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ECONOMIE DES PAYS EN VOIE IIe PARTIE : LES DESEQUILIBRES

DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUES

Volume horaire : 45 (dont Théorie : - CHAPITRE I : AGRICULTURE


30 heures, Pratique : 15 heures) - CHAPITRE II : INDUSTRIE
- CHAPITRE III : COMMERCE
CONTENU DU COURS - CHAPITRE IV : PROBLEMES DES CA-
PITAUX
I. OBJECTIFS
III. TRAVAUX PRATIQUES
Le cours a pour objectif de
fournir à l’Etudiant une somme des L’Etudiant sera invité à déve-
connaissances sur les problèmes éco- lopper des thèmes sous forme de
nomiques du Tiers-Monde. Il s’agit dissertation à partir des sujets ayant
essentiellement des problèmes de trait à l’économie du Tiers-Monde.
l’heure, mais de temps en temps,
l’Etudiant doit jeter un regard ré- IV. BIBLIOGRAPHIE DE BASE
trospectif sur les réalités passées du
Tiers-Monde et faire des prévisions - LACOSTE Y., - Géographie du
sur son futur. sous-développement, Magel-
Ce cours doit familiariser l’Étu- lan, PUF, 1980.
diant avec les termes qualifiant les - Les pays sous-
pays du Tiers-Monde, l’aider à com- développés, Que sais-je ?, PUF,
prendre les mécanismes du sous-dé- 1ère édition 1959.
veloppement, les solutions possibles - BAIROCH P., - Le Tiers-Monde
pour permettre le développement et dans l’impasse, Edition Galli-
lui permettre d’identifier les ri- mard, Coll. Folio/Essais, Paris,
chesses, les potentialités et les dis- 1992 (ISTB)
parités du Tiers-Monde. - ALBERTINI J.M., Les méca-
nismes du sous-développe-
II. PLAN DU COURS ment, Ed. ouvrières, 4e éd.
1967.
Ière PARTIE : APPROCHE GENERALE - ANGELOPOULOS A., Le Tiers-
DES CARACTERES CONSTITUTIFS DU Monde face aux pays riches,
SOUS-DEVELOPPEMENT ET SPECIFI- PUF, 2e éd. 1973.
CATION DU SOUS-DEVELOPPEMENT - JALLEE P., Le Tiers-Monde en
chiffre, Maspero, 2e éd. 1974.
- CHAPITRE I : DEFINITION ET SPE- - CASTERAN C., Tout savoir sur
CIFICATION DU SOUS-DEVELOPPE- le Tiers-Monde, Fil ipacchi,
MENT 1973.
- CHAPITRE II : APPRECIATION - BENOT Y., Qu’est-ce que le dé-
STRUCTURELLE ET QUANTITATIVE veloppement, Maspero, 1973.
DU SOUS-DEVELOPPEMENT - MENDE T., De l’aide à la reco-
lonisation : des leçons d’un
échec, Seuil, 1972.
2

- Mc NAMARA R., Une vie


meilleure pour deux milliards
d’hommes, Deboël, 1973.
- AMIN S.., - L’accumulation à
l’échelle mondiale, Anthropos,
1971.
- Le développement inégal, Ed.
de Minuit, 1973.
- LAMBERT D.C., Les économies
du Tiers-Monde, A. Colin,
1974.
- GAZES G., DOMINGO J., Géopo-
litique du Tiers-Monde, les cri-
tères du sous-développement,
Bréal, 1975.
- AGCD, Le défi de l’interdépen-
dance, 1980.
3

Ière PARTIE : APPROCHE GENERALE La notion du Tiers-Monde a


DES CARACTERES CONSTITUTIFS DU été quant à elle forgée par Alfred
SOUS-DEVELOPPEMENT SAUVY en 1956, au lendemain de
CHAPITRE I : DEFINITION ET Bandoeng (Indonésie) pour souligner
SPECIFICATION DU SOUS-DEVE- l’homogénéité apparente du monde
LOPPEMENT sous-développé dans une double ré-
férence : d’une part, vis-à-vis de
A. LES ÉLÉMENTS DE LA DÉFINITION deux anciens grands blocs mondiaux,
capitalistes et communistes, d’autre
A l’heure actuelle, dans le part, par assimilation socio-politique
monde, à côté des pays parvenus au au Tiers-Etat en 1789, soucieux d’af-
stade de consommation de masse, firmer son nombre et sa spécificité
sinon d’abondance absolue, sub- face à la noblesse et au clergé.
sistent "d’immenses plages de mi-
sères, de famine, de sous-alimenta- II. L’originalité profonde
tion" (Y. BENOT) ou "une berge mau-
dite (P. GEORGE) sur laquelle se Selon Bettelheim Ch., la "vision
tiennent les trois quarts des habi- de différents pays qui occuperaient
tants de la terre". un plus ou moins bon rang dans la
course au progrès économique et so-
I. LES TERMES UTILISÉS cial est purement artificielle". Ce
qui sépare les pays développés et les
Tous les termes qui servent à pays sous-développés n’est pas telle-
qualifier le Tiers-Monde ont en com- ment une différence de niveau, de
mun d’être utilisés par rapport à une degré mais de structure et de na-
situation si connue qu’il n’est besoin ture. Ainsi Celso Furtado écrit : "le
de la nommer et apparemment si développement est un processus his-
normale qu’elle sert d’étalon univer- torique autonome et non pas une
sel. C’est donc la référence à ce étape par laquelle seraient nécessai-
quart du monde industriel et déve- rement passées les économies ayant
loppé qui donne son sens aux di- atteint un degré supérieur de déve-
verses expressions utilisées pour les loppement… ; il doit être considéré
trois quarts "restants" : sous-déve- comme un phénomène contemporain
loppé, peu développé, moins déve- du développement, conséquence de
loppé, en voie de développement, la façon dont la révolution indus-
sous ou non industrialisé, attardé, trielle s’est déroulée jusqu’à nos
arriéré, traditionnel, dominé, dé- jours".
pendant, pauvre, prolétaire, sous- Le sous-développement appa-
équipé, etc. raît dès lors comme un phénomène
historique et structurel particulier,
caractérisé par le blocage et la
désarticulation des secteurs écono-
miques dus à la domination exercée
par les pays développés impéria-
listes.
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III. DIFFICULTÉS D’APPRÉCIATION B. CRITÈRES ET INDICATEURS DU


SOUS-DÉVELOPPEMENT
Ces difficultés sont de trois ni-
veaux : On distingue six rubriques fon-
a) Au niveau des statis- damentales d’indicateurs regroupant
tiques les principaux indices du sous-déve-
Recueillies au niveau mondial, loppement relevés par des différents
elles sont incomplètes, irrégulières auteurs :
et hétérogènes surtout pour les pays
pauvres. I. INDICATEURS D’ORDRE DÉMO-
GRAPHIQUE
b) Référence au dollar
américain Le Tiers-Monde se caractérise
Le fait de ramener les reve- par des valeurs élevées des taux de
nues par tête à un même étalon mo- natalité, de fécondité, de mortalité
nétaire, le dollar américain, ne rend infantile, une durée moyenne de vie
pas compte des pouvoirs d’achat et plus faible, la jeunesse de la popula-
des structures des prix différents tion et un fort pourcentage d’inac-
d’un pays à l’autre. En général, le tifs. La mortalité générale est quant
pouvoir d’achat interne d’une mon- à elle en baisse bien qu’elle soit plus
naie dans un pays sous-développé élevée que dans les pays dévelop-
est supérieur à celui qui est indiqué pés.
par les taux officiels de change. De
plus, le revenu nominal voire réel ne a. La natalité est élevée
fait pas apparaître le revenu invi- pour les raisons suivantes
sible constitué par les professions - La précocité du mariage de la
non déclarées (petits commerces en femme : cette coutume augmente le
domicile, etc.). nombre d’enfants que la femme est
susceptible d’avoir. Ex. : à 15 ans, la
c) Les réalités sociales femme peut avoir 10 enfants, à 20
Nulle part, autant que dans le ans, 7 enfants, à 45 ou 50 ans, sans
Tiers-Monde, les moyennes de pro- doute 0 enfant.
duction de revenu de consomma- - La psychologie nataliste : la
tion… sont aussi peu représentatives naissance est un événement heureux
des réalités sociales. Leur inexpres- par excellence (fête), une bénédic-
sivité est due aux considérables dis- tion des ancêtres… De plus, la
parités internes, sociales, régio- charge supplémentaire que repré-
nales, culturelles. Cependant, dans sente un enfant est partagée sur
le Tiers-Monde, les pauvres sont plus l’ensemble de la famille tradition-
pauvres, les riches plus riches. nelle. Enfin, l’enfant est une assu-
rance pour le 3e âge.
- Facteur économique : en mi-
lieu rural, la richesse est fonction du
nombre de bras disponibles et l’en-
fant commence à travailler à un âge
précoce. Il constitue une aide appré-
5

ciée dans l’agriculture, le ramas- b. La mortalité est en baisse


sage, la cueillette. En ville, l’enfant à cause des progrès de la médecine
exerce avec plus de succès que qui entraîne l’éradication des endé-
l’adulte beaucoup de petits mé- mies et des épidémies qui déci-
tiers… Dès lors, l’enfant subvient à maient une grande partie de la po-
l’essentiel de ses besoins et même pulation.
assure, durant quelques années, une
série de profits à ses parents. c. L’espérance de vie plus
Conclusion courte
La forte natalité du Tiers- Les statistiques plus brutes
Monde n’est pas le reflet de l’impré- font apparaître 5 grandes catégories
voyance, du fatalisme, de la primau- dans le monde pour ce qui concerne
té des intérêts sexuels, mais le ré- la durée moyenne de la vie :
sultat des comportement hérités . ≥ 75 ans : Pays développés ainsi
d’une longue tradition de valeurs que Porto-Rico et Israël
spirituelles et de l’intérêt des fa- . De 65 à 75 ans : Pays latino-améri-
milles placées dans des conditions cains les plus avancés (Mexique,
économiques et sociales qui rendent Brésil, Vénézuela, Argentine, Cu-
souhaitables le travail de l’enfant. ba…)
Cette explosion démogra- . De 60 à 65 ans : Afrique du Nord,
phique précède malheureusement Moyen-Orient, Amérique Latine
l’explosion économique de sorte que mais attardé (Pérou, Chili, Nica-
la productivité du travail diminue, ragua)
entraînant aussi la baisse du niveau . De 50 à 60 ans : La quasi-totalité
de vie. des pays d’Asie, d’Amérique La-
En effet, la croissance démo- tine mais attardés (Bolivie, Haïti)
graphique nécessite, pour que se et les pays africains économique-
maintienne le niveau de vie, des in- ment les plus avancés (Kenya,
vestissements qui permettent de ré- RSA, Sénégal, Côte d’Ivoire…)
pondre aux besoins des nouveaux ha- . ≤ 50 ans : RDC : 55 ans (♂ : 53 ans,
bitants et de les doter de moyens de ♀ : 57 ans)
travail. On estime que ces investis- . De 25 à 39 ans : les autres pays
sements démographiques doivent africains et l’Afghanistan.
être de 4 % de revenu national pour
maintenir le niveau de vie d’une po- d. Une population particuliè-
pulation qui s’accroît de 1 % l’an. rement jeune
Donc, pour un T.AN. de 3 % l’an, il Le Tiers-Monde compte actuel-
faut 12 % du revenu national pour lement (RDC : 48 % des jeunes et 3 %
maintenir le niveau de vie sans viser des vieux) plus d’un milliard d’indi-
au développement. Or, beaucoup de vidus âgés de moins de 15 ans soit ±
pays du Tiers-Monde investissent à 40 % de la population totale pour
peine 5 à 6 % de leur revenu natio- seulement 10 % dans les pays déve-
nal, couvrant ainsi seulement un loppés. Cela s’explique par la natali-
T.AN. de 1 et 5 % (3- 4 % qui nécessi- té élevée dans le Tiers-Monde.
teraient 12 à 16 % de revenu natio-
nal investi).
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II. INDICATEURS TOUCHANT DES nisme), fer (anémie générali-


