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LES ECONOMISTES DISCUTENT LA GESTION DE LA CRISE

DU COVID-19 AU MAROC :
QUELQUES INTERROGATIONS ECONOMIQUES EN CASCADE
AUX PORTES SOCIALES AU MAROC

Auteurs :
(1) ,
Badre Eddine CHEGRI EL Houssain ELATIFE (2) , Amine Abdessadek FADLI (3) , Mustapha AIT KASSI (4)
1, Professeur à la Faculté FSJES Souissi -UM5Rabat, 2, Professeur à la Faculté FSJES Souissi -UM5Rabat,
3, Doctorant à la Faculté FSJES Souissi -UM5 Rabat, 4, Professeur à la Faculté FSJES Ain Chock –UH2 Casablanca

Introduction

La crise du Covid-19 a démontré la complexité du lien entre l’économique et le politique i. A ce


titre, des interrogations seraient légitiment posées par le politique et l’économiste : Comment
financer l’effort étatique en période de crise sanitaire ? Comment faire face aux imprévus ?
Comment l’Etat peut répondre aux besoins de financement en période de catastrophe ? Est-il
aisé de faire appel à une politique de solidarité nationale ? La politique fiscale est-elle efficace en
période de crise ? Une gestion souple via un compte spécial du trésor et une débudgétisation est-
elle la solution la plus adéquate ? Des politiques publiques sectorielles seraient-elles plus lisibles
après ces évènements ? Et si la crise était une aubaine pour revisiter les choix économiques
nationaux, les décisions publiques, les outils d’intervention publique, de relance économique
(finances de l’Etat, fiscalité d’entreprises, déficit public, dette …) et de management des tensions
sociales. Il est encore tôt de se prononcer sur les leviers les plus pertinents d’action de l’Etat en
situation d’urgence sanitaire, tant la finalité ultime est le sauvetage social, puis économique dans
une moindre mesureii. Néanmoins, le débat est lancé, il est question d’efficacité des finances
publiques (recettes et dépenses), de mobilisation des ressources ou des crédits, un concept de
comptabilité budgétaire publique, par excellence, ensuite, d’exécution des finances publiques
dans le cadre du principe d’antériorité des recettes aux dépenses, de consécration de l’utilité du
support souple de gestion des finances publiques, un compte spécial du trésor. Il est enfin, une
affaire de gestion en avenir incertain.

Trois moments d’analyse nous ont guidé au long de ce papier :


- Observer l’efficacité des dépenses publiques et le besoin d’une meilleure mobilisation des
ressources ;
- Conclure sur le changement de paradigme à l’ère d’une pandémie, et l’appel dans
l’urgence à des dépenses ayant imposé la dérogation aux règles sacrosaintes du budget de
l’Etat et la création d’un fond spécial au Maroc pour gérer la crise du covid-19
- Etudier l’actuelle crise sanitaire qui se prête mieux à une crise de politiques sectorielles,
et les tensions sur la société (ménages et entreprises) notamment fiscales, et les voies
d’action y afférentes pour un financement des dépenses de la crise.

I. Efficacité des dépenses publiques, mobilisation des ressources et omnipotence du


Ministère des Finances dans l’échiquier économique et financier :

Ce qu’on ne peut pas obtenir en période paix, on peut l’avoir en temps de crise avec un moindre
effort financier. Partant de ce constat, il n’y a plus de distinction entre secteur étatique et secteur
privé, les infrastructures sont solidairement mises au service du citoyen. La finalité d’une

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intervention salvatrice des vies témoigne de la rupture qu’une crise peut mettre à l’œuvre dans
les comportements organisationnels et les stratégies sectorielles (de la santé, en l’occurrence).
Nous l’avons observé au Maroc, dans la santé et l’éducation. Le privé supplée le secteur étatique
et lui vient en aide, c’est la solidarité intersectorielle prend le dessus sur les enjeux
entrepreneuriaux et mercantiles. Pourtant, il ne faut pas oublier que le privé renferme des
entreprises, or doivent-elles créer de la richesse pour survivre aux chocsiii.

L’Etat peut-il réguler ces secteurs sous le choc ? Dispose-t-il des moyens pour le faire ? Peut-il
subventionner ces dernières durant le confinement et par quels moyens ? A ce stade, Les secteurs
sociaux reprennent leur place dans l’échiquier de l’économie et des sociétés en développement.
L’Etat reprend les brides de l’économique, du technique et de l’industriel, de l’éducatif, du
sanitaire, du politique. La sureté et la sécurité justifient plus leurs budgets, leurs choix, leurs
actions et interventions. Cette allocation des ressources publiques doit-elle être justifiée et
surtout évaluée en période de crise par le parlement ou une instance supérieure de contrôle
(ISC) ? Aussi, l’investissement hors budget général, notamment par la création d’hôpitaux
mobiles et de campagnes et les transformations de structures pour en faire des sites sanitaires est
une autre facette non moins importante du pouvoir de la crise qui transcende les logiques
d’actifs, de patrimoines, de cultures d’organisations, d’hommes et de lois.

1. Les dépenses publiques face aux pesanteurs de gestion financière aux effets attendus en
2020 et 2021 et 2022 :

Le stress sanitaire issue de la gestion des effets de la contamination au virus COVID-19 des
marocains, renferme également une tension et un stress financier en période de crise, dont on
ne parle pas assez dans les médias, ni de la part des gestionnaires. Si l’on doit prendre en charge
des populations élevées de patients (dont le nombre est non maitrisé et appelé à évoluer), la
question de l’efficacité des dépenses publiques s’impose. L’Etat garant des droits naturels, des
services publics et gestionnaire des secteurs les vitaux de la société se doit d’avoir les moyens de
sa politique et son action urgente. Dans ce contexte critique, l’Etat marocain, a pris tôt des
décisions pour se doter des ressources et a pu mobiliser des fonds publics et les orienter vers
lesdits secteurs (santé, sureté).

Néanmoins, cette quête de ressources ne peut être exécutée dans le respect du cadre global de
gestion des Finances publiques, préalablement arrêté avant une crise. En temps de débâcle, le
cadrage au moyen du Tableau des Opérations Financières du Trésor (TOFT), n’est plus valable,
surtout qu’une circulaire du Chef de Gouvernement a vu le jour, rompant les évaluations et les
autorisations reçues préalablement par une loi ordinaire votée devant le parlement (LF 2020).
Or, trois principales étapes de gestion budgétaire de l’Etat doivent être respectées par le MEF en
vertu des articles 5, 47 et 48 de la Loi Organique des Finances iv:
- Les bénéfices d’une approche pluriannuelle adoptée dans la gestion des finances au
Maroc, ne peuvent être obtenus que si les programmes pluriannuels de dépense sont
crédibles et, en particulier, respectent les contraintes financièresv..
- Une phase de cadrage, visant à formuler les choix stratégiques (objectifs budgétaires
globaux, allocation intersectorielle des ressources) et, ainsi, à assurer le lien entre les
politiques publiques et le budgetvi.
- Une phase de prévisions budgétaires et des programmes de dépense pluriannuels
finauxvii.

