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LES REVOLUTIONS INDUSTRIELLES

Ensemble des phénomènes qui ont accompagné, à partir du XVIIIe siècle, la transformation du


monde moderne grâce au développement du capitalisme, des techniques de production et des
moyens de communication.
Cette période, dite aussi « décollage » ou « take off », est caractérisée par le caractère
progressif de l'industrialisation, par l'enracinement du phénomène dans des structures
agraires et par l'existence d'une phase précédant l'industrialisation proprement dite, la «  proto-
industrialisation ».

1. LA PREMIÈRE RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

1.1. LA PROTO-INDUSTRIALISATION
Le XVIIIe siècle est favorable aux productions rurales, grâce à l'expansion des marchés et à
l'effritement des privilèges qui jusque-là protégeaient les corporations urbaines. Il existe
plusieurs types de répartition des tâches et des responsabilités entre ville et campagne (la ville
se chargeant toujours de la finition des vêtements et disposant de la maîtrise des capitaux) :
elles sont soit nettement rassemblées sous la tutelle urbaine (système des « marchands-
fabricants »), soit organisées triangulairement (entre marchands des villes, maîtres tisserands
des bourgs et familles paysannes travaillant à domicile).
Ces « nébuleuses » proto-industrielles existent un peu partout en Europe et travaillent
chacune pour un marché précis : le lin des Flandres et de la Bretagne du Nord pour les
Caraïbes et l'Amérique du Sud, la laine languedocienne pour les pays méditerranéens. Le
système a d'ailleurs continué de prospérer au XIXe siècle, comme le montrent, côté français, la
ruralisation des activités de la soierie lyonnaise à partir de 1820-1830 et le maintien de
dizaines de milliers d'ouvrières à domicile dans les campagnes du Calvados (dentellerie), de
la région de Saint-Étienne (bonneterie), ou du Nord (filature du lin) jusque vers 1900.

1.2. LES FACTEURS DÉTERMINANTS


L'industrialisation est le résultat d'une interaction entre différents facteurs : la croissance
démographique de l'Europe à partir du XVIIIe siècle, les progrès de l'agriculture grâce à la
généralisation des cultures fourragères, qui permettent d'éviter la jachère, l'amélioration des
voies de communication (canaux, routes), la levée des contraintes s'opposant à la
mécanisation de la production ainsi qu'à la création d'un marché national et, plus encore, les
progrès techniques, à l'origine de cette mécanisation. Le développement du machinisme
suppose, d'autre part, l'accumulation de capitaux, liée à l'essor des institutions de crédit et à la
circulation de la monnaie.
Ces transformations sont elles-mêmes liées au développement du rôle de l'État, qui préserve
la liberté d'entreprendre et garantit la monnaie.

1.3. LES PROGRÈS TECHNIQUES

INDUSTRIE TEXTILE
Dès la fin du XVIIIe siècle, en Grande-Bretagne, diverses inventions permettent la mécanisation
de la filature, puis du tissage, principalement du coton. C’est ainsi que, dans l'industrie textile,
l'innovation est partie du tissage (avec la « navette volante » mise au point par John Kay vers
1730 et diffusée autour de 1760, améliorant beaucoup la productivité), puis est remontée vers
la filature. La spinning-jenny et le water-frame mis au point en 1767-1768, et surtout la mule-
jenny de Samuel Crompton, introduite en 1779, permettent d'obtenir un fil de coton à la fois fin
et résistant avec une productivité bien supérieure à celle du rouet.
Ce rétablissement de l'équilibre entre le filage et le tissage ouvre la voie, en Angleterre, à une
rationalisation accélérée des méthodes de production. Il s'ensuit une chute des salaires des
tisserands, une prolétarisation et une féminisation de la main-d'œuvre, une transition vers

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l'usine, et surtout une mécanisation – qui s'impose entre la fin des guerres napoléoniennes et
1850, alors que le métier à tisser mécanique d'Edmund Cartwright était au point depuis 1780.
L'événement essentiel consiste en l'utilisation de la vapeur, via la machine mise au point
par Watt entre 1765 et 1785, qui contribue à accroître la concentration, dans la manufacture,
autour de la source d'énergie (→ machine à vapeur).

