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UCAO

Institut d’Economie et de Gestion


Master 2 Economie

OPTION : ECONOMIE DE DEVELOPPEMENT

Année 2023-2024

cours

AGRICULTURE ET DEVELOPPEMENT

Placide ZOUNGRANA

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INTRODUCTION
Le secteur agricole est au cœur de l'économie des pays en développement. Il
représente une large part du produit intérieur brut (PIB) (de 30 à 60 pour cent
dans les deux tiers d'entre eux environ), emploie une proportion significative de
la population active (de 40 à 90 pour cent dans la plupart des cas), et est une
importante source de devises (de 25 à 95 pour cent dans les trois quarts de ces
pays).

Le rôle que l’agriculture peut jouer dans l'accélération de l'expansion


économique des pays en développement pourrait se baser sur la mise en œuvre
d'une stratégie pour exploiter le potentiel agricole en améliorant la compétitivité
et en renforçant les capacités de production de ce secteur.

La plupart de ces pays en développement ne pourront donc pas vraiment


progresser sur la voie de l'expansion économique s'ils ne valorisent pas les
ressources humaines et les capacités productives de leur secteur agricole.

L’agriculture apparaît alors comme un facteur essentiel de croissance


économique. En 2014, elle représentait encore un tiers du produit intérieur brut
(PIB) mondial.

En termes de développement rural, il s’agira de transformer l'agriculture,


notamment l’agriculture africaine, essentiellement composée de petites
exploitations. Cette transformation nécessite le développement d'une agriculture
non traditionnelle (souvent orientée vers l'exportation), mais aussi la mutation de
l'agriculture traditionnelle. Ce qui laisse supposer des liaisons entre le
développement agricole et la croissance économique ; c’est-à-dire que
l'investissement dans un secteur, en l’occurrence l’agriculture, peut avoir des
effets bénéfiques non pas sur ce seul secteur mais sur d'autres secteurs liés, et
donc sur l'économie en général.

Il importe de trouver, par conséquent, des moyens efficaces pour appuyer les
pays en développement, c’est-à-dire, les aider à améliorer leur situation
économique et sociale, mener à bien des transformations structurelles, modifier
leur économie, améliorer leur compétitivité sur les marchés internationaux,
surmonter les contraintes auxquelles ils se heurtent du côté de l'offre et, en
définitive, accélérer une croissance durable.

L’objectif de ce cours est de présenter la place de l’agriculture dans le


développement de l’économie, les politiques agricoles mises en œuvre dans les
économies africaines, les contours de l’agriculture familiale et la production
alimentaire à travers les politiques d’autosuffisance et de sécurité alimentaire.

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PLAN

CHAPITRE 1 : L’AGRICULTURE ET LE DEVELOPPEMENT DE L’ECONOMIE


CHAPITRE 2 : L’EVOLUTION DES POLITIQUES AGRICOLES EN AFRIQUE
CHAPITRE 3 : L’AGRICULTURE FAMILIALE : Développement de l’Agrosystème et
Préservation de l’Environnement
CHAPITRE 4 : L’AUTOSUFFISANCE ET LA SECURITE ALIMENTAIRE : Objectifs
Economiques et Politiques

ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
1. BADOUIN Robert : Economie Rurale, Armand Colin Paris 1971
2. BADOUIN Robert : L’analyse économique du système productif en agriculture.
ORSTOM, cah. Sci. Hum., 23 (3-4) : 357-375. 1987
3. BLANC-PAMARD Chantal : Politiques Agricoles et Initiatives Locales, ORSTOM Paris
1993
4. BOUSSARD Jean Marc : Introduction à l’Economie Rurale, CUJAS Paris 1992
5. CIRES (2016) : Les Politiques des Pays Asiatiques en Matière de Soutien à la
Riziculture : Leçons à Tirer pour la Côte d’Ivoire. Document de Travail, Abidjan.
6. COTE D’IVOIRE (2010) : Bilan Alimentaire de la Côte d’Ivoire 2009. Rapport
Final, Ministère de l’Agriculture, FAO, Union Européenne, Abidjan, Novembre 2010.
7. COURADE Georges (1990) : Peut-il y avoir des Politiques d’Autosuffisance
Alimentaire ? ORSTOM-MSA
8. FAO (1998) : Agriculture, Alimentation et Nutriment en Afrique, Chap.4 Les
Systèmes Agro-Alimentaires en Afrique, Archives de Documents de la FAO
9. HICHAM El Moussaoui (2015) : Autosuffisance Alimentaire en Afrique : deux
erreurs à éviter. Université Sultan Moulay Slimane de Beni, Maroc.
10. KOUASSIGAN Guy A. : L’Homme et la Terre, ORSTOM Paris 1966
11. MOUNIER Alain : Les Théories Economiques de la Croissance Agricole,
INRA/Economica Paris 1992
12. ZOUNGRANA Placide (2008) : Faire Face à la Crise Alimentaire Mondiale : une
vision à long terme. Document de Travail, Université d’Abidjan.
13. Revue d’Economie Rurale, SFER, Société Française d’Economie Rurale
14. Thèses, Mémoires, Articles et Documents Divers sur l’Economie Rurale. Voir
bibliothèques UFRSEG et CIRES

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CHAPITRE 1 : L’AGRICULTURE ET LE DEVELOPPEMENT
DE L’ECONOMIE
Introduction : Place du secteur agricole dans l’économie
Quelle est la place du secteur agricole face aux autres secteurs de l’activité
économique dans le processus de développement ?
Il n’est pas aisé de répondre à cette question sans faire auparavant référence à
l’état de l’évolution de l’économie selon les pays ou les continents, sans faire
référence à la situation actuelle de chaque pays dans le processus de croissance
économique, à l’orientation donnée à l’économie à partir des choix retenus par
les autorités politique, à partir des potentialités naturelles et humaines : des
références qui indiquent bien la diversité et la complexité de la réponse .Ainsi
face à la spécificité de chaque pays ou de chaque groupe de pays, le secteur
agricole peut, dans de nombreux cas, ne pas jouer un rôle moteur au cours des
phases initiales de développement.
En effet, le lancement du développement économique et son financement seront
bien souvent l’œuvre d’autres secteurs. L’industrie pourra fournir les impulsions
décisives; le financement de l’économie pourra être assuré par le secteur minier.
Face donc à quelques exemples dans le monde, on s’aperçoit qu’il n’est pas
impossible que l’agriculture puisse demeurer extérieure à la croissance sans
dommage pour cette dernière. Pour cela il suffit de supposer que le pays est peu
peuplé et que les occasions d’emploi dans les secteurs autres que l’agriculture
assurent à la fois le plein emploi et l’emploi optimal.
En effet, la loi des coûts comparatifs enseigne qu’il est possible de délaisser la
production agricole, se livrer à d’autres activités et avoir recours à l’importation
pour se procurer l’alimentation et les matières premières d’origine agricole.
Quelques petits pays dont le Koweït pourraient répondre aux conditions
précédentes ; le GABON est resté pendant longtemps un pays dépendant plus ou
moins totalement de l’extérieur pour son approvisionnement alimentaire.
Cependant, en raison des faibles conditions d’emploi dans le secteur industriel et
de la forte expansion démographique, il est raisonnable d’estimer que dans la
plupart des pays soucieux d’accéder au développement, les circonstances sont
tout autre. En effet, lorsque l’agriculture est sollicitée, elle doit remplir son rôle
d’ajustement au développement ou au moteur du développement. Ce qui veut
dire que si l’agriculture répond aux sollicitations dont elle est l’objet, les
équilibres auxquels elle est appelée à contribuer sont rapidement rétablis et la

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croissance se poursuit sans dommage. Dans le cas contraire on va assister à des
perturbations qui nuisent à la cadence du développement et en ralentisse le
rythme.
Comment le rôle d’ajustement au développement du secteur agricole se
manifeste-t-il ?
Pour apprécier ce rôle, il convient de rechercher les équilibres économiques mis
en question au cours de la période d’accession à la croissance et les réalisations
auxquelles l’agriculture est emmenée à contribuer. On peut retenir dans cette
approche, au moins trois équilibres économiques :
*L’accroissement des besoins alimentaires lors du passage d’une économie
stationnaire à une économie en voie de croissance. Ici, l’ancien équilibre vivrier
repose sur l’autoconsommation, s’il n’est pas rompu, et se trouve doublé par un
nouvel équilibre alimentaire.
*Au cours de la phase d’accession à la croissance, l’on peut compter sur le
concours du secteur agricole pour parvenir à la réalisation de l’équilibre des
finances publiques.
*L’agriculture en tant que secteur d’ajustement, intervient également dans le
domaine de l’équilibre de l’emploi.
Voyons donc la contribution de l’agriculture à travers ses différentes fonctions
dans le processus de croissance et de développement.

