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pauvreté. Aucun pays n'a réussi à développer son économie en tournant le dos
au commerce international. Pratiquement tous les pays qui ont atteint une
croissance économique soutenue y sont parvenus en saisissant les
opportunités offertes par la libéralisation des marchés mondiaux. Cela dit, de
nombreux pays à faible revenu se heurtent encore à de gros obstacles qui les
empêchent de développer et de diversifier leurs échanges. En outre, la réforme
et la libéralisation du commerce n’a pas toujours produit les avantages
escomptés en termes d’expansion des courants d’échanges, de croissance et de
réduction de la pauvreté. Les effets de la réforme et de l'expansion du
commerce sur les pauvres sont très variables selon le contexte et dépendent
des habitudes de consommation des pauvres, ainsi que de la mesure dans
laquelle la croissance induite par le commerce se matérialise dans des zones où
vivent des hommes et des femmes pauvres et des secteurs où ils exercent une
activité.
1
pauvreté est difficile à définir, car elle varie selon le contexte que l‘on analyse.
Selon le programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), pour
les pays en développement (« PED »), voire des pays les moins avancés (« PMA
»), la pauvreté se définit comme le manque de ressources matérielles et de
conditions de vie nécessaires à la vie ou du moins à une vie digne d‘un humain.
Il convient de rajouter que la pauvreté est multidimensionnelle, car elle
concerne non seulement le revenu des individus, mais également leur santé,
nutrition, éducation, et même leurs droits civils et libertés. (Kohl, R. (2009). «
Globalisation, Poverty and Inequality », OECD Publishing).
2
facteurs déterminent de façon directe l’impact du commerce international sur
les salaires et l’emploi des pauvres. D’abord, en fonction de la flexibilité des
marchés du travail, la réforme commerciale peut entraîner des répercussions
soit sur l’emploi, soit sur les salaires. Lorsque la législation du travail empêche
les entreprises d’ajuster leurs effectifs, la majeure partie de l’ajustement aux
variations du prix relatif des produits se traduit par des variations des salaires
réels. Quand la législation relative au salaire minimum interdit les ajustements
de salaire à la baisse mais que la main-d’œuvre est très mobile, les ajustements
prennent alors la forme de mouvements d’effectifs.
3
la profondeur de la pauvreté et réduit le revenu du quintile le plus pauvre dans
les pays africains au sud du Sahara. Guillaumont-Jeanneney et Kpodar (2011)
ont abouti au même résultat pour les pays en développement (Goff et Sinh,
2016).
4
Parallèlement, en 2021, l’emploi a souffert des mesures restrictives
imposées par le gouvernement pour prévenir de nouvelles vagues
d’infection, entraînant une baisse des revenus des ménages, en particulier
pour les travailleurs indépendants et les travailleurs informels qui ont subi
de considérables pertes de revenus. Et en dépit d’une reprise économique
progressive amorcée en 2021, les conditions de vie de la population ne sont
pas encore revenues à leur niveau d’avant la crise, soutient la Banque
mondiale. Partant de ce constat, la question de la lutte contre la pauvreté
est d’actualité au Gabon.
5
le lien entre le commerce international et la pauvreté. Il est donc urgent
pour notre pays d’intégrer dans les programmes de formation des classes de
terminale B, l’enseignement/ apprentissage du lien entre le commerce
international et la pauvreté afin de comprendre les effets du commerce
international sur la vie des pauvres.
Pour atteindre ces objectifs, nous avons formulé deux hypothèses qui vont
nous servir de fil conducteur dans ce travail.
La méthodologie adoptée pour mener cette étude s’inscrit dans deux cadres. Le
premier cadre repose sur une importante recherche documentaire. Il nous a
conduit à privilégier plusieurs sources (revues, articles, mémoires et sites
internet) ayant abordé la relation entre commerce international et la pauvreté.
6
Le deuxième cadre à partir duquel nous avons bâti ces travaux, est celui d’un
questionnaire d’enquête mené chez les élèves dans quelques établissements
Le débat sur le commerce international est très ancien et occupe encore une
place importante au niveau de la littérature économique. Les premiers
ouvrages traitant ce thème étaient les mercantilistes suivis par les classiques et
les néoclassiques ainsi que les autres théoriciens. Les mercantilistes
privilégiaient plutôt les exportations que les importations. Cependant, les
classiques mettent sur le même pied les exportations et les importations par la
théorie de l'équilibre automatique de la balance des paiements.