FAITS DE CONSOMMATION sée), iode (goitre, débilité,
retards mentaux), sodium
L’alimentation est insuffisante (dépression nerveuse…).
en volume (sous-alimentation ou as- - Le déficit protéique : le besoin
pect quantitatif) et en qualité (mal- journalier de protéine est de ±
nutrition ou aspect qualitatif), la fai- 70 gr par personne :
blesse de consommation moyenne Cependant, de trois grands
par habitant d’énergie mécanique, principes nutritifs (glucides, lipides
d’acier, de ciment… et protides), le dernier est le plus
mal partagé dans le monde. Dans les
a. La sous-alimentation (as- pays développés, on dispose de 90 gr
pect quantitatif) de protéines par jour et par per-
La quantité journalière d’éner- sonne alors que dans le Tiers-Monde
gie nécessaire au fonctionnement cette ration tourne autour de 57 gr.
d’un organisme humain est exprimée Pour les protéines animales (viande,
en calories : elle doit atteindre un lait, œuf, poisson), les plus riches et
minimum de 1.500 calories par jour les plus indispensables, l’écart est
et par individu pour assurer sa sur- de 6 gr en Inde et 70 gr en Nouvelle-
vie, et de 2.300 à 2.500, selon les Zélande (soit un rapport de 1 à 12).
zones climatiques, pour la ration Ce déficit est responsable des
normale d’un individu. Dans le Tiers- maladies comme le kwashiorkor, le
Monde, on consomme moins de marasme. Cela dit, la malnutrition
2.500 calories par jour et par indivi- et la sous-alimentation sont respon-
du (1.700 en Tanzanie, 1.950 en sables de :
Inde, ± 1.600 en RDC…) alors que - la désagrégation de la person-
dans les pays développés la ration nalité humaine par la faim (Jo-
calorifique est supérieure à 3.000 sué de Castro) ;
calories (3.500 en Nouvelle-Zé- - la réduction à néant de la viva-
lande). cité, la vitalité, l’énergie,
La sous-alimentation est sou- l’aptitude intellectuelle, la vo-
vent responsable du marasme (une lonté de réussir, de fournir un
des maladies de carence). effort (Robert Mc NAMARA) ;
b. La malnutrition (aspect - la vieillesse précoce, mort pré-
qualitatif) maturée (R. Dumont) ;
Elle se traduit par : - du fait que le Tiers-Monde de-
- des avitaminoses et la carence vient un monde d’éclopés,
en sels minéraux : d’infirmes, d’aveugles, de ma-
. le manque de vitamines né- lades, une gigantesque salle
cessaires (avitaminoses) pro- d’hôpital (Y. Lacoste).
voquant des maladies spéci- I. Indicateurs concernant des
fiques (béribéri, cécité…) ; faits de production et d’orga-
. la carence en sel minéraux nisation économique
provoque aussi des maladies Il y a prédominance dans le
et/ou des troubles physiolo- Tiers-Monde, du secteur primaire
giques : calcium (rachitisme, (agricole), exiguïté du secteur indus-
retards de croissance, na- triel où prédominent les industries
7

minières et celles des traitements des événements politiques et écono-


des produits agricoles, hypertrophie miques ; le deuxième, appelé chô-
du secteur tertiaire (commerce, mage déguisé, est dû au fait que la
transports, services publics et pri- répartition et la qualité de la terre
vés), juxtaposition incertaine des ainsi que l’insuffisance de l’équipe-
branches et des structures écono- ment industriel ne permettent pas
miques mal reliées entre elles ; de donner du travail à une fraction
sous-productivité généralisée, tech- importante de la population. Ce chô-
niques archaïques, rendements bas, mage revêt plusieurs manifestations,
exportation prépondérante des ma- à savoir :
tières premières, faiblesse de l’ac- 1) des manifestations structu-
cumulation de capital et de l’inves- relles
tissement productif. Il s’agit de la faiblesse pronon-
II. Indicateurs sociologiques cée de l’emploi féminin, le sous-em-
Ils se traduisent par : ploi élevé des jeunes (15 à 20 ans)
a. La faiblesse des revenus et le parasitisme familial qui en dé-
moyens par habitant et des ni- coule, un salaire devant entretenir
veaux de vie : (= revenu/habi- un ménage de 10 personnes ou plus.
tant inférieur à 500 dollars).
Cependant, un revenu moyen
par habitant supérieur à 500 dollars
n’est pas nécessairement un indice
de développement. L’inégalité des
revenus moyens par habitant se pré-
sente dans le monde de la manière
suivante :
. 4.500 dollars : Amérique du
Nord (Etats-Unis, Canada) ;
. de 2.000 à plus de 3.000 dol-
lars : Europe Occidentale, Aus-
tralie, Nouvelle-Zélande, Ja-
pon ;
. de 500 à 1.000 dollars : Amé-
rique Centrale, RSA ;
. de 300 à 500 dollars : Afrique
du Nord, Amérique du Sud ;
. inférieur à 300 dollars : Reste
de l’Afrique, Inde, Sud Est
Asiatique (RDC : 100 $)
b. La netteté des clivages sociaux
et archaïsme des structures sociales.
c. L’absence ou étroitesse des
classes moyennes.
d. L’ampleur de chômage et de
sous-emploi. Il s’agit d’un chômage
conjoncturel et, surtout, structurel.
Alors que le premier est causé par
8

III. Indicateurs d’ordre poli-


2) des manifestations secto- tique
rielles Fréquence des régimes de type
L’agriculture, l’artisanat, le autoritaire, situation de subordina-
commerce, les divers services de- tion économique et diplomatique,
viennent des secteurs-refuges pour aspiration au développement…
l’emploi, avec une productivité déri- IV. Indicateurs d’ordre spatial
soire : Territoire national mal intégré
- Dans le secteur agricole : des par déficience des infrastructures de
familles nombreuses se par- communication, situation de margi-
tagent le travail insuffisant nalisme de certaines régions,
que leur fournissent des ex- concentration économique et hu-
ploitations trop petites, où on maine excessive dans les grandes ag-
ne travaille qu’en période de glomérations.
pointe (ex. le paysan égyptien A ces indicateurs, il convient
travaille 160 à 180 jours par d’ajouter :
an, le paysan indien 220 V. Le blocage financier causé
jours…). par le désordre monétaire interna-
- Dans le secteur secondaire : le tional, l’insuffisance traditionnelle
chômage déguisé, très impor- de l’épargne intérieure et de l’inves-
tant, entraîne des salaires très tissement productif, l’évasion des
bas et des sous-emplois. capitaux nationaux vers l’étranger,
- Dans le secteur tertiaire : le la dépendance vis-à-vis de l’aide et
chômage déguisé, également de l’investissement extérieur et le
important, se traduit par la dramatique endettement qu’elle en-
prolifération de mini-entre- traîne, la fragilité des monnaies na-
prises de commerce, de trans- tionales.
port (charretiers), par une do- VI. Le problème technolo-
mesticité pléthorique, un para- gique : il s’exprime en terme de re-
sitisme administratif, policier… tard pour le Tiers-Monde qui doit im-
3) des manifestations spa- porter des techniques, des matériels
tiales sophistiqués et des techniciens pour
En milieu rural, le chômage est constituer l’équipement nécessaire
masqué par notamment la solidarité au développement industriel. Ces
villageoise ; le sous-emploi est donc techniques coûtent très chers et il
moins visible au premier regard. est difficile de les assimiler, les maî-
En milieu urbain, le chômage triser dans les pays d’accueil (± 9
est considérable et il prend des milliards de dollars en 1980).
formes variées allant des petits mé-
tiers au clochardisme.
e. La position inférieure et assu-
jettie de la femme.
f. La proportion élevée d’anal-
phabètes (absolus ou partiels). CHAPITRE II : APPRECIATION
g. La défectuosité de l’équipe- STRUCTURELLE ET QUANTITATIVE
ment sanitaire et la carence de DU SOUS-DEVELOPPEMENT
l’aide sociale.
9

A. L’inégalité des richesses mon- ment 87,5 % et 34 % aux pays déve-


diales loppés.
A lui seul, le Japon dispose
Le Tiers-Monde, "pauvre" sur le d’un revenu national largement su-
plan du produit et revenu national, périeur à la moitié du revenu total
donc pauvre en richesses dispo- de tous les pays du Tiers-Monde non
nibles, est en même temps globale- communistes d’Asie, d’Afrique et
ment très "riches" pour ce qui d’Amérique. En 1960, les pays d’Asie
concerne les ressources existantes n’avaient que 13,7 % du produit
(forêt, mines, énergies, sols, cli- mondial pour 50,2 % de la population
mats, faunes, etc.) exploitées ou po- pendant que l’Amérique du Nord
tentielles (ex. chutes à aménager, (Etats-Unis, Canada) avait 53,5 % du
gaz naturel à exploiter…). produit mondial pour le 1/12e de la
A ce propos, Yves Lacoste population mondiale. D’autre part,
écrit : "le garde-manger du Tiers- bien que fournissant plus de 23 % de
Monde est loin d’être vide mais les la production extractive mondiale et
portes en sont fermées à clef". infiniment plus pour certaines res-
sources (pétrole, bauxite, étain…),
I. Distribution des richesses le Tiers-Monde ne contribue que
mondiales pour 7 % à la production industrielle
totale (l’Amérique Latine 3,4 %,
Au niveau mondial, les ri- l’Asie 3,1 %, l’Afrique 0,5 %).
chesses sont distribuées inéquitable-
ment. En effet, la ligne de démarca- II. Les disparités internationales
tion entre pays développés et pays
du Tiers-Monde étant fixée à un re- a. Au niveau des indicateurs
venu national par tête de 500 dol- partiels
lars, le Tiers-Monde regroupe au-
jourd’hui 70 % de la population mon- L’écart extrême entre les pays
diale qui ne se partage que 15 % en- développés et les pays pauvres peut
viron du produit total de la planète. être très divers suivant le critère de
Cependant, cette part du pro- comparaison retenu. Il est de :
duit global affecté au Tiers-Monde . 1 à 11 entre l’Inde et les Etats-
varie selon les auteurs : 14,5 % pour Unis, pour la consommation
KAHN H. et 21 % pour KUZNETS en quotidienne de protéines d’ori-
1955, 12,5 % pour PEARSON en 1969, gine animale ;
15,4 % pour ANGELOPOULOS en . 1 à 136 entre le Nigeria et la
1970, 12 % pour J. PITIE et 18,4 % Suède, pour la consommation
pour LAMBERT D.C. en 1973. d’acier ;
Ces divergences sont dues aux . 1 à 30 entre l’Afrique et l’Eu-
difficultés statistiques qui rendent rope, pour le nombre de méde-
toujours les comparaisons hasar- cins.
deuses. D’autres évaluations de
1970-1971 accordent au Tiers-Monde
13,5 % du revenu mondial pour 66 % Quant aux indices comme le
de la population, contre respective- taux de chômage et le taux d’anal-
phabétisme, les valeurs vont de 5 à
10

10 % dans les pays les mieux équipés Monde


à plus de 75 % dans de nombreuses Moyenne géné- Moyenne géné-
nations du Tiers-Monde surtout rale : 210 dol- rale : 2.670 dol-
d’Afrique (Ethiopie, Niger…) et lars lars
d’Asie (Afghanistan, Iran, - Asie du Sud- - Europe médit.
Pakistan…). Est : 130 : 1.010 dollars
dollars
b. Au niveau du revenu par ha- - Afrique - Europe du Nord
bitant (= principal indicateur) : 180 dollars : 2.080 dollars
- Moyen Orient - Océanie
Trois niveaux d’écarts peuvent : 420 dollars : 2.130 dollars
être soulignés : - Amérique Lat. - C.E.E.
1) les écarts extrêmes entre et Antilles : 510 : 2.320 dollars
pays ont été évalués à 1/70 par BAI- dollars
ROCH (mais à 1/76 selon les statis- - Amérique du
tiques de l’ONU en 1971). Ils sé- Nord : 4.250
parent le revenu disponible le plus dollars
bas ( ± 60 dollars) : celui du Rwanda
et Burundi ; du plus élevé (4.500 III. Les inégalités internes au
dollars) : celui des Etats-Unis d’Amé- Tiers-Monde
rique.
2) les écarts moyens - entre Suivant le degré d’intensité de
continents : de 1 à 32 entre les reve- contrastes internes, on distingue 3
nus de l’Asie du Sud-Est et ceux de types de situations dans le Tiers-
l’Amérique du Nord ; Monde :
- entre groupe : de 1 à 13 ou 15
entre les pays développés et le a. Au Proche-Orient
Tiers-Monde. Les disparités y sont considé-
3) les écarts réels : les plus si- rables (écart de 1 à 32 entre le Yé-
gnificatifs, car ils prennent en men et le Koweït). Cela est dû es-
compte les structures différentes sentiellement à la localisation diffé-
des prix entre les différents pays. Ils rente des richesses pétrolières.
sont de 1 à 40 pour les écarts ex-
trêmes et de 1 à 15 voire 8 pour les b. En Asie Orientale et en Ca-
écarts moyens. raïbe
Les inégalités y sont sensibles
(écart de 1 à 30 entre le Bengladesh
et le Japon, de 1 à 17 entre Bengla-
desh et Singapour, de 1 à 22 entre
Haïti et Puerto-Rico).

c. En Afrique et en Amérique
Latine et Australie

Tableau I : Revenu disponible par habitant et On constate une certaine ho-


par ensemble régional en 1970 mogénéité (écart de 1 à 2,3 entre
Pays du Tiers- Pays développés
11

Salvador et Mexique, 1 à 4,6 entre naux


Bolivie et Vénézuela, 1 à 13,5 en - Mi- 1/8 1/5 -
Afrique Noire si on intègre la R.S.A., lieu
1 à 6,3 seulement si on l’écarte du du
calcul, 1 à 6,5 en Afrique du Nord 19e S
entre la Libye et l’Egypte. - 1/20 1/6 -
De telles appréciations amènent 1900
à se poser la question suivante : - - 1/7,5 -
"Faut-il écarter du Tiers-Monde, sim- 1930
plement parce que le revenu par ha- - - 1/10 -
bitant y excède légèrement ou lar- 1950
gement 500 dollars, le Chili, le - 1/70 1/14 1/8
Mexique, la Jamaïque, la Libye, les 1970
Emirats-Arabes Unis !" - - 1/25 1/15
La réponse est Oui, si le sous- 2000
développement n’est perçu que
comme un retard d’ordre statis- (D’après BAIROCH P.)
tique ; Non, si le sous-développe- Ce tableau montre que le fossé
ment apparaît comme le résultat des ne cesse de s’élargir entre le Tiers-
structures et des processus spéci- Monde et les pays développés de
fiques que les dénombrements sta- sorte que, selon Gauthier A. et Rey-
tistiques n’illustrent que très médio- naud A., les riches sont les plus
crement. riches et les pauvres se sont appau-
vris.
B. L’aggravation des écarts mon- On a calculé qu’il faudrait aux
diaux pays du Tiers-Monde 80 ans pour at-
teindre le niveau qui est actuelle-
I. Le constat ment celui du revenu par habitant
en Europe Occidentale et pour les
Malgré des progrès sensibles pays les plus pauvres, qui abritent la
dans le Tiers-Monde, l’écart considé- moitié du monde sous-développé,
rable qui séparait les pays dévelop- 200 ans.
pés des pays sous-développés en
1950, au moment de la prise de
conscience générale du problème,
s’est encore accentué et aggravé.

