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La guerre dans les textes bibliques et le droit international

Ce document n’a pas d’autre ambition que de dresser une sorte d’ « état de l’art » sur un sujet aussi
universel que complexe, qui requiert de disposer de sources et références fiables et documentées.
Prenant appui sur des publications et des travaux disponibles en source ouverte sur Internet , il
comporte trois parties :
- la première est consacrée à la place de la violence et de la guerre dans les textes bibliques ainsi
qu’aux enseignements qui peuvent en être tirés ;
- la deuxième propose un tour d’horizon sur le droit de la guerre, et plus généralement sur la
manière dont la guerre est abordée par le droit international ;
- La troisième partie dresse un état des lieux relatif aux systèmes d’armes létaux autonomes et
aux besoins comme aux difficultés d’élaborer un cadre de droit international s’y rapportant.

1
Première Partie : La Guerre dans les textes bibliques

La Bible contient beaucoup de récits de guerres et de massacres. Que font ces textes dans la Bible ? Ils
décrivent la réalité violente de leur époque : le monde est instable, le peuple de Dieu doit prendre sa
place et la défendre, de puissants empires cherchent à imposer par les armes leur domination sur les
peuples. Aucune guerre n’amène la paix. Elle viendra d’ailleurs. En lisant la Bible on peut s’interroger :
Dieu a-t-il un rôle dans la guerre ? La paix est-elle possible ? Quel est le projet de Dieu pour le monde ?
Qu’est-ce que la paix ? Comment se situer dans un conflit ?1

Du point de vue géopolitique, le peuple de la Bible est dans une situation qui en elle -même est source
de conflits militaires. Premièrement, il est exactement à mi-chemin sur la seule route entre l’Empire
égyptien et les empires mésopotamiens (Babylone, Assyrie). Deuxièmement, les Israélites partagent
leur coin de pays avec d’autres peuples comme les Philistins ou les Cananée ns. Ces groupes sont en
conflit pour s’approprier l’espace et les ressources nécessaires à leur survie. Troisièmement, la Bible
raconte de nombreux conflits violents entre les villes et les tribus d’Israël.
« Yahvé est un guerrier » (Ex 15,3)
Dans l’antiquité, la guerre était conçue comme quelque chose de religieux. Les batailles entre les
groupes humains étaient le reflet terrestre des luttes entre les dieux qui les représentent. Ainsi, dans
la Bible, les guerres d’Israël sont considérées comme les guerres du Seigneur. Par exemple, dans le
livre de l’Exode c’est Dieu qui est à la tête des troupes et qui combat pour son peuple ( Ex 14,14). Les
Hébreux apportent l’arche de l’alliance sur le champ de bataille comme signe de la présence du
Seigneur dans leur lutte (2 S 11,11). Lorsqu’il y a victoire, celle-ci est attribuée à Dieu (Dt 20,1).
La guerre comme châtiment divin
La destruction de Jérusalem par les Babyloniens en 587 av. J.-C. aurait pu être la fin pour le peuple de
la Bible. Ils auraient pu croire que les dieux babyloniens étaient plus forts que Yahvé. Or, même après
la destruction et la défaite, ils comprennent que celle-ci provenait de Dieu. Les textes écrits après cette
époque présentent ce moment comme un châtiment, une façon pédagogique pour Dieu d’aider son
peuple à arrêter son idolâtrie. Jérémie indique que c’est Dieu qui a envoyé les armées babyloniennes
pour favoriser un retour à l’alliance (Jr 6,4).

De la guerre à la paix
De ces guerres émerge une soif de paix. Les prophètes annoncent que ceux qui ont survécu à la
destruction de Jérusalem seront consolés et qu’un leader leur sera donné. Plusieurs des passages

1 Source : https://lire.la-bible.net/118/fiche/actualites/fiche/17469

2
prophétiques annoncent un Messie de la trempe de David qui pourra infliger une sévère correction
aux autres nations et restaurer la gloire d’Israël. Parmi les prophètes, Zacharie fait figure d’exception.
Il annonce plutôt un Messie humble et pacifique. Au lieu d’entrer à Jérusalem sur un cheval de bataille,
il sera sur le dos d’un âne.
Guerre et paix dans le Nouveau Testament
Le Nouveau Testament s’est écrit sous la domination romaine. Loin d’être une période irénique, la pax
Romana est une « paix » imposée par Rome à ses ennemis vaincus sur les champs de bataille. Au
premier siècle, plusieurs groupes juifs se révoltent en prenant les armes. Jésus ne va pas dans cette
direction, il prêche la non-violence par ses paroles et par ses actes.
Par contre, plusieurs textes dont l’Apocalypse, utilisent l’image de la guerre pour évoquer les
événements associés à la fin des temps. Heureusement, le livre de l’Apocalypse se termine par
l’apparition de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre (Ap 21). Le monde ancien est disparu, en faveur
d’un monde sans deuil, sans cris, sans souffrance et sans mort (Ap 21,4).

Dieu, maître-artisan de la paix És 9.1-6 ; Jean 14.27


1 Y a-t-il une guerre sainte ?
Une terre promise…
… qui reste à conquérir Jos 1.10-18
Si le ciel s’y met lui aussi !
Le Seigneur combat aux côtés de son peuple Jos 10.1-27
Qu’est-ce qui fait la différence ?
Ne pas se tromper de bouclier Ps 33.10-22
Le jour J
La guerre – pédagogie de Dieu Jér 6.10-26 ; Ps 44
La guerre – jugement de Dieu Joël 2.1-14
Qui est l’ennemi ?
Lutter contre les forces du mal Éph 6.10-20
S’engager dans le bon combat 1 Tim 6.10-16
2 Des limites à la violence
Ne pas profiter de la guerre pour s’enrichir
Un guerrier coupable de pillage Jos 7
Respecter les accords de paix
Même avec des ennemis déloyaux Jos 9
Contre-feu
Coup d’arrêt à la violence des peuples Amos 1–2
Aimez vos ennemis !
Bénir et ne pas maudire Luc 6.27-36
3 Rêves de paix
Des villes reconstruites
Promesses pour Jérusalem Jér 33.1-13
La capitale mondiale de la paix
Des pioches au lieu d’épées Mich 4.1-5
Une oasis de paix
Un monde nouveau És 65.16b-25
Justice et sécurité durables És 32.15-20
La grande réconciliation
En paix avec Dieu Rom 5.1-11
4 Comment dépasser la violence ?
Manger et boire avec ses ennemis
Plutôt que d’alimenter la vengeance Prov 25.21-22 ; 2 Rois 6.8-23

3
Apaiser les querelles
Cela s’apprend Sir 27.30–28.12
Ne pas rendre le mal pour le mal
Mais rechercher toujours le bien Rom 12.17-21
La vraie force est ailleurs
Jésus désarme la violence Matt 27.45-56 ; Col 2.14-15
Le grand vainqueur Apoc 5
Les murs s’écroulent
Le Christ réunit les peuples ennemis Éph 2.11-22

12 versets bibliques sur le sujet à méditer. 2

La radio chrétienne RFE propose de méditer sur les 12 versets bibliques suivants :
1°/ Ecclésiaste 3 : 8 : un temps pour aimer, et un temps pour haïr ; un temps pour la guerre, et un
temps pour la paix.
2°/ 1 Timothée 2 : 1 - 2 : J'exhorte donc, avant toute chose, à faire des prières, des supplications, des
requêtes, des actions de grâces, pour tous les hommes, pour les rois et pour tous ceux qui sont élevés
en dignité, afin que nous menions une vie paisible et tranquille, en toute piété et honnêteté.…
3°/ Psaume 144 : 1 de David. Béni soit l'Éternel, mon rocher, qui exerce mes mains au combat, mes
doigts à la bataille, mon bienfaiteur et ma forteresse, ma haute retraite et mon libérateur, mon
bouclier, celui qui est mon refuge, qui m'assujettit mon peuple.
4°/ Matthieu 24 : 5 – 6 Cars plusieurs viendront sous mon nom, disant : c'est moi qui suis le Christ. Et
ils séduiront beaucoup de gens. Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres : gardez -vous
d'être troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin.
5°/ Psaume 82 : 4 Sauve le misérable et l'indigent, Délivre-les de la main des méchants.
6°/ Exode 14 : 14 ne craignez rien, restez en place, et regardez la délivrance que l'Éternel va vous
accorder en ce jour ; car les Égyptiens que vous voyez aujourd'hui, vous ne les verrez plus jamais.
14L'Éternel combattra pour vous ; et vous, gardez le silence.
7°/ Matthieu 10 : 28 ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuve nt tuer l’âme ; craignez
plutôt celui qui peut faire périr l'âme et le corps dans la géhenne.
8°/ Marc 13 : 7 quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, ne soyez pas troublés,
car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin.
9°/ Psaume 34 : 7 l’ange de l'Éternel campe autour de ceux qui le craignent, et il les arrache au danger.
10°/ Proverbes 21 : 31 le cheval est équipé pour le jour de la bataille, mais la délivrance appartient à
l'Éternel.
11°/ Psaume 120 : 6 - 7 assez longtemps mon âme a demeuré auprès de ceux qui haïssent la paix. Je
suis pour la paix ; mais dès que je parle, ils sont pour la guerre.
12°/ Zacharie 14 : 3 L'Éternel paraîtra, et il combattra ces nations, comme il combat au jour de la
bataille

