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La croissance économique est l’instrument le plus efficace pour réduire la

pauvreté. Aucun pays n'a réussi à développer son économie en tournant le dos
au commerce international. Pratiquement tous les pays qui ont atteint une
croissance économique soutenue y sont parvenus en saisissant les
opportunités offertes par la libéralisation des marchés mondiaux. Cela dit, de
nombreux pays à faible revenu se heurtent encore à de gros obstacles qui les
empêchent de développer et de diversifier leurs échanges. En outre, la réforme
et la libéralisation du commerce n’a pas toujours produit les avantages
escomptés en termes d’expansion des courants d’échanges, de croissance et de
réduction de la pauvreté. Les effets de la réforme et de l'expansion du
commerce sur les pauvres sont très variables selon le contexte et dépendent
des habitudes de consommation des pauvres, ainsi que de la mesure dans
laquelle la croissance induite par le commerce se matérialise dans des zones où
vivent des hommes et des femmes pauvres et des secteurs où ils exercent une
activité.

Les pays s‘engagent habituellement généralement dans le commerce


international pour vendre leurs produits et services sur de nouveaux marchés,
ce qui leur permettra de produire plus et ainsi profiter d‘économies d‘échelles.
En s‘engageant dans le commerce international, un pays décide habituellement
d‘axer sa production dans les secteurs où il est plus compétitif
internationalement. Ses importations se constitueront des produits et services
dont il est moins compétitif à produire. Le commerce international est
l'ensemble des activités commerciales requises pour produire, expédier,
vendre, et consommer des biens et des services au niveau international. Les
théories classiques qui supportent le commerce international remontent à
environ 200 ans. Adam Smith formula la théorie des avantages absolus et David
Ricardo, quant à lui, celle des avantages comparatifs. Cependant, la notion de

1
pauvreté est difficile à définir, car elle varie selon le contexte que l‘on analyse.
Selon le programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), pour
les pays en développement (« PED »), voire des pays les moins avancés (« PMA
»), la pauvreté se définit comme le manque de ressources matérielles et de
conditions de vie nécessaires à la vie ou du moins à une vie digne d‘un humain.
Il convient de rajouter que la pauvreté est multidimensionnelle, car elle
concerne non seulement le revenu des individus, mais également leur santé,
nutrition, éducation, et même leurs droits civils et libertés. (Kohl, R. (2009). «
Globalisation, Poverty and Inequality », OECD Publishing).

De ce fait, le commerce international affecte la pauvreté à travers ses effets à


deux niveaux : au niveau macroéconomique (la croissance et la stabilité
macroéconomique, l’impact sur les recettes publiques), au niveau
microéconomique (l’impact sur les ménages et les salaires, l’évolution des
salaires et de l’emploi, les prix) (Groupe de la banque Mondiale et Organisation
Mondiale du Commerce, 2015 ; Winters et al, 2004).

Premièrement sur les Prix et disponibilité des produits. Le commerce profite


aux pauvres de la même manière qu’à la plupart des autres catégories, en
abaissant le prix des importations et en maintenant le prix des produits de
substitution aux importations à un niveau peu élevé, d’où une hausse des
revenus réels. Les produits importés dont les pauvres peuvent avoir le plus
besoin sont les aliments de base, les médicaments et autres produits médicaux
ou sanitaires de base, les vêtements usagés.

Deuxièmement sur Salaires et emploi. La théorie des échanges montre


comment le commerce influe sur les salaires et l’emploi dans des conditions
très particulières qui, dans la pratique, sont rarement vérifiées. Pour une
analyse plus générale, des études empiriques suggèrent qu’au moins deux

2
facteurs déterminent de façon directe l’impact du commerce international sur
les salaires et l’emploi des pauvres. D’abord, en fonction de la flexibilité des
marchés du travail, la réforme commerciale peut entraîner des répercussions
soit sur l’emploi, soit sur les salaires. Lorsque la législation du travail empêche
les entreprises d’ajuster leurs effectifs, la majeure partie de l’ajustement aux
variations du prix relatif des produits se traduit par des variations des salaires
réels. Quand la législation relative au salaire minimum interdit les ajustements
de salaire à la baisse mais que la main-d’œuvre est très mobile, les ajustements
prennent alors la forme de mouvements d’effectifs.

Deuxièmement, la suppression des barrières commerciales peut entraîner une


baisse des salaires relatifs dans ces segments-là de la population active.

L’impact du commerce sur les recettes publiques et programmes en faveur des


pauvres. Le remplacement des obstacles non tarifaires par des droits de
douane et l’élimination des exonérations font généralement augmenter les
recettes budgétaires. De même, quand le droit initial est prohibitif, son
abaissement peut amplifier les flux d’échanges, donc gonfler les recettes. En
outre, la diminution des droits élevés atténue l’attrait de la contrebande et de
la corruption, ce qui peut accroître le volume des marchandises enregistrées et
donc, là aussi, les recettes de l’État, une simplification du régime vers un
barème plus unitaire, limité à quelques tarifs, peut accroître la transparence et
faciliter l’administration fiscale, ce qui améliore les recettes.

L’effet du commerce international sur la pauvreté est renforcé par la mise en


œuvre d’autres politiques publiques adéquates comme les infrastructures, les
règles de concurrence et le marché financier (Winters, 2004 ; Goff et Singh,
2016). Par ailleurs, d’autres auteurs comme Singh et Huang (2011) ont conclu
qu’une plus grande ouverture commerciale accroît le taux de pauvreté, aggrave

3
la profondeur de la pauvreté et réduit le revenu du quintile le plus pauvre dans
les pays africains au sud du Sahara. Guillaumont-Jeanneney et Kpodar (2011)
ont abouti au même résultat pour les pays en développement (Goff et Sinh,
2016).

Ces conclusions controversées nécessitent de mener des études de cas pour


confirme sinon infirmer, sachant qu’on a l’opportunité de prendre en
considération les spécificités du pays étudier. Goff et Sinh (2016) ont trouvé par
exemple que la relation commerce-pauvreté était différente pour l’ensemble
des pays étudiés et variait selon le niveau d’éducation, le niveau de
développement du marché financier et selon la gouvernance.

1. De ce fait quels sont les effets du commerce international sur la pauvreté


au Gabon ?
2. L’intégration de l’enseignement /apprentissage du lien entre le
commerce international et la pauvreté au lycée serait-elle appropriée ?

Depuis 2010, la politique de développement économique du Gabon repose


sur la mise en œuvre du Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE). Le PSGE
déclinait les grandes orientations fixées par le Président de la République
dans la conduite des politiques publiques jusqu’en 2025. Après le passage
de la pandémie du corona virus, pour mener à bon port le projet
d’accélération de la transformation du pays, le conseil des ministres du 22
Janvier 2021 a mis en place un Conseil National de Coordination de
transformation (PAT). Selon la Banque mondiale, la récession économique
de 2020 a entraîné une augmentation de l’extrême pauvreté au Gabon. En
effet, d’après la dernière note de conjoncture de la Banque mondiale sur le
Gabon, la pandémie de Covid-19 a exacerbé la pauvreté, avec un taux de
pauvreté national estimé à 34,1 % en 2021, contre 32,4 % en 2019.

4
Parallèlement, en 2021, l’emploi a souffert des mesures restrictives
imposées par le gouvernement pour prévenir de nouvelles vagues
d’infection, entraînant une baisse des revenus des ménages, en particulier
pour les travailleurs indépendants et les travailleurs informels qui ont subi
de considérables pertes de revenus. Et en dépit d’une reprise économique
progressive amorcée en 2021, les conditions de vie de la population ne sont
pas encore revenues à leur niveau d’avant la crise, soutient la Banque
mondiale. Partant de ce constat, la question de la lutte contre la pauvreté
est d’actualité au Gabon.

La présente étude essayera d’apporter des réponses à ces interrogations.


Car, l’analyse du lien entre le commerce international et la pauvreté revêt
un intérêt tant sur le plan scientifique que sur le plan pédagogique.

Sur le plan scientifique, la nécessité d’étendre l’analyse sur le lien entre le


commerce international et la pauvreté en prenant appuis sur l’impact du
commerce sur les pauvres suppose de mettre un accent particulier sur les
différents canaux de transmission sur la vue des plus pauvres. Cette
problématique trouve tout son sens au Gabon vu que le plan d’accélération
de la transformation 2021-2023, cadre avec le plan stratégique Gabon
émergent 2025 qui est un programme de réformes économiques dont
l’objectif est de moderniser l’économie gabonaise, la diversifier et
permettre à chaque Gabonais d’accéder à un niveau de vie décent. L’intérêt
scientifique est donc de montrer que le commerce international est un
déterminant dans la réduction de la pauvreté au Gabon.

Sur le plan pédagogique, le commerce international a toujours été analysé


de manière isolée comme sous axe de la mondialisation. Or, force est de
constater que plusieurs études récentes accordent un intérêt particulier sur

5
le lien entre le commerce international et la pauvreté. Il est donc urgent
pour notre pays d’intégrer dans les programmes de formation des classes de
terminale B, l’enseignement/ apprentissage du lien entre le commerce
international et la pauvreté afin de comprendre les effets du commerce
international sur la vie des pauvres.