Selon BAIROCH P., "en suppo-


Tableau II : Évolution des écarts sant que le Tiers-Monde connaisse
entre le PNB/Habitant des pays dé- dans l’avenir un taux de croissance
veloppés et sous-développés de 1850 à 2000 de revenu par habitant supérieur à 1
Ecarts Ecarts Ecarts point à celui des pays développés, il
extrêmes moyens moyens faudrait 270 ans pour que s’effectue
nominaux nomi- réels le rattrapage…". Pour rattraper
12

l’écart en un demi-siècle, le revenu ment de la dette qui en découle


par habitant du Tiers-Monde devrait entraînant souvent les déprécia-
s’accroître de 7,3 %/an soit 3,5 fois tions monétaires dans le Tiers-
plus élevé que celui enregistré du- Monde.
rant 20 dernières années.
b. Une croissance dans le Tiers-
II. Facteurs d’explication Monde mais grignotée par l’ex-
plosion démographique
a. L’accélération spectaculaire
des économies industrielles Entre 1960 et 1967, à part
quelques exceptions, tous les pays
Cette accélération remonte à du Tiers-Monde ont enregistré une
la seconde guerre mondiale. Les croissance annuelle supérieure à 3
taux moyens de croissance annuelle %, 8 pays ont dépassé un taux de 7 %
du PNB, qui n’étaient que de 0,5 % à et 4 (Libye, Hong-Kong, Arabie Saou-
1 % au 19e S et de 1 à 2 % avant dite et Taiwain) ont excédé 10 % soit
1940, ont brusquement bondi à plus autant que le Japon.
de 3,5 % entre 150 et 1970. Cette Mais l’explosion démogra-
période s’est caractérisée par une phique a empêché le décollage éco-
série "de miracles économiques" (ja- nomique de ces pays, exception
ponais, allemand, français, etc.) et faite de la Corée et du Hong-Kong.
par l’expansionnisme financier des
Etats-Unis. Cette croissance a eu C. Interprétation et explications
trois conséquences dans le Monde, à du sous-développement
savoir :
- une concentration continue de la I. Arguments d’ordre phy-
richesse mondiale dans les pays an- sique et climatique
ciennement développés ;
- une accentuation rapide des Le Tiers-Monde couvre essen-
échanges à l’intérieur de ce bloc tiellement le monde intertropical et
réduisant le rôle du Tiers-Monde subtropical. Certains auteurs ont
dans le commerce international. ainsi avancé le climat et l’isolement
tropical comme responsable du sous-
développement, à savoir :

Tableau III : Evolution des exporta- a. L’isolement tropical


tions du Tiers-Monde En effet, l’Afrique, l’Asie et
1948 1960 1968 1972 l’Amérique du Sud souffrent de leur
31,2 % 22,7 % 19 % 17 % massiveté qui rend difficile toute
pénétration et de leur séparation
- une dépendance croissante vis-à- par de grandes masses océaniques.
vis des investissements étrangers, Les échanges d’hommes, de biens et
publics ou privés et l’alourdisse- de techniciens y ont été nuls ou
13

faibles. Il est à noter que parmi les même que l’argument selon lequel
25 pays les plus pauvres du monde, le fatalisme musulman empêche
la plupart sont en Afrique noire, dé- toute innovation) et n’explique donc
pourvus de tout débouché maritime. pas le sous-développement". Tout au
plus, il permet de comprendre cer-
b. Les effets du climat tains blocages du développement
Certains auteurs estiment que par la société.
les climats tropicaux sont "amollis-
sants", tandis que les climats tempé- III. Argument historique
rés sont "stimulants". Sans accepter
ce point de vue, quelques consé- La plupart des pays du Tiers-
quences indiscutables liées au climat Monde ont connu des civilisations
tropical peuvent être relevées, à sa- brillantes dans leur histoire ; preuve
voir : l’insalubrité relative entrete- d’adaptation au milieu, d’organisa-
nue par une chaleur élevée et conti- tion solide et cohérente de l’espace
nue et une humidité importante fa- (ex. Chine, Pays des Andes, Inde,
vorisant la diffusion des endémies Egypte…) d’équilibre entre les res-
tropicales (fièvre jaune, malaria…), sources naturelles et les disponibili-
la virulence des précipitations qui tés humaines.
favorise l’érosion et le ravinement Cependant, les contacts bru-
des sols par les eaux de ruisselle- taux qu’elles ont eu au 18e et 19e S,
ment, la pauvreté des sols en hu- avec les économies occidentales dy-
mus, en phosphate, en chaux, en po- namiques et expansionnistes ont dé-
tasse, en azote…, lessivés par les truit cet équilibre. Partout, ces
eaux d’infiltration ou de latéritique. contacts ont entraîné :
- la recherche fiévreuse des matières
premières (agricoles et minières) ;
- la création d’enclaves modernes
(plantations, usines, ports, villes)
introduisant le dualisme écono-
mique et territorial ;
- la réorientation de l’économie vers
le commerce international ;
- le raffermissement de la position
des classes favorisées ;
- le passage de l’autonomie à la dé-
pendance.

II. Arguments d’ordre anthro- IV. Argument économique


pologique et sociologique
Il s’agit de la domination des
Certains auteurs voient au Noir et économies du Tiers-Monde par des
Jaune "de races foncièrement sous- économies capitalistes développés. Il
développés" tandis que le Blanc ap- s’agit aussi de la désarticulation des
paraît industrieux, habile, entrepre- économies du Tiers-Monde qui fait
nant. Cet argument est raciste (de qu’un secteur traditionnel persiste à
14

côté d’un secteur moderne extraver-


ti (= économie des grandes firmes 0.1.La juxtaposition économique
exportatrices) et enfin d’une écono- On distingue :
mie urbaine. On dit que les écono- - les économies du Secteur Tra-
mies du Tiers-Monde sont juxtapo- ditionnel,
sées. - les économies des grandes
La domination se fait par la firmes exportatrices et
création des filiales des multinatio- - les économies urbaines.
nales dans le Tiers-Monde. Leurs in- -
vestissements et les salaires distri- 1.1. Les économies du Secteur
bués viennent de l’étranger, tandis Traditionnel
que les produits finis ainsi que les
bénéfices réalisés vont à l’étranger L’agriculture y constitue la
également. principale activité, suivie de l’éle-
En matière d’emploie, le sec- vage, la pêche, l’exploitation fores-
teur primaire emploi ± 70 % de la po- tière, la chasse, la cueillette… Ces
pulation active, le secteur secon- économies sont souvent repliées sur
daire en emploie ± 13 % et le secteur elles-mêmes car :
tertiaire en emploie ± 17 %. - parfois, elles ne connaissent pas
la monnaie de sorte que les
Croquis no 1 : La désarticulation éco- échanges deviennent difficiles ;
nomique des pays sous-développés - le manque (voire l’insuffisance)
des voies de communication et les
techniques rudimentaires utilisées
réduisent les liaisons avec l’exté-
rieur et les possibilités de vendre
étant donné l’insuffisance de la
production. Ainsi, ces économies
vivent souvent en autosubsis-
tance.

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(Source : J.M. ALBERTINI)


II PARTIE : LES DESEQUILIBRES
e
1.2. Les économies des grandes
ECONOMIQUES firmes exportatrices

INTRODUCTION Leurs activités, représentées


par des plantations des industries
Les pays en voie de développe- extractives, sont polarisées par la
ment ont des économies variées conjoncture des marchés internatio-
mais ayant en commun les caracté- naux, c.à.d. par les pays dévelop-
ristiques ci-après : pés. Les techniques modernes néces-
15

sitent du matériel étranger et une A côté de l’agriculture tradi-


faible proportion de la main- tionnelle vivrière d’autosubsistance
d’œuvre locale. Elles sont extraver- partout présente, coexiste une éco-
ties car leurs centres de décisions, nomie de plantation moderne tour-
de financement sont à l’étranger. née vers l’exportation et souvent di-
L’essentiel de leurs bénéfices va à rigée de l’extérieur.
l’étranger. Ainsi, ces économies
constituent des "îles de développe- 2.3. Le dualisme de l’économie
ment". urbaine

1.3. Les économies urbaines A côté des industries qui ne


cessent de se fixer en ville, d’autres
En général, elles produisent services post-industriels (Banques,
peu. On se contente de transformer Assurances, Commerce de gros, En-
quelques matières premières qui seignement) les accompagnent dans
viennent de l’extérieur ou de réali- le secteur moderne.
ser les montages de quelques appa- Mais, on y trouve aussi un sec-
reils automobiles, etc. L’industrie teur traditionnel comprenant des
est peu ancrée dans la ville. Cette emplois de bureau, les métiers de la
dernière importe une grande partie rue, les services personnels, les acti-
de ses biens de consommation manu- vités commerciales, etc.
facturés et est ravitaillée partielle- Le développement des villes
ment en produits vivriers venant du est ainsi plus lié à la multiplication
secteur traditionnel. de des "services".

0.2. Le dualisme économique


On distingue :
- un dualisme régional,
- un dualisme de l’économie
agricole,
- un dualisme de l’économie ur-
baine.

2.1. Le dualisme régional CHAPITRE I : AGRICULTURE

Il se traduit par les disparités A. Introduction


régionales de développement (Cfr
indicateur d’ordre spatial). Les pays du Tiers-Monde pré-
sentent des types d’agriculture très
2.2. Le dualisme de l’économie variés allant de l’agriculture de sub-
agricole sistance renfermant les cultures iti-
nérantes sur brûlis et les rizicultures
16

inondées à l’agriculture d’exporta- - le champ temporaire, grossière-


tion ou spéculative, comprenant les ment défriché ;
plantations. - le champ est nettoyé par le feu (=
Entre ces extrêmes, s’est dé- sur brûlis).
veloppée toute une gamme de Le champ est semé ou planté
modes de production marquant le immédiatement après l’incendie ou
passage progressif de l’autosubsis- après un ameublissement superficiel
tance à l’agriculture du marché au du sol à l’aide d’outils simples, en
niveau local, régional ou national. l’occurrence la houe. Ce champ est
Ex. : le haricot est cultivé soit pour cultivé pendant une ou trois années
la consommation, soit pour la consécutives, puis laissé en repos
consommation et la vente, soit enfin (jachère) qui se prolonge de 10 à 20
pour la vente essentiellement. ou 25 ans durant lequel la fertilité
Enfin, le secteur agricole y du sol (ferrallitique) se reconstitue
fournit ± 50 % du revenu national et par une simple reconquête de la vé-
occupe ± 70 % de la population ac- gétation. La cueillette constitue une
tive. activité de complément. Elle se fait
soit dans les zones incultes ou sur les
B. Agriculture traditionnelle arbres laissés sur le champ.
Cette agriculture s’appelle
C’est l’agriculture essentielle- "Lougan en Afrique Occidentale, La-
ment vivrière ou de subsistance. Elle dang en Indonésie, Ray au Laos, Mil-
absorbe 70 % des terres et ± 60 % de pa au Mexique, Conuco au Vénézue-
la main-d’œuvre. Quand ses prati- la, Tavy au Madagascar, etc.". Elle a
quants vivent en autarcie, cette existé en Europe Occidentale au 19e
agriculture ne subsiste plus que dans S et persiste parfois dans certaines
de rares secteurs du globe, à savoir : régions attardées d’Europe méditer-
la forêt amazonienne, la Nouvelle ranéenne (ex. sur les Monts du
Guinée et certaines régions isolées Centre et du Sud du Portugal). Les
d’Afrique Noire. Lorsque dans ce sys- implications de ce système sont
tème de production on enregistre nombreuses, à savoir :
des surplus soit accidentels ou re-
cherchés, l’agriculture de subsis-
tance intéresse la majeure partie de
l’Afrique et, à moindre titre, de
l’Asie tropicale et subtropicale et de
l’Amérique latine.
Parmi les formes représenta-
tives de cette agriculture, on dis- - un paysage rural très flou avec
tingue : ses champs de forme irrégulière ;
- le déplacement des villages
I. L’agriculture itinérante sur brû- lorsque les champs deviennent
lis éloignés à moins que l’on ait re-
Selon Gourou P., c’est l’agri- cours à un habitat temporaire,
culture caractéristique des pays tro- occupé au moment des travaux
picaux. Elle est basée sur : agricoles ;
17