2 https://www.radio-rfe.com/texte/versets-bibliques-sur-la-guerre

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Vraies et fausses guerres dans la Bible 3

Vraies et fausses guerres dans la Bible. Le numéro 206 (septembre-octobre-novembre 2013)


du Monde de la Bible.
« Pour ce dossier du Monde de la Bible, nous nous sommes laissé guider par le thème de la guerre,
choisi par les organisateurs des Rendez-vous de l’histoire de Blois pour leur 16e édition, du 10 au 13
octobre 2013. Sujet pertinent tant la guerre est présente dans la Bible… n’en déplaise aux rêveurs qui
cultivent les clichés iréniques sur les textes fondateurs de religion ! Certes, la guerre biblique n’est pas
théorisée comme voie d’accès au salut, il n’empêche, Israël, en tant qu’entité théologique, s’enracine
dans la Realpolitik de deux petits États du Proche-Orient ancien, Israël et Juda, qui ont dû jouer des
coudes pour se faire une place et survivre après leur dissolution. S’étonnera -t-on alors que la Bible
résonne de conquêtes, de conflits armés, de résistance à l’envahisseur… ? Pourtant, l’archéologie et
l’exégèse historico-critique ont montré que les rédacteurs bibliques en avaient un peu rajouté et que la
guerre, dans la Bible, relevait parfois plus du discours que des faits. Tel est le paradoxe que nous avons
souhaité éclairer ici.
L’exégète Thomas Römer (Collège de France, Paris) introduit le sujet en nous expliquant la place de la
guerre dans la rhétorique biblique, entre nécessité et propagande politique. L’épigraphiste André
Lemaire (École pratique des hautes études, Paris) nous présente Yahvé, le dieu d’Israël, dans ses
fonctions primitives de dieu de la guerre. L’historienne Katell Berthelot (CNRS, Aix -en-Provence)
décrypte le cas de la guerre dite « des Maccabées » qui opposa les Judéens aux rois séleucides au IIè
siècle av. J.-C. pour lequel nous disposons de deux récits aux orientations idéologiques sensiblement
différentes. Enfin, l’assyriologue Philippe Abrahami (CNRS, Lyon) décrit le siège de Lakish de 701 av. J. -
C., une « vraie » guerre dont nous avons l’écho des deux belligérants, judéens et assyriens.
Avec ces auteurs, laissons-nous entraîner sur les sentiers de la guerre, avec pour seule arme une
intarissable soif de savoir… »

3 https://www.mondedelabible.com/vraies-et-fausses-guerres-dans-la-bible-en-librairie/

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Récits de guerre dans la Bible hébraïque, par Thomas Römer, professeur de la chaire « milieux
bibliques » au Collège de France
La guerre est omniprésente dans la Bible, pas seulement dans la Bible hébraïque ou l’Ancien
Testament. Le Nouveau Testament se termine, dans l’Apocalypse de Jean, par une grande guerre
cosmique dans laquelle l’armée divine affronte et vainc les forces du diable. Dieu est aussi impliqué
dans les guerres humaines, en y interférant ou en donnant l’ordre de partir en guerre. Cet aspect que
de nombreux lecteurs de la Bible peuvent trouver choquant reflète cependant une conception
commune aux cultures du Proche-Orient ancien.
Yahvé, dieu des armées, par André Lemaire, épigraphiste, historien et philologue, directeur d’études
à l’École pratique des hautes études, membre correspondant de l’Académie des inscriptions et belle s-
lettres
Dans l’Ancien Testament, Yahvé est généralement perçu comme Dieu guerrier, éventuellement
destructeur, violent et appelé « Yahvé des armées ». À l’époque royale, ce rôle guerrier s’insère dans
l’héritage culturel de Canaan et du pays de Moab et peut ainsi être comparé à certaines divinités telles
que Ba‘al, El et Kamosh. Par la suite, aux époques néobabylonienne, perse et hellénistique, le rôle
guerrier de Yahvé va s’estomper…
Les contextes historique, géographique et culturel nous éclairent sur la personnalité de la divinité
nationale, Yahvé.
Contre les Séleucides : une vraie guerre, deux discours, par Katell Berthelot, historienne du judaïsme
à l’époque hellénistique et romaine, CNRS – Aix-Marseille Université
Au premier tiers du IIème siècle av. J.-C., un conflit éclate entre les Judéens et le roi séleucide Antiochos
IV ; il débouche sur une violente répression du mode de vie juif et sur la révolte d’une partie de la
population, sous la houlette d’une famille de prêtres que l’on nommera les « Maccabées ». Les
événements sont connus par les deux premiers livres des Maccabées dont le cadre général relève bien
de l’histoire et non du mythe.
Immersion dans les deux livres, dont les récits divergent à bien des égards…
Lakish ou l’art de la guerre, par Philippe Abrahami, maître de conférences en langues et civilisations
du Proche-Orient ancien, département d’histoire de l’art et d’archéologie. Université Lumière Lyon 2
– Archéorient UMR 5133
La ville de Lakish, au sud-ouest de Jérusalem, a subi de nombreuses batailles et a été assiégée plusieurs
fois, dont la fameuse attaque menée en 701 av. J.-C. par Sénnachérib, roi d’Assyrie, contre Ézéchias,
roi de Juda, qui est à la tête d’une coalition anti-assyrienne. La victoire est assyrienne et les habitants
de la ville massacrés ou déportés.
Relaté sur le cylindre de Rassam, mentionné dans la Bible, représenté sur les bas-reliefs, qui ornaient
les murs du palais de Sénnachérib, à Ninive, et attesté par l’archéologie, le siège de Lakish n’a plus de
secret pour nous…

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Comment expliquer la violence dans la Bible ?

