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INFO : Matières à réflexion

Numéro 2005/2 (no 6)

Chapitre 1 : L'importance de l'investissement privé pour le développement

Dans Revue de l'OCDE sur le développement 2005/2 (no 6), pages 19 à 23

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Article

Sur le front de la lutte contre la pauvreté, les progrès sont trop lents dans de nombreux pays en
développement. La réalisation, d’ici 2015, des objectifs fixés dans la Déclaration du Millénaire des
Nations Unies s’annonce incertaine, en particulier en Afrique sub-saharienne. Une accélération de la
croissance économique sera nécessaire pour atteindre le premier de ces objectifs, portant sur la
réduction de moitié de la proportion de population vivant avec moins d’un dollar (USD) par jour. A titre
d’illustration, l’Afrique sub-saharienne a besoin de maintenir durablement un taux de croissance
économique annuel supérieur à 7 % au cours de la prochaine décennie, soit plus du double de son taux
actuel. Une amélioration des performances économiques permettra en outre d’atteindre plus facilement
les six OMD liés à des objectifs sociaux ou environnementaux. Dans la plupart des pays en
développement, l’accélération de la croissance ne pourra se faire sans une plus grande participation des
populations démunies – en tant que consommateurs, travailleurs et chefs d’entreprises – et une
augmentation de leurs capacités de production par un élargissement de l’accès à l’éducation et aux
services de santé et d’infrastructure.

Dans les économies de marché, le secteur privé est le principal moteur de la croissance. Il nourrit et
stimule la croissance dès lors qu’un certain nombre de facteurs se conjuguent pour offrir un
environnement propice à son expansion. L’investissement privé est une condition préalable
indispensable à la croissance économique : il est en effet le moteur qui entraîne les rouages de la
machine économique en permettant aux entrepreneurs de réunir les ressources nécessaires pour
produire des biens et des services. Une croissance rapide et durable est favorisée par une conjonction
favorable dans laquelle l’entrepreneuriat et l’investissement induisent une hausse de la productivité qui
à son tour autorise un accroissement des investissements dans le futur. Cet enchaînement est
également propice à la création d’emplois et à l’apparition de technologies nouvelles, en particulier
grâce aux échanges et aux investissements internationaux. L’existence de marchés concurrentiels et
développés est capitale car ceux-ci favorisent et récompensent l’innovation et la diversification,
accélèrent l’entrée et la sortie des entreprises et contribuent à harmoniser les règles du jeu applicables
à l’ensemble des acteurs du secteur privé. Les marchés jouent en outre un rôle essentiel en conférant au
processus de croissance une assise sociale et géographique plus large qui ouvre aux plus démunis la
perspective d’y prendre part et d’en tirer bénéfice. La mobilisation de l’investissement privé est donc
appelée à gagner de l’importance tant pour la création d’emplois que pour l’accélération de la
croissance ou la lutte contre la pauvreté. L’accroissement des capacités de production du secteur privé
n’est pas le seul facteur qui compte pour la croissance économique, encore faut-il qu’il s’accompagne de
gains de productivité résultant de la rationalisation et de la modernisation des moyens de production.

Les mesures en faveur d’une augmentation de l’investissement privé

Les investisseurs, qu’il s’agisse de micro-entrepreneurs ou d’entreprises multinationales, fondent leurs


décisions d’investissement sur les prévisions de rendement corrigées des risques. Cette constatation est
importante dans l’optique du développement car, ainsi que le montrent plusieurs études concrètes, le
rendement en tant que tel de l’investissement dans les pays en développement (et même dans les pays
les moins avancés) est généralement supérieur à celui des autres pays. Certes, à un moment donné du
processus de croissance, les taux de rendement finiront par baisser, mais pour l’heure, le principal défi
que doivent relever les pays en développement concerne la réduction des risques, réels ou perçus,
auxquels font face les investisseurs privés. Dans un environnement très incertain, les activités
économiques sont théoriquement limitées à un petit nombre de secteurs (plus particulièrement les
secteurs à forte intensité d’utilisation des ressources) et de régions. Par conséquent, la croissance
enregistrée par les pays correspondant à cette description exclut de larges pans de la population, y
compris les plus pauvres.