- la propriété privée est inconnue champs sont disposés en auréoles


sur ces champs éphémères. Le concentriques ou non.
maître de la terre, souvent dis-
tinct du chef, en concède la a. Système à auréoles concen-
jouissance aux familles ; triques
- le rendement est modeste ne per-
mettant de nourrir que de faibles Dans ce système, le territoire
populations (soit densité infé- cultivé est disposé en auréoles
rieure à 12 habitants/Km2). concentriques. Aux champs itiné-
Cette agriculture réalise un rants à longue jachère est associé
équilibre fragile entre la nature et le une ceinture de jardins de case
groupe humain contraint à une vie cultivée en permanence par des
misérable. Sa faiblesse essentielle femmes ou des enfants et où la fer-
est son incapacité à maintenir la fer- tilité est entretenue par les détritus
tilité du sol. Le cendre produite par ménagers et le fumier du petit bé-
le feu constitue dans la plupart des tail.
cas le seul élément enrichissant qui Dans le système à trois au-
soit fourni. réoles, on distingue :
En région forestière, le feu est - le jardin de case (1) ;
utilisé après l’abattage des arbres. - une ceinture cultivée chaque
Parmi les plantes cultivées, les tu- année ou avec une jachère
bercules (ignames, taro) et racines brève (1 à 3 ans) (2) ;
(manioc) l’emportent sur les cé- - une ceinture des champs tem-
réales (maïs, riz). poraires (3).
En savane et forêt sèche, le Dans le système à 4 auréoles,
feu est l’élément primordial du dé- on distingue les 3 ceintures précé-
frichement. Les céréales (maïs, sor- dentes plus une 4e ceinture. Mais
gho, millet) dominent. chaque auréole reçoit plus de fu-
mure que l’auréole suivante et est
par conséquent laissé en jachère
moins longtemps que l’auréole sui-
vante.

II. Formes de transition vers


l’agriculture intensive Croquis no 2

Il s’agit des formes dans les-


quelles les cultures itinérantes sur
brûlis persistent mais on y réduit la
jachère par l’emploi des engrais. Les
18

b. Système à auréoles non concen- Cette agriculture intensive va


triques (ex sérères du Sénégal) de paire avec des densités de 50 à
On distingue : 60 hab./Km2. Ailleurs (Ituri), la du-
- un village composé de plusieurs rée de la jachère est réduite par des
quartiers d’enclos familiaux ; techniques culturales, à savoir : le
- une auréole centrale de champs premier labour est espacé du 2e la-
nus, fumés et cultivés en perma- bour pendant 1 à 2 semaines, per-
nence (donc auréole de culture mettant ainsi au sol de se reconsti-
de case), porte le mil, du coton, tuer grâce aux feuilles qui y pour-
du manioc ; rissent.
- trois grandes soles.
Chaque année, deux de ces III. La riziculture de l’Asie des
soles portent des cultures en rota- Moussons
tion. Il s’agit du mil, d’arachide. La
3e sole, en jachère et entourée de Dans ce système, la mise en
haie mobile, est consacrée à l’éle- valeur du sol est quasi-totale. Seuls
vage mais, après la récolte, le bétail les cordons littoraux, les buttes et
a accès aux deux autres soles. La les collines encadrant les plaines ne
fertilité du sol est entretenue par le sont pas cultivés. Parfois, on y ins-
fumier du bétail et par des arbres talle les villages et leurs jardins de
(acacias) qui parsèment les champs légumes. Partout, la plaine porte
et qui ont la particularité de resti- des rizières. Cette riziculture repose
tuer de l’azote au sol et dont les sur des techniques savantes et sur
gousses et les feuilles servent d’ali- une énorme somme de travail, à sa-
ment aux bovins. De plus, les voir :
feuilles de ces acacias, en tombant
et en pourrissant, donnent l’humus.
Enfin, ils protègent le sol
contre l’érosion éolienne. La fertili-
té du sol est aussi entretenue par la
pratique de l’assolement triennal.
- préparation des terres par les la-
bours et l’entretien des pépi-
Croquis no 3 nières ;
19

- repiquage des riz dans les champs être compté mais non tué ou vendu
préparés ; (ex. chez les Peuls, Touaregs…). Le
- maintien des niveaux des eaux qui bétail permet de payer la dot pour
doivent monter avec la croissance le mariage, l’impôt, etc. Les res-
du riz jusqu’à la maturité ; sources tirées de l’élevage (lait,
- moisson à la faucille des épis, peaux…) sont complétées par le
puis des pailles. commerce caravanier des produits
agricoles obtenus soit par le troc,
Bœufs et buffles sont utilisés soit par la domination des oasis.
pour le labour seulement. L’engrais Ce genre de vie connaît actuelle-
animal est rare car le gros bétail est ment un déclin.
rare faute de pâturage. Les pépi- Lorsqu’une partie de la population
nières reçoivent les déchets ména- accompagne les troupeaux et que les
gers et le fumier humain, tandis que habitations sont permanentes avec
les rizières ne reçoivent que de la une occupation agricole pendant une
vase draguée dans des mares et des partie de l’année, on parle du semi-
feuilles vertes enfouies. C’est un nomadisme ou de la transhumance.
système intensif qui nécessite une Nomadisme et transhumance im-
main-d’œuvre abondante. pliquent une séparation presque to-
tale de la culture et de l’élevage.
C. L’élevage Les rapports entre les agriculteurs et
les éleveurs se font par le troc des
L’élevage est en général une produits complémentaires ou par des
activité marginale, voire parfois to- accords de pacage ou de contrats
talement dissociée de la culture. d’élevage.
Pourtant, dans tous les systèmes
précédemment décrits, il permet- b. L’élevage associé aux cultures
trait de résoudre le problème de fer-
tilisation du sol dans un monde où la Dans ce cas, l’élevage est souvent
consommation d’engrais industriels une source de prestige mais secon-
est souvent insignifiante. dairement il joue un rôle dans la fu-
mure des champs. En Inde, par
a. L’élevage dissocié des cultures contre, les bovidés (1er troupeau du
monde) sont indispensables pour les
Il entraîne le nomadisme et le travaux des champs, l’irrigation, le
semi nomadisme pastoraux. Lorsque transport des charges lourdes. Ils
tout le groupe humain accompagne n’ont presque aucune utilité pour la
les troupeaux à la recherche des pâ- fumure car le fumier sert de com-
turages, on parle du nomadisme pas- bustible pour la cuisson des aliments
toral. Il est surtout développé dans étant donné la rareté de bois.
les régions désertiques ou en bor- Dans de rares régions (ex. Sé-
dure des déserts1 ou apériodiques au rères), l’élevage est cependant inté-
centre du désert où les pluies sont gré aux cultures.
irrégulières. Le rôle économique du IV. Conclusion
bétail est faible. Il est avant tout un
signe de richesse. Le troupeau doit L’agriculture de subsistance se ca-
1
(En saison sèche en bordure du désert, en saison ractérise par :
humide en plein désert).
20

La pratique de cultures com-


a. Son impuissance merciales est récente dans le Tiers-
Monde (= période coloniale) et tend
- à améliorer les techniques agri- à se généraliser même dans l’agri-
coles (engrais, outils, fin de culture traditionnelle. De plus, qu’il
cultures sur brûlis, etc.) ; s’agisse des cultures destinées à
- à produire beaucoup pour nourrir l’exportation ou des produits écoulés
une population sans cesse crois- sur le marché local, elles ne consti-
sante ; tuent pas nécessairement la raison
- à préserver les récoltes (avant le d’être de l’exploitation. Elles
passage du moissonneur, les rats peuvent souvent s’insérer dans une
détruisent 15 à 25 % des rizières polyculture vivrière traditionnelle et
en Indonésie, 87.106 $ dans les elles n’imposent pas absolument le
palmeraies) ; recours à la main-d’œuvre salariée.
- à conserver les récoltes engagées Ainsi, on distingue l’agriculture
contre les moisissures, les in- largement ouverte sur le marché (=
sectes, les rongeurs et qui sous- plantation) et l’agriculture du petit
traient une bonne part à la paysan indigène.
consommation humaine.
a. Les origines de l’agriculture
b. Son gaspillage commerciale

- du sol, incomplètement occupé, Les origines sont soit la


prématurément usé ; contrainte, soit les incitations éco-
- de l’eau avec des méthodes d’ir- nomiques ou sociologiques. Ainsi, on
rigation traditionnelle distingue :
- de la main-d’œuvre inoccupée 1. La contrainte
pendant une grande partie de
l’année. 1.1. Les cultures forcées
Historiquement, bon nombre
des cultures commerciales ont été
introduites chez les paysans de façon
autoritaire c’est-à-dire sous la pres-
sion des administrations coloniales
au cours de 14e et au début du 20e
siècle (parfois même bien antérieu-
rement).

D. Agriculture commerciale La politique suivie fut la suivante :


- imposer, par l’intermédiaire des
I. Introduction princes locaux, dominés militaire-
ment ou associés, la livraison de
21

certains tonnages des produits - Syro-Libanais en Amérique du


agricoles précis (dans le cas Sud et en Afrique Occidentale,
contraire, on est sanctionné) ; - Chinois, Indiens, Grecs en
- réserver à la puissance colonisa- Afrique Orientale.
trice le monopole d’achat et de Depuis leurs indépendances, les nou-
transport de ces produits. Cette veaux Etats ont maintenu et
politique a eu deux consé- contrôlent la traite des produits sou-
quences, à savoir : vent vitaux pour l’équilibre de leurs
 l’introduction obligatoire de échanges extérieurs.
cultures nouvelles (ex. canne à
sucre, café, indigo, tabac, 2. Les incitations socio-écono-
quinquina, thé, cacaoyer, co- miques
ton, etc.) dans les systèmes vi-
vriers traditionnels, 2.1. L’impôt et le modèle de
 la création des plantations consommation urbain
d’État par la confiscation pro-
gressive des terres appartenant Ce sont aujourd’hui les fac-
aux paysans. teurs les plus importants de dévelop-
pement des cultures commerciales.
1.2. La traite L’obligation de payer ses impôts
oblige bon nombre des paysans à
Il s’agit initialement du com- pratiquer des cultures pour la vente
merce (troc le plus souvent), réalisé à côté des cultures vivrières.
depuis le 15e siècle sur les côtes des Par ailleurs, la multiplication
pays tropicaux par des Européens se des contacts avec les genres de vie
procurant des produits très recher- urbaine, l’incitation à la consomma-
chés (épices, ivoire, gomme, etc.) tion (vélos, radios, vêtements…) de-
en échange des marchandises sou- viennent le facteur essentiel de la
vent de peu de valeurs (verroterie, monétarisation des campagnes.
tissus, alcools, armes démodées…).
Le système a évolué progressi- 2.2. Le rôle modeste des
vement vers la stabilité par la créa- marchés urbains
tion des comptoirs installés d’abord
sur les côtes, ensuite à l’intérieur le On constate souvent que dans
long des voies de communication la périphérie des villes, les agricul-
(voies d’eau, voies ferrées, routes). teurs traditionnels, dont les produc-
Ces comptoirs sont souvent tenus tions conviennent aux habitudes ali-
par des commerçants étrangers. mentaires des néo-citadins, sont for-
tement incités à intensifier leurs
méthodes et passent parfois à une
véritable polyculture commerciale.
De nouvelles activités naissent,
même sous forme d’exploitations
Ex. spécialisées (ex. le maraîchage,
- Chinois en Indochine et en In- l’élevage pour la viande, le lait,
donésie, l’aviculture, etc.). Cependant, les
grandes villes (ex. Kinshasa, Kisanga-
22

