Vous êtes sur la page 1sur 7

A. Beitone, L. Lorrain, C.

Rodrigues, La dissertation de science économique © Armand Colin, 2016

Entraînement à la dissertation de science économique


Sujet 10

La croissance économique est-elle suffisante pour réduire les inégalités ?

Janvier 2018

1. Se préparer à la rédaction

1.1. L’enjeu du sujet


La parution en décembre 2017 du rapport mondial sur les inégalités 2018 a eu un grand écho.
Mobilisant de très nombreux économistes au niveau international, ce rapport insiste sur le
creusement des inégalités dans le monde sur la période 1980-2016. L’un des graphiques (la courbe
de l’éléphant) montre que sur la période les 50 % de la population mondiale qui perçoivent les
revenus les plus faibles se sont partagés 12 % de la croissance économique de la période. Par contre
les 1 % qui perçoivent les revenus les plus élevés se sont partagés 27 % de la croissance mondiale.
Envisagé sous cet angle, on constate donc que la croissance produit de l’inégalité. Mais d’autres
travaux, tout aussi rigoureux soulignent que grâce à la croissance économique la part de la
population mondiale qui vit sous le seuil de pauvreté s’est considérablement réduite et que les
inégalités d’espérance de vie entre pays pauvres et pays riches se sont-elles-aussi réduites. L’effet de
la croissance sur les inégalités est donc ambigu. Par exemple, dans les pays émergents, de nombreux
habitants sont sortis de la pauvreté et le revenu moyen s’est élevé favorisant l’émergence d’une
classe moyenne. Mais les revenus et les patrimoines des très riches ont augmenté plus vite que la
moyenne de sorte que l’inégalité s’est accrue entre les plus riches et les plus pauvres. Alors même
que l’idéal d’égalité constitue une valeur centrale des sociétés modernes, la question de l’évolution
des inégalités est un enjeu crucial pour le débat scientifique.

1.2. Le cadrage du sujet et les concepts clés


La croissance économique se définit par l’augmentation de la production en volume soit au niveau
national (taux d’accroissement du PIB réel) soit par individu (accroissement du rapport entre le PIB
en volume et le nombre d’habitants du pays). On peut définir les inégalités comme des différences
entre individus (ou groupes d’individu) qui font bénéficier certains d’entre eux d’avantages sociaux
(prestige, conditions de vie, accès à l’éducation ou à la santé, etc.) dont d’autres sont privés, ces
différences étant considérées comme illégitimes. Il existe des inégalités économiques (qui portent sur
les revenus et les patrimoines) et des inégalités sociales qui portent sur des différences de statut
social et sur l’accès à certains biens ou services (alimentation, logement, soins médicaux, etc.). Faute
de précisions on prendra donc le terme inégalités dans un sens large, même si l’analyse des inégalités
économiques pourra être privilégiée. Le sujet ne comporte pas de limites chronologiques, on peut
ainsi puiser des exemples à la fois dans la longue période et dans les évolutions récentes. Beaucoup
de travaux scientifiques portent sur l’impact des inégalités sur la croissance. Ici, c’est la relation
inverse qui fait l’objet du sujet. Il s’agit de réfléchir à l’impact de la croissance sur les inégalités et
plus précisément sur la réduction des inégalités.

