Une alerte est un signal qui prévient d’un dan dépendent, et c’est à ce niveau que se situe l’importance de la différence substantielle causes, ger imminent mais ne donne aucune informa tion sur l’étendue finale des dégâts. Une alerte entre le rapport EMD 2019 et ce que nous sa vons sur la déforestation et la dégradation fo conséquence et solutions est utile pour savoir s’il y a un feu et pour en restière – au Cameroun et audelà au travers voyer les sapeurspompiers, mais c’est seule d’autres études. Par exemple, pour les forêts ment quand le feu est éteint que nous pouvons tropicales humides africaines, une étude a en mesurer les dégâts. trouvé une valeur de déforestation d’environ Dans un cadre de gouvernance environnemen 28% supérieure aux données GFC pour la pé tale où le manque de moyens des administra riode 20012019, notamment grâce à la prise lations directement touchées par les projets tions et la taille des territoires ne permettent en compte des activités à petite échelle. n’est pas exigé des États (Feintrenie, 2014). pas un contrôle permanent et exhaustif, l’alerte Nous avons donc certainement besoin Comme pour l’ensemble de la zone tropicale, est une arme indispensable. Cependant, elle d’alertes. Mais nous avons aussi assurément les principales causes de la déforestation au Ca peut également être très dangereuse si elle de besoin d’une compréhension partagée et d’un meroun seraient liées à l’agriculture : l’agricul vient à la fois le moyen pour avertir et mesurer langage clair et univoque si – comme indiqué ture itinérante sur brûlis ainsi que l’agriculture les dégâts, ainsi que l’instrument qui guide les dans la préface au rapport EMD 2019 – nous de rente (Dkamela, 2011). D’après Mertens et décisions politiques pour la prévention et la voulons impulser une vision nouvelle sur la ges al. (2000), la crise économique de 1986 a pro gestion. tion durable des massifs forestiers. voqué une diminution des subsides alloués à la En ce qui concerne le Cameroun, les analyses production cacaoyère et caféière entrainant un scientifiques récentes indiquent les taux de dé Facteurs directs de la déforestation désintérêt des producteurs pour ces plantations forestation et/ou superficies déforestées sui et une réallocation des forces vives vers l’agri vants : Expansion de l’agriculture. D’après Hosonuma culture itinérante, provoquant de la sorte une 1. Une superficie d’environ 54,000 hectares des et al. (2012), l'expansion de l’agriculture serait déforestation plus importante. Le plan d’émer forêts primaires humides perdues en 2019 responsable des troisquarts de la déforestation gence prévoit d’augmenter les rendements et selon la méthode Global Forest Change (GFC), en Afrique répartie à parts égales entre l’agri les superficies agricoles de 30 %. Ceci passera disponible pour chaque année sur le site Global culture de subsistance pratiquée pour alimen par la promotion des grandes exploitations, l’in Forest Watch (GFW). ter le marché local et l’agriculture industrielle. citation au regroupement en coopératives agri 2. Un taux de 0,27% pour la période 20152020 Cette dernière peut être divisée en plantations coles ainsi que l’appui à l’installation des selon le Forest Resources Assessment 2020 de agroforestières sous forêt (principalement de jeunes. l’Organisation des Nations Unies pour l’alimen cacaoyers et caféiers), considérées comme une tation et l’agriculture (FAO). Considérant une cause de dégradation forestière, tandis que les superficie forestière d’environ 21 millions plantations monospécifiques consécutives à d’hectares (la même utilisée dans le rapport Ca une conversion des forêts (principalement meroun EMD 2019), le taux FAO correspond à hévéa, palmiers à huile, bananier plantain et une déforestation nette annuelle moyenne théier) sont considérées comme des facteurs d’environ 56,000 hectares. de déforestation (De Wachter, 1997). En 3. 0,27% de l’entièreté de la forêt dense hu Afrique, le développement de plantations agro mide ou 58,000 hectares en 2019, selon une industrielles a commencé sous la colonisation. étude encore plus récente. Ces surfaces défo Lors des indépendances, ces grandes surfaces restées incluent 39,000 hectares (0.18%) de dé d’hévéa, de coton ou de canne à sucre ont été forestation directe et 19,000 hectares de le plus souvent nationalisées avant d’être en déforestation survenue après dégradation des partie privatisées dans les années 1980 à 1990 forêts. (Megevand et al., 2013). Les instabilités poli Ces trois études présentent des superficies de tiques et commerciales ainsi que le manque déforestation comparables mais 16 fois plus im d’infrastructures ont ensuite limité les investis portants que ceux présentés dans le rapport sements étrangers engendrant un abandon EMD 2019. partiel de ces grandes plantations permettant la C’est une différence plus que substantielle et recolonisation forestière. Les investissements qui n’est pas unique au Cameroun. Les auteurs ont repris dans les années 2000 grâce à une de la méthode GLAD indiquent dans un article certaine stabilisation politique et au développe qu’en République du Congo, ils ne détectent ment des axes routiers et des ports (Megevand que 21% de la perte de couvert arboré identi et al., 2013). fiée par la méthode GFC. Dans le bassin du Congo, les investisseurs sont Cette large différence doit nous faire réfléchir, de nos jours issus des anciennes puissances co surtout que les chiffres de bases sont tous pré loniales européennes et de multinationales sentés comme « taux de déforestation » ser asiatiques (Feintrenie, 2014). Au total, plus d’1 vant pour d’éventuelles décisions politiques 500 000 ha de terres agroindustrielles auraient comme indiqué dans le rapport EMD 2019. été concédées dans le bassin du Congo. Des procédures nationales ont été mises en place Pour un langage commun pour limiter le risque d’accaparement des La technologie s’améliore chaque jour, surtout terres et assurer le respect de normes environ en ce qui concerne notre capacité à détecter et nementales et sociales, comme l’exigence à mesurer la déforestation et la dégradation fo d’études d’impact environnemental ou d’en restière sur de petites superficies, comme c’est quêtes publiques de vacance des terres avant souvent le cas pour l’agriculture itinérante et l’allocation des terres. Néanmoins, l’impact so l’exploitation sélective des ressources fores cial est peu pris en compte dans ces procédures tières. obligatoires, et en particulier l’accord des popu C’est dans ce contexte que se joue le futur des forêts tropicales et celui de populations qui en