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La véritable question à poser ici, est celle de la capacité d’estimation des besoins de financement
annuelle et triennale, à l’évidence un calcul économique en termes de flux, de financement de
l’économie d’une nation en crise. Cette réalité est manifestement riche en préceptes pour les
économistes et les gestionnaires publics. La situation dépensière en état de crise laisse planer le
doute sur les capacités et les ressources nécessaires pour faire face à la pandémie au niveau
national. Cependant, Il ne faudrait absolument pas pénaliser la stratégie aussi bien des secteurs
sociaux et le cadrage financier et budgétaire triennal de l’Etat dont les travaux de réforme furent
enclenchés par circulaire du Chef du Gouvernement depuis 2015viii, les documents stratégiques
de l’Etat (du MEFRA).

2. Mobilisation des ressources, tout le monde l’a compris, plus de place à la rigidité
comptable publique en temps de crise et de dépenses colosses non maitrisées :

Levier d’action du secteur étatique, la mobilisation des crédits, est le parent pauvre des finances
de l’Etat, académiciens le disent, praticiens, le confirment. Si, pas de recettes, point de dépenses
publiques surtout, que les besoins sont illimitées et les fonds sont limitatifs. D’ailleurs, la gestion
de la rareté en l’absence de standards de gestion d’années de pandémies (cas aberrant) est difficile
à cerner. L’Etat mobilise tous les moyens (BGE, dette externe, argent de la solidarité nationale,
dons …) pour faire face aux besoins de financement de l’action publique. Cette situation n’est
sans renfermer des tensions en termes de niveau de déficit public et taux d’endettement durant
la crise et post-crise. En milieux publics, il a toujours été question de justification de retards de
mobilisation des crédits dans les opérations étatiques et termes d’exécution de programmes
d’emploi et aussi de règlement des prestations d’achats publics. En période d’urgence, les
dépenses équivalent des dépenses obligatoires (salaires et jugements définitifs à caractère
exécutoire) et sont décisives pour sauver des vies. Ce caractère urgent rompt la culture rigide de
la machine dépensière entourée des garanties juridiques, techniques et comptables issues d’un
lot de textes de lois et de règlements de comptabilité pérennes.

Sur ce plan, l’action d’ouvrir un compte spécial, réceptacle des dons et des contributions
citoyennes démontre trois réalités : les règles de gestion des finances publiques, via un transfert
du BGE au fonds, ne sont plus cohérentes avec les exigences de célérité et d’urgence que nécessite
une gestion de crise. Aussi, les difficultés naissantes d’un recours au BGE, n’auraient permis
d’opérer une globalisation des crédits, au moyen de virements entre les chapitres ministériels au
profit des secteurs de la santé et de la sécurité sur les crédits ouverts par Loi des finances de 2020,
pour le restant de l’exercice comptable. D’autant plus, que la réception de fonds de concours,
de dons, de contributions des citoyens, d’administrations et d’entreprises privées sur le support
du BGE ne sont pas permises (règle du produit brut et de non affectation), et en définitive ne
permettraient pas une action en dehors des règles de constatation, de la liquidation, et du
recouvrement (en recettes), de l’engagement, liquidation, ordonnancement et règlement (en
dépenses).

Le 13/04/2020, une déclaration du chef de gouvernement devant le parlement permet de


constater que le choix de rompre avec des règles constitutionnelles (et de constitution financière,
notamment la LOF marocaine de 2015) est une autre facette à discuter à ce titre. En effet, le
niveau cible de déficit et d’endettement affirmé à l’occasion de l’appel à un financement étranger
(ligne de crédit du FMI, notamment) déroge à l’autorisation annuelle de lever l’impôt, d’exécuter
dans un cadre limitatif des dépenses publiques, au titre de l’année en cours, d’où la nécessité
d’une loi des finances rectificative. Cela justifie clairement la tergiversation de l’argentier du

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Royaume à procéder par une LF rectificative, comprise à la lecture du versement des 10 MMDHS
au fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie du Coronavirus (Covid-19), relayée par les
quotidiens nationaux et la presse électronique.

Il faudrait reconnaitre, que la gestion des crises apprend aux gestionnaires publiques pus qu’ils
n’auraient appris en temps de paix sur leurs marges et leurs libertés d’action, les textes qu’ils
appliquent durant des années et qu’ils remettant de coté, en temps d’action urgente salvatrice et
sous circonstances de nécessité périlleuse. Une autre réflexion n’est pas à omettre sur ce point
de mobilisation des crédits, il s’agit de la question l’omnipotence du Ministère des finances qui
remet à l’ordre du jour la question du pouvoir financier des finances (ordonnateur du Fond
spécial, et garant du respect des règles par son comptable assignataire (Trésorier Ministériel),
parfois, même plus que le chef de gouvernement. Aussi, le contrôle de cette action de
mobilisation faite des fonds publics et de solidarité est le rôle d’une instance supérieure de
contrôle (cour des comptes). Est-il temps de rappeler à l’ordre l’action de contrôle du
gouvernement, surtout que le parlement ne peut assurer le rôle d’arbitre ou de juge des comptes
à ces temps de dépenses élevées, de rareté et rationalisation.

3. Les finances, ordonnateur de recettes et de dépenses du Covid-19, un ministère


omnipotent, des mesures progressives de prise en charge des tensions sociales et
économiques :

Les versements des dons au fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie du Coronavirus
(Covid-19) ont été permis à être effectués auprès des comptables publics relevant de la Trésorerie
Générale du Royaume exerçant au niveau national (Trésoriers Ministériels, Trésoriers
Régionaux, Trésoriers préfectoraux et provinciaux et percepteurs), ainsi qu’au niveau des agents
comptables auprès des missions diplomatiques et consulaires du Maroc à l’étranger, à charge
pour ces différents comptables d’en transférer les sommes ainsi perçues, au Trésorier Ministériel
auprès du Ministère de l’Economie des Finances et de la Réforme de l’Administration (MEFRA)
en sa qualité de comptable assignataire dudit compte. Aussi, il est manifestement observé un
plein potentiel attribué en matière de gestion de la crise au Ministère des finances et de la réforme
administrative (MEFRA). Quatre réunions ont été tenues par le comité de veille économique,
jusqu’à date de rédaction de cet article (17/04/2020). Plusieurs mesures ont été prises par le
MEFRA et ses partenaires économiques :

- Les décisions prises sur les mécanismes d’aide aux entreprises durant la période de crise du
covid-19 consacre la transversalité de l’intervention du MEF sur les politiques, notamment
fiscale, budgétaire, vis-à-vis des bailleurs étrangers, de la gestion de la dette externe
(relèvement du seuil de l’appel au financement étranger) et tacitement monétaire ;
- Les décisions sociales et de gouvernance des S.A., et aussi la réalisation d’un premier bilan
de la crise ;
- L’amorce d’une réflexion sur les critères d'aides aux entreprises en difficultés qui feront
l'objet d'un décret ;
- Des mesures de court-terme pour répondre aux urgences de la crise sanitaire,
- Le lancement d’une réflexion prospective visant à élaborer des scénarios soutenables pour les
deux phases suivante : redémarrage progressif des différents secteurs d’activité et relance
vigoureuse de l’économie nationale.

