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Chapitre n°2 

: La France dans l’Europe des nationalités  : politique et


société de 1848 à 1871
Leçon n°4  : L’industrialisation et l’accélération des transformations
économiques et sociales en France
L'industrialisation est un processus né en Grande-Bretagne au milieu du XVIIIe siècle et qui
se diffuse en Europe de l'Ouest au XIX e siècle. La France s'industrialise à partir des
années 1840. Progressivement, grâce à la mécanisation et à la multiplication des usines, le
secteur industriel occupe une place importante dans l'économie française. Napoléon III joue
un rôle majeur dans l'industrialisation de son pays. L'originalité de la France est que le
secteur agricole reste un pilier économique : la population est très majoritairement
rurale. L'industrialisation a des conséquences sociales. Elle fait naître la classe ouvrière et
génère des tensions sociales puisque les ouvriers s'opposent aux bourgeois en réclamant une
amélioration de leurs conditions de travail et de vie. Entre 1848 et 1870, la II e République
puis le Second Empire de Napoléon III doivent prendre en compte la question sociale qui
devient un enjeu politique central.
Quelles sont les mutations économiques et sociales qui transforment la France entre 1848 et
1870 ?

I-L’économie française bouleversée par l’industrialisation entre 1848 et 1870  :


C'est au cours des années 1840 que la France entame son processus d'industrialisation.
En une trentaine d'années, l'économie française se réorganise puisque le secteur
industriel accélère la croissance économique, reléguant l'agriculture en
seconde position. L'industrialisation est permise grâce à la découverte d'une nouvelle
source d'énergie, le charbon. L'industrie se trouve bouleversée par une série
d'innovations techniques. Un nouveau lieu de travail apparaît : l'usine.
A-Définition de l’industrialisation  :

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L'industrialisation est un processus de transformation économique marqué par le
développement des activités industrielles qui deviennent le principal facteur de la
croissance économique. L'industrialisation se décompose en deux phases.
 La première industrialisation s'étend sur environ un siècle. Elle a pour berceau
l'Angleterre dans les années 1760 puis elle se diffuse en Europe occidentale et au
Nord-Est des États-Unis d'Amérique jusqu'en 1860. 
 La deuxième industrialisation commence en Allemagne et aux États-Unis avant de se
diffuser jusque dans les années 1930. À partir de 1850, l'industrialisation de la
France se fait dans un contexte très favorable. 
 

Entre 1850 et 1873, l'économie européenne connaît un cycle de forte croissance économique
estimée à plus de 4 % par an, alors qu'elle était inférieure à 0,5 % par an avant 1850. Grâce à
l'industrialisation, tous les indicateurs économiques (la production, l'emploi, les profits, les
salaires et la consommation) augmentent, alimentant ainsi un cercle économique vertueux.
B-Le charbon et la machine à vapeur  :
L'industrialisation française est permise grâce à l'utilisation de nouvelles sources
d'énergie. À côté des traditionnelles énergies hydrauliques et du bois, l'exploitation
d'une ressource naturelle alternative se développe : le charbon. Il permet l'invention de
la machine à vapeur qui révolutionne l'activité humaine. Les régions minières
deviennent importantes.
Difficile à extraire du sous-sol, le charbon est cependant une source d'énergie puissante. Une
fois chauffé, il se consume lentement et dégage beaucoup d'énergie. En 1769, le Britannique
James Watt met à profit cette nouvelle source d'énergie pour mettre en mouvement un
mécanisme : c'est l'invention de la machine à vapeur, qui révolutionne l'activité humaine. 

En France, la mécanisation (multiplication des machines à vapeur dans les secteurs de


l'industrie et des transports), a un effet direct sur l'explosion de la demande de charbon,
surnommé « le pain noir ». Pour la satisfaire, des compagnies spécialisées dans l'extraction
de la houille donnent naissance aux bassins houillers aussi qualifiés de « pays noirs ».
Entre 1848 et 1870, le nombre de « gueules noires » travaillant dans les mines est multiplié
par 2,5.