1.1. Les fonctions principales de l’agriculture


1.1.1. L’équilibre alimentaire
Comme toute activité économique, l’activité agricole a pour but final la
satisfaction des besoins humains. Mais les besoins qu’elle tend à satisfaire le
sont essentiellement aussi bien par leur importance que par leur permanence. On
se rend compte que l’accession à la croissance pourrait nécessiter la réalisation
d’un surplus agricole, et ce pour assurer la subsistance de ceux qui désormais
auront à accomplir des tâches en dehors du secteur agricole .La notion de
surplus agricole revêt de multiple significations. Dans le cadre de l’accession au
développement, le surplus agricole est relatif à l’existence d’un écart positif
entre le volume de la production alimentaire et la quantité de subsistance
nécessaire à ceux qui la réalisent.
Ainsi l’accroissement du volume de la production permet- il d’atténuer les
handicaps que subissent les pays qui s’efforcent d’accéder au développement :
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alimentation insuffisante et défectueuse, rendant impossible l’accomplissement
d’un effort productif soutenu et continu.
Le surplus agricole autorise le franchissement d’un certain nombre de « seuils
libératoires » (Robert BADOUIN).
Il y a plus de deux siècles, Adam Smith disait : « lorsque à la suite d’une
amélioration de la culture de la terre, la moitié de la population active suffit à
produire la nourriture à la société toute entière, l’autre moitié peut chercher à
satisfaire les autres besoins de l’humanité ou ses fantaisies » (Recherche sur la
nature et les causes de la richesse des nations ,1776).
Au total, on se rend compte que la recherche de la réalisation d’un surplus
agricole (alimentaire) reste fondamentalement le préalable au développement.
Ce qui veut dire, en fait, que l’accomplissement d’un effort productif continu et
intense n’est plus compatible avec l’ancien régime alimentaire (économie
de subsistance) ; il faut nécessairement accroître le volume de la ration
alimentaire et en améliorer la composition.
Au niveau du volume de la production alimentaire, on peut retenir au moins trois
origines de l’accroissement de la demande :
-Un premier accroissement provient de la nécessité de porter la ration
alimentaire à un niveau comparable avec l’accomplissement d’une activité
productive ;
-l’urbanisation, phénomène inhérent à la croissance économique, est également
favorable à l’extension de la demande; le citadin devient demandeur de produit
alimentaire; par conséquent, la production doit s’accroître pour faire face à cette
nouvelle demande ;
-la poussée démographique est aussi un facteur qui tend à accroître la demande
de denrées alimentaires.
Au niveau de la composition de la ration alimentaire, on peut également
percevoir les modifications sensibles à la demande. Ce phénomène semble être
beaucoup plus accentué dans certaines économies (tiers-monde par exemple),
avec l’abandon de l’alimentation traditionnelle au profit du mode alimentaire
plus ou moins initié de l’extérieur.
1.1.2. Le financement public
La contribution de l’agriculture au financement public n’est pas différente de
celle requise aux autres secteurs d’activité, à condition qu’on confie également à
l’agriculture l’essentiel de la fourniture des moyens de financement.

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En effet, dans la période d’accession à la croissance économique, l’équilibre des
financements publics amène les responsables politiques à mettre en place une
infrastructure de base, à financer toute opération de formation, d’éducation, etc.
Dans ce cas, il faut faire appel au secteur directement productif. Cependant, il
n’est pas certain qu’au cours de la phase d’implantation on puisse s’appuyer sur
le secteur industriel pour alimenter les caisses publiques .C’est plutôt
l’installation d’une industrie qui va occasionner les opérations dont la charge
financière reviendra au budget public.
Aussi, l’agriculture sera-t-elle le secteur le plus apte à jouer le rôle de
financement. En effet, ce secteur est celui qui est capable de résultats plus
immédiats et plus rapides que ceux du secteur industriel car un bond en avant de
la production agricole n’est pas impossible à réaliser à bref délais au moyen
d’une généralisation de l’emploi de consommation intermédiaire comme les
engrais par exemple.
Au total, les finances publiques bénéficient de l’apport de l’accroissement de la
production et, à travers une augmentation du volume de transaction, des revenus
et des exportations, les rentrées fiscales pourraient se gonfler ; mais il est évident
que si l’élément technologique favorise la rapidité du progrès agricole, en
revanche, le secteur industriel reste sans doute plus efficace que les régimes
d’économie rurale qui caractérisent aujourd’hui encore l’essentiel des pays sous-
développés.
1.1.3. L’équilibre de l’emploi
Une économie ne peut avoir l’ambition de réaliser le plein emploi lorsqu’elle
accède au développement .Cependant un transfert d’effectif est nécessaire car en
général, les secteurs modernes ne produisent pas d’actifs suffisants .Aussi le
secteur agricole reste-t-il le secteur de ponction de la main-d’œuvre dont ont
besoin les secteurs en cours de construction. De ce point de vue, il apparaît
clairement que l’agriculture concourt à établir l’équilibre entre les ressources et
les besoins au niveau de l’emploi.
Mais le secteur agricole, en plus d’être fournisseur de main-d’œuvre, reste
également le secteur d’accueil des autres secteurs d’activités. En effet, cette
situation se présentera lorsque la poussée démographique provoquera l’arrivée à
l’âge actif d’un nombre d’individus supérieur à celui que la croissance
économique permet aux activités non agricoles d’absorber.

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Ainsi par son caractère compressif et extensif qu’elle peut utiliser, l’agriculture
constitue à la fois une réserve de main-d’œuvre et une capacité d’emploi pour
les autres acteurs.
On peut de ce fait, constater que les pays où il existe une poussée
démographique forte (pays en développement) sont ceux qui ont recours au
secteur agricole pour accueillir « le Trop plein » de population active (cf la
politique de retour des jeunes à la terre en Côte d’Ivoire). Mais de façon
générale, par rapport à la spécificité de l’environnement agricole et rural,
l’accueil d’actifs des autres secteurs et même du secteur primaire non agricole
peut se présenter selon trois situations au moins :
-l’intensification de l’agriculture peut impliquer un besoin accru de main-
d’œuvre pour effectuer les divers travaux (cf l’intensification à base de
motorisation).
-Par la suite de l’extension de superficie cultivée, l’emploi agricole peut
augmenter ; c’est ce qui apparaît dans les pays qui disposent de terre non encore
cultivée (cf la colonisation des terres du Sud-Ouest Ivoirien).
- Le caractère communautaire de la vie rurale reste également un des facteurs de
cet accueil. En effet, la communauté rurale accepte le supplément de population
même s’il existe des contraintes réelles de terre et donc d’accroissement du
volume pour la consommation par les « nouveaux arrivants ».

1.2. L’agriculture et les autres secteurs de l’activité


économique
Au cours du développement, les productions non agricoles s’accroissent plus
rapidement que la production agricole. En effet, à l’augmentation d’un bien mis
à la disposition de l’économie par l’agriculture, correspond un volume beaucoup
plus important des biens et services issues de l’activité productrice des autres
secteurs.
Il en résulte une réduction de la part relative du secteur agricole dans le produit
national. Le découpage de l’économie en trois secteurs permet de mieux déceler
le déclin du secteur primaire. On note de ce fait, une diminution de la
contribution de l’agriculture lorsque le revenu national augmente et un
accroissement de celle du secteur industriel et du secteur des services (tertiaire).
On constate que les nations les plus riches sont celles qui ont les secteurs
industriels et de services les plus importants. Un pays est d’autant développé

