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Badouin Robert. La participation du secteur agricole au financement de la croissance économique. In: Tiers-Monde, tome 3,
n°9-10, 1962. pp. 143-162;
doi : https://doi.org/10.3406/tiers.1962.1073
https://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1962_num_3_9_1073
DU SECTEUR AGRICOLE
AU FINANCEMENT
DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE
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Le financement du développement
par détournement des flux ďorigine agricole
Un semblable détournement suppose la réunion d'un certain nombre
de conditions. Tout d'abord, il faut que le secteur agricole soit en relation
avec d'autres groupes sociaux. Une économie agricole de type féodal
remplira cette condition en établissant une opposition accentuée entre
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(1) W. Lockwood, The Economie Development of Japan, Princeton University Press, 1954.
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Le financement du développement
par accroissement des flux ď origine agricole
Les flux agricoles se présentent sous deux aspects qui intéressent
également la contribution du secteur agricole au financement de la
croissance. Les flux agricoles prennent l'allure de flux physiques et de
flux en valeur et ce qui caractérise le secteur agricole c'est l'importance
des divergences qui peuvent se manifester entre ces deux courants.
Les flux monétaires peuvent se dilater, alors que les flux physiques
demeurent constants. Cela se produit dans l'hypothèse d'une hausse
des prix. Certes, l'élasticité de l'offre agricole par rapport à l'élévation
des prix est élevée, même dans les pays économiquement attardés. Mais
la réponse favorable peut se heurter à des obstacles liés à des accidents
techniques ou biologiques. Le Ghana n'a pas pu profiter pleinement
des cours avantageux du cacao au cours de la décennie qui a suivi la
seconde guerre mondiale en raison des maladies qui affectaient ses
plantations et limitaient le volume de la production.
En sens inverse, un gonflement des flux physiques peut ne pas être
accompagné d'une augmentation corrélative des flux monétaires si les
marchés ont atteint un niveau voisin de la saturation. L'accroissement du
volume entraîne une baisse des prix qui, selon le degré d'inélasticité de
la demande, engendre soit des recettes dont l'augmentation est inférieure
à celle des flux physiques, soit même une diminution des revenus.
Ces fréquentes divergences n'excluent pas, surtout au niveau d'un
seul pays, des concordances possibles qui se révéleront heureuses lorsque
prix et production augmenteront simultanément et malencontreuses
lorsque tous deux évolueront dans le sens de la baisse.
Lorsqu'un pays confie au secteur agricole le lancement de sa
croissance, c'est qu'il s'estime suffisamment bien placé tant du point de
vue économique que du point de vue agronomique. Des rendements
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Le financement du développement
par aggravation des prélèvements opérés sur le secteur agricole
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que le cas étudié se ramène à celui qui a été analysé dans le paragraphe
précédent ? Une semblable assimilation serait incorrecte.
L'affectation du surplus de production ne s'effectue pas selon les
mêmes principes. Dans un cas il bénéficie surtout au producteur, dans
l'autre il est visé par le prélèvement. Comme l'indiquait un texte très
clair relatif au développement économique du Soudan, devenu depuis
République du Mali : « Au cas où cette nécessité (réaliser un supplément
d'épargne) ne serait pas comprise des populations, l'État se devrait de
l'imposer par une fiscalité plus lourde, allant même jusqu'à prélever
sur le revenu individuel, la quasi-totalité de l'excédent de profit causé
par l'exécution de ses directives, quitte à freiner ainsi temporairement
l'amélioration du niveau de vie, même celui de la classe la plus nombreuse
et la plus défavorisée (celle des agriculteurs), ceci dans le seul but de
maintenir le rythme des investissements économiques et sociaux (i). »
Ce texte pose le principe du prélèvement intégral des accroissements
de production. La justification réside dans le rôle déterminant des
Pouvoirs publics qui grâce à la vulgarisation et à l'encadrement sont à
l'origine de l'amélioration de la production agricole. Il est cependant
permis de penser que l'agriculteur ne sera pas toujours très réceptif à
une semblable argumentation. On peut craindre de sa part une certaine
répugnance à consentir un effort qui ne lui bénéficiera en rien.
