Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Il ne nous est pas possible d’examiner tous les types de choix que doivent faire les
responsables du développement : chaque pays a ses propres problèmes et les études générales
sont difficiles.
Nous voudrions seulement évoquer quelques types de choix économiques
auxquels sont affrontés les gouvernements du tiers – monde. Nous le ferons en examinant
successivement :
infrastructures à mettre en place dépend donc largement de la manière dont on prévoit l’avenir.
En ce domaine, les risques d’erreur sont considérables.
Depuis quelques années, il semble que l’erreur ait résidé dans l’excès d’infrastructures.
Il est plus facile de creuser un port, de construire un hôpital que d’assurer la marche d’une
usine ou d’accroître la production agricole. On ne risque pas un échec flagrant, car on peut
toujours prétendre qu’un port sans grande activité a été réalisé pour faciliter le développement
futur, tandis qu’une usine qui ne fonctionne pas apparaît inévitablement comme un gaspillage.
Par ailleurs, les investissements massifs reçoivent facilement une aide de l’étranger : leur
volume frappe l’imagination des masses, il constitue un excellent moyen de propagande.
Un minimum d’infrastructures est indispensable ; toutefois, un excès de dépenses
d’infrastructures n’est pas sans danger. Il entraîne des tensions inflationnistes : la mise en
place des équipements de base provoque la distribution de revenus aux firmes et aux ouvriers
qui y travaillent ; la consommation augmente sans qu’y répondre un accroissement des biens
offerts sur le marché (). Si l’absence d’équipement et de services de base est un danger,
l’investissement inconsidéré de capitaux dans ce secteur est tout aussi dommageable. En
outre, lorsque l’on crée des routes, des voies ferrées, etc., il faut penser au coût de leur
exploitation qui est souvent considérable et ampute durement les possibilités de dépenses
économiques de l’Etat.
On peut se demander s’il ne vaut pas mieux prévoir seulement peu d’infrastructures.
C’est la thèse de l’économiste Albert O. HIRSCHMAN. Comme il le dit avec humour, espérer
susciter des activités économiques en mettant en place un ensemble vaste et diversifié
d’infrastructures fait penser au « culte du cargo » pratiqué par les tribus de la Nouvelle –
Guinée. Ces tribus avaient bénéficié, au cours de la Seconde Guerre Mondiale, de la présence
sur leur territoire d’un corps expéditionnaire allié et elles le virent partir avec regret. Dans
l’espoir de le faire revenir, elles ont construit des sortes d’appontements et d’aérodromes, et le
soir, à la lumière des torches, elles attendent la « seconde venue des cargos ».
Il est préférable que ce soit le développement qui exige l’accroissement des
infrastructures. Même si le manque de moyens de transport et d’énergie provoque des goulots
d’étranglement, le développement préalable de la production indiquera avec plus de précision
quelle ampleur il faut donner aux équipements de base et surtout où il faut les localiser. Bien
entendu, il faut un strict minimum et, dans un pays au tout premier stade du développement, il
faut commencer par mettre en place ce strict minimum. Mais, dans la plupart des cas, la marge
de choix est plus large.
6
L’agriculture nourrit les hommes. Par là elle est déjà un facteur important du
développement. Certains économistes ne sont pas très inquiets. Ils pensent que l’exode rural
amène fatalement une amélioration de la production agricole. L’accroissement de la demande
alimentaire dans les villes, jointe au besoin de faire face à la demande avec moins de main –
d’œuvre, entraînerait une recherche de nouvelles, jointe au besoin de faire face à la demande
avec moins de main d’œuvre, entraînerait une recherche de nouvelles techniques, une
mécanisation et une amélioration de la productivité. Finalement, c’est l’industrie et
l’expansion urbaine qui représenteraient l’élément dynamique. Dans cette conception,
l’agriculture devient un simple réservoir de main – d’œuvre sous – employée. En réalité, la
situation est beaucoup plus complexe.
Dans ce cas, l’agriculture n’est pas seulement un réservoir de main – d’œuvre. Les choix dans
les modes de progrès agricole sont donc très importants.
La mécanisation de l’exploitation peut donc être utile mais elle n’est pas le seul mode
de modernisation de l’agriculture.
Par ailleurs, réaliser, quand cela est nécessaire, une reforme agraire et lutter contre
toutes les structures de domination qui pèsent sur les paysans, c’est briser le pouvoir de
10
La réforme agraire est une modification apportée par la puissance publique aux
structures agraires. Par structures agraires on entend :
1. L’ensemble des relations socio – juridiques existant entre les hommes à propos de la
répartition du sol (système de métayage ou de fermage, grandes propriétés ou
plantations cultivées par des salariés, système foncier, tribal, …).
2. Les caractéristiques spéciales des entreprises agricoles (sont – elles grandes, petites,
morcelées ou non en de multiples parcelles ? …).
3. Le degré d’autonomie des entreprises agricoles (sont – elles indépendantes, existe – t –
il un système de coopération ou d’entraide communautaire ? …)
Les réformes agraires peuvent avoir pour but la modification d’un de ces
éléments ou l’ensemble de ces éléments. Elles peuvent donc soit modifier les règles du
métayage ou du fermage (interdiction d’un fermage supérieur à 25 % ou 50 % de la récolte),
partager des grandes propriétés ou, au contraire, réunir de trop petites exploitations en grandes
exploitations dans l’économie (coopérative de production de matériel ou de vente,
planification autoritaire, transformation des réseaux commerciaux).
11
Les objectifs des réformes agraires et les contextes dans lesquels elles sont
intervenues sont donc très divers. Pour juger de leur réussite, il faudrait normalement
examiner quel type de préoccupations animait leur promoteur. En fait, du point de vue qui
nous intéresse, nous pouvons toutes les juger par rapport au développement dont la politique
agraire doit être l’un des instruments.
Enfin, la réforme agraire doit aller de pair avec une réforme du crédit agricole et la
lutte contre l’usure. Nous examinerons plus spécialement ce point dans le financement du
développement.
Comme on le voit, la réforme agraire va beaucoup plus loin qu’une simple remise en
cause des structures foncières. Elle doit s’insérer dans une politique agricole générale. Il faut
donc éviter à son sujet tout dogmatisme et être prête à s’adapter aux circonstances.
16
réaliser l’élévation des revenus ruraux, car elle ouvre à l’agriculture des débouchés nouveaux
et lui fournit les biens qui lui permettent d’accroître sa productivité.
Reste à savoir :
1. Quel type d’industrie peut faciliter le processus d’industrialisation ?
2. Comment créer des industries ?
3. Où localiser les industries ?
dans une impasse. Il faut penser l’industrialisation en fonction de l’avenir et non du présent ou
pire, du passé.
Pour déterminer quel type d’industrie est nécessaire ou possible dans un pays en voie
de développement, certains économistes partent de trois constatations. Dans un pays en voie
de développement :
1. Le capital est rare, car l’épargne est insuffisante,
2. la main – d’œuvre est abondante,
3. Les importations sont trop fortes et le pays connaît une pénurie chronique de
devises.
De ce trois constatations, ils déduisent deux critères : celui de l’intensité des facteurs et
celui de la balance des paiements.
On part des deux premières constations : la main d’œuvre est abondante et le capital est
rare. Il faut donc créer des industries qui emploieront beaucoup de main – d’œuvre et peu de
capital. En plus des avantages économiques d’un tel choix, on avance ses avantages sociaux :
avec peu d’investissements, on résorbera au maximum le chômage et le sous – emploi.
Les conséquences d’une telle option sont de trois ordres :
a. On investit de préférence dans l’industrie légère,
b. On protège l’artisanat et la petite industrie,
c. On recherche des méthodes de production simples.
a. La préférence dans l’industrie légère trouve rapidement une limite. Les pays qui
commencent leur industrialisation par les industries légères, généralement axées
sur la consommation (industrie alimentaire, textiles, chaînes de montage, ….),
connaissent un gonflement démesuré des importations de biens intermédiaires et de
capital. Ainsi, en Amérique latine, au cours des vingt – cinq dernières années, les
importations de biens de consommation manufacturés ont diminué de moitié, mais
celles des biens intermédiaires ont doublé, tandis que celles des biens
19
réparations et surtout les ouvriers qui démontent les machines en pays développé
ne sont pas ceux qui les remontent en pays sous – développé… Quelques
fantaisies président parfois à l’agencement des éléments. Adapter l’équipement
aux conditions locales ne doit jamais signifier fournir un matériel de second ordre.
Etant donné le déficit de leur balance commerciale et de leur balance des paiements,
bien des pays centrent leur effort sur des industries qui substituent une production locale à des
importations.
Comme, au début du développement, les importations sont constituées essentiellement
par des biens de consommation, le critère de la balance des paiements coïncide souvent avec
celui de l’intensité des facteurs. On obtient alors une série d’industries peu complémentaires
et qui dépendent très largement des importations de biens intermédiaires. Au total, le résultat
de l’opération est assez décevant. L’industrie ne s’enracine pas, ses coûts de production sont
exorbitants par rapport aux gains en devises qu’elle procure ; la valeur ajoutée sur place aux
biens importés est en effet dérisoire.
Certes, se baser sur les importations pour fixer certains objectifs de production n’est
pas à rejeter totalement ; il faut cependant bien en voir les limites. En prenant pour critère les
importations, on fonde ses objectifs sur le passé et non le futur. De plus, en ce qui concerne
les biens de consommation, on tend par ce système à satisfaire essentiellement la population
urbaine privilégiée ; ce sont en effet les besoins de ce groupe qui sont satisfaits par des
importations. A ce stade, l’industrie reste artificielle et dépendante.
Les critères fondés sur la rareté du capital ou les difficultés de la balance des paiements
mènent donc à une impasse. Leur grand défaut est de vouloir, par volonté de réalisme,
considérer comme insurmontables les contraintes qui pèsent actuellement sur
l’industrialisation. On recherche alors le maximum d’industries compatibles avec la rareté des
facteurs ou le minimum d’industries nécessaires à l’équilibre de la balance des paiements.
Finalement, on est amené à une politique très timide qui ne transforme pas fondamentalement
les données du sous – développement.
Pour établir un plan d’industrialisation efficace, il faut partir d’un autre point de vue.
On ne recherchera pas ce qu’il est possible ou urgent de faire dans la situation présente, mais
au contraire quelles devraient être les caractéristiques d’une industrialisation qui serait
parvenue à s’enraciner. A partir de cette étude, on créera les activités dont l’apparition
favorisera ce type d’industrialisation.
abattoirs disséminés sur un territoire. Pour des raisons d’hygiène très évidentes, ils sont
difficilement transportables. Le passage aux abattoirs industriels exige des équipements pour
la conservation et le conditionnement de la viande ; l’abattoir va alors totalement s’insérer
dans l’ensemble de la structure industrielle. Nous retrouvons ici l’interdépendance dont nous
parlions à propos de l’allongement du processus de production ().
En effet, le charbon est lié à l’énergie ; elle est nécessaire à la fois pour l’exploitation
de la mine (machine à vapeur, puis plus tard électricité) et pour l’utilisation des charbons de
mauvaise qualité (usine thermique). En outre, le charbon est étroitement associé à la
sidérurgie qui a besoin de coke. La cokétification donne à son tour naissance à une série
d’industries chimiques. Les hauts fourneaux sont liés à des usines de céramique et de produits
réfractaires, ils donnent lieu, eux aussi, à une série d’activités capables d’utiliser leurs sous –
produits (ciment de laitier, scories de déphosphatage, gaz des hauts fourneaux, …). La
métallurgie et la grosse mécanique ont d’autant plus avantage à s’installer près de sidérurgie
que les houillères et la sidérurgie sont parmi leurs meilleurs clients (besoins du forage et de
l’exploitation, transports de produits lourds, équipements divers, …). Mes masses humaines
exigées par ces complexes attirent à leur tour des industries de biens de consommation.
L’ensemble du complexe nécessite un réseau de transport de très grande densité. Enfin,
l’agriculture en contact avec le complexe est profondément transformée.
Quelles que soient leurs origines, les complexes du charbon et de l’acier sont aussi
devenus de puissants facteurs d’industrialisation.
Ils ne sont cependant pas les seuls types d’industries industrialisantes. D’une manière
générale, les industries fabriquant des biens intermédiaires (métaux, ciments, produits
chimiques) et les industries d’équipement nécessaires à ces industries de biens intermédiaires
sont des industries industrialisantes. Elles peuvent jouer un rôle analogue à celui des
complexes du charbon et de l’acier.
Dans les pays qui ont déjà une industrie, comme en Amérique Latine, les industries de
base et les industries d’équipement liées à ces industries peuvent être l’élément moteur de
l’industrialisation. Il en va de même pour les pays qui ont déjà une industrie minière qui livre
25
un produit brut. La transformation poussée du produit grâce à des industries de base et des
industries d’équipement peut permettre l’industrialisation.
On ne doit cependant pas oublier que la plupart des économies du tiers – monde sont
encore des économies agricoles et qu’il s’y livre un combat acharné contre la faim. Les
industries industrialisantes doivent donc essentiellement faciliter l’accroissement de la
production et de la productivité agricole. Les industries chimiques qui permettent la
fabrication d’engrais ou de matières plastiques utilisées pour l’irrigation ou le forçage de
certaines cultures, la production du ciment nécessaire à un grand nombre de travaux de mise
en valeur pour les infrastructures et celles sur la sidérurgie qui permet de fabriquer des
équipements agricoles plus modernes apparaissent alors comme des industries particulièrement
efficaces.
Toutefois, la mise en place de ces industries industrialisantes se heurte à un certain
nombre de difficultés.
a. Qu’elles soient liées aux industries de consommation ou à l’agriculture, les
industries industrialisantes exigent des investissements importants. Dans la
mesure où l’on aura soin de lier les industries de biens intermédiaires à la mise en
place d’industries d’équipements, une partie de la difficulté peut être résolue. En
effet, on possédera alors les moyens de produire les équipements dont on aura
besoin. Du même coup, on évitera à terme de sérieuses difficultés dans la balance
des paiements ; ne l’oublions pas, lorsqu’on s’arrête à la production de biens
intermédiaires on multiplie les besoins d’importation de biens d’équipements. Par
ailleurs, on peut rechercher des techniques qui évitent une trop grande utilisation
du capital ; nous avons vu cependant le caractère aléatoire de notre recherche.
b. Les industries industrialisantes n’amènent pas une amélioration immédiate des
niveaux de vie. Tout au contraire, les tensions inflationnistes qu’entraîne
l’investissement risquent d’accroître la misère. D’autre part, dans bien des cas, la
création d’emplois sera faible. C’est là une difficulté à court terme. A long terme,
l’intégration de l’économie et l’industrialisation auront des effets bénéfiques
certains. Cependant, dans l’immédiat, le coût humain risque bien d’être
insupportable. Pour éviter cet écueil, il faut tout d’abord ne point séparer
l’industrialisation de la lutte contre les dominations sociales qui écrasent les plus
pauvres et notamment les agriculteurs. Il faut ensuite tenter, dès le départ, une
amélioration de la production agricole par une animation rurale qui prépare la
26
1. Quelle que soit la solution choisie, il faut surtout qu’une option claire soit
prise ; en effet, rien n’est plus paralysant pour le développement industriel que l’incertitude sur
le statut de la propriété des entreprises. Dans le cas d’une création d’industrie nationalisée, la
maîtrise de l’Etat est directe. Son intégration au développement est donc en principe faible. Il
faut cependant reconnaître que les habitudes administratives, l’absence de critères clairs quant
28
L’Etat peut essayer aussi de s’associer avec des capitaux privés, soit nationaux, soit
étrangers. Il crée alors des sociétés d’économie mixte dont il possède une part importante,
parfois majoritaire, du capital. Ce système permet généralement plus de souplesse dans la
gestion tout en introduisant à l’intérieur de l’entreprise un contrôle de l’Etat. Reste à savoir
s’il existe des capitaux privés désireux de s’associer à l’Etat, …
2. Dans tous les cas, il ne faut pas oublier que la prise en charge par l’Etat
du développement industriel, l’aide qu’il peut accorder à l’industrie privée, l’association qu’il
peut proposer aux capitalistes ne créent pas d’un coup de baguette magique une classe
d’industrielle.
La Chine communiste elle – même a tenté d’intégrer dans ses entreprises les anciens
« capitalistes » en les nommant directeurs. On ne s’improvise pas industriel ; ni un
fonctionnaire ni un commerçant. Ils sont préparés à l’intégration d’une gestion quotidienne
dans la perspective à long terme qu’exige toute industrie.
Certains pensent qu’il vaut mieux, dans ces conditions, faire appel à des entreprises
étrangères, mais la mainmise du capital étranger sur l’industrie naissante ne fait qu’aggraver la
domination actuelle des pays du tiers – monde par les pays industriels.
29
Il vaut mieux tenter de généraliser la pratique des « usines vendues clés en mains »
dont nous reparlerons plus loin. Dans une première phase, le gouvernement fait construire une
usine par une entreprise étrangère ; il peut éventuellement associer des capitalistes locaux à
cette opération. Les futurs dirigeants nationaux sont associés à la construction. On ne livre
pas une usine comme un réfrigérateur : il faut que celui qui la dirigera en comprenne
totalement l’organisation et la logique.
Dans une deuxième phase, de cinq ou sept années, l’entreprise est gérée par le groupe
étranger qui construit l’usine, mais les futurs dirigeants, des techniciens et hommes d’affaires
nationaux, sont associés à cette gestion. Les bénéfices réalisés par l’entreprise peuvent être
partagés entre le gouvernement et le groupe étranger pour paiement du service qu’il rend en
formant la future équipe de direction.
Dans une troisième phase, le groupe étranger cède la place à l’équipe de direction qu’il
a formée durant la seconde phase. Cette solution à l’avantage de former sur le tas les futurs
industriels sans renforcer la domination étrangère. On peut aussi, en dehors de la construction
« d’usines clés en mains », passer de simples « contrats de direction » avec des sociétés
étrangères ; mais il est plus difficile de trouver des sociétés qui y consentent.