L’origine des risques et leur perception varient selon la nationalité des entreprises, leur taille, leur
appartenance au secteur privé ou public et leur intégration dans l’économie officielle ou dans un secteur
plus informel. En conséquence, les mesures de réduction des risques n’ont pas la même influence sur
toutes les décisions d’investissement et sont tributaires du contexte dans lequel évolue chaque
entreprise. En revanche, certains facteurs de risques et les lacunes de l’environnement qu’ils entraînent
représentent des obstacles aux activités de l’ensemble des entreprises. Il s’agit notamment des
pratiques discriminatoires, de la corruption, d’un faible respect de la règle de droit, des coûts de
transaction élevés, de la pesanteur de la réglementation, du manque de transparence et de l’incurie de
l’administration.

Les ressources nationales sont et resteront la source principale de fonds pour l’investissement privé
dans les pays en développement. Toutefois, ces pays sont dotés d’une économie informelle beaucoup
plus étendue [3], ce qui exacerbe nombre des facteurs de risques mentionnés précédemment. Par
ailleurs, leurs entreprises ne sont pas toujours les mieux équipées pour faire face à la concurrence d’une
économie de plus en plus mondialisée. De nombreux pays en développement rencontrent en outre des
difficultés pour accéder au financement extérieur ou national en raison d’une faible intermédiation des
fonds. Dans un tel contexte, l’IDE et les envois de fonds sont des sources complémentaires ou
supplémentaires de capital non négligeables. L’apparition de différentes catégories d’investisseurs
oblige à veiller à maintenir des règles du jeu équitables grâce auxquelles aucune d’entre elle ne se
retrouvera indûment désavantagée.

Pour stimuler l’investissement privé, les pays en développement doivent adopter des stratégies qui
libèrent la croissance, selon un calendrier et des modalités appropriés. Les réformes institutionnelles
jouent un rôle clé dans la mobilisation durable d’un surcroît d’investissement privé pour le
développement, ainsi que le souligne l’encadré 1. Par le biais de leur programme d’APD, les organismes
d’aide au développement peuvent contribuer à optimiser les retombées de ce financement
supplémentaire sur le développement en aidant les pays en développement à mettre en œuvre de telles
réformes. Si le Consensus de Monterrey a insisté sur le fait « qu’une augmentation importante de l’APD
et d’autres ressources sera nécessaire pour que les pays en développement puissent atteindre les
objectifs de développement convenus au niveau international, y compris ceux qui figurent dans la
Déclaration du Millénaire », il a également reconnu que « l’APD peut être un facteur majeur
d’amélioration des conditions dans lesquelles se déroulent les opérations du secteur privé et ouvrir ainsi
la voie à une croissance vigoureuse » (Nations Unies, 2002).

Encadré 1. Le rôle des institutions dans la mobilisation de l’investissement

Toutes les sociétés s’en remettent à leurs institutions pour mettre en application et faire respecter les «
règles du jeu » qui, en principe, sont garantes d’un fonctionnement efficace des marchés et permettent
à l’ensemble des acteurs du secteur privé d’exercer leurs activités de manière régulière, sûre et en toute
équité. Par conséquent, la réglementation et les structures organisationnelles qui encadrent
l’instauration de conditions favorables au développement du secteur privé sont fondamentales.
Cependant, dans de nombreux pays en développement, les marchés présentent des défaillances qui
sont généralement défavorables aux perspectives économiques et sociales des populations démunies.
La mise en œuvre de réformes institutionnelles et politiques spécifiques à chaque pays figure au cœur
des efforts des donneurs et des pays en développement visant à mobiliser l’investissement et à
optimiser ses retombées sur le développement.

Les institutions influent sur les performances des marchés – les débouchés en matière d’emploi et de
niveaux de salaire, les produits des biens vendus, l’accès aux biens et aux services, ainsi que leur coût

car elles fixent les règles officielles et implicites qui régissent les échanges sur les marchés, de même que
les modes de gouvernance. Les changements institutionnels et les politiques peuvent diminuer certains
risques et coûts liés aux activités des entreprises, supprimer des obstacles à l’investissement et
entraîner une croissance économique plus rapide et plus favorable aux populations démunies.

En diminuant les délais et les coûts liés aux activités des entreprises dans l’économie officielle, les
changements institutionnels et les politiques en faveur de l’entrepreneuriat et de l’investissement
peuvent aider à lutter contre l’économie informelle. En plus d’être coupables d’évasion fiscale, les
entreprises et leurs dirigeants qui opèrent dans l’économie informelle sont confrontés à un
environnement plus risqué et n’ont pas facilement accès au financement à court terme et à la majorité
des formes de capital-risque.