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La tenue desdites réunions dans les arènes du Ministère des finances à Rabat, consacre
aujourd’hui une prégnance du MEF sur les décisions de cette instance de veille et de pilotage
économique de la crise. Les décisions de refonte des procédures administratives et de
dématérialisation des procédés de travail proviennent également du département de la réforme
administrative et signées le Ministre des finances. Cette nouvelle posture managériale des
finances de l’Etat remet au jour un débat sur la programmation budgétaire, l’utilité des
conférences budgétaires, de la réflexion stratégique étatique, les arbitrages intersectoriels, les
missions des départements et les configurations organisations des départements ministériels. Elle
repose enfin les jalons de la question des fusions de départements et de la scission d’autres. En
temps de crise, quelques ministères ont piloté l’action de l’Etat, font et défont les procédures.
Ce socle constitue le nouveau visage du gouvernement post-covid-19.

II. Changement de paradigme à l’ère Covid-19, des dépenses et choix d’une allocation
dérogeant aux règles sacrosaintes du budget de l’Etat :

L’ère covid-19 marque les économistes et les gestionnaires par les impacts induits sur les
phénomènes économiques et sociaux mais également les nouvelles formes de gestion de crise.
Nous débattons de cela de façon simpliste et laissons les spécialistes approfondir l’analyse par
domaine de spécialité. En tant qu’économiste, nous imaginons déjà les effets de la stagflation sur
l’économie nationale et sur les agrégats macroéconomiques. Est-il aisé de parler de consolidation
des fondamentaux en période de crise. Il serait prétentieux d’en prévoir les résultats d’une telle
analyse.

1. Un changement de paradigme économique, le macroscope est de nouveau escompté

L’expérience de crise du Covid-19 (traduite de façon simpliste dans une situation de confinement
social, voire de façon métaphorique, de « confinement économique ») nous laisse penser que les
choses changent vite. Les économistes font des études d'impacts sur la croissance et le
développement et c'est légitime tant que la macroéconomie sert les besoins d'une nation et du
reste du Monde comme nous ont appris les économistes de la macro-économie. En moins d’un
mois une perte de 2 pts du PIB fut l’annonce du gouvernement français à l’occasion du débat
public sur les impacts du confinement sur l’économie française. Autrement dit, Trois années de
croissance seraient perdues en 3 mois de confinement d’ici là juin, en France. D’ailleurs, la
véritable question à l’avis des économistes et des décideurs publics et des hommes d’affaires,
quand est ce que sera levé le confinement pour permettre une dynamique économique dans le
pays.

Par ailleurs, le paradigme de nature à appréhender les choix rationnels (ou irrationnels) des
individus en période de crise, a eu un impact beaucoup plus sérieux à notre humble avis. La
microéconomie aura à changer vite d'outils d'analyse de la satisfaction des ménages et de décision
du producteur. Les notions de contrainte budgétaire, de besoins, de biens économiques, ... ne
signifieront plus jamais les mêmes sens. La notion de maximisation du profit et de minimisation
des coûts de gouvernance, ne s'entendra plus jamais comme avant. Aussi, la logique de
producteur sera affectée certainement en termes des fondements mêmes de l'offre (capital, forces
de travail, …). L’appel aux outils d’analyse de la microéconomie dans un avenir incertain est une
réalité qui s’impose dans les analyses comme dans les prédictions des autorités publiques, et des
directions des statistiques (Haut-Commissariat au Plan, Maroc) et de prévisions économiques et
financières (DTFE, soit le ministère des finances, au Maroc).

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2. L’ère du Covid-19, contexte d’urgence sanitaire, de stagflation et incertitude des
comportements des agents économiques

Notons que les besoins de financement du développement social, pèsent et pèseront de plus en
plus sur la société marocaine. Face à ces nécessités, les recettes de l’Etat (fraude et évasion fiscales,
faible civisme fiscal, faible productivité de pans importants de l’économie nationale, persistance
de l’informel) se tarissent devant la progression des dépenses publiques. Parallèlement à cette
pression sur les finances publiques se réduisent les marges de manœuvre de l’Etat dans la
fortification du domaine social. D’ailleurs, l’efficacité de l’action de l’Etat, fera encore couler
beaucoup d’encre dans les mois à venir, post-crise du covid-19. Les filets de sécurité et les
politiques et les mécanismes d’intervention et de couverture des citoyens sont appelés à être
revisités en période de cession d’activité, de licenciements, de chômage de larges populations en
situation précaire. Cela n’est pas sans révéler une réalité gênante des structures sociales
nationales, à savoir une faiblesse des canaux de transmission de la croissance et un faible retour
fiscal de l’activité économique.

La trame sociale (implicitement, économique aussi) se dessine mieux en période de crise


sanitaire. En effet, une opération de confinement fragilise les structures sociales d’un pays et
pourra même dévoiler des situations délicates existantes non corrigées par des politiques sociales
existantes. Aggravé par une hausse du chômage et couplé d’une augmentation des prix soutenue
et durable pour au moins 18 mois, cette décision (de confinement) inévitable est et sera lourde
de conséquences. De fait, une « stagflation » issue de la crise du covid-19, nous fait rappeler les
années 70 du siècle passé. La solution est-elle keynésienne durant et post-période du Covid-19 ?
Cette interrogation légitime des économistes peut permettre une discussion des décisions prises
par l’Etat et des impacts attendus des politiques entamées dans l’urgence. Ce qui est marquant à
ce stade, c’est qu’à l’ère du covid-19, l’analyse économique des faits laisse planer une « stagflation »
certaine. Le célèbre carré magique de l’économiste néo-classique Nicholas Kaldor n’est plus
vérifiable. La courbe de Phillips mise en évidence en 1958, illustrant une relation empirique
négative (décroissante) entre le taux de chômage et l'inflation (taux de croissance des salaires
nominaux) n’est également plus d’un intérêt analytique.

La montée du keynésianisme est-elle justifiée à ce titre et pourquoi autant d’engouement à ce


choix ? Sachant que ce courant interventionniste par excellence, prévoit un arbitrage entre
inflation et chômage et les politiques de relance qu'il préconise. Ces dernières furent prises à
contre-pied et se révélèrent inefficaces. Comment pourraient-elles être perçues comme
efficaces encore ? L’Etat a-t-il les moyens pour compenser le différentiel des prix au cas où il
advenait à réguler les marchés et les prix pour certains produits de nécessité sanitaire et
médicamentale ? A quel prix l’Etat prend une pareille décision, celui d’un creusement certain du
déficit public, ce qui rompe avec un choix de non compensation, qui semblait jusque-là un débat
clos. Mais, l’économie nationale sera-elle relancée de nouveau. Le confinement, cette fois-ci
économique est-il bien réfléchi (les besoins de relance de l’activité des circuits et des opérateurs
économiques étant attendus après plus d’un mois d’arrêt) ?

