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II.

Les causes du sous-développement

Le sous-développement est analysé du côté libéral comme un retard - notamment au


travers du schéma de Rostow. Les travaux de Gerschenkron sur l’expérience européenne de la
croissance au 19e siècle renforcent cette idée d’un retard qu’il est possible de rattraper.
Gerschenkron montre que plus un pays est attardé (cas de l’Italie et de la Russie) et plus il est
probable de voir son industrialisation démarrer brutalement et atteindre un rythme de croissance
élevé de la production manufacturière.

Pour les économistes libéraux, les possibilités de développement passent par une
transformation des mentalités, le recours au marché, l’insertion dans les échanges internationaux,
l’émergence d’entrepreneurs individuels et la lutte contre la faiblesse de la productivité en milieu
rural. Le modèle de Lewis élaboré en 1954 traduit bien cette préoccupation : les perspectives de
développement s’ouvrent par un transfert de main-d’œuvre en provenance de l’agriculture, secteur
dans lequel la productivité marginale des travailleurs est considérée comme nulle.

1. L’analyse libérale : le sous-développement comme retard de


développement

a. Le schéma de Rostow

En 1960, l’historien américain Rostow, dans Les étapes de la croissance économique. Un


manifeste non communiste, élabore un schéma de développement des nations. Rostow reprend
cette idée de phases historiques qui s’enchaînent les unes par rapport aux autres. Il décrit le
développement comme l’articulation de 5 étapes par lesquelles devraient passer ou seraient
passées toutes les sociétés humaines : sociétés traditionnelles / conditions préalables au
démarrage / décollage (take off) / progrès vers la maturité / consommation de masse. Pour
Rostow le développement est une suite de phases qui s’enchaînent les unes par rapport
aux autres. C’est une course d’obstacles : la disparition de certaines difficultés ouvre la possibilité
d’accéder à une phase supérieure.

b. La pertinence du modèle de Rostow est limitée

Le schéma de Rostow est une justification de l’avance prise par les pays riches, un hymne à la
gloire de la croissance économique et un manifeste non communiste. Rostow veut lutter contre les
vues pessimistes de Marx et prôner le capitalisme.

L’absence du facteur démographique et des transferts de technologie

Voilà, rien à dire dans cette partie à part qu’il ne parle pas de ces facteurs et que c’est très triste
pour la légitimité de son schéma.

Le développement n’est pas expliqué

Toutes les sociétés non développées sont classées par Rostow dans le même groupe.
C’est une méthode statique-comparative ; le passage des formes traditionnelles de production
aux formes modernes n’est pas explicité. La phase de transition est présentée de manière
simplifiée. Rien n’est dit sur les différences entre : développement autonome, développement
provoqué par un choc extérieur, ou encore développement par imitation.

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Le développement peut être régressif

Le développement semble être automatique pour Rostow. La régression ou la stagnation


sont observés (cas de l’Argentine).

Les PED d’aujourd’hui ne correspondent pas à ceux d’hier

La situation actuelle des PED semble enfin différente sur plusieurs points du passé
préindustriel des pays aujourd’hui développés : ils connaissent une croissance démographique
plus brutale que les pays européens au 19e siècle, ils sont dans l’impossibilité d’assimiler des
techniques modernes devenues trop complexes ; le contrôle des marchés mondiaux de la part
des pays développés impose aux PED la reconquête de leurs marchés domestiques. D’autre part,
les tiers-mondistes soulignent que les pays européens n’ont pas connu de phénomène de
domination coloniale, que leur économie n’a pas été désarticulée par une dichotomie entre
secteur moderne et secteur traditionnel.