Mgr Jacques Perrier4,5 propose les explications suivantes à l’égard de la violence dans la Bible : des
explications articulées sur l’histoire du Peuple de la Bible :
« Par étapes, Dieu fait sortir son peuple de la violence au nom de Dieu, jusqu’au jour où Jésus a dit :
« Heureux les doux ! »
1. La rédaction de la Bible s’étend sur les derniers siècles avant Jésus-Christ, mais l’histoire dont elle
témoigne s’étend sur deux millénaires. Quand on parle de la Bible, il faut savoir à quel moment de la
Révélation on se situe. Au début de la Bible, les premiers chapitres du livre de la Genèse parlent de la
Création et des origines de l’humanité : la violence n’a pas son origine en Dieu.
C’est un fait : beaucoup de pages de la Bible sont extrêmement violentes
Par exemple : « Je les hais d’une haine parfaite », dit le psaume 138, fort beau par ailleurs.
Cette violence est l'un des obstacles à la lecture de l’Ancien Testament. Elle alimente aussi le
rejet des religions, en particulier des religions monothéistes : la Bible serait un man uel de
fanatisme dont auraient hérité, plus ou moins, le christianisme et l’islam.
D’où vient la violence, d’après l’Écriture ? Elle ne vient pas de Dieu
La Création est un acte de puissance, non de violence. L’homme a pour mission, entre autres,
de mettre de l’ordre dans ce monde inachevé et imparfait. Sa domination sur le monde créé
devrait faire régner la paix. Mais le serpent, le « Malin », dit à l’homme qu’en mangeant le
fameux fruit défendu, il deviendra capable de rivaliser avec Dieu. Homme et femme ne
s’entraident pas pour résister à la tentation. Au contraire, ils s’entraînent l’un l’autre, ils se
laissent tromper : c’est le péché.
La première conséquence du péché, c’est la violence
Sur fond de rivalité, Caïn tue Abel. Dieu veut stopper le cycle infernal de la violence : il protège
Caïn. Mais elle prolifère quand même. Elle atteint un point tel que, dit l’Écriture, Dieu se repent
d’avoir créé l’homme : « La terre est pleine de violence à cause des hommes » (Genèse 6,13),
dit-il à Noé. Que l’humanité prenne un nouveau départ, à partir du seul juste que Dieu trouve :
Noé ! Le déluge engloutit pécheurs et péchés. Dieu ne se venge pas, mais il ne peut pas laisser
indéfiniment se propager le mal, l’injustice, la violence et le péché. Au terme du déluge, en signe
d’une nouvelle alliance avec l’humanité, Dieu suspend dans le ciel un arc de lumière multicolore
qui réunit l’humanité d’une extrémité de la Terre à l’autre.
L’arc, arme de guerre, devient symbole de paix
Cet arc-en-ciel n’envoie pas de flèches qui blessent et tuent. Il annonce un renversement encore
plus radical : la mort de Jésus en croix comme source de salut. Bien sûr, ces premiers chapitres
de la Bible parlent un langage imagé, mais seuls des esprits superficiels les prendraient à la
légère. Ils éclairent la situation de l’homme, de tous les hommes, avant que ne démarre, avec
Abraham, l’histoire d’Israël.

4 Source : Mgr Jacques Perrier


https://questions.aleteia.org/articles/30/comment-expliquer-la-violence-dans-la-bible/
5 Né en 1936 à Paris, ordonné prêtre en 1964, aumônier d’étudiants puis curé de paroisse et recteur-archiprêtr e

de la cathédrale Notre-Dame, Monseigneur Perrier a été le premier directeur de Radio Notre-Dame, puis évêque
de Chartres en 1990. Évêque de Tarbes et Lourdes pendant quinze ans (1997-2012), il a accueilli deux papes à la
Grotte de Massabielle : saint Jean-Paul II en 2004 et Benoît XVI en 2008. Il se consacre aujourd'hui à approfondir
le message que la Vierge Marie transmet à l'humanité.

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2. Pour se faire connaître parmi les hommes, Dieu choisit Abraham et sa descendance. Quand les
Israélites deviennent nombreux en Égypte, le pharaon leur fait violence, notamment en faisant tuer
tous les nouveaux nés de sexe masculin. Dieu prend la défense de son peuple : c’est justice.
Israël n’est pas né dans la violence. Il est né d’un appel
Dieu appelle Abraham et le fait sortir de son pays pour qu'il se déplace, en nomade, avec sa
famille et ses troupeaux. Il est lui-même un homme de paix et intercède auprès de Dieu en
faveur de Sodome, ville gravement pécheresse. Dans le conflit pour l’utilisation d’un puits à
Bersheba, il s’arrange avec son rival et conclut même une alliance avec lui. Il est salué par
Melchisédeq, roi de Shalem (Jérusalem), mot qui signifie « paix ». Mais si Abraham est plutôt
pacifique, qu’en est-il de Dieu ?
Dieu interdit à Abraham de lui offrir son fils en sacrifice et cet interdit demeurera
À Jérusalem, la vallée de la Géhenne est maudite parce que des rois impies ont cru s’attirer les
faveurs divines en sacrifiant leurs fils et leurs filles. Dieu condamne, dans le prophète Jérémie,
« ce à quoi je n’avais jamais songé » (Jérémie 7,31). Mais Dieu est aussi celui qui fait pleuvoir
le feu sur Sodome et qui détruit la ville et sa population. Le chrétien se rappelle que, dans
l’Évangile, deux disciples voulaient un jour faire descendre le feu sur un village qui refus ait de
les recevoir : Jésus le leur interdit. Certaines versions ajoutent : « Vous ne savez pas de quel
esprit vous êtes » Luc 9,55). En rapprochant ces deux scènes, la tentation est grande d’opposer
Ancien et Nouveau Testament et de rejeter l’Ancien parce qu’il présenterait un visage de Dieu
plus odieux que désirable. Cependant, même quand il détruit Sodome, Dieu ne cède pas à
l’arbitraire ou à la démesure, car c’est la ville de Sodome tout entière qui avait péché en
manquant à un devoir humain fondamental : l’hospitalité.
Dieu n’est pas violent : il est juste et il protège
Quelques siècles après Abraham, en Égypte, ses descendants subissent la violence : ils sont
exploités et menacés d’extermination. Commence alors une autre phase dans l’Histoire sainte
: Dieu va sauver les Israélites « à main forte et à bras étendu » (Psaumes 135). Sous la conduite
de Moïse, il les fait sortir d’Égypte, les défend quand ils sont attaqués et les fait entrer en Terre
promise.
3. Dans un monde de violence, très fréquemment le peuple d’Israël se trouve en état guerre. Ce qui est
en jeu, c’est son indépendance nationale, mais aussi religieuse. Dieu l'accompagne et l'éduque en se
révélant progressivement tout au long de son histoire.
Dieu choisit donc un peuple, qui ne sera jamais un empire très puissant, mais qui entre
forcément en compétition avec les puissances qui l’environnent
Nous sommes habitués, au moins sur notre sol, à de longues périodes de paix avec nos voisins.
Mais il n’en n'était pas ainsi : la guerre était une activité ordinaire. Pensons au Moyen Âge.
Dans la mesure où Dieu s’est confié à ce peuple, les guerres d’Israël ont un enjeu sacré : « Dieu
Sabaot » est le Seigneur des armées célestes, à savoir les astres innombrables, mais aussi des
armées d’Israël qui défendent leur indépendance religieuse.
Se mélanger à d’autres peuples faisait courir le risque d’adopter aussi ses dieux
Dans quelques cas, ce désir de pureté religieuse a pu mener jusqu’à l’anéantissement de telle
ou telle population. Mais il semble que ce genre de conduite, peu fréquent, ait eu des causes
beaucoup plus terre à terre : le butin qui est voué à l’anathème, c’est-à-dire abandonné et offert
à Dieu pour qu’Israël ne soit pas pris par la convoitise des biens matériels.
Quant aux institutions d’Israël, elles prévoient la peine de mort pour un certain nombre de
fautes, mais il s’agit autant de fautes sociales, comme l’homicide ou l’adultère, que proprement
religieuses, comme par exemple, lorsque quelqu’un livre ses fils aux idoles. Tout doit s e faire

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selon le droit, sur la base de plusieurs témoignages, l’accusé ayant la possibilité de se défendre.
La « loi du talion », « œil pour œil, dent pour dent », n’est pas un appel à la vengeance, mais
une limitation du châtiment.
À chaque étape de la Bible, Dieu s'adresse à l'homme selon ce qu'il peut comprendre
Cela doit nous donner un peu d'espérance : même si elle est capable de retomber dans la
barbarie, la conscience humaine progresse. Des choses qui paraissaient naturelles nous
semblent aujourd'hui intolérables. Hélas, il y a aussi des régressions : le meurtre des enfants à
naître était considéré comme un crime. Aujourd'hui, c'est considéré comme un droit que
certains voudraient faire entrer dans la constitution...
4. La violence, finalement, ne fait que des victimes. Elle ne sera pas vaincue par une violence opposée.
Si la violence vient du cœur de l’homme, c’est le cœur de l’homme qu’il faut guérir. La violence subie
doit être transformée en offrande : c'est ce que le Christ a fait. Tous les contemporains de Jésus ne l’ont
pas compris et nous-mêmes, après vingt siècles d’éducation par Dieu, l'avons-nous compris ?
Dans son histoire, Israël a été beaucoup plus souvent victime de la violence qu’il n’en n'a été
l’auteur
Par les prophètes, Dieu fait progressivement découvrir à son peuple que la violence est
certainement une impasse et que même l’exercice de la force ne viendra pas à bout du péché
qui est en l’homme. Aussi, l’important est la conversion des cœurs. Le renversement complet
des perspectives est annoncé par les prophéties du serviteur de Dieu : « Le juste, mon serviteur,
justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes » (Isaïe 53, 11).
Le chrétien reconnaît en Jésus-Christ la réalisation de cette prophétie et du renversement de
toute violence
L’histoire de la violence dans la Bible est l’histoire d’une éducation. Il est inutile de nier la
présence de la violence dans notre cœur, dans notre société et dans notre monde. Il faut
d’abord la réguler, en l’empêchant de nous envahir. Il faut aussi savoir que des régressions sont
possibles : le XX e siècle a été un siècle d’extrême violence. S’il y a une haine, elle doit être dirigée
vers toutes les formes du mal : le refus de Dieu, le mensonge, l’injustice, le mépris de l’autre, de
sa dignité et de ses biens. Il faut haïr le péché et aimer le pécheur. C'est ce que désigne l’auteur
du psaume cité au début de l'article « Je les hais d’une haine parfaite » ( Psaumes 138). C'est
aussi ce que Jésus a réalisé parfaitement et que ses adversaires n’ont pas compris. Et nous,
l’avons-nous compris ? »

