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COLLOQUE INTERNATIONAL

LE CONSTRUCTEUR DE MAISONS INDIVIDUELLES

Alger - Hôtel El Aurassi - 1er et 2 décembre 1992

LE CADRE FONCIER ET URBAIN ET


LA PRODUCTION DE MAISONS
INDIVIDUELLES

Tewfik GUERROUDJ
Architecte-urbaniste

Colloque Le constructeur de maisons individuelles Alger 1-2 déc. 1992 /


T. Guerroudj Le cadre foncier et la production de maisons individuelles 1
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LE CADRE FONCIER ET URBAIN DE LA PRODUCTION DE


MAISONS INDIVIDUELLES

1. L'ESSOR DE LA CONSTRUCTION DURANT LES ANNEES 80

1.1. UN SECTEUR IMPORTANT : L'HABITAT INDIVIDUEL

La réalisation des "maisons individuelles" est un secteur sous-estimé et mal connu en


Algérie.
Jusqu'à présent, aucun réel effort d'organisation de ce secteur n'a été fait par l'Etat. Les
retards de viabilisation se sont accumulés, la qualité des études, payées à un prix
dérisoire, est médiocre et les règlements d'urbanisme inadaptés ne sont pas appliqués.
L'offre de lots de terrain à bâtir n'a pas pu suivre la demande 1 et il en est résulté l'essor
d'un marché parallèle avec des prix d'un ordre de grandeur plus élevés que ceux du
marché public. La densité des lotissements est, de façon générale, trop élevée, et ce au
point de poser des problèmes.

Malgré cela, la décennie 80 a été une période faste pour la construction de "maisons
individuelles". Le secteur public a initié environ 600.000 lots et le secteur privé 500.000
dont 300.000 dits illicites. Cependant, fin 1989, moins de 100.000 lots étaient viabilisés.
Cette période faste a débuté avec la circulaire du ministre de l'intérieur, demandant en
1980 à chaque commune de lotir et vendre annuellement 200 lots de terrains et les
autorisant à le faire préalablement à la viabilisation.
Trois facteurs ont largement contribué à l'expansion des maisons individuelles
* une disponibilité foncière supérieure à la capacité de construction
* des prix publics du terrain et des matériaux de construction peu élevés
* des taux d'intérêt très bas.

Après une période de croissance, le nombre de logements livrés annuellement par le


secteur privé s'est stabilisé aux environs de 80.000 de 1984 jusque vers 1989 puis a
chuté pour arriver à quelques dizaines de milliers en 1991, sous l'effet de la crise
économique. Environ la moitié des logements livrés l'ont été dans le cadre des
"maisons individuelles".

Bien que les prix du foncier se soient maintenus à un niveau élevé, le marché est
déprimé et de nombreuses constructions à l'état de carcasse ou presque achevées sont
mises en vente et ne trouvent que très difficilement acquéreur.

1
L'achat de terrain est considéré comme un placement, au même titre que la possession d'or. En
l'absence de fiscalité foncière, la possession d'un terrain à bâtir ne coûte rien. La demande est donc
trop élastique pour pouvoir être satisfaite aux prix publics.

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1.2. DES CONSTRUCTIONS DIVERSIFIEES

L'expression de "maison individuelle" est utilisée couramment en Algérie pour désigner


des constructions édifiées par un particulier ou exceptionnellement par un promoteur
pour être utilisées partiellement ou entièrement comme habitation. Les usages
complémentaires fréquents sont l'utilisation de tout ou partie des rez-de-chaussée
comme local ou locaux à usage professionnel, par le propriétaire ou un tiers, et la
locations d'appartement(s) à des tiers ou leur occupation par un autre ménage de sa
famille.

L'expression recouvre un large éventail de types de constructions correspondant à


différents segments du marché. Du plus luxueux au plus pauvre, les grands types
suivants2 de maisons individuelles peuvent être identifiés :
La villa château : maison ostentatoire qui semble trop grande pour le terrain qui la
contient. En principe habitation unifamiliale avec des plans différents pour chaque
niveau. Réalisée par la couche la plus riche de la société elle peut être isolée au
milieu de constructions d'autres types.
La nouvelle villa : maison de l'ampleur et de la fonction d'une grande villa, mais qui
n'en est pas une car le terrain sur lequel elle est implantée est trop petit. Il y a donc
soit des mitoyennetés, soit d'étroites séparations entre constructions. Réalisée par
la couche moyenne supérieure (cadres, commerçants et entrepreneurs aisés), elle
tend à être regroupée dans des lotissements récents, essentiellement depuis 1980.
La maison familiale : maisons en bandes ou séparées par d'étroits espaces, de 2 à 3
niveaux correspondant fréquemment à plusieurs appartements sur un rez-de-
chaussée à usage professionnel. Réalisée par les couches moyennes en plusieurs
étapes, elle peut résulter de la rénovation ou de la densification de maisons à un
niveau. En règle générale, elle est réalisée par étapes et présente un état apparent
d'achèvement à l'exception d'éventuels "fers de l'espoir" en attente.
La maison familiale évolutive : maison occupée en l'état apparent d'inachèvement et
évoluant au fil du temps, souvent sur plusieurs décennies pour parfois se
transformer en maison familiale. Fréquente dans les lotissements "illicites" 3, elle est
souvent de médiocre qualité constructive. Elle peut être réalisée grâce aux revenus
de plusieurs actifs de la famille et/ou à la location de quelques chambres.
La maison sommaire : maison de médiocre qualité construite en dur sur un ou deux
niveaux avec parfois des locaux à usage professionnel. Occupée en l'état apparent
d'inachèvement elle est fréquente dans les lotissements illicites. Elle peut évoluer
en maison familiale.

