Vous êtes sur la page 1sur 26

Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)

Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

Les Coopératives agricoles dans la Région Fès-Meknès :


Développement territorial rural et défis post-COVID

Zineb OULIDI JAWHARI

Docteure en Sciences Économique et de Gestion

oulidi.jawhari.zineb@gmail.com

62
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

Résumé

Depuis déjà quelques décennies, de nombreuses initiatives agricoles ont émergé en réaction à
des besoins non satisfaits et à des disparités sociales et territoriales exorbitantes issues de notre société
marocaine. Dans ce cadre, la coopérative agricole est parmi les solutions adéquates proposées dans le
cadre du programme de l’INDH permettant de gérer les différentes inégalités au sein de la Région Fès-
Meknès (RFM) et de stimuler le développement humain en milieu rural. Cela se fait grâce à l’intégration
des petits producteurs et les groupes marginalisés dans le marché productif local. Cette composante, la
plus importante de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), a également été promue, pratiquement
partout, comme un secteur d’amortissement de crises cycliques, notamment celle de la Covid-19.
Toutefois, les capacités de ce secteur n’ont pas encore été déclenchées concrètement pour lui permettre
de contribuer vivement à une croissance soutenue et durable.

L’objectif de cet article est d’évaluer la contribution des coopératives agricoles au


développement territorial rural de la RFM et l’impact qu’elles ont subi après le choc de la crise sanitaire.
Ce questionnement se situe plus particulièrement dans l'intérêt que suscite la compréhension de la
dynamique et du rôle de la coopérative agricole dans le DT de la communauté rurale de la RFM, laquelle
souffre de la marginalisation. Pour ce faire, nous allons mobiliser un schéma multi méthodes
(cartographie, matrice SWOT, questionnaire, observations et analyse documentaire). Ainsi, les résultats
obtenus pourraient éclaircir, à notre sens, la vision des parties prenantes sur la manière avec laquelle les
coopératives doivent agir pour améliorer leur contribution. Cela devrait produire des effets
multiplicateurs allant de la croissance de la productivité agricole à la croissance économique et à la
réduction de la pauvreté au niveau macro-économique.

Mots clés : Coopératives agricoles ; développement territorial rural ; Croissance soutenue et


durable ; Région Fès-Meknès ; Crise de la covid-19.

Abstract

For several decades now, numerous agricultural initiatives have emerged in response to
unmet needs and exorbitant social and territorial disparities within Moroccan society. In this
context, the agricultural cooperative stands among the appropriate solutions proposed within
the framework of the INDH program, aiming to address various inequalities within the Fez-
Meknes Region (FMR) and promote human development in rural areas. This is achieved
through the integration of small producers and marginalized groups into the local productive
market. This component, the most significant aspect of the Social and Solidarity Economy
(SSE), has also been widely promoted as a sector capable of mitigating cyclical crises,
particularly the impact of Covid-19. However, the full potential of this sector has not yet been
concretely activated to allow it to significantly contribute to sustained and sustainable growth.

The objective of this article is to assess the contribution of agricultural cooperatives to rural
territorial development in the FMR and the impact they have experienced after the shock of the health
crisis. This inquiry is particularly relevant in understanding the dynamics and role of the agricultural
cooperative in the rural development of the FMR community, which suffers from marginalization. To
achieve this, we will employ a multimethod approach (mapping, SWOT analysis, questionnaire,
interview guide, observations, and documentary analysis). Thus, the results obtained could clarify, in
our view, the stakeholders' perspective on how cooperatives should act to enhance their contribution.
This should lead to multiplier effects ranging from increased agricultural productivity to economic
growth and poverty reduction at the macroeconomic level.

Keywords: Agricultural cooperatives; Rural territorial development; Sustained and sustainable


growth; Fez-Meknes Region; COVID-19 crisis.

63
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

INTRODUCTION

La crise de la Covid-19 a engendré des bouleversements économiques et sociaux,


mettant en exergue la nécessité d'explorer des alternatives robustes et inclusives. La
coopérative, en tant que modèle économique axé sur la solidarité et la coopération, se profile
comme une voie prometteuse. Elle permet de développer de nouvelles activités économiques,
de créer de l’emploi et de la richesse, de favoriser l’inclusion sociale et de renforcer la
démocratie économique et la citoyenneté active en intégrant des petits producteurs et des
groupes marginalisés dans le tissu productif local. Une initiative qui va au-delà de la simple
activité économique pour s'étendre à la transformation sociale.
Dans la région de Fès-Meknès, objet de notre analyse, les petites et moyennes
entreprises (PME) et les exploitations familiales représentent une source indispensable de
croissance économique et d’emplois. Toutefois, leur développement dépend fortement des
difficultés structurelles liées à l’accès aux intrants, aux financements et aux marchés pour
développer leurs activités agricoles. Le rôle que pourraient jouer les coopérative agricoles, en
tant qu’entreprise de l’ESS en milieu rural, dans le développement territorial notamment dans
les périodes de crise est largement reconnu. Preuve à l’appui, les trois quarts des agriculteurs
de la RFM adhèrent au moins à une coopérative. Ces structures agissent de manière proactive
sur l'économie locale et l'emploi, en adoptant des modèles d'activité résilients face aux chocs
économiques et environnementaux. À cet égard, le modèle coopératif pourrait être porteur de
solutions dans la mesure où les coopératives agricoles ont pu démontrer leur résilience face à
la crise sanitaire actuelle du covid-19. Toutefois, leur nombre et volume d’activité sont bien en
deçà du potentiel et leur impact sur l’inclusion sociale et l’emploi reste malheureusement très
modeste.
Dans cette perspective, l’investissement dans le travail coopératif agricole pourrait
participer à la structuration et au renforcement du marché régional intérieur et ipso facto à une
plus grande compétitivité des chaînes agroalimentaires, à condition de comprendre parfaitement
l’environnement externe dans lequel ces coopératives agricoles opèrent afin de changer
radicalement les systèmes politiques et économiques ayant montré leurs limites. Cela nous
conduit à poser l’interrogation suivante : dans quelle mesure les coopératives agricoles
constituent-elles un moteur de développement rural dans la RFM notamment dans la période
de la crise de la Covid-19 ?
Pour parvenir à nos fins, nous allons juger nécessaire de porter un éclairage sur la notion
de la coopérative agricole qui, malgré l’immense succès auprès des économistes et des

64
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

sociologues, reste particulièrement difficile à cerner et très rarement définie. Nous établirons
ensuite une analyse chiffrée sur le secteur dans la RFM, mettant en exergue une comparaison
territoriale des coopératives au niveau régional, tout en identifiant les contraintes auxquelles
ladite économie est confrontée. Par la suite, notre démarche consistera à définir le rôle crucial
que joue le modèle coopératif agricole dans le développement territorial de la RFM. Notre
objectif est de comprendre la manière dont les coopératives peuvent contribuer au
développement du secteur agricole et des zones rurales dans la RFM, tout en explorant les
orientations qui pourraient être envisagées en matière de politiques et d’investissements pour
renforcer cette contribution. Enfin, nous mettrons en relief la capacité des coopératives
agricoles à résister aux effets néfastes de la crise sanitaire actuelle de la Covid-19 dont souffre
la majorité des secteurs économiques.