1.3. La construction de la problématique

1
A. Beitone, L. Lorrain, C. Rodrigues, La dissertation de science économique © Armand Colin, 2016

Comme l’a montré Angus Deaton (Prix Nobel de science économique en 2015) l’histoire de
l’humanité peut être comprise comme une grande évasion de la pauvreté et de la maladie grâce au
progrès technique et à la croissance. Mais Deaton s’intéresse aussi aux inégalités en montrant que
tous les individus ne bénéficient pas en même temps, ni au même degré, de l’augmentation de la
production et du progrès technique. Il y a donc à la fois, en longue période et grâce à la croissance,
une amélioration sensible des conditions de vie, mais en même temps des périodes de creusement
des inégalités. Par exemple, les effets de la Révolution industrielle ont creusé les inégalités entre le
revenu moyen des pays qui en ont bénéficié et les autres pays. Il faudra presque deux siècles pour
que les bienfaits du progrès technique conduisent à un phénomène de rattrapage au bénéfice de pays
longtemps plongés dans le « développement du sous-développement ». La croissance apparait donc
comme la condition nécessaire de la réduction des inégalités, mais elle n’en est pas la condition
suffisante. En effet, laissée aux seules forces du marché et à l’influence d’institutions qui peuvent
privilégier les plus favorisés, la croissance peut conduire au maintien ou à l’accroissement des
inégalités. Pour que la croissance contribue à la réduction des inégalités il faut que la puissance
publique mette en œuvre des politiques visant à réduire les inégalités de revenus, de patrimoine et à
favoriser l’accès des plus démunis aux services collectifs essentiels (alimentation, santé, éducation,
logement, etc.).

2. Rédiger le devoir : une proposition

Introduction
En 2014, l’OCDE notait qu’au sein des pays membres, jamais depuis trente ans l’inégalité entre les
riches et les pauvres n’avait été aussi élevée. Alors que, sauf au cours de brève période de crises, la
croissance a été continue au cours de ces trente années, le revenu des 10 % les plus riches (en
termes de niveau du revenu) était 9,5 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres. Cet écart
n’était que de 1 à 7 dans les années 1980. La croissance s’est donc accompagnée d’un creusement
des inégalités. Si l’on prend la période qui s’est écoulée depuis la reprise de 2010, le constat formulé
par l’OCDE est le même : la reprise de la croissance n’a pas permis d’inverser la tendance à la hausse
des inégalités de revenus. Le FMI a fait, au cours des années récentes, le même constat qui est
corroboré par les travaux d’économistes comme J. Stiglitz, A. Atkinson et Th. Piketty.
Il apparait donc clairement que la croissance économique n’est pas suffisante pour réduire les
inégalités. Pourtant, l’expérience de la période des Trente glorieuses au cours de laquelle on a assisté
à la « Grande contraction » des inégalités a conduit à un certain oubli de la question des inégalités. Il
semblait aller de soi que la croissance permettait de les résorber progressivement, puisqu’elle
permettait de réduire la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie de tous. La rupture du rythme
de croissance des années 1974-1980 dans les pays développés à économie de marché, la croissance
spectaculaire des pays émergents, la réduction des inégalités de revenus entre pays, mais le
creusement des inégalités mesurées directement au niveau mondial, ont conduit à un
approfondissement de la réflexion quant à l’effet de la croissance économique sur les inégalités. Il
apparait tout d’abord que la croissance économique est une condition (ou au moins un contexte
favorable) à la réduction des inégalités (I). Cependant il ne s’agit pas d’une condition suffisante (II)

I. La croissance une condition nécessaire de la réduction des inégalités

La croissance économique est une condition nécessaire ou au moins un contexte favorable à la


réduction des inégalités car, selon la métaphore usuelle, lorsque la taille du gâteau s’accroit, il est
plus facile d’augmenter plus vite la part qui revient aux plus défavorisés, puisque, en valeur absolue,

2
A. Beitone, L. Lorrain, C. Rodrigues, La dissertation de science économique © Armand Colin, 2016

ce qui revient aux riches augmente aussi (mais moins vite que ce qui revient aux pauvres). Il faut
donc s’interroger sur les facteurs qui permettent la croissance et la réduction des inégalités. D’une
part les gains de productivité permettent d’accroître le surplus global distribuable (A). D’autre part, la
croissance s’accompagnent de transformations structurelles qui favorisent la réduction des inégalités
sociales (B).

