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LA FORET IVOIRIENNE

D’un couvert forestier de 16 millions d’hectares, aux heures de son indépendance (1960), pour
une superficie de 322 462 km², la Côte-d’Ivoire ne compte plus aujourd’hui que 3 millions
d’hectares. Cette consommation voire consumation accélérée de la forêt ivoirienne se justifie
par d’énormes convoitises. Aussi bien de la part de l’Etat que des opérateurs privés, sans
omettre les populations rurales, nous assistons à une véritable conquête forestière.

Les différentes essences et la pression exercées sur elles

L’iroko, le makoré, le bété, le samba, le tiama et l’acajou sont autant de variétés d’essences
naturelles pour lesquelles l’Etat ivoirien a initié des mesures de déclassement de forêts. Il est
rapporté que, chaque année, jusqu’à 500 000 hectares appartenant au domaine de l’Etat, ont été
exploités sous agrément, au début des années 80. L’exportation de variétés prisées sur le marché
international a hissé le pays au rang des principaux exportateurs d’acajou dans les années 90.
Les événements de fin 2002 marquent l’heure de gloire de l’exploitation frauduleuse de la forêt.
Suite à la rébellion armée avec, à la clé, la scission du pays, l’administration chargée de la
gestion et la surveillance de la forêt ivoirienne avait dû quitter les zones occupées. Une
surexploitation forestière s’est alors effectuée dans les zones restées sans surveillance. Ainsi
113 forêts classées, 3 parcs nationaux et 2 réserves ont été les champs d’intense exploitation
d’essences naturelles.
L’absence de surveillance a également favorisé le défrichement agricole et le braconnage dans
les aires protégées. Le cas le plus édifiant est celui du parc national de la Marahoué (au centre-
ouest du pays) où les 101 000 hectares de forêt ont été quasiment mis en valeur par les paysans
avec une expansion de l’agriculture sur brûlis. A ces activités illicites des populations rurales
s’ajoute celle des producteurs traditionnels de charbon de bois qui menacent dangereusement la
forêt ivoirienne, par leurs importantes extractions de combustibles ligneux.
Cette déforestation brutale a conduit à une avancée significative de la savane avec une chute des
précipitations annuelles. Ce qui ne laisse pas pour autant les autorités sans réaction.

La lutte contre la déforestation encore insuffisante

Le trafic illicite d’essences naturelles, jusque là assez timide, a le vent en poupe


aujourd’hui. L’Etat a récemment entrepris une véritable traque aux trafiquants de bois.
Aussi bien au port de San Pedro que dans les zones industrielles de Koumassi et
Yopougon (communes d’Abidjan), ce sont des quantités importantes de bois,
frauduleusement sortis des forêts, qui ont pu être saisies. Ces traques ont suscité un
scandale au sein du ministère de tutelle, du fait de responsables qui auraient été cités dans
le trafic du bois de Vène.
L’Etat de Côte-d’Ivoire, a initié des mesures de gestion et de contrôle des forêts classées.
Ces mesures, déjà peu efficaces, se sont évanouies avec le départ de l’Administration des
zones forestières sous contrôle des forces non-gouvernementales d’alors. Les campagnes
nationales de reboisement se sont elles aussi vite essoufflées, tant les aires déboisées
restent supérieures aux possibilités de régénération de la forêt naturelle. Les campagnes de
sensibilisations contre les feux de brousses demeurent également moins pertinentes. On
assiste à un recours persistant de la méthode de l’agriculture sur brûlis et du braconnage
avec le moyen du feu.
Un plan national de recouvrement des taxes forestières a été mis en œuvre par
l’Administration des eaux et forêts.
Aujourd’hui, face aux réelles perturbations des planifications ou engagements pris dans le
cadre du Plan directeur forestier (1988 – 2015) définissant les actions pour une

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exploitation rationnelle et durable des forêts, l’Etat ivoirien devrait songer à un Plan
d’urgence.