L’objectif général de notre travail vise à établir un lien entre le commerce


international et la pauvreté au Gabon pour permettre aux élèves et aux
enseignants de mieux appréhender ces concepts.

Notre étude comportera deux objectifs spécifiques à savoir :

 Vérifier si le commerce international est un déterminant de la


réduction de la pauvreté au Gabon d’une part
 Et permettre aux élèves de la classe de terminale B d’expliquer qu’il
est possible d’établir un lien entre le commerce international et la
pauvreté d’autre part.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons formulé deux hypothèses qui vont
nous servir de fil conducteur dans ce travail.

Hypothèse 1 : le commerce international constitue une solution à la réduction


de la pauvreté au Gabon.

Hypothèse 2 : l’élaboration d’une leçon selon le dispositif O.P.A.E permettra


aux élèves de mieux appréhender le lien entre commerce international et la
pauvreté

La méthodologie adoptée pour mener cette étude s’inscrit dans deux cadres. Le
premier cadre repose sur une importante recherche documentaire. Il nous a
conduit à privilégier plusieurs sources (revues, articles, mémoires et sites
internet) ayant abordé la relation entre commerce international et la pauvreté.

6
Le deuxième cadre à partir duquel nous avons bâti ces travaux, est celui d’un
questionnaire d’enquête mené chez les élèves dans quelques établissements

Notre mémoire est organisé autour de deux grandes parties comportant


chacune deux chapitres. La première partie aborde la revue de littérature des
littératures et empiriques sur les relations entre le commerce international et la
pauvreté. La seconde partie traitera de la situation économique et commerciale
du Gabon. Le chapitre 1 de cette partie présente l’analyse du cadre conceptuel.
Le chapitre 2 présente une importante approche théorique et empirique du
lien entre le commerce international et la pauvreté. Le chapitre 3 aborde la
démarche méthodologique qui nous permet de vérifier si le commerce
international permet de réduire la pauvreté. Le chapitre 4 présente des
recommandations de l’institut Pédagogique Nationale (IPN) et une suggestion
de leçon sur le lien entre développement durable et diversification économique
selon le dispositif OPAE de Libreville.

PARTIE I : revue de littérature entre commerce international et pauvreté

Le débat sur le commerce international est très ancien et occupe encore une
place importante au niveau de la littérature économique. Les premiers
ouvrages traitant ce thème étaient les mercantilistes suivis par les classiques et
les néoclassiques ainsi que les autres théoriciens. Les mercantilistes
privilégiaient plutôt les exportations que les importations. Cependant, les
classiques mettent sur le même pied les exportations et les importations par la
théorie de l'équilibre automatique de la balance des paiements.

7
La question autour de l’influence de l’ouverture commerciale sur la vie des
pauvres restent un sujet à débattre. Au niveau des stratégies de
développement, certaines théories encouragent le libre-échange tandis que
d’autres soutiennent la politique commerciale orientée vers l’intérieur. Cette
première partie essaie de dégager les différentes théories et les études
empiriques sur la relation entre le commerce international et la pauvreté. Le
premier chapitre va traiter les idées théoriques relatives au commerce
international et le concept de la pauvreté. Et le second chapitre abordera les
relations entre le commerce international et la pauvreté en étudiant la relation
existante entre la croissance économique, la pauvreté, l’inégalité et le
commerce extérieur.

CHAPITRE I : GÉNÉRALITÉ SUR LE COMMERCE INTERNATIONAL ET LA PAUVRETÉ

Le commerce international ne cesse d’évoluer au fil du temps. De même les


différentes théories y afférentes essaient de dégager les idées relatives à
l’ouverture commerciale. L’affectation du commerce extérieur sur la vie de
chacun notamment sur les pauvres reste un débat à travers les analystes tant
dans les études théoriques qu’empiriques.

Section I : Revue théorique du commerce international

Nombreuses études montrent que le commerce international favorise et


accélère la croissance économique et le développement d’un pays. Mais
d’autres analyses préfèrent l’orientation de la politique commerciale vers

8
intérieur. La première thèse repose sur la théorie du libre-échange. Et le
second est le partisan de la « théorie du développement du tiers monde » 1

§1. Théorie libérale du commerce international

Les partisans du libre-échange pensent que les différents pays ont intérêt à
échanger de façon libre pour accroître leurs propres richesses et donc la
richesse mondiale.

1. Les théories traditionnelles du commerce international

1.1. Les fondateurs : Adam Smith et David Ricardo

Adam Smith et David Ricardo sont les premiers à exposer les avantages que
pourraient tirer les pays dans le commerce international, en mettant en
évidence la théorie de libres échanges. Leurs thèses ont été prolongées par la
théorie du XXème siècle qui réitère l’analyse des déterminants et des gains de
l’échange, tout en demeurant intensément fidèle au libre échangisme.

1.1.1. L’origine : Théorie d’avantages absolus d’Adam Smith

Adam Smith (1723-1790) est le premier fondateur du libéralisme moderne.


Pour lui, la véritable richesse est le produit qu’on peut consommer. La richesse
provient de la production matérielle.2 « Le but de son œuvre est de déterminer
les moyens d’accroitre cette production pour enrichir la nation ».

Le premier moyen d’augmenter la production est la division du travail. Il


montre par son exemple de manufacture d’épingle, que la division du travail
est le principal facteur de l’extension de la productivité.

1
ECHAUDEMAISON C. Daniele, Dictionnaire d’économie et de Sciences Sociales, 6ème Edition Nathan 2003,
page 494
2
MONTOUSSÉ Marc, Théorie économique, Ed. Bréal, 2008, page 12

9
Le deuxième moyen d’enrichir la nation est de laisser les individus s’enrichir,
parce qu’en cherchant l’intérêt personnel, on enrichit non intentionnellement
l’intérêt général et donc la nation, c’est la notion de sa célèbre main invisible.

Le troisième moyen de s’enrichir consiste nécessairement à se procurer les


produits aux meilleurs prix. Il est possible d’acheter à l’extérieur ce qui est
moins cher. Smith préconise le libre-échange et comprend que celui-ci mène
inévitablement à une spécialisation internationale. Il explique qu’une nation
n’a pas intérêt à produire un bien qu’il peut importer à un prix plus faible. Il
formule cette théorie par sa célèbre théorie des avantages absolus selon
laquelle chaque pays a intérêt à se spécialiser dans les produits pour lesquels il
est plus avantagé et à abandonner la production des autres produits en
recourant aux importations.

La théorie des avantages absolus consiste seulement à comparer la position


d’un pays dans un produit par rapport à celle d’un autre ou des autres pays
dans le même bien. Si un pays a un produit à moindre coût, il peut l’exporter et
échanger contre un autre produit. Selon ce raisonnement, un pays qui n’a pas
d’avantages absolus dans tous les biens, ne peut pas vendre à l’extérieur et
sera condamné en autarcie.

D. Ricardo affirme alors qu’A. Smith confond les notions de compétitivité et


celles de spécialisation3. La compétitivité ou les avantages absolus s’observe en
comparant le coût pour concevoir un produit donné par rapport au coût des
pays concurrents. Et la spécialisation ou avantage comparatif consiste à savoir
dans quel produit un pays est meilleur ou moins mauvais pour la production
d’un bien par rapport aux autres biens et par rapport aux autres pays.

1.1.2. L’intuition de Ricardo : l’argument en termes d’avantages comparatifs


3
HANAUT Anne et El MOUHOUB Mouhoud, Économie Internationale, France Quercy, septembre 2002, page
42

10
David Ricardo, au 19ème siècle, par sa théorie des avantages comparatifs, a
démontré que plus un pays était ouvert, plus cela lui permettait de réorienter
ses ressources rares vers des secteurs plus efficients et d’améliorer son bien-
être.

Ricardo montre qu’un pays peut trouver son avantage au commerce extérieur,
même s’il est inférieur aux autres pays dans toutes les branches d’activités,
pourvu qu’il se spécialise là où son infériorité est la plus faible. Chaque pays a
intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle il possède un avantage
comparatif.

Tous les pays gagnent avec l’échange international. En effet, ils ont intérêt à
s’ouvrir au commerce mondial, quel que soit leur handicap en matière de coûts
comparatifs. Le libre échange qui facilite les échanges commerciaux, doit être
établi partout, car toutes les nations en retirent des bénéfices.

Selon les théories libre-échangistes, l’ouverture ne peut pas être source de


déséquilibre. Ricardo démontre que, en cas de libre-échange, la balance des
comptes s’équilibre automatiquement, aucun déficit durable n’est donc à
craindre. En effet, un déficit provoque naturellement des sorties d’or en
réduisant la quantité d’or détenue par le pays et en accroît sa valeur, de ce fait,
les prix intérieurs diminuent. Le pays, gagnant en compétitivité, peut exporter
davantage et importer moins. Ce mécanisme autorégulateur intervient aussi
en cas d’excédent.