A. Croissance, gains de productivité et réduction des inégalités

Le FMI indique dans une publication de 2017 que la part de la population mondiale vivant sous le
seuil de pauvreté (1 dollar par jour) est passée de 50 % en 1980 à 10 % de nos jours. La croissance
favorise donc la réduction des inégalités (au sens du recul de la pauvreté). Mais la croissance permet
aussi la réduction des inégalités sociales. Par exemple, l’espérance de vie à la naissance a augmenté
de presque vingt ans dans les pays en voie de développement entre 1940 et 1980. Sur la même
période, elle n’a augmenté que de neuf ans dans les pays développés. L’écart se réduit donc puisque
ceux qui ont l’espérance de vie la plus faible la voit progresser plus vite.
En effet, un taux de croissance de 2 % du revenu moyen permet de doubler en trente-six ans le
revenu moyen. Dans ces conditions, et a fortiori lorsque la croissance est plus forte comme ce fut le
cas pendant les Trente glorieuses dans les pays d’Europe occidentale et au Japon, il est relativement
aisé de réduire les inégalités.
Cette croissance de la production et du revenu moyen par tête résulte essentiellement des gains de
productivité. C’est vrai tout au long de l’histoire (par exemple à travers la modernisation des
techniques agricoles), mais encore plus après 1945 où la croissance devient intensive. Certes le stock
de capital s’accroit ainsi que l’effectif de la population active, mais c’est l’accroissement de la
productivité du travail qui explique l’essentiel de la croissance. C’est ce surplus de productivité
globale qui est à l’origine du surcroît de revenu à distribuer chaque année. Cette approche, inspirée
notamment par P. Massé, est au fondement de la politique des revenus telle qu’elle est conduite en
France dans les années 1960. Il s’agit de répartir les « dividendes du progrès » ou les « fruits de la
croissance ».

La création, en 1967 en France, d’un organisme comme le CERC (centre d’étude des revenus et des
coûts) est révélateur des conceptions qui régnaient à cette époque. Le CERC avait pour mission
d’étudier les liens entre revenus et gains de productivité. Il visait aussi à diffuser une information
objective sur la répartition des revenus afin que cette transparence favorise la gestion ordonnée de
la répartition. Ce lien entre productivité, croissance et réduction des inégalités peut s’interpréter à
partir du concept de « compromis fordiste » développé par les théoriciens de l’Ecole de la Régulation.
Les salariés ont accepté une intensification de leur travail (ce qui conduit à une croissance plus rapide
de la productivité) en échange de gains de pouvoir d’achat.

B. Croissance, transformations structurelles et réduction des inégalités

La croissance n’est jamais homothétique, elle s’accompagne de transformations structurelles qui


permettent une réduction des inégalités. Aujourd’hui, par exemple, l’accroissement du revenu
moyen en Chine, résulte dans une large mesure de mutations structurelles : urbanisation et
industrialisation notamment. Certes, les écarts se creusent entre les régions rurales qui se consacrent
encore largement à une agriculture peu intensive et les régions industrialisées et urbanisées
(notamment les régions côtières). Mais, en moyenne, l’accroissement de la part de la population qui
vit dans les zones industrialisées accroît le revenu global. Ce phénomène s’est produit aussi en
Europe lors de la Révolution industrielle, puis pendant la période de forte croissance des années
1950 et 1960. L’exode rural et l’exode agricole permet à de très nombreux paysans ou enfants de

3
A. Beitone, L. Lorrain, C. Rodrigues, La dissertation de science économique © Armand Colin, 2016

paysans d’accéder au travail industriel, mais aussi à des emplois de professions intermédiaires
(instituteurs/trices, emplois divers dans l’administration) et, en même temps à un changement de
mode de vie : logements mieux équipés et plus confortables. Il y a donc une mobilité sociale
structurelle, mais aussi (au moins jusqu’au années 1980) un accroissement de la fluidité sociale.
Cette dernière s’explique notamment par l’explosion scolaire qui résulte d’efforts exceptionnels
d’équipement en établissements scolaires (on parlait de la construction d’un collège par jour dans les
années 1960). Les infrastructures de transport se développent aussi de même que les équipements
hospitaliers, le nombre de médecins, etc. Au total un certain nombre de services (par exemple les
services bancaires) et d’infrastructures, jusque là réservés à une minorité, sont accessibles à une
proportion croissante de la population. La proportion des étudiants et des lycéens augmente
fortement, l’espérance de vie à la naissance augmente, la mortalité infantile baisse de façon
spectaculaire, la proportion des logements insalubres baisse.
L’accroissement du PIB par tête et donc du revenu moyen pendant les Trente glorieuses a des effets
perceptibles en termes de réduction des inégalités. C’est ainsi que l’on parle en Grande Bretagne
d’embourgeoisement de la classe ouvrière et en France de moyennisation de la société. Avec le recul
(après la rupture du début des années 1980) ces analyses vont être remises en cause. Mais, au
moment où elles sont formulées, elles témoignent d’une transformation profonde des structures
sociales.