Une évaluation de conjoncture économique sur 2020 et sur 2021 et postérieure requière les
lumières de la comptabilité nationale, les indicateurs du budget économique et une lecture des
soldes de la balance des paiements et commerciale en crise. Des scénarii doivent être mis à plat
pour ré-établir la machine de production, répartition, consommation dans l’économie nationale

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de nouveau. De surcroît, une transparence sur les enjeux de gestion durant la crise et futurs
soient post-crise n’est possible que sous condition d’un calcul économique prenant en compte
l’incertitude. Si l’incertitude constitue dorénavant une hypothèse forte des modèles, elle remet
en cause la vertu des marchés (l’allocation optimale des ressources) et l’hypothèse d’information
parfaite. Aussi, le manque d’information sème le désordre sur les marchés (pas de prix, pas
d’équilibre) pour les investisseurs (investissement), les ménages (consommation) et les entreprises
(production). Que se passe-t-il quand les prix ne se déterminent pas spontanément ? Quand il
existe une incertitude sur les produits ? Quand les comportements des acteurs économiques
deviennent incertains ? Quand l’Etat annonce, par exemple, une période de confinement
(tacitement d’arrêt de l’activité économique), cela ne signifie guerre une reprise systématique de
l’activité économique après passé ce délai. C’est cette même idée qui a fait dire à Keynes et à
Knightix, que l’incertitude est souveraine et que toute simplification est dangereuse. D’ailleurs,
c’est à l’économiste Knight que revient la distinction entre les situations de risque et les situations
d'incertitude. Les premières sont caractérisées par l'existence de diverses alternatives
probabilisables, les dernières par l'incapacité d'assigner des probabilités aux états de la nature.
L’actuelle crise est une situation d’incertitude, les décisions ne suivent plus une logique
rationnelle. Il n’existe malheureusement pas d’outil magique pour saisir toute la complexité d’un
mode incertain notamment de crise pandémique, et le raisonnement probabiliste n’a qu’une
capacité limitée à rendre compte des phénomènes incertains et de la façon dont les agents
économiques font des prévisions. En situation d’incertitudex, les interactions stratégiques entre
agents économiques sont complexes et imprédictiblesxi.

3. Les dépenses publiques, sous des circonstances de l’urgence, et l’affectation de recettes


à des dépenses spécifiques à la lutte contre le Covid-19

Les signaux de la crise actuelle de la gestion de l’Etat sont au moins de trois niveaux : la
réglementation prend le dessus sur la législation ; les services publics recherchent une qualité
«digitale», qui se veut contraire aux principes du formalisme et au bureaucratique tant défendu ;
et les finances publiques ne répondent plus à une finalité de stabilité macroéconomique affirmée
comme affirmé depuis deux décennies par les différents gouvernements. De facto, ce sont les
moyens réunis entre les mains du Ministre des finances et de la Réforme administrative
(MEFRA), membre du gouvernement à son service (le Chef de gouvernement dispose de
l’administration) pour agir et permettre le fonctionnement d’une machine dépensière.

Ce sont les signaux certains de la gestion d’une crise pas comme les autres. L’offre publique est
à ce stade escomptée de façon continue et est seule à répondre aux besoins de populations
élevées, dont ces derniers sont disparates (médication et hors médication) par des biens
économiques domestiques ou à importer de pays producteurs (Chine, Corée du sud et autres).
Néanmoins, la loi des finances, ce document qui énonce évalue et autorise les recettes et les
dépenses annuellement a perdu tout son caractère exécutoire, au mois de mars, sous des
circonstances de pandémie et une déclaration de nécessité de confinement dans tous le territoire
nationale. Ce qui devrait avoir des effets économiques et sociaux indubitables aux portées
difficiles à la mesure et à la prédiction. Parler à ce stade, de scénarii est une opération très délicate
aussi bien, de point de vue économétrique, soit d’estimation, que de point de vue technique et
de dialogue politique et/ou encore de dialogue avec les partenaires et une tentative
d’interprétation des impacts sur les variables économiques et les structures sociales du pays. Pour
au moins deux raisons, l’effet de surprise qui oblitère toute éventuelle capacité d’agir par
planification et programmation à l’amont du processus de décision et de gestion publique dans

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pareil cas. Aussi, les textes de loi et les règlements en vigueur en temps de paix ne sont jamais
plus valables en temps de crise (pour ne pas dire de guerre, puisque la corona a été admise comme
cas de force majeure dans le domaine des achats publics, dans nombre de pays, comme au
Maroc). D’ailleurs, la réaffectation de 10MMDHS provenant du budget général de l’Etat, au fond
de la lutte contre la pandémie du corona a été certainement l’évènement le plus caractérisant de
ce choix de circonstances de gestion d’une catastrophe pandémique. Il s’agit également ici d’une
gestion singulière des finances de l’Etat au Maroc qui rompt les normes et les standards connus,
réduisant les marges de l’Etat, face à des besoins de financement de dépenses devant augmenter
en crescendo et pour des sommes éléphantesques.

A ce stade, le déficit et l’endettement public pourront être plus conséquents dans pareille
circonstance. Le MEFRA a été invité à lever des fonds à l’étranger auprès des instances financières
internationales (Notamment, le FMI). Or, ce choix de gouvernance des finances étatiques est
inévitable et est à contrario des exigences politiques restrictives et des obligations de respect de
seuils de Maastricht de l’UE, auxquels le Maroc a eu l’habitude d’obtempérer, bien qu’il n’en
soit membre (bon voisinage). C’est le cas des tous les pays mêmes ceux des plus endettés
mondialement (USA, Chine, pays d’Europe …). Cette situation devrait nous faire penser au
renouveau des règles du pacte de stabilité et de croissance en Europe, mais également à une
nécessaire optimisation dans la gestion de la dette par les directions du Ministère des finances
du Maroc (Direction du trésor et des finances extérieurs et Trésorerie générale du Royaume). Un
autre moment de réflexion émerge, c’est que les dépenses urgentes et les secteurs de santé et
sécurité seront sous les collimateurs des analystes et des officiels et du simple citoyen. Ils seraient
plus appelés à gérer la période en transparence et en exigence d’une reddition des comptes. Cela
devrait intéresser d’abord, les actions prises par l’Etat aux effets pécuniaires immédiats, tels que
l’appel à la solidarité nationale (levier requis aux effets incontestables pour réduire la pression
sur les fonds publics), l’affectation de contributions de soutien aux adhérents à la CNSS licenciés
ou dont la déclaration est faite par l’employeur, l’affectation d’aides aux RAMEDISTES, la
régulation des prix dont les niveaux de hausse ont été flagrants en l’absence de suivi en temps de
demande élevée sur certains produits.