Les impacts de la déforestation

 Déplacement de la boucle du cacao, Augmentation du taux de pauvreté,


Migrations…..)
 EXTRAITS DERNIER RAPPORT BANQUE MONDIALE sur la situation
économique en Côte d’Ivoire
 « La bonne performance de l’économie ivoirienne, qui affichait un taux
de 8 % en 2017, est essentiellement due au secteur agricole qui a
bénéficié de conditions climatiques avantageuses.
 Comme la croissance économique de la Côte d’Ivoire repose en partie sur
l’utilisation de son stock de ressources naturelles, les auteurs du rapport
consacrent un chapitre à l’impact du changement climatique sur
l’économie. Ils dressent un constat alarmant : ce stock de ressources
aurait diminué de 26 % entre 1990 et 2014. Plusieurs phénomènes
visibles confirment cette dégradation, comme la déforestation,
l’épuisement des réserves d’eau et l’érosion côtière. Selon le Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le
changement climatique pourrait induire une baisse du PIB de l’ensemble
de l’Afrique de l’ordre de 2 à 4 % d’ici 2040 et entre 10 à 25 % d’ici
2100. Pour la Côte d’Ivoire, cela correspondrait à une perte de l’ordre de
380 à 770 milliards de francs CFA en 2040.
 « Ce rapport lance un cri d’alarme afin de susciter une prise de
conscience rapide et collective », souligne Pierre Laporte, directeur des
opérations de la Banque mondiale pour la Côte d’Ivoire . « La lutte
contre le changement climatique va requérir des décisions immédiates et
doit devenir une priorité pour que le pays maintienne un rythme de
croissance accéléré et soutenable dans la durée . »
 La production de cacao sera impactée par le changement climatique.
 L’agriculture, qui est un des moteurs de l’économie ivoirienne,
dépend fortement des aléas climatiques. Aujourd’hui, la production
de cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur et
exportateur mondial, représente environ un tiers des recettes
d’exportations et plus de 10 % des recettes fiscales. Cette activité
procure des revenus directs et indirects à près de 5 millions de
personnes. Or, la filière subira également les effets du changement
climatique, notamment de l’augmentation de la température qui
risque de rendre les terres plus arides et moins fertiles. Cela
contraindra de nombreux exploitants à déplacer leurs plantations
vers des zones à plus haute altitude où les températures seront plus
favorables à la culture du cacao.

La perte de biodiversité

Les forêts hébergent plus de 80 pour cent de la biodiversité terrestre et représentent


l’un des derniers refuges pour de très nombreuses espèces animales et végétales. C’est
pourquoi, la déforestation est une catastrophe aussi bien pour l’Homme que pour les

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autres espèces puisque on estime que 27 000 espèces animales et végétales
disparaissent chaque année à cause d’elle. Cette perte de biodiversité , qui peut être
irréversible, coupe l’humanité de services et ressources inestimables. En effet, les
systèmes alimentaires sont fortement dépendants de la biodiversité et une proportion
considérable de médicaments est directement ou indirectement d’origine biologique.

Ainsi, les forêts tropicales fournissent une panoplie de plantes médicinales servant
aux soins de santé. 80% des habitants des pays en développement dépendent des
médicaments traditionnels: 50% d’entre eux proviennent de la forêt. Et plus d’un quart
des médicaments modernes sont tirés des plantes forestières tropicales !

La résurgence des maladies

Contrairement aux idées reçues, les forêts réduisent les maladies infectieuses . Les
forêts tropicales non perturbées peuvent exercer un effet modérateur sur les maladies
provoquées par les insectes et les animaux. Autrement dit, « le déboisement des forêts
primaires reste l’une des causes principales de l’apparition de nouveaux agents
infectieux et de leur circulation épidémique dans les populations humaines », souligne
l’IRD .

40 % de la population mondiale vit dans des régions infestées par le paludisme. Or,
dans les zones fortement déboisées, le risque de contracter cette maladie est 300 fois
plus élevé que dans les zones de forêt intacte !

72 % des maladies infectieuses émergentes transmises par les animaux à l’homme sont
propagés par des animaux sauvages par rapport aux animaux domestiques. Les zones
déboisées augmentent le contact entre la faune sauvage et l’homme et influencent la
transmission d’agents pathogènes.

La disparition des coraux

Bien que le lien de cause à effet ne soit pas évident de prime abord, la disparition
fulgurante des forêts aboutit à une augmentation du transport des sédiments dans les
rivières qui finissent par rejoindre les mers et océans. Cela a un impact sur la turbidité
de l’eau et diminue significativement la pénétration de la lumière, affectant
directement la photosynthèse des algues, ce qui a une répercussion directe sur la
dénutrition des coraux.

