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Bnf: français 111

Mort le roy Artu. Vers 1480.

La notice date ce manuscrit des années 1480: à mes yeux, la proximité de ces enluminures avec le
manuscrit de Guiron le Courtois (1420) marque une continuité de l'équipement militaire sur une
période de soixante ans. On peut aussi y voir la marque de fabrique d'un atelier bien précis venant
d'une ville du royaume de France (le manuscrit de 1480 a été élaboré à Poitiers) . Pour le coup, ces
enluminures sont bien différentes des miniatures flamandes de la fin du Xve siècle.

Le document de base est un récit arthurien, ce qui implique que les enluminures montrent
exclusivement que des personnages nobles: généralement des chevaliers en armure, parfois en
habits civils, et aussi des dames. Quand on peut distinguer des roturiers, ceux-ci sont nombreux et
généralement sous-équipés, même si on distingue des fantassins lourdement armés qu'on peut
difficilement classer chez les chevaliers ou les riches piétons. La difficulté vient du specte social
exclusivement centré sur les chevaliers: rien de suprenant pour un récit arthurien typique de la fin
du Moyen-Âge. La question est alors celle de l'équipemenent militaire chez les combattants aisés
(chevaliers ou non) à la fin du Xve siècle.
Aussi cet article va différencier les différents combattants par une hiérarchie qui se base sur le statut
social reconnu ou supposé en se basant sur un échantillon de miniatures.

Rois et couronnes:

(Arthur à la Bataille de Salisbury)


Ici, la seule distinction possible entre le roi et les autres
chevaliers reste la couronne qu'il porte. En effet, son cheval ne porte
pas de housse armoriée, tout comme son surcot. Le "rose saumon" de
la housse se retrouve sur les surcots et boucliers d'autres combattants,
c'est une couleur purement fictive. En revanche le bleu profond de
son surcot peut rappeler les armoiries royales (on distingue la
bannière royale au loin: d'azur à trois couronnes d'or). Sa targe ne
porte aucun blason, elle est de la même couleur que ses spallières.
Son casque évoque un heaume à tête de crapaud, typique des joutes
(même s'il est en partie caché par la couronne et la targe) et le reste de
son équipement ne le distingue pas des autres combattants de la
même scène.

(Claudas abusé par Saraïde)


Ennemi d'Arthur, Claudas est un roi puissant et redouté dans le
cycle arthurien. L'enluminure le montre ici comme détenteur de la
potestas royale: cheval avec un harnachement incrusté de pierres,
chiens de chasse, suite nombreuse... Son équipement est aussi
représentatif de son rang. Comme Arthur, il porte la couronne sur
ce qui semble être une salade sans visière à laquelle s'ajoute une
bavière. Il porte aussi plusieurs pièces d'armures aux jambles, aux
coudes et aux mains ainsi que des larges épaulières. Il porte un
manteau richement décoré qui cache le reste de son armure, dont la
couleur rappelle aussi son blason (d'azur à un pin d'or)
Il y a quelques autres exemples de rois au combat dans ce manuscrit mais à chaque fois les rois
n'ont qu'une couronne pour les différencier de leurs chevaliers mais l'équipement reste similaire (un
simple surcot brun sur l'armure du roi à la bataille de Winchester). En revanche quand l'artiste veut
montrer le roi dans toute sa splendeur, il représente un équipement de parade qui se superpose à
l'armement militaire.

Chevaliers et Table Ronde.

(Lancelot et l'ermite)

Fils de roi et personnage central de l'intrigue arthurienne, Lancelot est un des


plus nobles chevaliers. L'iconographie à côté nous le montre en armes et
parade, tenant un étendart qui représente un soleil (à la différence de la
bannière, l'étendart ne représente pas les armoiries du chevalier).
Il est coiffé d'une salade à visière et son manteau décoré (non attaché) laisse
apparaitre son armure ainsi que ses jambières de maille. Encore une fois, il n'y
a aucun symbole héraldique présent dans cette scène, l'artiste s'applique
seulement à mettre en valeur le rang du personnage par sa richesse.