En situation de libre-échange, les balances commerciales sont donc toutes


équilibrées sur le long terme, c’est le protectionnisme qui, sous prétexte de
corriger les déséquilibres, en constituant la principale cause. En démontrant
que tous les pays, quel que soit leur degré de développement, peut bénéficier

11
du commerce international, la théorie de Ricardo reste le fondement de toute
la théorie du commerce international.

a. Le principe des avantages comparatifs

L’exemple de Paul Krugman4 pour mettre en évidence le mécanisme des


avantages comparatifs va être pris. Il a considéré le cas de l’Union Européenne
et de la Chine.

En admettant que l’Union européen fabrique dix millions de chemises et que


les ressources utilisées pour cette production peuvent permettre de produire
dix mille voitures. Mais la Chine peut avoir douze millions de chemises ce qui la
permet de produire trois mille voitures. Cette différence de production permet
une réorganisation mutuelle bénéfique pour la production mondiale.
Supposons que l’Union européenne abandonne la fabrication de chemises et
oriente toutes ses ressources à la production de voiture et la Chine consacre
ses ressources à la production des chemises. La spécialisation de l’Union
européenne dans la voiture et de la Chine dans le textile permet d’augmenter
la production mondiale : deux millions chemises et sept mille voitures
supplémentaires. Cette hausse permet d’augmenter aussi bien le niveau de vie
dans chacun des pays producteurs que celui des consommateurs de chemises
et de voitures.

Tableau I : Effets d’une spécialisation (avantages comparatifs)

Millions de chemises Milliers de voitures


Union européen -10 +10
Chine +12 -3
Total +2 +7

4
KRUGMAN P, OBTFELD M., MELITZ M., Économie internationale, 9ème Ed. Nouveaux Horizons, 2012, page 32

12
Source : Conception de l’auteur tiré par P. Krugman, M. Obtfeld, M. Melitz
“Economie internationale”, 9 ème Ed. Nouveaux Horizons, 2012, page 32.

b. Les gains dans les avantages comparatifs

Les pays qui disposent de productivités relatives différentes sont amenés à se


spécialiser et à commercer. Au niveau de la spécialisation, dans le libre-
échange, les pays producteurs produisent plus et les consommateurs
élargissent sa possibilité de consommation.

Une façon de mettre en évidence l’existence de gains à l’échange dont


profitent les deux pays consiste à se représenter la spécialisation et le
commerce comme une production implicite. En effet, le pays domestique peut
choisir de produire lui-même le bien x sur le marché mondial. Dans le premier
cas, il devra sacrifier une heure de travail pour produire 1/aLx unité de bien x.
Dans le second cas, cette même heure de travail servira de produire 1/aLy unité
de bien y, qu’il peut échanger contre (1/aLy)(Py/Px) unités de bien x. Tant que
Py/Px>aLy/aLx, cette seconde solution sera avantageuse puisque :
(1/aLy)(Py/Px)>1/aLx.

Une autre méthode consiste à examiner l’impact du commerce sur la possibilité


de consommation dans chaque pays. En autarcie, les pays sont identiques aux
possibilités de production : il s’agit des droites FP et F*P* comme montre le
graphe suivant. En situation de libre-échange, dans le cas général où le prix
relatif des biens se situe entre les prix relatif d’autarcie, chaque pays se
spécialise dans le secteur où il bénéficie d’un avantage comparatif : selon la
figure suivante, l’économie domestique ne produit que du fromage et se place
donc au point F.

Graphique I : Le Commerce élargit les possibilités de consommation

13
Source: Auteur, imité à partir de Krugman P. (2012)

Le commerce international permet aux deux pays de consommer n’importe


quelle quantité située respectivement sous les droites TF et T*F*. Cette
quantité peut se situer au-delà de la frontière des possibilités de production de
chacun des deux pays.

1.2. La théorie des dotations de facteurs (HOS)

Selon cette théorie, les avantages comparatifs ne proviennent pas seulement


de la productivité du travail mais de l'ensemble des facteurs de production
(capital, terre, ressources minérales) dont dispose un pays. Les pays vont se
spécialiser et exporter des produits qui nécessitent des facteurs de production
relativement abondants chez eux et importer des produits à des facteurs de
production rares. Cette spécialisation au niveau des facteurs de production va
entrainer une tendance à l'égalisation des rémunérations de ces facteurs entre
les pays (donc le facteur rare moins demandé verra son prix baissé, et le
facteur aura un prix élevé. Cette tendance permettra le rapprochement des
niveaux internationaux de développement de chaque pays5.

2. Les nouvelles théories du commerce international

Ces nouvelles théories expliquent les échanges de produits similaires entre les
pays. L'existence d'économie d'échelle et la recherche de différenciation des

5
NOUSHI Marc et BENICHI Régis, La croissance aux XIXème et XXème siècles, édition hazan, 1990, page 40.

14
firmes oligopolistiques, l'unification croissante du marché mondial et les
stratégies de firmes multinationales en sont les déterminants principaux.

Krugman met l'accent sur les économies d'échelle et la différenciation de


produits pour expliquer les échanges internationales6

2.1. Économie d'échelle et commerce international

Les économies d'échelle (ou rendements croissants) expriment une réduction


du coût moyen du produit lorsque la quantité fabriquée augmente, c'est-à-dire
que la production est d'autant plus efficiente que l'échelle sur laquelle elle est
faite est importante. Les firmes les plus efficaces dans un type de production
ont intérêt à se spécialiser, à accroître leur volume de production pour réduire
leur coût. Seules les grosses firmes resteront efficientes et formeront un
marché mondial oligopolistique.

2.2. Marchés oligopolistiques et différenciation des produits

Sur les marchés mondiaux, les firmes différencient leurs produits pour
bénéficier d'une situation de monopole. De cette façon, des produits de
variétés différentes peuvent être proposés aux consommateurs et font l'objet
d'échanges intra branches.

2.3. La stratégie des firmes multinationales


 Le développement des firmes multinationales a un impact important sur
les échanges internationaux en entrainant des flux déterminés par les
stratégies de mise en œuvre : sur les marchés internationaux,
l'implantation d'une firme aura pour effet de réduire les flux d'échanges
internationaux (production sur place, réduction des exportations du pays
d'origine),

6
KRUGMAN P, OBTFELD M., MELITZ M., Économie internationale, 9ème Ed. Nouveaux Horizons, 2012, page 31.

15
 les échanges entre les filiales de groupes multinationaux représentent
plus du tiers du commerce international, pour : un taux d'imposition
différent selon les pays, spécialisation des filiales, coût de main d'œuvre.

§2. Théorie du développement du tiers-mondiste

La théorie de développement tiers-mondiste rejette la conception


néoclassique de l’échange international en prouvant que les pays du tiers
monde dépendent toujours des pays industrialisés en matière d’échanges
extérieurs. Cette théorie, quoique loin d’être unifiée et regroupant des
courants très différents, est fréquemment dénommée « théorie de la
dépendance »7

Selon cette thèse, le sous-développement des pays du Sud ne s'explique


pas en termes de retard (Walt Rostow, 1961)8 mais en termes
d'organisation structurelle de l'économie mondiale. Le sous-développement
est le résultat d’une dominance exercée par certains pays aux dépens du
reste du monde. Par conséquent, les problèmes de développement ne sont
pas internes aux PED mais sont plutôt déterminés par des facteurs externes.

La CEPAL, dont Raul PREBISCH est le principal représentant, montre que


l’échange international sera nécessairement déséquilibré et la balance
commerciale des PED est régulièrement déficitaire. Les pays du centre (pays
développés) importent des produits primaires dont la demande croit moins
vite que le revenu tandis que la périphérie (PED) importe des produits
manufacturés dont la demande augmente plus rapidement que le revenu.
Cette asymétrie engendre un déséquilibre structurel des balances
commerciales des pays de la périphérie : les termes de l’échange se

7
ALBERTINI JM, SILEM Ahmed, Lexique économique, 9ème édition, Dalloz, page 251.
8
DEUBEL Philippe, Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, Pearson Éducation France,
2008, page 475

16
dégradent au moment même où les besoins en importations manufacturées
de la périphérie augmentent. Ce déséquilibre ne se résoudra que par un
endettement cumulatif qui pèsera sur les possibilités de croissance et les
indépendances nationales.

Pour Prebisch, les blocages de la croissance de l’Amérique Latine


proviennent essentiellement de sa mauvaise insertion dans la division
internationale du travail (DIT). Sa spécialisation dans les produits primaires
induit de nombreux blocages :

 Une partie importante du revenu national est ponctionnée par


détérioration des termes de l’échange dont sont victimes les produits
primaires.
 La dualité de l’économie
 En cas d’industrialisation, qui est la solution pour la domination par le
centre, il est nécessaire d’importer des biens d’équipements et des
biens intermédiaires, d’où une dépendance technologique.
 Pour compenser la détérioration du terme de l’échange,
l’exportation de produits primaires doit augmenter ; de ce fait, la
production agricole doit être de plus en plus orientée vers les
produits d’exportation, d’où une insuffisance de la production
vivrière et la nécessité d’importer des produits alimentaires pour les
urbains.