Date Nombre de travailleurs

1848 32 000

1870 83 000

Les régions minières sont localisées dans le Nord et le Pas-de-Calais, dans l'Est et


notamment en Lorraine ainsi que dans la région de la Loire. De puissantes compagnies
comme « la Compagnie des mines d'Anzin » ou la « Compagnie des mines de la Loire » y
aménagent des puits de plus en plus profonds pour extraire de plus en plus de charbon.

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Ces régions deviennent des espaces de forte concentration de main-d'œuvre puisque, en plus
des « gueules noires » qui descendent extraire le charbon, le nombre d'ouvriers qui
l'exploitent en surface augmente lui aussi. Les usines viennent s'installer à proximité de leur
matière première pour faire des économies de transports, augmenter la production et les
profits.
Entre 1840 et 1870 :

 La production de charbon passe de 3 à 15 millions de tonnes ;


 La consommation passe de 4 à 20 millions de tonnes. 

La puissance délivrée par toutes les machines à vapeur utilisées dans les usines et dans les
transports passe de 40 000 chevaux-vapeur en 1840 à 900 000 en 1870. Un cheval-vapeur
équivaut à environ 740 watts, la puissance d'un four micro-ondes aujourd'hui.
C-La multiplication des innovations techniques  :
L'industrie est rythmée par des innovations techniques qui permettent de mécaniser la
production dans tous les domaines.
L'industrie textile augmente sa productivité grâce à la généralisation des machines dans les
filatures de coton. Dans les ateliers de tissage, les métiers à tisser mécaniques qui
fonctionnent à la vapeur répondent à la hausse de la demande de tissu liée à la croissance
démographique.
En 1870, le secteur textile emploie à lui seul 50 % des ouvriers français.
Le secteur sidérurgique est dynamisé par la demande croissante d'acier, un métal à la fois
plus léger, plus souple et plus résistant utilisé pour la fabrication de machines, d'outils, de
bateaux ou encore de rails métalliques. Quelques grandes familles industrielles dominent ce
secteur. C'est notamment le cas des Wendel à Hayange en Moselle et des Schneider au
Creusot en Saône-et-Loire. La sidérurgie est le deuxième secteur-clé de l'industrie française.
Elle reste dominée par la production du fer, qui a pour principal inconvénient d'être peu
résistant, et de la fonte qui est très cassante.

Dat Production de fonte en


e France (en tonnes)

184 400 000
8

187 1 000 000
1

La famille Schneider
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Les Schneider inventent le marteau-pilon à vapeur et se diversifient dans la fabrication
d'armes comme les canons pour répondre aux commandes de l'État. L'usine du Creusot fait
travailler 2 000 ouvriers répartis dans ses mines de fer et de charbon, ses forges, ses hauts-
fourneaux, ses laminoirs et ses ateliers de construction d'où sortent une cinquantaine de
locomotives chaque année en 1850. En 1870, le Creusot embauche 10 000 ouvriers. En
quelques années, Eugène Schneider a fait de la petite ville du Creusot l'un des plus grands
complexes sidérurgiques d'Europe.

Marteau-pilon des forges du Creusot


D-Un nouvel espace  : l’usine
L'industrialisation rend nécessaire le réaménagement des espaces de production qui
sont rationalisés dans le but produire plus pour faire plus de profits. Le défi des
industriels consiste à concentrer au même endroit les matières premières, les machines,
la main-d'œuvre ouvrière et le personnel de direction. Ce changement d'échelle donne
naissance à un nouveau type d'espace : l'usine. Organisées en espace de conception, de
production, de stockage et de direction, les usines s'installent à proximité de leurs
deux matières premières principales : l'énergie et la main-d'œuvre. 
Des régions industrielles se forment :

 Dans le Nord, autour de Lille ;


 À l'Est, autour de Strasbourg ; 
 Dans la région lyonnaise ; 
 Dans la vallée de la Seine autour du Havre, Rouen et Paris qui compte plus de
2 millions d'habitants en 1870. 
 

