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(avril 2015)
“Démystifier
Maurice Duverger,
alias « Philippe Orgène » :
le devoir des historiens
du politique.”
Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole,
Professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi
Page web. Courriel: jean-marie_tremblay@uqac.ca
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Michel BERGÈS
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Michel BERGÈS
Professeur des universités, Agrégé de science politique
Université de Bordeaux IV Montesquieu
avril 2015
Michel Bergès, “Démystifier Maurice Duverger, alias «Philippe Orgène»...” (2015) 6
Introduction
I. Duverger-Orgène, au service carriériste de la « Révolution nationale »
– Un antisémitisme duvergérien caractérisé
– L’arrogance durvergérienne décalée de servir la Révolution nationale : le
rêve d’être « secrétaire général à la Jeunesse de Vichy »
II. Dissociation cognitive, rédomption, repentance calculée
– Servir Vichy en tant que jeune agrégé de Droit public
– De la reconstruction échevélée de soi, ex post, dans une cité « au men-
songe déconcertant »
Michel BERGÈS
Professeur des universités, Agrégé de science politique
Université de Bordeaux IV Montesquieu
INTRODUCTION
venir « toute la lie des ghettos d’Europe ». Et l’article, citant avec dé-
lectation l’antisémite Rebatet, de dresser des listes de noms prouvant
cette « invasion juive », et de dénoncer « les vaudevilles fabriqués à la
chaîne » semblables à « la camelote des Uniprix juifs », ce qui abou-
tissait à un « abrutissement public ». Le pamphlet critiqua enfin, avec
Rebatet, notamment les films de Marcel Carné, Hôtel du Nord, Quai
des Brumes, Le Jour se lève, au contenu « fataliste », d’un « détermi-
nisme dégradant ». Il ajouta qu’il était urgent de faire appliquer les
décrets pris contre cette « invasion », mais qui restaient pour l’instant
« sur le papier ».
Ce type d’approche sera complété par un article tout autant « éli-
tiste » de Duverger, le 3 août 1941, portant sur l’état du théâtre dans le
pays, en complément de celui sur le cinéma.
Même continuité : dans la rubrique « Au fil de la pensée » du Pro-
grès de Bordeaux du 6 juillet 1941, Duverger-Orgène se démasqua
crûment et se déchaîna avec son « pseudo » dans un article intitulé :
« La Trahison des clercs ».
Là, il prit très violemment à partie Julien Benda, ce dreyfusard de
la première heure, proche de Charles Péguy, contempteur des « reli-
gions temporelles » politiques, totalement fétichistes. Face à « L’Ac-
tion française », dont il se déclara l’adversaire irréductible, Benda cri-
tiqua aussi très durement la politisation débridée de nombre d’« intel-
lectuels », en dénonçant le repli de ces « clercs » vers des pensées et
des positions frelatées, eux qui se jetaient comme des gogos sur les
faux et flous concepts d’« État », de « patrie », de « race », de « na-
tion », de « classes sociales », de « parti », de « marxisme », de « fas-
cismes », mythes illusoires et dérisoires…. Benda conspua tous ceux
qui s’étaient pliés aux ordres d’organismes qui avaient substitué des
succédanés de « religion » à des choses terrestres, politiques, liées à
des intérêts critiquables, arrivistes, carriéristes ou sordides, sous des
couverts pseudo-intellectuels, captant et manipulant « les haines poli-
tiques » des générations montantes, trompant ainsi toute la jeunesse.
Duverger, qui se sentit directement visé dans sa propre trajectoire
henriotiste et doriotiste antérieure échevelée, outrancière, raciste, xé-
nophobe, antidémocratique, antisémite, sexiste, explicite, celle des an-
nées 1934-1940, comme dans sa soif d’engagement pétainiste sui-
Michel Bergès, “Démystifier Maurice Duverger, alias «Philippe Orgène»...” (2015) 14
tions dans le régime en pointillé. Il franchit le pas par écrit, avec une
naïveté inversement proportionnelle à son ambition d’alors.