Samir AMIN (1973) considère que l’origine du sous-développement réside dans


la colonisation et dans la néo-colonisation, qui produisent la dépendance
(orientation de la production en fonction des besoins des pays du centre). Il
soutient aussi que le sous-développement perdure en raison des relations
centre/périphérie, qui mènent à un échange inégal et donc à une exploitation

17
du tiers monde par les pays développés. Le mode de développement orienté
vers extérieur du PED engendre une perpétuation de sa dépendance. La
solution est de rompre avec le système mondial et de se déconnecter des
échanges internationaux ainsi que de mettre en place une stratégie
autocentrée.

Pour Arghiri EMMANUEL9, les échanges internationaux sont dominés par les
pays industrialisés et contribuent à l’accroissement des inégalités et à la
dépendance du tiers monde.

L’échange est inégal, puisque l’asymétrie entre le centre et la périphérie


produit des effets de domination. Les facteurs explicatifs de l’échange inégal se
traduisent par le bas niveau des prix des produits de base, l’instabilité des cours
des produits de base et les obstacles à l’exportation des produits
manufacturés.

Arthur LEWIS met l’accent sur les spécificités des pays en développement. Il
est considéré comme le fondateur principal de la théorie du développement
car :

 Il émet les théories de l’échange inégal, en expliquant que les échanges


entre les pays riches et les pays pauvres n’obéissent pas à la loi « à travail
égal, salaire égal » ;
 Il annonce la théorie de la dépendance lorsqu’il s’oppose à la théorie des
avantages comparatifs et qu’il affirme que des relations internationales
entre un pays dominant et un pays dominé risquent de constituer un
obstacle au développement du pays le plus pauvre ;
 Il fonde la théorie du dualisme

9
ECHAUDEMAISON C. Daniele, Dictionnaire d’économie et de Sciences Sociales, 6ème Edition Nathan 2003,
page 157.

18
Dans les pays en développement, le secteur traditionnel se caractérise par une
grande quantité de main-d’œuvre et propose donc une offre de travail illimitée.
Sur ce secteur, les postulats de l’économie de marché ne tiennent pas, les
considérations sont extraéconomiques, la tradition occupe une place
importante et les individus ne sont pas motivés par la maximisation du profit.
La croissance provient dès lors du secteur capitaliste moderne, qui
progressivement, absorbe les excédents de main-d’œuvre du secteur
traditionnel. Mais, si le secteur capitaliste (et c’est souvent le cas) est tourné
vers l’exportation, les gains de productivité risquent de ne profiter qu’aux seuls
pays importateurs, qui sont souvent en mesure de faire baisser les prix.

Les marxistes considèrent que le commerce international est expliqué par


l'évolution des systèmes capitalistes. L'exploitation des PED devient nécessaire
pour la prospérité des pays capitalistes développés pour diverses raisons,
comme la recherche de débouchés extérieurs, la nécessité d'importer à bas
prix et l'implantation des filiales dans les PED. Ils considèrent que l'échange
international est ainsi responsable de la pauvreté des pays du tiers monde
comme du développement des pays occidentaux.10

En somme le commerce international repose sur les échanges de biens et


services entre les pays. Sur ce, les théoriciens ont une vision différente. Les
adeptes de la thèse libérale, initié par Adam Smith et ses prolongements
classiques et modernes, prônent le libre-échange. Mais les théoriciens de la
dépendance et les structuralistes trouvent que les échanges entre les pays
riches et les pays pauvres sont inégaux, en faveur de pays riches et en
l’encontre de pays pauvres. Pour cela, les théoriciens de la dépendance
suggèrent que les pays pauvres doivent mettre en place une politique

10
POPOV Youri, Économie politique et problèmes de l’Afrique, édition de l’Agence de presse Novosti, Moscou,
1982, page 95

19
économique basé sur le marché intérieur. Et les structuralistes affirment que,
pour rendre plus équitable le commerce international, il faut avoir un nouvel
ordre économique international (NOEI).

Section II : Pauvreté : concept et mesure

La pauvreté est un phénomène mondial et le débat sur cette notion elle-même


connaît sans cesse des évolutions. Elle présente d’un fléau à plusieurs facettes
dont quelques-unes vont être abordées dans cette section.

§1. Concept de pauvreté

La pauvreté est difficile à définir d’une façon unanime. La raison est bien
simple, la pauvreté porte sur plusieurs aspects aussi divers et variés que les
réalités quotidiennes de chaque individu.

Dans le RMDH 1997, on demande aux individus de s’exprimer sur la définition


de la pauvreté. Et les réponses sont diverses, selon le cas de personnes
interviewées. Pour un mendiant « la pauvreté, cela veut dire ne jamais avoir
assez à manger ». Une mère célibataire dit que « La pauvreté, c’est la solitude ;
c’est le fait de n’avoir nulle part où aller à la fin de la journée … ». Un réfugié
résume sa perception de la pauvreté en ces termes « …c’est l’impossibilité de
vivre chez soi. C’est la vie dans un camp de réfugiés et l’absence de
perspectives pour mes enfants »11

Malgré ces divergences sur les définitions précédentes très subjectives, trois
grandes approches de la pauvreté semblent s’imposer dans la pensée
économique au fil du temps. Il s’agit de l’approche par le revenu, l’approche du
point de vue des besoins essentiels et l’approche en termes de capacités. 12
11
PNUD : Politiques de croissance pro-pauvre : Contraintes et défis au Bénin, 2011, page 37.
12
DUBOIS Jean Luc, Pauvreté et inégalités : situation et politiques de réduction, IRD, 1999, page 39.

20
1. Approche de la pauvreté par le revenu

L’approche revenu de la pauvreté est très prédominante. Elle était même


perçue comme la seule approche. Cette ascendance a été favorisée par la
Banque Mondiale dont les travaux sur la pauvreté se fondent sur l’approche
revenu.

1.1. Généralité de l’approche

Cette approche repose sur la notion de bien-être économique. Elle se réfère à


la théorie microéconomique de l’utilité qui veut que chaque individu s’emploie
à maximiser son utilité, qui est le reflet de ses préférences. C’est ainsi que dans
la littérature, l’approche revenu est qualifiée de « welfarisme » ou plus
particulièrement d’utilitarisme.13

Le bien-être économique est ainsi apprécié par le niveau de vie atteint, en


termes de revenu correspondant à une consommation considérée acceptable.
Ce faisant, l’approche revenu met l’accent sur les dimensions monétaires du
bien-être.

De ce point de vue, une personne est pauvre lorsque son niveau de revenu ou
de consommation est inférieur à un seuil, défini comme étant le minimum
requis au regard des standards de la société considérée.

Puisque les préférences et les réalités varient d’un individu à l’autre, et d’un
pays à l’autre, le choix du seuil plancher peut se faire au niveau de chaque
individu (seuil subjectif), de chaque pays (seuil relatif) ou à l’échelle globale
(seuil absolu).

1.2. Choix du seuil de pauvreté

13
RAZAFINDRAVONONA Jean, Pauvreté et distribution des services sociaux à Madagascar, Thèse de Doctorat
en Economie, Université d’Antananarivo, 2007, page 22.

21
Généralement, deux grandes approches sont retenues pour le choix du seuil de
pauvreté, encore appelé ligne de pauvreté : l’approche relative et l’approche
absolue14.

 Seuil relatif : la ligne de pauvreté relative se calcule en tenant compte de


la répartition générale des revenus d’une population dans un pays
donnée. Par exemple, le seuil peut être fixé au tiers du revenu moyen ou
de la consommation moyenne d’un pays. Le caractère relatif est lié au
fait que le seuil est défini par rapport à un pays et non par rapport à
l’ensemble des pays.
 Seuil absolu : Le seuil de pauvreté absolue est défini comme la dépense
pour un minimum de biens alimentaires pour assurer le maintien en
bonne santé d’une famille type, auquel s’ajoute une certaine provision
pour la couverture des besoins non alimentaires. En quelques mots, ce
seuil est associé à certaines normes absolues sur les éléments dont les
ménages doivent disposer pour couvrir leurs besoins fondamentaux.

En stratégie de lutte contre la pauvreté, cette approche préconise des


politiques axées sur l'augmentation de la productivité, de l’emploi et donc
du revenu, pour alléger la pauvreté.

2. Approche de la pauvreté par les besoins essentiels ou besoins de base

Cette approche est qualifiée non welfariste basée sur les besoins de base
ou besoins essentiels. L’approche de la pauvreté par les besoins essentiels
met particulièrement l’accent sur le fait que tout être humain, pour mener
une vie décente, doit pouvoir satisfaire un certain nombre de besoins
fondamentaux, en particulier l’éducation, la santé, la nutrition, l’eau
potable, les aménagements sanitaires, l’habitat, les services de transport

14
MILANO Serge, La pauvreté dans les pays riches, du contrat à l’analyse, édition Nathan, 1992, page 37

22
public. Ces éléments peuvent s’étendre à la sécurité, à la vie
communautaire, au respect de la personne humaine15.

De ce cas, un individu est pauvre s’il n’arrive pas à satisfaire tout ou partie
des besoins de base. Il vit donc dans un état de privation ou de dénuement
qui ne lui permet pas de mener une vie correcte.

