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Pour les économistes libéraux, les possibilités de développement passent par une
transformation des mentalités, le recours au marché, l’insertion dans les échanges internationaux,
l’émergence d’entrepreneurs individuels et la lutte contre la faiblesse de la productivité en milieu
rural. Le modèle de Lewis élaboré en 1954 traduit bien cette préoccupation : les perspectives de
développement s’ouvrent par un transfert de main-d’œuvre en provenance de l’agriculture, secteur
dans lequel la productivité marginale des travailleurs est considérée comme nulle.
a. Le schéma de Rostow
Le schéma de Rostow est une justification de l’avance prise par les pays riches, un hymne à la
gloire de la croissance économique et un manifeste non communiste. Rostow veut lutter contre les
vues pessimistes de Marx et prôner le capitalisme.
Voilà, rien à dire dans cette partie à part qu’il ne parle pas de ces facteurs et que c’est très triste
pour la légitimité de son schéma.
Toutes les sociétés non développées sont classées par Rostow dans le même groupe.
C’est une méthode statique-comparative ; le passage des formes traditionnelles de production
aux formes modernes n’est pas explicité. La phase de transition est présentée de manière
simplifiée. Rien n’est dit sur les différences entre : développement autonome, développement
provoqué par un choc extérieur, ou encore développement par imitation.
cmbw
Le développement peut être régressif
La situation actuelle des PED semble enfin différente sur plusieurs points du passé
préindustriel des pays aujourd’hui développés : ils connaissent une croissance démographique
plus brutale que les pays européens au 19e siècle, ils sont dans l’impossibilité d’assimiler des
techniques modernes devenues trop complexes ; le contrôle des marchés mondiaux de la part
des pays développés impose aux PED la reconquête de leurs marchés domestiques. D’autre part,
les tiers-mondistes soulignent que les pays européens n’ont pas connu de phénomène de
domination coloniale, que leur économie n’a pas été désarticulée par une dichotomie entre
secteur moderne et secteur traditionnel.
Plus un pays est loin de la frontière technologique, plus le rattrapage est rapide du fait de
l’imitation. Gerschenkron (1904-1988) souligne que le retard de développement est à l’origine
d’une possibilité de « raccourci technologique » pour les pays en retard : ils disposent d’un
réservoir technologique pouvant permettre un développement beaucoup plus rapide que
les pays dont le développement économique est passé, entre autre, par l’innovation.
Gerschenkron soutient que le développement ne suit pas les étapes décrites par Rostow : les
pays en retard mettent en œuvre des stratégies spécifiques leur permettant de rattraper, voire de
dépasser les pays en avance. Le rôle de l’Etat est souvent prépondérant dans les pays à
décollage tardif, où il se substitue souvent aux initiatives privées défaillantes (exemple du
Japon).
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2. Le sous développement comme phénomène auto-entretenu
a. La théorie de Nurske
Ragnar Nurske (1907-1959) développe au cours des années 1950 l’analyse des cercles
vicieux du sous-développement. Il met en avant trois cercles vicieux, dont le point de départ est
à chaque fois la pauvreté, la faiblesse des revenus.
Il voit une possibilité de briser les cercles vicieux dans l’aide internationale, l’appel aux
capitaux étrangers et le choix d’une stratégie de croissance équilibrée. En investissant dans les
infrastructures économiques et sociales (rôle de l’État), puis, en développant les investissements
productifs, le big push selon l’expression de Paul Rosenstein-Rodan, il sera possible
d’enclencher le processus de développement.
b. Le modèle de Lewis
Les hypothèses
Le modèle de Lewis, élaboré en 1954, repose sur l’hypothèse d’une offre de main
d’œuvre illimitée dans le secteur traditionnel et part du schéma classique d’accumulation selon
lequel le profit est à l’origine de l’épargne qui est à l’origine de l’investissement. L’épargne
provient dans le modèle des profits industriels : l’épargne des travailleurs est trop faible du fait
de leurs bas revenus et celle des classes moyennes est utilisée surtout au maintien de leur
standing.
cmbw
La réduction du secteur traditionnel au profit du secteur moderne
Le modèle décrit une économie duale constituée d’un secteur capitaliste et d’un secteur
traditionnel. Pour Lewis, le développement dans une économie duale consiste en la
réduction du secteur traditionnel au profit du secteur moderne. Dans le secteur traditionnel, il
existe une réserve de main d’œuvre abondante et peu qualifiée. En effet, le secteur traditionnel
est marqué par une surpopulation conduisant à une productivité marginale du travail égale
à zéro. De nombreux travailleurs y sont improductifs, et il existe donc un sous-emploi. Le salaire
est faible et correspond au montant de la production réalisée rapportée au nombre de travailleurs.
Le secteur capitaliste va donc disposer d’une offre illimitée de main d’œuvre en provenance
du secteur traditionnel, à un niveau de salaire faible (la courbe d’offre de travail est verticale).