3. Notons enfin que toute création d’industrie dans un pays en voie de développement
suppose une protection efficace des industries naissantes. La production d’une usine n’arrive à
son rythme normal qu’après un temps d’adaptation. En Europe, il faut compter au moins un
an de tâtonnement et de mise au point. Dans un pays en voie de développement, ce délai est
d’autant plus long que l’usine anticipe sur les besoins futurs et que durant parfois plusieurs
années elle ne pourra utiliser pleinement sa capacité de production. Par ailleurs, l’absence de
milieu industriel et de complémentarités économiques et techniques est, au départ, un handicap
considérable. Finalement, en dépit d’une main- d’œuvre bon marché, tous les facteurs du sous
– développement entraînent une hausse des coûts de production.
On peut tout d’abord abaisser les coûts par des dégrèvements fiscaux. Un grand
nombre de pays en voie de développement accordent aux nouvelles entreprises des réductions
temporaires d’impôts sur le revenu et sur le chiffre d’affaires durant une période de cinq à dix
ans. Dans certains pays, l’exemption est dégressive plus forte durant les premières années que
durant les dernières années de l’exemption, de sorte qu’il peut y avoir adaptation progressive
de l’entreprise à des conditions normales de fonctionnement. Les exemptions peuvent, bien
entendu, être appliquées pour l’expansion des entreprises déjà existantes. Dans certains cas,
l’expansion d’anciennes entreprises ayant déjà acquis une expérience est en effet plus facile à
susciter que la création de nouvelles.
N’importe comment, il est difficile de savoir si les tarifs douaniers du tiers – monde
sont permanents ou provisoires. Disons seulement qu’ils sont actuellement nécessaires mais
toujours insuffisants. En effet, dans bien des cas, l’acheteur préfère un produit étranger au
produit national. Le consommateur voit dans ce bien importé une source de prestige,
l’industriel une garantie de qualité. Il faut donc compléter les tarifs douaniers par des
limitations quantitatives d’importation, voire des interdictions pures et simples d’importer des
biens dont il existe une production subit des pressions et des sollicitations de toutes sortes et
finit parfois par accorder des autorisations abusives. L’interdiction d’importer suppose une
administration probe et efficace.
§.3. Où implanter l’industrie ?
1. Une industrialisation praticable doit donc être fondée sur l’implantation de pôles de
croissance. Il ne faut pas disséminer les industries nouvelles mais les regrouper en ensembles
capables, par la nature des activités industrielles qu’ils groupent, par les complémentarités
qu’ils permettent, par leur poids économique d’atteindre rapidement des niveaux de
productivité et de rentabilité comparables à ceux des anciens pays industriels.
augmente, le flux des revenus n’est plus en rapport avec les anciennes structures de production
et de distribution, les infrastructures se révèlent insuffisantes, bref l’ensemble de l’économie
est lancé en avant.
faire face aux besoins créés par le pôle de développement, or ne fera que provoquer un
effondrement des sociétés traditionnelles et un exode rural sans commune mesure avec
les besoins en main d’œuvre du pôle de développement. Pour propager la croissance,
l’implantation d’un pôle de développement doit aller de pair avec la mise en place
d’une politique agricole efficace. D’autre part, pour généraliser les effets de
l’industrialisation dans l’ensemble du pays, on doit créer à côté d’un pôle principal, des
pôles secondaires dont les activités seront en partie complémentaires. Il ne s’agit point
de revenir à la dissémination dont nous montions les dangers, mais de penser
l’ensemble de la structure industrielle du pays à partir de quelques points forts et
coordonnés. Le pôle de développement introduit dans le processus de développement
est un élément dynamique capable d’ébranler la stagnation. Il faut cependant
comprendre qu’il est une occasion de développement et non le développement. On ne
répétera jamais assez que le développement ne se conçoit pas sans une maîtrise
volontaire du devenir économique et social.
Il faut au contraire rechercher ce qui est nécessaire pour développer, ensuite plier les
moyens financiers aux exigences du développement et prendre les mesures qui permettent de
garantir un relatif équilibre monétaire.
S’il apparaît alors que les objectifs économiques sont trop ambitieux par rapport aux
possibilités financières et aux contraintes de l’équilibre monétaire, un rajustement peut être
fait. Mais il ne devra être qu’exceptionnellement une remise en cause des options
fondamentales.
Dans d’autres pays, la ponction sur le secteur agricole fut beaucoup moins spontanée.
Au Japon, l’impôt foncier établi après la réforme agraire permit une vaste redistribution des
revenus au profit de l’industrie. En URSS la collectivisation des terres permit des
prélèvements en nature et des livraisons à bas prix de produits agricoles dont la vente à des
prix élevés dans les villes facilita l’équilibre monétaire compromis par la priorité donné à
l’industrie lourde.
En Angleterre, le processus de ponction sur l’agriculture fut plus tardif et plus subtil. Il
apparut en 1840 avec l’instauration du libre – échange qui fit brutalement tomber les prix des
produits alimentaires. Ainsi les industriels purent – ils maintenir assez bas les salaires des
ouvriers et réalisèrent – ils maintiennent assez bas les salaires des ouvriers et réalisèrent – ils
d’importants bénéfices.
Les pays sous – développés sont caractérisés par un sous – emploi important, une partie
des hommes travaillant à la terre sont en partie inutiles et l’ensemble des agriculteurs restent
inoccupés durant de longs mois ; en utilisant ces restes inoccupés durant de longs mois ; en
utilisant ce travail perdu pour réaliser des routes, des irrigations, des écoles ou des drainages,
on peut économiser les moyens financiers à la disposition de l’investissement et résoudre plus
aisément le problème de l’équilibre entre l’offre et la demande. Au fond, cette méthode ne fait
que systématiser le comportement des agriculteurs qui profitent généralement des périodes
sans travaux agricoles pour refaire ou réparer leur habitation, fabriquer leurs instruments de
travail et réaliser ainsi toute une série de petits investissements. Notons qu’aux XVIIème et
XVIIIème siècles une grande partie des infrastructures des pays occidentaux furent réalisées
grâce à un système de corvée qui obligeait les paysans à venir travailler aux grands travaux
royaux.
Toutefois, pour être réellement efficace, l’utilisation de cette épargne – travail doit
remplir certaines conditions :
1. Le gouvernement qui l’impose doit être politiquement capable de mobiliser les masses.
Rien ne serait plus dangereuse qu’une mobilisation effectuée par un gouvernement de
privilégiés, car la mobilisation apparaît alors comme une brimade et une injustice et se
heurte à l’hostilité et à la passivité des masses.
37
2. Les travaux effectués grâce à la mobilisation des travailleurs doivent entrer dans les
perspectives d’ensemble du plan de développement et ne pas être seulement conçu
pour occuper des chômeurs,
3. On doit réaliser un dosage entre les grands travaux et les réalisations de plus petite
envergure mais dont l’utilité sera immédiatement perceptible par les travailleurs
mobilisés (écoles locales, adductions d’eau potable, petits travaux d’irrigation, etc.).
4. La mobilisation de la main – d’œuvre doit se faire en dehors des périodes normales de
travail agricole et ne pas gêner les petits investissements que l’agriculteur avait
coutume de réaliser en dehors de ces périodes.
5. On doit éviter de faire travailler la main – d’ouvre mobilisée loin de son village, car il
faut alors prévoir son déplacement, son logement, sa nourriture et un encadrement
beaucoup plus important. On accroît considérablement le coût de l’opération, et
l’épargne – travail perd une partie de son intérêt.
6. on peut combiner l’utilisation de l’épargne – travail avec des distributions de surplus
agricoles. Il faut cependant éviter que la distribution de salaires en nature n’amène
l’apparition d’un trafic de denrées alimentaires préjudiciable à la production locale. En
Inde, on a opté pour la distribution de repas servis sur les lieux du chantier, mais cette
formule ne permet pas de nourrir la famille du travailleur.
Notons qu’il ne faut pas confondre l’épargne – travail et les services civils de type
paramilitaire et qui s’adressent aux jeunes. Ce type de service entraîne inéluctablement
un important encadrement hiérarchisé, des logements en dur, un équipement important.
Un tel système a aussi un coût disproportionné, on compte environ de 20 à 30 millions
de nouveaux francs pour 10.000 à 20.000 conscrits. Même si son financement est
possible, l’importance de l’encadrement nécessaire entraîne un abaissement de sa
qualité qui crée un climat de moindre intérêt et de déception. Enfin, il est
vraisemblable qu’après un dépaysement d’un à deux ans, les jeunes recrues
retourneront difficilement dans les campagnes. Le service civil paramilitaire est un
luxe pour pays riches.
La fiscalité empêchant une consommation peut être assimilée à une épargne des
ménages. Dans un pays en voie de développement, toute réforme fiscale doit poursuivre trois
objectifs fondamentaux :
A propos de l’industrialisation nous avons évoqué les diverses mesures fiscales qui
peuvent faciliter l’industrialisation. Leur principe de base est d’accorder des faveurs fiscales
aux industries naissantes.
39
Pour cela, on établit de très lourds impôts sur les bénéfices (par exemple impôt sur les
sociétés égal à 50 % de leur bénéfice). Echapper à l’impôt doit être avantageux.
Ensuite :
1. On supprime cet impôt pendant les cinq ou dix premières années qui suivent la création de
l’entreprise.
2. on réduit l’impôt toutes les fois que l’entreprise réalise un investissement dans le cadre du
plan. En France, on réalise cette opération par l’amortissement dégressif et ajoutée) (). Un
tel système suppose un contrôle strict de la comptabilité ; dans un pays en voie de
développement, il est souvent préférable de fixer les taux de faveur pour les entreprises
réalisant des investissements. Par ailleurs, il est nécessaire d’abaisser les droits de douane
sur les biens dont ont besoin les industries naissantes et qui ne peuvent être produits
localement. Bien qu’il ne soit pas toujours souhaitable de faire supporter à l’agriculture le
coût de l’industrialisation, l’agriculture ne doit cependant pas échapper à l’impôt. La
fiscalité peut être un moyen de stimuler le progrès agricole. Dans le cas d’une agriculture
peu ouverte au marché, l’obligation de payer un impôt monétaire peut obliger l’agriculteur
à vendre une partie de sa production. Quand une réforme agraire supprime la ponction du
propriétaire et réforme agraire supprime la ponction du propriétaire et incite les
agriculteurs à consommer ce qui était autrefois expédié vers les villes, l’impôt peut, là
encore, jouer un rôle important. Il doit inciter le nouveau propriétaire à produire plus.
Certains économistes () reprennent à ce propos l’idée centrale de la politique fiscale
japonaise au cours de l’ère du meiji. Ils préconisent un impôt foncier qui porte sur les
superficies agricoles indépendamment des rendements. Un tel impôt stimule l’agriculture
et l’oblige à accroître sa productivité. Toutefois il n’est valable que dans le cadre d’une
politique agricole donnant à l’agriculture les moyens d’accroître les rendements ;
3. Fiscalité et disparité dans la possession des richesses et des revenus, une fiscalité frappant
les hauts revenus, grâce, par exemple, à un impôt progressif, est souvent présentée comme
un modèle de justice fiscale. Une telle fiscalité est cependant difficilement applicable dans
un pays en voie de développement. Elle suppose en effet des déclarations fiscales
compliquées et contrôlables, ce qui est pratiquement irréalisable dans un pays en voie de
développement.
40
Il faut donc frapper les riches. Cette politique fiscale aurait l’avantage de faire
supporter à l’économie urbaine et non à l’économie rurale le financement du développement.
Les impôts sur le revenu sont difficilement utilisables : cette ponction peut être réalisée
par des impôts sur la possession de biens facilement repérable (auto, climatiseur, réfrigérateur,
téléviseur, logements de luxe, …). Ces impôts peuvent être extrêmement lourds. On peut aussi
établir des impôts indirects sur des consommations typiquement urbaines (essence pour
voitures de tourisme, habits à l’européenne, cigarettes, bière, glace, …).
Toutefois, certaines limites ne doivent pas être dépassées. D’une part, il faut éviter de
provoquer un marasme urbain qui serait fatal à une partie de l’industrie naissante. D’autre
part, on ne doit pas décourager les velléités d’épargne des milieux urbains.
Il existe toujours dans le secteur moderne une thésaurisation monétaire et au moins des
liquidités monétaires importantes. Dans de nombreux pays, les milieux populaires
constituent par exemple des « cagnottes ». Parfois ces cagnottes allient curieusement le
crédit mutuel et le jeu (). Souvent, les enjeux d’argent immobilisent, par ailleurs, des
sommes considérables.
Le drainage de cette épargne ou de ces liquidités ne doit donc pas être négligé. De
toute façon, il est souhaitable d’habituer la population à placer son argent dans des institutions
qui pourront financer le développement.
La création de caisses d’épargne doit donc être encouragée. Lorsqu’elles sont créées, il
faut qu’au départ qu’elles constituent un réseau assez dense permettant au déposant de venir
facilement déposer ou retirer son épargne. L’influence des institutions d’épargne sur le niveau
de l’épargne dépend des facilités d’accès qu’elles offrent. Lorsque les caisses d’épargne se
41
proposent de drainer des fonds monopolisés par les jeux d’argent, l’organisation des loteries
peut favoriser la réalisation de leur objectif.
Dans un pays du tiers – monde, dont l’industrie est à peine naissante, on peut tout au
plus créer un organisme public qui prête aux épargnants momentanément gênés l’argent dont
ils ont besoin, les actions et obligations servant de garanties à ces prêts.
Comme nous l’avons vu plus haut, le réseau bancaire des pays en voie de
développement est un héritage de l’économie de traite. Axées sur l’export – import et les
42
opérations de change, les banques ne s’engagent pas dans l’économie. Elles ignorent presque
totalement le secteur agricole et négligent presque aussi complètement l’investissement. De
plus, elles gardent souvent inemployée une plus large proportion de leurs liquidités. Elles
n’ont plus ainsi de problèmes de trésorerie et n’ont pas besoin de faire appel à la banque
d’émission. Elles échappent alors à tout contrôle. Elles agissent peu, mais agissent librement.
Pour réformer le réseau bancaire il faut donc généralement prendre trois séries de mesures :
1. Assurer le contrôle effectif des banques,
2. permettre un financement du secteur agricole,
3. créer un organisme capable de financer les investissements.
Dans bien des régions, les caisses de crédit agricole fuient les difficultés, se
contentent de financer l’agriculture moderne et les grandes exploitations. Elles deviennent des
privilèges pour des privilégiés.
Pour établir un crédit agricole efficace, il faut d’abord le considérer comme un élément
de la politique économique et d’assistance sociale dans l’agriculture. Dans cette perspective,
43
le crédit agricole doit avoir pour première tâche de vaincre l’usure. A cette fin, il devra être
distribué en abondance et plus spécialement aux plus pauvres qui sont d’ordinaire les plus
endettés. Distribuer le crédit agricole avec parcimonie, c’est alimenter l’usure : les
bénéficiaires du crédit se transforment en usuriers.
Tout en luttant contre l’usure, il ne faut point oublier que le crédit agricole doit
favoriser la modernisation de l’agriculture. Les prêts des usuriers étaient des prêts à la
consommation qui facilitaient la soudure ; les prêts du crédit agricole doivent devenir des prêts
à la production. Il faut donc progressivement les assortir de conditions quant à leur utilisation.
Dans ce but, les caisses de crédit agricole doivent travailler en étroite coopération avec les
services de l’animation et de la vulgarisation rurale.
Pour être assuré de leur bonne utilisation, il est nécessaire d’obliger l’agriculteur à un
remboursement. Les garanties traditionnelles (hypothèques, saisie de la récolte ou des biens
mobiliers, …) sont très faibles et inefficaces. On ne voit pas ce qu’on pourrait saisir dans la
case d’un paysan africain ou dans le gourbi d’un paysan kabyle. La garantie du remboursement
doit être collective, villageoise ou clanique. C’est l’ensemble du groupe qui doit se porter
garant du prêt. Si le prêt n’est pas remboursé par son bénéficiaire, ou le groupe rembourse à sa
place, ou il est privé de tout nouveau crédit.
C’est une solution peu en accord avec les principes occidentaux du droit, mais qui
correspond bien aux solidarités traditionnelles du milieu agricole.
Il faut d’ailleurs tenter d’intégrer ces solidarités dans le cadre même du crédit agricole
en lui donnant, dans la mesure du possible, un caractère mutualiste. On peut, d’une part,
demander un droit d’entrée plus ou moins symbolique et, d’autre part, associer les paysans aux
décisions relatives aux prêts de moindre importance. Là encore, le crédit agricole est
inséparable de l’animation rurale.
développement le rôle que jouèrent dans l’Europe du XIXème siècle les banques d’affaires :
financer l’investissement à long terme.
La solution idéale, que bien peu de pays ont réalisée, est de faire de la Banque de
développement l’organisme financier au plan de développement. La Banque aurait ainsi le
contrôle de tous les investissements, qu’il s’agisse d’investissements réalisés par l’Etat grâce à
l’aide extérieure ou à la fiscalité, qu’il s’agisse de prêts à des entreprises ou de participations
de l’Etat à la création d’entreprises nouvelles. En outre, la banque de développement devrait
servir d’organisme tampon dans les opérations de moyen terme et contrôler le fonctionnement
du crédit agricole.
Les ressources de cet organisme devraient être à la fois des fonds d’épargne (caisse
d’épargne, emprunts placés dans le public), des entrées fiscales reversées par l’Etat pour
financer son budget d’équipement, des fonds de l’aide extérieure et éventuellement des
avances de la banque d’émission.
Inutile de dire que bien des obstacles s’opposent à cette centralisation. Des instituts
spécialisés dans telle ou telle opération existent déjà. Les ministères refusent de se dessaisir de
l’exécution des budgets d’équipement. Chaque crédit a une spécificité propre et obéit à des
procédures différentes, etc.
Le droit des Etats de nationaliser les biens étrangers ne fait l’objet actuellement
d’aucune contestation. Mais le consensus ne va pas loin. Il existe de sérieuses oppositions
entre pays développés et pays en développement sur le fondement, les limites et les conditions
d’exercice de ce droit.
1. La thèse occidentale
sauraient se voir opposer aucune limitation. Les Etats nationalisateur dans les grandes
sentences arbitrales précitées. Ces thèses, on le sait, n’ont jamais pénétré dans le droit
positif du fait de l’hostilité irréductible des pays développés à la philosophie qui
s’exprimait à travers elles.
3. La situation actuelle
La seule chose qu’il soit possible d’affirmer aujourd’hui est que le droit positif, même
dans sa conception la plus étroite, reconnaît le droit des Etats de nationaliser leurs ressources
naturelles.
