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commerciale et la libéralisation des échanges sont en accélération
depuis l’Uruguay Round (19861994). C’est lors du cycle de Doha (2001) qu’est mis
en exergue le lien entre le commerce et le développement économique. Ce dernier
désigne les évolutions positives dans les changements structurels (démographiques,
techniques, industriels, sanitaires, culturels, sociaux...) d'une zone géographique ou
d'une population. Ces changements permettent l'enrichissement de la population et
l'amélioration des conditions de vie. C'est pourquoi le développement économique
est associé au progrès. La croissance économique est donc une composante du
développement.
Avec l’accroissement du commerce mondial, l’ouverture commerciale va être
favorisée par la mise en place de politiques commerciales telle qu’une politique
généralisée de baisse des tarifs douaniers qui va certes diminuer les recettes dues à
ce tarif, mais cela dans le but d’améliorer le bienêtre des consommateurs de ce
pays. Aussi, d’autres facteurs vont concourir à l’ouverture commerciale d’un pays :
l’avance technologique, la qualité des institutions, le niveau de productivité ou encore
la dotation relative en facteurs de production. L’ouverture va permettre une meilleure
allocation des ressources d’un pays en lui permettant de se spécialiser dans la
production pour laquelle il est le plus performant, exploitant ainsi un avantage
comparatif. Elle va d’autre part mener à l’accroissement du marché offert aux
producteurs locaux qui vont tirer partis des économies d’échelles. Enfin, la
concurrence va elle aussi croître. Le commerce va, à long terme, stimuler la
croissance s’il permet d’augmenter le taux d’intérêt et de diffuser le savoir
technologique. Dès lors, l’ouverture commerciale va nécessiter une adaptation des
pays, et notamment des pays en développement. Cette adaptation correspond à
l’ajustement de l’économie qui est une politique de stabilisation des équilibres
macroéconomiques visant à rendre l’économie d’un pays compétitive. Toutefois, les
Pays En voie de Développement (PED), qui ont, lors du cycle de Doha, effectué des
concessions pour avoir leur place dans le commerce mondial, tirent un bilan peu
favorable de cette ouverture. En effet, très peu d’économie du Sud parviennent à se
démarquer dans l’échelle des spécialisations, notamment du fait de la forte
concurrence entre les PED. C’est pourquoi nous pouvons nous demander si
l’ouverture est réellement un facteur de développement économique.
Dans un premier temps, nous verrons que l’ouverture commerciale permet la
croissance. Puis nous traiterons du fait qu’elle n’est pas une condition suffisante au
développement économique.
I/ L’ouverture commerciale favorise la croissance
A. L’ouverture commerciale est source de croissance et de développement
Les économies ouvertes investissent davantage : on constate un lien positif entre le
commerce international et l’investissement et ce pour différents facteurs. Tout
d’abord, par l’exploitation d’économie d’échelles et le transfert de technologie, le
commerce concourt à un accroissement de la spécialisation et à une impulsion de
l’investissement. Ensuite, il y a une corrélation entre la recherchedéveloppement et
l’investissement car des innovations dans les biens d’équipement peuvent conduire à
produire de nouveaux biens de consommation et de services nécessitant de
nouveaux investissements pour entrer sur le marché. Le commerce international
offre, par un marché plus grand, l’ouverture nécessaire à l’investissement dans la
recherchedéveloppement et à l’insertion des innovations qui en résultent sur le
marché. Enfin, le commerce influe sur le taux d’investissement via le commerce des
services financiers, qui entraîne une meilleure allocation et mobilisation des
ressources investies sable. Les banques, grâce à une concurrence croissante et à
l’introduction de nouveaux produits et technologies sur le marché dues au commerce
international, vont permettre le développement du secteur financier national. La
libéralisation commerciale du commerce va, dès lors, bénéficier non seulement aux
grandes entreprises financières multinationales, mais aussi aux établissements de
micro crédits (prêts de faible montant pour des entrepreneurs ou des artisans ne
pouvant accéder aux prêts bancaires classiques) contribuant au redressement et au
développement d’un PED ou PMA.L’ouverture commerciale fait donc émerger de
nouveaux investissements et renforce le secteur financier, ce qui permet une
répartition plus performante des ressources pouvant être investies.
