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Sécheresse et conséquences

Introduction
« Et le roi dit j’ai vu en songe 7 vaches grasses dévorées par sept vaches maigres ainsi que sept
épis verts et sept autres secs, interprétez moi ce songe, si son interprétation vous est familière »
(Coran, Sourate de Youssef)

À l’effet sécheresse il faut bien entendu ajouter l’effet "coupe-coupe", les ébranchages
répétitifs, la coupe pure et simple par les bûcherons et les charbonniers, le piétinement et le
broutage des troupeaux.
Parmi les cataclysmes climatiques qui ont affecté la planète au cours de ces dernières
décennies, la sécheresse qui a frappé de 1968 à 1973 les deux bandes tropicales qui ceinturent
le globe, tient une place prépondérante.
Remarquablement sévère, cette sécheresse présente trois caractères dont la conjonction lui
donne un aspect inhabituel : sa rigueur tout d’abord, son extension et surtout sa persistance
pendant plusieurs années consécutives.
La zone africaine au sud du Sahara, directement atteinte par la raréfaction des pluies,
comprend d’ouest en est les pays suivants : la Mauritanie, le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le
Niger et le Tchad, soit une surface de près de 5 millions de km2 pour une population estimée à
l’époque à 25 millions d’habitants. .
Directement en bordure du Sahara, dans la zone subdésertique qui reçoit moins de 300 mm de
pluie en année moyenne, les effets de la sécheresse ont été les plus désastreux.
Dans cette frange aride où l’équilibre entre l’homme et son environnement est toujours très
précaire et où donc les conditions de vie sont toujours très dures, L ‘assèchement des points
d’eau, la diminution des pâturages, l’hécatombe des troupeaux ont été spectaculaires et la
situation des pasteurs nomades qui ont dû refluer plus au sud vers des régions également
éprouvées a été si dramatique que le nomadisme a failli disparaître.
Dans la zone sahélienne proprement dite, qui s’étend entre les isohyètes 300 et 750 mm, et où
les pluies sont concentrées sur 3 à 4 mois de l’année, les effets ont été tout aussi sérieux, Dans
cette région où les paysans sédentaires coexistent avec les gardiens de troupeaux, les cultures
traditionnelles d’irrigation ou de décrue n’ont pu être assurées, les barrages hydro- agricoles se
sont asséchés et même les populations riveraines des grands fleuves Sénégal et Niger n’ont pu
profiter des effets bénéfiques des inondations annuelles, les crues étant restées trop faibles. Si
ce Sahel apparaissait jadis comme une " zone de transition entre la végétation désertique
saharienne et la végétation soudanienne " {Chevalier, 1933), ce territoire se définit aujourd'hui
comme une réelle entité phytogéographique avec ses caractéristiques climatiques,
phytoécologiques et pastorales.

Sur le plan climatique, le Sahel mauritanien est limité sur sa frange nord par la zone
saharienne,caractérisée par des pluies aléatoires, c'est-à-dire n'intervenant pas tous les ans
(Emberger, 1938). Les ressources pluviométriques sont exclusivement estivales, mais les
hauteurs d'eau sont variables, d'où la multiplicité des définitions climatiques concernant le
Sahel mauritanien.
Selon les auteurs, les limites climatiques correspondent aux isohyètes 1 00 et 500 mm voire
100-600. Dans une conception plus large, le Sahel s'étend jusqu'au 19ième parallèle au nord
(Murat, 1937), voire encore plus au nord si l'on s'intéresse aux particularités climatologiques de
l'Adrar (Barry et al., 1987), et s'arrête au sud à 150 de latitude au Guidimaka.
Sur le plan agropastoral, le Sahel mauritanien coïncide avec la limite sud de l'élevage camelin
exclusif et constitue une zone pastorale mixte en espèces (bovins, petits ruminants,
dromadaires) et en type d'élevage (sédentaire, semi-nomade et transhumant).
C'est également une zone d'agriculture aléatoire et ponctuelle, concentrée au niveau des sites à
bilan hydrique favorable et bien souvent aménagée (diguettes de retenue d'eau des régions de
l’Assaba, du Brakna et du Gorgol), ou irriguée (vallée du fleuve Sénégal et de ses affluents).