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Seconde partie : la guerre dans le droit international

Le droit de la guerre6

Le droit de la guerre est une expression pour désigner les lois, en général coutumières, sur lesquelles
s'entendent les peuples ennemis lorsqu'ils sont en guerre. Elles sont très anciennes, attestées aussi
bien dans l'Antiquité que chez les peuples premiers, et comprennent la manière de commencer une
guerre et ses enjeux, les moyens de combattre qui sont considérés comme déloyaux, le statut et
les droits des otages, des ambassadeurs, des arbitres, des combattants, des civils et des prisonniers,
les trêves et les traités, la manière de terminer la guerre et de faire la paix.
Premières traces d'un droit de la guerre
Le terme guerre ne désigne pas les conflits privés ou entre des individus d'un même peuple qui se
règlent par un procès en justice, mais ceux qui surviennent entre des empires, des nations ou des cités
étrangères, et qui se règlent par un affrontement public appelé « guerre ».
Antiquité
Les premières traces d'un droit de la guerre nous proviennent des Babyloniens. C'est le Code
d'Hammurabi, roi de Babylone, qui, 2000 ans av. J.-C. explique ainsi ses lois imposant un code de
conduite en cas de guerre : « Je prescris ces lois afin que le fort n'opprime pas le faible ». Dans
l'Inde ancienne, le Mahâbhârata et les textes de la loi de Manou incitaient à la clémence envers les
ennemis désarmés ou blessés. La Bible et le Coran contiennent eux aussi des règles prônant le respect
de l'adversaire. Il s'agit toujours d'édicter des règles qui protègent les civils et les vaincus.
Ainsi est-il possible d'affirmer que le droit de la guerre est immémorial : présent dans tous les textes
sacrés (judéo-chrétiens, musulmans, hindous, etc.) et dans les commentaires de ces textes, ainsi que
dans les récits de guerre des auteurs antiques comme le jus armorum dans les Commentaires de la
guerre des Gaules de César.
Du point de vue du droit romain la guerre rendait res nullius les ennemis et tout ce qui leur
appartenait, c'est-à-dire sans maître et donc appropriable par tout un chacun. Elle livrait
réciproquement les adversaires, corps et biens, les uns à la merci des autres ; vis-à-vis de l'ennemi on
était sans droit. Ce principe rigoureux les Romains l'appliquaient contre eux aussi bien qu'en leur
faveur. Tout ce qu'ils prenaient sur l'ennemi était la propriété du premier occupant ; mais aussi ce qui
était enlevé aux Romains par leurs ennemis appartenait à ces derniers. Par une conséquence ultérieure
ce que les Romains avaient perdu et parvenaient à reprendre ensuite était pareillement acquis comme
tout autre butin à l'auteur de l'occupation et ne retournait nullement à l'ancien maître. Toutefois par
dérogation à cette règle l'on admettait un droit de retour un jus postliminii en faveur de l'ancien
propriétaire : pour les citoyens romains faits prisonniers de guerre sans avoir les armes à la main, pour
les immeubles, pour les vaisseaux de charge, pour les chevaux de service et pour les esclaves et le
trésor.
Moyen Âge
Le droit de la guerre a fait l'objet de tentatives d'expositions rationnelles dans les sommes
théologiques du Moyen Âge. La tentative la plus nette est le traité De Bello, de Represaliis et de
Duello (1360) de Giovanni da Legnano, professeur à l'université de Bologne. L'auteur oppose à
la clémence, dépendant de l'arbitraire du prince vainqueur, l'ébauche d'un droit de la guerre.

6 NB : Ce passage reprend dans son intégralité – à l’exception des notes en références – l’article éponyme proposé
sur Internet par Wikipedia.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_de_la_guerre

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Et ses principes sont également immémoriaux et constants, qui se résument et découlent du principe
suivant, soit « Ne pas faire plus de mal qu'il n'est permis », obligation qui relève du principe de juste
proportionnalité que l'on retrouve dans la Seconde conférence de La Haye, 1907, article 22 : « les
belligérants n'ont pas un droit illimité quant au choix des moyens de nuire à l'ennemi ». D'où les
interdictions telles que se servir d'armes empoisonnées, gaz toxiques, etc. Il s'agit de principes
constants qui appartiennent à toute l'humanité. On trouve des exemples de ce souci de limitation des
actes et des moyens mis en œuvre par les belligérants, dans tous les lieux, dans tous les temps : traces
qui se peuvent voir dans la Bible, (en particulier dans le Deutéronome), dans le Coran qui interdisent
de couper les arbres fruitiers, d'empoisonner une source d'eau, de détruire les récoltes, de ravager
une terre, de mutiler un homme, etc..
Les règles du droit de la guerre quant aux moyens mis en œuvre, étaient telles, que, en p rincipe, au
Moyen Âge, il était interdit d'utiliser les arcs et les flèches, au motif que l'on pourrait tuer l'ennemi à
distance et dans le dos. C'était initialement ce que l'on a pu appeler la guerre ou le combat
chevaleresque et noble avec un combat au corps à corps. Mais, les guerres devenant plus importantes,
les règles chevaleresques s'atténuèrent.
Ces règles furent d'abord édictées sous forme religieuse, et on en trouve trace dans tous les livres
sacrés des civilisations qui ont laissé des textes. Son interrogation est reprise par des auteurs
catholiques comme Saint Augustin, Francisco de Vitoria, Thomas d'Aquin et son disciple Francisco
Suárez.
Notion de guerre juste
Thomas d'Aquin exige trois conditions :
• auctoritas principis : la guerre ne peut relever que de la puissance publique sinon elle est un
crime. L'auctoritas principis s'oppose à la décision individuelle appelée persona privata ;
• causa justa : la cause juste ; c'est cette dernière notion qui donne le plus lieu à interprétation ;
• intentio recta : l'intention ne doit pas être entachée de causes cachées mais uniquement dans
le but de faire triompher le bien commun.
À la fin du XIIe , Johannes Faventinus associe l'idée de guerre juste pour la défense de la patrie avec celle
de ratio (ou « raison d'État »).
Chez Francisco Vitoria, qui reprend la pensée de Thomas d'Aquin, la guerre constitue l'un des pires
maux et l'on ne peut y recourir que pour éviter un mal plus grand. La guerre préventive contre un tyran
susceptible d'attaquer est un cas reconnu. Toutefois, toutes les formes de dialogue doivent être
utilisées au préalable et la guerre ne peut être déclenchée que comme ultime recours, ce qui soulève
la question des voies de négociation.
Époque moderne
De nombreux chrétiens sont à l'origine du problème de conscience posé par la nécessité
d'intervenir : Ignace de Loyola parlait du magis à propos de l'interrogation du décideur, puisque entrer
en guerre est une décision très lourde de conséquence au regard du sixième commandement (« Tu ne
tueras point ») : le chrétien cherche donc à savoir s'il agit conformément à cette règle.
Ces règles imposées par l'église seront proposées sous une forme sécularisée au XVIe siècle par Grotius,
auteur du De jure belli ac pacis.
Les principes du droit de la guerre, traditionnellement appelés lois et coutumes de la guerre ou droit
des gens, ont été codifiés sous forme de conventions au début du XXe siècle (Conventions de La Haye
de 1899 et de 1907). Le droit de la guerre a aussi été l'œuvre de tentative de codifications par des
particuliers. — Ainsi, durant la guerre de Sécession, François Lieber rédige les Instructions pour les
armées en campagne de l'armée américaine, lesquelles interdisent les actes de cruauté, de vengeance,
les blessures hors combat, la torture en vue d'obtenir des renseignements, la saisie des biens privés,
la violation des églises, etc.