Dans ces régions, les usines aménagent à proximité de vastes cités ouvrières pour loger,
fidéliser et mieux contrôler la main-d'œuvre. 

Usine à Saint-Chamond en 1862


Si partout en Grande-Bretagne et en Allemagne la multiplication des usines fait disparaître le
travail à domicile et diminuer l'artisanat, ce n'est pas le cas en France. La particularité, voire
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le paradoxe français, c'est le maintien d'un tissu très dense de petites unités de production.
L'industrie française est davantage portée par les petits ateliers que par les grandes usines qui
restent minoritaires.
II-Le rôle de Napoléon III dans l’industrialisation de la France  :
Lors du Second Empire, entre 1852 et 1870, Napoléon III joue un rôle majeur dans
l'industrialisation de la France. Il encourage l'industrie, en modernisant notamment le
système bancaire français. Il entreprend de grands travaux qui transforment le pays et
favorisent les échanges. Au niveau politique et diplomatique, l'industrialisation de la
France est un atout pour Napoléon III.
A-La modernisation du système bancaire français  :
Napoléon III est très influencé par les idées du saint-simonisme. Cette doctrine stipule
que la puissance d'un État repose avant tout sur ceux qui entreprennent dans
l'économie : les patrons, les ouvriers, les paysans, les ingénieurs ou les banquiers.
L'État doit non seulement les encourager à entreprendre mais les aider en mettant en
place des structures de soutien matériel et financier. C'est ce que va faire Napoléon III,
en modernisant le système bancaire.
Plusieurs structures ouvrent leurs portes :

 Le « Crédit foncier » et le « Crédit mobilier », à l'initiative des frères Émile et Isaac


Pereire, en 1852 ;
 Le « Crédit lyonnais » en 1863 ;
 La « Société générale » en 1864 ;
 La « Banque de Paris » en 1869.
 

Les Français viennent déposer leur salaire et leur épargne sur un « compte en banque ». La
banque utilise cet argent pour accorder des prêts à intérêts aux particuliers et aux
entrepreneurs.

Napoléon III permet aussi la naissance de nouveaux types d'entreprises : les SARL et les SA.
SARL (Sociétés à responsabilité limitée)
Les SARL encouragent l'entrepreneuriat : il s'agit d'entreprises qui, en cas de faillite,
limitent le risque de pertes des associés au montant de leur apport initial.
SA (Sociétés Anonymes)
Les SA sont des entreprises dont le capital est divisé en actions cotées à la Bourse de Paris et
dont la direction est confiée à un conseil d'administration réunissant l'ensemble des
actionnaires qui sont rémunérés sous la forme de dividendes très élevés ou très faibles selon
les cours de la bourse.
B-La politique des grands travaux  :
Napoléon III fait de la modernisation de la France une priorité de son régime. Il lance
une ambitieuse politique de grands travaux qui transforme la France en un immense
chantier pendant près de 20 ans. La densification du réseau de transports stimule les
échanges commerciaux et rend accessible l'ensemble du territoire.

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Le réseau ferroviaire français passe d'environ 3 000 kilomètres en 1850 à
23 000 kilomètres en 1870. La ligne « Paris-Lyon-Méditerranée », inaugurée en 1855 par
l'empereur lui-même, fait passer le trajet Paris-Marseille de huit jours à quatorze heures.
Six compagnies privées se partagent son exploitation et transportent 20 millions de
voyageurs et 3 millions de tonnes de marchandises en 1850 puis 100 millions de voyageurs
et 45 millions de tonnes de marchandises 20 ans après.

Le réseau routier double, des canaux et des ports sont créés, comme à Saint-Nazaire, et
d'autres sont agrandis comme ceux de Marseille, de Bordeaux et du Havre.