1. Position du problème
47
Nombre d’Etats du Tiers Monde ont conclu dans le passé des contrats de
concession avec des sociétés étrangères opérant sur leur territoire (voir infra 237 et s.).
Lorsque certains de ces Etats ont voulu par la suite procéder à des nationalisations en résiliant
unilatéralement ces contrats, leurs engagements antérieurs leur ont été opposés par les sociétés
concernées.
Le problème juridique qui se pose ici est donc de savoir si le droit de nationaliser peut
subir des limitations du fait d’engagements contractuels antérieur de l’Etat. Cette question est
l’une de celles qui montrent le plus clairement les contestations que peut faire naître
l’existence même du droit international du développement, dans la mesure où elles révèlent
l’antagonisme, voire l’incompatibilité entre l’une des théories centrales de ce droit, à savoir la
souveraineté sur les ressources naturelles, et quelques – uns des piliers du droit international
classique, à savoir la stabilité des relations conventionnelles, le respect des droits acquis et le
principe de la bonne foi.
Ce problème a conduit les deux groupes d’Etats à soutenir des thèses radicalement
opposées :
- Les pays développés et les sociétés intéressées ont soutenu qu’il convenait de respecter
et d’appliquer strictement les clauses contractuelles, et notamment, s’il y a lieu, les
clauses de stabilisation et les clauses d’intangibilité (v. supra, n° 155). Celles – ci
possèdent une validité intrinsèque qui ne saurait en aucun cas être remise en cause
unilatéralement par l’Etat. L’existence de telles clauses limite par conséquent son droit
de nationaliser.
- A l’inverse, la thèse des Etats qui nationalisent consiste à affirmer que l’Etat peut
exercer sans limites et sans partage sa souveraineté permanente sur ses ressources
naturelles, ce qui lui donne le droit de les récupérer à tout moment pour les exploiter
conformément à sa propre politique de développement, sans qu’on puisse lui opposer
un contrat d’exploitation saurait se voir imposer de limites contractuelles dans
l’exercice de son droit de nationaliser.
Cette opposition s’est manifestée avec une particulière netteté dans le cadre
de célèbres affaires pétrolières soumises à l’arbitrage.
48
L’exercice par les pays du Tiers Monde de leur droit de nationaliser a soulevé
également des controverses relatives à la licéité de ces opérations. En effet, le problème était
de savoir s’il était possible de concilier les conditions de licéité posées par le droit classique et
les impératifs de la politique d’indépendance économique et de développement des Etats
nouveaux.
Cette condition est expressément rappelée par la résolution 1803 (XVII) qui prévoit
que « la nationalisation, l’expropriation ou la réquisition devront se fonder sur des raisons ou
sur des motifs d’utilité publique, de sécurité ou d’intérêt national, reconnues comme primant
les simples intérêts particuliers ou privés, tant nationaux qu’étrangers ».
3. La condition d’indemnisation
C’est sur ce point, évidemment, que se cristallisent les oppositions les plus fermes.
a. La thèse occidentale n’a pas varié. Certes, depuis longtemps, l’idée d’une indemnité
intégrale et préalable a été abandonnée. Néanmoins, les pays industrialisés affirment
nettement que non seulement le droit international impose à tous les Etats une
obligation d’indemniser mais aussi qu’il en soumet l’exécution à des conditions
strictement définies. La position américaine sur ce point est particulièrement
révélatrice à cet égard. Depuis les nationalisations mexicaines de 1938, le
gouvernement américain rappelle chaque fois que nécessaire, la formule classique
depuis la lettre de Cordell Hull du 03 avril 1940, selon laquelle : « under international
law, the United States has right to expect that its citizens will receive prompt, adequate
and effective compensation from the expropriating countries ». Des pays comme la
RFA, la Grande - Bretagne et la Suisse ont repris cette formule et l’on insérée dans leur
modèle de convention bilatérale d’investissement. De manière plus générale, l’article 3
du projet de convention de l’OCDE sur la protection des biens étrangers met au
nombre des conditions de licéité de la nationalisation « le paiement d’une juste
indemnité ». cette indemnité « correspondra à la valeur réelle du bien en cause, sera
versée sans délai injustifié et sera transférable dans la mesure nécessaire pour la rendre
effective pour l’ayant – droit ».
b. La position du Tiers Monde est plus complexe et on relève à l’égard de l’obligation
d’indemniser des tendances différentes.
- Selon la thèse la plus radicale, il n’existerait en droit international aucune obligation
d’indemniser à la charge des Etats nationalisateurs. Le fondement de l’obligation
éventuelle d’indemniser ne peut se trouver que dans la législation interne des Etats en
question. On trouve un écho de cette tendance dans un certain nombre de textes
internationaux. Ainsi la IVè Conférence des Non – alignés d’Alger (1973) a proclamé
que « les nationalisations réalisées par les Etats pour sauvegarder leurs ressources
naturelles en tant qu’expression de leur souveraineté impliquent qu’il appartient à
chaque Etat de fixer le montant des indemnités éventuelles ainsi que les modalités de
leur versement et que tout conflit soulevé doit être réglé conformément aux lois
nationales de chaque Etats ». la même idée se rencontre dans la résolution 3171
52
Dans le premier cas, il a été soutenu que l’Etat n’avait aucune obligation d’indemniser,
au
motif que les droits acquis même régulièrement, subissent le contrecoup de l’illégalité du
régime colonial dans lequel ils ont pris naissance. On a pu relever des illustrations de cette
thèse dans la législation et la pratique d’Etats tels que le Zaïre, le Ghana, l’Algérie, le Maroc,
le Vietnam, etc. L’idée générale qui sous – tend cette position est que le versement d’une
indemnité serait inéquitable dans la mesure où les sociétés implantées sur le territoire du fait
de la colonisation en ont pillé les ressources naturelles. La résolution 3202 (S-VI) va même
plus loin en affirmant que ce sont les pays du Tiers Monde qui devraient être indemnisés. Elle
revendique en effet « le droit pour tous les Etats, territoires et peuples soumis à une occupation
étrangère, à une domination étrangère et coloniale ou à l’apartheid d’obtenir une restitution et
une indemnisation totale pour l’exploitation, la réduction et la dégradation des ressources
naturelles, et de toutes les autres ressources de ces Etats, territoires et peuples ». On trouve la
même idée dans l’article 16 de la Charte des droits et devoirs économiques des Etats.
A l’heure actuelle, il n’existe aucune règle de droit positif fixant le mode de calcul de
l’indemnité due en cas de nationalisation. Les pays développés demandent toujours que
l’indemnité couvre la totalité du dommage subi du fait de la nationalisation. Les pays en
développement s’en tiennent, quant à eux, à l’idée d’indemnité équitable, tenant compte certes
des intérêts des propriétaires de l’entreprise mais surtout de leur propre capacité de paiement et
des exigences de leur politique de développement.
C’est dire que selon qu’il s’agit de l’un ou de l’autre camp, la notion d’indemnité
adéquate sera comprise de manière radicalement différente. Cette divergence d’interprétation
se traduit directement dans les controverses relatives aux différents modes de calcul de
l’indemnité. La question est d’autant plus délicate que la nationalisation porte soit sur des
biens soit sur des titres et qu’il existe en pratique une multiplicité de modes d’évaluation des
actifs nationalisés : estimation directe, système de la valeur boursière, valeur fiscale, système
dit de l’entreprise en état de marche (going concern), système du forfait, analogie,
participation aux résultats futurs de l’entreprise, etc. Le problème s’est encore compliqué du
fait que certains Etats nationalisateur ont avancé des théories originales sur les déductions à
opérer dans le calcul de l’indemnité.
Cette controverse a été au cœur de la Sentence Partielle, en date du 14 juillet 1987,
rendue par le tribunal des différends irano – américains dans l’affaire Amoco.
La pratique récente montre que les pays en développement se réfèrent à titre principal à
cette méthode. Déjà, l’accord du 11 août 1973 entre la Libye et les trois filiales de la société
américaine oasis (Amareda Petroleum Corporation of Libya Ltd) prévoyait que la
compensation serait calculée en fonction de la valeur comptable des actifs nets. Elle serait
égale à la valeur comptable des actifs nets. Elle serait égale à la valeur nette des actifs
comptabilisés au jour de la signature de l’accord. Il en est allé de même de l’accord du 13 juin
1974 entre Libye et Shell.
On voit ainsi l’intérêt que des pays du Tiers Monde ont à utiliser une telle méthode,
d’autant qu’elle contribue aussi à sanctionner les comptabilités minorées. Cette méthode est
55
évidemment défavorable aux sociétés du fait de l’arbitraire pouvant exister dans le choix des
documents comptables et des situations de dépréciation monétaire dans lesquelles se trouvent
souvent les pays du Tiers Monde.
Les pays du Tiers Monde ont eu dans certains cas une conception particulièrement
extensive des déductions susceptibles d’être opérées sur l’indemnité de nationalisation.
De nombreuses lois de nationalisation ont prévu que l’indemnité serait diminuée des
sommes que le gouvernement estime lui être dues par la compagnie nationalisée. On rencontre
de telles dispositions dans la loi irakienne et dans la loi syrienne portant nationalisation de
l’IPC ainsi que dans l’accord de 1973 entre la Libye et les trois filiales de la société Oasis.
Cette théorie, déjà suggérée par la pratique des Etats socialistes, a été élaborée lors des
nationalisations chiliennes de 1971. Elle a pour objet de permettre à l’Etat de déduire de
l’indemnité de nationalisation la part des bénéfices de la société qu’il estime excessifs. En
l’espèce, le procédé a consisté à comparer la rentabilité des filiales opérant au Chili avec celle
de la société – mère dans l’ensemble de ses opérations ou celle d’autres entreprises intervenant
dans le même secteur d’activité. Le gouvernement chilien avait fixé à 12 % la base de
57
rentabilité annuelle normale des entreprises nationalisées (ce taux étaient voisin de celui fixé
par le code des investissements du Pacte andin selon lequel les bénéfices nets à répartir chaque
année ne peuvent, en règle générale, excéder 14 % du montant total de l’investissement
étranger). Or les études effectuées par ce gouvernement ont démontré que les bénéfices des
entreprises visées étaient tous supérieurs à ce taux et allaient, selon les entreprises, de 16 à 205
%. En conséquence, le gouvernement chilien, tout en admettant le principe de
l’indemnisation, a estimé qu’il convenait de déduire ces bénéfices exorbitants du montant de
l’indemnité. Cette opération a produit pour la plupart des sociétés un solde négatif.
Il serait faux de penser que, dans la pratique, les nationalisations entreprises par les
pays du Tiers Monde donnent systématiquement naissance à des différends. Bien au contraire,
dans la plupart des cas, les parties finissent par adopter une solution négociée, même si à
l’origine elles avaient pris des positions intransigeantes. Ainsi par exemple, la Libye, malgré
son refus de la sentence Texaco, a conclu, quelques mois seulement après le prononcé de celle
58
– ci, un arrangement aux termes duquel elle s’est engagée à fournir aux compagnies pétrolières
concernées une certaine quantité de pétrole brut pendant une durée de quinze mois.
Les accords d’indemnisation consécutifs à des nationalisations ont pour objet principal
d’établir un compromis relativement à l’indemnité. Ils sont conclus par l’Etat nationalisateur
soit avec les sociétés elles – mêmes, soit avec les Etats dont elles relèvent. Dans cette
hypothèse, le règlement est considéré comme définitif. Les accords interétatiques ont pour
effet de dégager l’Etat nationalisateur de toute responsabilité vis – à – vis des réclamants ayant
la nationalité de l’autre partie. La charge de la répartition de l’indemnité incombe désormais à
l’Etat réclamant dans le cadre de son ordre juridique interne.
Toujours à ce premier niveau, mais dans un sens plus large, la privatisation peut inclure
toute mesure qui opère le transfert temporaire au secteur privé d’activités qui jusque là avaient
été exercées par un organisme public. Elle comprendra ainsi, outre les formes de privatisation
au sens strict :
i. La sous – traitance, portant généralement sur des services qui étaient
précédemment fournis directement par l’organisme public (),
ii. Les contrats de gestion, qui peuvent ou non prévoir un intéressement au résultat
matériel de l’exploitation, et la régie intéressée, qui comprend toujours un tel
intéressement(),
iii. La location ou location – gérance d’entreprises, de matériel ou d’actifs
appartenant à l’Etat (), ainsi que les contrats d’affermage ; et
iv. Les concessions de services et travaux publics et contrats de type BOT (« Build
Operate and Transfer »)().
Le concept de privatisation peut être abordé de manière plus large encore pour inclure,
non seulement la privatisation d’une économie. L’intensité de la privatisation d’une économie
variera selon le degré d’étatisation préalable de l’économie en question et l’ampleur du
programme de réformes entrepris. Nous avons déjà évoqué les programmes poursuivis dans
ce contexte par certains pays en transition, ainsi que les programmes néo – zélandais et
britannique. Dans ce cas, les privatisations des premiers et deuxième niveaux font partie
intégrante des programmes de privatisation de l’économie nationale (). Ainsi, en Nouvelle –
Zélande, le programme gouvernemental a porté tant sur la libéralisation du commerce
extérieur, des marchés financiers et du travail, que sur la réforme des secteurs des
télécommunications et du transport aérien, et sur la restructuration et la privatisation de
nombreuses entreprises et activités politiques ().
Bien que distincts, ces trois niveaux ne sont toutefois nullement cloisonnés. Au
contraire, une interaction étroite s’opère, d’une part en ce que la stratégie adoptée pour les
niveaux supérieurs déterminera dans une large mesure celle suivie aux niveaux inférieurs : une
stratégie sectorielle et la stratégie macroéconomique. En effet, la privatisation d’une entreprise
en trouvera souvent son sens que dans le cadre d’un programme de privatisation sectoriel ou
macro – économique, devenant ainsi un instrument de ces programmes plus globaux plutôt
qu’une fin en soi. D’une autre part, l’expérience concrète au niveau des transactions de
privatisation au sens strict, contribuera au développement des stratégies sectorielles et
générales, celles – ci ne pouvant être figées une fois pour toutes en début de programme de
réforme.
Enfin, ces différents concepts peuvent également être classés selon le niveau de
délégation par l’Etat, le degré de risque transféré, et le degré d’irréversibilité de la
privatisation. Ces facteurs sont quant à eux directement et positivement liés à l’importance de
l’engagement financier consenti par l’opérateur privé et à la durée du contrat conclu, le cas
échéant, entre ce dernier et l’autorité publique. Le diagramme ci – dessous illustre de manière
schématique la gradation de différentes techniques de participation du secteur privé. L’on
progresse ainsi d’un contrat de sous – traitance, qui requiert relativement peu d’investissement,
implique peu de risques et auquel il peut être facilement mis fin, à la privatisation totale au
62
sens strict, par laquelle les actifs, l’activité et son financement sont transférés de manière
permanente au secteur privé.
Enfin, mentionnons que ce que nous appelons privatisation a reçu d’autres noms dans
certains pays, souvent parce que le terme de privatisation était jugé politiquement trop délicat.
Ainsi parle – t – on de capitalisation en Bolivie (), de population au Sri – Lanka et
d’actionnarisation au Vietnam, pour ne citer que ces pays (). Aux Pays – Bas, par contre le
terme de privatisation est utilisé non seulement pour désigner ce que nous avons qualifié ainsi,
mais également pour décire le processus de transformation d’une entreprise publique en une
entreprise soumise aux règles du droit commercial mais restant la propriété de l’Etat().
importants, à l’accès privilégié aux sources de crédits dont elles bénéficient auprès de banques
publiques, à des garanties étatiques, aux exonérations fiscales, ou encore aux subventions que
leur versent directement les autorités publiques. Alors qu’elles avaient été créées pour pallier
la carence du secteur privé et servir de fer de lance au développement de l’économie nationale,
elles ont dans bien des cas contribué à l’étouffement du secteur privé local et à la stagnation de
l’économie. Elles ont souvent servi d’instrument pour la réalisation d’objectifs politiques et
ont subi les ingérences fréquentes des autorités publiques. Dans certains pays, elles ont
également été un facteur de redistribution des revenus vers les classes moyennes et aisées de la
population, au détriment des classes les plus pauvres qui n’ont généralement accès ni aux
emplois fournis par ces entreprises ni à leurs produits. Presque partout, le poids des
entreprises publiques sur les finances de l’Etat était devenu intenable.
Maastricht pour pouvoir accéder à l’union monétaire, ou de pays ayant conclu des programmes
d’ajustement structurel avec la Banque mondiale ou le Fonds Monétaire International.
Bien que cela puisse paraître tout à fait évident, il est important de relever que, pour
être
propriétaire, il faut juridiquement parlant, posséder la personnalité juridique, c’est – à – dire
avoir une existence propre et distincte en droit. L’Etat, personne morale, sera en règle
générale, propriétaire de certaines entreprises publiques. Les entités provinciales ou locales,
dans la mesure où elles possèdent également la personnalité juridique, peuvent donc aussi être
propriétaires d’entreprise.
Les entreprises publiques (ou les sociétés holding publiques) elles – mêmes seront
normalement propriétaires de leurs biens ou filiales. Il n’en va pas toujours ainsi cependant.
65
En Bulgarie, en Pologne, en Guinée (jusqu’en 1985) et dans d’autres pays dont le système
juridique s’inspire ou s’inspirait du modèle soviétique, les entreprises en sont (ou n’étaient)
pas propriétaires de leur propres biens immobiliers (outillage, véhicules, meubles).
Typiquement, l’Etat finançait l’acquisition de ces biens et l’entreprise publique payait chaque
année à l’Etat une somme représentant le montant des amortissements. Ces biens restaient
propriété de l’Etat et ne pouvaient pas être vendus par l’entreprise sans autorisation préalable.
Ce régime a notamment des implications importantes pour l’affectation des recettes de
privatisations. En cas de vente, le produit revient normalement à l’Etat ().
Une fois le propriétaire identifié, il reste à déterminer qui a le pouvoir d’exercer ses
droits. Il
s’agit là de deux questions distinctes qui sont toutefois souvent confondues. L’Etat ou les
entreprises publiques ne sont en effet susceptibles d’exercer leurs droits que par l’intermédiaire
de personnes dûment habilitées. S’agissant de privatisation, il importe tout particulièrement de
déterminer à qui le pouvoir d’aliéner (c’est – à – dire de céder la propriété), élément essentiel
du droit de propriété, a été confié ().
vendre les biens publics (). La même situation se retrouve dans la plupart des pays de
« Common law ».