En offrant un salaire plus élevé que dans le secteur traditionnel, mais toujours faible, le
secteur capitaliste va pouvoir attirer des travailleurs. Lewis estime que cette prime est d’environ
30% du salaire de subsistance. L’embauche sera maintenue tant que la productivité marginale
du travail dépasse le salaire. Or, les profits réalisés étant réinvestis, la productivité
marginale s’accroit et induit de nouvelles embauches, jusqu’à ce que le salaire égalise de
nouveau la productivité marginale etc. Le salaire est stable durant la phase de transfert en
raison de l’excédent de l’offre de travail comparativement à la demande de travail. Le phénomène
dure jusqu’à ce que toute la main d’œuvre excédentaire du secteur traditionnel soit
absorbée par le secteur moderne. Le tournant se produit au moment où la main d’œuvre
s’épuise dans le secteur traditionnel : les salaires augmentent alors dans les deux secteurs.
Certains auteurs ont mis en doute la possibilité d’un transfert massif de main
d’œuvre vers le secteur moderne sans que cela entraine une diminution de la production
agricole. En effet, le modèle de Lewis repose sur l’hypothèse d’une main d’œuvre improductive
dans l’agriculture, ce que contredit Colin Clark. Il explique non sans humour que « après tout, si
vous devez cultiver un pays de la taille de la Chine avec des houes, le travail de quelques 600
millions de personnes ne serait pas de trop ». Si la production agricole se réduit, comment nourrir
le secteur moderne sans l’hypothèse d’augmentation de la productivité agricole ? D’autre part, la
main-d’œuvre du secteur moderne est en moyenne plus qualifiée que celle du secteur
traditionnel : la demande de travail émanant du secteur moderne peut ne pas être satisfaite.
Enfin, le niveau modeste des salaires, même s’il s’accroît, peut limiter les débouchés.
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c. Le modèle de la croissance équilibrée et du ‘big push’ de Paul Narcyz Rosenstein-Rodan
Cette analyse a fait l’objet de nombreuses critiques. Les libéraux contestent son
orientation interventionniste et autarcique. Les libéraux considère en outre qu’en optant pour
ce modèle de développement, il y a un rejet des vertus de la spécialisation : la croissance
équilibré, en privilégiant un trop grand nombre de secteur peut être à l’origine d’une perte de
rendements d’échelle. Il existe également un risque de dilution des ressources sur un trop grand
nombre de secteur. Hirschman craint de plus qu’un pays optant pour ce modèle de croissance
équilibrée manque de ressources financières pour assurer ce projet de développement
coordonné des secteurs. Il explique que si le modèle de Lewis se fonde sur l’hypothèse d’une
main d’œuvre quasi illimitée, alors le modèle de croissance équilibrée suppose des ressources
financières illimitées.
Pour Hirschman et Perroux, la croissance n’est pas un phénomène régulier. Elle est le
fruit de déséquilibres successifs. Ainsi, Hirschman déclare : « notre objectif est d’éveiller plutôt
que d’éliminer les déséquilibres [...] ; si l’économie doit être maintenue en mouvement, la tâche de
la politique économique est de conserver les tensions, les disproportions et les désordres ».
Critiquant Nurske, il développe en 1958 une théorie de la croissance déséquilibrée. En lançant
des investissements directement productifs, des goulots d’étranglement (ralentissement de la
production) apparaissent et nécessitent de nouveaux investissements. F. Perroux défend dès les
années 1950 une thèse semblable en préconisant la création par l’État de pôles de croissance,
générateurs d’effets d’entraînement. Schumpeter doit être considéré comme l’inspirateur des
modèles de croissances déséquilibrée. « Le progrès avance par saccades et poussées ; l’évolution
ressemble plus à une série d’explosions qu’à une transformation douce » disait-il.
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Investir dans les secteurs aux forts effets d’entrainement
Les liaisons sont les relations qui lient les différents secteurs. Il existe des liaisons en
amont quand le développement d’une activité entraine des investissements dans les industries qui
fournissent cette activité et des liaisons en aval lorsque le développement d’une activité entraine
la création de nouvelles activités qui utilisent sa production. Hirschman précise que les
industries intermédiaires (textile...) sont celles qui développent le plus de liaisons.
Au 19e siècle, les déséquilibres successifs entre la filature et le tissage ont entrainé
des innovations destinés à répondre aux goulots d’étranglements. L’invention de la navette
volante en 1733 par John Kay fait que la filature prend du retard sur le tissage, les tisseurs
demandent une quantité croissante de fils impossible à fournir avec la technique archaïque du
rouet. En 1765 Hargreaves élabore la spinning jenny, en 1768 la water frame de Arkwright
génère des gains de productivité biens plus importants et la mule jenny de Crompton en 1779 est
un aboutissement. Le tissage prend alors du retard sur la filature. Cartwright le comble
rapidement en adaptant la machine à vapeur de Watt au métier à tisser.