Le réseau télégraphique permet de transmettre des télégrammes écrits codés grâce à des
impulsions électriques. Il passe de 2 000 à 40 000 kilomètres de lignes, améliorant ainsi la
circulation des informations.

Le baron Haussmann, préfet de la Seine, fait entreprendre des travaux impressionnants pour
faire de Paris une capitale moderne. Au centre-ville, 20 000 bâtiments sont détruits et
deux fois plus sont construits. Les quartiers sombres et insalubres font place à des quartiers
modernes composés d'immeubles haussmanniens uniformes équipés de l'eau et du gaz. Les
rues étriquées et sinueuses sont remplacées par de larges avenues bordées d'arbres qui
facilitent l'aération et la circulation. Les gares du Nord et de l'Est ainsi que l'opéra Garnier
sont construits.

Avenue parisienne, Jean Béraud


C-L’industrialisation de la France, un atout pour Napoléon III  :
Napoléon III met en scène la puissance et la modernité industrielle du Second Empire
afin d'impressionner les monarques européens notamment lors des deux Expositions
universelles organisées à Paris en 1855 puis en 1867. L'industrialisation et donc la
modernisation de la France sont un atout majeur pour l'empereur.
Les deux Expositions industrielles sont l'occasion pour les industriels d'exposer leurs
innovations et de donner l'image d'un progrès universel reposant sur la science et les
techniques dans d'immenses bâtiments construits pour l'occasion dans le centre-ville, comme
le « palais de l'industrie ».
Les Expositions universelles accueillent chacune 5 millions de visiteurs.
En 1870, la première phase d'industrialisation de la France lui permet de se maintenir dans le
club des grandes puissances industrielles. Elle réalise 10 % de la production industrielle
mondiale contre 13 % pour l'Allemagne, 23 % pour les États-Unis, 32 % pour la Grande-
Bretagne et 22 % pour le reste du monde.

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Vue officielle à vol d'oiseau de l'exposition universelle de 1867, Eugène Ciceri et Philippe
Benoist, 1867
Napoléon III fait de l'économie l'un des éléments-clés de sa politique de grandeur nationale
dont le but est de renforcer sa popularité. La stratégie de Napoléon III consiste à accentuer la
croissance économique afin que :

 Les bourgeois satisfaits de leurs profits le soutiennent ;


 Les paysans rassurés par l'ordre et la prospérité lui donnent leurs voix lors des
plébiscites ;
 Les ouvriers occupés à produire n'organisent pas d'insurrections.
 

Napoléon III est persuadé qu'il peut faire de l'industrialisation un facteur de paix sociale
permettant la longévité du régime impérial.
III-Les évolutions sociales entre 1848 et 1870  :
Au cours du Second Empire, entre 1852 et 1870, la population française est marquée
par des transformations sociales qui sont, pour la plupart, engendrées par
l'industrialisation. Si la France reste majoritairement rurale, le monde agricole est
transformé par l'industrialisation. Dans les villes, qui se densifient, une nouvelle classe
sociale apparaît : la classe ouvrière. La politique de Napoléon III envers les ouvriers est
ambiguë, entre réformes sociales et répressions.
A-Une société rurale en transformation  :
Sous le Second Empire, la France est majoritairement rurale. Des transformations
permettent de faire évoluer le monde agricole.
1-Une société composée majoritairement de paysans  :
En France, la société est majoritairement composée de paysans. Les campagnes
restent le lieu de vie d'environ 27 millions de personnes, soit trois Français sur
quatre. 50 % de la population active travaille encore dans l'agriculture en 1870. 
La société rurale vit dans un cadre économique et culturel traditionnel. Les agriculteurs
vivent dans leurs villages, au rythme des saisons qui dictent le calendrier des travaux des
champs, et restent sous l'influence de l'Église et des notables locaux. Très attachés au
maintien de l'ordre et au respect du droit de propriété, il forme le socle sur lequel s'appuie le
régime impérial. 
2-Les évolutions du monde agricole  :