11
Contenu du droit de la guerre
L'idée qu'il existe un droit de la guerre concerne d'une part, le jus ad bellum, soit le droit de faire la
guerre ou d'entrer en guerre, supposant un motif tel que se défendre d'une menace ou d'un danger,
suppose une déclaration de guerre qui prévient l'adversaire : la guerre est un acte loyal, et d'autre
part, le jus in bello, soit le droit pendant la guerre, la manière de faire la guerre, qui implique de se
comporter en soldats investis d'une mission pour laquelle toutes les violences ne sont pas autorisées.
Dans tous les cas l'idée même d'un droit de la guerre repose sur une idée de la guerre qui peut être
définie comme un conflit armé, circonscrit dans l'espace, limité, dans le temps, et par ses objectifs. La
guerre commence par une déclaration (de guerre), s'achève par un traité (de paix) ou un accord
de reddition, un acte de partage, etc. Définition de la guerre et doctrine, reprises en 1801 par le droit,
par Portalis, juriste qui a rédigé le Code civil français, qui prévalent jusqu'à la Guerre d'Irak, faite sans
déclaration de guerre et terminée sans traité de paix.
Jus ad bellum
• Définition des causes d'hostilité. Le casus belli. Déclarer le point sur lequel porte le différend
et formuler ses revendications. À ce sujet, Louis de Bonald écrit en 1802 « Les manifestes
justificatifs de leurs griefs que publient les puissances à la veille de commencer la guerre, sont
un hommage rendu à la justice éternelle, souveraine des nations, et les déclarations de guerre
qui avertissent les sujets respectifs de prendre des précautions pour la sûreté de leurs personnes
et de leurs biens, sont une mesure que prescrit l'Humanité ». Tout ne peut pas être cause de
guerre, il y a des motifs légitimes et des motifs qui ne le sont pas.
Jus in bello
• Premier principe : définition des ennemis. Rousseau, après Hobbes définit la guerre
comme relation d'État à État, dans laquelle les hommes ne sont ennemis que dans le cadre de
la situation aléatoire et circonstancielle de la guerre. Dans sa Législation primitive, Louis de
Bonald écrit en 1802 que « La première loi du droit de la guerre entre les États, et la plus
sacrée, est que l'État ne fait la guerre qu'à l'État, et non à la famille [ou aux individus]. Ainsi,
l'État belligérant doit respecter l'honneur et la vie des personne s de la famille, ne point en
exiger de service personnel militaire, préserver ses propriétés de destructions et
d'enlèvements gratuits, sauf le cas d'absolue nécessité. [Tout le temps de la guerre il doit
s'efforcer de] conserver les familles dans la jouissance des propriétés communes, morales et
physiques, établissements d'éducation, de religion, de police, de subsistance, de salubrité,
etc. ». De ce principe découle le second principe.
• Second principe, que l'on trouve ébauché dans le Concile de Charroux réuni en 989, est celui
de la séparation entre le domaine civil et le domaine militaire, entre l'état civil de tout ce qui
doit être maintenu hors de la guerre, et l'état militaire des personnes et des moyens qui sont
engagés dans la guerre, en particulier la noblesse. Le Concile de Charroux accorde aux
personnes et aux biens civils la même immunité qu'aux biens et aux personnes religieuses, il
impose de les tenir hors des combats. Cette immunité des populations civiles qui fait un crime
de guerre de tout acte délibéré d'agression contre elle, a pour corollaire l'interdiction pour
elles de participer de quelque façon que ce soit aux hostilités. La guerre fait s'affronter
des combattants, non des hommes : les populations civiles en sont exclues. Les combattants
sont des spécialistes de la guerre qui ne sont pas animés par la haine, ni par des mauvais
sentiments, ni par des raisons ou des griefs personnels, ni par esprit de vengeance comme
dans les guerres privées. Les soldats des deux puissances belligérantes ne sont pas ennemis
par nature, ni durablement. Ils ne sont pas ennemis en tant qu'homme, mais selon les
circonstances, limitées, de conflit entre États dont ils sont les agents. Ils ne sont ennemis
uniquement comme soldats. Par conséquent, il ne faut pas s'en prendre aux personnes et aux
équipements civils qui ne jouent pas de rôle dans le conflit. La distinction entre civils et
combattants a pour conséquence l'interdiction de tous actes hostiles d'agres sivité ou de

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rétorsions contre les populations paisibles, et de là aussi aux soldats ayant rendu les armes
puisque le « soldat nu » redevient un civil, selon une logique qui semble aussi ancienne
qu'universelle. Par exemple, en Inde, les lois de Manou imposent que le combattant ne frappe
ni celui qui est désarmé, ni celui qui se rend comme prisonnier, ni celui qui fuit, n i celui qui est
à terre « ni un homme endormi, ni celui qui n'a pas de cuirasse […], ni celui dont l'arme est
brisée, […] ni celui qui est grièvement blessé ». L'un des trois grands traités militaires de
la Chine antique, au IVe siècle av. J.-C. prescrit de ne pas s'attaquer aux faibles, aux femmes et
de porter secours aux vieillards et aux enfants : « vous n'attaquerez point ceux qui sont hors
d'état de se défendre. Après un combat vous aurez un soin particulier des blessés ».
• Accepter la médiation d'une tierce nation pour éviter une guerre.
• Déclarer la guerre, et donner un ultimatum avant de commencer une attaque.
• Respecter les ambassadeurs.
• Respecter les trêves, les signes de reddition (drapeau blanc) et les lieux d'asiles (signalés
notamment par une croix rouge).
• Ne pas nuire plus qu'il n'est nécessaire. Cette règle se retrouve partout, et dans toutes les
civilisations. Ce qui est exprimé par Montesquieu en 1748, dans son traité de théorie
politique De l'esprit des lois, qui écrit : « le droit des gens est naturellement fondé sur ce
principe que les diverses nations doivent se faire […] dans la guerre le moins de mal qu'il
est possible, sans nuire à leurs véritables intérêts ». Ce principe est proche de celui
de proportionnalité qui existe en situation de paix pour limiter le droit de légitime
défense. Il impose aux belligérants de ne recourir qu'à des violences et des moyens de
violence proportionnés aux objectifs qui sont ceux d'un conflit armé particulier. Éviter de
tuer inutilement. Le second principe implique d'éviter de tuer inutilement, des soldats, de
détruire inutilement, des ressources, une fois l'objectif de la guerre atteint, et n'employer
que des armes adaptées à ce que requiert l'objectif de guerre. Ne pas détruire ni imposer
de souffrances au-delà de ce que requiert le but recherché.
• Chercher un retour à l'état de paix.
• En cas de victoire, ne pas exiger plus que les buts de guerre, avec
d'éventuelles réparations.
• Traiter avec l'ennemi, et accepter la paix lorsqu'on a obtenu satisfaction.
En somme, la guerre n'est pas un état d'anomie ou de violence incontrôlée, elle ne doit pas donner
lieu à des cruautés sans raison, à des actes de violence inutiles : tout n'est pas permis, même si la
guerre sort du cours ordinaire du gouvernement, car elle relève d'un but que s'est donné la puissance
gouvernante. Clausewitz dans son traité De la guerre précise, de manière complémentaire de
Rousseau, les diverses caractéristiques de la guerre, qui forment la conception classique. C'est sur la
base de cette théorie de la guerre que s'édifie un droit de la guerre. La guerre, telle que la définit
Clausewitz, est un acte politique « prolongement de la politique par d'autres moyens », ce qui signifie
qu'elle n'est pas un acte de violence pure, ni illimité, ni sans conditions. Il s'agit de « contraindre
l'adversaire à exécuter notre volonté ». La guerre ne constitue pas un but en soi, elle est un moyen, au
service d'un but, politique. Elle n'est pas un phénomène indépendant : elle est un instrument au
service de buts qui la dépassent.
Constitution du droit moderne de la guerre
De l'Antiquité à Grotius et Rousseau, la coutume, d'abord portée par la tradition orale, puis par des
textes de diverses sagesses, s'efface, pour céder la place au droit.
Grotius, lorsqu'il rédige le De jure belli ac pacis (Du droit de la guerre et de la paix), donne au droit de
la guerre son fondement et son cadre qui demeurent jusqu'à l'époque contemporaine les références