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économiquement que son secteur primaire occupe le moins de population
active. Mais il faut préciser que cette situation est réelle à condition que les
transferts de la population rurale vers les autres secteurs ne se fassent pas sans
dommage. En effet ce transfert ne peut se faire que si la productivité de travail
des agriculteurs augmente pour qu’ils puissent continuer, tout en étant moins
nombreux, à nourrir la nation.
A partir des comparaisons, la population agricole représente environ 60% de la
population totale de l’Afrique, 45% de celle de l’Asie, 8% de la population
Européenne et de -5% de l’Amérique du Nord. L’ampleur du déclin et sa
rapidité dépend du rôle dévolu au secteur agricole, ce qui veut dire qu’il existe
un seuil variable selon les pays et l’époque à partir duquel l’importance relative
de l’industrie l’emporte sur celle de l’agriculture.
Aussi lorsqu’un pays comme l’Angleterre décide de sacrifier l’agriculture, le
déclin de ce secteur est beaucoup plus brutal que lorsque l’agriculture constitue
le secteur stratégique du développement comme en Australie. Comment
s’explique la diminution de la place occupée par l’agriculture au cours du
développement ?
L’évolution de la composition de la demande reste le facteur essentiel de cette
régression. En effet, le produit final livré au consommateur est désormais un
ensemble complexe d’un bien alimentaire et d’une série de services
commerciaux. On note également l’intervention des facteurs tenant à l’offre et à
la technologie : les produits issus d’une activité agricole (coton, laine,
caoutchouc) sont de plus en plus concurrencés par les fabrications de type
industriel intégrant peu de produits provenant de l’activité de l’agriculteur. Le
domaine purement alimentaire qui relève traditionnellement de l’agriculture a
tendance à être transférer au secteur industriel avec les développements de
l’industrie alimentaire. Cependant, le secteur agricole de façon générale reste
très lié au secteur industriel et de service.
1.2.1. Industries et agro-industries
Dans le processus du développement, l’agriculture de façon générale, évolue de
la manière suivante : d’abord elle est composée d’unités isolées, ensuite ce
secteur autonome participe faiblement aux échanges entre secteurs, enfin le
secteur agricole s’intéresse à l’ensemble de l’économie.
On peut cerner cette intégration à travers les sollicitations de l’agriculteur.
L’agriculteur fait appel à d’autres activités par la fourniture de moyens de
production qu’il souhaite utiliser pour une rentabilité plus élevée de son
exploitation (cf la transformation de l’agriculture paysanne et surtout la

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sollicitation de l’agriculture d’entreprise). Il fera par exemple appel à la
recherche agronomique, biologique ou technique pour de nouveaux facteurs de
production. Il aura également recours à un certain nombre d’industries :
industrie mécanique (équipement), industrie chimique (consommation
intermédiaire) etc.
Au total si la main-d’œuvre fournie à l’agriculture continue d’être
principalement issue du milieu rural, en revanche, tous les autres facteurs de
production ne sont plus d’origine agricole mais proviennent des activités
industrielles ou du secteur tertiaire.
Ainsi le développement des industries alimentaires (rizerie, conserverie,
distillerie, huilerie…) a condamné une partie de la production agricole destinée à
l’alimentation, à n’être que des matières premières : le débouché industriel
précède la vente aux consommateurs finaux. Par conséquent, d’une agriculture
autonome puisant en elle-même les ressources productrices qu’elle met en
œuvre et directement reliées aux consommateurs finaux, on en vient à un secteur
agricole entouré par des industries d’amont (activités extractives, industries
mécaniques et chimiques) et des industries d’aval (industries alimentaires,
industries agricoles non alimentaires). Cette situation d’imbrication du secteur
agricole et des secteurs industriels aboutissant aux complexes agro-industriels
peut être définie comme « l’ensemble des relations liant l’agriculture aux
secteurs industriels d’amont et d’aval avec lesquels elle est en contact
immédiat » (R.BADOUIN).
A travers cette définition, on voit que la complexe agro-industriel met, en effet,
en évidence, les liens plus étroits qui unissent les agriculteurs et les industries
productrices des biens nécessaires à l’agriculture et celles qui transforment les
produits d’origine agricole.
La demande adressée à l’agriculture devient pour un certain volume, une
demande dérivée : la production de l’agriculteur devient par voie de
conséquence une matière première destinée à être façonner par des industries de
transformation. D’un autre côté, le degré d’intégration de l’agriculture à l
‘ensemble de l’économie se mesure aussi par l’importance des achats de
ressources productives auprès des autres secteurs par rapport à la valeur de la
production agricole.
1.2.2. Le secteur tertiaire et l’économie agricole
Avec le développement économique, on assiste à une extension notable des
échanges internationaux au niveau des produits agricoles .Aujourd’hui le désir
de consommer des biens produits sous d’autres latitudes reste un des

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fondements du commerce international. C’est le cas des produits de type tropical
comme le cacao, le coton, les agrumes, les ananas…
Cependant, des effets de substitution peuvent apparaitre ; c’est le cas de
l’arachide ou du palmiste qui sont des cultures tropicales pouvant être substitués
par l’huile d’olive ou de tournesol produit en pays tempérés.
Mais comme les pays tropicaux sont en général peu développés, la demande
nationale reste pour certains de leurs produits, assez faible. Il se crée par
conséquent, une sorte de monopole naturel qui sera à l’origine d’un courant
d’échange particulier concernant les produits tropicaux et liant les pays
tropicaux aux pays où le développement a atteint un certain niveau (Europe,
Amérique du Nord, Asie du Sud-est).
Cet échange international va élargir une certaine spécialisation des pays ou
groupe de pays qui va aboutir à une véritable division internationale du travail.
Cette division sera principalement caractérisée par les grands courants
d’échange internationaux de production agricole à travers un certain nombre de
flux considérés comme classiques :
- un flux de produits d’origine animale de l’Océanie vers l’Europe ;
- un flux de céréales d’Amérique du Nord vers l’Asie et l’Amérique Latine ;
- un flux de produits tropicaux originaires d’Afrique vers l’Europe et de
l’Amérique Latine vers l’Amérique du Nord.
Il faut dire cependant que cette orientation traditionnelle des différents flux se
diversifie et s’intensifie de plus en plus, avec l’apparition de nouvelles
spécialisations régionale et de nouvelles spéculations.

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CHAPITRE 2 : L’EVOLUTION DES POLITIQUES AGRICOLES
EN AFRIQUE
Introduction : Données générales sur l’agriculture en
Afrique.
D’un point de vue global l’Afrique Tropicale peut être divisée en trois grandes
zones écologiques : l’Afrique forestière, l’Afrique savanicole et l’Afrique
sahélienne.
On peut donc percevoir des variantes régionales à travers des zones écologiques
qui répondent en fait à des dynamiques différentes au niveau de la production.
Il existe également des variantes sociales. En effet, dans chacune de ces zones,
l’organisation de la vie économique varie d’une société à une autre.
Ainsi les variantes régionales basées sur les données naturelles rentrent-elles en
ligne de compte dans la transformation des systèmes de cultures. Les variantes
sociales sont également importantes à connaitre pour percevoir le sens des
transformations au niveau des systèmes d’exploitation par exemple.
Cependant ces trois zones écologiques de la zone tropicales vont relever d’une
même dynamique quant aux politiques développées par l’administration
coloniale et depuis quelques décennies par les politiques gouvernementales des
divers pays à travers le développement de l’agriculture.
Comment ont évolué de façon générale les politiques agricoles dans les pays
africains ?

2.1. La période coloniale et le développement de


l’agriculture.
2.1.1. L’organisation de l’économie coloniale
Avec la grande expansion coloniale du 19è siècle, la division internationale du
travail qui était déjà apparue dans les échanges entre les Amériques et l’Europe
va se généraliser à l’ensemble du monde. L’Europe ne cherche plus seulement à
acquérir le monopole du commerce mondial ; elle veut s’assurer un
approvisionnement croissant de matières premières et un vaste domaine
d’expansion pour ses produits manufacturés.

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A partir des années 1850, l’expansionnisme européen devient de plus en plus
conquérant. Au fur et à mesure que le développement industriel de l’Europe
s’amplifie, il faut aussi un approvisionnement de plus en plus important en
matière premières.
Dans l’ensemble, on peut retenir qu’une administration coloniale, souvent de
type militaire, se substitue au pouvoir local. L’économie est organisée en
fonction des exportations ; les cultures imposées, le travail forcé établi,
l’exploitation minière intensifiée, tout ceci grâce à des méthodes modernes
(de1880) et à l’utilisation de main d’œuvre dont le statut est parfois proche de
l’esclavage.
2.1.2. Les dimensions de l’agriculture coloniale : l’avènement des grandes
monocultures d’exportation
a) L’économie de plantation
On peut dégager les traits caractéristiques de l’économie de plantation qui font
de la plantation l’ancêtre des sociétés multinationales du secteur primaire de la
seconde moitié du 20è siècle. Deux traits au moins peuvent être retenus :
- la plantation est une entreprise de grande dimension généralement spécialisée
dans la production d’un ou deux produits agricoles (sucre, thé, café, banane,
etc.) ; - c’est une entreprise dont les activités sont, par nature, internationales.
Elle produit pour les marchés extérieurs ; ses capitaux ainsi que ses dirigeants
sont le plus souvent étrangers aux pays ou territoires dans lesquels elle opère.
Au total, avec le développement des cultures d’exportation, à travers les zones
tropicales, l’économie de plantation peut être considérée comme la forme
agricole de l’économie coloniale.
b) Le développement des cultures d’exportation
De 1914 à la crise de 1930 des produits de cueillette ont représenté entre 30 et
50% des exportations totale de l’union française.
La crise impose aux territoires d’outre –mer la fourniture de produits que la
France ne voulait plus acheter à l’Etranger. On vit alors apparaitre puis se
développer, des cultures nouvelles : café, cacao, coton, banane dont la
production augmente petit à petit jusqu’à la 2ème Guerre Mondiale avec la
construction de nouvelles voies de communication, l’aide accordée aux
producteurs, la protection sur le marché métropolitain, l’intérêt accru des
autochtones.