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Le monde rural connaît des changements significatifs qui sont des conséquences
directes ou indirectes de l'industrialisation. Dans le Nord de la France et le Bassin
parisien, les grandes exploitations céréalières sont les premières à s'équiper de
nouvelles machines agricoles. Dans ces grandes exploitations, les rendements, les ventes
et les profits agricoles augmentent : c'est la naissance d'une agriculture intensive et
commerciale. Le secteur agricole bénéficie également d'aménagements initiés par le
Second Empire.
De nouvelles machines révolutionnent la pratique agricole : 

 La moissonneuse mécanique est inventée par l'Américain McCormick en 1834. 


 La première batteuse mécanique mobile française est mise au point par l'industriel
Célestin Gérard en 1866. Elle permet aux agriculteurs de poser le blé moissonné
dans un réceptacle qui remue pour séparer la paille et les grains. 
 Les exploitations les plus riches remplacent même le cheval, qui se fatigue, par une
machine à vapeur permettant de battre davantage et plus vite. 
Le nombre d'ouvriers agricoles nécessaires pour cultiver un hectare de blé passe de 30 à 5.
L'immense majorité des agriculteurs français sont des petits propriétaires qui produisent
manuellement des quantités faibles destinées davantage à la subsistance qu'à la vente. Pour
augmenter les rendements agricoles, ces petits exploitants utilisent la charrue de Dombasle
qui permet des labours plus efficaces. Ils utilisent également de nouveaux engrais naturels
comme la chaux qui limite l'acidité des sols.

Batteuse mécanique en 1861


Le secteur agricole bénéficie des aménagements lancés par le Second Empire comme
l'assèchement des marais et les défrichements qui permettent d'accroître les surfaces
cultivables. La production agricole double sous le Second Empire et, grâce à la hausse des
prix des produits agricoles, le salaire moyen des agriculteurs propriétaires augmente de 30 %
entre 1850 et 1870.
B-L’urbanisation et la naissance de la classe ouvrière  :
L'industrialisation attire de plus en plus de personnes dans les villes : on parle
d'urbanisation. Une partie des paysans s'installe en ville pour trouver du travail, ils
deviennent ouvriers : c'est la naissance de la classe ouvrière. La question ouvrière
devient un enjeu central dans la vie politique du Second Empire.
1-L’urbanisation  :
Certains ruraux choisissent de quitter définitivement la campagne pour aller travailler
dans les usines en ville : c'est l'exode rural. Un million de ruraux émigrent vers les villes
qui voient leur nombre d'habitants augmenter : c'est l'urbanisation.
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 Attractive,la ville de Paris double sa population qui passe de 1 million à presque
2,5 millions d'habitants en 20 ans. 
 En province, Marseille passe de 200 000 à 400 000 habitants et Lyon de 180 000 à
360 000. 

Entrée par le Faubourg Saint-Marceau, Paris, Charles Méryon, 1850


L'urbanisation reste assez lente en France par rapport à ses voisins européens.  
2-Un nouveau groupe social  : les ouvriers
L'industrialisation reconfigure la composition de la société française en donnant
naissance à un nouveau groupe social : les ouvriers. Il s'agit d'une catégorie sociale
pauvre et souvent exploitée, même si certains patrons ont des mesures plus sociales.
Le nombre d'ouvriers passe d'environ 3 millions en 1850 à 5 millions en 1870, soit un quart
de la population active.
Progressivement, les ouvriers adoptent une « conscience de classe ». En partageant les
mêmes conditions de travail et de vie, les mêmes pratiques culturelles, les mêmes difficultés
et les mêmes revendications, les ouvriers se solidarisent et forment progressivement un
groupe social à part.