7
La question autour de l’influence de l’ouverture commerciale sur la vie des
pauvres restent un sujet à débattre. Au niveau des stratégies de
développement, certaines théories encouragent le libre-échange tandis que
d’autres soutiennent la politique commerciale orientée vers l’intérieur. Cette
première partie essaie de dégager les différentes théories et les études
empiriques sur la relation entre le commerce international et la pauvreté. Le
premier chapitre va traiter les idées théoriques relatives au commerce
international et le concept de la pauvreté. Et le second chapitre abordera les
relations entre le commerce international et la pauvreté en étudiant la relation
existante entre la croissance économique, la pauvreté, l’inégalité et le
commerce extérieur.
8
intérieur. La première thèse repose sur la théorie du libre-échange. Et le
second est le partisan de la « théorie du développement du tiers monde » 1
Les partisans du libre-échange pensent que les différents pays ont intérêt à
échanger de façon libre pour accroître leurs propres richesses et donc la
richesse mondiale.
Adam Smith et David Ricardo sont les premiers à exposer les avantages que
pourraient tirer les pays dans le commerce international, en mettant en
évidence la théorie de libres échanges. Leurs thèses ont été prolongées par la
théorie du XXème siècle qui réitère l’analyse des déterminants et des gains de
l’échange, tout en demeurant intensément fidèle au libre échangisme.
1
ECHAUDEMAISON C. Daniele, Dictionnaire d’économie et de Sciences Sociales, 6ème Edition Nathan 2003,
page 494
2
MONTOUSSÉ Marc, Théorie économique, Ed. Bréal, 2008, page 12
9
Le deuxième moyen d’enrichir la nation est de laisser les individus s’enrichir,
parce qu’en cherchant l’intérêt personnel, on enrichit non intentionnellement
l’intérêt général et donc la nation, c’est la notion de sa célèbre main invisible.
10
David Ricardo, au 19ème siècle, par sa théorie des avantages comparatifs, a
démontré que plus un pays était ouvert, plus cela lui permettait de réorienter
ses ressources rares vers des secteurs plus efficients et d’améliorer son bien-
être.
Ricardo montre qu’un pays peut trouver son avantage au commerce extérieur,
même s’il est inférieur aux autres pays dans toutes les branches d’activités,
pourvu qu’il se spécialise là où son infériorité est la plus faible. Chaque pays a
intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle il possède un avantage
comparatif.
Tous les pays gagnent avec l’échange international. En effet, ils ont intérêt à
s’ouvrir au commerce mondial, quel que soit leur handicap en matière de coûts
comparatifs. Le libre échange qui facilite les échanges commerciaux, doit être
établi partout, car toutes les nations en retirent des bénéfices.
11
du commerce international, la théorie de Ricardo reste le fondement de toute
la théorie du commerce international.
4
KRUGMAN P, OBTFELD M., MELITZ M., Économie internationale, 9ème Ed. Nouveaux Horizons, 2012, page 32
12
Source : Conception de l’auteur tiré par P. Krugman, M. Obtfeld, M. Melitz
“Economie internationale”, 9 ème Ed. Nouveaux Horizons, 2012, page 32.
13
Source: Auteur, imité à partir de Krugman P. (2012)
Ces nouvelles théories expliquent les échanges de produits similaires entre les
pays. L'existence d'économie d'échelle et la recherche de différenciation des
5
NOUSHI Marc et BENICHI Régis, La croissance aux XIXème et XXème siècles, édition hazan, 1990, page 40.
14
firmes oligopolistiques, l'unification croissante du marché mondial et les
stratégies de firmes multinationales en sont les déterminants principaux.
Sur les marchés mondiaux, les firmes différencient leurs produits pour
bénéficier d'une situation de monopole. De cette façon, des produits de
variétés différentes peuvent être proposés aux consommateurs et font l'objet
d'échanges intra branches.
6
KRUGMAN P, OBTFELD M., MELITZ M., Économie internationale, 9ème Ed. Nouveaux Horizons, 2012, page 31.
15
les échanges entre les filiales de groupes multinationaux représentent
plus du tiers du commerce international, pour : un taux d'imposition
différent selon les pays, spécialisation des filiales, coût de main d'œuvre.
7
ALBERTINI JM, SILEM Ahmed, Lexique économique, 9ème édition, Dalloz, page 251.
8
DEUBEL Philippe, Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, Pearson Éducation France,
2008, page 475
16
dégradent au moment même où les besoins en importations manufacturées
de la périphérie augmentent. Ce déséquilibre ne se résoudra que par un
endettement cumulatif qui pèsera sur les possibilités de croissance et les
indépendances nationales.
17
du tiers monde par les pays développés. Le mode de développement orienté
vers extérieur du PED engendre une perpétuation de sa dépendance. La
solution est de rompre avec le système mondial et de se déconnecter des
échanges internationaux ainsi que de mettre en place une stratégie
autocentrée.