Quelle que soit l’autorité habilitée à vendre au nom de l’Etat, le principal est que
l’habilitation (expresse ou tacite) soit dépourvue d’ambiguïté afin d’éviter tous litiges
ultérieurs.
ministériel en conseil des ministres, l’entreprise ne peut être privatisée ou liquidée que dans la
même forme » ().
Par ailleurs, les lois sur les entreprises publiques contiennent souvent des dispositions
relatives à la prise et à la cession par l’Etat (ou d’autres organismes publics) de participations
dans des sociétés d’économie mixte, ainsi qu’à la création et à la cession de filiales
d’entreprises publiques. Ces lois peuvent ainsi limiter le droit des entreprises publiques
d’acheter ou de vendre des actions d’autres sociétés, bien que ce type de restrictions puisse
ralentir le processus de privatisation, il s’impose souvent pour prévenir les abus et soumettre
ces ventes à un minimum de règles. De telles restrictions peuvent également être contenues
dans la loi de privatisation ().
§.4. Aliénation des biens publics
L’aliénation des biens d’Etat sera souvent régie par le droit administratif, une
législation
spécifique sur le patrimoine public ou la législation relative aux finances publiques. Dans les
pays dont la législation s’inspire du système français, on opère parfois une distinction entre les
biens appartenant au domaine public () et ceux qui relèvent du domaine privé de l’Etat, ces
derniers étant plus faciles à aliéner, sauf moyennant au domaine public de l’Etat ne peuvent en
effet pas être aliénés, sauf moyennant un transfert préalable dans le domaine privé de l’Etat,
qui ne peut être effectué qu’en vertu d’une loi.
Les règles portant sur la vente de biens publics, lorsqu’elles existent, sont souvent mal
adaptées aux besoins d’un programme de privatisation. Ainsi, en Italie les modalités de vente
de propriété de l’Etat remontaient à une loi de 1924, qui imposait des procédures
administratives très compliquées soumises à l’avis du conseil d’Etat et au contrôle de la cour
des comptes. En vue d’accélérer le processus de privatisation le gouvernement a dû prendre
un décret – loi autorisant notamment l’Etat à aliéner ses biens en suivant des procédures
considérablement allégées ().
En ce qui concerne l’aliénation de biens des entreprises publiques, la législation sur les
entreprises publiques et leur statut habilitent normalement les organes de direction d’une
entreprise publique à vendre, dans certaines limites, les biens de l’entreprise ou ses filiales.
Quant aux sociétés de portefeuille publiques, elles sont autorisées, en règle générale, à céder
68
des filiales ou des participations financières (). Lois et statuts fixent ainsi les pouvoirs des
divers organes, notamment l’assemblée générale des actionnaires (s’il y en a une), le conseil
d’administration et le directeur – général, en précisant, le cas échéant, des seuils financiers
délimitant leurs compétences respectives, notamment en matière de cession d’actifs. Certaines
dispositions peuvent aussi réglementer le pouvoir d’engager l’entreprise publique par contrat
et prévoir des sanctions contre les dirigeants de l’entreprise qui outrepasseraient leurs
pouvoirs.
Dans les chapitres qui précèdent, nous avons examiné les privatisations de manière
générale sans distinction particulière entre différents types de secteurs ou d’entreprises. Il est
clair cependant que des modalités spécifiques s’imposent lorsqu’il s’agit de secteurs à
69
caractéristiques monopolistiques hautement réglementés tels que l’électricité, le gaz, l’eau, les
télécommunications, les ports, aéroports, autoroutes et chemins de fer, souvent regroupés sous
l’appellation de grandes infrastructures (). Ce chapitre explore certaines des spécificités
propres à ces secteurs, tout en renvoyant aux chapitres précédents pour les autres aspects du
processus de privatisations s’appliquant de manière plus générale.
Les secteurs d’infrastructure sont, en fait, un sous – ensemble des services publics,
notion couvrant également d’autres activités non reprises dans notre énumération, qu’il
s’agisse de services à caractère commercial comme la poste(), ou de fonctions comme la
sécurité sociale (), la justice () ou la défense nationale, par exemple. Le concept de service
public lui – même est pour le moins ambigu et n’a jamais pu être défini de manière précise et
opérationnelle (). La notion de service public est souvent abordée de manière émotionnelle.
Privatiser un service public est en effet une opération qui s’apparente dans l’esprit de certains à
une vente des bijoux de famille. Une confusion s’installe très vite entre service rendu au
public et accessible au public de manière non – discriminatoire d’une part, et service fourni ou
produit par une administration ou entreprise publique d’autre part. Ce glissement sémantique,
cette fusion de deux sens fort différents, complique inutilement le débat sur la manière de
fournir au public certains services. Nous n’essayerons donc pas de définir le service public
mais plutôt d’analyser ce que ce concept recouvre dans les secteurs d’infrastructure en termes
d’activités distinctes ().
Le domaine de l’eau est également intéressant puisque l’on retrouve la France, pays qui
s’est fait le champion du service public et des entreprises publiques, parmi les quelques pays
où ce secteur est resté largement privé. En Côte d’Ivoire ce secteur est également resté privé
(sous forme d’affermage), alors qu’en Guinée il était privé avant d’être repris par l’Etat pour
être enfin reprivatisé (également sous forme d’affermage) en 1989. l’Espagne, l’Italie, la
Belgique, le Royaume – Uni, les Etats – Unis, Macao, la Gambie, le Chili, l’Argentine, la
Bolovie et le Guatémala figurent parmi les pays qui ont des sociétés de distribution d’eau
privées, dans certains cas récemment privatisées(). Au Maroc, une société privée assure plus
72
1. Concession ou licence ?
Bien que les deux concepts soient souvent utilisés de manière interchangeable, les
termes licence et concession ont chacun un sens propre qui les différencie. Dans le contexte
des services d’infrastructure, une licence est avant tout l’octroi par l’Etat au secteur privé
d’une autorisation d’exercer une activité déterminée, alors que la concession représente la
délégation par l’Etat à une personne privée de l’exercice d’une activité publique, la
qualification publique d’une activité étant largement contingente et variant tant historiquement
que d’un pays à l’autre (). Seconde différence importante, la licence est normalement accordée
de manière unilatérale d’une licence par l’autorité publique requert en général l’accord du
bénéficiaire de la licence (), alors que le droit français reconnaît aux pouvoirs publics le droit,
moyennant compensation, de modifier unilatéralement les termes d’un contrat de concession
lorsque les circonstances le requièrent (principe de l’adaptation du service). Le terme
concession implique non seulement le caractère public de l’activité mais également sa
délégation pour une période déterminée au terme de laquelle l’activité retournera au concédant
(à savoir l’autorité publique). Ainsi, les deux sociétés de télécommunication argentines ayant
hérité du réseau de l’ancienne ENTEL opèrent sous une licence perpétuelle, et non sous une
73
2. Conditions d’octroi
Les conditions d’octroi de la concession ou licence peuvent être stipulées, soit par la loi
ou réglementation de privatisation, soit par la réglementation portant sur l’accès à ces secteurs
lorsqu’elle existe déjà. Elles seront normalement reflétées dans les documents d’appel
d’offres. L’octroi du contrat de privatisation suite à un tel appel d’offres devrait emporter
automatiquement octroi de ladite concession ou licence.
4. Promouvoir la concurrence
74
Cet élément de monopole se retrouve également sous d’autres formes et dans d’autres
secteurs. Des monopoles ont été accordés aux sociétés de distribution de gaz et d’électricité au
Royaume – Uni et en Argentine, et certaines exemptions au droit de la concurrence ont été
prévues, notamment en Angleterre dans le domaine électrique (). Par ailleurs, dans le
domaine routier, il n’est pas rare de voir des restrictions à la construction de nouvelles routes
pouvant faire concurrence avec une autoroute mise en concession.
75
Au monopole dont on vient de parler, on peut opposer la concurrence, qui elle aussi
devra faire l’objet de dispositions particulières dans la mesure où des conditions
monopolistiques persistent, notamment en matière d’accès des tiers au réseau. L’implantation
de réseaux cellulaires concurrents en est un exemple, le succès de tels réseaux demandant en
général qu’ils soient raccordés au réseau fixe de l’opérateur principal. Il en va de même pour
les communications à longue distance, lorsque celles – ci sont ouvertes à la concurrence, et
pour la location de capacité de transmission. Une des règles fondamentales devant être mise en
place dans ce contexte est l’accès non discriminatoire au réseau, ce qui implique notamment
que lorsque l’opérateurs, il doit leur accorder cet accès aux mêmes termes et conditions
techniques et financiers qu’il applique à sa propre utilisation du réseau.
5. Promouvoir l’investissement
Une caractéristique commune aux secteurs d’infrastructure de presque tous les pays en
développement et de certains pays industrialisés et de certains pays industrialisé est
l’inefficiente et le sous – investissement chronique dont ils souffrent. Dans ces pays l’objectif
principal de la privatisation est (ou devrait être) de promouvoir de nouveaux investissements et
d’accroître la performance du secteur afin de résorber l’écart entre l’offre et la demande. Les
privatisations de sociétés de télécommunications en Argentine, au Mexique, au Venezuela (),
au Pérou () et ne Hongrie () exigeaient toutes d’importants investissements neufs de la part des
repreneurs, ainsi que des améliorations dans la qualité du service fourni et des gains de
productivité. De même, l’objet principal de la réglementation du secteur devrait être de créer
les conditions nécessaires pour encourager l’investissement, plutôt que de contrôler le niveau
des prix comme le font les pays à haut taux de pénétration, comme les pays de l’OCDE.
Par ailleurs, la formule de contrôle des prix choisie doit pouvoir être effectivement
appliquée par l’autorité responsable, ce qui implique notamment que les informations
nécessaires pour permettre à cet organisme d’accomplir sa mission soient effectivement
disponibles et que l’organisme ait les moyens de forcer les sociétés soumises à réglementation
à les communiquer (). Le degré de complexité du mécanisme de calcul des ajustements de
prix devrait tenir compte des moyens et capacités techniques de cet organisme. En d’autres
mots, le mécanisme de régulation doit répondre aux caractéristiques et contraintes du pays et
du secteur concernés.
Cette formule (dite de « pipe cap ») fixe le pourcentage plafond d’augmentation du prix
d’un panier de services déterminé à RPI – X, ou RPI représente le taux d’inflation tel que
mesuré par l’indice des prix à la consommation (« retail price index ») et « X » le facteur de
productivité initialement stipulé dans le prospectus de privatisation. Dans le cas de British
Telecom, par exemple, la valeur de « x » a été fixée initialement (en 1984) à 3 %, puis portée
successivement par l’Oftel (le régulateur) à 4,5 % en 1989 (au terme de la période initiale de
cinq ans stipulée dans la licence), 6,25 % en 1991 et 7,5 % en 1993. L’entreprise a ainsi été
contrainte par le régulateur à répercuter à une cadence accélérée sur l’abonné les gains de
productivité qu’elle réalisait. L’ajustement de 1989 correspondait au premier ajustement
quinquennal. A cette occasion, BT a également accepté que la prochaine révision ait lieu en
1993, un an plus tôt que ce qui était normalement prévu, et qu’une révision éventuelle à mi –
parcours (à savoir en 1991) puisse avoir lieu pour refléter, le cas échéant, des circonstances
exceptionnelles en dehors du contrôle de BT. L’ajustement intérimaire de 1991 eut lieu pour
tenir compte notamment de l’accélération de l’évolution technologique dans le secteur des
télécommunications.
L’indexation porte sur un panier de services, qui fut également modifié lors de chaque
adaptation de la formule BT est libre de modifier les prix des services compris dans ce panier
pour autant que dans leur ensemble ces prix diminuent en moyenne (pondérée) au moins du
77
Le facteur « X » était appelé à être réévalué tous les quatre à cinq ans, selon les
dispositions spécifiques à chaque secteur. Le régulateur peut toutefois décider à tout moment
de modifier les termes d’une licence, y compris le montant du facteur « X », moyennant
l’accord de l’entreprise réglementée. Au cas où la société privée (BT dans ce cas) s’oppose à
cet ajustement, le régulateur peut porter l’affaire devant la « Mergers and Monopolies
Commission » (MMC) et modifier la licence pour autant que la MMC déclare que l’entreprise
réglementée a agit contre l’intérêt public et que le ministre du commerce et de l’industriel ne
s’oppose pas aux modifications proposées ().
On retrouve donc au Royaume – Uni un certain marchandage entre régulateur et
entreprise réglementée qui peut porter tant sur le niveau du facteur X, le degré de concurrence
dans le marché, les conditions d’interconnexion et le renseignements à fournir, que sur la
survie même de l’entreprise en tant que telle, le régulateur pouvant menacer d’introduire un
recours auprès de la MMC demandant que l’entreprise fasse l’objet d’une fragmentation en
plus petites entités. La modification du facteur X par le régulateur rapproche donc cette
formule de la formule du taux de rentabilité, une rentabilité de l’entreprise à un taux jugé
« raisonnable » par le régulateur sur base notamment des rendements obtenus sur les marchés
des capitaux. En effet, dans pratiquement tous les pays, la réalisation de profits
extraordinaires, c’est – à – dire nettement supérieurs aux rendements du marché, par des
entreprises bénéficiant d’un certain degré de monopole n’est en général politiquement pas
78
tenable à long terme, quelles que soient les dispositions contractuelles ou réglementaires
applicables.
Cette formule des prix plafonnés (« price cap ») n’est donc pas sans failles ou risques.
Tenenbaum, Lock et Barker (1992, pp.27-8) en notent trois, à savoir le risque que le régulateur
ne tente de réduire les tarifs lorsque les sociétés réalisent des profits plus élevés que prévu (ce
qui réduit leur incitation à réduire les coûts), que les entreprises réglementées ne tentent
d’augmenter leurs profits en réduisant la qualité des services fournis et que cette formule ne
fournisse pas les incitations voulues pour encourager de nouveaux investissements. Ces
risques se trouvent amplifiés lorsqu’il s’agit de pays en voie de développement sans réputation
établie en matière d’indépendance des organes de régulation. Dans ces cas, le risque principal
est que l’investisseur ne soit pas prêt à accepter un ajustement du facteur X après quatre ou
79
cinq ans qui pourrait conduire sa société à enregistrer des pertes importantes, ou qu’il ne
consente à investir que moyennant un rendement escompté fort élevé lui permettant de
recouvrer sa mise avant le premier ajustement du facteur X. Tout investissement privé à long
terme dans ces secteurs sera conditionné par l’existence d’un mécanisme d’ajustement des prix
raisonnable et crédible limitant les risques d’une « expropriation administrative ».
Par ailleurs, comme nous l’avons déjà signalé, il importe de ne pas accorder une trop
grande importance au niveau des prix dans les pays où la priorité est de stimuler
l’investissement et l’extension des réseaux. Dans ces pays, il sera souvent préférable d’avoir
des tarifs élevés permettant à l’entreprise d’autofinancer une bonne patrie de son programme
d’investissement, et des mécanismes contractuels ou réglementaires forçant la ou les entreprise
(s) à réinvestir le « sur tarif » dans le secteur et à satisfaire la demande. De manière générale,
le public préfère un service cher à un service défaillant, inaccessible ou inexistant ().
Dans une étude publiée en juin 1994, Messieurs Galal, Jones, Tandon et Vogelsang ont
analysé en profondeur (près de 600 pages) les effets de douze privatisations au Royaume –
Uni, au Chili, au Mexique et en Malaisie. Il s’agit de la privatisation des compagnies
aériennes British Airways, Malaysian Airline Systems, Mexicana de Avciacion et Aeroméxico,
des sociétés de télécommunications British Telecom, Compania de Teléfonos de Cile et
Téléfonos de México, des sociétés électriques Chilgener et Ernestic (Chili), du transporteur
National Freight (Royaume – Uni), du port à conteneurs de Kelang (Malasie) et de Sports
Totot Malaysia (Lotterie).
Dans tous les autres cas, la privatisation examinée a représenté un bénéfice économique
net, tant pour l’économie nationale du pays concerné que pour l’économie mondiale. Ces
privatisations ont non seulement été bonnes pour l’économie, mais également pour les
travailleurs. L’étude relève que dans aucune de ces douze opérations de privatisations, les
travailleurs ne se sont retrouvés dans leur ensemble dans une situation moins favorable au
terme du processus. Elle souligne également l’impact positif important des mesures de
libération économique qui ont accompagné ces privatisations, et de la mise en place d’un cadre
réglementaire avant ou au moment de la privatisation des sociétés d’infrastructure.
Il n’est toutefois pas possible d’extrapoler à partir de cette étude et d’en conclure que
les privatisations auront toujours un effet positif. La situation des quatre pays concernés (un
pays de l’OCDE et trois pays en développement parmi les plus prospère) peut en effet être fort
différente de la situation de pays pauvres ou en transition.
Dans une autre étude récente, Messieurs Megginson, Nash et Van Randenborgh ont
comparé la performance avant et après privatisation de 61 entreprises privatisées de 18 pays
différents entre 1961 et 1990 par offre publique de vente. Ces auteurs concluent que suite à
leur privatisation ces entreprises ont dans leur ensemble réalisé d’importants gains de
performance (augmentation des ventes, de l’investissement, de la productivité, des profits, des
dividendes, et réduction de l’endettement) tout en augmentant le niveau d’emploi.
Le Fonds et la Banque ont été créés avant l’émergence des pays en développement sur
la scène internationale et même avant la création de l’ONU. A l’origine, le fonds n’était en
aucune façon une institution de développement. La Banque, elle ne s’est consacrée
exclusivement au développement que lorsque le Plan Marshall a pris en mains la
reconstruction. L’AID et la SFI ont été créées au contraire pour servir le développement du
Tiers Monde, mais cette création, l’atteste leur qualité de « filiales » de la Banque s’est faite
sous l’égide de celle – ci et leur structure comme leur fonctionnement obéissent aux mêmes
règles, à quelques exceptions près en faveur de l’AID. On peut donc les considérer, mutatis
mutandis, comme indirectement issues des principes de Bretton WOODS. De ce fait, quels
que soient leurs mérites et l’importance de leur action, elles sont en butte à des critiques aigues
de la part du Tiers Monde. Du point de vue du droit du développement, ce qui importe n’est
pas de décrire leur physionomie mais de relever les traits particuliers qui donnent prise à ces
critiques et les revendications émises à leur propos par les pays en développement. On pourra
alors comprendre pourquoi les institutions créées plus récemment présentent, sur le plan des
structures des caractéristiques différentes.