I. GÉNÉRALITÉS SUR LES COOPÉRATIVES AGRICOLES

La coopérative agricole au Maroc est une initiative créée par des agriculteurs pour
protéger et promouvoir leurs intérêts communs, assumant le risque d’activité lié à la
rémunération de leurs produits (collecte-vente) ou à des prix incertains pour les
approvisionnements et services. Cette association de personnes et non de capitaux est, par
ailleurs, une organisation économique formelle, régie par la loi 12-112, bénéficiant d’une
reconnaissance officielle des pouvoirs publics. Elle permet, grâce à la mutualisation des
ressources financières, des outils et des compétences, de gagner plus en favorisant une
rentabilité et une productivité plus grandes qu’elles ne l’auraient été si chacun exploitait
individuellement ses maigres ressources.
Eu égard à ses principes d’équité et à ses valeurs novatrices, la coopérative revendique
comme un mode de production fondé sur la gestion démocratique, la mutualisation des risques,
le pouvoir partagé, et la coopération entre salariés et usagers sur la base de relations de
confiance. Avoir le statut d’une coopérative nécessite l’association d'au moins huit adhérents,
exception faite pour les coopératives d’utilisation de matériel agricole qui exige un minimum
de quatre membres. Cette organisation sociale repose sur la démocratie, où chaque membre a
une voix dans le processus de prise de décision. Dans les petite structures, les décisions sont
souvent prises par consensus, tandis que dans les coopératives de plus grande envergure, les
membres élisent des représentants qui siègent au conseil d'administration (CA). 1

1
Notons que l’objectif fondamental de CA étant de définir les objectifs, les stratégies d'investissement et de
superviser l'exécution des projets, avec une transparence totale pour tous les membres.

65
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

Créées à l’initiative des agriculteurs, les coopératives offrent une diversité de services
liés à la production agricole. Elles se positionnent sur l'ensemble de la chaîne, reliant l'offre et
la demande, agissant en amont et en aval des producteurs agricoles. Les coopératives exécutent
des fonctions variées telles que la collecte des céréales, du lait, des fruits, des légumes, et de la
viande. Certaines incitent les agriculteurs à stocker leur production en échange de primes. Elles
englobent aussi des coopératives d'approvisionnement qui fournissent des intrants comme les
produits phytosanitaires, les semences, l'alimentation animale, et le matériel agricole. Enfin, les
coopératives de transformation jouent un rôle clé dans la valorisation des produits, ajoutant une
plus-value et explorant de nouveaux marchés. Certaines coopératives peuvent exercer
simultanément ces fonctions, offrant une gamme étendue de services, notamment les
coopératives multidisciplinaires.
À l'instar de toutes les entreprises commerciales, les coopératives ont souvent besoin de
capitaux pour investir dans de nouveaux projets et de nouveaux actifs. Ainsi, les principales
sources des fonds nécessaires proviennent généralement des adhérents, des excédents des
bénéfices non distribués et des sources externe telles que les banques, les subventions, et les
ONG. La plupart de ces organisations recourent à l’autofinancement, car l’accès au crédit est
toujours difficile, surtout dans des régions où les garanties sont insuffisantes. Cette contrainte
financière met en péril leur pérennité et limite la réalisation de projets sociaux
Pour surmonter ce défi, les adhérents financent généralement leurs projets avec leurs
propres ressources, conservant la propriété collective pendant leur adhésion. Même avec des
subventions extérieures, les adhérents demeurent la principale source de financement. Cette
contribution peut être restituée à la fin de l'adhésion. Force est de souligner que le capital créé
grâce à la redistribution de l’excédent réalisé par ces organisations demeure essentiel et relève
formellement de l’Assemblée générale suite à la proposition du CA. Une partie est attribuée
aux adhérents sous forme de ristournes, tandis que l'autre est conservée en réserves pour
financer des investissements futurs. En outre, les coopératives sollicitent des financements
auprès de banques, d'institutions de microfinance, d'organismes de soutien coopératif, de
fournisseurs, d'acheteurs, et d'autres acteurs pour renforcer leur productivité.

II. LA RFM : LIEU D’ÉCLOSION DES COOPÉRATIVES AGRICOLES


Pour mener à bon port ce point, il s’avère édifiant d’analyser le poids de ce secteur pivot
à l’aide d’une cartographie que nous avons élaborée minutieusement avec nos propres soins.
L’objectif ultime de cet outil est de mettre en exergue une comparaison sectorielle des

66
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

coopératives agricoles entre les différentes provinces de la RFM afin d’en dégager une vision
globale et synthétique.
2.1. Le secteur coopératif agricole en quelques chiffres

Selon les chiffres qui nous ont été communiqués par l’Office du développement de la
coopération (ODCO), le secteur coopératif agricole a connu un saut important durant ces
dernières années. En réunissant plus de 31 081 agriculteurs, ces organisations regroupent
l’écrasante majorité des coopératives soit 71,52% de l’effectif total en 2020, contre 64.49% au
niveau national. La région a affiché une tendance de création positive de 108,5% comparée à
l’an 2015. Rappelons que le nombre de coopératives agricoles était seulement 264 en 2005
contre 2 307 en 2020, réparti de manière inégale entre les diverses provinces de la région.
Un cap marqué par l’entrée en vigueur, en juillet 2016, de la loi 112-12 relative à ce
tissu qui avait pour objectif ultime de doter le marché aussi bien régional que national de
structures formelles, créatrices de valeurs particulièrement dans le milieu rural. Cela a permis
d’assurer une autonomisation financière à l’ensemble des adhérents qui avaient auparavant des
ressources très limitées. Le graphe ci-après illustre bel et bien l’évolution de la création des
coopératives agricoles ainsi que leurs adhérents dans la RFM.
Figure 1 : Évolution des coopératives agricoles dans la RFM
30000 2500

Nombre de coopératives
2000
20000
Nombre d'adhérents

1500
1000
10000
500
0 0
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

Années
Nombre d'adhérents Nombre de coopératives

Source : Faite par nos soins sur la base des données de l’ODCO

L’enregistrement formel de ce grand nombre de coopératives agricoles n’est pas le fruit


du hasard, mais c’est le résultat du dynamisme de la population locale, de l’accompagnement
croissant de plusieurs acteurs étatiques, des organisations internationales et de la société civile,
mais également de l’élaboration de projets de développement rural. Cet intérêt grandiose se
traduit par l’importance accordée par l’État à ces institutions dans la mesure où elles constituent
un instrument permettant d’encadrer efficacement les agriculteurs afin de favoriser le
développement et la modernisation de ce secteur porteur et créateur de richesses au niveau
régional et d’en augmenter la productivité. L’ambition étant de développer les filières agricoles

67
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

phares dans les différentes provinces de la RFM comme l’arboriculture fruitière et l’élevage
ovin à travers la création d’unités de valorisation, d’une part, et le désenclavement des
communes rurales en donnant lieu à des pistes permettant la réduction des coûts de transport et
en favorisant ipso facto la commercialisation des produits agricoles, d’autre part. Mais qu’en
est-il de sa répartition géographique et sectorielle ?
2.2. La cartographie des coopératives agricoles de la RFM

Sans prétendre à l’exhaustivité, la cartographie2, objet de notre étude, a pour objectif de


collecter et de mettre à la disposition du public des données statistiques actualisées (pour l’an
2020) et fiables afin d’assimiler le poids du secteur coopératif agricole dans la RFM.

Figure 2 : Cartographie des coopératives agricoles dans la RFM

Source : Faite par nos soins sur la base des données de l’ODCO 2020

L’analyse de cette cartographie a montré grossièrement une répartition inégale des


coopératives et de leurs membres aussi bien au niveau provincial que sectoriel.

2
Cet outil revêt un intérêt capital pour moi, dans la mesure où, j’ai dû rassembler manuellement toutes les
statistiques susceptibles de nous intéresser dans l’élaboration de cette carte, à l’aide bien évidemment des données
éparpillées dans les documents et les rapports officiels.