– L’arrogance décalée
pour servir la Révolution nationale :
le rêve duvergérien d’être « secrétaire général
à la Jeunesse de Vichy »
Texte dans le sens pétainiste, pétri d’orgueil, qui confirme aussi les
relations privilégiées avec Raymond Courtot – en complément donné
à l’équipe de « ses » jeunes par Adrien Marquet, contre Pucheu,
contre Pélorson, puis contre les dérives de Laval.
Courtot, d’abord délégué régional à la Jeunesse en Gironde (avant
d’être nommé plus tard pour un temps délégué au ministère de l’Infor-
mation), nous a répété de vivo, lors de nos entretiens à Paris, ses
propres critiques à l’égard de Lamirand, qu’il exposa à l’époque de fa-
çon plus ou moins voilée dans ses rapports à Vichy (qu’il nous a aussi
confiés dans leur intégralité). Duverger fit en quelque sorte « du Cour-
tot » dans son article du 24 janvier, reprenant les mêmes thèmes,
comme si le délégué régional avait insufflé au jeune juriste bordelais
l’idée de se positionner politiquement, couvert qu’il était par le maire
collaborationniste Adrien Marquet (l’obtention de l’agrégation de
Droit public en septembre 1942 le sauvera de cette « carrière » poli-
tique putative). Cela, d’autant que, nous l’avons déjà dit, l’équipe du
Progrès fut souvent invitée par Marquet dans des restaurants bordelais
bien fournis en nourritures en ces temps de disette forcée, répétons-
nous, pour échanger des vues générales sur la situation et résoudre
certains problèmes passagers… Une précision : Raymond Courtot
prononça également le 27 avril 1942 une conférence explicitement an-
tisémite et publia dans Le Progrès de Bordeaux le texte d’une allocu-
tion devant l’AGE (l’Association générale des Étudiants), « Les étu-
diants et la Révolution nationale », dont le contenu est très proche des
articles de Duverger précités.
Le grand maître de l’impétrant à la Faculté de Droit, Roger Bon-
nard, ayant informé les étudiants que l’Agrégation du Supérieur,
jusque-là arrêtée en raison de la guerre, allait être réintroduite, le
jeune vacataire, brillant docteur bonnardien depuis le 4 août 1940,
profitant de cette information, se mit à préparer avec acharnement ce
concours, tout en continuant de transmettre quelques articles au Pro-
grès… Avec des facilités, en raison du fait que pour appuyer son pou-
lain, Bonnard le fit entrer à la Fondation Thiers à Paris – institution
analysée par l’historien Pascal Ory 4 –, avec une bourse importante. Le
4 Cf. le texte de Pascal Ory sur l’histoire cette fondation, d’intérêt général, exis-
tant depuis mai 1893, « Le premier siècle de la Fondation », publié dans l’an-
nuaire de celle-ci en 1893. Cf. le site http://www.fondation-thiers.org/his-
toire.php
Michel Bergès, “Démystifier Maurice Duverger, alias «Philippe Orgène»...” (2015) 21
– Servir Vichy
en tant que jeune agrégé de Droit public
8 Ibidem.
9 Cf. notamment, Danièle Lochak, « La doctrine sous Vichy ou les mésaven-
tures du positivisme », in Les Usages sociaux du droit, CURAPP, Paris, PUF,
1989, p. 252 et sq. ; Danièle Lochak, « Écrire, se taire… Réflexion sur l’atti-
tude de la doctrine française », in Dominique Gros et alii, Le Droit antisémite
de Vichy, Revue Le Genre humain, n° 30-31, Paris, Le Seuil, 1996 ; Domi-
nique Gros, « Le “statut des Juifs” et les manuels en usage dans les Facultés
de Droit (1940-1944) : de la description à la légitimation », Cultures et
conflits, 9-10, 1993, p. 139-171 ; « La légitimation par le droit », in Serviteurs
de l’État, op. dirigé par Marc-Olivier Baruch et Vincent Duclert, Paris, La Dé-
couverte, col. « L’espace de l’histoire », 2000 ; Grégoire Bigot, « Vichy dans
l’œil de la Revue de Droit public », in Le Droit sous Vichy, Das Europa der
Diktatur, Frankfurt am Main, 2006, p. 415-435 (nous tenons à remercier ce
dernier auteur de nous avoir transmis cette contribution).