(tournoi de Kaamelot)

Cette source iconographique met en


scène de nombreux chevaliers en plein
tournoi, observés par la cour royale.
Cette fois ci, les targes sont ornées
d'armoiries fictives censées faire
reconnaitre leur porteur. Il y a un grand
nombre de chevaliers, aussi
l'équipement présenté ici est très
diversifié. On distingue des heaumes de
tournois à grille, des casques qui font
autant penser à un armet qu'un heaume
à tête de crapeau, des salades, et mpeme
un chapel de fer avec une vue double.
Les armures sont globalement
similaires: toutes en acier avec des
gorgerins et jupons d'armes de mailles.
Cependant, on note des différences d'une armure à l'autre au niveau des rouelles et des rondelles de
formes variées.
(bataille entre Arthur et Galehot)
Ici, la composition est la même, à la
différence que les combattants sont pour la
plupart munis d'épées. Globalement, on
retrouve aussi des heaumes à grille, des
chapels de fer avec vue double et crête,
associés à un camail de mailles ou une
bavière, des salades et des armets. On
retrouve aussi des représentations
"hybrides" de bacinets et heaumes tardifs
qui sont à mon avis des armets. On en voit
un par terre à gauche avec un aventail de
mailles. Concernant les armures, la même
constatation précédente s'impose, si ce n'est
que certains combattants n'ont que des
hauberts comme protection de torse.

(Bataille du Chatel de Tor)


Ici aussi, les chevaliers sont lourdement
armés et équipés de targes et de lances.
Cette fois, la plupart sont munis de
salades à babières et équipés d'armure
complète. On observe la brigandine
rouge d'un des chevaliers sur la gauche,
qu'on retrouve aussi sur Hector des
Mares dans le même corpus. La découpe
du bas de la brigandine varie selon les
personnages, Lancelot possède aussi une
brigandine avec des festons sans clous
en dessous des hanches.

(Bataille de Salisbury)
Le chevalier à l'armet au centre porte un surcot brun serré à la ceinture, que l'on
suppose être par dessus la cuirasse. Le surcot est assez souvent porté ici, mais jamais
armorié comme on a tendance à le croire: en fait, ceux-ci semblent avoir des couleurs
aléatoires données par l'artiste selon ses envies. Ce surcot est censé protéger la
cuirasse des intempéries, le problème est qu'on ne peut que deviner la présence du
plastron en dessous. Ceci dit le gabarit des personnages coincide avec cette idée,
montrant que c'est un vêtement de dessus et non de dessous.
Hommes d'armes à pied et fantassins lourds.

(Gauvain et Gaharié au château du Port)


Il est difficile d'arriver à différencier le statut social des fantassins
pour cette source, vu leur équipement similaire. J'ai préféré les
différencier des chevaliers montés, équipés de lances.
Comme le roman arthurien ne permet pas de différencier les nobles
roturiers des chevaliers à pied, il est difficile d'avoir un avis tranché
sur la question. Cependant, on peut toutefois les différencier des
combatants montés considérés comme chevaliers par l'auteur.
Ici, l'enluminure présente un homme en armure complète comme
décrit plus haut. A sa gauche est posté un piquier équipé d'une
salade à visière et bavière, d'une brigandine qui descend jusqu'aux
cuisses et de jambières d'acier. Sa brigandine bleue est de même couleur que le vêtement rembourré
qu'il porte dessous (on peut en déduire que c'est un gambison ou un jaque, selon les appelations).