Sur le plan conceptuel, l’analyse de la pauvreté en termes des besoins


essentiels ne s’intéresse pas en premier lieu au bien-être, mais en priorité à
l’existence, à la satisfaction des besoins de base. Ainsi, si l’approche revenu
met l’accent sur le bien-être économique, l’approche par les besoins
essentiels », insiste sur le fait que « l’on doit "être" avant "d'être bien" »
(Asselin & Dauphin [2000]). De ce fait, l’approche par les « besoins
essentiels » introduit une vision plus humanitaire par rapport à l’approche
revenu16.

C’est à ce titre que ses partisans privilégient plutôt les politiques contre la
pauvreté axées sur la satisfaction des besoins de base. Pour eux,
l’augmentation des revenus ne pourra pas profiter à toutes les couches de la
société du moment où la distribution des revenus n’est pas uniforme. Et
même si la distribution des revenus serait uniforme, les individus n’utilisent
pas toujours leur augmentation de revenu pour accroître leur nutrition et
leur santé.

En réalité, la distribution des ressources à l’intérieur des ménages est


inéquitable et se fait le plus souvent au détriment de la couche de la
population pauvre. Aussi, contrairement à l’approche revenu qui proscrit
l’interventionnisme, l’approche besoins essentiels encourage-telle une plus
grande implication des pouvoirs publics, notamment dans les services de
15
DUBOIS Jean Luc, Pauvreté et inégalités : situation et politiques de réduction, IRD, 1999, page 39.
16
PNUD : Politiques de croissance pro-pauvre : Contraintes et défis au Bénin, 2011, page 40

23
base tels que l’éducation, la santé, l’eau et l’assainissement qui sont plus
facilement satisfaits par des services publics qu’à travers l’accroissement
des revenus des populations17.

3. Approche par les capacités

L’approche de la pauvreté par les capacités est encore récente. Cette


approche soutient que la pauvreté ne saurait se résumer en une question de
satisfaction des besoins de base et encore moins le bien-être ou l’utilité,
mais avant tout en des habiletés et des capacités humaines.

Trois éléments structurent cette approche : les biens et services


(commodities), les fonctionnements (functionings) et les capacités
(capabilities). Les biens et services (commodities) possèdent la
caractéristique de rendre possible les fonctionnements, c’est-àdire un
ensemble de façons « d’être et de faire ». Les capacités correspondent aux
libertés, aux habilitations des personnes à choisir parmi divers
fonctionnements, à saisir les opportunités qui se présentent à elles 18.

L’approche par les capacités indique que la pauvreté dépend en fait de la


capacité, de la liberté de cette personne de choisir parmi les divers
fonctionnements possibles.

Ainsi, dans cette approche, le pauvre est celui qui n’a pas les capacités
d’atteindre un certain sous-ensemble des manières de faire et d’être, et par
conséquent de saisir les opportunités qui s’offrent à lui. Le plus important
est le fait de disposer ou non de certaines capacités fonctionnelles
élémentaires, en l’occurrence, pouvoir se nourrir convenablement, pouvoir
éviter ou prévenir des maladies, pouvoir se loger et se vêtir de manière
17
Idem
18
REBOUD Valérie, Amartya Sen : un économiste du développement. Agence Française de Développement,
Département de la Recherche, 2008, page 45-46.

24
adéquate, pouvoir apparaître sans honte en public et pouvoir prendre part à
la vie communautaire19

À la différence de ces deux approches précédentes, cette approche met


l’accent sur les capacités et les fonctionnements, c’est-à-dire sur les
capacités fonctionnelles ou le pouvoir faire et le pouvoir être, tandis que les
deux premières approches portent davantage sur les fonctionnements et les
accomplissements (être et bien être)20

En termes de politiques économique et sociale, l’approche par les capacités


amène à orienter les actions de lutte contre la pauvreté dans le sens de
l’autonomisation ou de l’habilitation des populations.

§2. Indicateurs et mesure de la pauvreté21

Avant tout, noter qu’il ne faut pas confondre indicateur, mesure et indice de
la pauvreté. Pour expliquer cette différence prenons un exemple : « un
indicateur de revenu d’un ménage, "y" avec le fait que ce ménage soit
pauvre (mesure de pauvreté) selon un certain seuil de pauvreté y*, ou
encore avec le pourcentage des ménages pauvres dans la population (indice
de pauvreté) »22. Le choix des indicateurs permet de mesurer la pauvreté
dans les dimensions considérées (individu, ménage, quartier, région,
pays…). Des différents indicateurs peuvent être cités selon les concepts de
la pauvreté évoqués précédemment, et de nombreux indices de mesure de
la pauvreté. Les plus fréquents font l’objet de la synthèse qui suit.

1. Indicateurs de pauvreté

19
PNUD : Politiques de croissance pro-pauvre : Contraintes et défis au Bénin, 2011, page 42.
20
Idem.
21
La rédaction de cette sous-section est basé sur le cours de RAZAFINDRAVONONA Jean « pauvreté et inégalité
» en DEA Économie 2014 à l’Université d’Antananarivo et de PNUD : Politiques de croissance propauvre :
Contraintes et défis au Bénin, 2011, page 43-54.
22
ASSELIN Louis-Marie, ANYCK Dauphin, Mesure de la pauvreté : un cadre conceptuel, Direction Études et
Formation, 2000, page 27.

25
Généralement, il dégage progressivement le consensus sur la nécessité de
combiner les trois approches de base afin d’obtenir un panorama complet de la
pauvreté. En effet, chaque approche met l’accent sur des aspects spécifiques,
lesquels se reflètent dans les indicateurs.

1.1. Indicateurs de pauvreté en référence à l’approche revenu

L’approche par le revenu ou encore l’utilitarisme met l’accent sur le bien-être


économique. Or, le bien-être économique est une notion empreinte de
subjectivité et non observable. Dès lors, ce courant a recours aux indicateurs de
type revenu, patrimoine, consommations ou dépenses. Les principaux
indicateurs rencontrés dans la littérature, en référence à l’approche « revenu »,
se déclinent comme ce qui est trouvé dans l’annexe I.

Ces indicateurs ont une portée limitée et sont exclusivement d’ordre


monétaire. Cependant, ils présentent l’avantage de ne pas privilégier un bien
particulier. Ils sont ainsi censés traduire les préférences globales des individus.

1.2. Indicateurs de pauvreté en référence à l’approche basée sur les besoins


essentiels

L’appréciation de la satisfaction des besoins essentiels s’opèrent usuellement à


travers des indicateurs relatifs à la nutrition, l’éducation, la santé, au logement
et aux vêtements, avec toutefois une particularité. Les indicateurs privilégiés
par l’approche de la pauvreté selon les besoins de base sont ceux qui se
rapportent aux résultats, aux accomplissements plutôt qu’à l’accès (cf. annexe
II).

1.3. Indicateurs de pauvreté en référence à l’approche basée sur les capacités

26
À la différence de l’approche par les besoins essentiels qui se focalise
principalement sur les accomplissements, l’approche par les capacités privilégie
surtout les indicateurs d’accès.

Toutefois, Desai (1994) suggère d’utiliser également les indicateurs


d’accomplissement tels que le taux de mortalité et l’espérance de vie,
désagrégés par sexe et groupe d’âge, pour juger de la capacité des individus à
prévenir la mortalité et la morbidité évitables, de même que tous les
indicateurs de satisfaction des besoins de base.

De façon générale, l’approche par les capacités prend en compte une gamme
variée d’aspects visant l’autonomisation des populations. Aussi, regroupe-t-elle
les questions liées aux droits et liberté, à l’accès au crédit et aux ressources, à
l’implication sociale, à la protection (cf. annexe III).

2. Mesure de la pauvreté

La mesure de la pauvreté consiste à comparer pour chaque ménage, la valeur


de l’indicateur retenu au seuil de pauvreté et de traduire le résultat en un seul
nombre, un indice, pour toute la population. Cette mesure met essentiellement
l’accent sur trois aspects que sont « l’incidence, la profondeur et la sévérité de
la pauvreté »23.

2.1. Incidence, profondeur et sévérité de la pauvreté

L’incidence, la profondeur et la sévérité constituent les trois angles de mesure


de la pauvreté, en particulier lorsque les indicateurs retenus sont de type
quantitatif ou monétaire.

2.1.1. Incidence de la pauvreté

23
RAZAFINDRAVONONA Jean, Cours pauvreté et inégalité, DEA Economie Université d’Antananarivo, 2014

27
La mesure la plus simple (et encore la plus couramment employée) est l'indice
numérique de pauvreté qui est égal au pourcentage de la population dont la
consommation (ou toute autre mesure appropriée du niveau de vie), y, est
inférieure au seuil de pauvreté z. Supposons que, aux termes de cette
définition, q personnes soient jugées pauvres dans une population de taille n.
L'indice numérique de pauvreté, H, est alors toute simplement la proportion de
la population qui est jugée pauvre24.

q
L’incidence de la pauvreté se définit dans ce cas par H= n elle varie ainsi entre

0 et 1, et souvent se représente en pourcentage.