ni) sont plus stimulantes que les La nouvelle culture, qui amé-
centres locaux (faible capacité d’ab- liore l’alimentation, devient vite un
sorption, niveau des prix bas). De produit de vente (soja, arachide, ca-
plus, faute d’infrastructures de cao).
transport, de stockage, de transfor-
mation éventuellement, faute égale- c. Conséquences du passage de
ment de réseaux commerciaux orga- l’agriculture vivrière à l’agricul-
nisés, l’influence même des grandes ture de marché
villes est spatialement réduite.
Selon le FAC, ce passage constitue
b. Diversité des formes d’intégra- une étape indispensable du dévelop-
tion au secteur vivrier pement des Pays du Tiers-Monde
car, il permet :
1. Commercialisation de produits - l’élévation du niveau de vie des
de cueillette paysans ;
- la transformation des mentalités ;
C’est la forme qui demande le - l’introduction de nouvelles tech-
minimum d’effort pour le producteur niques ;
(ex. palmier elaeis qui est récolté de - l’obtention des profits qui
la forêt équatoriale). Il fournit de peuvent être investis sous di-
l’huile de palme (de la pulpe), verses formes (achat des se-
l’huile palmiste, le vin de palme qui mences sélectionnées, d’engrais,
sont commercialisés. Le paysan se de pesticides, de matériel agri-
contente de nettoyer le sol au pied cole, etc.).
des palmiers pour faciliter la ré- Cependant, les excès des
colte. Autres produits de cueillette : cultures commerciales ont des
caoutchouc… conséquences négatives, notam-
ment :
2. Commercialisation des excé-
dents 1. Des résultats inégaux : obtenus
au point de vue de la production
Lorsque l’agriculture est fon- par rapport au type de plante
dée sur une large gamme des pro- cultivée et au territoire national
ductions (manioc, maïs, bananes…), et par la méthode utilisée (ex.
elle fournit de larges excédents pour les cultures forcées…). Cer-
commercialisés, même se rien n’est taines plantes ont des productions
fait pour renouveler la fertilité des élevées, d’autres faibles. Certains
sols. Dans ces deux types d’évolu- peuples ont accepté les cultures
tion, le secteur commercial est mar- forcées, d’autres l’ont refusé jus-
ginal. qu’à la lutte, etc. Certains terri-
toires sont fertiles, d’autres ne le
sont pas.

3. Introduction de nouvelle culture

2. L’épuisement accéléré des sols


23

Pour faire face aux nouvelles La monétarisation de l’écono-


cultures, on doit augmenter la sur- mie et la pression démographique
face cultivée c’est-à-dire réduire la donnent à la terre valeur marchande
durée de la jachère. On assiste ainsi considérable. On assiste ainsi à l’ef-
à l’accélération de l’usure des sols fritement de la propriété collective
car l’usage d’engrais est très faible du sol au profit de la propriété indi-
dans le Tiers-Monde. viduelle. De même, les modes d’ex-
ploitation collectifs de terre sont en
3. Le recul des cultures vivrières recul.
Enfin, l’endettement et l’usure
La place accordée aux cultures aboutissent à la concentration des
vivrières se réduit soit par manque terres entre les mains des moyens et
d’espace, soit parce que le temps grands propriétaires qui se mettent
consacré aux cultures commerciales à résider en ville et font exploiter
fait négliger à l’agriculture les leurs domaines en "faire valoir indi-
cultures vivrières entraînant l’appa- rect" (Amérique Latine).
rition et le développement progres- Les masses paysannes se prolé-
sif de la malnutrition et de la sous- tarisent davantage, l’exode rural de-
alimentation. vient important.

4. L’endettement et l’usure II. La spécialisation exportatrice

Par l’adoption des cultures a. Introduction


commerciales, le paysan dépend des
achats des produits vivriers lors de la Lors de la mise en place des
difficile période de soudure (entre empires coloniaux, on s’est aperçu
deux récoltes). Les difficultés finan- qu’il était plus rentable de faire pro-
cières le font entrer dans le cycle in- duire certaines denrées (sucre, ta-
fernal de l’endettement et de bac, épices, caoutchouc…) dans des
l’usure. entreprises créées par les colonisa-
Le commerçant du village lui teurs que de regrouper des produc-
accorde des prêts à la consomma- tions indigènes.
tion, gagés sur la récolte à venir, à Ainsi, furent créées des planta-
des taux exorbitants (100 % en Asie tions parmi lesquelles on distingue :
du Sud-Est). - la grande plantation industrielle ;
Ces prêts sont souvent en na- - la plantation familiale indigène.
ture et les paysans devront, le mo- L’importance des plantations
ment venu, accepter de les rem- en rapport avec les superficies culti-
bourser sur leurs propres récoltes. vées est extrêmement variable d’un
pays à l’autre. D’après Gilbank G.,
le pourcentage de superficie culti-
vée couvert par les plantations se-
rait :

- supérieur à 50 % en Malaisie, Sri


5. Évolution des structures sociales Lanka (hévéa : ± 60 %), en Cote
24

d’Ivoire, au Brésil, à l’Ile Maurice Les exploitations sont de


(± 98 %) ; grande taille : les superficies sont en
- entre 25 et 40 % en Colombie, général supérieures à la centaine
Costa Rica, Pérou, Equateur ; d’hectares, voire ou millier. Ex. : En
- entre 10 et 20 % en Inde et Indo- Malaisie : 300 hectares pour une
nésie ; plantation d’hévéa ; Amérique La-
- ± 5 % au Cameroun, en Tanzanie, tine : 1.000 ha à 2.000 ha pour la
Zaïre. plantation de canne à sucre (35.000
En ce qui concerne l’impor- ha au Nordeste brésilien). N.B. : 1
tance des produits fournis par les ha = 100 ares ; 100 ares = 10.000 m2.
plantations, il s’agit de : Mais, les plantations utilisent
- les 2/3 des bananes et du café ; rarement la totalité de la surface
- la ½ du sucre (cannes des planta- dont elles posent : ex. Firestone, au
tions d’Amérique Latine) ; Liberia, a une concession de 400.000
- la quasi-totalité du caoutchouc hectares pour 99 ans. Mais elle n’a
naturel : récolté dans trois pays planté que 8.106 d’hévéas sur 35.000
d’Asie du Sud-Est (Indonésie, Ma- ha près de Monrovia. Partout, les
laisie, Java) ; surfaces non cultivées des planta-
- les 2/3 du cacao et du sisal, ré- tions sont soit laissées à l’abandon,
coltés des plantations d’Afrique soit livrées à un pâturage extensif
(Côte d’Ivoire). afin d’éviter la surproduction et de
se défendre contre la concurrence.
b. La grande plantation industrielle
3. Des paysages étrangers en mi-
Elle est caractérisée par : lieu intertropical

1. Des techniques modernes par Cela se traduit par la présence


rapport à celles de l’agriculture d’infrastructures (routes, maisons
traditionnelle hiérarchisées, écoles, magasins,
usines), d’étrangers (européens ou
On y utilise souvent des pro- autres) et des produits n’entrant pas
duits chimiques phytosanitaires (pes- directement dans les habitudes ali-
ticides) : insecticides, fongicides, mentaires ou dans la consommation
herbicides et outils modernes (trac- directe de la population mais qui
teurs parfois, houes, coupes-coupes sont versés sur le marché sitôt la ré-
de fabrication moderne). Des moni- colte faite (exportation).
teurs agricoles (ou agronomes) y en-
cadrent les travailleurs.

2. De vastes superficies 4. Une main-d’œuvre abondante


25

Les plantations utilisent sou- 1. Les conditions de création


vent une main-d’œuvre abondante
(20.000 emplois pour Firestone au 1.1. Des capitaux abondants
Liberia, 1.500 ouvriers et leurs fa-
milles dans la plantation d’hévéa de Il faut réaliser un investisse-
Dizangué au Cameroun, etc.). ment coûteux dont la rentabilisation
Cette main-d’œuvre comprend ne débutera qu’après plusieurs an-
des travailleurs permanents et des nées (7 ans pour l’hévéa) pour
temporaires pendant la récolte. l’achat des semences sélectionnées
Leurs statuts varient d’une région à et très onéreuses pour labourer,
l’autre. Ainsi, dans les plantations planter, entretenir les plantes mais
modernes, on emploi surtout des sa- aussi pour l’achat de la concession.
lariés. Au faible salaire reçu s’ajoute Ex. : un domaine sucrier avec une
le droit de travailler un lopin de usine pouvant produire 40.000 T de
terre ou de pratique des cultures in- sucre annuellement représente une
tercalaires. Mais, pour la grande mise de fond de 60.106 de F.F. dans
masse, surtout les vieilles planta- les années 1970.
tions sud-américaines, la rémunéra- Ces capitaux sont fournis par
tion est uniquement en nature. Cela de grosses sociétés étrangères qui
se fait de plusieurs façons, à savoir : s’occupent aussi de transport, de
- le droit, pour les permanents, de transformation éventuelle dans le
pratiquer des cultures vivrières pays de destination, parfois même
sur un bout de terre situé aux li- du conditionnement et de la com-
mites de la plantation ou sur ses mercialisation (ex. Firestone, Goo-
parties médiocres contre l’obliga- dyear, Nestlé, Volkswagen, Michelin,
tion de fournir 3 ou 4 jours de Dunlop, Unilever, United Fruit Com-
travail par semaine sur la planta- pany). Ces sociétés possèdent par-
tion ; fois des filiales (ex. Unilever – Uni-
- les saisonniers louent souvent un ted Africa Company).
terrain un peu plus vaste et four- L’économie des plantations est
nissent un travail gratuit au mo- extravertie.
ment de la récolte.

5. Instabilité

Les cultures sont instables pour plu-


sieurs raisons. Il s’agit de :
- troubles politiques ou sociaux ;
- fluctuation des prix sur le mar-
ché ;
- calamités naturelles.

1.2. Intervention de l’administra-


c. La création des grandes planta- tion pour les aménagements
tions lourds
26

Ex. Travaux d’irrigation par la Il se fait souvent par des mul-


construction des barrages. Dès lors, tiples pressions allant de la traite
une collaboration étroite s’établit (des Noirs) aux impôts lourds, aux
entre le pouvoir et les possesseurs contraintes physiques et au déplace-
des plantations allant jusqu’à la ment forcé de la population. Cela
confusion favorable à la fraude fis- entraîne des crises sociales multi-
cale des marchandises et au favori- formes.
tisme.
2. Évolution
1.3. Infrastructure de transport
Cette évolution passe par les stades
La production étant destinée à suivants :
l’exportation, des facilités de trans- - la plantation fut longtemps peu
port sont indispensables. La soucieuse des sols. Utilisant peu
meilleure localisation des planta- d’engrais, elle a partout provoqué
tions est donc côtière ou le long des l’appauvrissement des sols ;
voies ferrées, routières afin de - la monoculture pratiquée par la
rendre aisée l’acheminement vers plantation a quant à elle souvent
les ports des produits récoltés. Sou- entraîné la surproduction provo-
vent le pouvoir public intervient quant l’écroulement des prix sur
dans la construction de ces voies. le marché. Il s’en est suivi la suc-
(Cela renforce ce qui est dit au sous- cession d’engouements brusques
point 1.2.). pour telles cultures suivis de leurs
effondrements et remplacements
1.4. Le besoin d’espace par d’autres cultures. Ex. : Au Sri
Lanka : 17e-18e S : épices ; 19e S :
Les plantations s’installent café par les Anglais et fin 19 e S :
souvent sur des terres vides ou répu- thé ;
tées telles. Très souvent, l’adminis- - la prise de conscience par les ou-
tration distribue, à bas prix, des vriers de leur exploitation, se tra-
titres de propriété sur des terres duit souvent par des revendica-
considérées comme vacantes dé- tions et des révoltes. Par ailleurs,
pouillant en réalité les agriculteurs l’accession à l’indépendance a
indigènes d’une partie de leur do- souvent été suivie par la nationa-
maine de culture ou de leurs pâtu- lisation de certaines plantations
rages (concessions). Seuls des avec ses conséquences écono-
groupes humains nombreux ou politi- miques dont notamment la chute
quement bien structurés ont pu op- de productions. Il en est de même
poser une résistance victorieuse à des troubles politiques qui ont
ces empiètements. Cela entraîne un suivi les indépendances.
recul généralisé des cultures vi-
vrières faisant apparaître le cercle
vicieux de la famine. d. Les petites exploitations indi-
1.5. Le recrutement de la main- gènes
d’œuvre
Ces exploitations sont presque
partout juxtaposées aux grandes
27

