Jeremy Bentham un philanthrope du XVIII° siècle

Wikipédia 26 janv 2007-01-26, extraits

Jeremy Bentham, 1748-1832, était un philosophe, jurisconsulte et réformateur britannique.
« La morale réformée, la santé préservée, l'industrie revigorée, l'instruction diffusée, les charges publiques
allégées, l'économie fortifiée - le Nœud Gordien des lois sur les pauvres non pas tranché, mais dénoué - tout
cela par une simple idée architecturale. » Jeremy Bentham, Le panoptique, 1780, 56 pages, traduit de
l'anglais et imprimé par ordre de l'Assemblée législative en 1791.)
1984 de George Orwell est un roman qui s'inspire largement du principe de panoptique
Michel Foucault reprendra cette théorie dans Surveiller et punir, et fera remarquer que ce type de
construction est applicable également pour les usines, les écoles...
Centre Bentham http://bentham.free.fr/Articles/Fin_misere.pdf - extraits
© 2006 Anne Brunon-Ernst / Cet article est la propriété intellectuelle de son auteur.

La fin de la misère ?
Jeremy Bentham et la réforme des secours aux indigents, 1795-1798
Anne Brunon-Ernst

Jeremy Bentham … aborde la question de la pauvreté
dans les années 1795-1798. Il commence sa réflexion en
distinguant les pauvres des indigents : « La pauvreté est
l’état dans lequel se trouve tout personne qui, pour
obtenir sa subsistance, est forcée de recourir au travail.
L’indigence est l’état dans lequel se trouve toute
personne qui, étant dépourvue de toute propriété […], est
en même temps, incapable soit de travailler, soit, même
en travaillant, de se procurer les biens dont elle se trouve
avoir besoin. » ... Il propose, dans une série d’ouvrages,
de construire deux cent cinquante Maisons d’Industrie
… réparties également sur tout le territoire anglais et
gérées par une société privée par actions …. Ce projet ne
sera jamais appliqué ...
Toute personne désirant recevoir des secours doit se
rendre dans la Maison la plus proche de chez elle. Elle y
est acceptée, mais à condition de travailler pour
rembourser le montant de l’aide perçue, puisque
l’entreprise a un objectif lucratif.
Bentham pense que la surveillance continue de l’indigent
permet d’en faire un ouvrier travailleur et honnête. Il
réutilise à cet effet une architecture inventée par son
frère Samuel, et qu’il nomme Panoptique. Sa forme
circulaire permet, depuis la tour centrale, d’observer
l’activité des pensionnaires dans leurs cellules...
L’impératif de réduire le coût de l’assistance recueille un
large consensus dans la population… Les défenseurs
d’une aide obligatoire prônent une intervention de l’Etat
plus forte pour limiter l’augmentation de la misère…
L’une des expressions de cette position est la décision
des magistrats du Berkshire à Speenhamland (1795)
d’indexer les salaires sur le prix du pain. Une autre se
matérialise dans le projet de loi de Samuel Whitbread de
fixer un salaire minimum … (Bentham) souhaite réduire
le rôle de l’Etat en créant des institutions qui ont
vocation à s’autofinancer.
Le Panoptique de l’autorité C’est sur le mode de la
surveillance que Bentham aborde le débat sur
l’assistance dans les années 1790.
L’emprise que Bentham s’arroge sur ses pensionnaires
ne passe pas seulement par l’architecture, mais aussi par
des méthodes comptables et par un encadrement médical
et pédagogique. Tous les acteurs, des pensionnaires aux
personnels en passant par la population à l’extérieur des
murs, a un rôle à jouer dans le système de surveillance…
L’architecture panoptique exerce une domination sur les
corps pour en limiter le mouvement, sur les esprits pour
en maîtriser les pensées, sur la force des individus pour
la diriger et l’exploiter et sur l’activité des indigents afin
d’optimiser leur activité productive … Les administrés
(les pauvres de toutes les classes et de tous les âges)
occupant les différentes divisions de la circonférence. »
Les administrateurs s’arrogent le droit d’incarcérer
certaines catégories d’individus. Les mendiants sont
conduits de gré ou de force dans les Maisons, dans la
tradition des Vagrant Acts. Les orphelins, aussi, sont
incarcérés et déplacés sans autre forme de procès ... les
parents peuvent laisser leurs enfants : ils servent de
garantie pour les dettes contractées avec l’institution.
Bentham impose le port de l’uniforme aux résidents …
L’ultime forme d’appropriation des corps des indigents
est la flétrissure … Bentham propose de marquer au fer
rouge les mendiants, les vagabonds et les criminels …
Le corps des assistés est pris en otage. Mais cet
emprisonnement est recommandé et justifié pour les
faire travailler. Tout individu doit avoir une activité
productive, à moins qu’il n’ait quelque fortune, héritée
ou constituée, qui l’en dispense. Si un indigent
transgresse cette règle, en mendiant ou en commettant
des larcins, il porte préjudice au reste de la société. Il vit
aux dépens des autres et dévalue le labeur qu’ils
fournissent … Le travail garde l’ouvrier en bonne santé,
le divertit et le détourne de la paresse, mère de tous les
vices.
C’est l’activité productive des résidents au sein des
Maisons qui nécessite une surveillance, puisque toute
tâche implique la vérification de son exécution. Dans
cette perspective, le Panoptique offre une forme
d’inspection inégalée. Mais Bentham diversifie ses
modes de contrôle pour mieux enserrer les pensionnaires
dans ses filets. A ce titre, l’exemple de l’utilisation de la
musique est éclairant. Il se sert des pouvoirs entraînants