68
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

2.2.1. Au niveau de la répartition provincial

Une évolution remarquable a été constatée au niveau de la dynamique spatiale


provinciale. En effet, les deux provinces Taza (26%) et Boulemane (21,72%) s’accaparent
presque la moitié (47,72%) des coopératives agricoles de la région grâce à leurs ressources
naturelles et économiques diversifiées. Suivies respectivement de celles de Taounate
(14,26%), Meknès (10,58%), Sefrou (9,36%) et Moulay Yacoub (7,07). En revanche, Ifrane
compte seulement 5,38% des coopératives actives, El Hajeb (4,20%), et la préfecture de Fès
seulement 1,43%.
En termes d’effectifs d’adhérents, nous remarquons que plus de 72% des emplois sont
concentrés dans seulement cinq provinces. Taza réunit à elle seule (19,37%) de l’effectif
régional total, suivie de près par Boulemane (16,49%) et Taounate (16,04%). Meknès se
positionne en quatrième lieu avec (11,43%), tandis que Moulay Yacoub arrive en dernier lieu
avec une part de (11,09%). Le graphique ci-après en est une illustration :
Figure 3 : Répartition provinciale des coopératives agricoles et de leurs adhérents 2020

FES 2,43%
1,43%
EL HAJEB 5,94% Nombre Adhérents
4,20%
IFRANE 8,45% Nombre de coopératives
5,38%
MY… 11,09%
7,07%
SEFROU 8,76%
9,36%
MEKNES 11,43%
10,58%
TAOUNATE 16,04%
14,26%
BOULMA… 16,49%
21,72%
19,37%
TAZA 26%
0% 5% 10% 15% 20% 25% 30%

Source : faite par nos soins sur la base des données de l’ODCO

2.2.2. Au niveau de la répartition sectorielle

Bien que les activités des coopératives œuvrent dans une vingtaine de branches
d’activité, leur présence dans la RFM se concentre principalement sur quelques branches
d’activités spécifiques. Les domaines les plus visés sont l’Élevage, l'Apiculture, l'Oléiculture
(Olives), la Collecte & Commercialisation du lait, les Activités Multifonctionnelles
(Valorisation), l'Approvisionnement, l'Arboriculture et l'Aviculture, répartis de manière
inégale. Il est à noter qu’au cours de la dernière décennie, de nouvelles activités ont émergé,
telles que les Cuma, la Cuniculture, l'Exploitation des terres, l'Exploitation des amendes et
l'Exploitation des figues, contribuant à l'essor remarquable de ce secteur, comme l'illustre le
graphique ci-dessous :

69
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

Figure 4: Répartition sectorielle des coopératives agricoles pour l'an 2020

ELEVAGE
7%
2%
3%
3% APICOLE
3%
40% OLEICOLE (OLIVIERS)
8%

COLLECTE & COMMERCIALISATION DU LAIT


10%
MULTIFONCTIONNELLE (VALORISATION)

APPROVISIONNEMENT
24%
ARBORICULTURE

AVICOLE

Autres

Source : faite par nos soins sur la base des données de l’ODCO 2020.

La lecture de ce graphique montre bel est bien que le nombre des coopératives varie
fortement d’un sous-secteur à l’autre. Partant, nous constatons que les coopératives agricoles
d’éleveurs3 dans le sous-secteur des bovins et petits ruminants (viande rouge) dominent
largement le secteur agricole dans la région. En réunissant plus de 8 966 agriculteurs, ces
organisations regroupent l’écrasante majorité des coopératives avec un nombre de 927, soit
40% de l’effectif total en 20204 ; étant donné qu’elles sont situées dans des territoires très
divers, allant des périmètres irrigués aux zones de montagne. Cette croissance remarquable au
cours des dix dernières années est attribuée à divers projets de développement rural, surtout
dans les régions défavorisées.
Toutefois, la majorité d’entre elles souffrent encore de plusieurs défis, notamment en
matière d’organisation et de gestion. Les marchés informels, en particulier les marchés locaux,
lèsent en partie non négligeable les marchés formels en offrant des prix avantageux, ce qui
impacte les petits éleveurs qui ne disposent que de petites quantités d’animaux. Ce phénomène
se justifie par le fait que les abattoirs imposent des conditions extrêmement difficiles, tandis
que les ventes informelles dans les souks ne sont ni contrôlées ni pénalisées. Un autre défi
notable est le coût élevé de la production, principalement associés aux aliments du bétail. Cette
situation se répercute négativement sur le développement de filières compétitives avec un
nombre réduit d’intermédiaires et sur la création des coopératives de production, de
transformation et/ou de commercialisation de la viande rouge à forte valeur ajoutée.
Le secteur apicole vient en deuxième position avec 557, soit 24% du total des
coopératives de la région, regroupant ainsi 5 002 adhérents.

3 Ces coopératives sont de nature diverse, car elles peuvent être composées de producteurs de bovins à double fins
(lait et viande), de bovins de boucherie ou de petits ruminants.

70
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

Malgré une évolution significative de la production de miel après le lancement du PMV


en 2008, caractérisé par la création de plus de 60% des coopératives à partir de cette date, la
Fédération Interprofessionnelle Marocaine des Apiculteurs (FIMAP) indique que la production
régionale, voire nationale, de miel est principalement absorbée par les marchés locaux
informels. Les marchés formels ne proposent pas de rémunérations plus attractives, expliquant
ainsi la réticence des producteurs à investir collectivement dans le développement des produits
et la commercialisation groupée. Cette situation s'explique également par le fait que la
production de miel ne constitue généralement pas la seule source de revenus des familles
impliquées. Les producteurs de miel diversifient leurs activités pour répondre à leurs besoins
qui ne cessent d’augmenter jour après jour, ce qui limite leur engagement collectif dans le
développement et la commercialisation de leurs produits.
Le secteur oléicole, quant à lui, occupe la troisième place avec 232, soit 10% de
coopératives de la région. En réunissant 3 314 adhérents, ce type d’organisation représente une
solution efficace et pratique pour une grande frange de la population désirant investir dans la
production et la commercialisation des olives. Avec une production oléicole qui avoisine 1
million de tonnes pour la saison agricole 2018-20195, la RFM a renforcé sa position de leader
en matière d’huile d’olive au Maroc. Cette performance se résulte généralement de la
modernisation des techniques de production et de la refonte au niveau des pratiques agricoles,
ce qui se répercute positivement sur l’amélioration des conditions de la production d’huile
d’olive, la protection de l’environnement et la valorisation des sous-produits de l’olivier.
Notons que plusieurs coopératives agricoles ont été récemment associées à des
groupements d’intérêts économiques (GIE) pour bénéficier des meilleures conditions de
production, de commercialisation et de conservation de l’huile d’olive extra vierge, étant
équipés de technologie avancées. Cependant, des obstacles subsistent, notamment en matière
de durabilité liée aux faibles capacités de gouvernance et de gestion des coopératives. Le défi
majeur réside dans la prédominance du marché informel, malgré les opportunités offertes par
le marché régional et national, ainsi que la vente en vrac sans respect des normes sanitaires,
rendant les coopératives moins attractives par rapport aux entreprises agroalimentaires.

De son côté, le sous-secteur laitier, bien que ne représentant que 8% des coopératives
agricoles dans la RFM, revêt une importance significative en termes d'adhésion, regroupant
plus de 4 761 adhérents à la fin de 2020 au sein de 186 coopératives. Ces coopératives se

5 Selon les données avancées par la direction régionale de l’agriculture (DRA) de Fès-Meknès.
71
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

distinguent par leur diversité, certaines se consacrant à la collecte et à la commercialisation du


lait, tandis que d'autres se spécialisent dans la transformation laitière. L'essor de ce secteur est
étroitement lié au soutien cohérent et durable de l'État à travers le Plan Laitier 6 . La nature
périssable du lait, nécessitant des chaînes du froid organisées et une commercialisation efficace,
ainsi que des exigences de contrôle de qualité, ont incité les agriculteurs à former ces
coopératives laitières pour assurer l'écoulement de leurs produits. Actuellement, ces
coopératives détiennent environ 30% des parts de marché pour le lait frais, collaborant pour
regrouper le lait auprès des producteurs et des centres de collecte, puis le transférer aux
industries laitières à l'échelle régionale et nationale.
Bien que ne représentant que 3% du total des coopératives, le secteur de
l’Arboriculture Fruitière a réussi à regrouper plus de 567 adhérents, marquant des avancées
considérables. Toutefois, le secteur souffre encore de plusieurs contraintes, notamment une
grande hétérogénéité de la production en termes de qualité, calibres et variétés, ainsi qu'un
réseau de marchés de gros insuffisant au niveau régional et national. Ces défis rendent
l'investissement dans des infrastructures telles que des centres de réfrigération, de calibrage,
d'emballage et de commercialisation peu attractif, limitant ainsi le développement des
coopératives de petits producteurs7 dans ce domaine.
En ce qui concerne la production avicole, le nombre de coopératives a
considérablement augmenté depuis 2011 pour atteindre 54 en 2020, réunissant 420
coopérateurs. Cependant, ces structures semblent être de petites entités vendant des quantités
limitées sur les marchés locaux, et elles ne rivalisent pas efficacement avec les élevages
industriels de poulets qui dominent le secteur.
Il est important de noter que le secteur coopératif agricole de la RFM ne se limite pas
aux domaines susmentionnés, mais englobe également 297 structures opérant dans seize autres
secteurs d'activités économiques, tels que la valorisation des produits du terroir,
l'approvisionnement, les céréales, le maraîchage, la pépinière, les Cuma, les agrumes, les
caprins, les légumes et fruits, les raisins, etc.