III. D’une crise sanitaire, en passant par une crise politique, des demandes de recettes
fiscales mettent des tensions supplémentaires sur la société (ménages et
entreprises) :

L’Etat fait appel en crise à des actions dépensières urgentes. Il les finance sur un fonds spécial
dédié à la gestion de la catastrophe. Ce résultat n’aurait pu voir le jour en l’absence d’une
décision urgente de création d’un fonds spécial (un CST, soit un C.A.S) en vue d’une souplesse
de gestion sous conditions de nécessité périlleuse. Ce choix n’est pas sans renfermer l’inaptitude
des politiques publiques et des supports des départements à faire face à une crise. D’une crise
sanitaire, une autre crise s’annonce, celle des politiques de secteurs publics. Le besoin de
ressources met les tensions sur les structures sociales et entrepreneuriales. La solidarité nationale
est de ce fait un appel à financer les dépenses, dans l’état d’exception sanitaire, de façon
dérogatoire aux principes budgétaires et surtout face à une fiscalité gênée à vouloir se justifier
dans une période de sous-productivité et/ou d’inactivité.
1. Une crise sanitaire et une crise de politiques publiques dans les secteurs sociaux !

L’échec actuel du secteur sanitaire est l’échec de décennies de gestion publique et d’une histoire
de choix publics depuis le PAS. Il fallait développer les capacités dans ce secteur, dans un pays

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comme le nôtre ou éducation santé, emploi sont les secteurs les plus élémentaires et pouvant
produire le bien-être et la croissance. Les capacités de gestion, « notion » méconnue de tous est
la clé d’entrée dans le débat sur les politiques, les stratégies et les actions sectorielles au Maroc.
Il n’est pas question de capacités d’hommes et de femmes (médecins, aides-soignants, …) mais de
capacités d’un secteur à répondre en temps de crise à des besoins d’accueil et de médication. La
crise a ouvert les yeux vite aux officiels sur les actions nécessitant une meilleure administration
efficace et pertinente des besoins, notamment en termes d’achats internationaux et nationaux.
Pour la première fois, plus besoin de conférences budgétaires avec les finances, d’arbitrage du
chef de gouvernement, pour des négociations de budgets interministériels au Maroc, la santé
devrait en tirer les profits à l’instant (budgets, capacités, infrastructures, requalifications, appui,
soutiens, réaffectation de crédits….).

N’oublions pas que cette crise sanitaire ou d’un secteur prioritaire (santé) est accompagnée d’une
crise économique certaine, pour des raisons d’arrêt du circuit économique et d’arrêt de
l’investissement, de la production dans nombre de secteurs industriels et serviciels. La roue
économique se trouve en léthargie jusqu’à annoncer un quasi-arrêt avec le choix politique de
confinement pour éviction d’une contamination au Covid-19. Cette réalité jalonne dans
l’histoire une débâcle qui ne ressemble point aux précédentes crises qu’ont connues l’humanité
et les économies mondiale et domestiques. Néanmoins, elle aura donné des préceptes à retenir.
Une crise sociale n’est jamais seule, elle peut entrainer d’autres plus profondes : Une crise sociale
peut se transformer en une crise citoyenne, laquelle pourra être une crise des structures sociales
et économiques existantes. Une crise de secteurs de subsistance promeut des aides aux citoyens
et des allocations en aide aux familles pauvres et un dialogue social de type nouveau, bien que
mono-acteur (L’Etat), la situation l’exige, sinon les tensions sociales augmenteront d’un cran et
pourront être préjudiciables à l’état de crise déjà installé. Une crise sanitaire peut être une
opportunité pour le secteur sanitaire de progresser vite. Ce que n’aurait pu permettre une
politique programmatique sectorielle.

En effet, une allocation ponctuelle de fonds à ce secteur peut relever ses capacités de gestion et
le faire évoluer en termes d’infrastructures et en ressources, pourvu que cela perdure post-
achèvement de la situation de crise du corona. Cette situation embarrassante est également une
crise politique (plutôt de la politique), une crise de l’Etat ou encore des institutions de l’Etat.
Cette façon nouvelle de gérer par une débudgétisation affirmative des fonds introduits dans un
compte spécial COVID-19, recherchant une souplesse comptable et budgétaire est un choix de
politiques publiques. En l’absence de stratégie claire, le support consolidant les dons et les
contributions de tous les opérateurs (élite, hauts commis de l’Etat, citoyens, entreprises publiques
et privées) servira d’un moyen de réponse instantanée aux demandes d’approvisionnement et
d’acquisition de matériels et de prise en charge des dépenses relatives au secteur de la santé et à
l’action publique en la matière. Cet agissement, justifié aux yeux des spécialistes des finances
publiques et de la comptabilité publique, n’est pas sans renfermer une vision urgente d’action
étatique, au moyen d’outils souples de gestion publique. Trois constats resurgissent dès lors et
qui perdureront post-crise :
- Prise de l’importance du MEFRA et des supports extrabudgétaires (hors BGE) ;
- Poids de l’intervention par des supports secondaires sur des supports principaux fera que
l’essentiel est fait par des supports plus souples d’action publique et devrait amorcer une
réforme des finances publiques sur le MT au moins ;
- Refonte attendue des politiques de secteurs sociaux et remise en cause des CDTM de ses
secteurs en question avec l’accord du MEFRA ;

9
- Développement d’un dialogue sur la base des capacités de gestion (infrastructures, projets
et investissements sur le MLT).

2. La fiscalité, un levier majeur de l’action étatique en temps de paix et en période de


crise …. ?

L’impôt est-il légitime en temps de crise ? Au Maroc, l’article 40 de la constitution de 2011,


éclaire cette exigence de participation solidaire par l’impôt aux recettes publiques et au
développement et surtout en temps de catastrophes et de cas de force majeure, à hauteur des
capacités contributives des citoyens. D’ailleurs, l’imposition ainsi que son paiement en temps de
crise est entaché d’une vision négative et soulève plusieurs interrogations citoyennes et de
légitimité sociale avant qu’elle ne soit d’ordre technique ou économique. Surtout pour des
ménages en manque de salaires (rupture de contrats, licenciements, pertes d’indemnités, …) et
aussi pour des entreprises dont l’exploitation est en arrêt. L’IR salaire et l’IS puis la TVA et les
frais d’enregistrements et de timbres afférents aux contrats « B to B » ou en relation avec l’Etat,
sont directement affectés en période de confinement. Quelle attitude adopter par la DGI vis-à-
vis du circuit économique national et ses acteurs ? Quelle régime peut répondre au principe de
la contribution par l’impôt suivant « la quotité », à appliquer en période crise Covid-19 ? Quelles
sont les mesures adéquates pour la période de crise sanitaire et quelles mesures en perspective de
l’après-crise ?