La diminution de la ressource en eau

Les forêts aident à reconstituer les nappes phréatiques si cruciales pour l’eau potable.
Ainsi,,les trois quarts de l’eau accessible proviennent de bassins versants
forestiers. Ainsi, les deux tiers des grandes villes des pays en développement
dépendent des forêts pour leur approvisionnement en eau potable. Les forêts, en
filtrant et en retenant l’eau, protègent les bassins versants qui fournissent de l’eau
douce purifiée aux rivières.
La déforestation entraîne l’érosion du sol et l’envasement des cours d’eau, ce qui
réduit l’accès à l’eau potable ; à la fois en qualité et en quantité.

Le changement climatique et ses effets

La disparition massive de la forêt tropicale humide au profit des prairies et des


cultures diminue d’autant l’évapotranspiration (évaporation + transpiration des

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végétaux) et donc l’humidité de l’air et le climat régional. C’est ce qu’a montré
une étude de l’université de Leeds (Grande-Bretagne) menée par Dominick Spracklen.

La déforestation participe fortement aux émissions de gaz à effet de serre, responsable


du réchauffement climatique en cours. Ainsi, 17 % des émissions mondiales
de dioxyde de carbone , résultent de la déforestation et des changements apportés à
l’occupation des sols : c’est le troisième poste émetteur après l’approvisionnement
énergétique et l’industrie. 70 % de ces émissions proviennent du Brésil et 80 % de
l’Indonésie.

« 80 % de notre couvert forestier a été détruit. Nous devons prendre conscience que
la forêt est une richesse, un patrimoine à léguer aux générations futures », a déclaré
le ministre ivoirien des eaux et forêts, Alain Richard Donwahi. « Nous voulons sauver
la forêt ivoirienne, nous voulons regagner le terrain perdu, replanter, reboiser,
mobiliser nos concitoyens et nos partenaires ». « Notre lutte pour la sauvegarde de
nos forêts s’inscrit dans la lutte globale contre le réchauffement climatique.
L’Afrique sera l’un des enjeux majeurs de la transition écologique », a-t-il souligné.

L’aggravation des catastrophes naturelles

Les forêts sont indispensables à la structure et la qualité des sols. En effet, le couvert
forestier protège de la dégradation des terres et la désertification en stabilisant les
sols, en réduisant l’érosion hydrique et éolienne et en maintenant le cycle des
nutriments dans les sols.

Un sol dénudé n’apporte plus la protection nécessaire contre les pluies violentes qui
vont donc favoriser les glissements de terrain et les inondations dans les vallées.
Ce phénomène s’illustre particulièrement à Haïti où plus de 90 % des arbres y ont été
abattus, essentiellement pour faire du charbon de bois. Sans racines ni feuillages, il
n’y a rien pour retenir l’eau dans les localités situées au niveau de la mer, qui
subbisent alors des coulées de boue meurtrières.

Autre exemple : lors de la mousson en Indonésie, d’octobre à avril, les glissements de


terrain et inondations sont alors fréquents et parfois très meurtriers. Normalement, la
végétation de l’île permettait en partie de contenir ces forts ruissellements, évitant ou
diminuant ainsi les inondations et les coulées de boues. Cependant, l’Indonésie est
victime d’une déforestation massive et donc d’une érosion de ses sols qui ne
parviennent plus à jouer efficacement leur rôle absorbant.

Les forêts de mangroves jouent un rôle de barrière contre les tsunamis, les cyclones et
les ouragans.

La nouvelle politique forestière ivoirienne destinée à recouvrer « 6 millions


d’hectares en 2030 et 8 millions d’hectares en 2045, englobe à la fois la
réhabilitation, le reboisement et l’agroforesterie pour utiliser moins de terre », selon
lui.

L’environnement sociopolitique présentant une sérénité progressive, les questions


environnementales doivent occuper une place prioritaire dans les décisions politique et
stratégique. « Protéger l’environnement coûte cher. Ne rien faire coûtera beaucoup plus
cher » avertit l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan.

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