II. La croissance ne suffit pas à réduire les inégalités

Cependant si, à la lumière de l’histoire, les périodes de croissance s’accompagnent souvent de


réduction des inégalités, le phénomène, comme on l’a vu n’a rien de mécanique. En effet, laissée à
elle-même, la croissance, surtout dans un contexte de coordination marchande et d’accumulation du
capital produit des inégalités. En effet, le processus de destruction créatrice qui est le moteur de la
croissance produit des gagnants et des perdants (A). Par conséquent, seul un volontarisme public,
cohérent avec la valeur d’égalité qui fonde les sociétés démocratiques, est de nature à réduire les
inégalités (B).

A. La croissance inégalitaire

L’accroissement des inégalités qui se manifeste au niveau mondial depuis les années 1980 est
maintenant bien connu puisque de nombreuses études lui ont été consacrées. Cet accroissement des
inégalités résulte principalement du fait que les hauts et très hauts revenus ont capté une proportion
considérable de l’accroissement du revenu global. Certes, dans les pays en développement, les
individus vivant sous le seuil de pauvreté ont vu leur part diminuer, mais les riches des pays pauvres
sont devenus plus nombreux et leurs patrimoines comme leurs revenus se sont fortement accrus.
Dans le même temps, au sein des pays développés les revenus des catégories populaires et
moyennes ont stagné ou même régressé en termes de pouvoir d’achat.
Le premier mécanisme par l’intermédiaire duquel la croissance est inégalitaire concerne le processus
de destruction créatrice et donc l’innovation. On le sait, la croissance résulte d’un bouleversement
permanent de la production : nouveaux objets ou services produits, nouveaux outils de production,
nouvelles qualifications, nouvelles sources d’énergie. Cela entraîne la disparition de certaines
entreprises, des suppressions d’emploi, le déclin de certaines régions, mais aussi la création de
nouvelles activités, l’essor de certaines régions, la demande de compétences nouvelles. Les individus
sont inégalement dotés en capital économique et en capital humain pour s’adapter à ces
changements. Il y a donc des perdants et des gagnants à ce processus de destruction-créatrice,

4
A. Beitone, L. Lorrain, C. Rodrigues, La dissertation de science économique © Armand Colin, 2016

certains sont capables d’en saisir les opportunités et voient leur situation économique et sociale
s’améliorer. D’autres par contre constatent que leurs compétences, les techniques qu’ils maîtrisent
et les outils qu’ils possèdent sont devenus obsolètes et sont frappés de déclassement social. Dans la
phase récente de croissance de l’économie mondiale, il semble bien que l’on assiste à une
polarisation du marché du travail. Les entreprises sont en concurrence pour attirer les individus
fortement dotés en capital humain (d’où une hausse des rémunérations dont la théorie du tournoi
cherche à rendre compte). Par contre des emplois peu qualifiés, précaires et mal rémunérés se
développent. Cette double évolution creuse les inégalités de revenus et plus généralement les
inégalités sociales (accès à la santé, à l’éducation, au logement). L’apparition dans les pays
développés d’une catégorie de travailleurs pauvres et l’accroissement des taux de pauvreté
confirment ce mouvement d’amplification des inégalités.
L’autre mécanisme qui contribue au creusement des inégalités est la mondialisation commerciale et
productive. Certes, on s’accorde généralement à considérer que la mondialisation est un jeu à
somme positive car elle favorise les économies d’échelles et les gains à l’échange. Mais en même
temps elle creuse les inégalités du fait de l’intensification de la concurrence qui peut conduire au
dumping fiscal, social et environnemental ainsi qu’à une pression à la baisse sur les salaires. En
particulier la main-d’œuvre la moins qualifiée des pays développés a été mise en concurrence avec la
main-d’œuvre beaucoup moins coûteuse des pays émergents. La concurrence joue aussi entre les
pays émergents, par exemple la tendance récente à la hausse des salaires en Chine conduit à une
réorientation de certains investissements vers d’autres pays émergents où la main d’œuvre est
moins coûteuse.