Sur les deux images présentes, on voit deux combattants armés de


haches nobles et lourdement protégés. Le combattant de droite a le
même équipement que la plupart des chevaliers, salade et bavière
compris, et a une curieuse protection de hanches colorée: est-ce un
vêtement de dessous qui dépasse de la pansière à partir de la
ceinture, ou un jupon d'armes de cuir ou de tissu rembouré? Dans le
manuscrit, on rencontre des tassettes et braconnières sous la forme
de bandes comme ici, mais aussi d'écailles de formes variés, proche
d'une vision fantaisiste de l'artiste.
L'homme d'armes à gauche a un équipement similaire, si ce n'est
qu'il est équipé d'une brigandine rouge renforcée par des épaulières
et d'une pansière en métal, accompagnés d'un jupon d'armes de
mailles ainsi que d'une braconnière.
(Claudas abusé par Saraïde) (Claudas défendant la porte du Palais)

(Attaque du camp breton)


Autre variante du surcot d'armes, le hoqueton, fermé devant par des
boutons. C'est un vêtement qui se pose par dessus l'armure et revêt aussi
des formes assez proches de la cuirasse. Son nom est proche de l'arabe,
trahissant l'origine du vêtement fabriqué à la base en coton. Si la matière a
pu changer, le nom a été déformé. Quoiqu'il en soit, l'artiste n'a pas jugé
utile de représenter le système d'ouverture jusqu'en bas du vêtement,
celui-ci étant compliqué à mettre par dessus l'armure s'il ne peut s'ouvrir
complètement sur le devant.
(Siège de Gaunes)
Au premier plan de cette enluminure, on remarque un homme d'armes lourdement armé,
protégé par un armet, une armure en acier, une lance et un bouclier imaginaire aux
formes exagérées. Sa classe sociale reste un mystère, mais je désire noter la présence
d'un surcot serré à la taille (couleur assortie au bouclier, choix artistique) et d'un manteau
par dessus le tout.
La foule en armes.
J'ai préféré différencier les fantassins lourds des soldats dont l'origine roturière est nette. Aussi, ils
ne sont montré que comme étant forts par leur nombre et sont toujours représenté par groupes.

(Bohort secourant Landoine et Marant)

Ces personnages d'origine non-nobles sont bien moins


équipés et ne servent en fait que pour encadrer les
prisonniers délivrés par les héros arthuriens.
Sur tous ces personnages, il est dur de reconnaitre s'ils sont
équipés que de simples vêtements civils (gippons,
doublets...) ou de gambisons. Je pense que l'artiste lui-
même n'a pas jugé bon de faire la différence entre les deux
types de vêtements civils ou militaires. On peut voir ici ce
qui ressemble à des surcots et des gambisons, mais aussi
des doublets civils. Probablement que l'artiste connaissais
leur proximité, les premiers étant des versions épaisses des
seconds. Les deux piquiers à l'arrière n'ont même pas une
seule pièce de métal comme protection. Les autres sont
équipés surtout de casques (salade, chapels, cervelière d'écailles), un seul possède des pièces
d'armure. A mon avis, l'artiste ne s'attarde pas sur les détails et fait de ce groupe une troupe
dépenaillée qui fait un contraste très fort avec les chevaliers.

L'équipemenent type de l'homme d'armes pendant la seconde moitié du Xve siècle:


On remarque une certaine variété dans l'équipement, mais globalement on distingue deux courants
pour la protection de torse. Soit on a une brigandine, qui peut être renforcée par une pansière; soit
une armure complète où sont quand même présents les renforts de mailles. De manière générale, la
salade est le casque le plus représenté, ainsi que la targe, bien que son utilisation soit cantonnée aux
tournois et joutes. Personnellement, j'ai été frappé par les détails au niveau des armures: en effet, on
peut arriver à différencier plusieurs types de finitions des harnois, comme si l'enlumineur était
sensible aux différents courants liés à la fabrication de ces pièces d'équipement.
Même si ce manuscrit enluminé est plutôt méconnu, il permet d'avoir un bref aperçu de la diversité
de l'équipement du combattant lourd pour la fin du Xve siècle.

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