Cette région autrefois relativement humide va subir au cours des siècles des sécheresses
périodiques parfois catastrophiques rompant avec des périodes de réelle prospérité.
EL Bakri, géographe arabe andalou (1040-1094) écrivait, décrivant Aoudaghost : «  il y’a des
gommiers dont on exporte la gomme vers l’Espagne musulmane… C’est une grande ville
peuplée… Tout autour s’étendent des jardins, on y cultive du blé, les concombres y poussent
abondamment. On y trouve aussi de petits figuiers ainsi que de pieds de vigne. L’élevage des
bœufs et des moutons y est particulièrement prospère.» Toupet qui a visité le site en 1960
renchérit « les environs étaient encore couverts de gommiers, mais depuis, ils sont morts.»
Au 15ième siècle, Jao’ Fernandez décrivait ainsi la Keditt Ejjel à l’extrême nord-ouest par rapport
à Aoudaghost «  une très grande montagne, très peuplée…Les gens n’ont que des chèvres et
des ânes... » Il semble donc que de nombreux éleveurs pouvaient vivre dans cet
environnement, ce qui serait impossible aujourd’hui du fait de manque de ressources en eau
pérennes.
Les 3 siècles séparant le 16ième et le 19ième siècle sont une alternance de d’années de prospérité et
d’années de catastrophes
Les sécheresses ont été comptabilisées par Toupet (Les grandes sécheresses de la Mauritanie) :
- 1810-1811 L’année de la grande soif de Laghlal
- 1865-1866 Famine à Tichit, Ouadane et Chinguitti
- 1889-1890 Sécheresse générale telle qu’un moud (3,4 kg) de grains était échangé contre
une adila de sel (50 à 70kg) alors que traditionnellement une adila s’échangeait contre
15 charges de grains, soit 1500 kg
- - 1910-1916 normale des pluies 367 mm à St-Louis mais seulement 150mm en 1913
- 1940-1941 Les campements R’Gueibatt se réfugient (climatiquement parlant) dans la
région de G’Leimine. Les précipitations enregistrées à Kiffa et Tamechakett sont de 158
et 85 mm pour des normales de 85 mm.
- Ma tante m’a raconté qu’elle et ses sœurs ont trouvé la peau sèche d’un animal
qu’elles se sont hâtées de manger avant que des personnes du campement ne leur
dispute leur trouvaille.
- Un autre exemple des catastrophes engendrées par la sécheresse est illustré par la ville
de Boumdeid où l’on voit encore des traces de jardins bien tracés et de canaux
d’irrigation à l’abandon.
II. La sécheresse a eu des conséquences structurelles
En 1972, au début de la grande sécheresse, le débit du Fleuve mesuré à Bakel état de 1429
mm3/s contre 1700 habituellement, Sélibaby ne reçoit que 47% des pluies normales et Rosso
seulement 19%. La campagne de pêche fluviale n’a pas lieu et les récoltes céréalières chutent
de 90%. La production de dattes chute de 100 000 à 15 000 tonnes. En 1968 déjà le Gorgol perd
68% de ses bovins. Globalement, on estime que la population bovine qui représentait 2 500 000
têtes en 1968 n’est plus sont plus que 2000 000 en 1969 et seulement 1 100 000 en 1973 soi
une perte de 56%. (Grdr Atlas su Sud-Est mauritanien Dynamique rurales).
1. Diminution des pluies
Les hauteurs de pluies enregistrées dans les stations de la zone saalienne météorologiques ont
dimunié parfois plus du tiers comme dans le tableau ci-dessous
Tableau 1 : Hauteur des pluies en 1970

Station Hauteur pluie mm Ecart mm Déficit en %


Selibaby 539,0 159,7 30
M’Bout 365,6 125,0 36
Kiffa 297,6 124,8 42
Kaedi 290,1 100,7 35
Néma 255,5 103,1 40
Aioun 239,4 95,4 40
Source : GRDR, Dia :Drought in African Sahel
II. La sécheresse a eu des conséquences structurelles
En 1972, au début de la grande sécheresse, le débit du Fleuve mesuré à Bakel état de 1429
mm3/s contre 1700 habituellement, Sélibaby ne reçoit que 47% des pluies normales et Rosso
seulement 19%. La campagne de pêche fluviale n’a pas lieu et les récoltes céréalières chutent
de 90%. La production de dattes chute de 100 000 à 15 000 tonnes. En 1968 déjà le Gorgol perd
68% de ses bovins. Globalement, on estime que la population bovine qui représentait 2 500 000
têtes en 1968 n’est plus sont plus que 2000 000 en 1969 et seulement 1 100 000 en 1973 soi
une perte de 56%. (Grdr Atlas su Sud-Est mauritanien Dynamique rurales).
1. Diminution des pluies
Les hauteurs de pluies enregistrées dans les stations de la zone saalienne météorologiques ont
dimunié du tiers comme dans le tableau ci-dessous
Tableau 2 : Hauteur des pluies en 1970