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pour le droit international en matière de conflits armés, soit la guerre définie comme un conflit réglé,
limité et donnant lieu à des règles de droit qui sont contraignantes. Grotius, fondateur du droit des
gens, voit son œuvre prolongée par Jean-Jacques Rousseau. Dans le Contrat social, ce dernier énonce
le principe de la guerre (d'État à État), entre combattants qui sont des soldats (excluant par conséquent
les civils) ce qui forme la base du droit de la guerre. Pour Rousseau : « La guerre n'est donc point une
relation d'homme à homme, mais une relation d'État à État, dans laquelle les particuliers ne sont
ennemis qu'accidentellement, non point comme hommes, ni même comme citoyens, mais comme
soldats ».
Sur cette base le droit peut imposer la distinction entre les soldats, que l'on combat, et les civils, qui
doivent être épargnés. De même, une distinction s'opère entre objectifs militaires et objectifs civils.
Et dans l'histoire on peut noter une étape vers la constitution du droit de la guerre lorsqu'en 1863,
le président des États-Unis demande à un juriste, Francis Lieber, de mettre au point une série
d'instructions pour les troupes engagées dans la guerre de Sécession, le Code Lieber. En 1874, les
délégués de 15 pays ont participé à la Conférence de Bruxelles et adoptent des résolutions formulées
dans la « Déclaration sur les lois et coutumes de la guerre » mais qui n'ont pas conduit par la suite à
un traité de droit international contraignant car la déclaration finale n'a pas été ratifiée par les
Puissances, mais elles ont représenté une base importante pour les développements ultérieurs dans
le domaine du droit international humanitaire. Une fois encore, il s'agit du même objectif :
réglementer la guerre en limitant l'ampleur des violences et éviter celles qui ne sont pas nécessaires
aux objectifs militaires qu'un État s'est fixé. On n'a pas encore affaire là à un véritable traité du droit
de la guerre, mais à une codification de règles de droit ayant valeur d'obligation contraignante.
C'est seulement plus tard, avec la Conférence sur la paix de La Haye en 1899, qu'apparaissent un
ensemble de lois sur la guerre, qui sont ensuite développées par les successives Conventions de
Genève qui complètent et détaillent les diverses agressions interdites, envers les civils, et faisant usage
de techniques jugées illicites.
Le droit de la guerre est également connu sous l'appellation de « droit de La Haye » qui au début
du XXe siècle a traité de l'essentiel du jus in bello et du jus ad bellum.
Il regroupe l'ensemble des conventions de La Haye dont l'objectif est :
• fixer les droits et devoirs des belligérants dans la conduite des hostilités ;
• limiter leurs moyens afin de les protéger des comportements les plus meurtriers ;
• définir un certain nombre de règles applicables au combat ;
• prévoir des sanctions en cas de non-respect.
Droit international et droit international humanitaire
Ce que nous nommons aujourd’hui « droit international » est un ordre juridique dont les premiers
éléments ont commencé à apparaître à la fin du Moyen Âge et qui s’est construit au milieu
du XVIIe siècle avec les Traités de Westphalie. Depuis, il s’est développé et transformé, mais sans que
soit remise en cause sa structure fondamentale de droit interétatique. Au droit de la coexistence s’est
surajouté un droit de la coopération, et sur le droit relationnel s’est greffé un droit institutionnel, mais
la cohérence globale est restée inchangée.
L’apparition du droit international est liée à l’émergence de relations internationales entre États au
sens moderne, soit des entités politiques souveraines à l’intérieur et dans les limites d’un territoire.
L’État accepte par définition, puisque souverain sur son territoire, l’existence légitime au-delà de ses
frontières d’autres entités politiques se définissant elles-mêmes par leurs limites. Ce type
d’organisation n’abolit pas les possibilités de conflits et de guerres, mais, en ligne générale, les conflits
portent sur les limites, non sur l’existence d'un l’État. En outre, la reconnaissance réciproque de
l'existence des États permet de facto à leurs citoyens de bénéficier d'une reconnaissance de leur statut

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à l'étranger (un fait concrétisé de nos jours par l'existence d'un passeport permettant des
déplacements transfrontaliers). Par conséquent, cette réciprocité est en partie à l'origine du droit de
la guerre, puisqu'en admettant l'existence légitime de citoyens étrangers, elle pose naturellement le
problème de leur devenir en cas de conflits entre États (notamment en ce qui concern e le statut des
populations civiles non-combattantes). C’est la nature des relations internationales entre États qui a
dicté les principes qui gouvernent l’ordre juridique, soit la souveraineté et l’égalité.
Le droit international des conflits armés est un ensemble de règles qui visent à limiter la violence et
protéger les droits fondamentaux de la personne humaine en cas de guerre. Cette dénomination
première est, depuis la Seconde Guerre mondiale, et surtout depuis la Convention de Genève de 1949,
souvent remplacée par celle de Droit international humanitaire (DIH), pour en faire ressortir davantage
les fins humanitaires.
Droit international humanitaire et droits de l'homme
La formation du droit international humanitaire se fait à partir de trois courants convergents. Il s'agit :
• du droit dit de Genève, c’est-à-dire les traités élaborés sous les auspices du CICR, qui visent à
protéger les victimes ;
• du droit dit de La Haye, issu des conférences sur la paix de 1899 et 1907, qui porte sur le
contrôle des moyens et des méthodes utilisés ;
• de l'action des Nations unies (ONU) qui veille à ce que les droits de l'homme soient respectés
en cas de conflit armé.
Le droit international humanitaire, qui vise à protéger les droits de la personne, a des objectifs qui
prennent appui sur les droits de l'homme. Ils forment néanmoins deux branches distinctes du droit.
Le droit international humanitaire est l'ensemble des principes et des règles qui limitent le re cours à
la violence en période de conflit armé. Ces principes et ces règles ont deux objectifs : protéger les
personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités (blessés et prisonniers militaires et populations
civiles) et limiter les méthodes et les moyens de faire la guerre. Le droit international humanitaire est
aussi appelé le droit de Genève.
Droit de la maîtrise des armements
Ce droit regroupe les conventions internationales interdisant, limitant ou réglementant l’emploi de
certaines armes et munitions (armes chimiques et biologiques, mines antipersonnel, balles
explosives..). Le droit de la maîtrise des armements complète les traités internationaux relatifs au
désarmement (SALT, FCE, START...). La doctrine du non recours en premier aux armes nucléaires,
entrée dans le droit international en 1982, est un exemple de disposition juridique visant à restreindre
l'utilisation de ce type d'armements.
Problèmes actuels
Problème, théorisé par Carl Schmitt : le retour de la notion de « guerre juste » avec la doctrine de la
guerre juste au XXe siècle. Dans deux textes fondamentaux : le Nomos de la Terre, 1950, et la Théorie
du partisan, 1963, Carl Schmitt étudie les nouvelles caractéristiques de la guerre et le tournant pris
au XXe siècle. Ses analyses, de la fin du jus publicum europaeum, sont considérées unanimement
comme fondatrices de l'analyse et de la réflexion sur ces questions, éminemment d'actualité. Soit les
rapports de la guerre et du droit de la guerre avec l'inclusion des droits de l'homme ; ce que deviennent
le jus ad bellum (droit de faire la guerre) et le jus in bello (droit dans la guerre) avec le retour de la
notion de guerre juste. Ces analyses constituent aujourd'hui la base théorique de la critique
du pacifisme, d'une part, et de la pratique américaine de la guerre et de l'idéologie qui l'accompagne
par les États-Unis essentiellement, d'autre part. En effet, renouant avec le moralisme de la doctrine
chrétienne médiévale, en vigueur jusqu'au XVIe siècle, qui est notamment théorisée par saint Thomas
d'Aquin dans sa Somme théologique (1273) : « Pour qu'il y ait cause juste, il faut que ceux que l'on
attaque aient mérité par une faute d'être attaqués ».

