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Camille JULIEN

Note de synthèse cyber souveraineté

La notion de cybersouverainté renvoie ainsi à la capacité des Etats à agir dans l’espace numérique et
à s’y faire respecter. En effet, le développement rapide du cyber espace a demandé aux états de répondre à de
nouveaux enjeux. Et s’il est aujourd’hui perçu comme un domaine a part entière de la stratégie militaire,
c’est qu’il est caractérisé par l’intangibilité de sa structure. C’est un milieu façonné par les interconnexions
entre différents systèmes d’information et de communication.
Bien que l’expression de souveraineté numérique ait été utilisée dès 2012 lors de la Conférence
mondiale des télécommunications internationales par la Chine pour revendiquer la restauration de leurs
"droits souverains" sur la gestion du réseau, c’est l’affaire Swoden qui vient lui donner tout son sens. En
effet, suite aux révélations du jeune informaticien sur les détails de plusieurs programmes de surveillance de
masse américains et britanniques, la cyber souveraineté devient une préoccupation internationale. Cet
espionnage généralisé au profit des intérêts politiques et économiques américains conduit à une profonde
remise en cause du système de gouvernance des espaces numériques.
La notion de cyber souveraineté est désormais appréhendée de deux façons différentes. Elle peut
être vue comme un moyen d’assurer la sécurité d’un État (système de transport, données personnels), ou
alors comme un véritable moyen de censure en passant par la suppression d’information pour des intérêts
politiques notamment. C’est dans cette seconde hypothèse que le numérique pose de nombreuses
problématiques. En permettant à des acteurs transnationaux de disposer de moyens suffisamment
puissants pour corrompre les fonctions régaliennes de l’Etat, le cyberespace entraîne des conséquences
majeures pour assurer la gestion des données de milliards d’utilisateurs mais également le maintien de
l’ordre international.

En quoi l’ère du numérique est il venu poser de nouveaux défis aux états dans la préservation de
leur souveraineté nationale ?

Il s’agira d’identifier les difficultés que le cyberespace fait peser sur les États, puis de déterminer les
moyens mis en œuvre pour s’y confronter.

I- Le numérique, facteur d’affaiblissement de la souveraineté des Etats.

A/ Un système post-westphalien, défavorable à la suprématie des Etats.

La digitalisation du monde à partir des années 2000, a entraîné de nouveaux rapports de force entre les
Etats et les multinationales qui règnent sur les réseaux numériques. Le cyberespace, conçu initialement
pour dépasser l’emprise des états, devient alors un objet de conquête pour ses derniers pour préserver leur
souveraineté. L'émergence d'une société post-wesphalienne est caractérisée par le développement des
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échanges transnationaux, des organisations internationales, ou encore de la mondialisation économique.
Ces nouveaux acteurs, et nouveaux moyens d’échanges, dépassent les états. Ce sont les GAFAM
(Google,Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) qui semblent aujourd’hui dominer le monde grâce au
Big data. En basant leur puissance sur les données numériques, ces entreprises disposent d’un empire
mondial et atteignent à eux seuls une capitalisation boursière de 4,5 billions de dollars. Leur puissance
repose en réalité sur l’acquisition de centaines de Start up et d’entreprises dans le domaine du commerce
électronique notamment, puis dans de nombreux autres domaines d’activités. Très récemment, Amazon a
développé Un «insurance store» en Grande-Bretagne et débarque ainsi dans l’assurance-habitation avec
une plateforme de comparaison en ligne des tarifs. Cette initiative ne doit rien au hasard, les comparateurs
de prix étant très puissants dans le pays en auto, en habitation… Cette offre sera réservée dans un premier
temps aux clients d’Amazon, qui a déjà rallié trois partenaires (Ageas UK, Co-op et Allianz) et devrait
continuer à étoffer son offre au fil des mois. Et si cette hégémonie des GAFAM inquiète autant les États,
c’est qu’ils assument désormais des fonctions régaliennes. C’est notamment le pouvoir normalement
conféré à l’état de battre monnaie, qui est remis en cause par le développement des crypto monnaies. La
monnaie numérique ne nécessite pas de banque centrale et elle est perçue comme un moyen de lutte
contre la dévaluation des monnaies nationales ou encore la dépendance au dollar. Cependant, les
utilisateurs de crypto-monnaie ne sont pas couverts par des règles nationales de protection des
consommateurs. Ce manque de réglementation pourrait dès lors favoriser l’instabilité financière, mais
aussi la manipulation des marchés.

En plus de porter atteinte aux pouvoirs régaliens de l’Etat, le cyberespace entrave la préservation des
données personnels de ses citoyens.