6
Le Plan Laitier a soutenu: le développement de la production fourragère; l’amélioration de la composition
génétique du cheptel national par l’importation de génisses laitières; le développement de l’insémination
artificielle, les programmes de croisement génétique et la création d’étables «pépinières»; l’organisation
professionnelle des éleveurs en coopératives et associations; l’octroi de subventions; l’organisation et le
développement des centres de collecte du lait et des usines de transformation; et la fourniture de services
vétérinaires (Araba et al., 2001).
7
Selon les représentants de la FEDAM (communication personnelle, décembre 2016), les grands producteurs
commercialisent déjà leurs fruits individuellement dans les supermarchés.
72
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

2.2.3. Au niveau de la répartition des capitaux


Concernant le Chiffre d’affaires, les données disponibles se limitent à l'année 2015, où
le volume des capitaux générés par ces coopératives a dépassé 282,294,346 DH. Cela représente
une moyenne de 153,839 DH par coopérative et de 7,822 DH par adhérent. En comparaison
avec d'autres régions du royaume, la RFM détient seulement 3% du chiffre d'affaires global,
tandis que la part de lion (66,8%) est accaparée par trois régions, à savoir Souss-Massa,
Casablanca-Settat et Béni Mellal-Khénifra.
Figure 5 : Répartition géographique des capitaux des coopératives au Maroc
45,00%
42,40%
40,00%

35,00%

30,00%

25,00%

20,00%
13,80%
15,00% 10,60% 8,80% 8,10%
10,00% 5,50% 4,60%
1,40% 3,00%
5,00%
1,70% 0,10% 0,00%
0,00%

Source : faite par nos soins sur la base des données de l’ODCO

Dans le but de stimuler l'économie de certaines régions, y compris la RFM, l'État a


octroyé des subventions, des aides financières et techniques, ainsi que des crédits aux
coopératives opérant dans le secteur agricole. Malheureusement, cela a entraîné une forte
dépendance financière, administrative et technique des coopératives à l'égard de l'État.
2.2.4. Au niveau des coopératives féminines :
Il est indéniable que les coopératives, jouissant d'une forte présence dans le secteur
agricole, ont remporté un succès notable auprès d'un public diversifié, englobant différentes
catégories et classes socioprofessionnelles, notamment les femmes et les jeunes diplômés. Le
secteur coopératif agricole a joué un rôle crucial dans l'autonomisation des femmes en
favorisant leur intégration dans l'économie des zones rurales de la région, où elles sont souvent
marginalisées. La structure coopérative offre aux femmes une véritable échappatoire, leur
permettant de s'émanciper et de faire entendre leur voix dans un environnement généralement
dominé par les hommes.
Au 31 décembre 2020, le secteur coopératif féminin a atteint son apogée avec 168
coopératives, représentant 7,56% du nombre total de coopératives agricoles dans la RFM. Cela

73
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

a offert à 1456 adhérentes l'opportunité de s'émanciper en participant à diverses activités dans


les branches agricoles. Ce choix semble être motivé par le fait que ces activités ne nécessitent
pas nécessairement un effort mental intensif, une réflexion approfondie ou une formation
préalable. Il est important de souligner que le soutien de l'INDH a contribué à l'essor de ce type
d'organisation, comme le montre le graphique ci-dessous :
Figure 6 : Évolution des coopératives agricoles des femmes dans la RFM (2005- 2020)

1600 180
1400 160

Nombre de coopératives
Nombre d'adhérents

1200 140
120
1000
100
800
80
600
60
400 40
200 20
0 0
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Années
Nombre d'adhérents Nombre de coopératives

Source : faite par nos soins sur la base des données de l’ODCO

Par secteur, la majorité des coopératives féminines se concentrent principalement dans


le domaine de l'élevage. À la fin de 2020, plus de 50 groupements de femmes se sont investis
dans ce secteur, rassemblant ainsi plus de 335 femmes. En deuxième position, l'apiculture a
attiré l'attention de 30 coopératives féminines, représentant 18% de l'ensemble des coopératives.
La transformation des produits oléicoles occupe également une part significative chez les
femmes, avec 10 coopératives, soit 5% du total de ces groupements.
Sur le plan géographique, la répartition des coopératives féminines est fortement ancrée
dans les zones rurales. La prédominance du secteur coopératif agricole a influencé leur présence
sur le territoire régional, en privilégiant les régions à vocation agricole. À l'échelle provinciale,
les trois premières provinces, Boulemane (35), Taza (29), et Sefrou (24), concentrent plus de
88% de l'ensemble des coopératives féminines de la RFM. Elles sont suivies respectivement
par Taounate (23), Meknès (18), et Ifrane (16).

2.2.5. Au niveau des coopératives des jeunes diplômés


Actuellement, le modèle coopératif, s’inscrivant dans la continuité et l’innovation, se
voit de plus en plus approprié aux jeunes diplômés désirant créer et gérer des entreprises
durables. En effet, cette frange de la population y trouve un terrain fertile qui favorise l’éclosion
de leurs idées innovantes et créatives ce qui répond de manière positive et satisfaisante à leurs

74
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

besoins particulièrement dans les territoires où ils sont confrontés à des perspectives d’emploi
très limitées. Cependant, en 2020, selon les données de l'ODCO, seules 12 coopératives
agricoles créées par des jeunes diplômés ont vu le jour dans la région de la RFM, regroupant
137 adhérents. Malgré leur faible nombre, ces coopératives se dirigent principalement vers le
secteur apicole (34%), suivi de l'oléiculture (25%), de l'approvisionnement, de la collecte et de
la commercialisation du lait, du Cuma et de l'élevage.
Géographiquement, la province de Boulemane vient au premier rang en termes de
nombre de coopératives des jeunes diplômés avec 6 coopératives soit 50%, suivie de celle de
Séfrou avec 4 coopératives, tandis que Meknès et Ifrane abrite chacune une coopérative.
Bien que le nombre de coopératives créées par des jeunes diplômés puisse sembler
modeste, il soulève des questions sur la préférence de cette catégorie pour l'emploi salarié ou
d'autres formes d'entrepreneuriat. La méconnaissance et le manque de communication intensive
sur l'entrepreneuriat coopératif auprès des jeunes diplômés pourraient également expliquer cette
réalité. Une analyse SWOT des coopératives étudiées permet de mettre en lumière leurs forces,
faiblesses, opportunités et menaces dans leur environnement interne et externe.
Tableau 1 : Matrice SWOT des coopératives agricoles de la RFM

Forces Faiblesses
- Coopérateurs ambitieux, - Faiblesse de capital,
- Solidarité entre les membres, - Absence d’esprit entrepreneurial,
- Participation active de la femme dans les - Ignorance de la loi réglementant les coopératives,
activités des coopératives, - Manque de professionnalisme dans la gestion de
- Disponibilité des ressources naturelles, - certaines coopératives,
Matières premières naturelles et de bonne - Faiblesse de rentabilité,
Origine interne (Organisationnelle)

qualité, - Analphabétisation de certains adhérents,


- Production abondante et diversifiée, - Matériel de production traditionnelle,
- Coût de production faible, - Insuffisance financière pour l’acquisition des
- Un bon rapport qualité/prix pour la machines sophistiquées,
majorité des produits, - Problème de local surtout au niveau urbain,
- Effets positifs des produits sur la santé et - Absence de comptabilité crédible,
la sécurité, - Absence de certification des produits,
- Produits représentant un patrimoine - Production vendue en vrac (prix de vente inférieur),
culturel et artisanal. - Manque de publicité (institutionnelle et produit),
- Emballage, étiquetage et conditionnement ne
reflétant pas l’importance des produits,
- Système social très faible (assurance, CNSS,
retraite,).

