercession Christique mit en place une voie évolutive fonctionnelle pour le spectre
intégral des plans instinctuels Gaïens, incluant le programme instinctuel de l’humanité,
l’Anthropos. Car nous aussi, nous sommes des animaux dans la ménagerie merveilleuse de
l’habitat Gaïen.