Des institutions et une infrastructure appropriées peuvent aider les pays en développement à s’intégrer
dans les marchés régionaux et mondiaux. Un renforcement des liens internationaux, par les échanges et
l’IDE, peut entraîner une accélération de la croissance économique. Une meilleure intégration permet à
l’économie d’axer ses ressources sur des secteurs offrant un avantage concurrentiel et stimule la
productivité en donnant aux acteurs du secteur privé un accès à des marchés plus vastes et en
croissance rapide, à condition toutefois que les mesures d’incitation destinées aux entreprises soient
suffisantes.

Des institutions adaptées peuvent promouvoir un développement durable en veillant à ce que les
acteurs du secteur privé prennent conscience des répercussions de leurs activités sur la société et
l’environnement tout en optimisant la création de richesses.

Une évaluation menée récemment par le Groupe de la Banque mondiale a révélé que ses stratégies
d’amélioration du climat de l’investissement souffrent d’une méconnaissance des divers dispositifs
institutionnels les mieux adaptés aux différents contextes, et de la dynamique de changement sans
laquelle il est impossible d’effectuer des réformes. La faisabilité des réformes dépend de l’économie
politique du processus et leur durabilité est tributaire de l’adhésion des différents acteurs. Il est par
conséquent important d’évaluer les capacités des organismes publics qui mettent en œuvre les
réformes, d’examiner attentivement les incitations qui leur sont adressées et de savoir quels acteurs
sortiront gagnants ou perdants du processus (Groupe de la Banque mondiale, 2004). Les travaux
actuellement en cours au sein du Réseau du CAD sur la gouvernance (Govnet) en matière d’élaboration
de bonnes pratiques de renforcement des capacités contribueront à répondre à la nécessité de fournir
une orientation plus claire sur les modalités des réformes institutionnelles. Govnet est par ailleurs en
train de mettre au point des outils (sur les moteurs du changement et l’analyse des compétences) qui
aideront les donneurs à définir des attentes réalistes en matière de calendrier des réformes
institutionnelles et à évaluer les différents points d’entrée pour soutenir le changement.

Les retombées bénéfiques de l’IDE sur le développement

Le Consensus de Monterrey a qualifié les flux internationaux de capitaux privés, y compris


l’investissement direct étranger, « d’appoint indispensable aux efforts de développement nationaux et
internationaux » et a souligné la nécessité de « créer, aux niveaux national et international, le cadre
permettant de mieux favoriser l’acheminement de flux d’investissements directs ». L’IDE s’est révélé une
source quasiment inextinguible de flux internationaux de capitaux privés. Toutefois, de nombreux pays
en développement, en particulier les moins avancés d’entre eux, ne bénéficient pas encore d’un afflux
notable de cette forme d’investissement. Or, l’IDE peut représenter une proportion non négligeable de
la formation globale de capital et l’investissement dans les pays en développement est loin d’avoir
atteint son niveau le plus élevé (voir l’Annexe A pour toute information complémentaire sur les
tendances de l’aide et de l’investissement privé au service du développement).
Il faut encourager l’IDE car il entraîne, sur le plan du développement, des retombées bénéfiques que ne
peuvent conférer les autres sources de financement (voir l’encadré 2). Il est en outre à même de créer
des liens pouvant accroître la création de valeur à l’échelon local et d’engendrer, par ricochet, des
créations d’emplois de grande ampleur dans les entreprises locales qui sont les fournisseurs
d’entreprises multinationales, que ce soit directement ou par l’intermédiaire d’une sous-traitance pour
d’autres entreprises locales. Dans de nombreux cas, les fournisseurs locaux sont des exploitants
agricoles, particulièrement des petits planteurs, ou PME.

Certains des principaux facteurs qui servent à déterminer la capacité d’un pays à attirer l’IDE ont été mis
en évidence. Plusieurs d’entre eux peuvent être améliorés par des interventions appropriées financées
par l’APD. Au nombre de ces facteurs figurent : i) la taille des marchés et les perspectives de croissance ;
ii) le cadre réglementaire et le cadre d’action ; iii) le capital de ressources humaines et naturelles ; iv) les
infrastructures matérielles, financières et technologiques ; et v) l’ouvertures aux échanges
internationaux et l’accès aux marchés mondiaux [4].