15
De plus, le droit de la guerre pose l'interdiction de la guerre totale : le droit international n’autorise
pas la guerre totale qui implique le rejet de toute règle, de tout principe de conduite, car elle est la
négation même du droit.
En parallèle et enfin, l'existence d'un droit de la guerre est ce qui permet de donner un contenu
juridique à la notion de terrorisme. Également, Jacques Derrida rappelle la base qui fait selon lui
consensus : « Si on se réfère aux définitions courantes ou explicitement légales du terrorisme, qu’y
trouve-t-on ? La référence à un crime contre la vie humaine en violation des lois (nationales ou
internationales) y implique à la fois la distinction entre civil et militaire (les victimes du terrorisme sont
supposées être civiles) et une finalité politique (influencer ou changer la politique d’un pays en
terrorisant sa population civile). »
Ce qu'il oppose à la confusion, qu'il analyse comme politiquement intéressée, faite lors du recours à la
notion de « terrorisme international ». Derrida fait ici allusion à l'usage, abusif d'après lui, qui en est
fait par les États-Unis, entraînant également des désaccords à l'ONU.
À partir de là, on comprend que les transformations subies par la notion de guerre et par le droit de la
guerre, après la Seconde Guerre mondiale et dans l'actualité récente encore, et la manière dont elles
sont comprises et interprétées, en particulier à partir des analyses de Carl Schmitt auxquelles se
référent tous les juristes du droit international s'occupant de ces questions, cons tituent des enjeux
importants quant à leur traduction pratique. Toutes les études actuelles sur la guerre et sur le droit de
la guerre, se posent dans ces termes : peut-on conserver les termes classiques du jus publicum
europeaum (guerre limitée) ou au contraire en sortir (guerre illimitée), question qui vaut pour la guerre
elle-même et pour ses moyens. Et encore, tous les juristes posent la question de savoir si l'on peut et
comment, distinguer le statut des combattants. Questions qui se posent en théorie et en pratique.
Jacques Derrida précise : « Une lecture critique de Carl Schmitt, par exemple, serait fort utile […] pour
prendre en compte, aussi loin qu’il est possible, la différence entre la guerre classique (confrontation
directe et déclarée entre deux États ennemis, dans la grande tradition du droit européen), la « guerre
civile » et la « guerre des partisans » (dans ses formes modernes, encore qu’elle apparaisse, Schmitt le
reconnaît, dès le début du XIXe siècle) ».
Les tribunaux internationaux, et des ONG telles qu'Avocat sans frontières - là où ils peuvent agir -
s'intéressent enfin aux séquelles sociopsychologiques dont la polémologie a montré qu'elles
nourrissent souvent et longtemps des haines qui sont le germe de futures guerres. Mais des questions
non résolues sont encore posées à la polémologie, à l'irénologie comme au Droit de la guerre,
notamment celle du traitement de la responsabilité, éventuellement partagée, des séquelles de
guerre et des impacts différés de l'utilisation de certaines armes ( arme nucléaire, armes
chimiques, défoliants - utilisés notamment au Vietnam -, obus ou balles à uranium appauvri, etc.). Une
autre question est celle du statut juridique des munitions perdues lors des guerres, des munitions
volontairement et massivement immergées, de celles non explosées, récupérées sur les champs de
bataille ou non utilisées.
Au sein de la communauté internationale, la question du Droit d'ingérence ou le Principe de
précaution ou des limites de la notion de représailles sont également en débat, avec des conséquences
possibles sur le Droit de la guerre.

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La Charte des Nations Unies7

« La Charte n’est pas seulement, mais est d’abord et principalement la construction d’une société de
paix. Son préambule énonce certes d’autres objectifs, tels que la libération humaine et le progrès social,
mais en premier lieu l’élimination de la guerre. Il commence par cette phrase qui manque trop de
publicité « (Nous Peuples des Nations unies) Résolus à préserver les générations futures du fléau d e la
guerre qui par deux fois dans l’espace d’une vie humaine a infligé à l’Humanité d’indicibles
souffrances. »

Et les règles peuvent se résumer en une interdiction de la guerre. L’article 2.4 interdit le recours à la
force et à la menace de la force dans les relations internationales.

La légitime défense est admise, mais, parce que trop d’agressions ont été commises sous prétexte de
ce qu’on prétendait être menacé, la défense préventive n’est pas admise, mais seulement quand
l’agression a lieu. L’assistance à l’agressé est admise, mais seulement, dans les limites de l’urgence, et
à condition d’avoir appelé au secours le Conseil de sécurité et de s’effacer dès qu’il intervient.

Car dès lors que le recours à la force est interdit à tous les États, individuellement ou en groupe, seul le
Conseil de sécurité peut user de la force, parce que l’Onu est l’organe commun de l’ensemble de la
communauté internationale. C’est ce qu’on appelle le principe de sécurité collective auquel on ne
saurait assimiler la sécurité prétendument collective mais collectivement accaparée des alliances et
autres coalitions. Le principe de sécurité collective qui se substitue au vieux système des alliances rend
celles-ci parfaitement illégales. Il en est ainsi notamment de l’Otan : comparable à ce que serait une
milice privée dans un pays.

Et la paix est tellement au cœur de l’édifice que le Conseil de sécurité lui-même ne peut user de la force
que pour le maintien de la paix (séparer des gens qui veulent se battre) ou le rétablissement de la paix
(mettre fin à une agression). Ainsi quand l’Irak a attaqué le Koweït, l’intervention pour libérer le Koweït
était légale ; elle a cessé de l’être quand elle s’est poursuivie en Irak.

De plus, le Conseil de sécurité ne peut recourir à la force armée qu’après avoir épuisé les préalables
diplomatiques ou économiques.

Enfin, l’article 26 de la Charte donne pouvoir au Conseil de sécurité pour promouvoir la mise au point
d’un programme général de désarmement, pour « ne détourner vers les armements que le minimum
des ressources humaines ».

On reproche souvent au Conseil de sécurité d’être un « directoire des grands » et la demande de sa


réforme est récurrente.

Il est incontestable que l’existence de membres permanents est contraire au principe d’« égalité des
nations petites et grandes » proclamé par l’article 2 de la Charte. Mais si l’on commence à entrer dans
la réforme de la Charte, on ouvre la boîte de Pandore et ce sera ceux que la Charte gêne qui en
profiteront pour réformer ce qui les gêne, alors que même ainsi cette présence des 5 ne devrait pas être
un obstacle.

D’abord, il est faux que ce soit un « directoire des grands ». Ce serait exact s’ils constituaient un collectif
ayant des pouvoirs propres, qui en ferait une sorte d’exécutif dans le Conseil. Il est possible que cela se
passe ainsi dans les coulisses, mais certainement pas dans les termes de la Charte. Leur seul pouvoir
est un droit de veto, et encore, limité aux décisions emportant des sanctions.

7 https://www.un.org/fr/about-us/un-charter/full-text

17
À l’origine, et dans la lettre de la Charte (telle qu’elle n’a pas été modifiée), il ne s’agit pas d’un droit de
veto, mais d’un principe d’unanimité. Certaines décisions ne peuvent être prises que si elles recueillent
une majorité dans laquelle doivent figurer les 5. Mais quand eut lieu la guerre de Corée, les Soviétiques.
qui ne voulaient voter ni avec les Chinois ni avec les Occidentaux, se sont fiés au principe d’unanimité
pour décider de ne pas venir, leur absence devant empêcher la présence du vote des 5 dans une
majorité. C’est alors que les États-Unis ont imaginé de saisir la Cour internationale de justice, qui, par
une savante lecture de virgules, a considéré que celui qui ne votait pas contre était donc d’accord pour
que la résolution soit prise et que son absence valait vote affirmatif. Elle inversait ainsi la portée de
l’abstention. On aurait tort de s’en plaindre, car le principe d’unanimité est beaucoup plus bloquant
que le veto. Et on aurait tort de supprimer le veto dont nous exigions que Chirac l’utilise contre la
deuxième guerre d’Irak s’il y avait eu une majorité, et on peut regretter que la Russie et la Chine ne
l’aient pas utilisé contre l’intervention en Libye. Le problème est qu’il a un effet de blocage quand les
États-Unis l’utilisent au service d’Israël ou la France au service du Maroc.