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18 Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Le Seuil, 1996, p. 288-289.
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Il faut bien tenir compte des preuves dans les choses humaines, en
histoire politique ! Quelques mots à ce propos, sur tous ces points.
Maurice Duverger, jouant habilement des couvertures institution-
nelles et symboliques les plus multiples qu’il pouvait actionner, de par
sa renommée justifiée, n’a-t-il pas toujours tenté de dissimuler les
faits que nous avons évoqués le concernant, en se jouant de la Justice,
mais aussi, à l’inverse, en tentant de s’abriter derrière elle ? À voir…
Quant à cela, la science historique positiviste, telle que rappelée ici
par le témoignage d’Antoine Prost, a été très clairement définie, par
exemple, au XIXe siècle, par Charles Seignobos, comme aujourd’hui,
par l’historien italien Carlo Ginzburg. Serait-elle totalement coupée de
cette même Justice en termes de science forensique (de criminalis-
tique), c’est-à-dire de production de la preuve en matière de police
scientifique et de droit pénal, ici appliquée au monde de la politique
par les historiens 19 ? Notre réponse est simple : non, évidemment –
ceci, dit pour tous les étudiants qui parviendraient un jour à nous
lire…
Anomalie donc, concernant là Duverger, depuis le procès qu’il in-
tenta au journal Minute en 1967, jusque dans ses mémoires publiées et
épurées, L’Autre Côté des choses, parues chez Albin Michel en 1977,
nous l’avons vu, en passant par le procès final de 1988.
Plusieurs choses peuvent être rappelées brièvement.
Par rapport à notre modeste témoignage produit devant la XVII e
Chambre correctionnelle du Tribunal de Paris lors du procès contre
Actuel lancé en 1987 en termes de plainte par Duverger-Orgène, ainsi
que devant les caméras du journal télévisé de FR 3 Aquitaine le mer-
régime en question, tout en tentant de demander – ce qui était son rôle en tant
que chef de la communauté protestante de France – des explications aux ac-
teurs de l’époque, Pétain en tête, en passant par Laval, Pucheu, Bousquet et
consort – ce que lui permettaient ses fonctions historiques. Boegner agit aussi
en la matière, en toute confiance avec Mgr. Gerlier, Archevêque de Lyon, aus-
si impuissant que lui, concernant la mort de milliers de personnes dont ils
étaient tous deux conscients. Il témoigne dans ses Carnets d’époque (témoi-
gnage d’autant plus précieux) de ses efforts, vains, mais qui révèlent sa haute
dignité morale, à la place où il fut destiné un temps, lui qui savait tout, très tôt,
par les pasteurs protestants allemands et la Croix Rouge, via la Suisse, sur la
« Shoah ».
25 Cf. Michel Bergès, Le Pétainisme à Bordeaux, à paraître. Cf. également
Jacques Ellul, L’Illusion politique, Paris, La Table ronde, 2012 (réédition), ou-
vrage qui montre l’incompréhension totale de la politique et de ses enjeux à
Bordeaux de 1944 à 1947, de la part de cet auteur encensé aujourd’hui par
certains, mais très estimable, dans les valeurs qu’il défendit alors, évidem-
ment.
Michel Bergès, “Démystifier Maurice Duverger, alias «Philippe Orgène»...” (2015) 37
mâcha pas ses mots, en la circonstance, situé, comme pour tous les té-
moins, à deux ou trois mètres du juriste vichyssois dans une salle peu
spacieuse (celle de la XVIIème Chambre correctionnelle du Tribunal de
Paris, « réservée » aux questions concernant la Presse…). Écoutons-
le :
tuel. Ory nous a révélé ex post qu’il fut aussi le témoin (au sens phy-
sique du terme) d'une âpre discussion entre Jean Paul Enthoven et An-
dré Glucksmann, d’où il ressortit que le premier se mordait les doigts
d’avoir accepté de témoigner, en tant qu’ancien assistant de Maurice
Duverger, et d’avoir soutenu la parfaite moralité « humaniste et philo-
sémite » dudit professeur, alors que le second, lui, manifesta ostensi-
blement au premier son plus complet mépris… Instants d’un procès,
humainement parlant.