Avec l’ouverture commerciale, les pays réduisent leurs obstacles au commerce,
facilitant ainsi les importations, ce qui accroît le choix et diminue les prix pour les
consommateurs et permet l’importation de facteurs de production meilleur marché
pour les entreprises. Avec la libéralisation du commerce, un ajustement structurel de
l’économie va être nécessaire. Ainsi, les ressources des secteurs peu compétitifs
concurrencés par les importations seront redistribuées vers les activités plus
productives, rendant ainsi l’économie plus efficiente. Si l’ajustement peut être non
immédiat et entraîner des coûts pour l’économie (augmentation du chômage,
problème pour les entreprises de trouver des financements pour développer leur
activité), il va être favorisé par la qualité et la disponibilité des infrastructures, des
services publics et des informations d’un pays. Ces facteurs, ni appropriables, ni
quantifiables en valeur monétaire influent sur l’ampleur des investissements des
entreprises pour développer leur activité : plus ces investissements seront
importants, plus l’ajustement sera long. Ainsi il faut laisser le temps au secteur privé
de s’adapter aux réformes commerciales. Aussi, les Accords de l’OMC prévoient des
délais d’ajustement plus long et des contraintes allégées pour les PED du fait d’une
moindre qualité de leurs infrastructures, du service public et du marché financier.
Toutefois, l’ajustement ne se réduit pas à la période suivant la libéralisation des
échanges. L’environnement économique est en mutation constante pour les
politiques, la technologie… L’ouverture commerciale expose les économies à des
évolutions favorisant la croissance mais nécessitant un ajustement perpétuel.
B. L’ouverture ne va pas juste impulser la croissance, elle va la rendre durable
L’ouverture commerciale favorise la diffusion internationale des savoirs
technologiques (correspondant à la conception ou au modèle d’un nouveau produit,
procédé ou service, pouvant être transféré d’un pays à l’autre) donc l’innovation au
niveau national. Si le transfert technologique passe par les IDE et les partenariats, le
commerce international joue aussi un rôle important. En donnant l’accès aux
entreprises aux biens d’équipement et aux produits intermédiaires étrangers, il
intensifie le transfert de technologie. L’efficacité du commerce pour ce transfert
dépend de la nature, de l’importance et de la provenance des importations.
L’importation de bien à forte intensité technologique (comme les biens d’équipement)
provenant des pays industrialisés concourt à un transfert de connaissance important
dans les pays du Sud. Le succès du transfert de technologie par le commerce est
fonction des politiques et des conditions du pays importateur et passe par la capacité
d’assimilation du pays d’accueil. Cette capacité d’assimilation de nouvelles
technologies va être rendue possible par de bons liens entre recherche universitaire
et recherchedéveloppement permettant d’apprendre à utiliser et à comprendre ces
technologies ainsi qu’un système éducatif de qualité orienté vers une culture de
l’esprit d’entreprise. Aussi un faible écart entre technologies existante et importée et
la capacité d’un pays à accueillir des technologies étrangères vont faciliter
l’assimilation. L’ouverture commerciale, accompagnée de conditions favorables à
l’ouverture, va contribuer au développement économique via le transfert de
technologie.
De ce fait, l’ouverture commerciale oblige les sociétés à rendre plus efficaces leurs
institutions, déterminées par des règles formelles et informelles de comportement
n’ayant pas nécessairement une répercussion instantanée sur le commerce. Cette
qualité des institutions va favoriser le développement économique. Il existe une
relation mutuelle entre ouverture et qualité des institutions. L’ouverture peut avoir un
effet positif sur la qualité des institutions : avec moins d’obstacles au commerce, les
agents économiques pour voir croître les échanges vont chercher à améliorer le
cadre institutionnel. Avec l’ouverture, les connaissances et la compréhension des
institutions étrangères s’accroissent ce qui peut favoriser les réformes. Ainsi, elle va
avoir un effet positif sur la qualité des institutions. La qualité des institutions
transparaît à travers différents indicateurs. Le taux de corruption : plus il est élevé,
moins les investissements et la croissance seront importants. La corrélation entre
ouverture et corruption est négative car les économies ouvertes contrôlent
davantage la corruption. Le niveau des libertés publiques et des droits politiques : la
démocratie sans garantir le meilleur évite le pire (les guerres, les famines…). Selon
MILNER et KUBOTA, la démocratie diminue les obstacles au commerce et favorise
ainsi l’ouverture. Enfin, des droits de propriété surs et stables et la primauté du droit
(qui garantit l’exécution des contrats et le paiement des dettes) donnent une plus
grande confiance dans la société et favorisent ainsi le commerce. Tous ces éléments
déterminent le cadre institutionnel d’un pays. Si les pays industrialisés ont de
nombreuses institutions chargées de la réglementation, de la stabilisation, de la
gestion des conflits permettant ainsi un bon fonctionnement du marché, les PED
pour s’ouvrir vont devoir mettre en place des réformes institutionnelles
d’accompagnement (comme des procédures douanières) très coûteuses pour
récolter le fruit de leur développement. L’OMC va alors, sans coûts importants pour
ces pays, renforcer leur cadre institutionnel (en renforçant le droit de propriété et
créant un schéma d’incitation plus prévisible notamment) favorisant ainsi leur
ouverture.
