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Mais où va le blé ?

je ne parle pas de celui de la Bear Stearns, ni de celui


de la Société Générale. Je parle du blé de la farine avec lequel le boulanger fait
la baguette. En deux ans, Son prix a été multiplié par trois. Et le maïs, et le
beurre, et le soja ? Par deux, ma pauvre dame. A ce rythme, dans six mois on ira
acheter son pain place Vendôme et ses sandwichs avenue Montaigne. Aprés la
bulle immobilière, la bulle high tech, on a la bulle agricole. Les fonds de
pension spéculent sur la hausse des cours pour payer leur retraite aux retraités
qui avec vont acheter leur nourriture de plus en plus cher. Trop fort. On croit
rêver. Derrière nos écrans, on ne savait même plus que l’agriculture ça existait
encore à part sur « second life ». Dans la vraie vie on trouverait des fermes, des
champs et des trucs qui poussent dessus, comme dans la nature. Des gens y
vivent, aux confins de nos villes, après les banlieues, entre les derniers du neuf
trois et les premiers des ch’tis. On lit dans les journaux que l’agriculture
redevient stratégique. On va jumeler le salon de l’agriculture et celui du
Bourget, et vendre des betteraves à sucre à côté des rafales. Le présidenr de la
FNSEA va devenir un people. Il va être invité chez Fogiel, passer ses vacances
sur le tracteur d’un ami milliardaire. Tout ça parce que les chinois veulent
manger de la viande. Quelle drôle d’idée. Lisent jamais les journaux, les chinois.
L’encéphalie spongiforme bovine, le poulet à la dioxyne, la grippe aviaire, les
ogm, les pesticides, les nitrates, le gaucho ? connaissent pas. La malbouffe et
son cortège grandissant d’obèses insaturés dévoreurs de coupe faim arrosés de
soda, ? Non plus. Ils confondraient pas obèse et sumotori les chinois ? Et puis il
y a les autres, ceux qui veulent manger tous les jours. Des types à qui on ne
pourrait même pas fourguer un crédit pour acheter un grain de riz sur trente ans.
Même les marchés ne peuvent pas tout. Nous, pour sauver la planète on essaye
de rouler propre. De faire le plein au végétal. Que font les mexicains ? Le maïs
pour faire du carburant pour nos voitures, ils veulent le manger. En faire des
tortillas. Et le CO2, ils y pensent au CO2, du côté de Mexico ? Ils veulent la
guerre ou quoi ? Nous, pendant ce temps, on ne sait plus à quelle protéine se
vouer. Le glucide fout la trouille. Ne parlons pas du lipide, sérial killer
récidiviste notoire. Il faut oser le dire aux chinois, aux africains : Manger
réclame un sacré courage, une forme d’inconscience. C’est une mauvaise
habitude dont une fois prise on ne se débarrasse pas facilement. Depuis des
millénaires, l’homme lutte contre la faim sans même savoir pourquoi. Quand il
peut il mange. L’instinct sans doute, le dernier combat du mammifère en nous.
Heureusement que les marchés sont là, qu’ils veillent au grain s’il l’on peut dire.
Bientôt manger sera hors de prix. Il le faut, c’est une évidence.
Paul Bats

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