Pour Arghiri EMMANUEL9, les échanges internationaux sont dominés par les
pays industrialisés et contribuent à l’accroissement des inégalités et à la
dépendance du tiers monde.
Arthur LEWIS met l’accent sur les spécificités des pays en développement. Il
est considéré comme le fondateur principal de la théorie du développement
car :
9
ECHAUDEMAISON C. Daniele, Dictionnaire d’économie et de Sciences Sociales, 6ème Edition Nathan 2003,
page 157.
18
Dans les pays en développement, le secteur traditionnel se caractérise par une
grande quantité de main-d’œuvre et propose donc une offre de travail illimitée.
Sur ce secteur, les postulats de l’économie de marché ne tiennent pas, les
considérations sont extraéconomiques, la tradition occupe une place
importante et les individus ne sont pas motivés par la maximisation du profit.
La croissance provient dès lors du secteur capitaliste moderne, qui
progressivement, absorbe les excédents de main-d’œuvre du secteur
traditionnel. Mais, si le secteur capitaliste (et c’est souvent le cas) est tourné
vers l’exportation, les gains de productivité risquent de ne profiter qu’aux seuls
pays importateurs, qui sont souvent en mesure de faire baisser les prix.
10
POPOV Youri, Économie politique et problèmes de l’Afrique, édition de l’Agence de presse Novosti, Moscou,
1982, page 95
19
économique basé sur le marché intérieur. Et les structuralistes affirment que,
pour rendre plus équitable le commerce international, il faut avoir un nouvel
ordre économique international (NOEI).
La pauvreté est difficile à définir d’une façon unanime. La raison est bien
simple, la pauvreté porte sur plusieurs aspects aussi divers et variés que les
réalités quotidiennes de chaque individu.
Malgré ces divergences sur les définitions précédentes très subjectives, trois
grandes approches de la pauvreté semblent s’imposer dans la pensée
économique au fil du temps. Il s’agit de l’approche par le revenu, l’approche du
point de vue des besoins essentiels et l’approche en termes de capacités. 12
11
PNUD : Politiques de croissance pro-pauvre : Contraintes et défis au Bénin, 2011, page 37.
12
DUBOIS Jean Luc, Pauvreté et inégalités : situation et politiques de réduction, IRD, 1999, page 39.
20
1. Approche de la pauvreté par le revenu
De ce point de vue, une personne est pauvre lorsque son niveau de revenu ou
de consommation est inférieur à un seuil, défini comme étant le minimum
requis au regard des standards de la société considérée.
Puisque les préférences et les réalités varient d’un individu à l’autre, et d’un
pays à l’autre, le choix du seuil plancher peut se faire au niveau de chaque
individu (seuil subjectif), de chaque pays (seuil relatif) ou à l’échelle globale
(seuil absolu).
13
RAZAFINDRAVONONA Jean, Pauvreté et distribution des services sociaux à Madagascar, Thèse de Doctorat
en Economie, Université d’Antananarivo, 2007, page 22.
21
Généralement, deux grandes approches sont retenues pour le choix du seuil de
pauvreté, encore appelé ligne de pauvreté : l’approche relative et l’approche
absolue14.
Cette approche est qualifiée non welfariste basée sur les besoins de base
ou besoins essentiels. L’approche de la pauvreté par les besoins essentiels
met particulièrement l’accent sur le fait que tout être humain, pour mener
une vie décente, doit pouvoir satisfaire un certain nombre de besoins
fondamentaux, en particulier l’éducation, la santé, la nutrition, l’eau
potable, les aménagements sanitaires, l’habitat, les services de transport
14
MILANO Serge, La pauvreté dans les pays riches, du contrat à l’analyse, édition Nathan, 1992, page 37
22
public. Ces éléments peuvent s’étendre à la sécurité, à la vie
communautaire, au respect de la personne humaine15.
De ce cas, un individu est pauvre s’il n’arrive pas à satisfaire tout ou partie
des besoins de base. Il vit donc dans un état de privation ou de dénuement
qui ne lui permet pas de mener une vie correcte.
C’est à ce titre que ses partisans privilégient plutôt les politiques contre la
pauvreté axées sur la satisfaction des besoins de base. Pour eux,
l’augmentation des revenus ne pourra pas profiter à toutes les couches de la
société du moment où la distribution des revenus n’est pas uniforme. Et
même si la distribution des revenus serait uniforme, les individus n’utilisent
pas toujours leur augmentation de revenu pour accroître leur nutrition et
leur santé.
23
base tels que l’éducation, la santé, l’eau et l’assainissement qui sont plus
facilement satisfaits par des services publics qu’à travers l’accroissement
des revenus des populations17.