Si au cours des vingt dernières années la mondialisation ne s’est pas traduite par un
accroissement des inégalités mondiales, le niveau des inégalités internationales
reste élevé. Leur réduction est notamment due à la prospérité de la Chine. En
excluant ce pays, on constate dès le début des années 80 une augmentation des
inégalités mondiales. En effet, la mondialisation actuelle n’a pas contribué à une
homogénéisation des niveaux de vie mais à un niveau de revenu par tête organisé
en 3 pôles : les pays pauvres, riches et un groupe d’intermédiaires, assez réduit,
dont les pays tendent à intégrer l’un des deux autres pôles. Ce pole intermédiaire est
luimême marqué par une divergence des situations avec un accroissement des
écarts des PIB par tête. Cette divergence de croissance conduitelle à des
différences dans l’ouverture commerciale des PED ? Pour la Banque mondiale, le
lien entre ouverture et croissance est solide. En effet, elle atteste du fait que les PED
qui ont une croissance économique rapide sont les plus intégrés dans les échanges
mondiaux. Pourtant, rien ne prouve que l’insertion dans les échanges soit nécessaire
à la croissance. Certains travaux empiriques vont d’ailleurs le montrer : avec un
indicateur d’ouverture commerciale pour 22 pays sur 30 ans, on voit que ce ne sont
pas les pays les plus ouverts qui sont convergents. En effet, les niveaux et progrès
de l’ouverture sont moins différents entre les pays riches et pauvres qu’au sein de
ces groupes. En se basant sur 76 pays pendant 10 ans, on constate une croissance
du PIB plus élevé dans les pays ouverts avant l’observation que pour les pays
fermés ou s’ouvrant sur la période. Mais dans ces groupes il y a une hétérogénéité
des situations : certains pays fermés ont même une croissance supérieure au pays
les plus pauvres des 2 autres groupes. Ainsi, l’ouverture n’apparaît ni déterminante,
ni suffisante au développement. Les relations entre ouverture et développement
économique sont assez complexes. Il apparaît qu’il faudrait un niveau de
développement déjà atteint pour obtenir les gains attendus de l’ouverture. Ensuite,
pour que l’ouverture commerciale soit un succès il faut un bon fonctionnement des
mécanismes de marché : ainsi les réformes (fiscales, juridiques, institutionnelles)
accompagnant l’ouverture sont aussi importantes que l’ouverture ellemême. Enfin,
tout pays ne gagne pas à l’ouverture. Avec la théorie de l’avantage comparatif selon
lequel chaque pays participant à la mondialisation doit se spécialiser dans la
production pour laquelle il a le plus grand avantage. Un pays peut donc, de ce fait,
abandonner une production motrice de la croissance pour un secteur moins porteur.
Certaines spécialisations sont ainsi plus favorables à la croissance. Néanmoins, les
PED, surtout spécialisés dans les produits primaires, deviennent dépendant de
marchés instables et peu dynamiques et ainsi peu propices à une croissance stable
et durable.
B. Les principes de l’OMC pour l’ouverture n’ont pas que des effets positifs
pour les Pays En voie de Développement (PED)
L’OMC qui s’intéresse de près à la question du développement a une vision très
réductrice de l’ouverture peu favorable aux PED. Dès le milieu des années 50
émerge l’idée qu’avec des degrés de développement différents, les pays n’espèrent
pas les mêmes bénéfices de l’ouverture commerciale. Ainsi, les PI et les PED ne
vont pas être tenus aux mêmes engagements face au système multilatéral (accord
signé et appliqué par plusieurs Etats) : les PED bénéficient du principe de
nonréciprocité, c'estàdire qu’ils sont signataires d’accords multilatéraux, tout en
pouvant protéger leurs industries naissantes et éviter les déséquilibres de la balance
des paiements. Ce traitement spécial et différencié (TSD) va être développé durant
le Tokyo Round (197379). Mais dès le début des années 80, l’idée que l’ouverture
commerciale est la meilleure façon de favoriser le développement domine, ce qui
passe par l’ajustement des économies endettées. Ainsi l’ouverture de nombreux
PED va se faire de façon unilatérale, c'estàdire ne provenir que d’une seule partie.