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L’économie traditionnelle est amenée à revoir ses positions de départ par
rapport aux cultures de plantation. Elle procède elle-même par des plantations
et s’insère par conséquent dans une économie d’échange. Mais, elle modifie
aussi les caractères habituellement reconnus à une économie de plantation.
Celle-ci n’est plus liée à la présence d’étrangers animant les formes les plus
actives de l’agriculture nationale.
L’économie de plantation se rationalise ; elle devient une activité conduite par
les nationaux. On passera de ce fait d’une « «agriculture d’oppression » au début
du 20è siècle à une « agriculture d’adhésion » après la seconde guerre mondiale.

2.2. politiques étatiques et tentatives d’ajustement de


l’économie agricole

2.2.1. Les politiques de diversifications de cultures.


a) Approche historique
De façon générale, la mise en place d’une économie de traite a réellement
démarré à la fin de la 2ème guerre mondiale et s’est prolongée après les
indépendances. Mais c’est à partir de la conférence de Bandung (Indonésie) que
de nouvelles options seront prises.
En effet, Bandung reste la capitale historique de la décolonisation. C’est là que
s’est tenue en avril 1955 une conférence réunissant pour la première fois 30 pays
de l’Afrique et d’Asie dont la plupart venaient d’être promus à l’indépendance.
C’est donc logiquement à Bandung que s’exprimèrent de façon globale les
principales aspirations à l’indépendance politique et économique des pays
colonisés. Au niveau économique, une des résolutions de cette conférence
recommandait la diversification des exportations et le traitement sur la place des
matières premières. La diversification prenait ainsi une signification importante:
la rupture avec l’économie de traite. Que recouvre le concept de diversification ?
b) Définition de la diversification des cultures
Pour Pierre Brisset (contribution de la diversification des cultures au
développement économiques. Paris 1967) : « diversifier les cultures en termes
d’économie nationale signifie, augmenter la variété des produits dans l’ensemble
de la production agricole d’un pays. Dans le cadre du développement, cela
signifie aussi que cette diversification des cultures s’effectue de façon à ce que
l’économie agricole fournisse la participation qui lui revient dans les
changements économiques nécessaires pour le développement ».
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Cette définition montre les deux principales dimensions de l’objectif de la
diversification : d’un côté, il s’agit de la recherche de l’augmentation de la
variété des produits, de l’autre, la croissance de la participation de l’agriculture
dans les transformations économiques et sociales.
c) Les conventions de Yaoundé et l’application de la politique de
diversification
Avec les conventions de Yaoundé (1964-1969) la diversification en Afrique
rentre dans sa phase pratique.
On va donc assister, partout, à l’avènement des plans de diversification établis
par les gouvernements des différents pays. Comme le dit Samir Amin, la Côte
d’Ivoire avec l’aide financière du Fonds Européen de Développement, dans le
cadre de la diversification, met l’accent sur le développement des plantations et
industries de palmiers à huile, qui feront de ce pays à partir de 1980, un des
principaux producteurs mondiaux d’huile de palme.
En fait, ceci s’inscrit dans une politique plus globale qui est la mise en place de
nouveaux plans de développement, en ce qui concerne les produits considérés
jusque-là comme secondaires : palmier à huile, coton, banane, ananas, hévéa.
Par conséquent, à la fin de la première décennie, deux grands types d’agriculture
pourront être distincts pour les cultures d’exportation.
L’agriculture paysanne : café, cacao, coton.
L’agriculture d’entreprise qui est véritablement une agriculture de plantation :
palmier à huile, cocotier, hévéa, ananas, banane, canne à sucre, fruits et
légumes.
De façon générale il faut noter que les pays africains ont bénéficié d’un
financement international important pour la mise en place de leur politique de
diversification des cultures : FED, Banque Mondiale, Caisse Centrale, Banque
Européenne d’Investissement, etc.
2.2.2. Les pays en développement et le marché des produits tropicaux
Au niveau des échanges internationaux, les denrées et matières premières
d’origine agricole ont des spécificités qui donnent un caractère original aux
échanges de ces produits.
a) Les dimensions des échanges
Pour la plupart des économies en développement, en particulier celles des pays
africains et de nombreux pays de l’Amérique Latine et de l’Asie, les produits

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primaires autres que les combustibles restent la principale ressource de recettes
en devises.
L’Europe Occidentale est le principal débouché extérieur de l’Afrique et son
principal fournisseur.
Ainsi avec les produits primaires y compris les combustibles qui constituent
l’essentiel des exportations des pays africains, les recettes d’exportation, comme
la capacité d’importer de la région, vont rester étroitement tributaires de
l’évolution des prix sur les marchés mondiaux des produits de base.
b) Les conventions commerciales : la coopération internationale
Nous nous intéresserons à ce niveau à la principale convention signée entre la
CEE et les pays ACP : il s’agit de la convention de Lomé. Cette convention
établit une gamme d’actions concertées entre la Communauté Européenne et les
autorités des différents Etats concernés.
Cependant nous retiendrons ici la dimension de la coopération commerciale ;
d’abord il s’agira de la stabilisation des exportations par le mécanisme STABEX
(Système de Stabilisation des Exportations), ensuite l’aide alimentaire accordée
par la CEE et enfin la participation communautaire à travers le FIDA (Fonds
Internationale de Développement Agricole).
c) La stabilisation des recettes d’exportation
C’est la dimension la plus importante de la convention de Lomé. Dès juillet
1976, vingt-cinq(25) conventions de transfert étaient signées. Ces conventions
intéressaient 17 pays ACP ; il est clairement apparu dans ces premières
applications qui prendront le nom de STABEX qu’elles assuraient une
protection à la fois contre les pertes dues à une baisse de la production
imputable aux circonstances et aux calamités naturelles.
2.2.3. L’avènement des agro-industries
L’analyse de la politique d’industrialisation des pays africains (cf Yaoundé 1) va
s’inscrire dans une approche globale d’industrialisation des pays du tiers monde
(cf Bandung). Ainsi, avec la diversification des cultures d’exportation, il fallait
aboutir à la valorisation des denrées agricoles caractérisées par une forte
périssabilité. Cette valorisation se fera donc par l’avènement d’industries locales
appropriées. Aussi les grandes options de politiques d’industrialisation en
Afrique seront-elles liées à la substitution aux importations.
On remarquera donc que les premières transformations de produits agricoles
seront les cultures de rente destinées à l’exportation.

16
Une constante va néanmoins apparaitre au niveau de la politique et de la
structure des industries naissantes: c’est la prédominance de l’Agro-Industrie
Alimentaire.
Au total, la diversification des cultures va aboutir à la fin des années 1960 et au
début des années 1970 à un développement et surtout une diversification de
l’Agro –Industrie dans les pays africains.
Conclusion : Les limites des politiques économiques des deux premières
décennies.
 Les réalités de la diversification : c’est en effet dans une autre direction
que la diversification a été envisagée. L’orientation générale de la
politique de diversification autour des produits d’exportation sera,
comme on peut aisément l’imaginer, un obstacle au développement des
produits vivriers. Les exemples à ce niveau sont légion. C’est le cas du
Sénégal avec l’introduction du coton à côté de l’arachide. C’est le cas de
la Cote d’Ivoire avec l’apparition de nombreuses sociétés de
développement de produits industriels et d’exportation. C’est le cas de la
Centrafricaine avec une place de choix pour le coton et le café.
 Les produits viviers et l’aide alimentaire : la dégradation de la production
vivrière constitue un phénomène remarquable dans l’évolution de
beaucoup de pays africains. Face donc à cette situation d’ensemble, l’aide
alimentaire va faire son apparition. Aujourd’hui et de plus en plus, les
instances communautaires s’efforcent d’insérer l’aide alimentaire dans
l’aide globale au développement des pays sous-développés.
 L’Afrique et les échanges internationaux : A ce niveau on peut noter que
le STABEX fige les structures de production en confinant les Etats ACP
dans un rôle de fournisseur de matières premières non œuvrées.
Au total, la situation des pays africains des deux décennies peut se résumer à
partir de l’exemple ivoirien :
De 1960 à 1977 la Cote d’Ivoire a connu une longue période de croissance
économique dans le cadre du libéralisme planifié et une stratégie de
développement fondée sur l’agriculture d’exportation.
A partir de 1978 le pays entre dans une dépression ininterrompue sous l’action
conjuguée d’un certain nombre de facteurs extérieurs (effondrement des cours
des produits primaires, hausse des taux d’intérêts, prolongement de la récession
internationale), d’aléas climatiques (sècheresses) mais aussi d’erreurs de gestion
et des effets à moyen terme des programmes trop ambitieux et peu cohérents
engagés dans les années 1970.

