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TIERS-MONDE ET SOUS-DEVELOPPEMENT

Introduction

Même si on emploie indifféremment ces deux termes, Tiers Monde et sous-développement ne


recouvrent pas toujours la même réalité. En effet, si tous les pays sous-développés
appartiennent au Tiers Monde, la réciproque est fausse : tous les pays du Tiers Monde ne sont
pas sous-développés. Il faut donc commencer par éclairer ces deux notions.

Le terme de sous-développement employé pour la première fois en 1947 par le Président des
Etats-Unis, Harry Truman, revêt un caractère très économique. Le terme de Tiers Monde qui
apparaît d'abord sous la plume du démographe français Alfred Sauvy dans les années 1950
par analogie à la notion de Tiers Etat, se développe vraiment avec la Conférence de Bandoeng
en 1955, conférence qui donne à ce terme un caractère très politique. Une fois cette précision
apportée, la notion de sous-développement reste particulièrement ambiguë car il est très
difficile de préciser à partir de quels critères ou de quel type de situation un pays entre dans le
catégorie des nations sous-développées. Nous tenterons donc de délimiter un peu plus
finement la notion de sous-développement avant de considérer les voies de développement de
ces pays.

1 Tentative pour cerner la notion de sous-développement

Le terme de sous-développement n'est plus vraiment employé en tant que tel pour désigner les
pays concernés. La mode du politiquement correct lui préfère en effet pays en voie de
développement (PVD) ou encore pays en développement. Ces termes désignent pourtant la
même réalité et seront ici employés de manière indifférente.

1.1 Tentative de définition

Il est plus facile d'identifier ce que le sous-développement n'est pas, ou ce qui ne représente
pas ses caractéristiques majeures que de cerner ce qui le constitue. Tout d'abord, le sous-
développement n'est pas synonyme de pauvreté ; en effet, le terme recouvre des situations
socio-économiques très diverses, certains PVD étant très riches (les pays de l'OPEP
notamment) et d'autres très pauvres (ce sont les PMA, Pays les Moins Avancés, situés en
majorité sur le continent africain). Le taux de croissance ne définit pas non plus les PVD tant
il est vrai que certains PVD disposent d'un taux de croissance plus élevé que certains pays
riches sans pour autant les rattraper.

Autre critère non pertinent : celui du PIB qui ne prend en compte que la richesse créée par un
pays, ne rend pas compte des inégalités entre les habitants et ne fait pas apparaître
l'autoconsommation. C'est pourquoi on préfère au PIB l'IDH, Indicateur de Développement
Humain qui, en plus du PIB par habitant intègre des données comme l'espérance de vie ou le
taux d'alphabétisation et permet donc de mesurer de façon plus précise le développement, soit
l'amélioration de la qualité de vie des habitants.

1.2 Les grandes caractéristiques du sous-développement


Des caractéristiques majeures se dégagent pourtant quand on considère les PVD et on peut
ainsi dégager plusieurs critères de sous-développement. Cependant, il faut noter que tous les
PVD ne répondent pas forcément à ces critères.

Critères démographiques

Ces PVD sont pour la plupart en phase de transition démographique, c'est-à-dire qu'ils
connaissent à la fois une forte natalité (> 20 pour mille) et une mortalité faible (< 12 pour
mille, liée à la jeunesse de la population), malgré une forte mortalité infantile. Ce déséquilibre
se traduit par un accroissement fort de la population, souvent mal maîtrisé par les autorités
(exception de la Chine).

Or, cet accroissement de la population dépasse largement les capacités des économies locales.
Cela entraîne donc des niveaux de vie très bas pour la population (en Inde, 1/3 de la
population vit en dessous du seuil de pauvreté absolue). L'ampleur du chômage, l'importance
du sous-emploi, la généralisation du travail des enfants en découlent. La malnutrition et la
sous-nutrition sont les conséquences directes de cette pauvreté.

Qui plus est, dans ces pays, souvent la moitié de la population a moins de 20 ans (au Brésil,
plus de 40% de la population a moins de 15 ans). Cela pose des difficultés majeures en termes
d'éducation. L'analphabétisme touche les populations de façon massive (au Bangladesh, le
taux d'analphabétisme dépasse les 60%).

Critères sociaux

Les PVD se caractérisent également par l'ampleur des inégalités sociales. Les riches y sont
plus riches que dans les PDEM et les pauvres plus pauvres. Les genres de vie de ces deux
catégories sont incomparables : d'un côté, une minorité privilégiée dotée de fortunes et de
pouvoirs démesurés ; de l'autre, des masses misérables qui vivent encore dans des structures
économiques traditionnelles.

Ces déséquilibres sont particulièrement visibles dans les villes : les bidonvilles qui cernent de
nombreuses villes du Tiers Monde témoignent de la pauvreté des populations qui, poussées
par la misère hors des campagnes, espèrent trouver mieux à la ville. Ainsi, la moitié de la
population du Caire vit dans ces formes d'habitats spontanés.

Critères économiques

La structure des secteurs d'activité est caractéristique : d'abord, un secteur primaire très
développé qui domine l'économie et qui emploie un très grand nombre d'agriculteurs à très
faible productivité (agriculture de subsistance). Le secteur secondaire est atrophié : exception
faite des NPI, le manque d'établissements industriels et l'éventail très étroit des industries
témoignent de la faiblesse du secteur secondaire. Le tertiaire regroupe le reste de la
population, c'est-à-dire qu'il comprend même les personnes qui ne bénéficient d'aucune
qualification et ne survivent que grâce à des activités journalières, c'est pourquoi on parle
dans leur cas de tertiaire parasitaire.