Ainsi, dans cette approche, le pauvre est celui qui n’a pas les capacités
d’atteindre un certain sous-ensemble des manières de faire et d’être, et par
conséquent de saisir les opportunités qui s’offrent à lui. Le plus important
est le fait de disposer ou non de certaines capacités fonctionnelles
élémentaires, en l’occurrence, pouvoir se nourrir convenablement, pouvoir
éviter ou prévenir des maladies, pouvoir se loger et se vêtir de manière
17
Idem
18
REBOUD Valérie, Amartya Sen : un économiste du développement. Agence Française de Développement,
Département de la Recherche, 2008, page 45-46.
24
adéquate, pouvoir apparaître sans honte en public et pouvoir prendre part à
la vie communautaire19
Avant tout, noter qu’il ne faut pas confondre indicateur, mesure et indice de
la pauvreté. Pour expliquer cette différence prenons un exemple : « un
indicateur de revenu d’un ménage, "y" avec le fait que ce ménage soit
pauvre (mesure de pauvreté) selon un certain seuil de pauvreté y*, ou
encore avec le pourcentage des ménages pauvres dans la population (indice
de pauvreté) »22. Le choix des indicateurs permet de mesurer la pauvreté
dans les dimensions considérées (individu, ménage, quartier, région,
pays…). Des différents indicateurs peuvent être cités selon les concepts de
la pauvreté évoqués précédemment, et de nombreux indices de mesure de
la pauvreté. Les plus fréquents font l’objet de la synthèse qui suit.
1. Indicateurs de pauvreté
19
PNUD : Politiques de croissance pro-pauvre : Contraintes et défis au Bénin, 2011, page 42.
20
Idem.
21
La rédaction de cette sous-section est basé sur le cours de RAZAFINDRAVONONA Jean « pauvreté et inégalité
» en DEA Économie 2014 à l’Université d’Antananarivo et de PNUD : Politiques de croissance propauvre :
Contraintes et défis au Bénin, 2011, page 43-54.
22
ASSELIN Louis-Marie, ANYCK Dauphin, Mesure de la pauvreté : un cadre conceptuel, Direction Études et
Formation, 2000, page 27.
25
Généralement, il dégage progressivement le consensus sur la nécessité de
combiner les trois approches de base afin d’obtenir un panorama complet de la
pauvreté. En effet, chaque approche met l’accent sur des aspects spécifiques,
lesquels se reflètent dans les indicateurs.
26
À la différence de l’approche par les besoins essentiels qui se focalise
principalement sur les accomplissements, l’approche par les capacités privilégie
surtout les indicateurs d’accès.
De façon générale, l’approche par les capacités prend en compte une gamme
variée d’aspects visant l’autonomisation des populations. Aussi, regroupe-t-elle
les questions liées aux droits et liberté, à l’accès au crédit et aux ressources, à
l’implication sociale, à la protection (cf. annexe III).
2. Mesure de la pauvreté
23
RAZAFINDRAVONONA Jean, Cours pauvreté et inégalité, DEA Economie Université d’Antananarivo, 2014
27
La mesure la plus simple (et encore la plus couramment employée) est l'indice
numérique de pauvreté qui est égal au pourcentage de la population dont la
consommation (ou toute autre mesure appropriée du niveau de vie), y, est
inférieure au seuil de pauvreté z. Supposons que, aux termes de cette
définition, q personnes soient jugées pauvres dans une population de taille n.
L'indice numérique de pauvreté, H, est alors toute simplement la proportion de
la population qui est jugée pauvre24.
q
L’incidence de la pauvreté se définit dans ce cas par H= n elle varie ainsi entre
28
En substance, l’incidence de la pauvreté est une mesure qui ne reflète pas
suffisamment la situation des pauvres. Pour cette raison, l’incidence est
complétée par deux autres mesures de la pauvreté que sont la profondeur et la
sévérité.
( )
q
1 z− y i
La profondeur se détermine par la formule : PG= ∑ 1
n i z
2.1.3. Sévérité
La sévérité de la pauvreté est une mesure qui intègre à la fois l’écart des
pauvres par rapport au seuil de pauvreté (écart de pauvreté) et l’inégalité
parmi les autres. Elle accorde une attention plus marquée aux plus pauvres.
Plus elle est élevée (elle varie entre 0 et 1), plus l’inégalité est prononcée au
sein de la population considérée.