17
2.3. L’approche d’une nouvelle politique agricole dans les
décennies 80 et 90
2.3.1. Politique économique, PAS et développement agricole.
Certains opérateurs économiques situent l’essoufflement des pays africains dès
les années 1970. On peut affirmer que les grands déséquilibres se sont
manifestés à la fin de cette décennie. Deux causes principales peuvent justifier la
crise.
Pour certains, la dégradation économique des pays africains résulterait du
changement des politiques macroéconomiques des pays industrialisés entre 1979
et 1983, avec surtout une politique de contraction monétaire et fiscale.
Pour d’autres, en retenant tout de même le facteur exogène, la crise est surtout
attribuée au choix inopportun des politiques économiques extérieurs. Ce choix
est la juxtaposition de politiques nationales conçues et incapables de réguler ni
l’économie ni les chocs extérieurs.
a) Les mesures d’ajustements structurels des années 1980.
Les manifestations de la crise se traduisent essentiellement par une chute
continue de la baisse des prix des matières premières, de même qu’un
déséquilibre important des termes de l’échange et une hausse considérable des
taux d’intérêt. Ce qui va aboutir très rapidement à l’étouffement des économies
africaines et par conséquent, à l’impossibilité d’honorer le service de la dette.
L’adoption de la mise en place des PAS va donc répondre à un objectif précis :
favoriser un retour aux grands équilibres ; c’est-à-dire ajuster les économies
nationales aux nouvelles conditions de l’économie mondiale.
C’est ainsi que les PAS seront mis en œuvre selon l’urgence, soit dès la fin de la
décennie 1970 et au début des années 1980, soit beaucoup plus tard.
En Côte d’Ivoire, dès 1981, de nombreuses mesures de restructuration sont
prises au plan agricole. Il s’agit notamment de la restructuration des entreprises
publiques du secteur agricole, de la suppression de certaines subventions, de la
cession au secteur privé de certaines entreprises étatiques.
b) Les réalités du Programme d’Ajustement Structurel en Agriculture.

18
Lorsqu’on s’intéresse aux résultats globaux, on se rend compte que l’ajustement
structurel a souvent ignoré les aspects parfois essentiels du développement à
long terme du pays concerné. Les politiques mises en œuvre ont également
négligé les objectifs de sécurité alimentaire, de santé, d’éducation et d’emploi.
Pour ce qui est du secteur agricole lui-même, la dispersion des résultats selon
les pays laissent penser que les politiques d’ajustement structurelles telles
qu’elles ont effectivement été appliquées ont très peu aboutit au développement
de l’agriculture en terme de croissance de la production agricole.
Aujourd’hui rechercher absolument les grands équilibres macroéconomiques
amène souvent à faire un arbitrage difficile et même défavorable à l’agriculture.
c) De nouvelles perspectives pour une meilleure application des PAS en
Agriculture
On considère que les PAS sont théoriquement favorables au développement
agricole puisqu’ils visent à améliorer le système d’incitation par les prix et à
accroitre la productivité. Les PAS en agriculture devraient donc aboutir à une
amélioration de la productivité de la terre, du capital et du travail afin que les
pays africains soient compétitifs aussi bien au niveau de l’agriculture qu’au
niveau de l’agro-industrie. Aussi est-il indispensable de situer les mesures
d’ajustement dans un contexte socioéconomique très particulier. Ceci se
caractérise dans la plupart des pays encore par un système productif très
traditionnel. Cette traditionnalité devra être prise en compte dans tout processus
de changement de système de production.
Au total, les PAS en agriculture ne pouvaient être efficients dans leur
application qu’à travers de nouvelles réflexions sur la dynamique de la société
rurale dans l’activité de production : c’est-à-dire la capacité d’adaptation des
pays aux différents programmes d’ajustement mis en œuvres par les
gouvernements des différents pays, dans le cadre de la restructuration du secteur
agricole. Ainsi, la nouvelle réflexion à mener pourrait-elle être en partie basée
sur celle déjà consignée dans le Plan d’Action de Lagos (PAL) pour le
développement de l’Afrique (1980-2000).
2.3.2. Plan d’Action de Lagos (PAL) et mise en cause des politiques
économiques antérieures.
Que vaut la politique économique mise en œuvre par les différents pays du tiers
monde et particulièrement par ceux du continent africain ? Beaucoup
d’approches ont été tentées ou même conseillées mais très peu ont porté fruit.

19
Dans les années 80, on est unanime à reconnaitre l’existence réelle d’une crise
agroalimentaire structurelle qui aboutit à ce qu’on peut appeler « la politique de
la dépendance alimentaire ».
Peu de pays ont donné la priorité à la formation de véritables systèmes
alimentaires nationaux. Face à cette situation globale de l’évolution de
l’économie, particulièrement de la situation alimentaire de la majorité des pays
africains, de nouvelles perspectives de développement économique et social
vont apparaitre, notamment au niveau des instances internationales.
Mais, c’est incontestablement avec la nouvelle politique du développement
agricole que peuvent être jetées les bases d’une autre perception du
développement économique et social des pays africains.
La question fondamentale qui déboucherait sur le PAL était la suivante : de quel
type de développement économique l’Afrique a-t-elle besoin et comment peut-
elle assurer ce type de développement ?
Une des principales dimensions de cette question reste la recherche de
l’autosuffisance alimentaire.

2.4. Les politiques agricoles des années 2000


On peut définir la politique agricole comme « un ensemble de mesures
réglementaires, de dispositifs structurels, de moyens financiers et humains mis
en œuvre par la puissance publique pour contribuer à la croissance du secteur
agricole ».
2.4.1. Situation actuelle de l’agriculture africaine : caractéristiques
générales

L’agriculture africaine peut être définie par un ensemble de faits, faits à la fois
importants et permanents, caractéristiques d’un dysfonctionnement du secteur
agricole tout entier. Ces caractéristiques sont, pour l’essentiel: l’existence d’une
majorité de petits producteurs, de faibles performances agricoles, des conditions
de commercialisation défavorables, des exportations limitées aux produits
primaires, une marginalisation de l’agriculture africaine dans le commerce
international, et une insécurité alimentaire persistante.
Une majorité de petits producteurs
Pour la plupart des agriculteurs, l’agriculture consiste à produire des aliments de
base pour leur propre subsistance et générer des revenus, complétés par la

20
transformation de quelques produits locaux et par d’autres activités non
agricoles
De faibles performances agricoles
L’Afrique est la seule région du monde où la production alimentaire moyenne
par personne a baissé au cours des 40 dernières années (-0,2 % entre 1996 et
2005), exposant de nombreuses populations à un risque d'insécurité alimentaire.
Des conditions de commercialisation défavorables
Les producteurs africains sont régulièrement confrontés à d’importants obstacles
à la commercialisation de leurs produits, tant au niveau national qu'international:
infrastructures rurales inadéquates (équipements de stockage et routes par
exemple), faiblesse de l’organisation des filières pour bon nombre de produits
agricoles (organisations paysannes limitées), faible pouvoir de négociation des
producteurs nationaux, etc.
Des exportations limitées aux produits primaires
Les principales exportations agricoles des pays africains concernent des produits
marchands à faible valeur ajoutée.
Une insécurité alimentaire persistante
L’insécurité alimentaire demeure persistante dans de nombreux pays, tout
comme la dépendance à l'aide alimentaire et, de plus en plus, aux importations
de produits alimentaires de base.
2.4.2. Politiques économiques et politiques agricoles

La politique économique peut se définir comme l’ensemble des mesures


économiques prises par les pouvoirs publics en vue d’orienter l’activité
économique conformément aux objectifs préalablement définis. La politique
agricole est tout simplement l’application de la politique économique à
l’agriculture.
Pourquoi une politique agricole peut-elle être inefficace ? Quel est l’impact des
incitations sur la productivité agricole ? Quelles sont les productions
susceptibles de procurer des avantages comparatifs au pays ? Dans quelle
mesure les politiques agricoles sont-elles performantes ?
La politique agricole s’efforce d’apporter des réponses ou du moins des
éléments de réponses à ces différentes questions. Elle se matérialise dans les
faits à travers les interventions étatiques.
C’est par exemple les interventions directes comprenant les politiques de prix
agricoles et les politiques de développement rural :

21
-les politiques de prix agricoles qui comprennent les politiques de taxations ou
de subventions à l’agriculture, les politiques de commercialisation de produits
agricoles, les politiques de stabilisation de prix ;
-les politiques de développement rural que sont les politiques foncières, la
politique de crédit agricole, la politique de recherche agronomique, la politique
de vulgarisation agricole, etc.