La subordination économique

Elle touche tout particulièrement les PVD qui sont économiquement dépendants de PDEM ou
de puissantes firmes multinationales. Cette dépendance est liée au caractère impératif de
l'échange pour ces pays (ils ont un impératif d'exportation de leurs produits agricoles (ou
industriels quand ils en fabriquent), pour trouver les moyens nécessaires pour moderniser leur
économie) ; elle est liée également à la présence indispensable de firmes multinationales qui,
par leur départ, entraînent la perte de milliers d'emplois ; cette dépendance est enfin liée au
poids de la dette dans ces pays (par exemple, au Zaïre, le service de la dette absorbe près de
80% du PNB).

2 Des voies de développement différentes

Pour sortir de ce sous-développement, les PVD ont adopté des stratégies différentes qui se
sont soldées par des résultats eux aussi hétérogènes. On peut effectuer plusieurs
catégorisations de ces stratégies : la première différencie ces stratégies selon le secteur qui
devait être le centre d'impulsion du développement ; la seconde les différencie selon les
modèles de développement suivis.

2.1 Typologie selon les centres d'impulsion

Les stratégies agricoles

L'agriculture de plantation ou d'exportation, héritage de la colonisation, a été développée par


certains PVD qui pensaient pouvoir grâce aux flux financiers générés par les exportations de
ces produits vers les pays développés se moderniser. Cependant, le nombre de PVD
produisant ces produits dits tropicaux a rapidement créé une saturation des marchés, ce qui a
permis aux pays acheteurs d'imposer leurs conditions de marché et a entraîné rapidement la
détérioration des termes de l'échange pour les PVD.

Ce type de production agricole rapporte donc de moins en moins mais elle est nécessaire. Si
elle ne permet pas contrairement aux attentes initiales des PVD l'équipement de ces pays en
infrastructures industrielles, elle permet néanmoins l'achat de produits agricoles moins chers
que ces produits tropicaux et nécessaires aux populations.

Les stratégies industrielles

La logique de déploiement de telles stratégies est la suivante : en premier lieu, on diminue les
importations en provenance des PDEM pour diminuer le déficit de la balance commerciale et
stimuler les industries locales qui ne souffrent alors plus d'une concurrence avec laquelle elles
peuvent difficilement rivaliser. On augmente le potentiel industriel en important des machines
outils et on essaie ensuite de développer les exportations vers les PDEM.

Ce type de stratégie a été payant pour les quatre Dragons et pour le Brésil dans un premier
temps. Mais la Crise économique mondiale a amené un certain nombre de multinationales à
fermer leurs unités de production dès lors qu'elles ne leur paraissaient plus assez rentables. La
détérioration des termes de l'échange s'est donc amorcée de la même façon que dans le cas des
stratégies agricoles puisque les firmes multinationales ont pu agiter la menace de départ de
ces pays pour faire pression sur les PVD pour bénéficier de coûts de production toujours plus
bas. Dans un cas comme dans l'autre, les tentatives de développement se sont heurtées au
déséquilibre du rapport de forces entre PVD et PDEM.

2.2 Typologie selon les modèles idéologiques


Le modèle capitaliste

Les pays qui ont suivi ce modèle ont joué la carte de l'économie libérale, laissant venir à eux
les capitaux étrangers et les firmes internationales. Ils se sont enfermés dans un nouveau type
de domination qui, si elle n'est plus coloniale demeure très forte au niveau économique. Ce
type de modèle rejoint d'ailleurs les stratégies agricoles puisque ces pays ont fait reposer le
décollage de leur économie sur les recettes dégagées à l'exportation, notamment celle des
produits agricoles.

Le modèle socialiste

Cette voie de développement passe par la remise en cause des rapports Nord-Sud et le rejet de
la division internationale du travail. Ces pays ont choisi de ne se reposer que sur leurs propres
forces pour se développer. L'adoption de ce modèle a souvent été le fait de régimes forts voire
dictatoriaux. En effet, l'Etat joue un rôle essentiel dans ce type de développement. Ce type de
modèle rejoint souvent les stratégies industrielles puisqu'il attribue le plus souvent un
caractère prioritaire au développement de l'industrie lourde.

Les alliances régionales

Peu de pays ont su trouver une voie originale en dehors de l'alignement politique ou
économique sur les deux Supergrands, malgré leur aspiration globale à l'institution d'un
Nouvel Ordre Economique International (NOEI). On peut néanmoins souligner les alliances
régionales intéressantes qui se sont nouées entre les pays pour sortir de cette logique
d'alignement et d'enfermement dans une logique de domination. Ainsi, le Mercosur, marché
commun d'Amérique du sud entré en vigueur en 1995, témoigne de la volonté des PVD de
s'affranchir de la domination des PDEM. Ainsi, le Mercosur, alliance économique, revêt
également une importance politique : la solidarité qui se développe entre ces pays peut en
effet contribuer à limiter les ambitions politico-économiques des Etats-Unis dans cette zone
d'influence traditionnelle pour eux.

Conclusion

Cependant, ces tentatives de "troisième voie" restent timides. Les PVD restent largement
dépendants de l'aide extérieur des PDEM, qu'elle soit directe (en nature ou en espèces),
technique ou commerciale. Pourtant, il semble que le meilleur espoir de développement de ces
pays réside dans une augmentation de leur poids politique pour pouvoir bénéficier de plus de
poids dans le dialogue Nord-Sud et ainsi enrayer la détérioration des termes de l'échange dont
ils ont été les victimes.

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