29
La mesure de la sévérité de la pauvreté s’exprime habituellement sous la forme
quadratique (écart de pauvreté au carré). Cette formulation permet d’attribuer
implicitement une pondération plus importante aux plus pauvres et partant de
privilégier les personnes en situation d’extrême pauvreté. Elle est définie par :
( )
q 2
1 z − y ⋅i
S= ∑
n i=1 z
α 0 1 2
( ) ( )
Pα q 1
q
z − yi 1
q
z− y i
p0 = P 1= ∑ p2 = ∑
n Π i=1 z n n=1 z
30
Correspond à la Correspond à la Correspond à la
mesure de mesure de la mesure de la
l’incidence de la profondeur de la sévérité de la
pauvreté pauvreté pauvreté.
Source : RAZAFINDRAVONONA Jean, Cours sur la pauvreté et inégalité, DEA
Économie Université d’Antananarivo, 2014.
Si le focus porte sur P1, alors il n’y a pas de règle particulière en termes de
ciblage des pauvres. Tout programme en faveur des pauvres se révèle optimal.
Dans ce cas, ce sont les ressources totales effectivement mises à la disposition
des pauvres qui importent, plus que le statut du pauvre. En revanche, si le
focus concerne P2, alors la stratégie appropriée de lutte contre la pauvreté
consisterait à cibler, en premier lieu, les individus les plus pauvres parmi les
pauvres, c’est-à-dire ceux qui sont le plus éloignés de la ligne de pauvreté et
donc en situation d’extrême pauvreté.
31
CHAPITRE II : ÉTUDES DES RELATIONS ENTRE COMMERCE INTERNATIONAL ET PAUVRETÉ
Le présent chapitre expose dans la première section la relation entre commerce international et la
croissance économique ; et la section suivante l’influence du commerce internationale pour la lutte
contre la pauvreté.
Depuis plusieurs décennies, un large débat s’est engagé au sujet des effets d’une ouverture vers
l’extérieur sur la croissance économique. La question qui se pose est de savoir si les politiques
d’ouverture peuvent créer une dynamique de croissance économique. Pour cela, il faut revenir sur la
détermination de la croissance économique.
Le modèle de croissance exogène a fondé son explication de la croissance économique sur le taux
d’épargne dans le court terme, et sur le progrès technologique (exogène) dans le long terme 26 . Le
modèle proposé par Solow et Swan en 1956 présente la croissance économique comme étant la
trajectoire suivie par chaque économie depuis son niveau initial jusqu’à son état dit stationnaire (de
25
DAN B. David, NORDSTROM Nakan, WINTERS L. Alan, Commerce international, disparité des revenus et
pauvreté, OMC, 2000.
26
ALBETINI J. M., Les rouages de l’économie nationale, les éditions ouvrières, Paris, 1971, page 155.
32
longue durée). À court terme, l’économie est supposée être dans la phase de transition définie
comme l’étape intermédiaire entre le point de départ et le point d’arrivée du revenu de longue
durée ou entre deux états réguliers. Le taux d’épargne joue le rôle de régulateur de la consommation
des ménages jusqu’au point optimal auquel correspond également un état stationnaire ou régulier
de la croissance27.
Durant cette phase de transition, les politiques d’ouverture peuvent jouer un rôle d’accélérateur de
la convergence des revenus en agissant notamment sur le stock de capital. Le taux de croissance
économique résulte donc de la fonction de variation du stock de capital qui, à son tour, dépend de
l’épargne individuelle.
Ce modèle distingue également deux types de trajectoires (convergence) selon les états réguliers : la
convergence absolue pour les pays qui ont les mêmes caractéristiques et la convergence
conditionnelle pour des pays qui ont des états réguliers différents. Selon cette trajectoire, les pays
pauvres ont des taux de croissance plus élevés que ceux des pays riches parce qu’ils sont très
éloignés de leurs états stationnaires28.
Par ailleurs, Ramsey (1928) a apporté une explication différente concernant la dynamique
transitionnelle de la croissance et de la convergence du revenu (état stationnaire) en considérant que
l’épargne était endogène29
Le taux d’épargne constant permet de définir un état stationnaire sur la courbe du stock de capital,
mais la dynamique de passage d’un état stationnaire à un autre n’est pas exposée dans le modèle. Le
modèle suppose que la croissance de long terme s’explique implicitement par le progrès technique
qui est considéré comme exogène.
Les nouveaux modèles de croissance économique initiés notamment grâce aux travaux de Romer
(1986, 1990), Grossman et Helpman (1991), Aghion et Howitt (1992), et Barro et Sala-i-Martin (1996),
les progrès technologiques sont expliqués de manière plus profonde. La piste de départ est initiée
par Romer (1986) qui, en s’appuyant sur travaux de Arrow (1962) et Sheshinski (1967), justifie les
progrès technologiques comme une accumulation de connaissances acquises à travers le travail 30.