Nous avons nous-même été contactés, juste après l’évenement de
1988, par un ancien étudiant de Duverger à la Sorbonne, stupéfait par
nos « révélations », malgré le fait que celles-ci furent caviardées par
les comptes rendus de la presse officielle, Le Monde en tête, par la
plume orientée de Jean-Marc Théolleyre, qui défendit loyalement son
journal, mais aussi hélas, par le journal Sud-Ouest de l’époque, qui,
lui, prétendit, de bonne guerre, que nous n’étions pas certain que Du-
verger était Philippe Orgène… 27 – attitude d’étouffement de la vérité
qui s’est perpétuée lors du décès de Maurice Duverger en dé-
cembre 2014, « mythe de Bordeaux » et « journal local » obligent, via
le directeur de l’IEP de Bordeaux !
En novembre 2003, dans un article important de la revue l’His-
toire, Pascal Ory, qui se trouva également aux côtés de Maître Charles
Libman lors des procès Touvier et Barbie pour crime contre l’humani-
té, se montra sensible dans la suite de cette affaire, au cas du dessina-
teur-caricaturiste « Chaval » (en fait Yvan Lelouarn – cité plus haut
–), qui avait publié les « dessins » antisémites indignes précités au
Progrès de Bordeaux. Insistant sur le secret qui avait relié Yvan Le
Louarn-Chaval et Duverger-Orgène, Pascal Ory alla à l’essentiel, écri-
vant notamment, en préambule de sa réflexion sur les deux compères :
« Quand donc les Français – au même titre, il est vrai, que
la plupart des autres peuples d’Europe et d’Asie naguère plon-
puis, Du fascisme, Paris, Perrin, 2003 ; La France allemande, Paris, Galli-
mard, col. « Archives », 1977 ; L’Art de la bande dessinée, Paris, Éditions
Mazenod, 2012 ; et aussi, sa très grande thèse, La Belle Illusion, Culture et
politique sous le signe du Front Populaire, Paris, Plon, 1994, que nous avons
compulsée de long et en large…
27 Cf. le compte-rendu rédigé par Jacques Belin (« Maurice Duverger contre Ac-
tuel »), dans Sud-Ouest du vendredi 21 octobre 1988.
Michel Bergès, “Démystifier Maurice Duverger, alias «Philippe Orgène»...” (2015) 39
29 Cette réduction des hommes à des oiseaux n’est pas originale, malgré son as-
pect symptomatique. Comme nous l’a fait judicieusement remarquer notre
collègue et ami Pierre Cabrol, Yvan Le Louarn a pu s’inspirer de l’ouvrage
d’Anatole France, célèbre en son temps, L’île des Pingouins, publié en 1908.
Aucune référence explicite n’est avancée en la question dans l’ouvrage de
Pierre Ajame, Entretiens avec Chaval. Portrait de l’artiste sans légende (Pa-
ris, Alice Éditions Chêne, 1976), enregistré à Paris pendant trois semaines en
1966, agrémentés de 41 photos, dessins et reproduction d’eaux fortes, dont
certains confiées à l’éditeur par Maurice Duverger – exécuteur testamentaire
de « Chaval » –, publié après le suicide du dessinateur, en raison des scrupules
de l’interviewer. Mais cela n’est pas une preuve négative en soi. La question
concernant le modèle d’Anatole France n’a pas été posée à « Chaval » par le
journaliste indiqué, mais elle reste sur le fond, très plausible…
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« Cher Ami,
Sachant que vous avez engagé un procès en diffamation por-
tant sur des thèmes essentiellement juridiques, et touchant la
question juive, je me permets de rappeler que c’est un domini-
cain, le Révérend Père Maydieu, qui vous a recommandé au-
près de moi pour vous faire entrer dans l’équipe du Monde. Le
père Maydieu m’avait assuré d’autre part que vous aviez mis
fin dès 1938 à une participation de jeunesse au PPF. Vous avez
pu ainsi entrer en 1945 au Journal, où vous avez assuré une ex-
cellente collaboration.