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3. L’analyse marxiste : le développement du sous-développement
Pour un pays, les termes de l’échange sont les prix relatifs des produits exportés en regard des
prix des produits importés (indice des prix des exportations/indice des prix des importations). Une
dégradation des termes de l’échange signifie, soit que les prix des produits exportés diminuent
davantage que les prix des importations, soit qu’ils augmentent moins. Dans les deux cas, il faut
exporter davantage pour obtenir le même volume d’importation. L’évolution des termes de
l’échange des pays participant au commerce mondial dépend de leur spécialisation, c’est-à-dire de
la nature des produits échangés.
Jusqu’aux 1940s, l’évolution des termes de l’échange est incertaine. S’appuyant sur des
données statistiques de la Société des nations (SDN), Raúl Prebisch et Hans Singer dénoncent,
dans les 1950s, la détérioration des termes de l’échange subie par les pays du Tiers Monde.
Entre 1876 et 1938, leur dégradation est de 50%. Les prix relatifs des produits primaires
exportés par les pays pauvres ont donc diminué. Pour Prebisch, ces évolutions permettent de
comprendre « la nature, les causes et la dynamique des inégalités internationales » et d’expliquer
comment « le système de relations internationales accentue la mesure avec laquelle la richesse de
la périphérie est aspirée par le centre ».
Selon Prebisch, les causes principales de la dégradation des termes de l’échange sont
l’impact des gains de productivité dans les PED et dans les pays développés sur les prix expliqué
par les différences structurelles des marchés du Nord et du Sud. De fait, au Nord les marchés de
biens industriels sont plutôt oligopolistiques et le marché du travail est caractérisé par la présence
de syndicats organisés. En conséquence, les gains de productivités ne se traduisent pas par
des baisses de prix mais plutôt par une meilleure rémunération des facteurs, en particulier
le facteur travail. En revanche, au Sud les marchés de biens primaires sont fortement
concurrentiels, à tendance oligopsonistique (peu d’acheteurs) et la force de travail est moins bien
organisée. Dès lors, les gains de productivités sont essentiellement affectés à la baisse des
prix.
L’autre argument proposé concerne la demande. Il s’agit en fait d’une application des lois
d’Engel : en même temps que le revenu augmente, la structure de la demande se modifie. Les
produits primaires sont des biens inférieurs et ont donc une élasticité revenu bien plus faible que
les produits manufacturés. En conséquence, la demande de biens manufacturés des PED
augmente plus vite que la demande de produits primaires des pays développés.
La théorie de Prebisch débouche sur une autre thèse, celle de Bhagwati, la thèse de la
croissance appauvrissante. Les pays spécialisés dans la production et l’exportation de produits
primaires ne bénéficient pas d’une demande mondiale très dynamique : cette demande est
souvent faiblement élastique au prix. La croissance fondée sur ces activités peut se révéler
appauvrissante : l’augmentation de la production et des exportations de produits primaires
abaisse leur cours sur le marché mondial et provoque une dégradation des termes de
l’échange. Cet effet prix négatif peut l’emporter sur l’effet positif en volume. Il s’ensuit un
appauvrissement.
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Observations empiriques
En tendance, depuis la fin des 1940s, les termes de l’échange des pays en
développement exportateurs de produits primaires non pétroliers se dégradent. Au milieu
des 1990s, leur niveau est inférieur à celui de la fin des 1950s et équivaut à celui de 1938. La
situation des pays exportateurs de pétrole est plus contrastée : après une période de
dégradation tendancielle jusqu’en 1970, leurs termes de l’échange se relèvent très fortement
jusqu’au milieu des 1980s, puis, ils chutent de nouveau. Toutefois, au milieu des années 1990 ils
sont encore supérieurs à leur niveau des 1950s-1960s.
Un problème statistique
Le calcul des termes de l’échange pose problème du fait de la nature des produits pris en
compte. Par exemple, les machines des 1930s sont plus performantes que celles des 1900s tandis
que le cacao est resté du cacao. Même s’il faut fournir plus de cacao pour se procurer une
machine, celle-ci étant de qualité supérieure, la détérioration des termes de l’échange n’est
alors qu’apparente.
La dégradation des termes de l’échange ne se traduit pas nécessairement par des effets
défavorables. La baisse du prix des exportations peut être sur-compensée par
l’augmentation des exportations dans certains cas, et ainsi accroitre les recettes
d’exportation. C’est ce qu’explique la courbe en J.
Selon la CNUCED, les termes de l’échange des PED sont stabilisés depuis la fin des
années 1990 du fait de la remontée des cours des produits primaires liée, notamment, à la
forte demande des pays émergents d’Asie. Ils semblent se redresser au début des années
2000.
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c. La théorie de l’impérialisme
Pour Samir Amin, la périphérie (les PED) joue un double rôle : elle fournit des produits
bon marché au centre (les pays développés) et offre des opportunités de taux de profit élevés
aux capitaux du Nord, en particulier du fait de l’exploitation d’une main-d’œuvre peu coûteuse.
La bourgeoisie nationale des PED ne peut en aucun cas jouer un rôle positif dans le
développement car elle est inféodée aux intérêts étrangers. Paul Baran parle de bourgeoisie
comprador.
FIN
cmbw