Le comité de veille économique a évoqué des questions cruciales à solutionner en période


d’inactivité et de baisse d’activité sectorielle à savoir :
- Report des déclarations et des paiements et facilitation des remboursements de crédits
d’impôt ;
- Identification de modalités pour la suspension des procédures et des délais en cours ;
- Mise de moyens de rester en contact avec les services de l’administration fiscale.

Cette vision qu’on n’a jamais vue dans pareil cas pré-crise, nous rappelle que la recette fiscale
n’est autorisée et régulière que quand les circuits de l’économie agissent dans une normalité
d’exploitation d’actifs et d’activités, de transformation de biens et de distribution de résultats et
répartition des revenus. Ce non-dit est désormais un acquis pour les entreprises et pourra être
opposable par les entrepreneurs à l’Etat post-période Covid-19, si inactivité, point de taxation.
Au contraire, l’Etat se voit affligé systématiquement la responsabilité de garant en cas des faillites
et des pertes sèches de contrats, de marchés publics, et incapacité de faire redémarrer le circuit
économique dans les délais impartis. Il est le garant des droits économiques.

A la lumière de cette crise, la décision fiscale (ciblage fiscal, traitement différencié des
contribuables, dérogations sectorielles, moratoire supplémentaire, …) n’est possible en l’absence
de visibilité et de moyens d’un recensement des entreprises en situation de faillite, nécessiteuses
de sauvetage et de redressement. Ce questionnement bien qu’il soit économique, est d’abord
social voir sociétal. En témoigne, l’appel à des moratoires fiscaux et sociaux (paiement des
cotisations aux organismes sociaux et parts patronales y afférentes de la part des employés pour
la période estimée de la crise). Nous n’avons jamais entendu parler de ces moratoires bien avant,
pourquoi, c’est si apprenant que cela une crise pour l’Etat, les associations professionnelles
d’entreprises (fédérations, filières…) ? Il parait utile d’observer que la gestion post-Covid 19 a
permis d’introduire un nouveau lexique dans les pratiques administratives au Maroc,

10
notamment fiscales et sociales. Les outils de ciblage des niches fiscales (concept issu du langage
des vérificateurs) qu’on croyait sacrosaints se modifient :
- Une maîtrise de l’assiette et des moyens d’élargissement plus réfléchis et égalitaires ;
- Un contrôle fiscal, en cas de soupçons d’opérations d’affaires opportunistes en périodes
de crise ou discriminantes et/ou d’évasion et de fraude xii;
- Un renforcement des critères de choix de contrôle fiscal, devenu presque systématique
depuis quelques années, lequel nécessitera plus de ciblage des redevables et une
intelligence extracomptable ;
- Un renforcement des leviers et mécanismes de justice fiscale et d’équité fiscale ;
- Une introduction de la variable « comportement d’affaire lors des crises» dans la matrice
DGI servant à l’analyse et au scoring « fiscal » des personnes physiques (locatif, capital,
dépenses effectives) et morales (activité, contrats, déclarations des charges …);
- Une insertion de la variable « moratoire fiscal et social » aux impacts certains sur le budget
de l’Etat, majoritairement conditionné par le retour fiscal annuel ;
- Une prise en compte des véritables faillites, une variable à insérer dans l’équation du
ciblage fiscal face à une crise économique (150.000 bénéficiaires d’aides auprès de la
CNSS).

L’administration fiscale apprendra beaucoup avec la pandémie du covid-19. Le processus fiscal


devra murir pour accepter de traiter des informations extracomptables et adaptera ses outils
certainement avec le digital et la dématérialisation mais également le calcul du manque à gagner.
La politique fiscale s’est rapprochée en ces temps de la politique budgétaire devra repenser ses
vertus et ses outils et leviers d’action et de justice.

Conclusions :

Appréhender l’effort financier et l’action publique dans des circonstances de crise du Covid-19,
répond à deux mobiles : un premier, financier, soit de budgétisation urgente des efforts des
secteurs au front de l’effort étatique de sauvetage, qui agissent en temps de crise. Un second,
d'ordre économique, aux fins de saisir les effets de l’inactivité de pans significatifs de l’économie
et de repenser le rétablissement de la vie active et du circuit économique dans le pays. Notons
que nombre d’Etats recherchent un dé-confinement « économique » taxé de « démesuré » et
fortement « critiqué » par l’OMS et les spécialistes de la santé, mais, d’«inévitable» par les
décideurs publics et les gouvernements des Etats. Une décision de confinement est à financer.
Prolonger le confinement vaut une perte certaine de croissance sur deux ou trois années. Alors
qu’une décision de dé-confinement, est planifiée, pourvu qu’elle soit accompagnée des mesures
de prévention, de précaution et de distanciation sociale et de décontamination par période.
L’économique pilote le politique et non l’inverse.

Des situations de performance ministérielles du gouvernement du Maroc ne pourront être


établies pour des raisons de rupture d’activité durant le confinement. Ce passage avide de gestion
dans l’urgence sanitaire en 2020, aggravé d’une austérité budgétaire doit nous éclairer sur les
zones budgétivores et les programmes dépensiers pourtant accessoires et à faible valeur ajoutée.
Par ailleurs, les secteurs sociaux légitimeront de mieux en mieux leur place dans les choix publics
et dans le politique gouvernementale pour au moins trois lois des finances à venir : 2021, 2022
et 2023. Des indicateurs sociaux prendront place aux indicateurs financiers dans les tableaux de
bord du gouvernement. A la lumière de ce qui précède, une série de conclusions et de constats
peuvent être tirées :

11
1) La macroéconomie en avenir incertain est appelée à se renouveler de paradigme et de
méthodes d’analyse :
- Une étude des comportements de consommation et de production pourrait éclairer
les voies sur les aspects de cette nouvelle macroéconomie en situation d’incertitude
(en univers non mesurable ou difficile à la mesure), les choix deviennent complexes
et disparates selon les catégories de ménages et d’entreprises. Le covid-19 l’a montré,
certains secteurs ont été impactés plus que d’autres.
- La macroéconomie en avenir incertain n’est plus l’exclusivité des analyses
d’économistes d’Afrique et de zones défavorisées pandémiques (collera, Ebola, …).
Les instituts de statistiques et prévisionnistes ont ajourné leurs notes de conjoncture
et tardent à donner des chiffres sur le repli et la reprise de l’économie nationale qui
certainement sera molle en 2020 et 2021.
- La réalisation d’un bilan au titre de l’exécution de la loi des finances 2020 est remise
en cause. Les marchés et les projets entamés durant les lois des finances de 2018 et
2019 devant être consolidées en 2020, n’est plus possible.
- Le nombre de faillites effectives d’entreprises durant la période de confinement, le
délai de retour à la normale des marchés, des administrations et du commerce sont
les déterminants majeurs des prévisions économiques.
- Les calculs devant être faits du repli du PIB national sont à déterminer en fonction
de la durée des mesures de confinement, l’éventuel retour du Coronavirus au titre
d’une deuxième vague, la découverte éventuelle d’un vaccin....