L’incidence de la pauvreté présente l’avantage d’être compréhensible et facile


à communiquer. Elle fait d’ailleurs partie des indications utilisées pour mesurer
le premier OMD, à savoir réduire de moitié la proportion de la population dont
le revenu est inférieur à 1 dollar US par jour.

Toutefois, l’incidence, en tant que mesure de la pauvreté, présente deux


insuffisances majeures. En premier lieu, elle ne rend pas compte de la
détérioration des conditions des pauvres, ou de l’amélioration des conditions
des non-pauvres, surtout si celle-ci s’opère au détriment des pauvres. En effet,
une réduction du niveau de vie des ménages pauvres ne se traduit pas par une
aggravation de l’incidence, tout comme une augmentation du niveau de vie des
ménages non pauvres, ne réduit pas l’incidence de la pauvreté. En second lieu,
un transfert de ressources (dans le cas de la pauvreté monétaire par exemple)
d’un ménage non pauvre ou pauvre vers un ménage plus pauvre se traduira par
une réduction de l’incidence de la pauvreté que si le ménage bénéficiaire est
amené par-dessus la ligne de pauvreté, dans le cas contraire, l’incidence de la
pauvreté reste identique.
24
RAVALLION Martin, Comparaisons de la Pauvreté, concepts et méthodes, Banque mondiale Washington, D.C.
20433, 1996, page 51.

28
En substance, l’incidence de la pauvreté est une mesure qui ne reflète pas
suffisamment la situation des pauvres. Pour cette raison, l’incidence est
complétée par deux autres mesures de la pauvreté que sont la profondeur et la
sévérité.

2.1.2. Profondeur de la pauvreté

La profondeur de la pauvreté mesure le déficit moyen des pauvres. Elle est


obtenue en rapportant la somme des écarts des pauvres, relativement au seuil
de pauvreté, à la taille de la population totale. Elle permet ainsi d’évaluer les
ressources totales nécessaires pour amener l’ensemble de la population pauvre
au niveau du seuil de pauvreté.

( )
q
1 z− y i
La profondeur se détermine par la formule : PG= ∑ 1
n i z

La profondeur ne souffre pas de la première insuffisance relevée sur l’incidence


de la pauvreté. En effet, la baisse des ressources d’un pauvre se traduit par une
augmentation de la profondeur de la pauvreté. Cependant, elle tombe sous le
coup de la seconde insuffisance, car un transfert de ressources d’un pauvre
vers un autre ménage moins pauvre ne modifie pas la profondeur tant que le
ménage bénéficiaire demeure pauvre. Cette mesure ne rend donc pas compte
des inégalités parmi les pauvres.

2.1.3. Sévérité

La sévérité de la pauvreté est une mesure qui intègre à la fois l’écart des
pauvres par rapport au seuil de pauvreté (écart de pauvreté) et l’inégalité
parmi les autres. Elle accorde une attention plus marquée aux plus pauvres.
Plus elle est élevée (elle varie entre 0 et 1), plus l’inégalité est prononcée au
sein de la population considérée.

29
La mesure de la sévérité de la pauvreté s’exprime habituellement sous la forme
quadratique (écart de pauvreté au carré). Cette formulation permet d’attribuer
implicitement une pondération plus importante aux plus pauvres et partant de
privilégier les personnes en situation d’extrême pauvreté. Elle est définie par :

( )
q 2
1 z − y ⋅i
S= ∑
n i=1 z

La sévérité ne présente aucune des deux insuffisances relevées pour


l’incidence. Toutefois, elle ne peut être déterminée que pour les indicateurs de
type quantitatif ou monétaire.

Enfin, il y a lieu d’indiquer que la valeur de la sévérité est toujours inférieure à


celle de la profondeur qui elle-même est inférieure à celle de l’incidence. Ainsi,
S ≤ PG ≤ H.

2.2. Indices Foster, Greer & Thorbecke [1984] (FGT)

Les indices mentionnés ci-dessus pour illustrer l’incidence, la profondeur et la


sévérité appartiennent en réalité à une classe spécifique d’indices, construite
par Foster, Greer & Thorbecke [1984]. Les indices FGT se formulent

( ) où α est un paramètre positif qui


q α
1 z− y i
généralement comme suit : pα = ∑
n i=1 z

traduit le degré de ciblage des pauvres ou encore l’importance accordée aux


pauvres. Plus il est élevé, plus la pondération des pauvres est importante. Les
trois indices FGT de base les plus utilisés sont ceux correspondant à α= 0, 1 et
2.

Tableau IV : Indice FGT

α 0 1 2

( ) ( )
Pα q 1
q
z − yi 1
q
z− y i
p0 = P 1= ∑ p2 = ∑
n Π i=1 z n n=1 z

30
Correspond à la Correspond à la Correspond à la
mesure de mesure de la mesure de la
l’incidence de la profondeur de la sévérité de la
pauvreté pauvreté pauvreté.
Source : RAZAFINDRAVONONA Jean, Cours sur la pauvreté et inégalité, DEA
Économie Université d’Antananarivo, 2014.

En matière de politique économique, chacun de ces indices a une implication


spécifique. Ainsi, lorsque les pouvoirs publics ou les partenaires disposent d’un
certain budget donné, pour la lutte contre la pauvreté, si le focus porte sur P0
comme c’est le cas avec l’OMD. Alors la bonne stratégie consisterait à
concentrer les efforts sur les moins pauvres parmi les pauvres, c’est-à-dire les
individus qui se situent juste en dessous de la ligne de pauvreté.

Si le focus porte sur P1, alors il n’y a pas de règle particulière en termes de
ciblage des pauvres. Tout programme en faveur des pauvres se révèle optimal.
Dans ce cas, ce sont les ressources totales effectivement mises à la disposition
des pauvres qui importent, plus que le statut du pauvre. En revanche, si le
focus concerne P2, alors la stratégie appropriée de lutte contre la pauvreté
consisterait à cibler, en premier lieu, les individus les plus pauvres parmi les
pauvres, c’est-à-dire ceux qui sont le plus éloignés de la ligne de pauvreté et
donc en situation d’extrême pauvreté.

31
CHAPITRE II : ÉTUDES DES RELATIONS ENTRE COMMERCE INTERNATIONAL ET PAUVRETÉ

Diverses littératures économiques mobilisent l’influence de l’ouverture commerciale sur la pauvreté.


Les unes considèrent qu’il est difficile de déterminer une liaison directe entre le commerce extérieur
et la pauvreté. De ce point de vue, l’ouverture commerciale favorise tout d’abord la croissance
économique, puis, la croissance est fortement favorable à la réduction de la pauvreté. Mais ces liens
ne sont pas automatiques. La politique de redistribution s’avère aussi nécessaire pour que la
croissance soit bénéfique pour tous. Les autres trouvent qu’il y a des canaux de transmission directe
entre l’ouverture commerciale et la pauvreté (OMC, 2000) 25.

Le présent chapitre expose dans la première section la relation entre commerce international et la
croissance économique ; et la section suivante l’influence du commerce internationale pour la lutte
contre la pauvreté.

Section I : commerce international et croissance économique

Depuis plusieurs décennies, un large débat s’est engagé au sujet des effets d’une ouverture vers
l’extérieur sur la croissance économique. La question qui se pose est de savoir si les politiques
d’ouverture peuvent créer une dynamique de croissance économique. Pour cela, il faut revenir sur la
détermination de la croissance économique.

§1. Fondements théoriques de la croissance économique

1. Le modèle de croissance exogène.

Le modèle de croissance exogène a fondé son explication de la croissance économique sur le taux
d’épargne dans le court terme, et sur le progrès technologique (exogène) dans le long terme 26 . Le
modèle proposé par Solow et Swan en 1956 présente la croissance économique comme étant la
trajectoire suivie par chaque économie depuis son niveau initial jusqu’à son état dit stationnaire (de

25
DAN B. David, NORDSTROM Nakan, WINTERS L. Alan, Commerce international, disparité des revenus et
pauvreté, OMC, 2000.
26
ALBETINI J. M., Les rouages de l’économie nationale, les éditions ouvrières, Paris, 1971, page 155.

32
longue durée). À court terme, l’économie est supposée être dans la phase de transition définie
comme l’étape intermédiaire entre le point de départ et le point d’arrivée du revenu de longue
durée ou entre deux états réguliers. Le taux d’épargne joue le rôle de régulateur de la consommation
des ménages jusqu’au point optimal auquel correspond également un état stationnaire ou régulier
de la croissance27.

Durant cette phase de transition, les politiques d’ouverture peuvent jouer un rôle d’accélérateur de
la convergence des revenus en agissant notamment sur le stock de capital. Le taux de croissance
économique résulte donc de la fonction de variation du stock de capital qui, à son tour, dépend de
l’épargne individuelle.

Ce modèle distingue également deux types de trajectoires (convergence) selon les états réguliers : la
convergence absolue pour les pays qui ont les mêmes caractéristiques et la convergence
conditionnelle pour des pays qui ont des états réguliers différents. Selon cette trajectoire, les pays
pauvres ont des taux de croissance plus élevés que ceux des pays riches parce qu’ils sont très
éloignés de leurs états stationnaires28.