On sait par ailleurs que les organes de la Banque Mondiale sont en même temps ceux de
l’AID et de la SFI mais que celle – ci possède son propre personnel administratif. Le fonds et
la Banque tiennent tous les ans une réunion commune au cours de laquelle sont discutés leurs
politiques et leurs programmes.
L’important ici est de marquer que le problème institutionnel principal, celui qui suscite
les plus vives critiques de la part des pays en développement, est celui du pouvoir de décision
au sein des organisations en question. L’acuité de ce problème mérite quelques observations.
Ce qu’il importe de souligner, c’est qu’au système des souscriptions ou quotes – parts
est attaché un mécanisme de vote pondéré qui met le contrôle effectif des organisations entre
les mains des grands pays développés à économie de marché, et qui provoque par conséquent
dans le Tiers Monde des sentiments de frustration, de méfiance et d’irritation.
Aux termes des statuts du FMI (art. XII, section 5), de la BIRD (art. V, section 3) de
l’AID (art. Vi, section 3) et de la SFI (art. V, section 3), chaque Etat membre dispose d’un
nombre égal de voix augmenté d’une voix supplémentaire par fraction de sa souscription. Ce
qui donne :
- Au FMI : 250 voix, plus une voix supplémentaire pour chaque fraction de quote – part
équivalent à 100.000 dollars,
- A la BIRD : 250 voix, plus une voix supplémentaire pour chaque action détenue (même
principe à la SFI) ;
83
- A l’AID : 500 voix, plus une voix additionnelle par tranche de 5.000 dollars de la
souscription initiale.
Des systèmes de bonification sont prévus, dont on peut négliger le détail ici.
Pour ne prendre que l’exemple de la Banque, on relèvera qu’en 1989 les Etats – Unis
disposaient de 16,33 % des voix, le Japon de 9,43 %, la RFA de 7,29 %, le Royaume – Uni de
6,99 % et la France de 4,76%, soit 44,80% du total (contre 42,33% en 1983). Si on y adjoint
les voix de l’Australie, de l’Autriche, de la Belgique, du Canada, du Danemark, de l’Espagne,
de la Finlande, de la Grèce, de l’Irlande, de l’Islande, de l’Italie, du Luxembourg, de la
Norvège, de la Nouvelle – Zélande et de la Suède (ensemble 17,22 %, contre 19,41 % en 1983
moins l’Espagne et le Portugal), on obtient un totale de 62,02 % des voix (contre 61,74 % en
1983). L’ensemble des pays du Tiers Monde membres, augmenté de l’Afrique du Sud,
d’Israël, de la Roumanie, de la Turquie et de la Yougoslavie dispose donc de 37,98% des voix,
dont il faut déduire 0,64% pour la Pologne et 0,83 % pour la Hongrie, soit un reste de 36,51%
(contre 38,25% en 1983). L’apport des principaux pays exportateurs de pétrole est variable :
certains ont vu augmenter leur pourcentage (Arabie Saoudite, Nigeria, Venezuela, Iran, Irak),
pour d’autres il a diminué (Algérie, Koweït). Les chiffres ici parlent d’eux – mêmes, mais
l’appréciation serait plus fine s’il était possible de considérer le pourcentage de chaque pays.
Un seul exemple : de 1983 à 1989, le Japon est passé de 6,58 à 9,43 %).
Les pays du Tiers Monde n’ont jamais accepté cette situation de gaîté de cœur. Sans
parler des critiques jadis émises par les pays socialistes, selon lesquelles les institutions de
Bretton WOODS utilisent des méthodes de gestion capitalistes incompatibles avec les leurs –
les pays en développement s’élèvent contre le vote pondéré tel qu’il est conçu dans ces
organisations. Ils n’acceptent pas les arguments des pays développés à économie de marché,
84
qui estiment que le nombre de voix doit correspondre aux responsabilités effectivement
assurées par les Etats. Au fil des ans, les pays en développement n’ont cessé de demander une
participation accrue au processus de décision dans les institutions en question. Cette
revendication a été présentée en termes modérés dès la 1 ère CNUCED. La Conférence
« recommande aux institutions financières et monétaires internationales qu’en poursuivant une
politique visant à la plus grande efficacité possible, elles continuent à rechercher le moyen
d’accroître la participation des ressortissants des pays en développement à l’élaboration de leur
politique, en employant des experts qualifiés aux postes supérieurs ».
C’est à partir de la crise monétaire de 1971 que l’accent est mis sur la participation des
Etats eux – mêmes au processus. La résolution 2806 (XXVI) de l’Assemblée générale en date
du 14 décembre 1971 et à sa suite la résolution 84 (III) de la CNUCED en date du 21 mai 1972
demandent, la première une pleine participation, la seconde une participation effective de tous
les pays intéressés à la réforme du système monétaire international. La résolution 3203 (S-
VI), portant programme d’action international, se fait plus insistante : elle demande une
participation « pleine et effective des pays en voie de développement à tous les stades de la
prise des décisions devant conduire à l’élaboration d’un système monétaire équitable et
durable »… et une participation « adéquate » de ces pays « à tous les organes chargés d’opérer
cette réforme ». Pour la B.I.R.D et l’A.I.D, le même texte demande « une participation plus
effective des pays en voie de développement, qu’ils soient bénéficiaires ou contribuant, … par
l’institution d’une structure de vote plus équitable » (que la résolution ne définit pas
davantage).
A l’heure actuelle, ces revendications, quoique toujours présentes dans l’esprit des pays
en développement, ont perdu de leur actualité. Les difficultés dans lesquelles se trouvent ces
85
4. Premiers correctifs
Quelques initiatives ont été prises sur le plan institutionnel pour améliorer le système,
mais elles n’ont qu’un caractère mineur. On se doit cependant de les signaler :
1. Lorsqu’il fut question de mettre à l’étude la réforme du système monétaire
internationale, le conseil des gouverneurs du FMI créa, par la décision 27-10 du 26
juillet 1972, un comité ad hoc chargé de donner des avis sur tous les aspects de la
réforme (« comité de vingt »). Mais entre temps, le groupe des 77 avait institué de son
côté, dès le début de l’année, un « Groupe ministériel des 24 » chargé de suivre les
questions monétaires internationales et de faire en sorte que les intérêts des pays en
développement soient pris en considération lors de la réforme. Les communiqués
publiés par le Groupe à chacune de ses réunions sont d’une grande utilité si l’on veut se
faire une idée de la position des pays en développement sur la reforme du système
monétaire international.
2. En septembre 1974, ont été créés de nouveaux organes : le comité intérimaire, composé
comme le comité des vingt dont il a pris la relève, et chargé comme lui de conseiller le
conseil des gouverneurs du FMI sur tout ce qui touche à la surveillance et à la gestion
du système monétaire transitoire mis en place à partir de 1971 (décision n° 4231 –
(74/67) du 13 juin 1974, entérinée par le Conseil des gouverneurs à l’Assemblée
annuelle de la même année) ; et surtout le « comité ministériel conjoint des conseils des
gouverneurs de la Banque et du Fonds sur le transfert de ressources réelles aux pays en
développement », plus connu sous le nom de « comité du développement » institué sur
des bases identiques et chargé de présenter aux conseils des gouverneurs de la Banque
et du Fonds des suggestions pour améliorer la situation des pays en développement,
notamment dans le système monétaire international. Il était prévu que ce comité
accorderait une attention particulière aux problèmes des pays les moins avancés et des
pays les plus gravement touchés.
C’est au sein du comité des vingt, puis du comité intérimaire, qu’a tenté de
s’élaborer – très lentement et sans grand succès – la réforme du système monétaire
international. Toutefois, ni l’un ni l’autre de ces organes n’a été habilité à prendre des
86
décisions. Ils se bornent à formuler des avis qu’ils transmettent au conseil des gouverneurs.
C’est celui – ci qui doit prendre les décisions concernant la réforme, avec ratification
éventuelle par les pays membres, selon ce qui est prévu dans les accords de Bretton WOODS.
Il ne s’agissait cependant en tout cela que de palliatifs, qui laissait intactes les
structures en place. Aussi, lorsque le Tiers Monde l’a pu, il a contribué à faire créer, dans le
cadre des Nations Unies, des institutions financières nouvelles, correspondant mieux à ses
propres conceptions.
Les deux grandes institutions financières créées après 1974 au sein de la famille des
Nations Unies laissent apparaître d’intéressants changements. En effet, à la différence des
organisations que l’on vient d’étudier, le processus de décision est placé en grande partie sous
le contrôle de pays en développement.
Le FIDA a été créé par un Accord ouvert à la signature le 20 décembre 1976 après
avoir été élaboré au mois de juin précédent par une conférence des Nations Unies. Il est entré
en vigueur le 30 novembre 1977. Le 15 décembre suivant, par la résolution 32/107,
l’Assemblée générale a approuvé l’accord entre l’ONU et le fonds, faisant de celui – ci une
institution spécialisée des Nations Unies.
Pour ce qui est des aspects institutionnels du fonds, et particulièrement pour ce qui a
trait au vote pondéré, il convient de remarquer que le FIDA est la première institution
financière des Nations Unies, dans laquelle les pays en développement ont une influence
prépondérante. L’accord de 1976 combine en effet le principe du classement des Etats en
catégories et le principe du vote pondéré.
a. Les Etats – membres sont classés en trois catégories : pays industrialisés de l’OCDE,
pays de l’OPEP pays en développement non exportateurs de pétrole. Les deux
premières catégories représentent les Etats fournisseurs de l’aide financière au titre du
FIDA, la troisième regroupe les pays qui seront en fait les bénéficiaires de cette aide.
87
Pour les membres non originaires, le classement est décidé par le conseil des
gouverneurs sous réserve de l’agrément de ces Etats. Sur ce point, l’originalité du
FIDA tient à ce que les pays exportateurs de pétrole ne sont plus classés dans le même
groupe que les autres pays en développement. Ils ont ainsi fait reconnaître leur
pouvoir.
b. Le deuxième élément d’originalité du FIDA tient à la manière dont la pondération y a
été conçue. A vrai dire, il n’existe pas de pondération entre les groupes mais seulement
à l’intérieur des catégories I et II. Les (1.800 voix, réparties également entre les
catégories) au conseil des gouverneurs et au conseil d’administration. Cette égalité
apparente donne cependant l’avantage aux pays du tiers monde dans les deux organes,
puisqu’en se regroupant, les catégories II et III (soit 1.200 voix) disposent de la
majorité requise par les statuts. Toutefois, par l’effet d’un subtil balancement – qui
bénéficie en fait aux pays exportateurs de pétrole – les catégories I et II, regroupant les
fournisseurs essentiels de capitaux, peuvent s’allier face à la catégorie III.
Les institutions compétentes du système des Nations Unies peuvent apporter aux pays
en développement soit une aide monétaire soit une aide financière. L’aide monétaire ne doit
pas être confondue avec l’aide financière stricto sensu. Elle se distingue de celle – ci :
- Par son objet : alors que l’aide financière a essentiellement pour but de fournir aux
pays demandeurs des capitaux pour l’investissement, c’est – à – dire pour l’équipement
et la production, l’aide monétaire vise à leur procurer les ressources, principalement en
devises ou en avoirs de réserve, qui leur sont nécessaires pour effectuer leurs paiements
internationaux, particulièrement en cas de déficit de leur balance des paiements. Elle
est donc surtout liée à l’échange.
- Par sa durée : l’aide financière est de part sa nature même une aide à moyen ou à long
terme, alors que l’aide monétaire est en principe une aide à court terme, encore que
s’agissant des pays en développement, la ligne de démarcation entre aide à court terme
et l’aide à moyen terme tendre, comme on le verra, à perdre de sa netteté devant des
besoins de plus en plus pressants.
Dans le schéma originel, l’aide monétaire relève du Fonds Monétaire International (FMI),
tandis que l’aide proprement financière provient à titre principal du groupe de la Banque
Mondiale (BIRD, AID, SFI) et accessoirement de divers fonds qui se sont créés par la suite.
On étudiera donc successivement :
- L’intervention du Fonds Monétaire International,
- L’aide du groupe de la Banque Mondiale,
- L’aide du Fonds International de Développement Agricole,
- Les fonds spéciaux des Nations Unies.
1. Evolution du FMI
Au terme de ses statuts, le FMI a été créé pour remplir deux grandes
mission :
89
De plus, alors que la règle de base du FMI est que celui – ci doit traiter uniformément
tous ses membres tout en prenant en considération la situation propre de chaque pays, les Etats
du Tiers Monde ont fait tous les efforts possibles pour introduire en droit ou en fait la dualité
des normes dans l’action du Fonds.
Tout en utilisant comme les pays développés les mécanismes ordinaires du fonds, ils
sont les bénéficiaires principaux et parfois exclusifs de certains mécanismes spéciaux.
90
Lorsque le montant des avions du fonds en la monnaie d’un pays membre est inférieur
à la quote – part de ce pays, la différence entre ces deux montants est appelée tranche de
réserve. Un pays membre peut choisir soit d’utiliser soit de conserver sa position dans la
tranche de réserve. Les achats dans la tranche de réserve ne peuvent être effectués que s’il y a
un « besoin de balance des paiements ». Mais ils ne peuvent pas faire l’objet d’une
contestation a priori et ils ne sont soumis ni à des conditions de politique économique ni à
l’obligation de rachat. Il s’agit donc de droits de tirage inconditionnels.
En présence de tirages sur les tranches de crédit, le fonds – qui examine toutes les
demandes sauf celles qui se rapportent à la tranche de réserve – se reconnaît le droit de vérifier
si l’utilisation proposée est conforme aux dispositions des statuts et aux politiques qu’il a
arrêtées. Conformément aux principes qui régissent l’accès aux tranches de crédit, le pays
membre examine avec les services du fonds un programme d’ajustement définissant les
orientations en matière de budget, de monnaie, de taux de change, de commerce et de
paiements qui couvre ordinairement les douze moins suivants, mais qui peut être prolongée
jusqu’à un maximum de trois ans dans le cas où la situation exige que l’effort d’ajustement se
poursuive sur une période plus longue. Ce programme fait l’objet d’une lettre d’intention
présentée par l’Etat au FMI.
92
Cet aspect de la politique du fonds est désigné par le terme de conditionnalité. Il faut
cependant distinguer ici entre les achats dans la première tranche de crédit et les achats dans
les tranches supérieures.
1. Lorsqu’il présente une demande d’achat dans la première tranche de crédit, le pays
membre doit prouver qu’il fait des « efforts raisonnables » pour surmonter ses
difficultés. En pratique, si l’appréciation du fonds diffère sur ce point de celle du
pays membre, ce dernier se voit souvent accorder le bénéfice du doute. Les
demandes d’utilisation de la première tranche de crédit peuvent revêtir la forme
d’un achat direct ou d’un accord de confirmation (accord stand by) : il s’agit, dans
ce cas, de l’ouverture d’une ligne de crédit dans le cadre de laquelle les tirages sont
effectués en principe sur une période d’un an qui peut toutefois être portée à un
maximum de trois ans. C’est généralement la technique de l’accord de
confirmation qu’utilisent les pays en développement.
2. Les demandes d’achat dans les tranches supérieures doivent être étayées par de
« solides justifications » et sont presque toujours formulées dans le cadre d’un
accord de confirmation ou d’un accord similaire. Naturellement, la conditionnalité
est ici plus rigoureuse : le droit d’un pays membre d’effectuer des tirages dépend
toujours de certains indicateurs – clés décrits dans le programme d’ajustement ou
d’un réexamen éventuel de la situation. Ces indicateurs, appelés aussi critères de
réalisation, portent sur la politique en matière de crédit et de restrictions aux
échanges et aux paiements. Ils peuvent également refléter les besoins de
financement de l’Etat, l’évolution de la dette extérieure à court et à moyen terme et
la position des réserves. Les critères de réalisation permettent tant au pays membre
qu’au fonds d’évaluer les progrès accomplis dans l’application des politiques
pendant la durée de l’accord. Le non – respect des critères indique qu’il est
nécessaire d’examiner l’opportunité de nouvelles mesures permettant d’atteindre
les objectifs du programme. Dans ce cas, le pays membre a des consultations avec
le fonds afin de convenir avec ce dernier des changements requis. Le fonds insiste
pour que les mesures correctives soient prises sans tarder. Il estime en effet que si
les déséquilibres économiques et financiers se généralisent et prennent un caractère
durable, il sera obligé lui – même de prendre des mesures plus radicales pour les
corriger. Or ces mesures sont beaucoup plus difficiles à appliquer et entraînent
souvent des réactions violentes de la part des populations qui en supportent le
poids.
93
Toutefois, ces classifications ne sont pas déterminées et ne peuvent pas être utilisées de
manière rigide. Ces mécanismes, en effet, ont été incontestablement conçus de manière
empirique. Seul l’ordre chronologique dans lequel ils ont été créés permet de se faire une idée
de l’évolution des doctrines et des politiques du FMI en la matière. On verra ainsi comment
une aide à caractère structurel est venue s’ajouter à l’aide purement conjoncturelle, qui n’a pas
pour autant disparu.
Cette facilité a été créée par la décision n° 1477 (63/8) des Administrateurs en date du
27 février 1963. Elle a été libéralisée depuis lors à plusieurs reprises (décisions n° 2192
(66/81) du 20 septembre 1966, 4912 (75/207) du 24 décembre 1975 et 6224 (79/135) du 02
août 1979).
Les textes ne spécifient pas que ces mécanismes est destiné aux seuls pays en
développement. Mais il est évident que ce sont ces pays qui en sont les bénéficiaires
quasiment exclusifs. En effet, il s’adresse aux pays membres qui se heurtent à des difficultés
de paiement résultant de déficits temporaires de leurs recettes d’exportation dus, pour une
large part, à des circonstances indépendantes de leur volonté, telles l’enchérissement des prix
de certains produits de base ou la survenance de catastrophes naturelles, notamment de
mauvaises conditions climatiques.