75
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

Opportunités Menaces
- Produits jouissant d’une renommée - Marché interne et externe limité,
internationale, - Concurrence des produits industrialisés,
- Forte demande des produits à l’étranger, - Concurrence de certains produits des pays étrangers
- Proximité géographique de l’Europe, (Italie, Tunisie, Turquie, Syrie, France ...),
- Accords de libre-échange avec l’Union - Coût élevé du matériel de production et de transport,
-
Origine externe (Environnementale)

européenne, Rareté et cherté de certaines matières premières,


- Mesures incitatives lancées par l’État : - Absence de financement externe,
INDH, Plan Maroc vert, Plan Émergence, - Accès difficile aux canaux de distribution
vision artisanale 2015, etc., - Routes défavorisées dans le milieu rural,
- Plusieurs établissements nationaux de - Problème de conformité de certains produits aux
soutien : ODCO, ministère des affaires normes internationales de sécurité, hygiène et santé,
générales, Agence de développement - Faible soutien de certains acteurs publics au
social, Agence de développement développement du secteur,
agricole, etc., - Activité saisonnière de certaines coopératives,
- Soutien de certaines organisations - Problème de respect des délais de production et de
internationales (USAID, ONU ...), livraison,
- Existence des établissements de formation - Manque de points de vente stable de proximité,
professionnelle dans divers métiers ; - Impact des changements climatiques sur les produits
- Exonération des taxes et impôts, agricoles,
- -
Source : Élaborée par nos soins

III. LA COOPÉRATIVE AGRICOLE, TREMPLIN DE DÉVELOPPEMENT


TERRITORIAL INCLUSIF
Le rôle que pourraient jouer les coopératives agricoles, quelles que soient leurs tailles
ou les filières agricoles qu’elles valorisent dans le développement productif régional, n’est pas
à démontrer. En effet, tout au long de ces deux dernières décennies, ce type d’organisation
sociale, qui se situe à l’interface entre les services publics et ceux du secteur privé, s’est vu
érigé en un instrument qui agit fortement pour l’économie réelle des territoires relégués au
second plan.
Leur mode d'organisation, combinant activités productives, objectifs écologiques,
civiques et sociaux, les positionne comme des catalyseurs du développement économique et de
la cohésion sociale. Les coopératives agricoles sont ancrées territorialement, assurant la stabilité
des activités et services, créant des liens sociaux favorisant la cohésion sociale et la solidarité,
et stimulant l'innovation tout en maintenant des emplois durables.

76
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

3.1. La coopérative agricole, acteur de cohésion sociale, solidarité et inclusion


Bien qu’elle constitue une nouvelle forme de gestion sociale, la coopérative agricole
témoigne d’une réponse inédite aux besoins sociaux (nécessité), aux aspirations de
développement d’appartenance collective (identité) et à la construction d’un monde
démocratique et équitable (projet de société). En territoire rural comme urbain, cette économie
favorise le « vivre ensemble » à travers la lutte contre les inégalités et les formes de
discriminations. Ce faisant, elle offre un cadre légal, solide, viable pour entreprendre autrement
et facilite ipso facto les relations des agriculteurs avec l’État.
En s’adaptant aux besoins des communautés rurales, la coopérative agricole assure la
solidarité entre les membres et contribuent fortement à la réussite de développement de leur
territoire hôte ou de leur filière. Cela se manifeste à travers, par exemple, l’intégration des
jeunes agriculteurs en leur procurant toute l’assistance adéquate en cas d’intempéries ou d’aléa
climatique exceptionnel, ou encore en apportant le soutien nécessaire à un exploitant victime
d’un sinistre important. Elle peut par ailleurs leur permettre d’accéder à une assurance agricole
et à des outils de protection à des prix avantageux, car mutualisés.
Ce mode d’organisation favorise aussi l’égalité des genres en donnant aux femmes
rurales la possibilité de participer au développement de l’économie locale. En effet,
l’organisation des femmes en coopératives, mixtes ou exclusivement féminines8, n’est pas
seulement un synonyme de création d’une activité génératrice de revenus9 et de valorisation de
leur travail sous-estimé auparavant, mais c’est plutôt un tournant important qui permet à ces
femmes d’accroître leur pouvoir décisionnel, relationnel et surtout économique autant au sein
de leurs familles que dans leur collectivité. Et par là, les femmes deviennent de véritables
actrices du développement de leur localité. Rappelons que ces femmes, dans ce milieu fait par
et pour les hommes, trouvent dans la structure coopérative une véritable échappatoire qui leur
permet de s’émanciper en portant à tue-tête leur voix. L’objectif étant d’améliorer leur qualité
de vie de façon durable en contribuant ainsi à la réduction du chômage, de la pauvreté extrême
et de la discrimination.
Par ailleurs, cette économie parallèle repose sur le respect des principes et des valeurs
dans la gestion des coopératives et la valorisation des ressources humaines à travers la mise en
place des formations adéquates dans divers domaines, d’une part, et l’organisation des cours

8
Les coopératives féminines sont des entreprises détenues et régies de manière démocratique et guidées par les
valeurs de l’entraide, de l’auto-responsabilité, de la démocratie, de l’égalité, de l’équité et de la solidarité. Elles
axent leurs activités sur la personne et permettent aux membres, par le biais de décisions prises démocratiquement,
de déterminer de quelle manière ils veulent réaliser leurs aspirations économiques, sociales et culturelles.
9
Dans certains cas, le revenu de ces femmes constitue le seul salaire de leur foyer.
77
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

d'alphabétisation pour ces femmes rurales ayant pris conscience de l'intérêt de scolariser leurs
enfants et surtout leurs filles, d’autre part. L’objectif ultime de ces formations est d’assurer
l’épanouissement créatif, culturel des individus et des collectifs. Aujourd’hui, l’État encourage
plus que jamais la création des coopératives féminines dans les zones rurales en vue de préserver
la singularité du territoire par la valorisation de ses produits locaux.
3.2. La coopérative agricole : vivier de l’emploi et de la croissance économique

Au-delà de son rôle social, la coopérative agricole soutient le développement


économique de sa région par la création et le maintien d’emplois durables sur le marché du
travail local. L’ambition étant de garantir une vie décente pour la population démunie, en
prenant en considération des problèmes sociaux, des secteurs d’activités non explorés et des
espaces géographiques délaissés.

Par les emplois qu’elle crée, cette économie parallèle est devenue la championne de
l’entrepreneuriat collectif et social dans la mesure où elle aide les groupes d’agriculteurs,
n’ayant que leurs forces de travail, à créer leurs propres structures économico-sociales durables.
Il n’est pas fortuit de rappeler, dans ce sillage, que la 14ème édition du SIAM de 2019 s’est
inscrite autour du thème de « L’agriculture, levier d'emploi et avenir du monde rural ». Les
organisateurs de cet évènement de grande envergure ont sollicité l’intervention des différents
acteurs opérant dans le monde agricole pour accompagner les populations rurales en vue de leur
permettre de s'adapter aux changements sociaux, démographiques, économiques, territoriaux et
climatiques. Qui plus est, ils ont souligné l’importance de l’amélioration des outils et techniques
d’exploitation pour assurer une meilleure productivité et chercher de nouvelles perspectives
susceptibles de renforcer davantage le secteur agricole afin d’en faire un pilier d’emplois stables
et décents. L’objectif escompté étant de promouvoir un développement équilibré et durable tout
en adoptant une approche participative

Par ailleurs, les petits agriculteurs procurent des avantages énormes en adhérant à une
coopérative agricole. D’abord, ce type de projet apporte un encadrement technique et un appui
financier considérables. Ensuite, les membres, en partageant des ressources financières,
humaines et naturelles, parviennent à faire des économies d’échelle grâce à l’acquisition
commune d’intrants notamment des semences, des engrais et des équipements, mais aussi à la
vente conjointe de produits agricoles aux meilleurs prix. Cette situation encourageante renforce
non seulement la rentabilité des exploitations des adhérents en répondant favorablement à la
demande agricole trop élevée, mais contribue aussi à la réduction de la pauvreté pour des
milliers de personnes en situation difficile dans les territoires ruraux de la RFM. Enfin, ce
78
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

regroupement permet aux agriculteurs d’améliorer leur position de négociation pour mieux
appréhender le marché, d’acquérir des parts de marché et de procurer une position de force face
à la concurrence déloyale.