Station Hauteur pluie mm Ecart mm Déficit en %


Selibaby 539,0 159,7 30
M’Bout 365,6 125,0 36
Kiffa 297,6 124,8 42
Kaedi 290,1 100,7 35
Néma 255,5 103,1 40
Aioun 239,4 95,4 40
Source : GRDR, Dia :Drought in African Sahel
2. Le changement de propriétaires du bétail
La disparition d’une grande partie de leur bétail a amené les nomades à vendre leur bétail à de
riches commerçants ou fonctionnaires. Ais alors que les nomades vivaient de l’élevage, en
buvaient le lait, en mangeaient la viande et surtout s’en servaient comme marchandises pour
acquérir des biens de consommation ‘thé, sucre, tissus, etc.), les propriétaires l’utilisent comme
épargne surtout que la taxe sur le bétail a été supprimée en 1973 Ce transfert de propriété
explique en grande partie la croissance continue du bétail (voir tableau 3) qui a dépassé les
seuils tolérables pour les pâturages et explique ainsi en partie la persistance de la sécheresse.
Tableau 3 : Cheptel croissance et exploitation en 2016

désignation Tx de croissance Tx d’exploitation Tx net de croiss. Nbre en milliers


Bovins 11,4 10,0 1,4 1953
Camelins 8,8 8,1 0,7 1 471
Ovins 30,5 25,5 5,0 13 123
Caprins 35,8 30,7 5,7 8 626
Volaille 7 800
Anes 510
Equins 30
Source Annuaire statistique 1916 ONS et Dr. Abdellahi ould Soueid Ahmed : Mauritania
Integrated Framework, sous-secteur de l’élevage.
Il faut noter qu’en 1950, il y avait 727 000 bovins, 2096 ovins et caprins et 140 000 camelins ; ils
sont respectivement 2000 000, 4605 000, et 505 000en 1967 et en 1985, 1200 000, 7000 000
et 790 000. Les chiffres de 1985 correspondent à qui serait plus ou moins leur niveau optimal
en rapport avec les pâturages existants.
En dépit de nombreuses contraintes liées notamment à la santé animale, à l'abreuvement, au
climat, à l'alimentation, le nombre de têtes de toute catégorie de bétail continue de croitre.

3. L’épargne est consommée

Dans cette terrible sécheresse, non seulement le bétail est vendu, mais l’épargne dont le
symbole est Lekhlal (lourds bracelets en argent porté à la jambe au dessus de la rotule des
femmes) est aussi vendue pour subvenir aux besoins, en particulier d’installation dans les
villes.
4. Paupérisation des nomades
La paupérisation des nomades a pour conséquence un exode massif vers les villes d’escale
en escale, ils vont se trouver à Nouakchott et dans un face à face sévère mais non violent, ils
vont imposer les « gazra » (appropriation sans contrepartie de terres d’habitat) qui sont la
cause du développement anarchique de la ville.
5. L’éclatement de la hiérarchisation sociale
La hiérarchie des castes se distend, les griots deviennent des artistes se produisant pour
leur propre compte, les forgerons sont désormais des artisans créant des coopératives et
réalisent des objets qu’ils marchandent, et les esclaves se libèrent.
6. Les esclaves se libèrent
Les esclaves ainsi que les haratines (essentiellement métayers dans l’agriculture) se trouvent
ainsi libérés de leur attaches, mais sans emploi, ils émigrent eux aussi vers les villes et surtout
Nouakchott, où sans instruction ni qualification, ils se tournent, dans une sorte de açabiya, vers
les membres de « leur » tribu qui les prennent comme servant à domicile, mais rémunérés. La
fonction de boy apparait et va servir de tremplin à l’ascension sociale par la mobilité qu’elle
procure, on peut désormais s’engager chez quelqu’un d’autre même sans relation d’affiliation.
Ou devenir blanchisseur ou faire un autre métier qui ne demande pas de grandes qualifications.
Cette libération est générale dans toutes les ethnies peuplant le pays. Car « cette
hiérarchisation de la société existe aussi paradoxalement chez les autres composantes de la
population Peulhs, Soninkés, Wolofs mais reste cachée à l’opinion publique » selon le Dr.Saad
Ould Louleid ancien Vice-président de l’IRA.