L’effet Gerschenkron, ou le sentier spécifique de croissance des PED

Plus un pays est loin de la frontière technologique, plus le rattrapage est rapide du fait de
l’imitation. Gerschenkron (1904-1988) souligne que le retard de développement est à l’origine
d’une possibilité de « raccourci technologique » pour les pays en retard : ils disposent d’un
réservoir technologique pouvant permettre un développement beaucoup plus rapide que
les pays dont le développement économique est passé, entre autre, par l’innovation.
Gerschenkron soutient que le développement ne suit pas les étapes décrites par Rostow : les
pays en retard mettent en œuvre des stratégies spécifiques leur permettant de rattraper, voire de
dépasser les pays en avance. Le rôle de l’Etat est souvent prépondérant dans les pays à
décollage tardif, où il se substitue souvent aux initiatives privées défaillantes (exemple du
Japon).

cmbw
2. Le sous développement comme phénomène auto-entretenu

a. La théorie de Nurske

Les 3 cercles vicieux du sous-développement

Ragnar Nurske (1907-1959) développe au cours des années 1950 l’analyse des cercles
vicieux du sous-développement. Il met en avant trois cercles vicieux, dont le point de départ est
à chaque fois la pauvreté, la faiblesse des revenus.

Faiblesse des revenus → faiblesse de l’épargne (voire épargne négative) → faiblesse de


l’investissement → faiblesse des gains de productivité → hausse des revenus modérées ou nulles.
Faiblesse des revenus → faiblesse de la consommation → faible incitation à investir →
faiblesse des gains de productivité → hausse des revenus modérées ou nulles.
Faiblesse des revenus → insuffisance de l’alimentation → faiblesse des gains de
productivité → hausse des revenus modérées ou nulles.

Comment briser ces cercles ?

Il voit une possibilité de briser les cercles vicieux dans l’aide internationale, l’appel aux
capitaux étrangers et le choix d’une stratégie de croissance équilibrée. En investissant dans les
infrastructures économiques et sociales (rôle de l’État), puis, en développant les investissements
productifs, le big push selon l’expression de Paul Rosenstein-Rodan, il sera possible
d’enclencher le processus de développement.

b. Le modèle de Lewis

Certains auteurs, notamment tiers-mondistes, perçoivent le dualisme comme le fruit de la


domination, comme un facteur perpétuant le sous développement. D’autres ne le perçoivent pas
comme frein au développement. La thèse d’Arthur Lewis (prix Nobel d’économie en 1979) mérite
alors d’être exposée.
C’est un modèle très théorique, assez complexe… Mais une fois le phénomène d’augmentation
des salaires dans les deux secteurs compris, tout coule de source ! I promise : )

Les hypothèses

Le modèle de Lewis, élaboré en 1954, repose sur l’hypothèse d’une offre de main
d’œuvre illimitée dans le secteur traditionnel et part du schéma classique d’accumulation selon
lequel le profit est à l’origine de l’épargne qui est à l’origine de l’investissement. L’épargne
provient dans le modèle des profits industriels : l’épargne des travailleurs est trop faible du fait
de leurs bas revenus et celle des classes moyennes est utilisée surtout au maintien de leur
standing.

cmbw
La réduction du secteur traditionnel au profit du secteur moderne

Le modèle décrit une économie duale constituée d’un secteur capitaliste et d’un secteur
traditionnel. Pour Lewis, le développement dans une économie duale consiste en la
réduction du secteur traditionnel au profit du secteur moderne. Dans le secteur traditionnel, il
existe une réserve de main d’œuvre abondante et peu qualifiée. En effet, le secteur traditionnel
est marqué par une surpopulation conduisant à une productivité marginale du travail égale
à zéro. De nombreux travailleurs y sont improductifs, et il existe donc un sous-emploi. Le salaire
est faible et correspond au montant de la production réalisée rapportée au nombre de travailleurs.
Le secteur capitaliste va donc disposer d’une offre illimitée de main d’œuvre en provenance
du secteur traditionnel, à un niveau de salaire faible (la courbe d’offre de travail est verticale).

L’augmentation des salaires dans les deux secteurs

En offrant un salaire plus élevé que dans le secteur traditionnel, mais toujours faible, le
secteur capitaliste va pouvoir attirer des travailleurs. Lewis estime que cette prime est d’environ
30% du salaire de subsistance. L’embauche sera maintenue tant que la productivité marginale
du travail dépasse le salaire. Or, les profits réalisés étant réinvestis, la productivité
marginale s’accroit et induit de nouvelles embauches, jusqu’à ce que le salaire égalise de
nouveau la productivité marginale etc. Le salaire est stable durant la phase de transfert en
raison de l’excédent de l’offre de travail comparativement à la demande de travail. Le phénomène
dure jusqu’à ce que toute la main d’œuvre excédentaire du secteur traditionnel soit
absorbée par le secteur moderne. Le tournant se produit au moment où la main d’œuvre
s’épuise dans le secteur traditionnel : les salaires augmentent alors dans les deux secteurs.

