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Le 6 mars, Eric Zemmour avait déclaré dans l'émission Salut les Terriens : "les

Français issus de l'immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la
plupart des trafiquants sont noirs et arabes... C'est un fait ». En lui apportant un
soutien remarqué, Philippe Bilger, avocat général prés la cour d’appel de Paris,
écrit dans son Blog : « je propose à un citoyen de bonne foi de venir assister aux
audiences correctionnelles et parfois criminelles à Paris et il ne pourra que
constater la validité de ce "fait", la justesse de cette intuition qui, aujourd'hui,
confirment un mouvement né il y a quelques années. Tous les noirs et tous les
arabes ne sont pas des trafiquants mais beaucoup de ceux-ci sont noirs et
arabes ».
Philippe Bilger a parfaitement raison. On ne soupçonne pas comme une
salle d’audience peut en apprendre sur la société française. L’auteur de ces
lignes en a pris conscience l’an dernier pendant le procès AZF à Toulouse. Au
début, on ne remarque rien. Et puis, un jour, la normalité invisible surgit. On
enregistre la distribution des places, la division du travail, le casting de série
télé, à la mode sociologique. A l’entrée, de la salle d’audience, les policiers sont
blancs. Les employés de la société de sécurité, noirs. Visiblement pas de la
même race, comme dirait un polémiste de la télé. Les maghrébins aussi sont à
leur place. Dans les rangs du fond, tout en bas, de la salle, sur les bancs des
parties civiles. Des femmes voilées, des hommes qui bossaient pour des sous-
traitants. Charger les camions, ramasser les déchets, balayer le reste,
manœuvres, chair à béton du BTP, de l’intérim, des sales boulots. Plus on
avance vers l’estrade où siège le tribunal, plus le blanc domine. Sur les bancs de
la presse, sur ceux des avocats, et parmi les magistrats, il n’y a plus que des
blancs. Attention, nous ne disons pas que tous les blancs sont des magistrats.
Nous disons que beaucoup de magistrats sont blancs. C’est un fait. C’est pour
ça que les blancs sont moins contrôlés que les autres.
Philippe Bilger a raison. On ne peut pas reprocher à Eric Zemmour
d’avoir énoncé un fait. Ce qui est plus étonnant, c’est qu’un magistrat éprouve
le besoin de défendre la liberté d’expression dans la posture narcisso-
médiatique d’un polémiste, le fond de commerce qui lui tient lieu de pensée.
Sans penser au contexte. Sans réfléchir à ce qui dans la société française
rend difficile, voire « audacieux » de déclarer que « la plupart des trafiquants
sont noirs ou arabes ». En Afrique du Sud au temps de l’apartheid, le propos
n’aurait pas choqué. On imagine que dans l’Algérie française, non plus.
Autrement dit, dans deux sociétés ouvertement racistes, les propos de Zemmour
seraient passés comme une lettre à la poste. Sans doute parce que, dans ces pays,
la liberté d’expression était plus grande qu’aujourd’hui en France. C’est un fait,
à condition de n’être ni noir, ni arabe. C’est un détail.
Dans la société française d’aujourd’hui, peut on considérer que seul le
politiquement correct s’oppose à ces propos ? La thèse arrange Zemmour.
L’« audace» du cumulard du figaro, RTL, France 2, Canal + a besoin de cette
« censure ». Si la France, en tout cas celle que Zemmour flatte dans le sens du

poil, était si à l’aise avec ses noirs et ses arabes qu’est ce qui s’opposerait à tenir
à leur égard des propos qui, concernant d’autres citoyens français ne
choqueraient personne ? En tout cas, ils ne passeraient pas pour le comble de
l’audace et de la liberté d’esprit alors même qu’ils illustrent l’inverse. Les noirs
et les arabes n’ont pas plus le droit que d’autres à être des délinquants. Ils n’ont
pas plus de droits, ils n’en ont pas moins. En tout cas il devrait en être ainsi.
On aurait pu attendre d’un représentant du ministère public une autre
réflexion sur cette situation. Comment expliquer que certains des enfants des
immigrés venus faire les métiers que les français ne voulaient plus faire soient
devenus des délinquants. Cette question renvoie à leur appartenance à des
catégories et à des situations sociales et non à la couleur de leur peau. C'est-à-
dire à des individus qui ont une histoire et non pas, pour seul bagage,
l’appartenance à une minorité visible. Il est possible qu’ils représentent dans les
statistiques de certaines formes de délinquance un poids supérieur à celui de leur
nombre dans la population totale. Un argument qui, s’il vaut pour eux, vaut aussi
pour d’autres. Les hommes d’affaires, les grands patrons, les cadres supérieurs,
les élus sont, rapportés à leur nombre dans la société, surreprésentés dans les
affaires d’abus de bien sociaux, de délit d’initiés, de corruption, de trafic
d’influence, de fraude fiscale, d’escroquerie. C’est un fait qui n’a pas pu
échapper à monsieur le procureur.

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