7. La faune sauvage disparait


La poussée des populations vers le sud à la recherche des pâturages rétrécit de plus en plus
l’habitat des espèces sauvages poussées de plus en plus vers le 27 ième parallèle et au-delà
bien que le reflux soit lent, on trouvait encore des troupeaux de gazelles à Toueyla à 40 km
au nord de Nouakchott, et à la fin des années 80 des hyènes attaquaient encore les animaux
domestiques dans le Âdft au Gorgol. L’annuaire statistique de la Mauritanie édition 1969
rapporte « Forêt classée d’Aioun, population recensée 49 éléphants. F. Grandidier (les
éléphants de Mauritanie) montre la dépouille d’un éléphant tué à la chasse. La Land-Rover
et les fusils plus perfectionnés vont en 5 ans de 1974 à 1980, détruire toute la faune
sauvage. Note : pour bien comprendre la tristesse de cette éradication, songez que la
Namibie qui est notre pendant de l’autre coté de l’Equateur a fait du tourisme animalier
une de ses principales ressources.
8. Destruction des forêts
Les superficies forestières accessibles aujourd’hui sont estimées à 3.500.000 ha, ce qui
représente une couverture de moins de 3,5 % de formation végétale constituée de savanes
claires de steppes a Acacia et de brousses arbustives dont les possibilités naturelles de
production annuelle sont évaluées à 0,16 m3 /ha / an. La production nationale annuelle est
donc estimée à 560.000 m3 soit environ 350.000 (ESMAP, 1988).

Sur la base d’un accroissement annuel moyen de la biomasse ligneuse de 3%, la production
annuelle moyenne théoriquement exploitable pourrait être évaluée comme suit :

9. En 1970, il y avait 10 000 000 hectares (ha) de forêts, en 1982 il y’en avait 3 500 000 ha
et en 1997 seulement 433 900 ha. Le tableau des forêts classées réalisé par Cheikh Ould
M’baré est éloquent à cet égard

Tableau 4 : synthèse des superficies actualisées des forêts classées

Wilaya Ancienne superficie Superficie actuelle Pourcentage de perte


Trarza 8553 ha 2650 ha 69,01 %
Brakna 8363 ha 4370 ha 47,74 %
Gorgol 4462 ha 4462 ha -
Guidimaka 2251 ha 2251 ha -
Total 23.629 ha 13.733 ha 41,88 %

Source : Cheikhna Ould Mbaré

Les activités de l’homme défrichement, coupe, production de charbon de bois sont en grande
partie responsables de ces destructions, mais les feux de brousse continue de constituer un
grand défi

Pendant la campagne de 1994 – 1995, les feux de brousse ont détruit 232200 ha.

la campagne 1995 – 1996, 381500 ha.

Quant à la campagne de 1996 – 1997, 355300 ha.

(Source messages adressés par les délégations régionales à la DEAR).

III. Conclusion
 Les sécheresses ne sont pas prévisibles, ni de par leur ampleur, ni de par leur fréquence, mais
leur capacité de destruction dépend de la force ou de la faiblesse du terreau qu’elles
rencontrent. Ainsi, les facteurs aggravants suivants doivent être sérieusement reconsidérés

- La taxe sur le bétail doit être rétablie et si nécessaire acquitté en nature pour mettre fin
au rôle du bétail comme refuge contre l’impôt par les plus riches.
- Cette taxe devrait être extrêmement dissuasive pour empêcher la croissance
inconsidérée des troupeaux et pour que l’épargne s’oriente vers des investissements
productifs
- Le Service des Eaux et Forêts doit être fortement renforcé et valorisé.
- Le contrôle des coupes doit être renforcé.
- Les programmes de reboisement doivent réellement être pris au sérieux, renforcés et
bien exécutés en reboisant dans chaque zone ses arbres indigènes.
- Mener une politique volontariste de repeuplement par la reconstitution des espèces
animales. Sauvages.

M’Rabih Rabou Ould Cheikh Bounena


Contact: mrcbounena@hotmail.com

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