Lewis préconise l’intervention de l’État

Une politique d’expansion monétaire facilite le financement de l’investissement, les


profits pouvant ne pas suffire. Lewis préconise également de protéger les entreprises
nationales grâce à un protectionnisme éducateur et de limiter l’exportation des capitaux par des
mesures de contrôle des changes afin que l’épargne soit orientée vers l’économie interne. On
trouve donc dans le modèle de Lewis, une certaine place attribuée à l’Etat, qui a un rôle à jouer
aux côtés du marché. Toutefois, son rôle n’est pas déterminant.

Les trois critiques du modèle

Certains auteurs ont mis en doute la possibilité d’un transfert massif de main
d’œuvre vers le secteur moderne sans que cela entraine une diminution de la production
agricole. En effet, le modèle de Lewis repose sur l’hypothèse d’une main d’œuvre improductive
dans l’agriculture, ce que contredit Colin Clark. Il explique non sans humour que « après tout, si
vous devez cultiver un pays de la taille de la Chine avec des houes, le travail de quelques 600
millions de personnes ne serait pas de trop ». Si la production agricole se réduit, comment nourrir
le secteur moderne sans l’hypothèse d’augmentation de la productivité agricole ? D’autre part, la
main-d’œuvre du secteur moderne est en moyenne plus qualifiée que celle du secteur
traditionnel : la demande de travail émanant du secteur moderne peut ne pas être satisfaite.
Enfin, le niveau modeste des salaires, même s’il s’accroît, peut limiter les débouchés.

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c. Le modèle de la croissance équilibrée et du ‘big push’ de Paul Narcyz Rosenstein-Rodan

Son nom est trop classe mamamia.

L’État au premier plan

Les défenseurs de la croissance équilibrée donnent un rôle majeur à l’action étatique.


Selon eux, l’insuffisance de l’initiative privée rend nécessaire une action volontariste de l’Etat
visant au développement parallèle des différents secteurs. Rosenstein-Rodan explique en effet
qu’un investissement isolé serait voué à l’échec car les débouchés pour les produits
fabriqués seraient insuffisants. Il faut donc réaliser des investissements coordonnés dans
plusieurs secteurs afin que ces secteurs se dynamisent entre eux. Le rôle de l’État ne se
limite pas à cela. La planification nationale doit jouer un rôle moteur dans le développement selon
Rosenstein-Rodan, ce qui lui a valu de nombreuses critiques de la part d’économistes libéraux.

Les infrastructures économiques et sociales au coeur du développement

L’État a un rôle à jouer dans le développement des infrastructures économiques et sociales


(IES). Ces investissements dans les IES sont une condition au développement et doivent être
réalisés antérieurement ou parallèlement aux investissements dans les activités directement
productives (ADP). Pour Rosenstein-Rodan, les IES doivent permettre de relier les marchés
entre eux, développer les échanges, rompre l’isolement de certaines régions et élargir les
débouchés des firmes. Ce développement simultané des IES et des ADP, de manière
équilibrée, devrait aussi générer des externalités positives bénéficiant à l’ensemble de
l’économie.

Les critiques du modèle

Cette analyse a fait l’objet de nombreuses critiques. Les libéraux contestent son
orientation interventionniste et autarcique. Les libéraux considère en outre qu’en optant pour
ce modèle de développement, il y a un rejet des vertus de la spécialisation : la croissance
équilibré, en privilégiant un trop grand nombre de secteur peut être à l’origine d’une perte de
rendements d’échelle. Il existe également un risque de dilution des ressources sur un trop grand
nombre de secteur. Hirschman craint de plus qu’un pays optant pour ce modèle de croissance
équilibrée manque de ressources financières pour assurer ce projet de développement
coordonné des secteurs. Il explique que si le modèle de Lewis se fonde sur l’hypothèse d’une
main d’œuvre quasi illimitée, alors le modèle de croissance équilibrée suppose des ressources
financières illimitées.