2) Une stratégie sociale agrégée et consolidée pourra voir le jour et internaliser les
finances de programmes éparpillés (INDH, entraide nationale, jeunesse et sports ….) et
appuyer les moyens de l’action sociale de l’Etat :
- Un inventaire des infrastructures grâce à un système géographique et des patrimoines
desdits secteurs ;
- La transformation de structures et d’infrastructures non utiles ou délaissées non
animées (maisons de jeunesse, …) ;
- La suppression des projets et des programmes similaires dans les départements en
question et ciblage des zones pour une meilleure couverture ;
- Une gestion plus souple du patrimoine public afin de permettre une gestion optimale
des établissements et des infrastructures sectorielles (hôpitaux, écoles, cités
universitaires, maisons de jeunesse, centres sanitaires régionaux, …) ;
- L’implication dans cette nouvelle vision mutualisant les ressources et les moyens, du
secteur associatif (éducatif et sanitaire, notamment) riche en expériences locales et en
moyens d’action de proximité.
- La consolidation des moyens dans les secteurs sociaux et les fusions de patrimoines
pour une configuration plus lisible et plus adaptée aux besoins d’agilité et de
transformation (le covid-19 nous a appris beaucoup sur ce plan) ;
- La réduction du nombre des départements en charge des politiques sectorielles au
moyen d’une fusion des ressources, des infrastructures, …

3) Une stratégie de gestion de la crise pour relance des secteurs touchés par un choc
pourra être mise en œuvre à l’issue des actions suivantes :
- Le recensement des acteurs et opérateurs économiques sous le choc et le stress
financier et fiscal par secteur (ouvrir des plateformes d’inscription des entreprises
pour déclarer leurs coûts et leurs pertes à l’occasion de l’arrêt d’activité) ;

12
- Le chiffrage des pertes sectorielles (par ville et par zone industrielle), pour faciliter le
ciblage et une lecture assez proche de la réalité, tout en impliquant les Chambres de
commerce d’industrie et des services (CCIS), la CGEM et les associations
professionnelles ;
- L’inventaire des licenciements, des pertes d’emplois injustifiés et des personnes en
situation informelles dans le secteur ;
- L’inventaire des contrats et des conventions, des appels d’offres résiliés ou annulés
ou arrêtés (ordre d’arrêt établis auprès des maitres d’ouvrage) ;

4) Des secteurs publics directement affectés par le covid-19 (mis à nu), lanceront une mise
à niveau digitale sérieuse post-covid 19 (santé, éducation, sécurité, …) :
- Célérité, transparence, traçabilité et efficacité sont les maitres mots du recours au
digital. Cette voie d’action de dématérialisation pourra sauver des administrations et
des vies et doter le gouvernement de bases informationnelles instantanées. Le covid-
19, l’a bien montré l’ère nouvelle sera digitale, le suivi du niveau de contamination
au covid-19 sera digital sur smartphones.
- De nouveaux modèles de configurations organisationnelles agiles, de projets,
d’adhocratie, seront adoptés par les milieux publics ;
- Des investissements dans le digital, les Big-data viendront assoir de nouvelles bases
de travail administratif et de productivité dans les milieux publics. Le futur sera
digital, les services publics au Maroc gagneraient beaucoup avec le digital.

Les divers scénarii à mettre en œuvre par l’Etat, doivent être mis à plat par les économistes et les
spécialistes de la stratégie publique, de la macroéconomie et des finances publiques. Ils peuvent
interpeller plus d’une voie d’action aux fins de permettre une reprise économique nationale et
de chercher les solutions les plus idoines pour une création des richesse et une relance
économique post-crise du covid-19.
Somme toute, les choses les plus élémentaires sont également celles les plus importantes en temps
de disette et de rareté. La santé s’avère le secteur qui aura appris au monde en 2020 que les
secteurs sociaux sont les véritables secteurs à l’écoute de l’humain et de la vie d’hommes et
femmes, qui lui donnent des poumons pour vivre un quotidien sans souffrances, ni maux qui
perdurent et le reste doit être vu comme secondaire : l’économique, le politique, le technique …
Post-covid-19, des notions d’ordre macroéconomique et microéconomique se définiront
autrement : richesse, biens, besoins, marché, offre, prix, emploi, satisfaction, bien être, services
publics, services bancaires, assurance, dématérialisation, contrats, communication, travail,
loisir,.... Des champs disciplinaires des sciences humaines et sociales renouvelleront leurs thèmes
d’attaque et leurs outils d’action, très prochainement avec le digital, à l’issue des mutations
économiques et des structures sociales, et à raison des nouvelles perceptions d’hommes sur ces
dernières (management agile, management des crises, macroéconomie en avenir incertain,
blockchains, communication de crise, sociologie du travail, commerce international, droit
d’assurance, droit fiscal, droit des contrats…).

Notes :
i
Des conjoncturistes ont estimé le repli du PIB en 2020 (notamment, en France) de l’ordre de 2%.
Pour Morgan Stanley, la récession est estimée à -4,8%. Quant au directeur de l’École d’économie
de Toulouse, la chute du PIB pourra être de 10% voire 20%. Au Maroc, la situation peut être plus

13
sérieuse qu’en France (informel et classes paupérisées plus nombreuses et ignorance des faillites
durant le confinement, un commerce en quasi-arrêt et une fiscalité mise en cause en période
d’inactivité et faible productivité entrepreneuriale et industrielle).
ii
Une mesure relative d’une nation à une autre, nous l’avons senti quelques jours avant le dé-
confinement progressif en Espagne, Allemagne, Danemark, …Une gestion coordonnée et
partagée des délais de dé-confinement, nous parait injustifiée étant donnée les donnes propres à
chaque nation (démographiques, industrielles, sociales …), ses capacités de gestion et les garanties
de l’Etat pour assurer un accompagnement de la société et proposer des moyens d’administration
et de décontamination continu.
iii
Elles ne pourront être non mercantiles pour une longue période à subir les effets d’une crise
nationale. Le cas des écoles privées est édifiant dans ce sens. Ce délai d’inactivité a généré des
problèmes de recouvrement aux effets majeurs. Les rapports tendus entre les parents d’enfants et
le corps administratif des écoles privées. Loin des analyses dogmatiques, l’acte entrepreneurial
demeure un acte à protéger et à perdurer. Le rôle régulationniste de l’Etat ne peut répondre à
toutes les formes de tensions à couvrir par les fonds publics. Ce dossier aurait mérité plus de doigté
et d’empathie de la part des pouvoirs publics. Les salaires non versées et les pertes d’emploi ont
toujours eu un impact sur le pouvoir d’achat du ménage et sa contrainte budgétaire. Le covid-19 a
rappelé à l’Etat deux réalités : l’achat d’une formation pour son enfant est une prestation due donc
exigible à l’école. L’infrastructure privée relaye celle publique pour améliorer l’offre sans qu’elle
n’en fasse partie. Un texte de loi devant éclairer les tarifications de la formation dans les écoles
privées (vue les tailles disparates et le différentiel des prix observé) est attendu par les opérateurs
du secteur.
iii
Le recours au TOFT répond selon les principes de la gestion budgétaire au Maroc, à trois
finalités : La gestion budgétaire doit être placée dans une perspective pluriannuelle, afin de mieux
remplir les objectifs suivants d’une bonne gestion budgétaire :
- Assurer la discipline budgétaire globale, en s'assurant que l'impact budgétaire futur des
politiques publiques est compatible avec les possibilités financières de l’Etat.
- Allouer les ressources en conformité avec les objectifs de politique publique. En effet les
réallocations de ressources en fonction de nouvelles priorités, doivent être planifiées dans
le temps.
- Améliorer la performance opérationnelle, c'est-à-dire l'efficience et l'efficacité dans la
fourniture de services publics, en donnant aux gestionnaires une meilleure prévisibilité
pour gérer leurs programmes et en fournissant un cadre pour le suivi de la performance.