C'est un problème identique, celui de la compatibilité d'un
accroissement de l'effort et l'accentuation du prélèvement que l'on retrouve
dans l'hypothèse selon laquelle il est possible d'accroître la participation
de l'agriculture au financement du développement en raison de son
envergure au moment où cette politique est mise en œuvre. Mais
l'aggravation du sacrifice imposé ne risque-t-elle pas de conduire à une
contraction du produit agricole ?
Le risque envisagé a pu être atténué par un certain nombre de
correctifs, mais le problème général de l'absence de stimulants n'a jamais
reçu de réponse satisfaisante. Les mesures destinées à limiter le
découragement que pourrait provoquer l'absence de récompense directe à la
suite de l'effort accompli sont nombreuses. Remarquons tout d'abord
que la diffusion du progrès aboutit à un accroissement de la productivité.
Pour un travail identique, le cultivateur obtient des rendements plus
élevés. Le sentiment de frustration sera atténué puisque le surplus de
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la hiérarchie établie entre les buts que l'on se fixe. Elle est moins un
centre de production ou un lieu d'investissement qu'une unité structurée
de telle sorte que la prise en charge du financement de la croissance par
le secteur agricole soit possible.
L'exemple de la Russie soviétique montre que Ton n'est pas
parvenu à résoudre convenablement le problème de l'accroissement de la
production agricole dans l'hypothèse où l'État accapare au profit du
développement économique l'intégralité des augmentations de cette
production.
Les techniques de prélèvement sont identiques à celles déjà
mentionnées. Seule l'ampleur de la pression exercée permet de préciser le
rôle exact dévolu au secteur agricole. L'écart entre le prix versé au
producteur et le prix exigé du consommateur, indique la part qui revient
aux Pouvoirs publics. Cet écart n'est pas en lui-même sans ambiguïté,
puisqu'on peut prétendre que ce sont les consommateurs qui supportent
la charge du financement. Mais tout sujet économique est
consommateur. La hiérarchie des revenus peut seule permettre de déterminer
quelles sont les couches de la population qui contribuent le plus au
financement.
Cependant l'extrême modicité des prix perçus par les agriculteurs
ne laisse aucun doute et le financement de la croissance soviétique a
été réalisé grâce au pressurage du secteur agricole. Le prix du pain
fournit une illustration parfaite de la modicité des prix agricoles à la
production et de l'importance de l'impôt. En 1939, pour un prix au
détail de 100 roubles l'agriculteur recevait 7,66 roubles tandis que
l'impôt représentait environ 68 roubles. Plus tard, en 1950, alors que
le prix du pain est passé à 240 roubles, la part de l'agriculteur est inférieure
à 10 roubles, tandis que celle de l'impôt est voisine de 170 roubles (1).
Par ailleurs, la valeur variable du troudoden permettait, grâce à une
détermination a posteriori, de limiter quel que soit le volume des récoltes,
la part des agriculteurs à un minimum sévèrement calculé.
Faire de l'exploitation agricole un centre de prélèvement demeure
une entreprise difficile à mener à bien. Dans d'autres pays, les
responsables du développement ont choisi d'autres formules pour mettre le
secteur agricole au service du développement économique.
(1) J. Coogan, Bread and the Soviet System, The Review of Economies and Statistics,
mai 1953, p. 161 et suiv.
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Cette esquisse rapide de la contribution du secteur agricole au
financement de la croissance économique n'avait d'autre prétention que de
rappeler et d'illustrer quelques réalités banales mais un peu négligées
par la littérature économique :
1. Toute croissance économique dont on veut assurer le
financement à l'aide d'une épargne d'origine interne doit nécessairement
avoir recours au secteur agricole pour assumer les charges financières
du développement;
2. Une croissance économique alimentée financièrement par le secteur
agricole peut prendre des allures différentes selon que l'agriculture
participe au lancement de la croissance ou contribue seulement à son
financement;
3. L'ampleur avec laquelle l'agriculture peut assurer le financement
de la croissance dépend de multiples éléments d'ordre économique,
démographique, sociologique. Les modalités de la contribution sont
diverses et doivent tenir compte de données variables d'un pays à un
autre.