Par ailleurs, Ramsey (1928) a apporté une explication différente concernant la dynamique
transitionnelle de la croissance et de la convergence du revenu (état stationnaire) en considérant que
l’épargne était endogène29

Le taux d’épargne constant permet de définir un état stationnaire sur la courbe du stock de capital,
mais la dynamique de passage d’un état stationnaire à un autre n’est pas exposée dans le modèle. Le
modèle suppose que la croissance de long terme s’explique implicitement par le progrès technique
qui est considéré comme exogène.

2. Les modèles de croissance endogène

Les nouveaux modèles de croissance économique initiés notamment grâce aux travaux de Romer
(1986, 1990), Grossman et Helpman (1991), Aghion et Howitt (1992), et Barro et Sala-i-Martin (1996),
les progrès technologiques sont expliqués de manière plus profonde. La piste de départ est initiée
par Romer (1986) qui, en s’appuyant sur travaux de Arrow (1962) et Sheshinski (1967), justifie les
progrès technologiques comme une accumulation de connaissances acquises à travers le travail 30.

27
AZAM J. P. Théorie macroéconomique de la croissance, Nathan, 1989, page 22-24.
28
Idem, 96.

29
Idem, 99
30
NIYONGABO Gilbert, Politiques d’ouverture commerciale et développement économique, Thèse du Doctorat
en Sciences Économiques, Université d’Auvergne, Clermont-Ferrand I, 2007, page 59.

33
Cette approche va d’une part permettre une modélisation de la croissance économique de long
terme et d’autre part pouvoir éliminer l’hypothèse des rendements décroissants du capital.

En 1990, Romer a apporté une explication complémentaire à son modèle initial en intégrant
l’hypothèse d’une acquisition des connaissances grâce aux dépenses de recherche et
développement.

2.1. Le modèle de Romer (1986, 1990).

Romer (1986) fonde l’explication de la croissance économique par l’accumulation des connaissances
et des innovations technologiques pour éliminer l’hypothèse des rendements décroissants du capital.
Ce modèle dit qu’à force de pratiquer une activité quelconque, cela permet d’accumuler les
connaissances à travers le système de production correspondante. Le capital et le savoir-faire acquis
par l’expérience constituent des sous-produits du système de production en vue des progrès
technologiques.

Le problème qui est posé par ce modèle consiste dans la considération que l’acquisition d’une
nouvelle technologique se fait sans qu’il y ait un investissement volontaire. Romer (1990) va y
remédier en proposant un modèle dans lequel les progrès technologiques résultent d’un
investissement dans le domaine de la recherche et développement.

2.2. Le modèle lié au capital humain.

Lucas (1988), en gardant les hypothèses du modèle initial de Romer (1986), a proposé un modèle
dans lequel les rendements ne sont pas décroissants. Le modèle de Lucas porte essentiellement sur
le rôle du facteur capital humain pour expliquer la croissance économique. Lucas se réfère
notamment à Uzawa (1965) et Arrow (1962), pour démontrer que l’ensemble des connaissances
acquises et la technologie se reproduisent à travers le facteur travail. Il a supposé que l’acquisition
des connaissances à travers le travail confère aux travailleurs une productivité plus grande. Le travail
élargi comprend alors une combinaison du travail primaire et des expériences acquises 31.

Le problème posé par ce modèle est de savoir comment délimiter les effets individuels propres aux
travailleurs et les effets externes qui sont du ressort des connaissances acquises. Lucas (1988) a
considéré que le capital humain qui se rapporte aux effets externes est à rendements non
décroissants. Par ailleurs, le stock des connaissances acquis par les travailleurs durant leur durée de
vie peut se transférer aux générations futures. Autrement dit, il y aurait un accroissement
proportionnel des connaissances et de la population.

31
MONTOUSSE Marc, Théorie économique, édition Bréal 2008, page 79.

34
Le capital humain est donc reproductible et cela, sous deux aspects : Lucas (1988) suppose que le
modèle uni-sectoriel n’a besoin d’aucun facteur matériel. Dans le modèle bi-sectoriel, la
reproduction nécessite simultanément le capital physique et le capital humain.

Ce dernier modèle est plus complexe à cause du rapport existant entre le capital physique et le
capital humain, et dont découlent les taux de salaires. Si la formation du capital physique et du
capital humain provient d’un modèle de production avec les mêmes intensités, la croissance dépend
alors de la position de ce ratio par rapport à l’état régulier.

Le modèle de Lucas-Uzawa propose une fonction de production bi-sectorielle, un cas de figure


considéré comme plus général, et suppose que la croissance dépend du rapport entre les deux
formes du capital et elle est d’autant plus grande que le capital humain est abondant.

En fin de compte, l’élargissement de la notion de capital va permettre à Lucas de résoudre la


question posée par les rendements décroissants du capital physique dans les modèles de croissance
exogène. Par conséquent, le progrès technique n’est plus requis pour garantir une croissance
économique continue qui peut s’appuyer sur le capital humain.

2.3. Le modèle lié aux innovations issues de la recherche.

Dans le modèle initial, Romer (1986) avait présenté l’innovation comme un produit involontaire de la
production en se référant à Arrow (1962), Uzawa (1965) et Sheshinski (1967) 32. Dans une formulation
plus avancée, Romer (1990) a proposé un modèle dans lequel la technologie joue un rôle à part
entière dans la croissance, comme un produit de la recherche mais qui a des caractéristiques propres
par rapport à d’autres biens : son marché est non concurrentiel.

Romer (1990) postule que les innovations technologiques se reproduisent dans un univers
monopolistique par le fait que le savoir-faire est un bien indivisible mais accessible, et a donc des
coûts fixes particuliers. Cependant, comme l’innovation se concrétise par la création de nouveaux
produits sur le marché ou par l’amélioration de la qualité, les charges peuvent être amorties au fur et
à mesure que les entreprises innovatrices augmentent la production. Ce modèle pose certaines
hypothèses :

 Les charges liées à l’innovation diminuent progressivement et augmentent le rendement ;

 Les coûts de la recherche sont proportionnels aux salaires et entraînent une productivité plus
grande pour un nombre élevé de produits.

32
MONTOUSSE Marc, Théorie économique, édition Bréal 2008, page 79-80.

35
Les modèles de diffusion technologique de Grossman et Helpman (1991), Aghion et Howitt (1992),
Barro & Sala-i-Martin (1995) ont présenté également les deux modèles en distinguant les fonctions
de production des pays selon qu’ils sont innovateurs ou imitateurs.

En effet, dans le pays innovateur, la croissance économique est fonction de la recherche et de


l’innovation. Cependant chez l’imitateur, la croissance dépend du rythme de progression de ses
imitations.

Le pays innovateur se caractérise par une production de biens intermédiaires plus élevés que ceux du
pays imitateur et s’assure d’une rente de monopole sur tous les produits. L’élargissement de la
gamme des produits, grâce à l’ouverture commerciale, lui garantit des gains substantiels permettant
de faire face aux charges dues à l’innovation qui, néanmoins, baissent progressivement et
augmentent ainsi le taux de rendement.

À long terme, la production des biens intermédiaires est supposée croître à un taux constant et
constitue le sentier de la croissance économique (Barro et Sala-i-Martin, 1996). Le modèle de Barro
et Sala-i-Martin (1996) suppose que les pays imitateurs sont dotés de la même fonction de
production que les pays innovateurs. Ils ont, par conséquent, l’avantage de pouvoir copier les
produits de leur choix avec des coûts unitaires moins élevés et peuvent aussi atteindre des taux de
croissance plus élevés. Le modèle suppose également qu’il soit possible (à long terme) que tous les
produits innovés puissent être entièrement copiés. À ce moment, les taux de croissance sont les
mêmes : ceux des pays imitateurs finissent par égaler ceux des pays innovateurs en suivant
l’hypothèse de la convergence des revenus.

En fin de compte, le modèle initié par Romer (1986, 1990), puis développé par Grossman et Helpman
(1991), Aghion et Howitt (1992), et Barro et Sala-i-martin (1996), se base sur le progrès
technologique pour expliquer comment la croissance économique de long terme est maintenue par
les innovations issues de la recherche. Le modèle démontre également que, malgré l’existence des
niveaux différents de technologie entre ces pays, les pays en développement ont la possibilité de
rattraper leur retard grâce à leurs politiques d’ouverture commerciale. Ils peuvent alors produire et
exporter des biens quasi similaires à ceux des pays développés et atteindre des revenus élevés.

§2. Divers canaux de transmission de la croissance économique.

1. Affectation du commerce international sur la performance économique

Romain Wacziarg recensait et testait les différents canaux par lesquels le commerce pourrait influer
sur les performances économiques des pays. Il dénombrait quatre sources possibles de gains liés au
commerce international : les économies d'échelle, les accroissements de productivité consécutifs à

36
l’intensification de la concurrence, la diffusion technologique, les réallocations sectorielles
efficientes33 .