27
AZAM J. P. Théorie macroéconomique de la croissance, Nathan, 1989, page 22-24.
28
Idem, 96.
29
Idem, 99
30
NIYONGABO Gilbert, Politiques d’ouverture commerciale et développement économique, Thèse du Doctorat
en Sciences Économiques, Université d’Auvergne, Clermont-Ferrand I, 2007, page 59.
33
Cette approche va d’une part permettre une modélisation de la croissance économique de long
terme et d’autre part pouvoir éliminer l’hypothèse des rendements décroissants du capital.
En 1990, Romer a apporté une explication complémentaire à son modèle initial en intégrant
l’hypothèse d’une acquisition des connaissances grâce aux dépenses de recherche et
développement.
Romer (1986) fonde l’explication de la croissance économique par l’accumulation des connaissances
et des innovations technologiques pour éliminer l’hypothèse des rendements décroissants du capital.
Ce modèle dit qu’à force de pratiquer une activité quelconque, cela permet d’accumuler les
connaissances à travers le système de production correspondante. Le capital et le savoir-faire acquis
par l’expérience constituent des sous-produits du système de production en vue des progrès
technologiques.
Le problème qui est posé par ce modèle consiste dans la considération que l’acquisition d’une
nouvelle technologique se fait sans qu’il y ait un investissement volontaire. Romer (1990) va y
remédier en proposant un modèle dans lequel les progrès technologiques résultent d’un
investissement dans le domaine de la recherche et développement.
Lucas (1988), en gardant les hypothèses du modèle initial de Romer (1986), a proposé un modèle
dans lequel les rendements ne sont pas décroissants. Le modèle de Lucas porte essentiellement sur
le rôle du facteur capital humain pour expliquer la croissance économique. Lucas se réfère
notamment à Uzawa (1965) et Arrow (1962), pour démontrer que l’ensemble des connaissances
acquises et la technologie se reproduisent à travers le facteur travail. Il a supposé que l’acquisition
des connaissances à travers le travail confère aux travailleurs une productivité plus grande. Le travail
élargi comprend alors une combinaison du travail primaire et des expériences acquises 31.
Le problème posé par ce modèle est de savoir comment délimiter les effets individuels propres aux
travailleurs et les effets externes qui sont du ressort des connaissances acquises. Lucas (1988) a
considéré que le capital humain qui se rapporte aux effets externes est à rendements non
décroissants. Par ailleurs, le stock des connaissances acquis par les travailleurs durant leur durée de
vie peut se transférer aux générations futures. Autrement dit, il y aurait un accroissement
proportionnel des connaissances et de la population.
31
MONTOUSSE Marc, Théorie économique, édition Bréal 2008, page 79.
34
Le capital humain est donc reproductible et cela, sous deux aspects : Lucas (1988) suppose que le
modèle uni-sectoriel n’a besoin d’aucun facteur matériel. Dans le modèle bi-sectoriel, la
reproduction nécessite simultanément le capital physique et le capital humain.
Ce dernier modèle est plus complexe à cause du rapport existant entre le capital physique et le
capital humain, et dont découlent les taux de salaires. Si la formation du capital physique et du
capital humain provient d’un modèle de production avec les mêmes intensités, la croissance dépend
alors de la position de ce ratio par rapport à l’état régulier.
Dans le modèle initial, Romer (1986) avait présenté l’innovation comme un produit involontaire de la
production en se référant à Arrow (1962), Uzawa (1965) et Sheshinski (1967) 32. Dans une formulation
plus avancée, Romer (1990) a proposé un modèle dans lequel la technologie joue un rôle à part
entière dans la croissance, comme un produit de la recherche mais qui a des caractéristiques propres
par rapport à d’autres biens : son marché est non concurrentiel.
Romer (1990) postule que les innovations technologiques se reproduisent dans un univers
monopolistique par le fait que le savoir-faire est un bien indivisible mais accessible, et a donc des
coûts fixes particuliers. Cependant, comme l’innovation se concrétise par la création de nouveaux
produits sur le marché ou par l’amélioration de la qualité, les charges peuvent être amorties au fur et
à mesure que les entreprises innovatrices augmentent la production. Ce modèle pose certaines
hypothèses :
Les coûts de la recherche sont proportionnels aux salaires et entraînent une productivité plus
grande pour un nombre élevé de produits.
32
MONTOUSSE Marc, Théorie économique, édition Bréal 2008, page 79-80.
35
Les modèles de diffusion technologique de Grossman et Helpman (1991), Aghion et Howitt (1992),
Barro & Sala-i-Martin (1995) ont présenté également les deux modèles en distinguant les fonctions
de production des pays selon qu’ils sont innovateurs ou imitateurs.