B. Croissance, choix collectifs et réduction des inégalités

Si la réduction des inégalités n’est pas une conséquence automatique de la croissance économique,
seule l’intervention correctrice de la puissance publique peut faire en sorte que l’accroissement des
revenus permis par la croissance bénéficie de façon prioritaire aux plus défavorisés (conception de la
justice sociale qui découle des analyses de J. Rawls). Pour cela il faut que l’État mette en œuvre la
fonction de répartition telle qu’elle a été définie par Richard Musgave.
Pour quelles raisons l’État devrait-il agir dans le sens d’une plus grande égalité ? La première raison
relève de la rationalité axiologique : puisque les démocraties ont pour valeur centrale l’égalité, il
convient que les inégalités de situation (l’inégalité des places) ne soit pas excessives sous peine de
faire perdre toute crédibilité à l’égalité des droits et à l’égalité des chances. Un État démocratique,
s’il veut être cohérent avec les valeurs dont il se réclame doit limiter l’ampleur des inégalités de
revenus, de patrimoine et de condition sociale. La seconde raison relève de la rationalité
instrumentale. Même s’il n’y a pas unanimité chez les économistes, de nombreuses études
(conduites notamment par le FMI) conduisent à penser qu’une inégalité excessive est nuisible à la
croissance. En effet, des inégalités de grande ampleur sapent la légitimité du système économique,
provoquent des troubles sociaux, conduisent à une moindre accumulation (voire à une dégradation)
du capital du fait d’une inégalité d’accès à la santé et à l’éducation. De plus, une population moins
protégée contre les risques sociaux risque d’être moins encline à prendre des risques, à innover, à
accepter le changement économique et social. Enfin, il faut souligner que les gagnants de
l’innovation et de la mondialisation une fois acquise leur position privilégiée, risque d’utiliser leur
pouvoir économique et leur influence politique pour conserver leur position, obtenir des rentes de
situation, se protéger de la concurrence, faire obstacle à la mobilité ascendante des catégories
défavorisées.

5
A. Beitone, L. Lorrain, C. Rodrigues, La dissertation de science économique © Armand Colin, 2016

L’État doit donc, à la fois pour des raisons de justice sociale et d’efficacité économique agir pour que
la croissance contribue à la réduction des inégalités.

Comment l’État peut-il agir ? Traditionnellement on distingue :

- les actions réalisées en amont de la production et de la répartition qui visent à doter les
agents économiques de façon aussi égalitaire que possible en facteurs de production. La
taxation de l’héritage est un exemple de ce type de mesure, mais ce n’est pas le seul. Une
importance particulière doit être accordée à la dotation en capital humain des individus. Un
accès plus égalitaire à l’éducation et à la formation tout au long de la vie est de nature à
favoriser des conditions plus équitables de compétition sur le marché du travail. De façon
plus générale on sait que les services publics (santé, éducation, culture, etc.) favorisent une
plus grande égalité.
- Les actions réalisées en aval de la répartition primaire (la redistribution). Elles visent à
corriger la répartition inégalitaire qui découle du fonctionnement du marché du travail et du
marché du capital. L’impôt progressif sur le revenu, la mise en place de minimas sociaux sont
des exemples de ce type d’action.