Le système ne se donne pas pour but d’agir sur les cours eux – mêmes, mais seulement
de compenser temporairement les pertes de recettes résultant de fluctuations dont on sait
qu’elles sont erratiques et qu’elles représentent une menace permanente pour l’économie des
pays qui en sont victimes.
95
La facilité du FMI prévoit d’une part une augmentation des quotas en faveur des pays
intéressés – ce qui leur permet d’effectuer des tirages plus importants -, d’autre part un
assouplissement des conditions de l’accès aux ressources du fonds.
La décision de 1963 prévoyait que le total des tirages à recouvrer ne devait pas
dépasser 25 % de la quote – part du demandeur. Ce plafond a été porté à 50 % en 1966, 75 %
en 1975 et 100 % en 1979. En outre, dès l’origine, le fonds a admis qu’il pouvait accorder des
dérogations au « butoir » fixant à 200 % du quota les montants des avoirs qu’il peut détenir
dans la monnaie d’un de ses membres.
à l’étranger et des recettes provenant du tourisme, ou encore une hausse inattendue des taux
d’intérêt sur les marchés internationaux.
Il a été créé par la décision n° 2772 (69 – 67) du 25 juin 1969. Il s’agit là d’un
mécanisme destiné à aider certains pays à financer la constitution de stocks internationaux de
matières première afin d’en stabiliser les cours dans le cadre d’accords sur les produits de
base.
Le fonds a jusqu’à présent autorisé les pays membres à utiliser ses ressources pour la
constitution de stocks régulateurs de cacao, d’étain, de sucre et de caoutchouc.
Par la décision n° 4241 (74/67) du 13 juin 1974, les Administrateurs ont créé une
facilité spéciale de crédit afin d’aider les membres au cours d’une période s’achevant fin
décembre 1975 à faire face à l’incidence initiale de l’enchérissement des importations de
produits pétroliers. Cette facilité a été désignée par l’expression de « mécanisme pétrolier ».
Il avait été décidé qu’elle serait financée, du moins au cours d’une période initiale,
grâce aux emprunts du fonds auprès des pays producteurs de pétrole (« recyclage » des
pétrodollars).
Le mécanisme pétrolier n’avait pas été conçu seulement pour les pays en
développement. Il était ouvert à tout membre du fonds ayant besoin d’une assistance du fait de
la situation dans laquelle l’enchérissement des produits pétroliers mettait sa balance des
paiements.
Le pays intéressé devait présenter une demande d’achat de dollars. Le fonds pouvait y
donner suite après avoir examiné chaque demande. Les ressources fournies au titre de ce
mécanisme devaient être remboursées dès que les difficultés de balance des paiements ayant
motivé l’achat auraient cessé ou, en tout cas, en 16 paiements trimestriels égaux devant être
achevés au plus tard sept ans après l’achat.
Le mécanisme pétrolier a été prorogé en 1975 par une décision du comité intérimaire.
Le nouveau système différait à plusieurs égards du mécanisme de 1974 et il avait notamment
un caractère plus conditionnel. Une nouvelle révision du mécanisme a été effective en février
1976 et celui – ci a cessé de fonctionner en mai de la même année. A cette date, 55 pays
l’avaient utilisé, dont 45 pays en développement (37 % du total des achats). Parmi ceux – ci,
les principaux acheteurs ont été l’Inde, la Corée, le Chili et le Pakistan. Les principaux
acheteurs développés ont été l’Italie et la Grande – Bretagne.
Le 1er août 1975, par décision n° 4773 (75/136), les administrateurs ont créé un compte
de subvention pour aider les membres du fonds les plus gravement touchés à faire face aux
charges de l’utilisation du mécanisme pétrolier. Il s’agissait de réduire la charge des intérêts
payables au titre de ce mécanisme.
98
Les pays recevables à bénéficier de l’aide du compte de subvention étaient les 39 pays
figurant sur la liste des pays les plus gravement touchés établie par le Secrétaire général des
Nations Unies.
Le compte était alimenté par des contributions demandées aux pays ne figurant pas sur
la liste, notamment les pays industrialisés et les pays exportateurs de pétrole.
Les achats au titre du mécanisme pétrolier 1975 devant être remboursés sept ans plus
tard à compter de la date à laquelle ils avaient été effectués, il était prévu que les paiements des
subventions seraient effectués chaque année pendant une période allant de 1976 à la fin de
1983.
3.5. La facilité élargie d’aide à moyen terme
Elle a été créée par décision n°4377 (74/114) des Administrateurs en date du 13
septembre 1974 et modifiée par des décision du 03 décembre 1979 et du 22 avril 1981. Elle
fait depuis lors l’objet de réexamens périodiques en vue d’en faire un instrument plus efficace
à la fois pour appuyer les efforts déployés dans le cadre de vastes programmes à moyen terme
d’ajustement macro – économique et de réformes structurelles, et pour catalyser les
financements en provenance d’autres sources.
Cette facilité permet au FMI de fournir dans certaines circonstances aux membres dont
la balance des paiements est déficitaire une aide portant sur une période plus longue et
représentant un pourcentage de leur quote – part plus élevé que l’aide qu’il apporte dans le
cadre des dispositions relatives aux tranches de crédit. Il s’agit d’une aide à moyen terme.
L’aide consentie au titre de cette facilité s’adresse aux pays dont l’économie souffre de
graves déséquilibres des paiements liés à la structure défectueuse de la production et du
commerce ou dont l’économie est caractérisée par une croissance lente et une balance des
paiements intrinsèquement faible, ce qui les empêche de poursuivre une politique active de
développement.
99
Le membre qui recourt à cette aide doit être prêt à mettre en œuvre un programme
complet de mesures correctives portant sur une période de deux à trois ans. Le fonds a le droit
de s’assurer que le pays demandeur ne peut résoudre ses problèmes de balance des paiements
dans les délais ordinaires d’utilisation des ressources du FMI. Il contrôle aussi le programme
de redressement de ce pays pendant toute la durée du recours à la facilité élargie.
Il a été jugé bon que la durée des accords élargis actuellement en vigueur, initialement
fixée à trois ans, puisse être portée à quatre ans lorsque cela faciliterait le déploiement soutenu
des politiques et le rétablissement d’une balance des paiements viables à moyen terme.
Les montants fournis par le fonds devront être rachetés par le membre dès qu’il aura
surmonté ses difficultés de balance des paiements.
Par la décision n°5069 (76/72) du 05 mai 1976, les Administrateurs avaient adopté un
« instrument portant création du fonds fiduciaire » administré par le fonds en tant que
mandataire et ayant pour objectif d’accorder une aide supplémentaire en matière de balance
des paiements à des conditions favorables aux Etats membres admis à bénéficier de son aide.
Le mécanismes a été réexaminé ou modifié à maintes reprises par des décisions des 28 octobre
1977, 23 mars, 25 juin et 4 décembre 1978, 23 juillet et 19 décembre 1979, 09 avril et 25 juin
1980 prévoyait que la fin des opérations du fonds fiduciaire aurait lieu à la plus éloignée des
dates suivantes : soit le 30 avril 1981, soit à la date où les prêts du fonds auront été
intégralement versés. A cette date, le reliquat a été transféré au compte spécial de versements
du FMI.
Il avait été prévu que l’essentiel des ressources du fonds fiduciaire proviendrait des
ventes de l’or détenu par le FMI.
La décision devait prendre effet lorsque le fonds aurait engagé la totalité des ressources
disponibles au titre du mécanisme de financement supplémentaire et de nouveaux accords
d’emprunt : elle est entrée en vigueur le 07 mai 1981, lorsque a été signé le nouvel accord
d’emprunt avec l’Agence monétaire de l’Arabie Saoudite.
Il a été prévue que le Directeur serait autorisé à remplacer, avant le 22 février 1984,
des ressources au titre de l’accès élargi par des ressources du mécanisme de financement
supplémentaire si celles – ci deviennent disponibles.
Les Administrateurs ont établi les directives régissant l’utilisation des ressources du
fonds dans le cadre de la Politique d’accès élargi. Ces directives prévoient que les pays
membres faisant de vigoureux efforts d’ajustement pourront utiliser les ressources du FMI
jusqu’à concurrence de l’équivalent de 150 % de leur quote – part par an et de 45 % en trois
ans. Le recours cumulatif des pays membres à la liquidité conditionnelle du fons, après
déduction des rachats prévus, peut atteindre 600 % de la quote – part, indépendamment de
l’utilisation des mécanismes de financement compensatoire et de financement des stocks
régulateurs ou des achats effectués dans le cadre du mécanisme pétrolier et non encore
remboursés.
101
Les directives régissant l’accès aux ressources du fonds pourront être appliquées avec
souplesse. Ainsi, comme le soulignent les rapports du FMI, un pays membre pourra procéder
dans certains cas à des rachats pour des montants dépassant les limites normales, par exemple
si sa quote – part est exceptionnellement faible par rapport à son importance économique ou
s’il entreprend d’appliquer un programme d’ajustement exceptionnellement rigoureux.
Depuis quelques années le fonds accorde une attention toute spéciale aux problèmes
posés par l’ajustement structurel dans les pays en développement. Dans cette perspective il a
créé deux facilités.
La facilité d’ajustement structurel (FAS) a été établie le 26 mars 1986 en vue de fournir
une aide concessionnaire aux pays membres à faible revenu qui se heurtent à de graves
problèmes à faible revenu qui se heurtent à de graves problèmes de balance des paiements et
qui doivent entreprendre la réalisation de programmes d’ajustement structurel. Elle est
alimentée par le produit du remboursement des prêts au fonds fiduciaire. Ces ressources sont
prêtées à un taux d’intérêt de 0,5 % et sont remboursables sur une période de dix ans avec un
différé d’amortissement de cinq ans et demi.
Une facilité d’ajustement structurel renforcée (FASR) a été créée le 18 décembre 1987
en vue de fournir un surcroît d’assistance aux mêmes pays. Elle est alimentée en partie par des
ressources provenant de la FAS mais en partie par des ressources provenant de la FAS mais
surtout par des contributions spéciales sous forme de prêts et de dons. L’échéance des prêts et
le taux d’intérêt sont les mêmes que pour la FAS, mais les possibilités d’accès à cette facilité
sont beaucoup plus larges.
Présentation
AID, SFI) ont pour fonction unique d’aider au développement du Tiers Monde en lui
fournissant des capitaux pour l’investissement. Mais dans ce cadre général, elles ont chacune
une mission et des attributions différentes. La BIRD peut être considérée en quelque sorte
comme le fournisseur ordinaire, ou encore comme l’organisme de financement à compétence
générale. L’AID et la SFI au contraire, sont des institutions à vocation spéciale. La première a
pour objectif de fournir une aide aux pays en développement les plus graves (que l’on doit pas
confondre avec les PMA) et à des conditions qui doivent peser moins lourdement sur leur
balance des paiements que les prêts de la BIRD. La SFI, quant à elle, s’intéresse avant tout à
des projets hautement rentables dans les pays en développement et elle encourage
l’investissement dans de tels projets soit en fournissant elle – même des capitaux, notamment
sous la forme de prise de participation, soit en mobilisant des fonds privés de participation : on
l’a présentée comme un « catalyseur » des investissements privés.
C’est dans ce cadre que sera étudiée l’aide de chacune des trois institutions. On
examinera pour cela les procédés et procédures selon lesquels elles conduisent leurs
opérations. Ce faisant, on devra garder à l’esprit une observation fondamentale, à savoir
qu’elles agissent à la fois comme des banques en utilisant des techniques inspirées de la
société commerciale, et comme des services publics internationaux en ayant recours par
conséquent à celles que mettent en œuvre ordinairement les organisations internationales.
Cette synthèse entre deux vocations différentes fait l’originalité des trois institutions. Elles
créent aussi une ambiguïté qu’on ne s’est pas fait faute de leur reprocher.
1. L’aide de la BIRD
2°. Bien que ses statuts prévoient qu’elle doit aider les pays les plus démunis, en
pratique ce soin revient à l’AID et la banque s’est consacrée surtout aux pays à revenu
intermédiaire.
banque s’est donnée aussi une priorité géographique, celle d’aider l’Afrique subsaharienne,
pour laquelle elle a mis sur pied un programme spécial.
1°. Il existe d’abord des prêts pour des investissements spécifiques. l’objectifs de ces
prêts est de créer de nouveaux actifs productifs, des infrastructures économiques et sociales, de
leur redonner leur pleine capacité, ou d’assurer leur maintenance.
2°. Par ailleurs, diverses opérations sectorielles sont prévues. Il s’agit des prêts
sectoriels d’investissement et de maintenance, des prêts à des intermédiaires financiers et des
prêts d’ajustement sectoriel.
3°. Les prêts d’ajustement structurel tiennent une place de plus en plus grande dans les
opérations de la Banque. Dans la perspective de celle – ci, il s’agit de soutenir, par une série
de prêts, des modifications spécifiques de politique économique et de réformes
institutionnelles, en vue d’une meilleure utilisation des ressources et pour obtenir une balance
des paiements plus équilibrée à moyen et à long terme, tout en poursuivant la croissance.
4°. De façon plus classique, sont établis des prêts d’assistance technique.
5°. Enfin la Banque peut octroyer des prêts de reconstruction d’urgence.
Seuls les Etats membres peuvent bénéficier des ressources et services de la banque. Ce
principe est entendu d’une manière large :
- D’une part l’action de la Banque s’étend non seulement au territoire métropolitain mais
aussi aux territoires dépendants s’il y a lieu,
- D’autre part la banque peut prêter non seulement à l’Etat lui – même mais à une
collectivité publique ou à une entreprise privée établie sur le territoire. Dans ce dernier
cas, la garantie du gouvernement est exigée.
On en relève trois :
a. La banque n’accorde son concours qu’à des activités productives. Ce
principe a une double signification :
- La BIRD ne doit financer que des investissements rentables, c’est – à – dire conduisant
à une augmentation du PNB par tête. La banque est seule juge de la rentabilité de
l’investissement, d’où l’ambiguïté signalée plus haut lorsqu’elle n’estime pas rentable
économiquement, selon ses critères qui sont ceux de l’économie capitaliste, un projet
ou un programme sur lequel le gouvernement demandeur a une opinion opposée, soit
pour des raisons économiques soit du point de vue politique ou social (par exemple
lorsque le gouvernement agit dans une optique socialiste).
- La Banque peut financer d’autres activités que les investissements, pourvu qu’il
s’agisse d’activités productives. Ce peut être le cas d’activités de pré investissement
ou de formation de cadres
b. L’aide de la Banque peut aller soit à des projets, soit à des programmes. A
l’origine, l’aide de la Banque devait être limitée à des projets déterminés. Par la
suite il a été admis que la Banque pouvait accorder une aide à des programmes,
mais 90 % au moins des financements doivent aller à des projets et 10 % au plus à
des programmes. En outre, depuis quelques années, la Banque pratique des prêts à
l’ajustement structurel, c’est – à – dire des prêts visant à soutenir la réforme en
profondeur des politiques et des institutions des pays en développement pour leur
permettre de restaurer la viabilité de leurs balances des paiements à moyen terme.
Mais qu’ils ‘agisse de projets ou de programmes, ils doivent être prioritaires dans le
pays bénéficiaire.
c. La banque doit agir dans le souci de sauvegarder les intérêts de tous ses membres.
Pour cela :
- Ses statuts lui recommandent d’agir « avec prudence », et en particulier de tenir
dûment compte des répercussions économiques des investissements au financement
desquels elle participe. C’est pourquoi elle tient à connaître l’économie des Etats
membres appelés à bénéficier de son aide et à suivre leur progrès. Aussi examine – t –
elle en un processus continu, avec le concours de missions envoyées sur place, leurs
plans de développement et leurs problèmes concrets ;
- Elle doit s’assurer soigneusement de la solvabilité de l’Etat emprunteur. Institution
permanente conçue pour fonctionner selon des principes commerciaux et à l’aide de
106
fonds empruntés sur le marché, elle vérifie que les emprunteurs sont raisonnablement
susceptibles de rembourser les prêts qui leur sont consentis.
a. Les prêts ayant un caractère supplétif, la banque doit circonscrire son assistance aux
cas où le capital privé n’est pas disponible à des conditions raisonnables.
b. Jusqu’en 1982, les prêts de la banque étaient assortis d’un taux d’intérêt fixe (11,6
%). Depuis juillet 1982, tous les encours de prêts accordés sont assujettis à un taux
d’intérêt qui varie tous les six mois en fonction du coût pondéré des emprunts de la
banque pendant les douze mois qui ont précédé cette période.
c. La banque finance essentiellement les dépenses en devises et rarement les dépenses
locales, bien qu’elle le fasse dans certains cas. Elle doit en principe fournir à
l’emprunteur les monnaies dont il a besoin pour se procurer auprès des autres Etats
membres des biens et services requis pour la réalisation du projet en cause.
d. La durée des prêts est de 15 à 20 ans, avec un délai de grâce de 4 à 5 ans. La
banque distingue à cet effet trois groupes de pays selon le niveau de leur revenu par
tête, afin de déterminer les conditions de ses prêts.
e. L’encours des prêts (et garanties) ne doit jamais dépasser 100 % du capital souscrit
et des réserves non engagées.
L’expansion du volume des prêts consentis par les Banques commerciales aux pays du
Tiers Monde a, pendant la décennie 1970, modifié de façon spectaculaire l’offre de capitaux
pour le développement. Mais, s’il est vrai que les opérations de cofinancement de la banque
mondiale avec des sources privées se sont multipliées et diversifiées au cours des années
récentes, leur nombre et leur volume restent relativement peu importants lorsqu’on les
compare au montant global des prêts accordés par les banques privées aux pays en
développement.
2. L’Aide de l’AID
108
En vertu des statuts, les membres de l’AID sont répartis en deux groupes : le groupe dit
de la « Première Partie » qui comprend actuellement les pays industrialisés occidentaux, plus
l’Afrique du Sud, le Koweït et les Emirats arabes Unis, et le groupe dit de la « Deuxième
Partie », qu comprend les pays en développement. Ces deux groupes acquittent leurs
souscriptions selon des modalités différentes. Les premiers doivent verser la leur en monnaie
convertible, librement utilisable par l’AID, tandis que 10 % seulement de la souscription des
seconds sont payables en monnaie convertible, le reste étant acquitté en monnaie nationale et
ne pouvant être utilisé par l’AID qu’avec le consentement du pays intéressé.