Encadré 2. Les retombées bénéfiques de l’IDE sur le développement

Une étude réalisée par l’OCDE sur les expériences en matière d’investissement direct étranger au service
du développement a décrit en détail les avantages suivants de l’IDE (OCDE, 2002) :

Intégration aux échanges internationaux. Les apports d’IDE aident les pays bénéficiaires à s’intégrer plus
étroitement à l’économie mondiale en développant des courants d’échange avec l’étranger. En ayant
accès aux réseaux internationaux d’entreprises tissés par les multinationales, les pays en
développement mobilisent plus efficacement leurs ressources pour tirer profit de leurs avantages
concurrentiels.

Répercussions directes sur l’efficience économique. L’implantation dans un pays en développement de


grandes entreprises financièrement solides et/ou qui pratiquent des méthodes de gestion avancées peut
avoir des effets non négligeables sur son efficience économique – en particulier si des pans
considérables du secteur commercial étaient auparavant protégés. Ces répercussion s’expriment
principalement par l’intermédiaire de :

La restructuration d’entreprises. Le rachat d’une entreprise en activité – dans le cadre d’une


privatisation, par exemple – entraîne généralement des répercussions directes dues au fait que la
multinationale acquéreuse s’efforce d’accroître la productivité, de réduire les coûts, d’introduire de
nouvelles méthodes de gestion et de développer de nouvelles activités. Il peut par ailleurs donner lieu à
des gains d’efficience dans d’autres entreprises, notamment en raison d’effets de démonstration et de la
concurrence.
La concurrence. L’arrivée d’entreprises étrangères a fréquemment pour effet de doper la concurrence
sur les marchés nationaux, entraînant de fait une hausse de la productivité, une baisse des prix et une
répartition plus efficace des ressources. En contrepartie, elle risque d’accroître les niveaux de
concentration dans une économie donnée et de finir par mettre en péril la concurrence.

Retombées et externalités. La présence d’entreprises étrangères peut avoir des incidences non
négligeables sur des pans de l’économie non directement concernés par leur arrivée, par le biais
principalement :

Des transferts de technologie. La diffusion de nouvelles technologies est l’un des principaux vecteurs par
lesquels la présence étrangère peut entraîner des externalités positives. L’existence de ces retombées
positives est particulièrement manifeste dans le cas des liaisons verticales, en particulier des liaisons en
amont, c’est-à-dire des interactions entre les multinationales et leurs fournisseurs et sous-traitants
locaux. Les entreprises étrangères déploient souvent des efforts considérables pour fournir une
assistance technique, une formation et toute autre information nécessaire pour améliorer la qualité des
produits de ses fournisseurs.

Du capital humain. Il est reconnu que les entreprises multinationales présentes dans les pays en
développement forment davantage leurs employés que leurs équivalentes nationales. En revanche,
comme leurs salariés se montrent comparativement plus loyaux, les retombées dues à la migration de la
main-d’œuvre sont limitées. L’une des principales sources de retombées du capital humain est
probablement la création d’entreprises par des individus auparavant employés en tant que spécialistes
par une entreprise multinationale.

Un avantage indirect important de l’IDE dans les pays en développement réside dans ses répercussions
sur la gouvernance publique. L’investissement international est régi par des règles officielles et plus
implicites, qui vont du droit coutumier aux obligations définies dans les accords d’investissement, ou aux
pratiques optimales reconnues. Les principes que ces règles prônent, y compris la non discrimination, la
transparence et le respect des procédures, ne sont pas considérés comme naturels dans tous les pays.
En les encourageant à l’échelle internationale, les politiques en faveur de l’IDE contribuent à améliorer
l’environnement économique dans lequel évoluent également les entreprises nationales.

OCDE (2002), L'investissement direct étranger au service du développement : Optimiser les avantages,
minimiser les coûts, OCDE, Paris.

Notes

[3]

En Afrique, on estime à 78 % la proportion de l’emploi hors secteur agricole qui appartient à l’économie
informelle et les taux ne sont guère moins élevés dans de nombreux pays d’Asie du sud et d’Amérique
latine.

[4]
Pour trouver des éléments concrets témoignant de l’importance de ces facteurs dans une vaste
sélection de pays en développement et d’économies en transition, se reporter à OCDE (2004a),
document rédigé spécialement pour le projet.

Mis en ligne sur Cairn.info le 01/02/2006

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