Conclusion
La croissance économique en augmentant la production en volume, et donc la masse du revenu à
distribuer, crée les conditions d’un partage plus égalitaire des revenus. En particulier les innovations,
les économies d’échelles, l’accroissement de la spécialisation, favorisent l’augmentation du surplus
de productivité globale. Mais rien ne garantit que la croissance contribue toujours à la réduction des
inégalités. En ce qui concerne les relations entre pays, J. Bhagwati avait envisagé le cas d’une
« croissance appauvrissante ». Les études de l’OCDE, par exemple, montrent que la reprise de la
croissance depuis 2010 n’a pas conduit à une inversion de la tendance à l’accroissement des
inégalités.
C’est qu’en effet, les agents économiques sont très inégalement dotés en capital économique et en
capital humain et sont de ce fait inégalement capables de saisir les opportunités qui sont offertes par
l’innovation et la mondialisation. Il appartient donc à l’État de prélever une partie des gains des
gagnants afin d’indemniser les perdants. Mais, plus fondamentalement, il appartient aux États
d’œuvrer en faveur de ce que le FMI appelle une croissance inclusive, c’est-à-dire une croissance qui
bénéficie à tous, en particulier les plus défavorisés.

Cela est nécessaire à la fois pour favoriser la croissance elle-même, qui risque d’être remise en
question du fait d’inégalités excessives. Mais aussi en raison du fait que, d’autres études du FMI et de
la Banque mondiale l’ont démontré, plus une société est égalitaire, plus il est possible de mettre en
place les dispositifs qui permettent de lutter contre le réchauffement climatique, de s’y adapter et
d’assurer une transition écologique du système économique. Ce changement radical de modèle
économique suppose des sociétés solidaires (y compris au plan mondial) et donc des sociétés moins
inégalitaires.

6
A. Beitone, L. Lorrain, C. Rodrigues, La dissertation de science économique © Armand Colin, 2016

Bibliographie

BEITONE A. (sous la dir.), Économie, sociologie histoire du monde contemporain, Armand Colin, 2016.

 Chapitre 5, pp. 221 et suivantes.

 Chapitre 12, pp. 643 et suivantes.

BEITONE A., CAZORLA A., HEMDANE E., Dictionnaire de science économique, Armand Colin, 2016.

 Article thématique « Croissance économique » pp. 148 et suivantes.

 Article thématique « Revenus », pp. 545 et suivantes.

ATKINSON A. (2017), Inégalités, Seuil, Coll. Points (format de poche).

BOURGUIGNON F. (2012), La mondialisation de l’inégalité, Seuil, Coll. République des idées.

DEATON A. (2016), La grande évasion, PUF.

NAVARRO M. (2016), Les inégalités de revenus, Armand Colin, coll. « Cursus ».

PIKETTY Th. (2014), Économie des inégalités, La Découverte, coll. « Repères » (7e édition).

STIGLITZ J. (2017), La Grande Fracture. Les sociétés inégalitaires et ce que nous pouvons faire pour les
changer, Babel (format de poche).

STIGLITZ J. (2014), Le prix de l’inégalité, Les liens qui libèrent (format de poche éditions Babel).

Sitographie

 Un texte de Philippe Aghion sur croissance, innovation, inégalités


https://www.telos-eu.com/fr/peut-on-reconcilier-croissance-par-linnovation-et-.html

 Une synthèse de l’OCDE sur inégalités et croissance (2014)


https://www.oecd.org/fr/els/soc/Focus-Inegalites-et-croissance-2014.pdf

 Un texte publié par le FMI : robots, croissance et inégalités


https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2016/09/pdf/berg.pdf

 Les recherches du FMI sur les inégalités


http://www.imf.org/external/french/np/blog/2017/022217f.htm

 Inégalités croissance pauvreté. Rapport sur le développement en Afrique


https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/ADR15_cha
pter_3-fr.pdf

 Le rapport mondial sur les inégalités 2018 (Piketty, Chancel, Saez, Zucman)
http://wir2018.wid.world/files/download/wir2018-summary-french.pdf

 Un texte de l’OCDE sur la reprise économique et l’OCDE (2016)


http://www.oecd.org/fr/social/OCDE2016-Le-point-sur-les-inegalites-de-revenu.pdf

Vous aimerez peut-être aussi