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En France, 30 millions de personnes parlent avec un accent régional. Cette particularité linguistique, qui
peut sembler anodine, peut faire l’objet de moqueries et freine certaines personnes dans leur accès à
l’emploi. Christophe Euzet, député de l’Hérault, présente une proposition de loi devant l’Assemblée
nationale ce mercredi 18 novembre pour lutter contre cette discrimination, qui porte un nom : la
glottophobie. Explications.
« Avoir un accent chantant », « qui fleure bon le sud », ou « qui rappelle le froid des corons du Nord »…
Ces petites expressions, on les a toutes et tous entendues un jour. Voire prononcées en fonction d’où on
vient.
Mais avoir un accent, entendre prononcer les mots de façon différente que la prononciation standard, peut
parfois poser problème, notamment dans la vie professionnelle.
Dans une étude Ifop parue en janvier 2020, 16 % des Français et des Françaises disent avoir été victimes
de discrimination à l’embauche à cause de leur accent. Cette discrimination a un nom : la glottophobie. «
Il s’agit de stigmatiser ou de traiter différemment une personne, notamment dans son accès à un droit ou à
une ressource, tel qu’un emploi, en utilisant un prétexte linguistique » détaille Philippe Blanchet, linguiste
et enseignant à l’université Rennes-2.
Le Marseillais d’origine a été associé à la proposition de loi, présentée et adoptée mercredi 18 novembre
par la commission des lois à l’Assemblée nationale par le député de l’Hérault Christophe Euzet, pour que
cette discrimination soit reconnue comme telle et punie par la loi. Au même titre que la xénophobie ou
l’homophobie, par exemple.
Un mépris de classe
Cette dominante de l’accent standard date d’après la Révolution française et de la centralisation. « À
l’image du pays, le modèle linguistique s’est centralisé avec l’idée qu’il n’y avait qu’une seule langue
légitime en France, précise Philippe Blanchet. Cette langue c’est le français avec une seule façon de
l’écrire et, petit à petit, une seule façon de le parler qui est celle des classes supérieures aux commandes
du pouvoir central. » Pour Michel Feltin-Palas, « la discrimination de l’accent est le point ultime de la
centralisation linguistique : non seulement tout le monde doit parler français, mais tout le monde doit
parler français de la même manière ».
Au-delà de la distinction géographique, il faut aussi y voir une distinction sociale : « Il y a un double
mépris, celui de ne pas être né dans la bonne région, et celui d’être né dans le mauvais milieu social »,
avance Michel Feltin-Palas.
Pour lui, cela pose un réel problème d’égalité démocratique. « Ces distinctions relèvent d’un système
aristocratique. Or, depuis la Révolution, nous sommes dans un régime républicain et discriminer les gens
en fonction de leur manière de parler est fondamentalement contraire à l’égalité républicaine. Ça consiste
également à donner un avantage à la classe sociale qui est au pouvoir. Pour simplifier, depuis la
Révolution on est passé de l’aristocratie à la bourgeoisie parisienne. »
Le journaliste tient à citer Alain Rey, célèbre linguiste français décédé fin octobre. Il disait : « la
République a prétendu donner la parole au peuple, linguistiquement elle l’a donnée à la bourgeoisie ».
(https://www.ouest-france.fr/societe/dans-la-glottophobie-il-y-a-a-la-fois-un-mepris-geographique-et-un-
mepris-social-7055986)