plantations où elles s’installent sur


les sols les plus pauvres, ou sur les Beaucoup de pays du Tiers-
pentes fortes. De plus, elles dé- Monde ont entrepris des réformes
pendent souvent des grandes exploi- dans deux buts essentiels :
tations soit pour l’attribution des 1) Supprimer les injustices sociales
terres, soit pour la commercialisa- en transformant la répartition de
tion des récoltes. Ex. : Butuhe, Ma- la propriété afin de rendre la
hagi, etc. terre à ceux qui la travaillent.
2) Mettre en place l’outil capable de
e. Des systèmes de production voi- favoriser la modernisation agri-
sine cole, tant pour élever le niveau
de vie des paysans que favoriser
Certaines activités agricoles du le développement agricole.
Tiers-Monde peuvent être rappro- Cependant, la difficulté de
chées des grandes plantations. Il concilier l’objectif social et l’objec-
s’agit de : tif économique apparaît à 3 niveaux,
- la céréaliculture en Argentine à savoir :
sous la forme extensive ou inten-
sive ; 1) La récupération des terres
- les grands domaines d’élevage
des pays de la Plata ou de l’inté- Le démantèlement des grandes
rieur brésilien, notamment en propriétés sous-exploitées (ex. Lati-
Amazonie (Argentine, Uruguay, fundia) est l’un des objectifs pour-
Paraguay). suivis par toute réforme agraire. On
l’atteint par deux moyens, à savoir :
III. Bilan de l’agriculture
a. La limitation de la propriété pri-
- Au niveau de la croissance de vée
la production agricole, l’évolu-
tion est plus rapide dans le La fixation de la taille de la
Tiers-Monde que dans les pays propriété privée dépend de plusieurs
développés. Cela est dû sur- facteurs dont la nature (cultures vi-
tout aux productions destinées vrières, commerciales) et les mé-
à satisfaire les besoins des pays thodes culturales (cultures mécani-
développés. sées, manuelles…), le nombre des
- Les rendements restent encore paysans sans terre que l’on veut do-
faibles aussi bien dans l’agri- ter et enfin les rapports de force
culture que dans l’élevage. entre les aristocraties terriennes, le
Ex. : avec 58 % du troupeau pouvoir politique et les masses pay-
mondial, le Tiers-Monde ne sannes.
réalise que 29 % des abattages. Cet objectif est difficilement
- Les terres sont encore mal re- atteint à cause de :
parties à cause de la persis- - partage fictif des terres entre les
tance des structures foncières membres d’une même famille
injustes. rendant difficile l’identification
du(des) véritable(s)
IV. Réformes agraires propriétaire(s) des terres ;
28

- vente des terres à des hommes de part du lion en matière de crédit, de


paille qui serviront de couverture semences, d’engrais… Jusqu’à vi-
aux véritables propriétaires ter- der l’institution coopération de son
riens (hommes d’affaire, bour- sens.
geoisie politique…) ; Quant aux grands domaines
- imprécision de la loi à propos de créés par l’Etat (= fermes d’Etat), ils
la nature des plantes à cultiver, souffrent de la lourdeur de l’admi-
des méthodes culturales, etc. nistration centralisée (planification),
du choix et de l’efficacité des stimu-
b. Expropriation avec indemnité ou lants appliqués à la main-d’œuvre
confiscation pure et simple des (matériels idéologiques…), du
terres manque du personnel d’encadre-
ment technique et de gestion (ex.
Cette mesure est la plus utili- dans les Sovkhozes en URSS, Granja
sée lorsqu’il s’agit de récupérer les Del Pueblo au Cuba).
terres appropriées par des étrangers
(nationalisation suivie de la redistri- 3) Manque d’indispensables me-
bution). sures d’encadrement

2) La mise en place de nouvelles Pour qu’une réforme soit cou-


structures ronnée de succès, il faut des actions
suivantes : alphabétisation et forma-
La redistribution des terres tion professionnelle des paysans,
pose des problèmes plus ardus no- fourniture à bas prix de semences,
tamment à cause de : d’engrais, de matériel, mise en
place d’un système de crédit vérita-
a. L’émiettement individualiste blement accessible et éliminant
l’usure, mise à la disposition des
Le choix de la taille du lot ac- paysans des spécialistes de la vulga-
cordé à l’exploitant est délicat : risation, réalisation d’infrastructures
- trop petit, il ne suffira qu’à l’au- (irrigation, transport, commerce).
toconsommation, ne permettra ni Souvent, ces actions n’accom-
surplus commerciables, ni inves- pagnent pas les réformes agraires
tissement ; dans le Tiers-Monde. D’où leurs
- trop grand, il sera sous-exploité échecs. Ainsi, face aux difficultés de
faute des moyens techniques adé- la mise en place d’exploitations
quats. viables, certains pays du Tiers-
Monde prônent la "révolution verte".
V. La révolution verte
b. La création des coopératives ou
des grands domaines Elle consiste en l’adoption à
vaste échelle, par les pays du Tiers-
Souvent, ces coopératives re- Monde, de nouvelles variétés de cé-
groupent des personnes de différents réales (blé, riz, maïs) offrant des
rangs sociaux de sorte que les riches rendements triples ou quadruples de
parviennent facilement à y influen- ceux des variétés traditionnelles et
cer des décisions et à s’approprier la résistant à certaines maladies. Il
29

s’agit également d’un transfert de logique car, selon J.M. ALBERTINI, "il
technologie des pays développés est difficile de concevoir le passage
vers le Tiers-Monde grâce aux ac- d’une société traditionnelle à une
tions de certains centres spécialisés, société moderne sans les transfor-
en l’occurrence : mations sociales et mentales qu’en-
- Le CIMMYT de Mexico qui a mis traîne l’industrialisation". Malheu-
au point de nouvelles variétés reusement, les objectifs tant écono-
de maïs et du blé qui ont été miques que sociaux de l’industriali-
introduites dans d’autres pays sation ont été rarement atteints,
(y compris le Zaïre). malgré de bon départ dans beaucoup
- L’IRRI des Philippines qui a mis de pays du Tiers-Monde.
au point une nouvelle variété
de riz. B. Le retard industriel
Mais les progrès de ces nou-
velles cultures ont entraîné d’autres I. Un rôle faible dans l’écono-
problèmes, notamment : la dépen- mie des pays sous-développés
dance extérieure accrue pour les en-
grais, les produits phytosanitaires. Le rôle des industries dans la
De plus, ils ont renforcé des inégali- formation du P.I.B. des pays du
tés spatialement et socialement : Tiers-Monde est faible : inférieur à
- spatialement : la révolution 20 % dans beaucoup de pays (mais
verte a bénéficié aux régions supérieur ou égal à 45 % en Libye,
déjà développées du Tiers- Zambie, Arabie Saoudite, Taiwan,
Monde. Les régions marginales Hong-Kong, Corée du Sud et Chili).
n’en ont pas été touchées ; Ce rôle est également faible en
- socialement : ce sont les matière d’emploi car dans les pays
grands propriétaires qui inves- développés, les industries occupent
tissent de gros capitaux dans 30 à 45 % de la population active
de nouvelles cultures qui de- alors que seuls les pays les plus in-
viennent mécanisées. De ce dustrialisés du Tiers-Monde ont plus
fait, le chômage s’accroît de ou moins 20 % de leurs populations
sorte que "la révolution verte actives dans les industries (Hong-
enrichit les riches et appauvrit Kong, Singapour, Taiwan,… Amé-
les pauvres", selon A. BOERMA. rique Latine, Sud de l’Europe…). Les
autres pays : < 15 %.

II. Une croissance aujourd’hui


CHAPITRE II : INDUSTRIE rapide, mais en retard qui ne
se comble pas
A. Introduction
Le rythme de croissance des
L’industrialisation est considé- industries du Tiers-Monde est au-
rée par le Tiers-Monde comme la jourd’hui superieur à celui des pays
"voie royale" du développement et développés. Mais, alors que dans les
de l’indépendance économique. De pays développés ce sont les indus-
plus, on lui reconnaît un rôle socio- tries manufacturières qui pro-
30

gressent, dans les Tiers-Monde, ce 1/3 du fer, ± 90 % du cobalt, du dia-


sont les industries extractives et mant industriel…
celles de traitement des produits En général, les matières pre-
agricoles qui se développement le mières ne sont pas traitées sur place
plus rapidement. Ainsi, le Tiers- à part les opérations de concentra-
Monde joue un rôle modeste au plan tion ou de premier raffinage. Le raf-
mondial concernant les productions finage et la transformation en pro-
industrielles. duits de consommation se font dans
Le retard industriel et la spé- les usines des pays développés.
cialisation dans les industries extrac-
tives du Tiers-Monde résultent de la II. Les industries manufacturières
division internationale du travail à
l’époque coloniale. Le pacte colonial Elles sont orientées surtout
imposait aux pays colonisés l’impor- vers les biens de consommation non
tation des produits manufacturés is- durables (produits alimentaires, ves-
sus des usines européennes, quitte à timentaires, etc.) et elles ne repré-
ruiner l’artisanat local. En contre- sentent que 7 % de la production
partie, ils devraient fournir des pro- manufacturière mondiale. Elles sont
duits bruts miniers ou agricoles. Ces surtout développées en ville. Les in-
contraintes n’ont pas été éliminées dustries d’équipement (métallurgie
par les indépendances dans le Tiers- de base…) sont très peu développées
Monde. (± 4 % de la production industrielle).
Cependant, la croissance des indus-
C. Structure industrielle par tries d’équipement est actuellement
branche plus rapide que celle des industries
de consommation (surtout en Asie :
I. Les industries extractives Corée du Sud, Taiwan et Amérique
Latine : Brésil, Argentine, Mexique) .
Elles sont hypertrophiées. Hor-
mis la Chine où elles alimentent l’in-
dustrie manufacturière locale, elles
sont destinées à fournir des produits
bruts ou semis-bruts aux industries
manufacturières des pays dévelop-
pés. Leur rôle est important dans la
production industrielle : 30 % de la
production mondiale (99 % en Libye,
82,9 % au Zaïre, 97 % en Malaisie, 76 D. L’inégale industrialisation du
% en Zambie, etc.). Tiers-Monde
Ci-après quelques chiffres
illustrent l’importance des industries I. Les indices globaux
extractives du Tiers-Monde :
En effet, actuellement le En 1972, l’Amérique Latine
Tiers-Monde fournit ± 61 % du pé- concentre ± 55 % de la production
trole dans le Monde, 72 % de l’étain, manufacturière du Tiers-Monde
60 % de chrome et de l’antimoine, contre 37 % pour l’Asie et 8 % seule-
55 % de la bauxite, 40 % du cuivre, le ment pour l’Afrique. Au niveau des
31

pays, les écarts sont plus considé- turelles et de plus en plus pour les
rables car, en 1971, 4 pays ont réa- fibres artificielles et synthétiques,
lisé 55 % de la production indus- des industries mécaniques variées
trielle du Tiers-Monde : Inde, Brésil, (auto, appareils électriques, électro-
Argentine et Mexique. Avec 14 pays niques, etc.).
suivants, ils représentent ± 88 % du
total avec ± 70 % de la population du b. Les pays à structure indus-
Tiers-Monde. Ces 14 pays sont : In- trielle en cours de différencia-
donésie, Chili, Iran, Colombie, Véné- tion (Groupe B)
zuela, Pakistan, Philippines, Egypte,
Cuba, Pérou, Corée du Sud, Thaï- Les industries manufacturières
lande, Birmanie, Taiwan. des biens de consommation non du-
Conclusion : rables y représentent encore de 40 à
Si l’écart se creuse entre pays 60 % de la valeur, mais le secteur
riches et pays pauvres, il se creuse des biens d’équipement s’y déve-
aussi entre pays en voie effective loppe de plus en plus. Il s’agit de :
d’industrialisation et les Etats les Vénézuela, Pérou, Uruguay, Algérie,
plus défavorisés. Kenya, Zaïre.

II. Au niveau des branches in- c. Les pays faiblement industriali-


dustrielles sés (Groupe C)

On distingue quatre niveaux, à Les industries des biens de


savoir : consommation non durables y predo-
minent. Ex. : Maroc, Philippines,
a. Les pays semi-industrialisés etc.
(Groupe A)
d. Les pays à industrialisation à
Ils possèdent une gamme très peine ébauchée (Groupe D)
étendue d’industries où les biens
d’équipement et les biens de Les industries des biens de
consommation durable (radio, auto- consommation non durables y prédo-
mobile…) sont beaucoup produits. minent mais elles sont peu dévelop-
Elles dépassent 30 % des valeurs ma- pées. Ex. : Tanzanie, Malawi, Para-
nufacturières. Ce sont les N.P.I. guay, Sri Lanka…
(Nouveaux Pays Industrialisés ex. Co-
rée du Sud, Hong-Kong, Singapour, e. Les obstacles à l’industrialisa-
Malaisie, Taiwan, Mexique, Argen- tion
tine, certains régions de l’Inde, du
Brésil et l’Indonésie. L’industrialisation du Tiers-
Ces pays possèdent, outre une Monde se heurte aux obstacles sui-
industrie extractive importante, une vants :
industrie lourde assez bien dévelop-
pée (aciérie du Brésil, Corée du I. Le manque des capitaux
Sud…), des industries textiles puis-
santes (Inde 3e producteur mondial Les pays du Tiers-Monde dé-
de filés de coton) pour les fibres na- pendent largement des pays déve-
32

loppés pour financier la création de concrètes, un savoir-faire complexe


leurs industries. Ces capitaux sont (= instruction de montage, modes
fournis soit par des organismes inter- opératoires, méthodes d’emploi des
nationaux (FMI, BAD, Banque Mon- machines, etc.). Ce transfert de
diale, C.E.E., CAD) et accords multi- technologie représente un coût éle-
latéraux, soit par des pays dans le vé (± 9 milliards de dollars en 1980)
cadre des accords bilatéraux. Ces aux pays du Tiers-Monde.
capitaux connaissent une distribu-
tion structurelle et spatiale variable. III. L’étroitesse des marchés natio-
Selon les périodes, 45 à 47 % naux
du total vont au secteur pétrolier,
10 à 15 % vers les autres activités La misère de la grande masse
extractives, 40 % restants vers les in- de la population empêche que celle-
dustries manufacturières. Sur le plan ci accède à l’économie du marché.
spatial, l’Amérique Latine reçoit en Dès lors, seules peuvent se créer des
1967 38 % d’aide, le Moyen-Orient 7 industries de moyenne importance
%, l’Afrique ± 21 % et l’Asie ± 34 %. (alimentaires, etc.).
En général, ces capitaux étran-
gers se placent dans les industries à
forte croissance (automobiles, caou-
tchouc, textiles…) de sorte que la
grande partie des bénéfices réalisés
rentrent à l’étranger.