Au-delà de son impact en termes d’emplois, la coopérative agricole se caractérise


également par sa capacité d’innovation économique et sociale : nouveaux services, nouveaux
métiers et nouvelles formes de gouvernance. La diversité des projets qu’elle crée et la volonté
de placer l’humain au cœur de ses initiatives font d’elle un foyer d’innovations sociales,
organisationnelles, d’activités et d’usages. Ainsi, grâce à la conciliation de la performance
économique et de l’amélioration de la qualité de vie des populations marginalisées issues des
territoires délaissés, cette économie se veut aussi inclusive10, injectant à la croissance
économique un nouveau souffle. Elle permet à ses membres de produire avec des coûts moins
élevés de réaliser plus de bénéfices. Cela conduit à un progrès au niveau matériel des
coopérateurs et à l'amélioration de leur niveau de vie.

3.3. La coopérative agricole : voie originale du développement durable

À côté de la fonction sociale et économique des coopératives, la fonction


environnementale se traduit par la gestion économe et responsable des ressources naturelles.
Aussi bien au niveau de la pensée que de la pratique, de nombreux projets élaborés dans ce
secteur relevaient d’un développement économique orienté vers la satisfaction des besoins
durables des communautés et des populations. Force est de souligner que la coopérative agricole
a fortement investi dans la promotion d’une agriculture locale de qualité et respectueuse de
l’environnement en créant des liens forts entre consommateurs et producteurs. Ce faisant, elle
a été pionnière du recyclage (papier, textile, déchets électroniques…), créatrice dans les modes
de production et de distribution d’une offre agricole plus respectueuse de la planète (bio,
agriculture paysanne, circuits courts…), active dans le déploiement au plus grand nombre de la
transition énergétique (lutte contre la précarité énergétique, mobilité durable et partagée,
coopératives d’énergie citoyenne …), vigilante quant à la diminution des déchets à la source en
maximisant la gestion de stock consommation de produits biologiques et de produits d'entretien
biodégradables et organise souvent des campagnes de formation et de sensibilisation pour

10
On définit grossièrement la croissance inclusive comme une « une croissance qui a pour but de favoriser
l’autonomie des citoyens grâce à un taux d’emploi élevé, d’investir dans les compétences, de lutter contre la
pauvreté, de moderniser les marchés du travail et les systèmes de la formation et de protection sociale pour aider
tout un chacun à anticiper et à gérer les changements, et de renforcer la cohésion sociale. Il est également crucial
de veiller à ce que les fruits de la croissance économique profitent à toutes les régions de l’Union, y compris à ses
régions ultrapériphériques, afin de renforcer la cohésion territoriale. Il faut garantir à tous un accès et des
perspectives tout au long de la vie.
79
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

développer l’esprit d’écocitoyenneté des membres. Dans tous ces domaines, cette organisation
sociale cherche sans répit à produire, à consommer, à épargner et à décider de manière plus
respectueuse de l’Homme, de l’environnement et des territoires.

IV. LA CRISE SANITAIRE : QUELS IMPACTS SUR LE SECTEUR


COOPÉRATIF AGRICOLE ?

Dans le contexte actuel de la crise sanitaire, économique et sociale, les coopératives


agricoles n’étant pas à l’abri et se voient impactées diversement selon leurs filières et
débouchés, au même titre que la plupart des acteurs de l’agroalimentaire. Bien que ce type
d’entrepreneuriat fût et demeure structurellement moins rentable et plus endetté avant la crise
par rapport aux autres types d’entreprises, il n’en demeure pas moins qu’il a fait preuve d’une
vigilance extrême et d’une capacité d’innovation sans précédent.

Sans prétendre à une analyse exhaustive, notre démarche vise à évaluer l'impact de la
crise de la Covid-19 sur le secteur coopératif agricole de la RFM. Nous avons utilisé un
questionnaire administré à 60 dirigeants de ces structures, avec pour objectif principal
d'identifier les principales conséquences de la pandémie sur l'emploi, la production et la
commercialisation des produits des coopératives agricoles (voir le questionnaire en annexe).
L’administration des questionnaires a été réalisée lors du Salon Régional de l’Économie Sociale
et Solidaire à Fès en 2023, en privilégiant des terrains différents en termes de domaines
d’activité. Nous avons privilégié l'entretien direct, traduisant et expliquant le questionnaire en
arabe en cas de besoin. Les participants ont été invités à participer volontairement à cette étude,
après avoir été brièvement informés du cadre général et des objectifs de la recherche. Il est
pertinent de noter que l'âge moyen de nos informateurs est de 37 ans, avec une prédominance
masculine (79,9%). Leur ancienneté moyenne dans leur poste est de 5,75 ans. L'échantillon
comprend plus de 80% de participants affirmant être d'origine de la RFM.

Notre analyse a révélé que la crise de la Covid-19 a eu un impact profond et durable sur
l'économie régionale, ayant tourné au ralenti depuis déjà plusieurs mois, avec des conséquences
plus au moins considérables sur la production et l’emploi, principalement dans les zones rurales,
majoritairement informelles.

En effet, l’annulation de tous les événements de grande envergure du pays11 à l’image


de la 15ème édition du Salon International de l’Agriculture de Meknès (SIAM) qui rassemble

11
Nous parlons des évènements qui rassemblent plus de 1000 personnes ou ceux faisant intervenir des étrangers.

80
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

une panoplie d’entreprises nationales et étrangères de grande renommée, a provoqué


l’effondrement économique dans la RFM, en particulier dans la capitale ismaélienne.
Rappelons que ce grand événement du monde agricole, ayant rendez-vous chaque année à
Meknès, attire près de 900.000 visiteurs et accueille environ 1400 exposants de 65 pays, avec
la perspective de créer plus de 4000 opportunités d’emplois saisonniers pour l’année 2020
seulement. Toutefois, les répercussions économiques et financières résultant de cette décision
bien fondée ont provoqué l’effondrement économique de la RFM en général et de la capitale
ismaélienne en particulier.

Ils ont souligné que les risques liés à la Covid-19 et les mesures de confinement qui en
ont résulté ont eu un impact considérable sur l'activité économique des coopératives agricoles,
se traduisant par une baisse spectaculaire de leurs ventes. Le chiffre d'affaires annuel a chuté
de 80%, représentant environ 12 millions de dirhams de pertes liées à des marchandises non
commercialisées en raison de la détérioration de la demande à l'échelle locale, régionale et
nationale. A titre de confirmation, 65% des informateurs ont unanimement déclaré avoir arrêté
définitivement ou temporairement leurs activités en raison des mesures restrictives de
confinement d’une part, et de la baisse de la demande mondiale ayant impacté les exportations,
notamment celles d’huiles d’olive (-73%), de produits viticoles (-65%) et de boissons/jus (-
58%), d’autre part.

L’emploi, vecteur d’insertion sociale et indicateur de la situation économique dans son


ensemble, a subi de plein fouet les affres de ladite crise dans ses relents déflationnistes. En effet,
70% des interviewés ont confirmé que l’arrêt brutal de l’activité a entrainé de nombreuses pertes
d’emplois et de revenus, en particulier dans les zones rurales les plus vulnérables (Mjat, Ain
Kerma, Moulay Driss, Boufakrane, Mhaya...). Cette perte pourrait aller de 30% à 50% de main
d’œuvre au niveau de certaines exploitations agricoles sous contraintes des mesures restrictives.