ivNous faisons un renvoi aux dispositions de la LOF sur la budgétisation dans un cadre
pluriannuel :
- Article 5(entrée en vigueur 1er janvier 2019). La loi de finances de l’année est élaborée par
référence à une programmation budgétaire triennale actualisée chaque année en vue de
l’adapter à l’évolution de la conjoncture financière, économique et sociale du pays. Cette
programmation vise notamment à définir, en fonction d'hypothèses économiques et
financières réalistes et justifiées, l'évolution sur trois ans de l’ensemble des ressources et
des charges de l’Etat. Le contenu et les modalités d’élaboration de cette programmation
sont fixés par voie réglementaire.
- Article 47. Le ministre chargé des finances expose aux commissions des finances du
Parlement, avant le 31 juillet de chaque année, le cadre général de préparation du projet de
loi de finances de l’année suivante. Cet exposé comporte : (a)l’évolution de l’économie
nationale ; (b) l’état d’avancement de l’exécution de la loi de finances en cours à la date du
30 juin; (c) les données relatives à la politique économique et financière ; (d) (entrée en
14
vigueur 1er janvier 2019) la programmation budgétaire triennale globale. Ledit exposé
donne lieu à un débat sans vote.
- Article 48 (extrait). […] La programmation pluriannuelle des départements ministériels
ou institutions, ainsi que celle des établissements et entreprises publiques soumis à leur
tutelle et bénéficiant de ressources affectées ou de subventions de l’Etat, est présentée,
pour information, aux commissions parlementaires concernées en accompagnement des
projets de budgets desdits départements ministériels ou institutions (entrée en vigueur 1er
janvier 2019)

vPlan d’action dédié à la mise en œuvre de la loi organique relative à la loi de finances ; 2015, p2
(La procédure de budgétisation et programmation budgétaire triennale doit viser à encourager les
choix stratégiques et les arbitrages sous contrainte financière)

viCette phase doit déboucher sur la préparation d'un tableau des opérations financières du Trésor
(TOFT) prévisionnel et de plafonds de dépense par départements ministériels. Ces plafonds
encadrent la préparation des projets de budget et des programmes de dépenses pluriannuels des
départements ministériels.

viiCette phase comporte les arbitrages intra-sectoriels, qui sont effectués par les ministères
sectoriels, dans le respect des plafonds de dépense, la soumission des projets de budget ministériels
au MEF, les conférences budgétaires et les arbitrages interministériels

viii
Les nouvelles procédures de gestion du budget de l’Etat furent :
- A partir de 2016, mettre en place le cadrage budgétaire consistant en la préparation d’un
cadre macro-économique à moyen terme, d’un TOFT prévisionnel triennal.
- A partir de 2016, intégration progressive de prévisions pluriannuelles de dépense par
programme dans les projets de performance (PdP) préparés par les ministères et
institutions, en commençant en 2015 conformément aux dispositions de la circulaire du 18
juin 2015. Ces prévisions devront être conformes au TOFT prévisionnel.
- Il était prévu à partir de 2019, les dispositions sur la pluri-annualité de la LOF seront
intégralement appliquées : le TOFT communiqué au Parlement selon les dispositions de
l’article 5 de la LOF et la programmation pluriannuelle des ministères et institutions
accompagnant le projet de loi de finances.
- A partir de 2019, toujours, il était prévu une préparation de la production régulière d’une
situation des opérations consolidées des administrations publiques, détaillée selon un
format analogue à celui du TOFT en exécution et prévision.
- L’objectif étant de disposer d’une situation des opérations consolidées de l’administration
publique, en exécution et prévision vers 2021.
ixIl est en particulier connu pour la théorie du risque, opérant une distinction entre risque et
incertitude, qu'il propose en 1921 dans Risk, Uncertainty and Profit. Le risque désigne une situation
où les possibilités de l'avenir sont connues et probabilisables. Par opposition, l'incertitude désigne
une situation où l'on ignore tout cela1. Knight distingue donc des situations risquées (où la
distribution de probabilité des cas possibles est connue) des situations incertaines (où les cas
possibles ne sont même pas connus). Une incertitude Knightienne est donc une situation où non
seulement l'avenir n'est pas connu, mais il ne peut l'être.
x
Viviani Jean-Laurent. « Incertitude et rationalité ». In Revue française d'économie, volume 9, n°2,
1994. pp. 105-146.

15
xi
Pour Viviani Jean-Laurent (« Incertitude et rationalité ». In Revue française d'économie, volume 9, n°2, 1994.
pp. 105-146.), ils ne peuvent plus avoir de décisions optimales, ils sont tentés d'être hyper-
rationnels. Le méta-problème devient alors celui de reconnaître les situations dans lesquelles la
rationalité. La théorie souffre d'un manque de « prédictibilité », elle est incapable de déterminer
quelles décisions l'agent va prendre ou doit prendre. Bien qu'il soit souvent possible de
restreindre l'espace des solutions possibles, il est rare d'atteindre une solution unique.
xiiUne proposition d’un impôt sur le capital au Maroc, a été ignorée à la suite d’un débat houleux
et finalement mis à l’oubliette par le débat national. Il y a également plusieurs options comme le
système progressif qu'on applique à l'impôt sur le revenu, des pourcentages sur des actifs
immobiliers, ou on peut pencher pour le forfait. Dans l'ensemble, on évalue le patrimoine de la
personne et son aptitude à créer des richesses. Même si les méthodes sont critiquées et même si le
Fisc fait des efforts pour être à jour, c'est un domaine où sévissent toujours la fraude et l'évasion
fiscale. Dans les pays qui ont des pratiques fiscales de longue date, l'impôt sur la fortune est
toujours un sujet très débattu. En France, ses partisans invoquent la redistribution des revenus,
tandis que ses adversaires rappellent qu'il ne permet pas d'atteindre cet objectif et appauvrit
souvent le pays, in fine, par l'expatriation fiscale.

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