Pourtant au cours des négociations multilatérales, les PI cherchent, en ouvrant leur
propre marché, à ouvrir les marchés des PED. Pendant l’Uruguay Round, la
progression des pays émergents dans le commerce mondial et l’ouverture croissante
de leur marché, va conduire à la remise en cause du principe de TSD. Les PED vont
donc faire de nombreuses concessions, comme concéder un meilleur accès à leur
marché aux pays du Nord dans l’agriculture et le textile, réduire l’autonomie de leurs
politiques, et le principe de signature unique va concourir à l’adhésion de tous les
PED à ces négociations. Si le principe de nonréciprocité n’est pas remis en cause
officiellement, il apparaît fortement altéré et sans réel contenu. D’une part, les
clauses de meilleurs efforts facilitant l’intégration des pays du Sud par les Pays
Industrialisés deviennent juste formelles, alors que d’autre part les barrières tarifaires
et non tarifaires, les mesures antidumping vont quant à elles limiter les exportations
des pays du Sud. L’ouverture est alors faite sans prendre en compte la situation
réelle des PED. Si des initiatives comme « Tout sauf les Armes » prise par l’UE
suppriment les quotas et tarifs sur les produits des PMA pour favoriser leur ouverture
commerciale, les PED, regroupant le plus grand nombre de pauvres, sont oubliés.
Cela pose trois types de problèmes. Tout d’abord, de nombreux PED asiatiques
doivent leur croissance à une ouverture tardive de leur marché (après l´augmentation
de leurs exportations manufacturières et que le renforcement de leurs institutions),
mais aujourd’hui ces politiques commerciales favorisant les exportations ne sont plus
possibles. Ensuite, la mise en place des règles liées aux Accords de l’OMC
nécessite des capacités économiques et institutionnelles que les PED n’ont pas et
ces coûts ont été peu pris en compte ou sousestimés. Toutefois dans ces pays des
dépenses de santé ou d’éducation semblent plus urgentes que celles favorisant
l’ouverture. Enfin, on constate un déséquilibre Nord / Sud important dans le pouvoir
de négociation. Les règles du commerce internationales sont définies selon les
intérêts des pays du nord et dans un manque total de transparence. Par exemple, la
propriété intellectuelle, garante de l’innovation, est aujourd’hui trop protégée et
empêche les pays les plus pauvres de bénéficier des transferts de technologies.
L’OMC, par ces accords, a fait comme si l’adoption par les PED des règles adaptées
aux pays développés, allait favoriser les échanges et de ce fait le développement
économique des PED, ce qui n’est évidemment pas le cas. Si certains préconisent la
remise en cause le principe de signature globale, et des dispositifs plus flexibles pour
démanteler les obstacles tarifaires et non tarifaires aux frontières et permettre une
ouverture à l’ensemble de la production, cela ne résout pas le problème des
obstacles internes aux échanges auquel s’attaque la libéralisation. Pour les
théoriciens anglosaxons, il faut égaliser les conditions politiques, sociales et
culturelles de l’échange. Si l’on voit le commerce comme toujours bénéfique au
développement alors il ne faut pas limiter cette égalisation. Cependant, si le
commerce n’est qu’une condition du développement, alors les caractéristiques
propres au pays (institutionnelles, préférences collectives) qui ont un rôle dans le
développement doivent être préservées et il doit être admis qu’il y a des limites à ce
développement. C’est ce que défend RODDICK. Pour lui il faut privilégier le
développement par l’adoption de règles commerciales propices à la diversité des
normes et des institutions du pays, et non les flux d’échanges qui se traduisent par
l’adoption de règles communes.
Malgré l’expérience peu concluante des PED qui montre que l’ouverture
commerciale n’est pas toujours garante de développement économique, cette idée
reste prépondérante. Si l’OMC tente de redonner confiance en ce système
multilatéral qu’elle a mis en place en faisant du développement sa priorité, il paraît
évident que la création d’un nouveau modèle de gouvernance mondiale permettant
une nouvelle vision des liens entre commerce et développement nécessite plus
qu’un cycle de négociations…
Bibliographie
« Rapport sur le commerce mondial » extrait, OMC, Genève, 2004, BENSIDOUN et
CHEVALIER
« Ouverture du Sud : priorité au développement » in L’Economie Mondiale, 2003,
CEPII, éd.La Découverte, Paris.