Le pays innovateur se caractérise par une production de biens intermédiaires plus élevés que ceux du
pays imitateur et s’assure d’une rente de monopole sur tous les produits. L’élargissement de la
gamme des produits, grâce à l’ouverture commerciale, lui garantit des gains substantiels permettant
de faire face aux charges dues à l’innovation qui, néanmoins, baissent progressivement et
augmentent ainsi le taux de rendement.
À long terme, la production des biens intermédiaires est supposée croître à un taux constant et
constitue le sentier de la croissance économique (Barro et Sala-i-Martin, 1996). Le modèle de Barro
et Sala-i-Martin (1996) suppose que les pays imitateurs sont dotés de la même fonction de
production que les pays innovateurs. Ils ont, par conséquent, l’avantage de pouvoir copier les
produits de leur choix avec des coûts unitaires moins élevés et peuvent aussi atteindre des taux de
croissance plus élevés. Le modèle suppose également qu’il soit possible (à long terme) que tous les
produits innovés puissent être entièrement copiés. À ce moment, les taux de croissance sont les
mêmes : ceux des pays imitateurs finissent par égaler ceux des pays innovateurs en suivant
l’hypothèse de la convergence des revenus.
En fin de compte, le modèle initié par Romer (1986, 1990), puis développé par Grossman et Helpman
(1991), Aghion et Howitt (1992), et Barro et Sala-i-martin (1996), se base sur le progrès
technologique pour expliquer comment la croissance économique de long terme est maintenue par
les innovations issues de la recherche. Le modèle démontre également que, malgré l’existence des
niveaux différents de technologie entre ces pays, les pays en développement ont la possibilité de
rattraper leur retard grâce à leurs politiques d’ouverture commerciale. Ils peuvent alors produire et
exporter des biens quasi similaires à ceux des pays développés et atteindre des revenus élevés.
Romain Wacziarg recensait et testait les différents canaux par lesquels le commerce pourrait influer
sur les performances économiques des pays. Il dénombrait quatre sources possibles de gains liés au
commerce international : les économies d'échelle, les accroissements de productivité consécutifs à
36
l’intensification de la concurrence, la diffusion technologique, les réallocations sectorielles
efficientes33 .
L’ouverture commerciale permet un élargissement des marchés. En ce sens, elle est à l'origine d'une
mise en commun des ressources, dont le capital humain et la connaissance font partie. Cette
première piste trouve son illustration dans le modèle de Romer (1990) au sein duquel l’ouverture
commerciale est assimilée à des flux d’intrants nécessaires à la production. L’intégration économique
est alors vue comme une mise en commun de ressources productives susceptibles d’accroître le
niveau de production.
Commerce international, permet la transmission des technologies des pays les plus avancés aux pays
en développement. En ce sens, le commerce est vecteur de convergence. Cependant, cet effet n’est
effectif que si les pays demandeurs ont les ressources suffisantes pour parvenir à imiter ou adapter
les technologies qui leur viennent de l’étranger.
33
COMBES J.-L., GUILLAUMONT Patrick, GUILLAUMONT Jeanneney S., MOTEL Combes P. Ouverture sur
l'extérieur et instabilité des taux de croissance, In : Revue française d'économie, volume 15, n°1, 2000. pp. 3-
33.
37
En partant des modèles de la croissance économique, un certain nombre d’études ont mis en
évidence la corrélation entre l’ouverture commerciale et la croissance économique. Cependant, cette
relation peut s’avérer plus complexe si l’on tient compte des divers canaux transmission de la
croissance économique.
Les modèles de croissance endogène ont mis en avant, de manière plus explicite, certains
mécanismes d’acquisition du progrès technologiques et le contexte d’ouverture qui pousse les
entreprises à devenir plus compétitives, à attirer les capitaux étrangers.
Une des conséquences de l’ouverture est donc le libre accès au marché des biens et à celui des
investissements. Et si durant les années 70, les pays étaient trop fermés pour laisser entrer les
capitaux étrangers, les défis majeurs des années 90 reposent sur le rendement du capital dans un
monde concurrentiel. La question qui peut se poser est de savoir si les pays ouverts disposent de
ressources suffisantes, en termes organisationnels ou de connaissances, pour assurer la rentabilité
des investissements.