2.4.3. Contours des politiques agricoles des décennies 2000 et 2010


a) Les politiques nationales
De façon générale, on peut considérer que les politiques nationales se greffent
sur les grandes orientations des politiques agricoles africaines et sous-régionales.
Il s’agit en fait de politiques tirées des stratégies nationales de développement
initiées et mises en œuvre par les autorités administratives et politiques des
différents pays.
Avec les crises alimentaires observées et à répétition, la tendance globale a
changé ; la sécurité alimentaire redevenant l’un des objectifs majeurs à atteindre.
A côté donc de ces politiques agricoles nationales, on peut retenir au niveau
africain et sous-régional, quelques orientations plus ou moins nouvelles de
stratégies de développement en vue de redynamiser l’agriculture.
b) Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD)
Initié en octobre 2001, et, à la suite du Plan d’Action de LAGOS, le « Nouveau
Partenariat pour le Développement de l’Afrique » ou NEPAD, est un plan de
relance économique pour le continent africain adopté par les Chefs d’Etat à
l’occasion des rencontres au sommet de l’OUA à Abuja. Le NEPAD est
devenu le programme de développement socio-économique de l’Union
Africaine qui a pris la succession de l’OUA en 2002.
Le NEPAD change de nom. Il s'appellera désormais Agence de Développement
de l’Union Africaine. Derrière ce changement de nom, il y a la volonté de rendre
plus opérationnel cet organe de planification et de coordination des projets de
développement en Afrique.
Le NEPAD énumère en outre plusieurs secteurs prioritaires qui nécessitent une
attention et des mesures particulières : la promotion de la diversification de la
production et des exportations, une attention particulière étant notamment
accordée à l'accès des exportations africaines aux marchés des pays
industrialisés.

22
Mais, comme le PAL, le NEPAD se trouve confronté aux moyens limités pour
la mise en œuvre effective de ses activités à l’échelle du continent.

c) La politique agricole de l’UEMOA (PAU)


La Politique Agricole de l’UEMOA (PAU), a été adoptée le 19 décembre 2001,
à travers l’Acte Additionnel n° 03/2001 par la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement de l’Union.
Cet Acte confère à la Commission de l’UEMOA une mission d’orientation, de
concertation, de stimulation, de coordination et de réglementation
Objectifs généraux de la PAU
- réaliser la sécurité alimentaire, en réduisant la dépendance alimentaire et en
améliorant le fonctionnement des marchés des produits agricoles ;
- accroître la productivité et la production de l’agriculture sur une base durable ;

- Améliorer les conditions de vie des producteurs, en développant l’économie


rurale et en revalorisant leur revenu et leur statut social.
d) La politique agricole de la CEDEAO
Elle a été adoptée le 19 janvier 2005 par les chefs d’Etats de la CEDEAO.
La politique agricole de la CEDEAO s’inscrit dans la perspective d’une
agriculture moderne et durable, fondée sur l’efficacité et l’efficience des
exploitations familiales et la promotion des entreprises agricoles grâce à
l’implication du secteur privé. Productive et compétitive sur le marché intra-
communautaire et sur les marchés internationaux, elle doit permettre d’assurer la
sécurité alimentaire et procurer des revenus décents à ses actifs.

23
CHAPITRE 3 : L’AGRICULTURE FAMILIALE :
Développement de l’agrosystème et Préservation de
l’Environnement
3.1. L’agriculture familiale ou le développement de
l’agriculture paysanne dans l’économie agricole mondiale
3.1.1. La transformation de l’agriculture paysanne dans les Pays en
Développement
Aujourd’hui, on remarque que le système d’agriculture paysanne subit des
transformations de plus en plus profondes consécutives à l’éclatement des
grandes cellules familiales et des centres de décision, de l’évolution des valeurs
socio-culturelles renforcée par une ouverture de plus en plus marquée du milieu
rural vers l’extérieur, de la pression économique (forte demande de produits),
etc.
La primauté de la consommation sur la commercialisation subit également des
changements dans de nombreuses régions face aux besoins financiers
grandissants, ce qui entraine des réorientations importantes de la manière dont
les terres et la main d’œuvre se distribuent entre cultures vivrières et cultures de
rente. Tout le système productif dans son ensemble connaît soit une
transformation totale (système de culture et de production), soit une adaptation
aux nouvelles conditions de production (système d’exploitation).
Cette agriculture paysanne va donc tendre vers une certaine modernisation de
l’exploitation pour pouvoir répondre aux sollicitations du marché, en offrant aux
consommateurs, des produits de qualité et des productions en grande quantité.
3.1.2. L’agriculture familiale ou le retour « nostalgique » de l’agriculture
paysanne dans l’économie agricole mondiale
Après avoir considéré que l’agriculture paysanne a disparu de l’univers du
système productif des pays développés, il semble que la notion de paysan refait

24
surface à travers le développement de « l’agriculture familiale » ou de
« l’exploitation familiale ».
On retrouve en effet, à travers la définition de l’exploitation agricole familiale,
selon les perspectives internationales, un certain nombre de paramètres proches
de ceux retenus pour caractériser l’agriculture paysanne : le travail
essentiellement familial, la propriété de l’exploitation, le capital investi
provenant majoritairement des fonds propres, la gestion de l’exploitation par la
famille elle-même, une part importante du revenu familial issue de l’agriculture,
la vie familiale et les activités sur l’exploitation agricole étroitement liées,
l’exploitation agricole transmise de génération en génération, etc.
Ainsi, devant certains défis liés à l’environnement qui constituent une menace
potentielle pour une croissance continue de la production agricole mondiale,
l’agriculture paysanne retrouve ses atouts et potentialités oubliés par les grandes
politiques agricoles des Etats modernes et dédaignés par les puissants et
incontournables exploitants agro-industriels du système alimentaire mondial.
En effet, c’est autour de solides capacités d’innovation et surtout d’un souci
affirmé de conservation des ressources naturelles locales que l’agriculture
paysanne va mieux s’exprimer, en évitant de développer de façon délibérée des
pratiques destructrices de l’environnement et entretenir par conséquent la
capacité productive de la terre et de l’environnement proche : la relation
homme-terre prend tout son sens ici.
C’est précisément dans l’agriculture familiale et paysanne que l’on voit se
développer des pratiques agricoles traditionnelles et durables et que l’on observe
un développement rapide de l’agroécologie. Aujourd’hui, la véritable agriculture
paysanne durable vient d’une combinaison entre la sauvegarde de méthodes
paysannes traditionnelles et la mise en valeur de l’innovation de nouvelles
pratiques écologiques.
Les agricultures familiales contribuent aussi aux dynamiques territoriales, à
l’aménagement de l’espace, à la valorisation de territoires fragiles et des savoir-
faire locaux, et à la préservation du patrimoine culturel et biologique.

Les principes de l’agriculture paysanne durable vont donc se traduire ici par des
exploitations de tailles relativement petites, gérées par des familles et des
communautés paysannes ; des exploitations permettant le développement d’une
biodiversité fonctionnelle avec des productions diversifiées et l’intégration de
cultures, d’arbres et de bétail. Dans ce type d’agriculture, on n’a pas ou presque

25
pas besoin d’intrants externes, puisqu’il est possible de tout produire au sein de
l’exploitation.
En Afrique, les nouvelles opportunités peuvent offrir des alternatives
prometteuses aux agricultures paysannes (ou familiales) à travers des initiatives
liées au commerce équitable et dont l’une des conditions reste l’agriculture
biologique respectant l’environnement.
La jonction est donc trouvée entre l’AGRICULTURE PAYSANNE et
l’EXPLOITATION AGRICOLE FAMILIALE MODERNE avec au bout de la
chaîne, la survie de la première.

3.2. L’agriculture familiale comme l’une des principales


formes de production agricole
3.2.1. Estimation de la contribution des agricultures familiales à la
production
L’essentiel des volumes des productions alimentaires de base (céréales - riz, blé,
maïs, mils et sorgho - tubercules, racines et plantains), provient des agricultures
familiales. La situation est plus nuancée en ce qui concerne les autres
productions végétales. Si le coton, le café et le cacao proviennent
majoritairement des agricultures familiales, la contribution des agricultures
d’entreprise peut être très significative pour le palmier à huile ou l’hévéa. Des
modèles « petits planteurs villageois » (ou plantations villageoises) coexistent
avec des grandes plantations industrielles.