Lorsque diverses protestations se sont élevées plus tard, no-
tamment en 1957, j’avais demandé l’avis de Charles Eisen-
mann, lui aussi professeur de droit public à la Faculté de Droit
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32 Cf. dans l’ouvrage collectif, Jean Augustin Maydieu. Actes des colloques, nu-
méro spécial de Mémoire dominicaine. Histoire. Documents. Vie dominicaine,
réunis par David Gaillardon, Paris, CERF, 1998, p. 303-313, l’article à nou-
veau justificateur de Duverger, « Un révélateur d’hommes », p. 303-313.
Michel Bergès, “Démystifier Maurice Duverger, alias «Philippe Orgène»...” (2015) 48
l’un d’entre eux étant devenu son rédacteur en chef comme at-
taché au cabinet du maire.
L’expérience valait d’être tentée, puisqu’ils étaient les
maîtres d’une double page centrale, à en-tête de « l’Équipe »
définie par un manifeste inaugural proclamant : “Nous qui,
chaque semaine, tenterons ici de faire comprendre et aimer
l’art de France, en toutes les apparences variées qu’il revêt
théâtre, littérature, musique, cinéma, peinture, sculpture, etc.,
nous avons tenté de former une équipe. Chacun y apporte sa
contribution, mais en acceptant les modifications et les correc-
tions qui permettront à cet accord de s’intégrer dans l’œuvre
commune”. Jusqu’alors, il y avait eu peu de divergences entre
les équipiers, qui ne parlaient guère de politique sauf dans le
style de l’humour définissant la révolution nationale par la tri-
logie “bibliothèque rose, terreur blanche et marché noir”. J’es-
pérais pour ma part faire passer sous un pseudonyme collectif
des idées alors proscrites en usant d’un double langage dans le
genre de celui que Maydieu développera dans les cahiers de
“Rencontres”.
L’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne, le 22 juin
1941, révéla brusquement la faiblesse de notre petit groupe. Il
refléta la fracture d’une nation qui risquait de se dévoyer dans
une guerre civile. Téléphonant ma joie ce matin-là au rédacteur
en chef en lui expliquant qu’Hitler, comme Napoléon, allait
s’épuiser en coups de poing dans l’édredon russe, je fus interlo-
qué par la réponse : “Tu préfères le NKVD à la Gestapo ? ”. En
répliquant : “Oui, parce que le NKVD est à Moscou et la Gesta-
po à Paris”, je pressentais que l’équipe était condamnée. Je
m’en aperçus quand je tentais le plus audacieux des articles co-
dés, sous le titre La Trahison des clercs, appliquée à deux caté-
gories de déserteurs : ceux “qui ont pris le bateau ou l’avion
pour l’Amérique, aux heures lourdes où le malheur étreignait
la patrie”, ceux “qui sont restés mais n’espèrent pas autre
chose que la résurrection pure et simple du passé”. Le silence
sur ceux partis rejoindre de Gaulle était éloquent à l’époque,
où nul ne parlait de fuir aux États-Unis, mais où la radio de
Londres était généralement écoutée tous les soirs. On compre-
nait par lui que ces derniers incarnaient “l’effort opiniâtre
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DOCUMENTS ANNEXES
– Annexe 1.
– Annexe 2.
– Annexe 3.
T. 1, p. 126/2-127/3
p. 126/ 2
« Une idée s’ancre alors dans mon esprit. Dans la situation ter-
rible où la nation est enfermée, il faut maintenir l’unité des Français,
à travers les diverses formes de résistance. Les partisans des Alle-
mands, les fascistes, les collabos sont peu nombreux. Ils le resteront
toujours, même quand Vichy penchera de leur côté. Les autres ne
doivent pas se déchirer entre eux, qu’ils soient gaullistes, pétainistes,
attentistes, etc. Pas se considérer comme des ennemis irréconci-
liables, qui poursuivent des objectifs opposés. Mais comme des rivaux
qui cherchent à parvenir par des voies différentes au même but : libé-
rer le territoire national. Certes, tout le monde n’est pas d’accord sur
le futur système politique de la France. Mais la question ne se posera
Michel Bergès, “Démystifier Maurice Duverger, alias «Philippe Orgène»...” (2015) 57
– Annexe 4.
LE DIRECTEUR
LE DIRECTEUR
LE DIRECTEUR
Maurice Duverger
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– Annexe 5.
Fin du texte