1.1. Les effets d’échelle

L’ouverture commerciale permet un élargissement des marchés. En ce sens, elle est à l'origine d'une
mise en commun des ressources, dont le capital humain et la connaissance font partie. Cette
première piste trouve son illustration dans le modèle de Romer (1990) au sein duquel l’ouverture
commerciale est assimilée à des flux d’intrants nécessaires à la production. L’intégration économique
est alors vue comme une mise en commun de ressources productives susceptibles d’accroître le
niveau de production.

1.2. le commerce international et la concurrence entre les pays

Le commerce international entraîne un accroissement de la concurrence pour les producteurs


nationaux. Un tel effet ne doit pas manquer de générer des changements profonds au sein des
économies afin que les entreprises puissent s’adapter et survivre sur le nouveau marché créé. Selon
Feder (1983), la concurrence incite les entreprises nationales à accroître leur productivité, ce qui
apparaît toujours positif en termes de croissance.

1.3. La diffusion technologique

Commerce international, permet la transmission des technologies des pays les plus avancés aux pays
en développement. En ce sens, le commerce est vecteur de convergence. Cependant, cet effet n’est
effectif que si les pays demandeurs ont les ressources suffisantes pour parvenir à imiter ou adapter
les technologies qui leur viennent de l’étranger.

1.4. Les réallocations sectorielles

Cet aspect du commerce international relève pleinement de la théorie du commerce international


qui prévoit comme gains essentiels, statiques à l’échange la spécialisation des pays en fonction de
leurs avantages comparatifs respectifs. Grosman et Helpman (1991) s’attellent à la tâche de
rechercher l’impact du commerce dans le cas où les pays sont dissemblables. Dans ce cas, les
divergences entre pays vont faire que chacun va se spécialiser dans une activité différente.

2. Autres canaux de transmission de la croissance économique

33
COMBES J.-L., GUILLAUMONT Patrick, GUILLAUMONT Jeanneney S., MOTEL Combes P. Ouverture sur
l'extérieur et instabilité des taux de croissance, In : Revue française d'économie, volume 15, n°1, 2000. pp. 3-
33.

37
En partant des modèles de la croissance économique, un certain nombre d’études ont mis en
évidence la corrélation entre l’ouverture commerciale et la croissance économique. Cependant, cette
relation peut s’avérer plus complexe si l’on tient compte des divers canaux transmission de la
croissance économique.

Les modèles de croissance endogène ont mis en avant, de manière plus explicite, certains
mécanismes d’acquisition du progrès technologiques et le contexte d’ouverture qui pousse les
entreprises à devenir plus compétitives, à attirer les capitaux étrangers.

Une des conséquences de l’ouverture est donc le libre accès au marché des biens et à celui des
investissements. Et si durant les années 70, les pays étaient trop fermés pour laisser entrer les
capitaux étrangers, les défis majeurs des années 90 reposent sur le rendement du capital dans un
monde concurrentiel. La question qui peut se poser est de savoir si les pays ouverts disposent de
ressources suffisantes, en termes organisationnels ou de connaissances, pour assurer la rentabilité
des investissements.

Certains facteurs entrent en ligne de compte pour stimuler la croissance économique. Il s’agit
notamment de la scolarisation (Benhabib & Spiegel, 1993), de l’existence des infrastructures (Hall et
Jones, 1999) et d’autres facteurs assez divers et globaux comme la qualité des institutions politiques
et légales (North, 1990). Car, si en Asie l’ouverture commerciale a conduit au rattrapage
technologique, c’est qu’elle s’est accompagnée d’une augmentation des capitaux étrangers, d’une
hausse des taux d’épargne intérieure et de la transparence du marché et de l’esprit d’entreprise et
de concurrence34 . Cependant, les processus d’ouverture commerciale et d’afflux des capitaux n’ont
pas fonctionné avec succès. Ce constat d’échec pourrait même s’étendre vers la plupart des pays
pauvres (les pays moins avancés notamment) si l’on suppose que certains d’entre eux aient adopté
les politiques d’ouverture dans le cadre des réformes économiques des années 80.

Malgré cela, il ne s’agit pas de remettre en question les stratégies du commerce international, car
plusieurs études dont celle de la Banque Mondiale (2001) ou celle de Sachs et Warner (1995) ont
apporté des arguments en faveur de cette orientation économique. Mais le fait que certains pays
sachent tirer profit de l’ouverture commerciale et d’autres non, démontre que d’autres facteurs tels
l’investissement étranger, l’organisation des marchés contribuent à la réussite économique.
L’ouverture constitue un avantage pour certains pays alors qu’ailleurs elle pourrait s’avérer
insuffisante. C’est à ce titre que certaines études se demandent si l’adoption des politiques
d’ouverture pourrait conduire à la croissance économique (Rodriguez et Rodrik, 1999).

34
CHEVRIER Yves, La politique chinoise d'ouverture : nouveau commencement ou impasse ?, In: Revue d'études
comparatives est-ouest, vol. 14, 1995, n°3. pp. 169-183.

38
Ainsi, en l’absence d’un environnement concurrentiel et d’une organisation solide, on risque de
penser que les pays en développement ne peuvent pas bénéficier des avantages de l’ouverture. Il
existe donc plusieurs facteurs par lesquels se transmettent les effets de croissance, l’ouverture ne
constituant qu’un de ces canaux ; les avantages de l’ouverture reposent entre autres sur l’allocation
optimale des ressources et l’accès à une technologie plus avancée. Harrison (1995) a souligné même
que la relation existante entre l’ouverture et la croissance économique pouvait prêter confusion par
le fait qu’elle était associée à d’autres facteurs.

En résumé, comme l'enseigne la théorie économique et dans certaines études empiriques,


l'ouverture commerciale agit positivement sur la croissance des pays en développement à travers
plusieurs canaux à savoir35 :

 une meilleure allocation des ressources : chaque pays se spécialise sur les productions de
biens et de services où il est le plus efficace, ce qui permet un accroissement de la production
et du niveau de vie à quantité donnée de facteurs de production ;
 l'élargissement du marché permet des économies d'échelle et offre aux entreprises les plus
productives une plus grande incitation à innover, poussant vers le haut la productivité de
l'économie dans son ensemble ;

 L’intensification de la concurrence réduit les situations de monopole ;


 L’accès aux nouvelles technologies est accéléré ;
 L’investissement direct étranger est un vecteur primordial de ces évolutions (par l'acquisition
de nouvelles techniques de production, l'ouverture des réseaux de commercialisation des
pays industrialisés à travers le développement des échanges intragroupes, etc.);
 Dans un processus vertueux, l'accroissement de la demande de produits à forte intensité de
main-d’œuvre sur lesquels se spécialisent les pays en développement fait augmenter les
salaires et entraînant une élévation du niveau de vie de la population.

Section II : Influence du commerce international sur les stratégies de lutte contre la pauvreté

35
DELLEUR, Commerce, croissance et réduction de la pauvreté. In: Politique étrangère, n°2 - 2005 - 70 année.
pp. 373-385

39
Il est difficile de déterminer d’une manière simple et générale l’influence de l’ouverture commerciale
sur la pauvreté. Certaines études trouvent qu’elle réduit la misère et d’autres voient le contraire.
L’impact de l’ouverture sur la pauvreté peut également être direct ou par l’intermédiaire de la
croissance économique. Or le débat sur la relation entre la croissance économique et la pauvreté fait
couler beaucoup d’encre dans la littérature économique. C’est la raison pour laquelle la présente
section essaie de voir la liaison entre la croissance économique, l’inégalité et la pauvreté dans la
détermination du lien commerce-pauvreté.

§1. Le lien commerce international et pauvreté par l’intermédiaire de la croissance économique

Comme tenu de la section précédente, le commerce international agit positivement sur la croissance
économique. Des études arrivent même à conclure que les pays ouverts ont une croissance
économique plus élevée que les pays fermés (Sachs et Warner, 1995) 36.

Ainsi, si le commerce international favorise la croissance, on peut s’attendre à une baisse de la


pauvreté. Mais cet impact dépend toutefois de la manière dont on interprète le sujet sur le lien
croissance-pauvreté-inégalité.

1. Incidence de la croissance sur la pauvreté

L’étude de Dollar et Kraay (2002), montre que « la croissance est bonne pour les pauvres ». Les deux
auteurs montrent qu’en moyenne le revenu du quintile le plus pauvre de la population évolue, en
moyenne, au même rythme que le revenu moyen de la population prise dans sa globalité. De plus,
Balla (2002) et Sala-i-Martin (2002) arrivent à conclure dans leur analyse que « la croissance suffit
pour réduire la pauvreté ». Les taux de pauvreté sont beaucoup plus faibles que les données
habituelles et des élasticités pauvreté-croissance supérieures à celles des autres études (au-dessus
de 1)37.

36
DAN BEN David, NORDSTROM Hakan, WINTERS L. Alan, Commerce international, disparités des revenus et
pauvreté, OMC 2000, page 36.
37
MOUJI F., DECALUWÉ B. et PLANE P, Le développement face à la pauvreté, éd. economica, 2006, page 26.

40

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