Aujourd‘hui, la sécurité alimentaire est largement assurée par des exploitations


agricoles familiales. Les contributions de ces agricultures familiales à la
production agricole alimentaire et à l’approvisionnement des grands marchés
agricoles au niveau mondial sont prépondérantes. L’importance de ses
contributions s’exprime aussi dans les activités aval et notamment la
transformation agro-alimentaire artisanale.

En termes de représentation, il faut noter que la moitié de la population


mondiale est composée de paysans au sens large du terme : agriculteurs,
éleveurs, pécheurs, chasseurs, etc. Il y a 1,5 milliard de paysans sur 380 millions
d’exploitations, 800 millions font de l’agriculture périurbaine, 410 millions
récoltent les produits issus des forêts et des savanes, 190 millions sont bergers,
et plus de 100 millions sont pécheurs. Ces paysans représentant ainsi donc
26
presque la moitié de la population mondiale, produisent au moins 70% de
l’alimentation mondiale (ETC, 2009).
Ces chiffres traduisent d’une part, l’importance de la population rurale active
dans le système productif mondial, d’autre part, l’incontournable place des
paysans dans la mise à disposition de la production alimentaire pour nourrir le
monde entier.

3.2.2. Contribution des petits agriculteurs à l’accroissement de la


production et de la productivité agricole

La demande mondiale d’aliments devrait augmenter de 60 pour cent d’ici l’an


2050. L’agriculture et les filières alimentaires mondiales ont donc un défi de
taille à relever, compte tenu des changements climatiques, de la pénurie de
ressources naturelles et des utilisations concurrentes. Les petits agriculteurs, qui
produisent l’essentiel des aliments dans les pays émergents ou en
développement, auront un rôle clé à jouer dans ces efforts, ne fût-ce qu’en raison
des volumes de production qu’ils assurent dans les pays en développement.

a) quelques repères statistiques caractéristiques au Brésil


Dans une récente étude sur l’agriculture brésilienne, il est apparu que les
paysans et producteurs familiaux, en ne détenant que 24,3% des terres agricoles,
représentent 84,4% des exploitations du pays. Sur ce quart de terre qu’ils
cultivent, ces petits producteurs réalisent 87% de la production totale de manioc,
70% des haricots, 46% du maïs, 34% du riz, 58% du lait, 50% des volailles,
59% du porc et 30% du bœuf. Ainsi, avec environ 25% des terres cultivées, les
paysans brésiliens génèrent 40% de la valeur de la production agricole totale du
pays.
b) L’importance des exploitations familiales en Afrique de l’Ouest
L’agriculture contribue pour 35 à 40% à la formation du PIB régional et fournit
plus de 16% des recettes d’exportations totales. Ce secteur pourvoit également le
plus d’emplois en occupant 70% de la population active régionale et produit
plus de 80% de la nourriture consommée par les populations. Les exploitations
familiales sont la base de la production agricole en Afrique de l’Ouest où
l’agriculture familiale est largement dominante. Ces exploitations représentent
27
entre 80 et 95% des exploitations agricoles des pays de la Sous-Région
(ROPPA…).

De tout temps, les petits agriculteurs ont joué un rôle essentiel dans les
approvisionnements pour répondre à la demande alimentaire. Nombre des
succès obtenus, sur le plan du développement, au cours des 20-40 dernières
années, reposaient sur la production des petits agriculteurs. A l’avenir, la
production agricole à petite échelle sera probablement plus efficiente pour les
produits alimentaires à forte intensité de travail, comme les produits maraîchers.
3.3. Les agricultures familiales dans la dynamique de
mutation du système productif.
Malgré l’importance de plus en plus croissante de l’agriculture familiale, les
petits agriculteurs devront surmonter des obstacles considérables, s’ils veulent
être compétitifs sur de nombreux marchés modernes. Dans les pays en
développement, les changements introduits au niveau de la commercialisation,
de la transformation et de la vente au détail des produits agricoles et alimentaires
ont attiré des investissements accrus du secteur privé, d’origine nationale ou
étrangère, dans l’agroalimentaire. Pour vendre leurs produits dans des circuits
commerciaux plus évolués, comme les supermarchés, les agriculteurs auront
besoin de compétences accrues de gestion et d’organisation logistique et devront
être capables d’assurer un approvisionnement continu et de fournir des aliments
respectant des normes strictes de qualité et de sécurité sanitaire. Ces exigences
risquent de limiter l’accès des petits agriculteurs à des intrants novateurs ; les
petites exploitations agricoles ont des difficultés à obtenir des crédits, car les
institutions financières hésitent souvent à consentir des prêts, lorsque les
garanties sont limitées et que l’on ne sait pas « grand-chose » des capacités de
remboursement des emprunteurs potentiels. Les petits agriculteurs sont certes
capables de relever ces défis, mais ils ont besoin, pour ce faire, d’un
«environnement porteur». Il est essentiel de fournir des services d’éducation
dans les campagnes pour permettre aux petits exploitants de s’insérer sur les
marchés: en effet, s’ils ne savent pas lire, écrire et compter, ou s’ils ne savent
pas organiser les approvisionnements ou établir, en toute confiance, des contacts
avec des acheteurs, les petits agriculteurs ne seront pas en mesure d’écouler
leurs produits dans des circuits commerciaux plus complexes. A ce niveau, il
faut mentionner l’importance de l’avènement des organisations professionnelles
agricoles (OPA) pour le renforcement des capacités des agriculteurs en matière
d’organisation et de gestion des exploitations familiales.
28
Des efforts accrus visant à mieux intégrer les petits agriculteurs aux marchés
auront, par conséquent, plusieurs effets positifs: ils aideront à répondre à la
demande future d’aliments, contribueront à améliorer la sécurité alimentaire et
la nutrition, dans les villes comme dans les campagnes, et ouvriront la possibilité
d’établir des liens avec l’économie rurale non agricole, dans la mesure où les
petits agriculteurs utiliseront probablement une bonne partie des revenus
supplémentaires à leur disposition pour acheter localement des biens et des
services.
CHAPITRE 4 : L’AUTOSUFFISANCE ET LA
SECURITE ALIMENTAIRE : Objectifs Economiques
et Politiques
4.1. Crise Alimentaire
La crise alimentaire de la fin de la décennie 2000, certainement la plus aiguë
depuis la grande crise économique de 1929 et la crise pétrolière des années 70,
frappe l’ensemble des économies mondiales. Si les effets de cette crise sont
relativement moins accentués pour les pays développés, ils sont en revanche
plus importants dans les économies des pays en développement, et
particulièrement en Afrique.
Mais, en remontant dans l’histoire des politiques économiques, on peut
considérer que cette crise trouve son essence dans le choix de pensées
économiques développées et très souvent imposées par les institutions
internationales à l’ensemble des pays et particulièrement aux pays en
développement.
Dans les pays en développement où des centaines de millions de personnes
consacrent généralement entre 60 % et 80 % de leur revenu à l’alimentation, le
doublement ou même le triplement des prix est un désastre pour leurs conditions
de vie. En effet, la baisse combinée du pouvoir d’achat et la pénurie sur les
marchés a engendré et développé chez les populations, un sentiment d’abandon
de la part des dirigeants.
La population mondiale sous-alimentée représente autour de 870 millions
d’individus, soit environ 13% de la population totale. Elle se concentre dans les
pays en développement.

29
Les personnes sous-alimentées sont pour 50% d’entre elles, des paysans
pauvres, pour 22% des paysans sans terre, pour 8% des ruraux suivant des
modes de vie traditionnel, et pour 20% des urbains pauvres (Collin, 2012).

Cette crise alimentaire pose simultanément la question de la sécurité


alimentaire et de l’autosuffisance alimentaire qui sont en fait des questions
majeures de souveraineté nationale.