d. Le modèle de la croissance déséquilibrée de Hirschman et des pôles de croissance de


Perroux

L’investissement au coeur de l’instabilité de la croissance

Pour Hirschman et Perroux, la croissance n’est pas un phénomène régulier. Elle est le
fruit de déséquilibres successifs. Ainsi, Hirschman déclare : « notre objectif est d’éveiller plutôt
que d’éliminer les déséquilibres [...] ; si l’économie doit être maintenue en mouvement, la tâche de
la politique économique est de conserver les tensions, les disproportions et les désordres ».
Critiquant Nurske, il développe en 1958 une théorie de la croissance déséquilibrée. En lançant
des investissements directement productifs, des goulots d’étranglement (ralentissement de la
production) apparaissent et nécessitent de nouveaux investissements. F. Perroux défend dès les
années 1950 une thèse semblable en préconisant la création par l’État de pôles de croissance,
générateurs d’effets d’entraînement. Schumpeter doit être considéré comme l’inspirateur des
modèles de croissances déséquilibrée. « Le progrès avance par saccades et poussées ; l’évolution
ressemble plus à une série d’explosions qu’à une transformation douce » disait-il.
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Investir dans les secteurs aux forts effets d’entrainement

Pour Hirschman, les IES ne doivent pas nécessairement précéder ou accompagner le


développement des ADP et peuvent naître de goulots d’étranglements. En effet, le
développement d’un secteur révèle des goulots d’étranglements dans d’autres. Des
investissements de la part de l’Etat ou d’agents privés dans les autres secteurs et dans les IES
sont alors nécessaire. Plus l’effet d’entraînement du secteur initial est fort, plus les investissement
sont importants. Il faut donc concentrer les investissements initiaux sur un nombre limités
de secteurs qui auront été sélectionnés pour leurs effets d’entrainements rendu possibles
par leurs « liaisons ».

Investir dans les secteurs aux fortes liaisons

Les liaisons sont les relations qui lient les différents secteurs. Il existe des liaisons en
amont quand le développement d’une activité entraine des investissements dans les industries qui
fournissent cette activité et des liaisons en aval lorsque le développement d’une activité entraine
la création de nouvelles activités qui utilisent sa production. Hirschman précise que les
industries intermédiaires (textile...) sont celles qui développent le plus de liaisons.

Une nuance à la théorie, la croissance déséquilibrée conflictuelle

En 1984, Hirschman introduit la notion de croissance déséquilibrée conflictuelle. Dans


cette approche, les progrès du développement industriel sont plus lents car la croissance se fait au
prix de reculs successifs pour l’un des produits ou secteurs : le secteur X progresse tout
d’abord, alors qu’un secteur Y régresse, puis l’inverse se produit.

Exemple historique : le tissage et la filature

Au 19e siècle, les déséquilibres successifs entre la filature et le tissage ont entrainé
des innovations destinés à répondre aux goulots d’étranglements. L’invention de la navette
volante en 1733 par John Kay fait que la filature prend du retard sur le tissage, les tisseurs
demandent une quantité croissante de fils impossible à fournir avec la technique archaïque du
rouet. En 1765 Hargreaves élabore la spinning jenny, en 1768 la water frame de Arkwright
génère des gains de productivité biens plus importants et la mule jenny de Crompton en 1779 est
un aboutissement. Le tissage prend alors du retard sur la filature. Cartwright le comble
rapidement en adaptant la machine à vapeur de Watt au métier à tisser.

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3. L’analyse marxiste : le développement du sous-développement

a. La théorie de la dégradation des termes de l’échange

Pour un pays, les termes de l’échange sont les prix relatifs des produits exportés en regard des
prix des produits importés (indice des prix des exportations/indice des prix des importations). Une
dégradation des termes de l’échange signifie, soit que les prix des produits exportés diminuent
davantage que les prix des importations, soit qu’ils augmentent moins. Dans les deux cas, il faut
exporter davantage pour obtenir le même volume d’importation. L’évolution des termes de
l’échange des pays participant au commerce mondial dépend de leur spécialisation, c’est-à-dire de
la nature des produits échangés.