Ladite enquête a également démontré que le degré, voire l’ampleur de cet impact, diffère
selon les secteurs d’activité. En effet, le pôle machinisme est le premier touché par cette
épidémie, enregistrant ainsi un abaissement allant jusqu’à 50% de son chiffre d’affaires annuel.
Cela est dû à l’annulation du SIAM qui représente, en fait, une opportunité que saisissent
majoritairement les petits agriculteurs pour se procurer des matériaux, outils, machines et
équipements susceptibles de les aider à mener à bien leurs activités agricoles. Concernant le
secteur d’élevage, la situation demeure très critique notamment avec la fermeture des souks
hebdomadaires ainsi que les problèmes liés aux transports. De leur côté, les coopératives en
zone de grandes cultures sont globalement touchées par des problématiques logistiques
81
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

(Rupture de chaîne d’approvisionnement et collecte, etc.) dont le fonctionnement a été entravé


pour 55 % des coopératives en question (manque de main d'œuvre, problème de déplacement)12.

Par ailleurs, 68% des sondés ont déclaré avoir rencontré des problèmes administratifs et
financiers. Cette défaillance au niveau de leurs trésoreries a impacté directement et lourdement
leur productivité (manque de liquidité pour l’achat des matières premières et les équipements
nécessaires) ainsi que la commercialisation de leurs produits en raison de la fermeture des
circuits de distribution spécialisée (souks, foires, salons d’exposition, etc.) ; ce qui a engendré
une réduction remarquable au niveau des prix et une détérioration des revenus des coopérateurs.

Si le secteur de l’export a enregistré un faible ralentissement de 10% à cause de la


fermeture de 75% des sociétés agroalimentaires, entrainant dans son sillage une perte assez
importante de 6000 postes d’emploi, il n’en demeure pas moins qu’une bonne performance à
l’export a été enregistrée au niveau des fruits et légumes déshydratés (+80%), du caroubier et
des plantes aromatiques et médicinales (+24%) au cours de cette année.

Nonobstant, les filières de production laitière, d’élevage, des viandes rouges et


d’aviculture ont, de leur côté, souffert de la baisse de la demande induite par la baisse de la
consommation (érosion du pouvoir d’achat, fermeture des restaurants et des souks) et d’une
profusion de la production et donc de l’offre, ce qui a inéluctablement tiré les prix vers le bas.

En se référant, cette fois-ci, au volume d’activité considéré comme relativement


équivalent à celui de 2019 à la même période, les coopératives concernées par cette activité ont
déclaré que la pandémie a entrainé une forte régression de la production des céréales et d’autres
produits agricoles allant jusqu’à 52% au niveau de la RFM. Rappelons que cette production,
estimée à 7,5 millions de quintaux, contribue à hauteur de 25% à la production nationale
attendue (30 millions de quintaux). Malgré cette baisse généralement prévue, voire attendue,
l’approvisionnement du marché en céréales demeure assuré pour couvrir les besoins. Ce stock
est, en fait, renouvelé en permanence à travers les différentes mesures prises par le ministère en
charge afin de maintenir une régularité dans les disponibilités de céréales sur le marché.

La crise de la Covid-19 a également eu un impact assez fort sur le secteur informel,


marqué souvent par la précarité, revenus irréguliers, absence de filets sociaux, en enregistrant
ainsi une perte colossale à cause de l’abolition du SIAM. Selon les dernières estimations, si

12
Le manque de main d’œuvre pour le travail dans les champs se fait déjà̀ sentir. Les travailleurs migrants et les
travailleurs saisonniers auront du mal à voyager. Les fermes qui dépendent beaucoup de ces travailleurs, comme
les grandes exploitations, vont rencontrer des difficultés. La crise montre à quel point ces exploitations agricoles
à grande échelle sont fragiles.
82
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

chaque visiteur du million attendu dépense seulement 100 DH durant la période du SIAM, cela
fait déjà une perte de 100 millions de dirhams injectés dans le marché local. Cette situation
désastreuse a provoqué, outre la crise économique, une crise sociale avec une hausse inquiétante
de la pauvreté et de la précarité aggravant davantage la situation des plus démunis notamment
dans les zones rurales.

Si certaines coopératives ont subi de plein fouet les affres de la crise sanitaire dans ses
relents déflationnistes, il n’en demeure pas moins que d’autres structures agricoles ont montré,
néanmoins, leur résilience voire une capacité d’adaptation et d’innovation sans précédent
malgré les difficultés rencontrées. L’exemple le plus saillant est celui des coopératives laitières,
ayant su se réorganiser, pour continuer à produire et à nourrir la population de la RFM sans
qu’il y ait de rupture pendant cette période nébuleuse. Elles se sont mobilisées avec
responsabilité et de manière collective pour faire face à des difficultés sans précédent tout en
créant de nouvelles opportunités pour faire avancer leurs activités. Dans cette visée, le président
de ce groupement « Union BARK Dkhissa » contenant plus de dix coopératives laitières a
stipulé que « Notre union a maintenu le cap sur sa mission fondatrice, en assurant la
transformation et la commercialisation de leurs produits laitiers dans les meilleures conditions
et les brefs délais ».

Par la mutualisation à la fois des ressources financières, des outils de production et de


la terre et des compétences, la coopérative agricole a favorisé une rentabilité et une productivité
assez importantes malgré les difficultés rencontrées. Preuve à l’appui, le PIB agricole régional
n’a pas vraiment connu une grande rétraction malgré les restrictions de déplacement, la
fermeture des marchés locaux et la baisse de la demande européenne (rappelons que la RFM
est la 1 ère exportatrice d’olives). Les estimations provisoires montrent que cette baisse restera
contenue autour 5%, et ce hors agroalimentaire grâce au comportement de toutes les autres
filières de production (maraichage, arboriculture, lait et viandes). Rappelons que l’industrie
agroalimentaire à la préfecture de Meknès n’a pas été trop impactée vu la demande sur les
produits de consommation. Or, le secteur risque d’être bloqué par déficit d’approvisionnement
en matières premières et produits intermédiaires. D’où la nécessité d’un plan de relance pour
s'inscrire dans la durée avec les objectifs de restauration de souveraineté alimentaire et de
réponse aux attentes sociétales, notamment à travers la transition agroalimentaire.

En somme, la crise sanitaire a posé des défis majeurs pour le secteur coopératif agricole,
mais elle a également mis en lumière la nécessité d'innover, d'adapter les modèles d'affaires et

83
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

de renforcer la résilience pour assurer un développement durable dans un contexte post-


COVID.

CONCLUSION

La crise sanitaire de la Covid-19 a mis en lumière l'impact significatif sur le secteur


coopératif agricole de la RFM. Bien que ces coopératives possèdent un potentiel considérable
pour jouer un rôle clé dans le développement agricole et économique, la pandémie a exacerbé
les défis préexistants. Des contraintes telles que la dépendance à l'État, la faible capitalisation,
une gestion précaire qui les rendaient jusqu’à un passé récent incapables de concurrencer les
opérateurs privés sur un marché caractérisé par des chaînes de valeur mal organisée et une
présence persistante de l'informel qui entravent leur progression.

La crise climatique et la libéralisation du marché intérieur ont ajouté une complexité


supplémentaire, nécessitant une adaptation accrue des producteurs. La commercialisation
demeure également un défi majeur. En l’absence de communication, les produits des
coopératives agricoles, malgré leur originalité, leur particularité, leur qualité et leur spécificité
territoriale, sont peu connus et trouvent difficilement leur place surtout dans un marché où la
concurrence déloyale des usines et la présence d’intermédiaires se font beaucoup sentir.

En réponse à ces défis, il est crucial d'intensifier le soutien institutionnel, impliquant les
banques, les pouvoirs publics et les investisseurs, afin de renforcer les coopératives. Ce soutien
contribuerait à promouvoir un entrepreneuriat rural approprié, consolidant la solidarité locale
et élargissant son impact à une échelle régionale et nationale, tout en atténuant les répercussions
de la crise sanitaire sur ces coopératives.