ESSOR DE LA MÉTALLURGIE
La métallurgie prend son essor avec la découverte du procédé de la fonte au coke, qui évite
de recourir au charbon, devenu rare. En fait, la fonte au coke a fait son apparition en
Angleterre entre 1705 et 1720, à la suite des trouvailles de la famille Darby, mais un siècle
entier s'est écoulé avant que disparaissent complètement les fourneaux au charbon de bois, et
l'extraction de minerai n'a décollé vraiment que dans les années 1780 (2,5 Mt à la fin
du XVIIe siècle, 5 Mt en 1750, 10 Mt en 1800, et plus de 50 Mt en 1850).
Plusieurs autres perfectionnements seront nécessaires (technique du laminoir, machine à
aléser en 1775, tour à fileter, puddlage, c'est-à-dire passage de la fonte à l'acier par
décarburation, en 1784) pour que la fonte et le fer atteignent des qualités de solidité et de
résistance suffisantes pour permettre leur emploi dans les ouvrages d'art (premier pont édifié
en 1779, sur la rivière Severn) et la construction navale (premier navire construit par
Wilkinson, en 1787).
Locomotive à vapeur
Source d'énergie capable de mettre en mouvement les machines, la vapeur est à l'origine,
dans la première moitié du XIXe siècle, de l'essor de la production de charbon. L'apparition de
la locomotive, mise au point par Stephenson en 1815, entraîne la construction de vastes
réseaux de chemin de fer, dont les premières lignes apparaissent dans les années 1830.

L'équipement ferroviaire des territoires, encouragé et partiellement financé par l'État dans le
cas français, augmenta incontestablement la vitesse de la diffusion technologique,
homogénéisant les espaces (ainsi la grande région industrielle Belgique-France du Nord-
Rhénanie) et les systèmes productifs, et contribuant, dans le cas des États-Unis (lignes
transcontinentales achevées entre 1869 et 1883), à la conquête du territoire. Il est permis de
voir dans l'ère des chemins de fer une relance, ou une seconde phase, de l'industrialisation ;
ils ont joué, beaucoup plus nettement que le coton auparavant, le rôle d'un «  secteur moteur »,
exerçant un effet d'entraînement sur les autres. Leur demande fit franchir un palier décisif à
la sidérurgie (pour la quantité et pour la qualité), à la construction de machines, à l'industrie
du bois. Les compagnies ferroviaires mirent en outre en place un système original
d'organisation/division du travail entre services, hiérarchisé et spécialisé, qui peut être
considéré comme l'ancêtre du système managerial du XXe siècle.

1.4. UNE INDUSTRIALISATION INÉGALE

GRANDE-BRETAGNE, FRANCE, ALLEMAGNE


L'industrialisation a été marquée par des phases d'expansion, interrompues par des crises
économiques, et n'a pas touché tous les pays à la même époque. La Grande-Bretagne
connaît ainsi un démarrage précoce au XVIIIe siècle, qui lui permet de devancer très largement,
jusque dans le dernier quart du XIXe siècle, les autres nations industrialisées.
Les grandes usines de France
En France, la grande période d'industrialisation correspond à la monarchie de Juillet et
au second Empire.
En Allemagne, l'essor industriel date principalement de la seconde moitié du XIXe siècle, ainsi
qu'en Autriche-Hongrie, où le développement économique reste cependant limité à certaines
régions (Bohême). À la fin du du XIXe siècle, l'Allemagne se retrouve en avance sur les pays
rivaux pour l'intensité des liens tissés entre banques et entreprises industrielles et la précocité
de l'introduction des innovations techniques dans la chimie et l'électricité.