Le centre aspire la richesse de la périphérie

Jusqu’aux 1940s, l’évolution des termes de l’échange est incertaine. S’appuyant sur des
données statistiques de la Société des nations (SDN), Raúl Prebisch et Hans Singer dénoncent,
dans les 1950s, la détérioration des termes de l’échange subie par les pays du Tiers Monde.
Entre 1876 et 1938, leur dégradation est de 50%. Les prix relatifs des produits primaires
exportés par les pays pauvres ont donc diminué. Pour Prebisch, ces évolutions permettent de
comprendre « la nature, les causes et la dynamique des inégalités internationales » et d’expliquer
comment « le système de relations internationales accentue la mesure avec laquelle la richesse de
la périphérie est aspirée par le centre ».

La structure des marchés comme cause de la dégradation des termes de l’échange

Selon Prebisch, les causes principales de la dégradation des termes de l’échange sont
l’impact des gains de productivité dans les PED et dans les pays développés sur les prix expliqué
par les différences structurelles des marchés du Nord et du Sud. De fait, au Nord les marchés de
biens industriels sont plutôt oligopolistiques et le marché du travail est caractérisé par la présence
de syndicats organisés. En conséquence, les gains de productivités ne se traduisent pas par
des baisses de prix mais plutôt par une meilleure rémunération des facteurs, en particulier
le facteur travail. En revanche, au Sud les marchés de biens primaires sont fortement
concurrentiels, à tendance oligopsonistique (peu d’acheteurs) et la force de travail est moins bien
organisée. Dès lors, les gains de productivités sont essentiellement affectés à la baisse des
prix.

La faible élasticité revenu des produits primaires

L’autre argument proposé concerne la demande. Il s’agit en fait d’une application des lois
d’Engel : en même temps que le revenu augmente, la structure de la demande se modifie. Les
produits primaires sont des biens inférieurs et ont donc une élasticité revenu bien plus faible que
les produits manufacturés. En conséquence, la demande de biens manufacturés des PED
augmente plus vite que la demande de produits primaires des pays développés.

L’apparition d’une croissance appauvrissante

La théorie de Prebisch débouche sur une autre thèse, celle de Bhagwati, la thèse de la
croissance appauvrissante. Les pays spécialisés dans la production et l’exportation de produits
primaires ne bénéficient pas d’une demande mondiale très dynamique : cette demande est
souvent faiblement élastique au prix. La croissance fondée sur ces activités peut se révéler
appauvrissante : l’augmentation de la production et des exportations de produits primaires
abaisse leur cours sur le marché mondial et provoque une dégradation des termes de
l’échange. Cet effet prix négatif peut l’emporter sur l’effet positif en volume. Il s’ensuit un
appauvrissement.
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Observations empiriques

En tendance, depuis la fin des 1940s, les termes de l’échange des pays en
développement exportateurs de produits primaires non pétroliers se dégradent. Au milieu
des 1990s, leur niveau est inférieur à celui de la fin des 1950s et équivaut à celui de 1938. La
situation des pays exportateurs de pétrole est plus contrastée : après une période de
dégradation tendancielle jusqu’en 1970, leurs termes de l’échange se relèvent très fortement
jusqu’au milieu des 1980s, puis, ils chutent de nouveau. Toutefois, au milieu des années 1990 ils
sont encore supérieurs à leur niveau des 1950s-1960s.

b. Remise en cause de la théorie de la dégradation des termes de l’échange

Un problème statistique

Le calcul des termes de l’échange pose problème du fait de la nature des produits pris en
compte. Par exemple, les machines des 1930s sont plus performantes que celles des 1900s tandis
que le cacao est resté du cacao. Même s’il faut fournir plus de cacao pour se procurer une
machine, celle-ci étant de qualité supérieure, la détérioration des termes de l’échange n’est
alors qu’apparente.

P. Bairoch conteste les fondements statistiques des thèses de Prebisch et de Singer.


Selon lui, le champ d’observation statistique de ces auteurs intègre la période des 1930s, marquée
par la crise économique, ce qui accentue la chute des prix des produits exportés par les pays
pauvres.