Certains facteurs entrent en ligne de compte pour stimuler la croissance économique. Il s’agit
notamment de la scolarisation (Benhabib & Spiegel, 1993), de l’existence des infrastructures (Hall et
Jones, 1999) et d’autres facteurs assez divers et globaux comme la qualité des institutions politiques
et légales (North, 1990). Car, si en Asie l’ouverture commerciale a conduit au rattrapage
technologique, c’est qu’elle s’est accompagnée d’une augmentation des capitaux étrangers, d’une
hausse des taux d’épargne intérieure et de la transparence du marché et de l’esprit d’entreprise et
de concurrence34 . Cependant, les processus d’ouverture commerciale et d’afflux des capitaux n’ont
pas fonctionné avec succès. Ce constat d’échec pourrait même s’étendre vers la plupart des pays
pauvres (les pays moins avancés notamment) si l’on suppose que certains d’entre eux aient adopté
les politiques d’ouverture dans le cadre des réformes économiques des années 80.
Malgré cela, il ne s’agit pas de remettre en question les stratégies du commerce international, car
plusieurs études dont celle de la Banque Mondiale (2001) ou celle de Sachs et Warner (1995) ont
apporté des arguments en faveur de cette orientation économique. Mais le fait que certains pays
sachent tirer profit de l’ouverture commerciale et d’autres non, démontre que d’autres facteurs tels
l’investissement étranger, l’organisation des marchés contribuent à la réussite économique.
L’ouverture constitue un avantage pour certains pays alors qu’ailleurs elle pourrait s’avérer
insuffisante. C’est à ce titre que certaines études se demandent si l’adoption des politiques
d’ouverture pourrait conduire à la croissance économique (Rodriguez et Rodrik, 1999).
34
CHEVRIER Yves, La politique chinoise d'ouverture : nouveau commencement ou impasse ?, In: Revue d'études
comparatives est-ouest, vol. 14, 1995, n°3. pp. 169-183.
38
Ainsi, en l’absence d’un environnement concurrentiel et d’une organisation solide, on risque de
penser que les pays en développement ne peuvent pas bénéficier des avantages de l’ouverture. Il
existe donc plusieurs facteurs par lesquels se transmettent les effets de croissance, l’ouverture ne
constituant qu’un de ces canaux ; les avantages de l’ouverture reposent entre autres sur l’allocation
optimale des ressources et l’accès à une technologie plus avancée. Harrison (1995) a souligné même
que la relation existante entre l’ouverture et la croissance économique pouvait prêter confusion par
le fait qu’elle était associée à d’autres facteurs.
une meilleure allocation des ressources : chaque pays se spécialise sur les productions de
biens et de services où il est le plus efficace, ce qui permet un accroissement de la production
et du niveau de vie à quantité donnée de facteurs de production ;
l'élargissement du marché permet des économies d'échelle et offre aux entreprises les plus
productives une plus grande incitation à innover, poussant vers le haut la productivité de
l'économie dans son ensemble ;
Section II : Influence du commerce international sur les stratégies de lutte contre la pauvreté
35
DELLEUR, Commerce, croissance et réduction de la pauvreté. In: Politique étrangère, n°2 - 2005 - 70 année.
pp. 373-385
39
Il est difficile de déterminer d’une manière simple et générale l’influence de l’ouverture commerciale
sur la pauvreté. Certaines études trouvent qu’elle réduit la misère et d’autres voient le contraire.
L’impact de l’ouverture sur la pauvreté peut également être direct ou par l’intermédiaire de la
croissance économique. Or le débat sur la relation entre la croissance économique et la pauvreté fait
couler beaucoup d’encre dans la littérature économique. C’est la raison pour laquelle la présente
section essaie de voir la liaison entre la croissance économique, l’inégalité et la pauvreté dans la
détermination du lien commerce-pauvreté.
Comme tenu de la section précédente, le commerce international agit positivement sur la croissance
économique. Des études arrivent même à conclure que les pays ouverts ont une croissance
économique plus élevée que les pays fermés (Sachs et Warner, 1995) 36.
L’étude de Dollar et Kraay (2002), montre que « la croissance est bonne pour les pauvres ». Les deux
auteurs montrent qu’en moyenne le revenu du quintile le plus pauvre de la population évolue, en
moyenne, au même rythme que le revenu moyen de la population prise dans sa globalité. De plus,
Balla (2002) et Sala-i-Martin (2002) arrivent à conclure dans leur analyse que « la croissance suffit
pour réduire la pauvreté ». Les taux de pauvreté sont beaucoup plus faibles que les données
habituelles et des élasticités pauvreté-croissance supérieures à celles des autres études (au-dessus
de 1)37.
36
DAN BEN David, NORDSTROM Hakan, WINTERS L. Alan, Commerce international, disparités des revenus et
pauvreté, OMC 2000, page 36.
37
MOUJI F., DECALUWÉ B. et PLANE P, Le développement face à la pauvreté, éd. economica, 2006, page 26.
40