Inférieurs à la bourgeoisie et aux classes moyennes, les membres de la classe ouvrière


industrielle ont en commun le labeur et la précarité. Ils sont salariés par des patrons qui leur
versent une faible rémunération en échange d'un travail physique ne demandant qu'un niveau
de qualification limitée. Ils travaillent souvent plus de 12 heures par jour, sans vacances et
dans des conditions rendues difficiles par la dangerosité des machines, la charge de travail
surélevée, la soumission aux ordres des chefs et la crainte du licenciement.

La majorité des patrons exploitent les ouvriers, mais certains dirigeants d'entreprise se
démarquent en développant des expériences industrielles et sociales très originales.
Jean Dollfus construit à ses frais une cité ouvrière à côté de son usine textile de Mulhouse en
1853 : il reçoit pour cela une importante subvention de Napoléon III qui soutient cette
initiative sociale.
À Guise, dans l'Aisne, en 1859, Jean-Baptiste Godin ouvre à côté de son usine de poêle en
fonte un vaste bâtiment abritant de nombreux appartements dont les ouvriers sont
propriétaires. Baptisé « familistère » ou « palais social », cet espace est géré collectivement
par les ouvriers qui y bénéficient de services inédits comme un économat, des crèches, une
école, un théâtre et même une piscine.

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Plan du « familistère de Guise »
L'attitude de ces patrons qui font de leurs usines des « familles » dans lesquelles ils jouent le
rôle de pères protecteurs s'appellent le « paternalisme ». Les mesures
sociales paternalistes permettent de renforcer leur emprise sur une main-d'œuvre ouvrière
davantage contrôlée et dépendante.
3-La question ouvrière  : un enjeu central dans la vie politique française  :
La question ouvrière devient l'enjeu central de la vie politique française. Sous le Second
Empire, entre 1852 et 1870, Napoléon III mène une politique ambiguë, voire
contradictoire vis-à-vis de la classe ouvrière. Il fait passer des mesures en faveur de la
classe ouvrière mais également des mesures répressives.
L'empereur Napoléon III fait plusieurs gestes en faveur de la classe ouvrière. Il donne son
accord pour le développement des coopératives et des « société de secours mutuel » plus
connues aujourd'hui sous le nom de « mutuelles ». Ce sont des organisations privées
d'entraide auxquelles les ouvriers adhèrent en payant une cotisation.
En 1862, on compte déjà presque 5 000 sociétés de secours mutuel qui assurent environ
600 000 ouvriers.
 En 1864, la « loi Ollivier » « autorise les personnes à se regrouper temporairement et à
cesser le travail pour manifester des intérêts communs relatifs à l'amélioration de
leurs conditions de travail ».
 La grève est dépénalisée, elle reste illégale lorsqu'elle « porte atteinte à la liberté du
travail », et lorsqu'elle « s'accompagne de violences ».
 En 1868, Napoléon III permet la suppression d'un article du Code civil qui faisait que
l'employeur était légalement supérieur à son employé en cas de litige devant la
justice.
 

Malgré des signaux positifs envoyés aux ouvriers, un certain nombre de mesures restent
répressives :

 Napoléon III ne reconnaît pas le droit de réunion et place les mutuelles sous


surveillance car il les soupçonne de financer les mouvements de grève.
 Il maintient et renforce l'usage du « livret ouvrier » dont il fait une sorte de « passeport
intérieur » pour contrôler les déplacements des ouvriers.
 Il fait systématiquement réprimer les grèves par l'armée.

Exemple :
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En janvier 1870, les ouvriers du Creusot entament une grève massive pour protester contre le
licenciement abusif de trois ouvriers qui réclamaient des mesures sociales à Eugène
Schneider. Ce dernier réclame directement à l'empereur l'intervention de l'armée.
Napoléon III envoie 3 000 soldats. On compte 6 morts et 25 grévistes sont condamnés à des
peines d'emprisonnement.

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