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des rythmes pour endoctriner les résidents et les masses
laborieuses.
La comptabilité permet de gagner du temps et d’éviter
les erreurs humaines … Selon Bentham, elle autorise
aussi la mise en compétition des deux cent cinquante
Maisons puisqu’il est possible de comparer facilement
l’efficacité des méthodes expérimentées dans chacune ...
Il met en chiffres tout ce qui concerne la vie des
pensionnaires : la production, mais aussi la santé et
l’éducation.
Pour pouvoir comptabiliser des individus, il faut les
affecter à des catégories qui correspondent à des lignes
de comptes ... Bentham utilise une double taxinomie qui
se fonde sur la séparation et le rassemblement, inspirée
de travaux botaniques de Carl Linnaeus … L’objectif de
cette classification est d’augmenter le rendement des
travailleurs et de préserver la moralité des pensionnaires.
Dans le premier cas, les indigents doivent travailler au
maximum de leurs capacités. Ceci implique qu’ils aient
un emploi adapté à leur productivité. Dans le second cas,
ils sont distribués en trois grandes classes : les
corruptibles, les corrompants et les incorruptibles …
Le langage joue un rôle prédominant dans la gestion des
hommes. Dans d’autres écrits, Bentham construit une
théorie linguistique qui se fonde sur la distinction
fondamentale entre entités réelles et entités fictives Le
terme d’ « entité réelle » lui sert à distinguer les corps,
celui d’ « entité fictive » les qualités ou les relations.
N’étant pas tangibles, les entités fictives ne peuvent
exprimer qualités et relations qu’en employant des
moyens détournés, c’est-à-dire en utilisant des termes
qui font référence à des objets sensibles. Cette
manoeuvre laisse prise à la manipulation de personnes
mal intentionnées pour détourner l’usage de la langue à
leur profit. Bentham pense qu’il est possible de pallier
les insuffisances de la langue en faisant appel aux
propositions explicatives, qui définissent par une
paraphrase les termes employés…
Cependant, avant d’être une usine, les Maisons sont le
lieu d’application d’un règlement. L’institution définit
l’espace où la prise de parole est autorisée, elle limite le
nombre de personnes qui en sont témoins et elle vérifie
son contenu. Le résident ne peut parler que lorsque tout
le personnel de la Compagnie est rassemblé. Si cette
contrainte restreint sa liberté d’expression, elle le
garantit contre un exercice tyrannique du pouvoir de ses
supérieurs. La relation qui s’installe entre les différents
protagonistes est semblable à celle du juge, de l’accusé
et des témoins dans une salle d’audience : « Les délits
seront connus au moment où ils seront commis.
L’accusé, le plaignant, les témoins, s’il y en a, les juges,
tout le monde sera présent. Le délit, la plainte, la
procédure, la sentence, l’exécution pourraient avoir lieu,
et cela sans injustice, dans l’intervalle de la même
minute. »
…l’analyse de la manière dont les punitions et les
récompenses sont attribuées dans les Maisons prouve
que Bentham cherche à surveiller plus qu’à punir. Bien
au contraire, il promeut le bien-être de ceux qu’il a sous
sa charge. Toute communauté exerce un contrôle social
sur ses membres et Bentham n’échappe pas à la règle …