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BELGIQUE, SUISSE
Les petits pays européens ont une trajectoire plus originale encore. En Belgique, un pays qui
dispose de ressources minières importantes et d'un bon équipement proto-industriel (travail du
lin partout en Flandre au XVIIIe siècle), l'élargissement des débouchés consécutif à l'intégration
dans l'Empire français et la disparition de la concurrence anglaise du fait du  Blocus
continental stimulent le textile dans les bassins de Gand et de Verviers, et accélèrent sa
mécanisation. En contrepartie, l'industrie belge connaît de graves crises de réadaptation après
1815, et encore après l'indépendance (1830). Mais l'impulsion est alors déjà passée aux
mines et à la sidérurgie, intégrées dans de grosses entreprises, comme Cockerill, et qui
consolident leur rôle de secteur moteur avec le boom du réseau ferré, à partir de 1840.
La Suisse démontre la même précocité, profitant de sa position géographique de carrefour en
Europe, de sa puissance financière (place de Genève, réseaux bancaires protestants) et de
son tissu proto-industriel (coton, rubanerie, horlogerie) : elle exploite au maximum ses
ressources hydrauliques, et la mécanisation y est une réponse au défi concurrentiel anglais
dans les années 1820-1840. Elle sait aussi développer une spécialisation poussée dans les
domaines où elle a une supériorité technologique ou des savoir-faire très éprouvés
(horlogerie, broderie, indiennerie), travaillant pour des marchés étrangers (orientaux ou
américains) bien ciblés.
L'Europe méditerranéenne et orientale ne connaît quant à elle qu'une industrialisation
marginale.

ÉTATS-UNIS
En dehors de l'Europe, seuls les États-Unis sont touchés, dans la seconde moitié
du XIXe siècle, par la première révolution industrielle. Celle-ci y franchit très tôt des étapes
déterminantes, l'immigration britannique ayant transféré en Nouvelle-Angleterre la technologie
de l'industrie textile dès les années 1800-1820. Fortement capitalistique, utilisant aussi bien
les ressources hydrauliques que la vapeur, l'industrie du coton est « dopée » par l'expansion
rapide du marché intérieur et la demande de la Frontière. Les besoins de l'agriculture
expliquent également les performances élevées rapidement atteintes par l'industrie de la
machine-outil. Après le ralentissement consécutif à la guerre de Sécession, la protection
douanière et surtout l'arrivée massive d'immigrants européens relancent le dynamisme du
pays, qui se retrouve au tout premier rang mondial dans la vague de changements techniques
de la fin du siècle.

1.5. LES CONSÉQUENCES DE L'ESSOR INDUSTRIEL


Cette première révolution se traduit par un formidable essor de la production industrielle et des
usines – supplantant les ateliers domestiques isolés –, par le développement des échanges
commerciaux, par l'expansion d'un capitalisme commercial et financier et par la concentration
des activités industrielles, notamment près des gisements de matières premières.
En effet, les entrepreneurs sont amenés, pour satisfaire la croissance de la demande et
garantir une qualité plus uniforme, à opter pour un système de production plus concentré. Cela
peut aboutir à une prolétarisation « sur place », les proto-ouvriers glissant vers l'activité
professionnelle unique tout en conservant leur résidence villageoise et un jardin potager : de
nombreux bourgs de tisserands de la laine, en Flandre française ou belge, sont ainsi
entièrement professionnalisés dès le milieu du XVIIIe siècle.

NAISSANCE DU PROLÉTARIAT
À ces transformations économiques s'ajoutent des bouleversements sociaux, tels que
l'accroissement considérable de la population urbaine, alimentée par l'exode rural. En effet, la
population pauvre des campagnes, sans alternative, émigre vers les régions industrielles.
Cette masse importante de main-d'œuvre est marquée par le déracinement et la perte des
solidarités de type traditionnel. Subissant des conditions de travail très rudes – qui ne
s'améliorent que très progressivement au cours du siècle –, elle contribue à la formation d'un
prolétariat ouvrier, ou « classe ouvrière ».
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2. LA DEUXIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
La deuxième révolution industrielle repose sur l'utilisation de nouvelles sources d'énergie :
l'électricité (dont l'usage commence à se répandre dans les années 1880), le gaz et le pétrole
(dont l'utilisation est rendue possible par la mise au point du moteur à explosion à la fin
du XIXe siècle).
L'acier l'emporte sur le fer, tandis que se développe la chimie de synthèse, productrice de
colorants, de textiles artificiels et d'engrais. De nouvelles inventions transforment la vie
quotidienne (→ bicyclette, téléphone, lampe à incandescence d'Edison). Puis l'automobile et
l'avion révolutionnent les moyens de transport au début du XXe siècle.
Cette deuxième révolution industrielle est marquée par la concentration des entreprises et par
l'accroissement du rôle joué par la recherche et les capitaux. Elle coïncide également avec
l'impérialisme colonial. Parallèlement, cette période correspond à la confirmation de la
« grande usine » comme modèle d'organisation productive, à l'approfondissement de la
division du travail et au tournant taylorien des sociétés occidentales aux alentours de
la Première Guerre mondiale.