B/ L’ère du numérique, ou l’apparition de nouvelles menaces dans le débat démocratique

Et si le cyberespace préoccupe autant les états, c’est non seulement à cause de l’entrave qu’il porte aux
états dans leurs capacités à assumer de façon monopolistique les pouvoirs régaliens, mais également parce
qu’il entrave la capacité autonome d’appréciation de ses utilisateurs. Il s’agit dès lors de préserver notre
liberté d’opinion et de l’information à l’heure ou le débat démocratique est gangrené par la manipulation
d’information. C’est notamment le cas lors des périodes électorales. Les élections présidentielles de 2016
aux Etats-Unis ont mis en lumière la vulnérabilité des infrastructures électroniques de votes. En effet, en
pleine campagne électorale, près de 20 000 mails et 8 000 pièces jointes issus des serveurs du Comité
national du parti démocrate (DNC) ont été piratés et publiés sur le site Wikileaks. Quelque semaines après
l’action de Donald Trump, la CIA publie un document accusant la Russie d’avoir cherché à « influencer »
l’élection présidentielle en portant atteinte à la candidate démocrate et ainsi favorisé le président
nouvellement élu. Des lors, la crainte que le scénario se répète notamment en Europe se multiplie. Au-
delà de la problématique électorale, il s’agit également de sécuriser les infrastructures indispensables au
fonctionnement du pays. La mise en œuvre des OIV a contribué a préservé les systèmes des
administrations françaises. Enfin, c’est la libre circulation des données personnelles dans le cyber espace
qui peut entraver la capacité des états a assurer leur souveraineté. En effet, l’ensemble des données
privées transmises par les utilisateurs sont alors collectées par les réseaux sociaux et dépassent le pouvoir
des états. Début septembre, Samsung a d'ailleurs révélé avoir été victime d’un piratage de sa base de
données. Les Hackers ont pu dérober des informations personnelles de leur client. Cette dépendance des
états est d’autant plus préoccupante que les data center ne sont pas tenus d’afficher le lieu de stockage des
données collectées.

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Le cyberespace a incontestablement suscité des inquiétudes pour les États notamment quant à l’usage des
données personnelles de leurs citoyens par les géants du numériques. Les nationaux n’ont donc pas tardé
a engagé des lois et regroupement pour protéger ces données.

II) La mise en œuvre de solutions

A /Les défis à l’échelle nationale

Malgré la difficultés des états à peser sur le numérique, la France tente toutefois d’endiguer certaines
actions en développant une stratégie défensive mais aussi offensive. Et cela commence d’abord par la
préservation de ses fonctions régaliennes. La création de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes
d’information (ANSSI) en 2009, a fortement contribué à la défense des systèmes d’infirmation en France.
C’est elle qui est chargée d’assurer la détection d’alertes, la réaction aux attaques informatiques,
notamment sur les réseaux de l’Etat. l’ANSSI a permis la sécurisation des systèmes d’information des
opérateurs d’importance vitale (OIV). Ces opérateurs publics, et privés, utilisent des installations jugées
indispensables pour la survie de la Nation, et sont donc tenus de mettre en place des mesures de sécurité
spécifiques afin de protéger leur Système d’Information d’Importance Vitale (SIIV). L’encadrement du
numérique par la France, passe aussi par le développement d’une plateforme d’authentification nationale,
France Connect. En effet, le privilège d’authentifier les personnes fait partie des monopoles régaliens
dont dispose initialement l'État. Mais ce privilège est aujourd’hui compromis avec la mise en place
d'identités numériques par les réseaux sociaux. France Connect représente ainsi une alternative pour
pallier la fourniture d’identité par le secteur privé.

Le pouvoir de la France pour lutter contre sa perte de souveraineté est toutefois limité. L’émergence d’une
coopération européenne dans ce domaine semble ainsi bénéfique.

B/ Les défis à l’échelle européenne

l’Europe est d’autant plus préoccupée par cet hégémonie du cyberespace qu’elle subit l’hégémonie
américaine sur ses datas. En effet “Amazon Web Services (AWS), Microsoft (Azure), Google (Drive) et
Apple (iCloud) détiennent à eux seuls plus de 70 % du marché des services d’hébergement massif de
données, stockées en général aux Etats-Unis”. Pour pallier cette dépendance, l’Europe à récemment
engagé le projet d’un « cloud souverain » européen. Le projet GAIA-X a été lancé en 2019 afin de
contribuer à la mise en œuvre d’un système de données fiable et sécurisé. Le projet peine toutefois à
avancer aujourd’hui et il est bloqué au stade de concept. De nombreuses autres initiatives ont également
été mises en place. Parmi elles, l’adoption du Cybersecurity act en 2019. Ce règlement marque une
véritable avancée pour l’autonomie européens et il poursuit un double objectif, l’adoption du mandat
permanent de l’ENISA, l’Agence européenne pour la cybersécurité, et la définition d’un cadre européen
de certification de cybersécurité, essentiel pour renforcer la sécurité du marché unique numérique
européen. La transposition de la directive NIS en France a également permis de renforcer la coopération
entre Etats membres via un groupe de coopération mais aussi par une réseau européen de CSIRT .
L'Europe est donc désormais plus vigilante face au marchandage des données des citoyens. En outre, elle
bénéficie d’un grand atout : les européens constituent le premier marché économique pour le numérique.

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