Dans le projet benthamien, le sort du mendiant n’est pas
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du ressort du juge, car le système judiciaire est présenté
comme miné par la corruption, le népotisme et
l’incohérence. La Compagnie exerce donc leur
juridiction sur des domaines jusqu’alors réservés aux
juges…Les masses laborieuses avaient leurs propres
sociétés d’entraide, telles que les Sociétés Amicales
(Friendly Societies). Bentham remet en cause le mode de
sélection des adhérents qui nuit à l’universalité de ces
groupes et à la mobilité des membres…
Bentham souhaite que son encadrement soit fondé en
raison… Une punition n’est infligée que pour réprimer
une action qui est une infraction. Il fait subir une douleur
à celui qui le reçoit. Or, le rôle du gouvernement est de
garantir le plus grand bonheur pour le plus grand
nombre. Dans cette optique, toute punition est un mal,
dans les deux sens du terme. Comment l’Etat peut-il se
justifier de punir un malfrat ? Bentham résout ce
dilemme en calculant la quantité de bonheur qu’une
punition ou qu’une récompense individuelle ajoute ou
soustrait au bien-être global de la communauté.
… (Bentham) se refuse à recourir aux châtiments
corporels. C’est la nourriture qui sert à la fois de
récompense et de punition… Entre la liberté de pouvoir
aller et venir à sa guise et voir les siens et la sécurité
(être nourri, logé et vêtu), l’indigent a opté pour cette
dernière.
S’ils avaient été construits, les Panoptiques auraient été
choisis par presque tous les pensionnaires, ce qui
autorise Bentham à affirmer que ses institutions ne
punissent pas les résidents sans qu’ils aient commis un
délit.
Bentham surveille les faits et gestes des administrateurs
comme ceux de ses pensionnaires. La première étape est
la sélection du personnel. Bentham recherche des
hommes d’une honnêteté irréprochable, ce qui ne
signifie pas qu’ils seraient désintéressés : l’intérêt des
cadres corresponde à leur devoir. A cet effet, Bentham
utilise les primes, les amendes, les promotions
honorifiques et la publicité. L’argent joue pour les cadres
le même rôle que la nourriture pour les pensionnaires ...
Bentham construit sa pensée non pas sur la liberté, mais
sur la sécurité. … Pour décourager les demandes, les
Maisons doivent donner l’impression d’un niveau de
confort inférieur à celui que connaît un pauvre
indépendant.
Bentham étend sa bienveillance aux personnes qui se
trouvent à l’extérieur des Maisons. Il met en place des
mesures préventives pour que les pauvres ne deviennent
pas indigents, car il pense qu’il vaut mieux les protéger
que de les assister ensuite dans la Compagnie ...
L’éducation leur enseigne à opter pour un comportement
prudent, celui là même qu’ils adopteraient s’ils avaient
une maturité intellectuelle suffisante pour prendre les
bonnes décisions ... Il ne se contente pas de leur
inculquer la soumission à leurs supérieurs … Bentham
veut d’abord leur apprendre un métier.
Conclusion … le contrôle benthamien est unique. Les
pensionnaires n’ont pas d’autre choix que de se plier à la
discipline … Bentham ne veut pas leur permettre
n’importe quelle forme d’indépendance. Eduquer les
indigents, c’est les rendre productifs et vertueux ...
 

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