2.1. LA « FÉE ÉLECTRICITÉ »


L'électricité, au terme d'un long processus de découvertes scientifiques (pile de Volta en
1800, lois d'Ampère et de Faraday dans les années 1820) et d'inventions d'autodidactes
(dynamo de Gramme, 1871; lampe d'Edison, 1879), devient la base d'un nouveau système
technique affectant aussi bien la vie quotidienne que les données du travail industriel. Les
premiers réseaux d'éclairage public (à partir de 1880 aux États-Unis) et de distribution font de
la « fée électricité » le symbole de toute une époque, célébré par les expositions universelles
de la fin du siècle.
Les retombées industrielles de l'électricité se révèlent plus importantes encore, après que sont
résolus les problèmes de transport du courant (mise au point du transformateur vers 1890 ;
premières lignes à haute tension en 1908) : le lien entre gisements énergétiques et
localisations industrielles se distend définitivement.
L'innovation clé est le moteur électrique, mis au point vers 1880 : commode et réversible
(c'est-à-dire capable de produire de l'énergie mécanique à partir d'une alimentation électrique,
et inversement), il ouvre la possibilité d'une alimentation individuelle de chaque machine en
fonction dans une usine, là où tout était relié, auparavant, à la machine à vapeur centrale par
un système de transmission complexe (engrenages, poulies, courroies) et coûteux (pertes par
frottements).

Outre les économies de matériel et le gain en sécurité, l'électricité donne une liberté nouvelle
pour rationaliser l'organisation spatiale des usines de façon strictement conforme à la
succession des étapes de la fabrication. Autrement dit, la taylorisation du travail et les
chaînes de montage – apparues en Amérique dès les années 1910 – sont en grande partie
filles de l'électricité.
Cette vague d'innovations est financée, la plupart du temps, par l'initiative privée, de grandes
firmes allemandes et américaines, comme Siemens ou Westinghouse, exploitant à leur profit
une intense compétition entre les inventeurs, et aussi, de plus en plus, entre des équipes de
chercheurs mobilisés sur des objectifs précis. Elle est étroitement liée, via les transports
urbains (tramways adoptés un peu partout dans les années 1890) et l'éclairage, au
mouvement d'urbanisation et à la demande qu'il entretient, particulièrement en Amérique du
Nord. On a donc bien affaire à la fondation d'un système technique global, à propos de quoi il
convient de souligner les décalages nationaux – la France, par exemple, fait preuve d'un
certain retard, l'électrification des campagnes et les grands programmes de barrages datant
seulement des années 1920 et 1930.
Pour en savoir plus, voir l'article électricité.

2.2. LE PÉTROLE

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Le pétrole, avant de provoquer une véritable révolution des transports, est d'abord raffiné (vers
le milieu du XIXe siècle aux États-Unis) pour l'huile d'éclairage, puis pour ses autres dérivés
(goudrons, solvants, essence). À une phase où l'extraction est extrêmement dispersée
succède, à la fin du siècle, une intégration en amont au profit des grandes entreprises de
raffinage, telle la Standard Oil of New Jersey. Au tournant du XXe siècle, ces sociétés ont la
surface financière suffisante pour lancer les premières campagnes de prospection au Moyen-
Orient, qui vont contribuer à la première internationalisation de l'économie pétrolière.
Pour en savoir plus, voir l'article pétrole.