84
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

Annexe : Enquête portant sur l’évaluation de l’impact socio-économique


de la Covid-19 sur les coopératives agricoles
Question 1 : Quelle est la situation opérationnelle actuelle de votre activité ?
Les opérations se poursuivent au même niveau ;
Les opérations se poursuivent à un niveau réduit ;
Arrêt temporaire ;
Fermeture définitive de l'activité́.
Question 2 : Jusqu'à présent et depuis le début de la crise du COVID-19 dans la RFM, quel
a été l'impact économique sur votre coopérative/votre activité ?
Perte de revenus ;
Réduction de la demande/des ventes (accès difficile aux marchés, réduction du nombre de clients) ;
Augmentation des coûts de production ;
Problèmes d'accès à la trésorerie/aux liquidités ;
Problèmes d'importation/accès aux matières premières nécessaires et aux équipements ;
Incapacité de rembourser les prêts (concerne les organismes financiers, la microfinance, les tontines) ;
Incapacité de payer les frais de fonctionnement (salaires, électricité́, eau, etc.), etc.

Question 3 : quelles sont les conséquences économiques sur le revenu des travailleurs (et
les dirigeants des coopératives) et sur leur capacité́ à satisfaire leurs besoins fondamentaux
et ceux de leur famille ?
Réduction temporaire ou permanente des salaires des employés;
Licenciement temporaire et permanent (avec ou sans indemnités) ;
Nouvelles modalités de travail.
Question 4 : Sur quels niveaux se situent les défis rencontrés par votre coopérative ?
Administratif Financier Logistique
Commercialisation Gestion de risque Sanitaire
Question 5 : Le plan de relance économique du gouvernement
Sensibilisation
Informations sur la transmission et la propagation du virus,
Fourniture d'équipements de protection individuelle tels que masques, thermomètres,
Subventions sous forme des aides financières
Accès aux prêts (Relance TPE et Damane Relance, Auto-Entrepreneur)
Report des échéances de crédits
Report des paiements des services publics (électricité́, eau, loyer)

85
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

BIBLIOGRAPHIE
Abdelbaki, N., & Zammar, R. (2018). « Rôle des coopératives dans le développement local des
produits de terroir : Cas de deux coopératives de la région Draa-Tafilalet ». International Journal
of Innovation and Applied Studies. 24(3), pp. 942–951.
ABRAOUZ, F. Z., & CHAKIR, K. (2020). « Adéquation entre entrepreneuriat coopératif et
développement durable, Étude des aspects coopératifs dans la région Souss-Massa ».
International Journal of Management Sciences, 3(2), pp. 287- 303.
Ahrouch, S. (2011). « Les coopératives au Maroc : enjeux et évolutions ». Revue internationale de
l'économie sociale, 90(322), 23. https://doi.org/10.7202/1020728ar.
“Covid19 : Le CVE Fès-Meknès tient sa première réunion”, dans MAP-Express, [En ligne],
http://www.mapexpress.ma/actualite/societe-et-regions/covid19-cve-fes-meknes-tient-
premiere-reunion/, (page consultée le 29 juillet 2020).
Cretieneau Anne-Marie, (2010), « Économie sociale et solidaire et développement durable :
pensée et actions en conjonction », Marché et organisations, n° 11, p. 31-71.
Données Délégation Provinciale Commerce et Industrie / Morocco Foodex / DRA / HCP /
DGI / CNSS. 2020.
Driouch, S., &Erraoui, E. (2020). « Entrepreneuriat coopératif et innovation sociale : Etude
des aspects innovants des coopératives de la préfecture d’Agadir Ida Outanane», Revue Repères
et Perspectives Economiques, 4(2) https://doi.org/10.34874/IMIST.PRSM/RPE/21535.
El Harizi, K., Sparacino, C., &Ben M’barek.S. (2019). Quel avenir pour les coopératives
agricoles?Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO).
http://www.fao.org/3/ca2848fr/ca2848fr.pdf
El Ouafy, S., & Ed-Dafali, S. (2014). « Financement des coopératives agricoles marocaines,
structure et performance ». EuropeanScientific Journal, 367-382.
Guillotte, C.A. (2012, 6-7 Novembre). Coopératives agricoles, complexité et résilience.
Colloque Diversité et durabilité des modèles agricoles coopératifs dans un contexte de crises
de la mondialisation, Paris.
Hayat Zouhir et Slimane Lhajji, (2016), « Coopératives de femmes : une forme d’entreprendre
autrement », RECMA N°6, Éditions OKAD
Http://www.web-agri.fr/actualite-agricole/politique-syndicalisme/article/les-cooperatives-
agricoles-fragilisees-reclament-unplan-de-relance-1145-169557.html
https://fr.slideshare.net/propac/les-cooperatives-au-feminin-enjeux-et-defis?qid=89e0167f-
15db-4667-986dd52b974c0275& v=&b=&from_search=15
https://leseco.ma/fes-meknes-les-exportations-agricoles-sessoufflent/
Ibourk, A. (2014). « L’entrepreneuriat coopératif, un enjeu pour l’emploi des jeunes diplômés
marocains ». Entreprendre & Innover, 20(1), 107. https://doi.org/10.3917/entin.020.0107.
Isola G, Gonzalez L alt. (2005), « Les fonctions, actions et contributions des coopératives en
milieu rural sur le développement local durable », Unircoop.Vol.3, n°1, p 85-89.
Louis Favreau, (2005), Qu’est-ce que l’économie sociale ? Synthèse introductive, Cahiers du CRISES,
Collection Études théoriques – no ET0508.
MEDEZEME ENGAMA, Marie Joseph. (2015). « Les coopératives au féminin : Enjeux et
Défis ». [En ligne]. (Publié le 25/07/2015) [Consulté le 25/02/2020]. Disponible sur :
Mélo, A. (2013). « Quelle histoire pour nos coopératives ? » What history for our cooperatives?
The case of the cooperatives in Savoy. Revue Internationale de l’économie Sociale : Recma, (325),
94102. https://doi.org/10.7202/1017424ar.
Ministère de l’Intérieur, « Impact de la pandémie coronavirus ». Centre d’Investissement
Régional de Meknès. 4 juin 2020.
Ministère de l’Intérieur, (2020), « Impact de la pandémie coronavirus ». Centre
d’Investissement Régional de Meknès. 4 juin 2020.

86
Re vue Ma r oca i ne de Co mme rce e t de Ge sti on ( RM C GE)
Numé r o 1 3 / Fé v rie r 2 0 2 4

MURATET, Laurent. (2013), « Vers une agriculture biologique et équitable au Sud comme au
Nord ». [En ligne]. (Publié le 15/04/2013). [Consulté le 15/04/2020. Disponible sur
:https://fr.slideshare.net/TinkuyFrance/vers-une-agriculture-biologique-et-quitable-au-sud-
comme-au-nord-altereco-fte-des-communauts-du-dveloppement-durable-2013=2ae53d1c-
ca00-4f42-9b72-445b84ac43c7&v=&b=&from
NEJJARI, I., & LEBZAR, B. (2018). « Les coopératives agricoles marocaines, des entreprises
socialement responsables? Étude exploratoire qualitative». Revue du contrôle, de la
comptabilité et de l’audit, 2(4).
https://www.revuecca.com/index.php/home/article/view/265 .
Omari, S. (2017). «La contribution des coopératives au développement durable: Enjeux et
perspectives. International Journal of Innovation and Applied Studies, 19(2), 289–296.
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. (2019), « Quel avenir pour
les coopératives agricoles ? ». Étude préparée dans le cadre du programme de coopération entre
la FAO et la BERD. Rome.
PIPAME, (2017), Économie sociale et solidaire : l’aide aux personnes âgées, Édition : Martine Automme,
Nicole Merle-Lamoot.
Rapport de projet professionnel 2017-2018. « Le système coopératif : l’agriculture de
demain ? », Université de LORAINE.
Valérie Angeon et Sandra Laurol, (2006), « Les pratiques de sociabilité et de solidarité locales
: contribution aux enjeux de développement territorial », Espaces et sociétés2006/4 (no 127), pages
13 à 31. https://www.cairn.info/publications-de-Sandra-Laurol--17327.htm

87

Vous aimerez peut-être aussi