II. La technologie et le brain CHAPITRE III : LE COMMERCE


drain2
A. Introduction
En matière de technologie, le
recours à l’étranger est beaucoup Suscité par la demande des
plus systématique que pour le finan- matières premières agricoles et mi-
cement. Pour ce faire, les pays du nières par l’essor de la consomma-
Tiers-Monde achètent des brevets de tion dans les pays riches, par la
fabrication de connaissances baisse des coûts de transports, le
commerce international des pays du
2
Il s’agit du drainage des cerveaux ou fuite des Tiers-Monde a connu une croissance
cerveaux caractérisant l’immigration de l’élite du rapide jusqu'au milieu du 20e S. En
Tiers-Monde vers les Pays développés (EU, Cana-
da, France, Australie…) où ils bénéficient de 1950, la Chine exclue, le Tiers-
bonnes conditions matérielles de travail. Ce mou- Monde réalisait 30 % des échanges
vement aggrave le problème de l’importation de la
technologie. C’est le transfert de technologie en mondiaux en valeur.
l’envers.
33

Dès lors, la part du Tiers-


Monde ne cesse de décroître, en va-
leur, dans les exportations : elles
tombent à 25 % du total mondial en
1955, 20 % en 1965, 17 % en 1972. Le
même phénomène apparaît pour les
importations dont la part passe de
27 % en 1958 à 21 % en 1963 et 18 %
en 1972.

B. Structures des échanges du


Tiers-Monde

Ces structures sont vulnérables


et elles reflètent la division interna-
tionale du travail.
En effet, à la prépondérance
des industries extractives et celles
de traitement des produits agricoles
dans le Tiers-Monde répond l’impor-
tance des exportations des produits
énergétiques (pétrole, gaz naturel),
des matières premières minérales,
de produits alimentaires tropicaux :
café, thé, bananes.
En 1973, ¾ en valeur des ex-
portations du Tiers-Monde sont des
produits bruts, ¼ en valeur des ex-
portations du Tiers-Monde sont des
produits manufacturés. De plus, l’es-
sentiel des exportations d’un pays
repose souvent sur un ou deux pro-
duits. Ex. : en RDC, 75 % des revenus Tableau IV : Part des deux premiers
de l’exportation dépendent du produits dans des exportations des
cuivre et des autres métaux non fer- principaux pays mono ou bio-
reux. La Zambie en dépend à 95 %. producteurs des matières premières
Les recettes d’exportation du Burun- (en % des exportations) en 1983
di proviennent à 86 % du café, pour
le Rwanda, à près de 60 %. Pays 1er pro- % 2e pro- % Tot
duit duit %
dérivés 9 91
Algérie Pétrole 82
pétrole
Angola Pétrole 65 café 16 81
transac- 7 93
Burundi Café 86 tions
spéciales
Colombie Café 60 sucre 5 65
diamant, 4 93
Congo Pétrole 89
or
autres 5 89
Cuba Sucre 84
cultures
34

cuir, 12 76 Cependant, les pays dévelop-


Ethiopie Café 64
peaux
métaux 6 91 pés, à économie de marché, sont de
Gabon Pétrole 85 non fer- loin les principaux fournisseurs de
reux
alumi- 18 92
principaux clients du Tiers-Monde.
Ghana Cacao 74 Ex. : en 1960, ils lui vendaient 72 %
nium
Mali Bétail 48 coton 48 96 de ses importations (73 % en 1972)
Maurita- 11 94
nie
Fer 83 poissons et ils absorbaient 69 % de ses expor-
Niger
Ura-
83 bétail
5 88 tations (75 % en 1972). Alors que les
nium
Nigeria Pétrole 95 cacao 2 97
pays sous-développés deviennent de
Ouganda Café 97 coton 1 98 plus en plus tributaires des pays dé-
Rwanda Café 58 thé 19 77 veloppés ; ceux-ci dépendent de
Fruit et 8 85
Somalie Bétail 77
noix moins en moins en valeur du Tiers-
Tchad Bétail 61 Coton 35 96 Monde.
dérivés 30 93
Vénézue-
Pétrole 63 de pé-
Au niveau individuel, chaque
la
trole pays du Tiers-Monde possède un par-
métaux 24 72 tenaire commercial privilégié (rare-
Zaïre Cuivre 48 non fer-
reux ment deux). Près de 45 % des pays
métaux 7 94 du Tiers-Monde réalisent le 1/3 de
Zambie Cuivre 87 non fer-
reux
leur commerce avec un seul pays
Source : CNUCED, 1983 (cité par (ancienne puissance colonisatrice ou
AGCD), Le défi de l’interdépen- la grande puissance la plus proche).
dance, Ex. : Amérique Latine, surtout avec
p. 15, Bruxelles. les Etats-Unis ; Afrique avec l’Eu-
rope (R.U, France, Belgique, Italie) ;
Asie : Japon, Etats-Unis.

C. La domination des échanges


Mais dans beaucoup de pays, du Tiers-Monde
surtout dans les économies agri-
coles, on cherche à diversifier les Le Tiers-Monde occupe une po-
produits d’exportation. Comme les sition de faiblesse sur le marché
prix des matières premières sont en mondial à cause des faits suivants :
dent de scie, la balance commer- - Bon nombre des produits qu’il
ciale des pays du Tiers-Monde est vend se heurtent aux produits de
chroniquement déficitaire. Ce défi- substitution dont les prix sont en
cit s’aggrave de plus en plus. général bas et qui sont parfois
De plus, les échanges entre plus performants. Ex. : huiles tro-
pays du Tiers-Monde sont faibles. picales concurrencées par les
Ex. : en 1972, 19 % seulement des huiles tempérées produites en
échanges des pays sous-développés masse et en bon prix ; textiles na-
sont intra-régionaux alors que les turels concurrencés par le
pays développés occidentaux com- rayonne (T.A.), le nylon (T.S.), le
mercent entre eux pour plus de 78 tergal… ; caoutchouc naturel
%.
35

concurrencé par le caoutchouc - la constitution des stocks straté-


synthétique. giques dans les pays consomma-
- L’évolution de la consommation teurs.
dans les pays développés porte * du côté de l’offre par :
plus sur les biens élaborés que sur - des facteurs climatiques (séche-
les produits bruts. D’où, les dé- resses, inondations) et biolo-
bouchés des produits bruts aug- giques (criquets…) qui peuvent
mentent lentement. provoquer une raréfaction ou des
- Les progrès technologiques ont excédents perturbateurs.
réduit la quantité de matières Ces fluctuations font que, dans
premières nécessaires à la fabri- le Tiers-Monde, les pouvoirs d’achat
cation d’un produit donné. ne sont pas stables, mais ne cessent
- L’inégalité des partenaires com- de diminuer. Le terme de l’échange
merciaux entraîne la dispropor- mesure justement le pouvoir d’achat
tion de poids économique de des exportations d’un pays. Ce der-
sorte que les pays de Tiers-Monde nier se dégrade davantage à cause
se trouvent dans une situation de de :
dépendance vis-à-vis des pays dé- - la baisse régulière des prix des
veloppés. Ex. : Les A.C.P. sont les matières premières par rapport
premiers clients de la C.E.E. mais aux produits finis ;
les échanges de la C.E.E. avec les - le protectionnisme dans les pays
pays développés sont de loin plus développés freinant l’importation
importants en valeur que ceux de certains produits du Tiers-
avec les A.C.P. Monde.
- La domination commerciale en-
traîne le contrôle économique et
politique des pays du Tiers-Monde
par les pays développés.
- La grande partie des produits du
Tiers-Monde vendus aux pays dé- E. Recherche d’un rôle commer-
veloppés est transportée par ces cial équitable
derniers.
Cela s’est fait par des hausses
D. La fluctuation des prix et la dé- des prix des matières premières dans
gradation des termes de les pays du Tiers-Monde et par des
l’échange négociations sous l’égide des orga-
nismes des Nations-Unies : CNUCED
A la domination du commerce du et GATT, et par des associations ré-
Tiers-Monde par le monde développé gionales.
s’ajoute la fluctuation des prix sou-
vent brutale ç-a.d. baisses brutales I. Hausses des prix des ma-
et parfois hausses brutales. Cette tières premières
fluctuation est causée :
* du côté de la demande par : Ces hausses ont commencé par
- la conjoncture dans les pays dé- le prix du pétrole entre 1970 et
veloppés (inflation, croissance, 1973. Les pays membres de l’OPEP,
dévaluation, crise politique…) ; créée en 1960, ont réussi à fixer
36

eux-mêmes le prix de leur pétrole Ces négociations ont eu pour but :


grâce aux accords de Téhéran et de - la stabilisation des prix de cer-
Tripoli en 1971. Ces prix vont mon- tains produits de base : café, blé,
ter en flèche après la guerre de Kip- sucre, huile d’olive, cacao ;
pour entre Israël et l’Egypte. Il y a - la répartition des quotas d’ex-
eu ensuite d’autres organisations des portation pour éviter la surcapa-
producteurs de pétrole : APPA (Asso- cité de l’offre de certains pro-
ciation des Pays Producteurs Afri- duits (sucre, café, étain) ;
cains) et des hausses contagieuses - la fin du protectionnisme.
des ressources minières et agricoles,
à savoir : III. Les associations régionales
- le cuivre : par les pays membres
du CIPEC (Conseil International Elles ont pour but l’intensifica-
des Pays Exportateurs du Cuivre) : tion des échanges qui doivent consti-
Chili, Pérou, Zaïre, Zambie, en tuer l’un des moteurs de l’industria-
1974 ; lisation. Il s’agit de : - Amérique La-
- le poivre : Communauté du poivre tine : ACALE (Association Centr’Amé-
(Inde, Indonésie, Malaisie, Sri ricaine de Libre échange) ; SELA
Lanka 1971) ; (Système Economique Latino-Améri-
- la banane : Union des pays expor- cain) ; - Asie : ANASE (Assicuatuib
tateurs de bananes (Colombie, des Nations de l’Asie du Sud-Est) ; -
Costa Rica, Guatemala, Honduras, Afrique : CEPGL, UDEAC, CEDEAO,
Sierra Leone 1974) ; OMVS, Association NDUGU, SADEC,
- la bauxite (Australie, Jamaïque, UA, UEEAC.
Guinée, Guyane britannique, Suri-
nam, Yougoslavie, Sierra Leone
1974). CHAPITRE IV : PROBLEMES DES CA-
Mais ces hausses ont souvent PITAUX
créé le phénomène de boome-rang
sur les prix des produits finis. A. Introduction

II. Négociations Pour que la croissance écono-


mique se produise, il faut investir.
Elles sont initiées par les organismes Et pour investir, il faut avoir du ca-
suivants : pital. Or, dans les pays du Tiers-
- CNUCED (Conférence des Nations Monde, les mécanismes de formation
Unies pour le Commerce et le Dé- du capital se heurtent à deux obs-
veloppement à Genève) ; tacles qui rendent difficile
- GATT (Accord Général sur le Tarif l’épargne. Il s’agit de :
douanier et le commerce) ; - l’étroitesse des ressources fi-
- OMC (Organisation Mondiale du nancières et
Commerce) ; - l’instabilité monétaire.
- Le NOPEP (Pays producteurs non
membres de l’OPEP (CEI, Chine, B. L’étroitesse des ressources fi-
Producteurs de la Mer du Nord, nancières
Pays en développement).
37