4.2. Autosuffisance Alimentaire : définition et objectifs

4.2.1. Définition et approche conceptuelle


L’autosuffisance alimentaire (ASA) traduit la volonté des Etats de mieux
contrôler l’évolution d’un système alimentaire qui marque une tendance au
changement rapide et non maitrisé.
Du point de vue conceptuel, le terme ASA est seulement un concept du
commerce extérieur. Un pays serait autosuffisant s’il n’importe pas de produits
alimentaires ou si cette importation pèse d’un poids négligeable sur la balance
des opérations courantes.
La sécurité alimentaire n’exclut pas l’échange et notamment les importations.
Toutefois, la production nationale peut être surement disponible en plus des
approvisionnements extérieurs pour lesquels il faut raisonnablement s’occuper.
Robert BADOUIN résume cette situation d’ensemble en affirmant que la
notion d’ASA doit être entendue dans un sens relatif : « Aucune économie ne
peut renoncer aux importations de produits agricoles pas plus qu’à leurs
exportations ; aucune économie ne laisse grandir l’écart entre les
approvisionnements alimentaires à partir des produits nationaux et ceux de
provenance étrangère au-delà de certains pourcentages. La dépendance vivrière
paraît trop dangereuse même si en raison de l’évolution possible des termes de
l’échange, l’importation des produits alimentaires peut constituer une opération
avantageuse pour que le recours à des approvisionnements étrangers ne
connaisse pas de limites ».
4.2.2. Objectifs et programmes d’action
30
Etant donné la définition du Plan d’Action de Lagos (PAL) de l’ASA, sa
stratégie est dans le contexte africain, un sous-ensemble de la stratégie globale
du développement autocentré et démocratique.
La fonction principale de l’agriculture est alors de nourrir la population.
La stratégie alimentaire est donc un moyen qui permet à un pays d’arriver à un
plus grand effort intégré visant à accroitre la production vivrière, à améliorer la
consommation de denrées et à éliminer la faim ; elle demande le renforcement
des capacités nationales.
Pour le PAL, l’objectif à moyen et long termes est connu : assurer une meilleure
alimentation de la population, élever la productivité du travail et des rendements
dans l’agriculture, l’élevage et la pêche.
Le Plan d’Action de Lagos, projet de l’OUA, était censé contribuer à
l’instauration d’un nouvel ordre économique mondial et visait un
développement socio-économique de l’Afrique fondé sur l’autosuffisance, la
coopération et l’intégration économiques. Il a suscité de grands espoirs mais
coïncidant avec l’expérimentation des Programmes d’Ajustement Structurels
(PAS), après sa mise en veilleuse prématurée et malgré le fait qu’il
prônait un développement endogène, autocentré et autoentretenu, il fut
définitivement écarté par les institutions de Breton Wood (Banque Mondiale,
FMI).

4.3. La Sécurité Alimentaire


Un concept voisin, la « sécurité alimentaire » s’emploie généralement pour
désigner des stocks nécessaires, afin d’éviter les ruptures d’approvisionnement.
Au niveau d’un pays, la recherche de la sécurité alimentaire que l’on souhaite
maitriser de façon permanente et journalière, la production et
l’approvisionnement régulier de la population en sont les principaux objectifs.

4.3.1. Sécurité alimentaire : définition et représentation

Le concept de sécurité alimentaire est apparu en 1974 lors du Sommet mondial


de l’alimentation. Il s’agissait alors d’assurer en tout temps,
l’approvisionnement en denrées alimentaires de première nécessité de façon à
combler les besoins liés à la croissance de la consommation alimentaire
mondiale et ainsi, minimiser les fluctuations de la production et des prix. En
1983, la FAO a étendu la portée de la définition de la sécurité alimentaire pour y
inclure la sécurisation de l’accès à la nourriture pour les plus vulnérables. Cela

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impliquait d’assurer à toutes les populations et en tout temps un accès physique
et économique aux produits alimentaires de première nécessité.

L’État constitue toujours un acteur principal dans les questions de sécurité


alimentaire, étant donné sa capacité d’arrêter des politiques agricoles et
alimentaires. Néanmoins, les États mettent en place des politiques agricoles et
alimentaires à l’échelle macro qui peuvent consister en des mesures pour
favoriser la production agricole, donc la disponibilité des denrées, soit
directement en appuyant les producteurs ou indirectement par des subventions
aux intrants notamment.

Pendant longtemps la sécurité alimentaire a été analysée sous l’angle de la


production agricole et donc de la disponibilité alimentaire avec, pour les pays,
des objectifs d’autosuffisance.
Mais avec la prise en compte des aspects de pauvreté, l’appréhension de la
sécurité alimentaire est devenue multidimensionnelle en intégrant les notions
d’accès, de qualité et de stabilité.

La définition qui apparaît finalement comme la plus consensuelle est celle du


sommet mondial de l’alimentation (1996) « La sécurité alimentaire est assurée
quand toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement
et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui
satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur
permettre de mener une vie active et saine ».

4.3.2. Taux de Dépendance des Importations (TDI) et Taux


d’Autosuffisance (TAS)

Le TDI exprime l'importance des importations par rapport aux utilisations


intérieures. Il se définit comme suit:

Importations
TDI = -------------------------------------------------------------------------------- x 100
Production + Importations – Exportations + Variation de stocks

Le TAS exprime l'importance de la production par rapport aux utilisations


intérieures. Il se définit comme suit:

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Production
TAS = ------------------------------------------------------------------------------- x 100
Production + Importations – Exportations + Variation de stocks

La valeur minimale du TAS est 0 % quand la production est nulle et que les
utilisations sont entièrement couvertes par des importations et/ou des transferts
de stock. Le TAS n'a pas de valeur maximale parce que la production peut être
supérieure aux utilisations internes. La valeur du TAS est inférieure à 100 %
quand la production intérieure n’est pas suffisante pour couvrir les utilisations et
que le pays est un "importateur net". Le TAS est supérieur à 100 % quand la
production est supérieure aux utilisations. Dans ce cas, l’excédent représente la
proportion des exportations nettes et/ou des transferts au stock par rapport aux
utilisations intérieures.

Mais, au-delà de ces différentes politiques, qu’elles soient mises effectivement


en œuvre (PAS) ou simplement pensées et à peine exécutées (PAL), il faut
repenser entièrement le problème de l’agriculture dans sa participation au
développement de l’économie.
4.4. Agricultures familiales et sécurité alimentaire

Une des caractéristiques principales du mode de fonctionnement


des exploitations familiales dans les pays en développement est certainement les
stratégies développées pour assurer la sécurité alimentaire du groupe familial.
Les comportements des chefs d’exploitation s’inscrivent dans des stratégies de
sécurité alimentaire avec des incidences sur les décisions concernant
l’affectation des facteurs de production, le choix des pratiques, etc.

L’agriculture familiale a, par ailleurs, la capacité à faire face à une demande


croissante liée à la fois à la croissance de la population et à l’évolution des
consommations alimentaires dans un contexte de concurrence sur l’utilisation
des terres arables (une partie de plus en plus importante étant consacrée à des
productions pour l’alimentation animale ou des biocarburants) et des ressources
de plus en plus fragiles et notamment les sols et l’eau (FAO, 2011). Pour
certains (Altieri, 2008), les « petits producteurs » sont la clé de la sécurité
alimentaire mondiale, car ils sont très nombreux dans les pays en développement
et ce sont eux qui produisent la majorité des cultures vivrières pour nourrir les
populations rurales et urbaines de la planète.

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En Amérique latine, environ 17 millions d'unités de production paysannes
occupent près de 60,5 millions d'hectares, soit 34,5% du total des terres cultivées
avec des tailles moyennes d’exploitations d'environ 1,8 hectares, qui produisent
51% du maïs, 77% des haricots, et 61% des pommes de terre pour la
consommation intérieure (Altieri, 2008).

En Afrique, considérée globalement, les exploitations familiales représentent


près de 80% des exploitations avec moins de 2 ha comme superficie agricole
moyenne et un équipement des plus rudimentaires, manuel le plus souvent
(FAO, 2010 et 2012). Malgré un niveau élevé d’importations agricoles, ces
agricultures familiales ont été capables de contribuer de manière significative à
l’alimentation des villes (Bosc et Hanak-Freud, 1997 ; AFD-CIRAD-FIDA,
2011) à la fois sur les produits vivriers de base (céréales et tubercules) mais
aussi sur les produits de diversification alimentaire comme les légumes, le lait,
les fruits et les oléagineux.

La lutte contre la pauvreté et la sous-alimentation, au-delà des programmes


d’industrialisation rurale, de transferts et filets sociaux et d’incitation à l’exode,
passent par des programmes en connexion directe avec des questions agricoles :
accès aux facteurs de production, production et productivité, prix aux
producteurs, part de la valeur ajoutée à la production, disponibilité et qualité
nutritionnelle pour l’autoconsommation des productions agricoles,
investissements agricoles.

Dans les années à venir, si l’on veut éviter un accroissement de la dépendance


alimentaire aux importations, il convient d’accorder une attention particulière
aux conditions d’une amélioration de la productivité de la terre et du travail, en
tenant compte de la diversité des situations locales et des contextes nationaux,
mais avec le défi commun de promouvoir une croissance agricole riche en
emplois.

Il devrait donc être possible d’accroître significativement la sécurité alimentaire.


Cette amélioration porterait à la fois sur la question des disponibilités et des
accès, via les accroissements possibles de revenus qui pourraient en découler.

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