Les statuts ne prévoient pas un montant maximum des ressources totales analogues au
capital autorisé de la banque. En cas d’admission d’un nouvel Etat, il suffit que le conseil des
gouverneurs en fixe les conditions.
L’AID dispose de deux moyens statutaires pour accroître les ressources fournies par les
Etats membres :
109
1°. Elle peut procéder par voie d’augmentation générale ou individuelle des
souscriptions. C’est ce que l’on appelle les souscriptions additionnelles. Les statuts
prévoyaient que lorsqu’elle le jugera opportun – en principe à des intervalles d’environ cinq
ans. – L’AID doit faire le point de ses ressources et, si elle le juge souhaitable, autoriser une
majoration générale des souscriptions, ainsi que des majorations particulières mais dans ce cas
à la demande seulement des Etats intéressés. Chaque membre a le droit de participer à toute
majoration, en versant une somme qui lui permette de conserver sa part relative des droits de
vote.
2°. Les statuts prévoyaient aussi que tout membre peut mettre à la disposition de
l’Association, par le moyen d’un accord particulier, des fonds que le texte nomme « ressources
supplémentaires ». L’Etat membre qui apporte de telles ressources peut le faire en sa propre
monnaie ou en la monnaie d’un autre membre. Ces ressources peuvent rester distinctes de
celle – ci. Les utilisations font l’objet d’un accord entre elle et l’Etat qui les fournit. C’est
essentiellement par cette voie que se fait la reconstitution des ressources de l’AID. Cette
reconstitution est extrêmement importante, car les crédits de l’AID sont, avec l’aide bilatérale,
la seule source effective d’apport de capitaux pour les pays les plus pauvres.
Aux termes des statuts, les objectifs de l’AID sont « d’élever les niveaux d’existence
dans les régions les moins avancées du monde » en fournissant des moyens financiers » à des
conditions plus souples et plus légères pour la balance des paiements que celles de prêts
consentis selon des formules classiques ». L’action de l’AID doit aider celle de la Banque « en
complétant ses activités ».
- Revenu par habitant. En 1979 – 1980, elle n’a aidé que les pays où le PNB par
habitant était inférieur à 625 dollars en dollars de 1978 et 87 % de cette aide est allée
à des pays ou le PNB était inférieur à 360 dollars par habitant.
- Solvabilité de l’emprunteur,
- Bonne gestion économique.
Toutefois, les crédits de l’AID ne sont pas réservés aux seuls pays qui ont
épuisé leur capacité d’emprunter à des conditions classiques. Elle peut aussi aider des
Etats qui sont solvables aux yeux de la banque, mais qui ont besoin, pour arriver à un
taux d’investissement satisfaisant, d’emprunter des capitaux si importants que le
service de leur dette atteindrait rapidement un point critique. En de tels cas, on
envisage des financements mixtes BIRD / AID ou d’autres formules de
cofinancement.
b. Bien que les statuts ne le précisent pas, la pratique de l’AID révèle qu’elle souhaite
financer des projets productifs pouvant atteindre assez rapidement une rentabilité
minimum de 10 % environ : l’AID souhaite justifier de cette manière les appels
réguliers à la reconstitution des fonds.
- Les crédits sont accordés en dollars ou autres devises convertibles. L’Etat doit opérer
ses remboursements dans les devises prêtées car l’AID ne prend pas de risques de
change. Les dépenses locales sont normalement financées par l’emprunteur, en totalité
ou en partie.
3. L’aide de la SFI
La SFI peut investir dans toute entreprise privée qui répond aux critères
qu’elle a définis. Elle ne peut accorder une aide à un gouvernement ou à une entité
gouvernementale. Par contre, elle considère comme privées les entreprises dans lesquelles
l’Etat a une participation, mais à condition qu’elles soient dotées d’une gestion de type privé.
Elle peut aussi intervenir auprès des sociétés d’économie mixte. Son intervention est décidée
cas par cas en fonction de facteurs tels que le degré de participation et l’étendue du contrôle de
l’Etat, la nature de l’entreprise, l’efficacité de sa gestion et les possibilités d’accroissement
futur de la participation du capital privé dans l’entreprise. Le niveau minimum de
participation privée pour permettre une intervention de la SFI est de l’ordre de 20 %.
industries extractives et l’agro – industrie. Par contre, elle ne finance pas les projets
d’infrastructure ou les projets productifs du secteur gouvernemental.
Toute entreprise dans laquelle la SFI se propose d’investir doit offrir de sérieuses
perspectives de rentabilité et contribuer à l’essor économique du pays intéressé.
Mais, en raison de sa vocation même, la société n’investit jamais seule dans une
entreprise. Sa contribution sert seulement d’appoint aux capitaux privés qu’elle chercher à
mobiliser. Elle ne se substitue pas à eux. Elle s’abstient même d’apporter son concours
financier s’il lui semble que l’entreprise peut attirer sans conditions raisonnables. Le cas
échéant, elle peut prendre part à des opérations de garantie d’émissions ou à tout autre type de
financement permettant aux investisseurs locaux de prendre une participation dans l’affaire à
plus ou moins longue échéance. Elle attache une grande importance à une telle participation.
Mais il a été entendu que pour éviter une mainmise de la SFI sur l’entreprise, elle ne doit
prendre aucune participation majoritaire. Elle ne peut non plus participer à la gestion. Elle
n’est pas représentée au conseil d’administration.
Celui – ci peut prendre la forme, soit d’une prise de participation, soit d’un prêt à long
terme, soit d’une prise de participation assortie d’un prêt à long terme. Dans certains cas, elle
consent un prêt à long terme convertible.
Les prêts de la SFI sont consentis pour une durée de 7 à 12 ans, avec un délai de grâce
pouvant aller jusqu’à 3 ans. Le taux d’intérêt est fonction du coût des emprunts contractés par
114
la SFI auprès de la banque. Le remboursement du capital se fait par semestres égaux. Les
intérêts sont payables trimestriellement.
1. Ressources du FIDA
1.1. Composition
Les ressources du FIDA proviennent des contributions des membres et d’abord des
Etats des catégories I et II, c’est – à – dire des pays industrialisés et des pays exportateurs de
pétrole. L’accord constitutif prévoit également la possibilité de recourir à « d’autres sources »,
mais il ne précise pas lesquelles.
115
La contribution initiale de chaque membre est exigible et payable soit sous la forme
d’un versement unique, soit en trois annuités égales, au choix du membre. Les contributions
sont versées en monnaies librement convertibles, mais les membres de la catégorie III peuvent
verser les leurs dans leurs propres monnaies, qu’elle soit ou non convertible. L’unité de
compte pour évaluer les monnaies, et donc les versements effectifs des membres, est le DTS.
Les ressources du fonds peuvent être accrues par des contributions spéciales d’Etats
non
membres ou des « autres sources » dont parle l’accord. On pense surtout à des contributions
provenant du PNUD ou des institutions financières universelles ou régionales.
2. Opérations du FIDA
Comme le PNUD, auquel il s’apparente sur ce point, le FIDA n’exerce lui – même
aucune activité opérationnelle. Il se borne à financer des projets et programmes dont
l’appréciation relève des institutions internationales compétentes qui existent déjà. C’est
également à ces institutions qu’il confie l’administration des fonds qu’il débourse et la
116
Il assure que les sommes qu’il prête sont utilisées conformément aux fins pour
lesquelles le financement a été accordé, compte dûment tenu des considérations d’économie,
d’efficacité et de justice sociale.
Le fonds fixe des priorités pour l’affectation de ses ressources. Ces priorités ont été
définies de la manière suivante :
- Accroître la production alimentaire et améliorer le niveau nutritionnel des populations
les plus pauvres dans les plus pauvres des pays à déficit alimentaire,
- Accroître la production alimentaire dans d’autres pays en développement, en
s’attachant ici encore à l’amélioration du niveau nutritionnel et des conditions de vie
des populations de ces pays.
Le fonds accorde des moyens financiers sous forme de dons et de prêts, suivant des
modalités et à des conditions appropriées eu égard à la situation et aux perspectives
économiques du monde ainsi qu’à la nature et aux exigences de l’activité envisagée.
C’est le conseil des gouverneurs qui fixe de temps à autre les politiques générales, les
critères et les règlements régissant les prêts. Les projets et programmes à financer sont soumis
117
L’octroi du prêt ou du don se fait par voie d’accord conclue pour chaque prêt entre le
fonds et le bénéficiaire.
1. Présentation
Toute une série de fonds spéciaux ont été créés par les Nations Unies pour faire face à
des activités bien déterminées. Ces fonds sont administrés et gérés par le PNUD dans la
mesure où leur étude n’appelle pas d’observations particulières, il suffit de présenter ici les
plus importantes d’entre eux :
1°. Le fonds d’équipement des Nations Unies (FENU) créé par la résolution 2186
(XXI) du 13 décembre 1966, il fournit une aide à l’équipement à des conditions libérales aux
pays en développement, et particulièrement aux pays les moins avancés. Il peut également
faire des dons à ces derniers. Les dépenses d’administration sont imputées sur le budget
ordinaire de l’ONU, les dépenses opérationnelles sont couvertes par des contributions
volontaires. Il est administré, sous l’égide du PNUD, par un secrétaire exécutif. Le FENU a
longtemps piétiné faute de ressources.
2°. Le fonds des Nations Unies pour les Activités en matière de Population (FNUAP).
Il a été créé en 1967 par le secrétaire général, comme suite à la résolution 2211 (XXI) du 17
décembre 1966, dans laquelle l’Assemblée Générale se préoccupait des conséquences de
l’accroissement démographique pour le développement. C’était à l’origine un fonds
d’affectation spéciale du secrétariat, mais la résolution 3019 (XXVII) du 18 décembre 1972 l’a
placé sous l’autorité de l’Assemblée générale et a décidé qu’il serait administré par le Conseil
d’administration du PNUD. Il est financé par des contributions volontaires des gouvernements
et par des contributions privées. Son rôle essentiel est de favoriser l’établissement de
118
3°. Les fonds autorenouvellable pour l’exploration des ressources naturelles. Il a été
créé par la résolution 3167 (XXVIII) du 17 décembre 1973. C’est un fonds d’affectation
spéciale commis à la garde du secrétaire général et administré en son nom par l’Administrateur
du PNUD. Sa principale caractéristique est qu’il s’agit d’un fonds de roulement alimentée par
des contributions volontaires des gouvernements et par des sommes provenant de la
production des ressources découvertes ou mises en valeur grâce à son assistance. Dans son
action il doit respecter le principe de la souveraineté sur les ressources naturelles.
2. Le fonds spécial des Nations Unies pour les pays sans littoral
Il a été créé par les résolutions 3504 (XXX) du 15 décembre 1975 et 31/177 du 21
décembre 1976. Il fournit des ressources et une assistance aux pays enclavés afin de les aider
à compenser les dépenses supplémentaires de transport et de transit. Il est alimenté par des
contributions volontaires versées en espèce ou en nature. Il est habilité à accorder des
subventions et des prêts, y compris des prêts à des conditions de faveur ainsi qu’à participer, le
cas échéant, à des investissements et à allouer une assistance en nature. Il est administré, sous
le contrôle du conseil économique et social et de l’Assemblée générale, par un conseil des
gouverneurs de 36 membres et un Directeur exécutif.
PNUD conformément aux principes directeurs fixés par l’Assemblée générale et par le comité
intergouvernemental de la science et de la technique au service du développement.
1. Panorama général
Dans le cadre régional, l’aide financière multilatérale prend des formes variées et sans
rapport direct les unes avec les autres. Dans certains cas, cette aide est le fait d’une
organisation internationale regroupant des pays développés et décidant d’inclure l’aide au
développement parmi des activités multiples. Ainsi, en est – il de l’aide dispensée par la CEE.
Son importance et son originalité méritent qu’on lui accorde une attention particulière. Dans
d’autres cas, l’aide est organisée par les pays en développement eux – mêmes, avec ou sans le
concours des pays développés. Sur ce plan , on citera en premier lieu les banques régionales et
sous – régionales de développement, où la primauté des pays de la région ou de la sous –
région est évidente, mais qui font appel au concours des pays riches, donc toujours à la
coopération Nord – Sud, mais dans un cadre peut – être plus adapté aux besoins des pays
riches, donc toujours à la coopération Nord – Sud, mais dans un cadre peut – être plus adapté
aux besoins des pays en développement. En second lieu, on notera, à partir des
120
1. Evolution
L’aide financière de la CEE a une longue histoire et s’inscrit dans une tradition
continue. Elle remonte en effet à la création même de la communauté puisqu’elle apparaît déjà
dans la convention d’application annexée au Traité de Rome et relative à l’association des pays
et territoires d’outre-mer. Elle a subi ensuite toute une évolution caractérisée d’une part par le
maintien des principes fondamentaux sur lesquels elle a été édifiée à l’origine, d’autre part et
en même temps par la novation qu’elle a connue du fait de l’accession à l’indépendance des
pays associés au Marché Commun, et ultérieurement de l’élargissement de la communauté
ainsi que de l’extension géographique de sa politique d’aide.
Moins importante par son volume, moins originale dans ses mécanismes, mais non
moins significative de l’attitude générale de la CEE envers le Tiers Monde apparaît l’aide
financière qui forme, avec les avantages commerciaux, l’un des grands volets des accords
passés par la communauté avec les pays en développement du bassin méditerranéen.
121
Au deux conventions ont correspondu les deuxième et troisième FED, tandis qu’était
introduite une forme nouvelle d’aide financière manifestée par la possibilité donné à la banque
européenne d’investissement (BEI) d’intervenir au profit des EAMA.
a. Le deuxième FED voyait ses crédits passer à 800 millions d’UC dont 730 pour les
EAMA et 70 pour les PTOM et les DOM. Cette aide devait porter en priorité sur le
développement rural (aide à la production et à la diversification) et sur des actions
d’assistance technique. Elle comportait en majeure partie les aides non
remboursables, c’est – à – dire des dons (620 millions) et pour une faible part des
prêts à des conditions spéciales (96 millions), consentis pour la réalisation de
projets directement rentables. Pouvaient également être imputées au FED les
avances de trésorerie consenties par la communauté aux caisses de stabilisation
pour pallier les conséquences des fluctuations temporaires des prix mondiaux.
b. Quant à la BEI dont jusqu’alors l’activité n’était réservée qu’aux six Etats membres
de la communauté, elle recevait l’autorisation de consentir aux EAMA jusqu’à
concurrence de 64 millions UC de prêts sur ses ressources propres à des conditions
normales, c’est – à – dire aux conditions ordinaires pratiquées par la banque
au moment du prêt. Ces prêts ne pouvaient concerner que des projets à rentabilité
directe et pouvaient être assortis de bonifications d’intérêts accordées par le FED.
l’aide communautaire : forte prédominance des dons sur les prêts, large éventail des
instruments d’intervention ;
- D’autre part, le traitement similaire de tous les Etats ACP en fonction des besoins
inhérents à leur niveau de développement, des obstacles spécifiques qui freinent celui –
ci et des ressources propres dont chacun pouvait disposer.
Mais en même temps, l’expérience acquise dans la mise en œuvre des conventions
précédentes et les mutations survenues dans le nombre et dans les besoins des pays aidés a
conduit à élargir considérablement la nature, le montant et les modalités des aides
communautaires. Non seulement l’allocation des moyens alloués au VIè FED et à la BEI
augmente considérablement (3 milliards d’UC pour le FED, 390 millions pour la BEI), mais
aux orientations traditionnelles des financements effectués par ces deux organismes s’ajoutent
des orientations nouvelles, cependant qu’avec la création d’un mécanisme de financement
compensatoire des fluctuations des recettes d’exportation, le « stabex », la convention apporte
une innovation spectaculaire dans les relations économiques internationales. La convention de
Lomé II reprendra ces mécanismes en les élargissant encore et ajoutera au stabex un système
analogue, pour certains produits miniers : le « sysmin ».
1°. En vue d’éviter l’accroissement de la dette des Etats ACP, le financement, en dehors
de la fourniture de capitaux à risques et des prêts de la banque, se fait sous forme de dons.
Ceux – ci concernent notamment le financement au titre du sysmin et les transferts effectués
au titre du stabex (art. 240).
2°. Par ailleurs, la convention prévoit une ligne d’appui à l’ajustement structurel (art.
243 et suivants). Celle – ci est destinée à répondre aux besoins immédiats d’Etats frappés par
une crise financière grave et urgente et dont les besoins de trésorerie doivent être couverts à
bref délai pour leur politique d’ajustement.
- A des projets qui peuvent être décomposés en projets éligibles à des sources de
financement différentes,
- A des projets pour lesquels une diversification des financements peut se révéler
avantageuse,
- A des projets à caractère régional ou interrégional.
1. Caractéristiques d’ensemble
La banque mondiale en effet ne suffit pas à elle seule à couvrir les besoins de l’Asie, de
l’Afrique et de l’Amérique Latine. Mais on aurait pu accroître sa capacité en lui versant les
sommes que l’on a affectées aux banques régionales, sans avoir à créer trois organismes de
plus. Si les Etats n’ont pas choisi cette voie, c’est parce que la création des banques régionales
a obéi à une seconde idée, plus importante encore : la volonté des Etats de chaque continent
d’unir leurs efforts pour assurer le développement de la région du globe à laquelle ils
appartiennent.
2. Origine et création
L’idée d’une banque interaméricaine est fort ancienne puisqu’on en trouve la trace dès
1886. Mais c’est à partir de 1948, date de la création de l’OEA que le projet commence à
prendre corps et à s’orienter dans une perspective de développement. Malgré l’opposition des
Etats –Unis qui persista plusieurs années, l’idée fit son chemin. En 1954, lors de la quatrième
session du comité interaméricain économique et social, la délégation chilienne présenta un
plan concret de création d’une banque interaméricaine de développement, qu’une commission
d’experts fut chargée d’étudier. Les Etats-Unis levèrent leur opposition en 1958. La Banque
interaméricaine de développement fut créée le 09 avril 1959 par dix – huit Etats du continent
américain, les trois autres signant quelques jours plus tard. Elle commença ses opérations le
1er octobre 1960.
La BID a son siège à Washington et des bureaux dans chacun des pays latino-
américains membres ainsi qu’à Londres et à Paris. Au 31 décembre 1980, elle comprenait.
