Le mensonge de l’évolution
Harun Yahia, éd. Essalam, Paris 2002
TG
Ce bestseller est l’ouvrage de 300 pages d’un auteur très
prolixe traduit dans de nombreuses langues. La
présentation indique qu’il est écrit par un musulman et
qu’il s’adresse aux musulmans. La synthèse de l’ouvrage
est faite dans la préface : 1e La réelle source idéologique
du terrorisme : darwinisme et matérialisme par le
principe «  de combattre ceux qui ne font pas partie de
nous » ; 2e L’Islam n’est pas la source du terrorisme
mais sa solution car L’Islam est une religion de paix et de
bien-être. La conclusion qui s’impose est que le
mensonge de Darwin, la théorie de l’évolution, est à la
fois néfaste comme seule philosophie de « conflit » (donc
non scientifique) qui a nourrit le fascisme et le
communisme, et contraire à l’Islam car Dieu réprouve la
méchanceté.
L’argumentation s’appuie sur des affirmations
présentées comme des évidences indiscutables alors
qu’elles ne sont que des interprétations, sur
l’accumulation de détails factuels précis hors contexte,
contresens et/ou biais dans la pensée adverse, de
présentation de corrélations comme des causalités
directes.
Une de ces affirmations est la position définie comme
islamique. L’auteur considère qu’il existe objectivement
une « vraie religion » qui doit régner sur les consciences.
Cette attitude, caractéristique du fondamentalisme, nie
la complexité et l’historicité des textes religieux et, en
conséquence, le fait que toute prise de position résulte
d’un choix1.
Une autre est de considérer que la théorie de l’évolution
conclut à la "survie du plus apte", ce qui revient à
considérer que la sélection naturelle ne s’effectue qu’à
une seule échelle, celle de l’individu. C’est
l’interprétation d’Herbert Spencer, véritable promoteur
du « darwinisme social » qui se situe aux antipodes des
idées de Darwin. La théorie de l’évolution est celle de la
sélection naturelle, aux différentes échelles : de
l’écosystème, de l’espèce, du groupe, de l’individu et de
la cellule, ce qui explique qu’elle favorise dans de
nombreux cas ceux qui coopèrent et sont solidaires, cas
notamment de l’homme. La théorie de l’évolution à
laquelle il s’attaque n’est pas celle de la science.
La conception de la science qui se dégage de la lecture
est celle d’une science figée dans une succession de
théories vraies devant embrasser de façon cohérente,
sans vide ni doutes, une large partie, sinon toute la
réalité. D’une part, la vérité n’est pas une catégorie
scientifique, la science vise la prédiction. D’autre part, la
connaissance est visée par des sciences différentes ayant
chacun un objet et une méthode, donc sans viser une
connaissance globale et intégrée de la réalité. C’est
l’idéologie qui vise la vérité et la globalité.
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Comme le montrent les interprétations divergentes, faisant appel
éventuellement à d’autres citations de Ben Laden et de Tahar Haddad,
ou les différents schismes et rites.
La conception dominante de la science est celle d’une
pratique intellectuelle visant à produire des
connaissances falsifiables sur des phénomènes répétitifs.
Falsifiable voulant dire que les connaissances doivent
être exprimées sous forme de lois pouvant être réfutées
par une expérimentation ou des faits. Une théorie qui
répond à ces conditions, même si des questions ne sont
pas résolues ou si elles n’expliquent pas tout, est
scientifique tant que des faits ou une expérience
répétitifs ne l’on pas contredite. Il est donc normal que
les théories soient progressivement construites,
évoluent, soient intégrées comme une partie d’une
nouvelle théorie plus large, ou même ne soient plus
considérées comme scientifiques. Si l’on accepte cette
définition rien dans l’argumentation de l’auteur ne
montre que la théorie de l’évolution n’est pas
scientifique.
Parmi les problèmes méthodologiques de
l’argumentation figurent des glissement, par ex. le fait
que, p. 42, Darwin ait eu des idées racistes n’invalide pas
sa théorie car il s’agit d’un autre domaine. Cela n’a pas
non plus donné un fondement scientifique au racisme.
Doutes quant à la validité de certains arguments
présentés comme décisifs sans mise en contexte
suffisante pour pouvoir apprécier, si l’on ne connaît pas
déjà les faits. Par exemple p. 118 et 119, la découverte
de restes d’une hutte de 1,7 millions d’années ou de
traces de pas de 3,6 millions d’années, présentée comme
une preuve de l’existence de l’homme moderne à une
période en contradiction avec la théorie.
Des hypothèses sont présentées comme faisant partie
de la théorie, alors que ce n’est pas le cas, comme
l’hypothèse naturellement absurde, que la cellule
complexe est directement apparue par hasard dans les
conditions primaire de la terre, p. 131.
Une pirouette, p. 170-171, lui permet de réfuter tout le
pan des connaissances physiques concernant l’auto-
organisation. Le concept d’auto-organisation est
remplacé par la notion d’auto-ordonnance au vu d’une
seule référence. C’est un des arguments qui lui permet
de soutenir l’opinion de la p. 131, évoquée ci-dessus.
Des affirmations manifestement inexactes, p. 166, La
thermodynamique réfute l’évolution … Selon les règles
de la thermodynamique, les conditions naturelles
engendrent toujours le désordre et la perte
d’information. Pour justifier l’utilisation de cette loi, alors
qu’elle n’est valable que pour les systèmes fermés, il
évoque Le mythe du système ouvert. De nombreux livres
de vulgarisation démontent cette argumentation 2.
Le livre est suffisamment bien fait pour troubler un
lecteur sans qu’il ait les moyens de démêler la vérité.
Cette question est l’objet du livre d’Hubert Reeves, L’heure de
s’enivrer. L’univers a-t-il un sens  ? Ed. Seuil Points Sciences, Paris
1986.
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