Mais ce n’est possible qu’en oubliant que l’article 24.2 de la Charte précise que le rôle du Conseil de
sécurité est de veiller au respect des principes de ladite Charte. Dès lors, un veto pour empêcher que le
Conseil outrepasse les pouvoirs que lui donne la Charte est un veto légal et un veto qui l’empêche de
jouer son rôle est un veto illégal. Resterait à identifier les cas où il serait légal ou illégal, mais cela
pourrait parfaitement être résolu par le pouvoir que la Charte donne à l’Assemblée générale de faire
au Conseil ses recommandations. Et il n’est pas besoin d’une réforme de la Charte pour le préciser, car
ce n’est que compléter l’interprétation donnée par la Cour Internationale de justice. »8

8Source : https://www.cairn.info/revue-la-pensee-2016-3-page-77.htm (Droit international et souveraineté des


peuples - Roland Weyl, dans La Pensée 2016/3 (N°387), pages 77 à 83)

18
Les Robots tueurs

Les technologies de l’intelligence artificielle ont des applications militaires diverses qui présentent un
intérêt opérationnel réel pour les forces armées, par exemple dans le domaine de la reconnaissance
ou de l’aide à la décision. D’une manière générale, le développement des applications militaires de
l’intelligence artificielle n’a pas vocation à remplacer le commandement humain. Il s’agit plutôt de
l’assister et ainsi d’améliorer le processus de prise de décision dans des situations opérationnelles
complexes et fortement évolutives.
Néanmoins, il ne peut être exclu que les progrès technologiques enregistrés dans ce domaine puissent
conduire, dans l’avenir, au développement par certains acteurs de ce que l’on a appelé des « systèmes
d’armes létaux autonomes » (SALA), c’est-à-dire des systèmes d’armes, qui seraient capables de
recourir à la force létale sans aucune forme de supervision humaine. Autrement dit des systèmes qui
seraient capables de modifier le cadre de la mission qui leur a été fixée, voire de s’assigner eux-mêmes
de nouvelles missions.
Donner une décision de vie et de mort à une technologie à partir de données pose évidemment un
problème d’éthique. Une machine ne comprendra jamais le contexte d’une action ni ses
conséquences. Sans l’intervention humaine, la proportionnalité d’une attaque, la distinction entre
civils et militaires ne seront pas prises en compte par le système d’IA. Les droits de la guerre seront
bafoués : un groupe d’hommes voulant se rendre, par exemple, sera reconnu comme des attaquants
et abattus…
Noel Sharkey, président du Comité International pour le contrôle des armes robotisées, expert en IA
et en robotique à l’université britannique de Sheffield, a déclaré :
“Ne vous laissez pas tromper par l’absurdité de l’intelligence de ces armes… Vous ne pouvez tout
simplement pas faire confiance à un algorithme – aussi intelligent soit-il – pour rechercher, identifier
et tuer la bonne cible, surtout dans la complexité de la guerre”
Déjà importants, les rangs des personne, pays, institutions et entreprises privées qui répètent leur
souhait d’interdire les robots tueurs grossissent.
En mai 2021, le Comité international de la Croix-Rouge a appelé les États à négocier un traité
international qui interdise les systèmes d’armes autonomes imprévisibles ou qui ciblent des personnes
et à adopter des règlementations visant à assurer un contrôle humain significatif sur les autres
systèmes. Depuis 2018, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, exhorte les États à
interdire les armes qui ciblent et attaquent d’elles-mêmes des êtres humains, les qualifiant de
« politiquement inacceptables et moralement révoltantes ».
« Une grande part de cette opposition repose sur la répulsion morale à l’idée que des machines puissent
décider de la vie et de la mort de personnes ». « Après huit ans de discussions sur les lourdes
conséquences de l’abandon du contrôle humain de l’usage de la force, les pays devraient maintenant
décider de répondre à ces menaces », a déclaré en décembre 2021 Bonnie Docherty, chercheuse senior
auprès de la division Armes à Human Rights Watch et directrice adjointe chargée des conflits armés et
de la protection civile à la Harvard Human Rights Clinic. « Il faut d’urgence élaborer un traité pour
remédier aux lacunes du droit international humanitaire, et l’actualiser de manière à répondre aux
questions légales, éthiques et sociétales liées à l’intelligence artificielle actuelle et aux technologies
émergentes. » « Un nouveau traité permettrait de combler le vide juridique international par un
nouveau traité et de protéger les principes d’humanité que nous dicte notre conscience face aux
technologies militaires émergentes. »

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C’est Human Rights Watch qui a le premier apporté cette question à la connaissance de la
communauté internationale à travers son rapport “Losing Humanity: The Case Against Killer Robots”9.
Human Rights Watch est à l’origine et à la tête d’une coalition de plus de 185 organisations non
gouvernementales issues de 67 pays qui plaident pour un traité qui impose le maintien d’un contrôle
humain significatif sur l’emploi de la force et qui interdise les systèmes d’armes fonctionnant de
manière autonome.
La Campagne Stop Killer Robots 10 , à travers son plaidoyer sur les SALA a produit un court-
métrage expliquant le contexte dans lequel évoluent les SALA et le travail fait au sein des Nations Unies
et de la Société Civile. 11
Même si de plus en plus de gouvernements, d’institutions, d’experts en IA, de scientifiques… appellent
à une réglementation des SALA, des pays s’y opposent : la Russie, l’Inde et Israël en tête et rendent la
mise en place d’un cadre normatif impossible à ce jour.
C’est la raison pour laquelle un débat sur la manière d’appréhender ces armes, qui ne font pas encore
partie de la réalité stratégique, est nécessaire. Pour être efficace, ce processus doit être ancré dans un
cadre universel associant toutes les principales puissances militaires.
La CCAC, qui constitue un instrument essentiel du droit international humanitaire et une enceinte
associant des expertises complémentaires sur les questions humanitaires comme de sécurité,
répondait à ces critères. Un groupe d’experts gouvernementaux a été mis en place en son sein afin de
dégager des principes directeurs.
Un résultat important a été obtenu, en novembre 2019, avec l’approbation par la réunion des États
parties à la CCAC de 11 principes directeurs. Ces principes affirment notamment que le droit
international humanitaire s’applique à tous les systèmes d’armes, y compris ceux dotés d’autonomie,
et que l’emploi de ces systèmes doit toujours dépendre d’une responsabilité humaine. Ils évoquent la
nécessité d’une interaction entre l’humain et la machine, dont la nature et l’étendue doivent encore
être précisées, pour assurer le respect du droit international humanitaire lorsque ces armes sont
utilisées. Ces principes rappellent aussi que les États doivent, conforméme nt au premier protocole
additionnel aux Conventions de Genève, examiner la licéité des nouvelles armes qu’ils développent.
Si la CCAC n’a pu aboutir sur des recommandations tangibles, un nouveau traité international pourrait
cependant être adopté par le biais d’un processus indépendant.
Fin 2021, le sujet a de nouveau été abordé par les 125 Etats réunis à Genève mais, faute d’entente, le
dossier, renvoyé devant les experts gouvernementaux, a finalement fait l’objet de nouvelles
négociations en 2022.
« Written proposals on the “normative and operational framework” were submitted by the UK, a
joint proposal from Australia, Canada, Korea, Japan, the UK and USA and another joint proposal by
10 states including Argentina, Costa Rica, Ecuador, Guatemala, Kazakhstan, Nigeria, Panama, Peru,
the Philippines, Sierra Leone, State of Palestine and Uruguay. »12

9 https://www.hrw.org/report/2012/11/19/losing-humanity/case-against-killer-robots
10 https://www.stopkillerrobots.org/
11 Pour en savoir plus :

https://www.un.org/disarmament/fr/le-desarmement-a-geneve/convention-sur-certaines-armes-
classiques/informations-generales-systemes-darmes-letales-autonomes-sala/
12 https://www.stopkillerrobots.org/news/discussions -at-un-on-autonomous-weapon-syste ms-blocked-by-

russia-but-states-indicate-way-forward/

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