127
- Des membres fondateurs : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa – Rica, El
Salvador, Equateur, Etats – Unis, Guatemala, Haïti, Honduras, Mexique, Nicaragua,
Panama, Paraguay, Pérou, République Dominicaine, Uruguay et Venezuela.
- Des adhésions ultérieurs : Barbade, Canada, Jamaïque, Trinité – et – Tobago, Bahamas,
Guyane, RFA, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Israël, Italie,
Japon, Pays – Bas, Royaume – Unis, Suède, Suisse, Yougoslavie, Portugal et Surinam.
A cette date, la BID comprenait donc 43 membres, dont 25 régionaux et 18
extrarégionaux.
La banque a son siège à Abidjan. Au 31 décembre 1982, seuls les cinquante Etats
africains en étaient membres. Le principe d’accueillir des Etats extra – régionaux a été admis
ultérieurement aux conditions suivantes :
- Les pays africains garderont 67 % des voix,
- Le président de la banque sera africain,
- Le siège restera en Afrique.
2.3. La banque asiatique de développement
128
Les statuts de la Banque prévoyaient dès l’origine que celle – ci serait ouverte aux Etats
extérieurs à la région, en précisant toutefois que les pays membres non asiatiques ne pourraient
jamais détenir plus de 40 % des voix. Au 1er avril 1980, la Banque comprenait 43 membres :
- 29 Etats régionaux : Afghanistan, Australie, Bangladesh, Birmanie, Cambodge, Corée
du Sud, Fidji, Hong – Kong, Iles Cook, Iles Salomon, Inde, Indonésie, Japon, Kiribati,
Laos, Malaisie, Maldives, Népal, Nouvelle – Zélande, Pakistan, Papouasie, Philippines,
Samoa, Singapour, Sri - Lanka, Taiwan, Thaïlande, Tonga, Vietman.
- 14 Etats extra – régionaux : RFA, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Etats – Unis,
Finlande, France, Italie, Norvège, Pays – Bas, Royaume – Uni, Suède, Suisse.
La banque a son siège à Manille.
3. Objectifs et fonctionnement
Les règles qui gouvernent l’activité des trois banques régionales ressemblent beaucoup
à celles sur lesquelles s’appuie la Banque mondiale. Il n’y a donc pas lieu de les décrire en
détail, sauf à mettre en lumière les principales différences qui apparaissent et par rapport au
modèle et entre les trois institutions elles – mêmes.
3.1. Objectifs
Les objectifs des trois institutions sont très voisins parce que leur création a obéi dans
les trois cas à des préoccupations similaires : elles entendent favoriser d’une part le
développement des Etats de la région, d’autre part la coopération entre les membres.
1°. Les banques régionales sont avant tout des organismes de développement. Aux
termes de leurs statuts, leur but est de contribuer aux progrès économique et social des Etats
membres, pris individuellement et collectivement. Cette entreprise doit permettre une
129
2°. Les banques régionales se présentent en même temps comme des organismes de
coopération. Les statuts mettent l’accent sur l’avantage des projets multinationaux et sur la
coordination des politiques économique doit surmonter les divergences politiques et
encourager les efforts d’intégration.
3.2. Ressources
Les ressources des trois banques régionales sont déterminées de la même façon que
celles de la BIRD. Elles comprennent les fonds qui forment le capital de chaque banque, les
fonds empruntés et des ressources de type divers.
1°. Chacune des trois banques a été dotée d’un capital représentant la souscription des
Etats membres. Le montant de la souscription de chaque pays est fixé en fonction de la
situation économique et sociale du pays et après consultation économique et sociale du pays
candidat. La souscription est constituée par parties égales d’actions à libérer et d’actions
sujettes à appel. Il existe quelques différences en ce qui concerne les modalités de versement
des fonds.
a. Au sein de la BID, les membres régionaux doivent effectuer leurs versements à
raison de 50 % en or et de 50 % en devises convertibles, tandis que les membres
extra – régionaux versent les leurs intégralement dans leur monnaie nationale.
b. La banque asiatique ne fait pas de distinction entre ses membres : pour chacun, 50
% des fonds sont à payer en or ou en devises convertibles, 50 % en monnaie
nationale.
c. Depuis la réforme de 1979, il est prévu que tous les membres de la banque africaine
effectuent leurs versements, soit en or, soit en devises convertibles. La banque
africaine et la banque asiatique prévoient le paiement en plusieurs tranches pour
alléger la charge qu’un tel paiement fait peser sur de nombreux membres.
2°. Les trois banques peuvent se procurer des fonds en émettant des emprunts sur le
marché international des capitaux.
3°. Les trois banques disposent encore, comme la BIRD, de ressources diverses
provenant essentiellement, soit du remboursement des prêts antérieurement accordés, soit de
revenus des prises de participations qu’elles effectuent.
3.3. Intervention
Comme la BIRD aussi, les banques régionales accordent des prêts et offrent une
assistance technique. On ne s’occupera ici que des interventions financières.
1°. Peuvent bénéficier des prêts les gouvernements, leurs subdivisions politiques, les
entreprises publiques ou privées situées sur le territoire d’un Etat membre (dans le cas de la
BAfD, sans référence à la nationalité des actionnaires). La BID et la BAfD y ajoutent les
banques nationales de développement et, pour la BAfD, toute organisation ou institution
régionale ou multinationale s’intéressant au développement de l’Afrique.
2°. Les critères de prêt sont analogues à ceux de la BIRD : rentabilité et viabilité de
l’emprunteur, financement partiel par celui – ci dans le cas de BAfD, etc. La BAfD ne
pratique que l’aide – projet et non l’aide – programme.
3°. Les conditions financières varient d’une banque à l’autre, tout en participant du
même schéma de base :
a. L’emprunteur doit parfois financer une parie du projet sur fonds propres (BID 10
% BAfD 30 %),
b. Le minimum et le maximum autorisé peuvent être fixés.
c. La durée du prêt, le délai de grâce, les sûretés, le taux d’intérêt, le choix de la
monnaie, etc. varient légèrement d’une banque à l’autre, sans s’écarter du modèle
de la BIRD,
d. La procédure et le contrôle sont également voisins de ceux de la Banque
mondiale.
131
Les transferts de technologie ont pris une place de plus en plus grande dans les rapports
économiques internationaux. Ils s’effectuent à l’heure actuelle aussi bien entre pays
développés et pays en développement ou entre pays en développement.
L’accès trop brutal aux techniques les plus sophistiquées risquerait là encore de
perpétuer, voire d’accentuer le phénomène de dépendance en maintenant le personnel
local à l’écart d’une véritable maîtrise de la technologie transférée. Aussi des débats
prolongés ont – ils depuis longtemps mis en avant des stratégies de transfert de
technologie « douce », «intermédiaire », « appropriée », etc.
2°. La deuxième série de difficultés concerne le transfert lui – même :
- Le prix des transferts est souvent considéré comme trop élevé. Les pays en
développement reprochent aux fournisseurs relevant des pays développés d’utiliser
abusivement un rapport de forces qui leur est favorable dans les négociations relatives
à la fixation du prix. L’argument invoqué par les fournisseurs, selon lequel le coût
élevé de la recherche – développement explique en grande partie le prix demandé, ne
leur paraît pas expliquer à lui seul des prix qu’ils estiment exorbitants. Cette situation
est aggravée par le fait que les achats de technologie se règlent en devises, ce qui
accroît encore le déséquilibre de la balance des paiements des pays dont relèvent les
acquéreurs.
- Les modalités juridiques des transferts sont également mises en cause. Jusqu’à ces
dernières années en effet, les transferts s’effectuaient selon les modalités contractuelles
qui étaient défavorables aux pays du Tiers Monde. Le droit international du
développement n’intervenait en aucune manière pour atténuer les effets rigoureux de
cette relation. Le recours par les pays du Tiers Monde à leurs lois nationales s’est
souvent révélé insuffisant, inefficace et même maladroit. Aussi ces pays ont – ils en
même temps ardemment milité en faveur d’une prise en charge des modalités du
transfert par les institutions internationales afin de le rendre plus équitable et plus
rationnel.
Cette action est conduite essentiellement par la CNUCED et l’assemblée générale des
Nations Unies, tandis que l’Organisation Mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)
s’occupe d’une manière plus technique des problèmes relatifs aux brevets et autres formes de
propriété industrielle. La caractéristique commune des réflexions menées au sein de ces
institutions est qu’elles envisagent comme un tout indissoluble l’ensemble des problèmes
relatifs au progrès technologique des pays du Tiers Monde. Cette approche globale inscrit
133
donc le problème des transferts de technologie dans un ensemble plus vaste et plus complexe,
qui s’est traduit par la formulation de principes et l’élaboration de plans d’action.
Dès 1961, l’Assemblée générale s’est saisie de la question. Par la suite, elle a surtout
émis des directives d’ordre général dans la stratégie de 1970, dans les résolutions relatives au
nouvel ordre économique international, dans la charte des droits et devoirs économiques des
Etats et dans la stratégie de 1980. la CNUCED quant à elle, a énoncé dès 1964 les problèmes
fondamentaux sur lesquelles allait reposer toute l’action ultérieure des organisations
internationales. Depuis lors, elle n’a cessé de préciser sa doctrine en adoptant une série
appréciable de résolutions (Rés. 39 (III) du 16 mai 1972, 87, 88 et 89 (IV) du 05 mai 1976,
101, 102, 112 et 113 (V) des 30 mai et 03 juin 1979, 143 (VI) du 02 juillet 1983).
Un examen synthétique de ces textes laisse apparaître les thèmes sur lesquels se sont
engagés les débats internationaux :
- D’une part, les pays en développement ont réclamé l’établissement d’un droit
protecteur de leurs intérêts particuliers en matière de transfert de technologie.
- D’autre part, les pays en développement ont réclamé l’établissement d’un droit
protecteur de leurs intérêts particuliers en matière de transfert de technologie.
- D’autre part, ils ont insisté pour que les pays développés et la communauté
internationale les aident à renforcer leur capacité technologique propre et à régler le
difficile problème de l’exode des compétences, appelé maintenant « transfert inverse de
technologie ».
- Enfin, ils ont engagé toute une action en faveur de l’adaptation de la science et de la
technique à l’impératif de développement. Sur ce point, il convient de signaler
l’importance de la conférence des Nations Unies sur la science et la technique au
service du développement qui s’est tenue à Vienne en août 1979 et qui a adopté un
programme d’action dit programme de Vienne que l’Assemblée Générale a entériné
dans sa résolution 34/218 du 19 décembre suivant. Pour permettre l’application de ce
programme, l’Assemblée a créé un « comité intergouvernemental de la science et de la
technique au service du développement » ouvert à tous les Etats et un « Centre pour la
Science et la Technique au service du développement » ayant pour mission d’aider le
comité et le directeur général au développement et à la coopération économique à
s’acquitter de leurs responsabilités en la matière. Le financement du programme est
assuré par un mécanisme spécial mis sur pied par la même résolution et dénommé
134
Comme toujours, la pratique se révèle plus complexe que les typologies abstraites. En
effet,
les prestations fournies peuvent soit se présenter isolément, soit être groupées en
d’innombrables combinaisons. C’est ainsi qu’un contrat peut ne comporter qu’une cession de
licence, qu’une cession de know – how ou que la fourniture d’une assistance technique. Mais
il peut aussi prévoir la présence de plusieurs de ces éléments à la fois. Le passage de l’une à
135
l’autre de ces catégories est souvent graduel, comme par exemple lorsqu’une cession de know
– how s’accompagne d’une assistance technique liée seulement à la période de livraison. Il
importe maintenant de donner un aperçu des divers types de contrats ainsi identifiés.
Ces contrats ne peuvent par définition porter que sur des connaissances déjà brevetées.
La cession pure et simple de brevet est une opération relativement rare puisqu’il s’agit
de la vente d’un monopole. Elle ne peut donc s’effectuer qu’une seule fois et en faveur d’un
seul client. Par contre la cession de licence est une opération juridique courante, qui consiste
en l’autorisation donnée par le titulaire du brevet d’invention d’exploiter celui – ci dans des
conditions et dans des pays déterminés, moyennant le paiement d’une redevance. Ces contrats
s’inscrivent dans la perspective classique du droit de la propriété industrielle. L’érosion
constante de ce droit de la propriété industrielle. L’érosion constante de ce droit fait
qu’aujourd’hui les techniques brevetées ne constituent qu’une partie des techniques
brevetables. De plus, la cession d’un brevet ou d’une licence ne suffit pas à elle seule à
garantir à l’acquéreur, surtout lorsqu’il relève d’un pays en développement, une parfaite
maîtrise de la technologie ainsi obtenue. Aussi ce type de transfert se retrouve – t – il de plus
en plus fréquemment lié, dans les contrats, à d’autres prestations.
La transmission de telles connaissances se fait dans la plupart des cas par cession de
documents permettant à l’acquéreur d’utiliser au mieux la technologie acquise. Comme il est
naturel, les vendeurs veulent protéger le secret d’un savoir – faire dont ils tirent profit et en
136
conséquence les contrats de know – how contiennent tous des clauses obligeant l’acheteur à
respecter le caractère confidentiel des informations transférées.
Le know – how n’étant pas protégé par un titre légal, le détenteur doit en assurer la
protection, notamment en cas de divulgation abusive, par les voies du droit commun.
Dans les contrats de know – how passés entre partenaires de niveau technologique trop
différent, la transmission du savoir – faire s’accompagne généralement de prestations
d’assistance technique. Celles – ci sont plus ou moins étendues, mais dans certains cas elles
peuvent prendre des proportions considérables.
L’assistance technique peut à elle seul faire l’objet du contrat. Elle peut aussi
accompagner une cession de brevet ou une communication de know – how. Elle peut
également être couplée avec une vente d’équipements ou de complexes industriels, ou encore
être comprise dans un contrat portant sur l’exploitation ou la gestion d’une activité
économique.
Il existe une grande variété de contrats d’assistance technique, selon que celle – ci porte
sur une activité industrielle, sur la recherche scientifique, etc.
Dans certains cas, le contrat peut s’élargir jusqu’à comporter un véritable programme
de formation. Aux termes du contrat de formation, l’entreprise fournisseur s’engage à prendre
en charge la formation, suivant des modalités variées, du personnel d’une entreprise acquéreur,
afin d’adapter celui – ci aux techniques acquises par cette entreprise. Dans le contrat de
formation, l’entreprise fournisseur intervient soit en procurant une assistance technique d’ordre
pédagogique aux centres de formation de l’entreprise locale, soit en agissant avec un
programme spécifique et une équipe autonome.
137
Cette forme de contrat prend sa source dans une initiative algérienne mise au point
pour obliger les pays industrialisés fournisseurs à opérer un transfert effectif de leur
technologie et de leur savoir – faire industriel vers les pays en développement. Ce contrat peut
être défini comme « un accord complexe mettant à la charge de l’entreprise étrangère trois
obligations principales : la livraison des biens corporels, un transfert de technologie, la
138
Ce mécanisme subtil est renforcé par un ensemble de garanties destiné à vérifier que
toutes
les obligations inhérentes au transfert ont bien été remplies. La formule « produit en mains » a
pu marquer un progrès certain dans la recherche d’un processus de transfert de technologie
approprié aux aspirations des pays en développement. Si elle apparaît aujourd’hui périmée,
c’est parce qu’elle comporte de multiples inconvénients. Tout d’abord les lourdes obligations
qu’elle met à la charge de l’entreprise étrangère ne peuvent être assumées que par de
puissantes sociétés transnationales dont le pouvoir de négociation est considérable par rapport
à celui de l’acquéreur local. En second lieu, la formation du personnel local peut être pour ces
sociétés un moyen indirect d’intégrer les entreprises locales dans leur propre stratégie globale.
Par ailleurs, les obligations de qualité et de rendement auxquelles elles sont tenues peuvent les
conduire à utiliser surtout des matériaux en provenance des pays industrialisés, ce qui
défavorise l’industrie locale dans son ensemble et entretient la dépendance technologique.
139
Enfin les contrats ne transfèrent que l’un des éléments de la maîtrise technologique, à savoir la
maîtrise d’exploitation, alors que la technique, à savoir la maîtrise d’exploitation, alors que la
technique de conception reste entre les mains de la société transnationale.
Les modalités de paiement prévues par les contrats de transfert de technologie ont elles
aussi évolué de manière à assurer une répartition plus équilibrée des risques et une coopération
plus étroite entre le fournisseur et l’acquéreur. A l’origine en effet, il existait deux formules
principales, le paiement en régie et le paiement au forfait. Dans le paiement en régie, le
receveur prend seul la charge du risque financier de l’opération. Dans le forfait au contraire, le
risque est entièrement assumé par le prestataire.
Pour mieux répartir les risques, la pratique a inventé des formules nouvelles, parmi
lesquelles il faut relever le « cost + » et surtout le « cost and fee ». Cette dernière constitue en
elle – même une innovation intéressante pour les pays en développement. En effet, le
« cost+ » consiste en l’application d’un certain coefficient de marge sur l’ensemble des
dépenses engagées par l’entreprise fournisseur, mais il est fixe et plafonné. Cette formule
permet de faire supporter les risques techniques par le constructeur de l’installation transférée
et d’organiser un partage du risque financier entre les deux partenaires. C’est précisément ce
partage qui peut faciliter l’émergence d’une véritable coopération industrielle conduite
conformément aux intérêts des deux parties et aux exigences du développement.
7. Le contrat multilots
Ce modèle a pour objet, entre autres, de remédier aux inconvénients du contrat clé en
mains et de ses divers avatars, dont on sait quels mécomptes il a entraînés dans les tentatives
faites par nombre de pays du Tiers Monde pour s’industrialiser.
Ces éléments nouveaux se traduisent par diverses obligations qui, on doit insister sur ce
point, pèsent sur le constructeur. Obligations pouvant aller, comme c’est le cas pour le
système d’assurance de la qualité, jusqu’à l’obligation de résultat. Or l’examen de la pratique
antérieure révèle que les constructeurs avaient toujours évité de s’engager aussi loin.
Toutefois, il y a une limite aux engagements du constructeur : la garantie de transfert du
know – how au personnel local est souvent spécifiée expressément dans les contrats comme ne
dépassant pas le cadre de l’obligation de moyens. Il ne s’agit donc pas d’un retour à la
formule « produits en mains ».
Il est admis en doctrine que de tels contrats peuvent se développer, mais seulement
avec des pays non dénués de tradition industrielle.
141