2.3. LA SIDÉRURGIE
La dynamique de l'innovation, dans le dernier quart du XIXe s.siècle, touche d'abord les
anciens secteurs et en premier lieu la sidérurgie, à la fin des années 1870
(convertisseur Bessemer, accélérant la décarburation de la fonte, qui remplace peu à peu le
puddlage ; procédé Thomas-Gilchrist de déphosphorisation du fer) ; le résultat le plus sensible
est la diminution considérable du prix de revient des aciers (de 100 à 12 dollars la tonne
chez Carnegie, de 1870 à 1900), tandis que les progrès de la métallographie engagent la
sidérurgie dans l'ère des alliages (au tungstène ou au chrome, expérimentés dès les années
1860) et des aciers spéciaux, grâce aux applications de l'électricité (fours à arc, électrolyse).
Bref, tout concourt à alimenter une demande à la fois plus abondante et plus variée à mesure
que s'élargissent les débouchés de la métallurgie : bâtiment, avec l'essor de la construction en
hauteur aux États-Unis (premiers gratte-ciel à infrastructure métallique à partir de 1890),
construction navale (la marine à vapeur prend définitivement le pas sur les clippers – déjà
construits en grande partie en fer – au milieu des années 1880), bientôt automobile (années
1900) et aéronautique (pendant et après la guerre de 1914-1918).

2.4. LA CHIMIE
Les domaines d'application de cette industrie s'étendent démesurément dans le dernier quart
du XIXe siècle, avant même qu'elle n'entre dans l'ère du pétrole. La mise au point de procédés
nouveaux multiplie les capacités de production de la chimie de base (acides sulfurique et
nitrique, soude Solvay, ammoniac) et ses débouchés possibles : engrais azotés, explosifs
(avec un boom décisif en 1914-1918), consommations intermédiaires industrielles, etc.
Cependant, la chimie organique s'affirme comme une branche de première importance : les
colorants dérivés du benzène sont mis au point expérimentalement vers 1850-1860 ; des
firmes comme BASF lancent ensuite de grands programmes de recherches sur les couleurs
de synthèse (notamment la couleur indigo, mise sur le marché en 1897) et, mettant fin à la
dépendance du secteur textile par rapport aux plantes tinctoriales, s'ouvrent d'immenses
débouchés. Les matières plastiques connaissent un premier développement – surtout comme
substituts à des matériaux en situation de pénurie – avant de trouver leur usage propre (ainsi
le Celluloïd, inventé en 1870, avec l'industrie de la photo et du cinéma, ou la Bakélite).

2.5. L’AUTOMOBILE : FORD ET LE TAYLORISME


Après la mise au point du moteur à explosion à quatre temps par les ingénieurs
allemands Otto et Daimler (entre 1865 et 1885) et son application à l'automobile, plusieurs
améliorations technologiques viennent compléter la fiabilité et le confort de la voiture à
essence : pneumatiques à chambre à air (entre 1900 et 1920), système de freinage, boîte de
vitesses synchronisée (après 1929).
Surtout, alors que l'Europe en reste à des structures dispersées et à une grande variété de
modèles, la première standardisation du produit automobile et la première production de
masse sont réalisées aux États-Unis, chez Ford, peu avant 1913.
Tributaire des travaux de Frederick W. Taylor commencés en 1905 et publiés en 1911 (The
Principles of Scientific Management), cette expérience pionnière affecte le rendement du
travail humain (parcellisation des tâches, chronométrage des gestes visant à maximiser leur
efficacité, introduction de la chaîne de montage), la répartition des pouvoirs dans l'entreprise
et les relations de l'industrie avec ses marchés. Par la standardisation, la diminution des coûts
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et la banalisation du produit, l'offre suscite et entretient la demande, comme l'avait démontré
l'American manufacturing system dans la seconde moitié du XIXe siècle pour certains biens de
consommation (chaussures, montres, rasoirs).
À la suite de cette première standardisation interviennent, dans l'entreprise, l'essor des
services commerciaux, du démarchage, de la publicité et, dans les sociétés de l'entre-deux-
guerres, celui du secteur tertiaire. Cependant, la diffusion du taylorisme et du fordisme connaît
des rythmes très variables selon les pays ; en Europe, elle franchit un palier capital avec la
Première Guerre mondiale et ses expériences de production de masse dans l'armement ; puis
la rationalisation du travail ouvrier et de l'espace usinier s'imposent, dans l'entre-deux-guerres,
dans l'aéronautique et la construction mécanique, sans faire vraiment disparaître le dualisme
des structures productives.

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