Les pays du Tiers-Monde mentation de la production ni l’aug-


manquent de capitaux nationaux à mentation du pouvoir d’achat.
cause notamment des faits suivants : L’inflation est causée par des
I. Le rythme d’accroissement dé- facteurs externes et internes au
mographique exige que les 2/3 Tiers-Monde :
de leurs investissements soient
consacrés aux seuls besoins de I. Facteurs externes
l’excédent de leurs populations.
Or, cette proportion n’atteint Il s’agit d’une succession d’ex-
pas 25 % dans les pays industria- cédents et de déficits de la balance
lisés. commerciale à cause de fluctuation
II. L’épargne intérieure est insigni- des prix des matières premières,
fiante à cause du bas revenu de principaux produits d’exportation
la population ; donc de son pou- des pays du Tiers-Monde, alors que
voir d’achat très bas, de sorte les prix des produits finis sont plus
qu’elle consomme tout son reve- stables.
nu. - En haute conjoncture, l’accroisse-
III. La mauvaise utilisation de ment du volume d’emploi en-
l’épargne disponible et des capi- traîne l’augmentation de la pro-
taux reçus par la politique de pension à consommer ; donc l’ac-
prestige (constructions…), la croissement des importations et
surconsommation (importations des dépenses de l’Etat ;
des produits non indispensables) - En basse conjoncture, vu le défi-
et les dépenses de luxe (c’est cit, pour faire face aux dépenses
l’effet de démonstration qui est élevées de l’Etat, on fabrique du
le désir de vivre comme les papier-monnaie.
riches alors qu’on est pauvre). II. Facteurs internes ou institu-
IV. La fuite des capitaux à l’étran- tionnels
ger par les placements des
avoirs des nationaux nantis (res- Ils s’expliquent par l’effet de
ponsables politiques, chefs d’en- démonstration déjà évoqué. Le souci
treprises, intellectuels influents) de prestige, les dépenses de souve-
dans des banques, des sociétés raineté (armée, diplomatie…), les
étrangères voire dans des biens pressions sociales obligent les pays
immeubles. du Tiers-Monde à financer les défi-
cits budgétaires par l’émission de
C. L’instabilité monétaire papier-monnaie. Il en est de même
de la structure même des dépenses
La plupart des pays du Tiers- de l’Etat dont la plupart ont un ca-
Monde sont confrontés à de graves ractère improductif. Ex. : ± 50 % des
problèmes d’inflation (1000 % au dépenses alors que dans les pays dé-
Brésil). Celle-ci résulte d’un excé- veloppés, cette proportion est infé-
dent de la demande sur l’offre des rieure à 15 %, dépenses pour les
biens et des services et elle se pro- postes politiques, etc.
duit le plus souvent lorsque les L’inflation devenant galopante
quantités de monnaie dont disposent dans beaucoup de pays du Tiers-
les acheteurs s’accroissent sans aug- Monde, la demande de consomma-
38

tion des acheteurs augmente, la pro- dans les pays receveurs et elle per-
duction intérieure n’augmente pas met de contrôler leur politique.
(ou augmente faiblement), les im-
portations sont limitées par manque II. Des apports privés des capi-
de devises. Les prix montent aussi taux
bien pour les produits locaux que
pour les produits d’exportation en- Ils comprennent les investisse-
traînant une baisse d’exportation, ments directs par la création ou
donc un manque accru de devise. l’extension d’une entreprise (fi-
Dès lors, les pays du Tiers- liales) et les investissements de por-
Monde procèdent à la dévaluation de tefeuille (ex. des placements d’ac-
leurs monnaies. Cette opération a tions).
deux buts : Les volumes comparés de cha-
- limiter les importations qui de- cune de ces rubriques varient dans
viennent très chères ; le temps, dans l’espace et selon des
- augmenter les exportations qui secteurs.
deviennent moins chères ; par Avant la 2e guerre mondiale,
conséquent, avoir plus de devises l’aide privée était plus importante
et régulariser sa balance de paie- que l’aide publique. Elles ont dimi-
ment. Mais souvent, cette déva- nué à cause de l’absence de garantie
luation entraîne des effets per- du capital privé, de l’instabilité poli-
vers dont les conséquences sont tique et économique dans le Tiers-
néfastes sur l’économie. Monde. Mais, depuis 1965, la part
d’aide privée augmente de sorte
D. Volume et composition des qu’actuellement, la moitié des flux
apports financiers au Tiers- nets des capitaux vers le Tiers-
Monde Monde est privée (surtout étasu-
niens).
Le C.A.D., créé en 1961 par Par ailleurs, depuis 1960,
l’OCDE, assure à lui seul ± 90 % des l’aide s’est dirigée surtout vers le
ressources mises à la disposition du secteur minier et en particulier le
Tiers-Monde. Celles-ci com- pétrole.
prennent : Au niveau spatial, les Etats-
Unis accordent surtout l’aide privée,
I. L’aide publique les pays scandinaves et le Canada
surtout l’aide publique. Il en est de
Elle est constituée de fonds même pour les pays européens : la
fournis par les Etats sous forme de France et le R.U notamment.
dons, de prêts à des taux nettement Cependant, si les Etats-Unis
favorables (faibles), des crédits à dominent largement le marché mon-
l’exportation. Et elle utilise deux ca- dial d’aide avec ± 62 % des apports,
naux principaux : les accords bilaté- ils n’adressent que 31 % de ce total
raux : d’Etat à Etat et les accords vers le Tiers-Monde alors que
multilatéraux : par l’intermédiaire d’autres pays lui réservent une place
des organismes internationaux spé- nettement plus importante (Japon :
cialisés (ONU, FED, Banque Mon- 60 %, France : 52 %, R.U : 39 %).
diale). Elle est liée à la politique
39

Par ailleurs, s’agissant des pays - Ceux qui sont ou étaient mena-
receveurs, 8 pays à eux seuls (Inde, cés par le communisme : Corée
Pakistan, Indonésie, Corée du Sud, du Sud, Taiwan, Zaïre, etc.
Iran, Turquie, Brésil et Mexique) mo- L’aide y est surtout militaire
nopolisent la moitié de l’aide totale (fournitures militaires, usines
au Tiers-Monde et, en 1968, les du matériel militaire). La part
parts respectives des différents consacrée au développement
continents étaient comme suit : est modeste (± 15 %).
Amérique Latine : 35,5 %, Afrique : - Les pays dits modérés où on
23 %, Asie-Océanie : 20 %, Moyen- vend les surplus des Etats-Unis
Orient : 13 %. (produits finis, usines de mon-
tage, etc. (Zaïre, Nigeria…).
E. Objectifs poursuivis par les - Les pays qui souffrent des cala-
pays aideurs mités naturelles (ex. Sahel).
L’aide y sert de propagande.
I. Au niveau d’ensemble - Pays considérés comme enga-
gés sur la voie de la démocrati-
Mettre une partie des richesses sation (Zaïre, Nigeria…) .
des pays développés à la disposition - Pays utilisés pour faciliter la
du Tiers-Monde. politique étasunienne dans le
Selon les Nations-Unies, les monde (Ouganda, Rwanda…).
pays développés doivent consacrer b. L’aide soviétique
0,70 % de leur PNB comme aide au
Tiers-Monde. Cet objectif n’est que
partiellement atteint car la plupart
des pays du C.A.D. ne consacrent Elle était en général faible et
que de 0,24 à 0,59 % de leurs PNB la priorité était accordée aux indus-
comme aide au développement (ex. tries lourdes, à l’armée, à la poli-
0,33 % pour la C.E.E.). Seuls, la tique dans des pays anciennement
France, les Pays-Bas et le Portugal socialistes ou susceptibles de bascu-
ont une contribution supérieure au ler dans l’action bloc socialiste. Ac-
seuil fixé par l’ONU, mais une tuellement, l’aide russe est faible
grande partie de leurs aides va vers étant confrontée aux nombreux pro-
les territoires d’outre-mer ou vers blèmes à résoudre…
les anciennes colonies. Par contre, c. L’aide britannique
cette aide est supérieure à 0,70 % Surtout vers les pays anglo-
pour les pays scandinaves. phones (Commonwealth) liés à la dé-
mocratisation du système politique.
II. Au niveau des pays De plus en plus, la Grande-Bretagne
s’aligne sur la politique américaine
a. L’aide étasunienne en matière d’aide.
Elle avait et a pour tâche es- d. L’aide française
sentielle de faire reculer voire dispa- Surtout vers les pays franco-
raître le communisme. De plus, elle phones (Francophonie), c’est-à-dire
cherche à favoriser les exportations les anciennes colonies françaises, le
étasuniennes. Ainsi, les pays bénéfi- Zaïre et les TOM français. Elle est
ciaires de cette aide sont : liée à la démocratisation du déve-
40

loppement politique ; il en est de Autarcie : Etat d’un pays qui


même de la Belgique. tire de lui-même ses res-
sources économiques.
F. L’émergence des nouveaux AGCD: Administration Générale
riches de la Coopération au Dévelop-
pement (siège à Bruxelles).
Certains pays nouvellement en- BAD : Banque Africaine (Arabe)
richis par le pétrodollar sont deve- de Développement.
nus des nouveaux aideurs : il s’agit Balance commerciale : Différence
de l’Arabie Saoudite : 1er pays dona- entre le montant des marchan-
teur au monde (4,49 % en 1979), de dises exportées et le montant des
la Libye, de l’Iran, du Koweït et des marchandises importées. Elle est
Emirats Arabes. Mais 70 à 80 % de dite créditrice quand le montant
leurs aides vont vers les pays voisins des exportations est supérieur à
arabes (Egypte, Jordanie, Syrie, pays celui des importations, et défici-
du Golfe, le Maghreb…). De plus en taire dans le cas inverse.
plus, elles vont vers l’Afrique Noire
grâce à la BAD et vers le Pakistan,
l’Inde, le Brésil et l’Argentine.

Balance des paiements : document


G. Conséquence de l’afflux des comptable fournissant le relevé
capitaux étrangers de toutes les transactions éco-
nomiques réalisées pendant une
Ces conséquences sont l’aggra- période donnée (une année)
vation des dettes du Tiers-Monde et entre un pays et l’étranger. Elle
le transfert des capitaux vers les comprend la balance commer-
pays développés entraînant de nou- ciale, le solde des échanges fi-
velles aides pour couvrir le service nanciers et la balance touris-
des emprunts précédents. Les pays tique. Elle reflète généralement
du Tiers-Monde connaissent ainsi le niveau de développement
l’impasse financière ouvrant la porte d’une économie et la structure
à un véritable suicide monétaire qui de ses activités.
leur enlève tout indépendance éco- CAD: Comité d’Aide au Développe-
nomique : "les riches deviennent de ment regroupant les pays déve-
plus en plus riches, les pauvres s’ap- loppés occidentaux.
pauvrissent davantage". CEE : Communauté Economique Eu-
ropéenne (Marché Commun).
LEXIQUE FAD: Food and Agricultural Organi-
zation (Organisation des Nations
A.C.P. : Association des Pays Unies pour l’alimentation et
d’Afrique, de Caraïbe et de Pa- l’agriculture). Son siège : Rome.
cifique liés au Marché Commun Faire valoir indirect : régime juri-
par des conventions de LOME. dique d’une exploitation dans
41

laquelle le propriétaire nomme Troc : Echange d’un objet


quelqu’un d’autre comme chef contre un ou plusieurs objets.
d’exploitation. Revenu National : Ensemble des
FED : Fond Européen de Développe- biens et des services écono-
ment, service de la CEE, chargé miques obtenus par une écono-
d’administrer les fonds de l’aide mie nationale pendant une an-
multilatérale des pays membres née.
du Marché Commun.
FMI : Fonds Monétaire International N.B. : Revenu National par Habi-
(siège à Washington). Son but tant : Revenu national divisé par le
est de favoriser la stabilité des nombre d’habitants.
échanges internationaux et
d’éliminer les restrictions en Usure :
matière de devises étrangères. - Prêt consenti moyennant un inté-
OCDE: Organisation Européenne rêt exagéré.
de Coopération et de Dévelop- - Détérioration du relief (sol) suite
pement Économique (siège à Pa- au travail de l’érosion (de
ris). Autrefois OECI (1948), son l’homme).
objectif est d’harmoniser les po-
litiques économiques nationales
et les politiques d’aide au déve-
loppement de ses pays
membres.
ONU : Organisation des Nations
Unies (siège : New York).
OPEP: Organisation des Pays Ex-
portateurs du Pétrole (OPAEP :
Organisation des Pays Arabes Ex-
portateurs du Pétrole).
PIB : Produit Intérieur Brut : valeur
des biens et des services obte-
nus sur le territoire national par
l’activité économique d’une an-
née.
N.B. : PNB (Produit National Brut) :
valeur des biens et des services ob-
tenus sur le territoire national, plus
rentrées nettes des revenus en pro-
venance de l’étranger.

Population active : ensemble des


personnes ayant un emploi ou en
chômage et dont la principale
source de revenus est le travail
ou l’indemnité de chômage.
TOM : Territoire d’Outre-Mer
(Français).

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