La dégradation des termes de l’échange a des effets positifs

La dégradation des termes de l’échange ne se traduit pas nécessairement par des effets
défavorables. La baisse du prix des exportations peut être sur-compensée par
l’augmentation des exportations dans certains cas, et ainsi accroitre les recettes
d’exportation. C’est ce qu’explique la courbe en J.

Une dégradation de moins en moins visible

Selon la CNUCED, les termes de l’échange des PED sont stabilisés depuis la fin des
années 1990 du fait de la remontée des cours des produits primaires liée, notamment, à la
forte demande des pays émergents d’Asie. Ils semblent se redresser au début des années
2000.

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c. La théorie de l’impérialisme

Lénine et Rosa Luxemburg : la recherche de débouchés

Pour Lénine (L’impérialisme « stade suprême du capitalisme », 1916) le commerce


international est lié à la recherche de débouchés des pays développés. Il facilite l’importation
de biens de subsistance à moindre valeur, ce qui peut favoriser la baisse de la valeur d’échange
du travail et favorise l’acquisition à l’étranger de matières premières à bon marché. Dans l’optique
de Lénine, le commerce international est donc également un palliatif à la baisse tendancielle du
taux de profit en étendant l’exploitation dans le monde colonial.

Pour Luxemburg, le commerce international est un palliatif à la contrainte de débouché ;


pour les entreprises capitalistes, le problème n’est pas tant la production mais
l’écoulement. Pour les que les entrepreneurs capitalistes réalisent un profit, il faut que la plus-
value soit réalisée et donc que les marchandises soient vendues au moins à leur valeur, ce qui
n’est pas certain du fait de l’inadéquation croissante entre l’accroissement de la production et la
capacité d’absorption du marché, réduite par la baisse des salaires recherchée par le capitaliste.
Ainsi, l’insuffisance de la demande solvable pousse les capitalistes à chercher de nouveaux
débouchés à l’extérieur, amenant même parfois à des guerres dont l’enjeu est alors
économique.

Samir Amin et André Gunder Frank : le rapport centre-périphérie

Pour Samir Amin, la périphérie (les PED) joue un double rôle : elle fournit des produits
bon marché au centre (les pays développés) et offre des opportunités de taux de profit élevés
aux capitaux du Nord, en particulier du fait de l’exploitation d’une main-d’œuvre peu coûteuse.
La bourgeoisie nationale des PED ne peut en aucun cas jouer un rôle positif dans le
développement car elle est inféodée aux intérêts étrangers. Paul Baran parle de bourgeoisie
comprador.

Le sous-développement n’est pas un retard de développement mais le produit du


développement. Gunder Frank montre en effet que le sous-développement est le produit
historique de l’extension du capitalisme à l’échelle mondiale, c'est-à-dire le fruit de la domination
du centre sur la périphérie. Pour lui, la thèse du cercle vicieux de la misère de Nurske n’est pas
pertinente. Les sociétés en développement ne sont pas naturellement pauvres mais le
deviennent en raison de l’exploitation de la périphérie par le centre.

Pierre Salama : l’orientation de la production

L’origine du sous-développement réside dans la colonisation et dans la néocolonisation


selon Pierre Salama. Elles produisent une dépendance liée à l’orientation forcée de la
production faite en fonction des besoins du centre.

Arghiri Emmanuel : l’échange inégal

Dans sa théorie de l’échange inégal, A. Emmanuel reprend la théorie de la valeur travail


de Marx. Il explique que les pays du Sud ont une composition organique du capital (c/v) faible, ce
qui est propice à d’importants taux de profits. La situation s’inverse dans les cas des pays du Nord.
La concurrence menant à une égalisation des taux de profit, il considère que les pays du
Nord prélèvent la plus-value des pays du Sud par le mécanisme des prix. L’inégalité de
l’échange s’accentue par le fait qu’il n’y ait pas de mobilité des hommes et donc pas d’égalisation
des salaires. De plus, la faible organisation de la main d’oeuvre au Sud induit que la lutte des
classes est moins efficiente. Toutefois, cette théorie ne prend pas en compte la qualité du
travail, Emmanuel semble ainsi sur-estimer la c/v du Nord.

FIN
cmbw

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