2
Les éléments de base de cette typologie ont été élaborés par M. Rachid Sidi Boumediene. Nous les
avons précisé à l'occasion d'une étude typo-morphologique de la ville d'Oran.
3
Le qualificatif d'illicite s'applique à des constructions et lotissements réalisés sans respecter la
réglementation, le plus souvent par défaut de titre de propriété authentique. Les titres ne pouvaient
pas être obtenus car le terrain avait été acquis de façon irrégulière ou parce que la zone n'était pas
cadastrée. Environ 300.000 constructions illicites à usage d'habitation étaient dénombrées en 1989.

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La maison précaire : maison en général à un niveau construite illicitement, au moins


partiellement avec de la tôle ondulée et/ou des matériaux de récupération.
L'exiguïté de la parcelle et la qualité de la construction limitent son évolutivité. Elle
est réalisée par ceux qui n'ont pas d'autres moyens de se loger.
De façon marginale, des ensembles de maisons individuelles ont été réalisés par des
promoteurs immobiliers publics ou privés. Il s'agit en général de nouvelles villas ou des
pavillons qui tendent à être transformés en maisons familiales.

D'après une enquête réalisée par le ministère en 1989, la taille moyenne des logements
était inférieure à trois pièces et les lots du secteur public avaient une taille moyenne de
350 m² avec une densité de 20 lots à l'hectare. Les lots du secteur privé étaient plus
petits.

L'offre officielle a assez largement ignoré les segments extrêmes de la demande. Elle a
visé principalement la classe moyenne supérieure. Etant donnée la tension foncière, les
lots de terrain ont en règle générale été densifiés au delà de ce que permettaient les
règlements.

Les constructeurs qui voulaient réaliser de grandes constructions, ou plusieurs


appartements dans leur construction, n'ont pas eu accès à des lots de taille suffisante.
Quasiment aucune offre n'a été prévue pour les constructeurs les plus modestes qui
ont dû soit recourir à l'illicite, soit se mettre en concurrence avec d'autres couches
mieux placées pour acquérir des lots de taille moyenne. Dans certains cas, ces lots ont
été revendus sur le marché parallèle et le bénéfice réalisé réinvesti, si nécessaire dans
une construction illicite.

1.3. UN REFUS DE LA MAITRISE D’OUVRAGE EN AMENAGEMENT

La règle internationale, quand une forte croissance est prévue, est d'organiser
l'urbanisation grâce à des opérateurs d'urbanisme opérationnel qui prennent en charge
l'aménagement des terrains. Ces opérations sont menées par des opérateurs, appelés
maîtres d'ouvrage en aménagement ou aménageurs. Ces opérateurs, qui ont souvent
des prérogatives de puissance publique, font ou font faire si nécessaire les études
préliminaires, achètent les terrains, effectuent ou font effectuer les études d'urbanisme
et les travaux de viabilisation puis revendent les terrains aux promoteurs. Les
opérations d'aménagement prennent charge des réseaux secondaires et souvent
primaire (cas par exemple des villes nouvelles). Les aménageurs gèrent en principe tous
les budgets publics affectés à la zone considérée.

Une des spécificités de l'urbanisme algérien est qu'aucune procédure d'aménagement


n'a été mise en oeuvre depuis 1974. Des procédures existaient avant 1974, par
exemple celle des zones industrielles qui confiait l'aménagement à la CADAT4.

4
La caisse Algérienne d'Aménagement du Territoire était un organisme aménageur. Elle a depuis été
transformée en Centre national d'Etudes et de Réalisations en urbanisme, CNERU, puis restructurée.

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La législation de 1974 sur les réserves foncières communales confiait aux APC le
monopole des transactions sur les terrains à bâtir. De ce fait les seuls maîtres d'ouvrage
possible étaient les APC ou pour les ZHUN le Wali, représentant de l'Etat. Or, pour
différentes raisons, il était évident que ni le Wali, ni les APC ne pouvaient assurer cette
fonction.
Le Wali déléguait sa maîtrise d'ouvrage, par parties, à différentes directions et services.
Aucune direction ni service n'avait la maîtrise de l'opération. La fonction d'aménageur
était "dissoute" dans cette dispersion des responsabilités et il en résultait une
juxtaposition de pratiques sectorielles.
Les APC n'avaient pas de service technique apte à assurer la fonction d'aménageur. En
outre, les présidents et membres de l'APC soumis à la pression de ceux qui les avaient
fait élire, et de ceux qui les avaient élus, en l'absence de tout contrôle transparent et
efficace, ne pouvaient pas remplir cette fonction.

La nécessité d'une prise en charge globale de l'aménagement par un opérateur habilité


et compétent a été régulièrement posée. Pour les zones industrielles et d'activité
d'abord puis pour les ZHUN et enfin à l'occasion de la création des agences foncières.
Jusqu'à ce jour, aucune réponse satisfaisante n'a été apportée, hors du cas limité des
propriétaires du terrain qui procèdent à des aménagements sous leur responsabilité
exclusive et avec leurs propres financements. Aucune procédure d'aménagement à
plus grande échelle que le lotissement n'existe alors qu'en principe le lotissement
n'inclut que la viabilisation tertiaire.

Actuellement les agences foncières qui ont vocation à être des aménageurs éprouvent
parfois des difficultés à acquérir des terrains. L'administration des domaines qui vend
directement et en l'état à des personnes physiques et morales publiques ou privées,
des terrains du domaine privé de l'Etat.

Cette situation de la maîtrise d'ouvrage en aménagement est en relation avec certaines


conceptions activistes qui voyaient l'efficacité dans la réaction immédiate à un
problème sans réflexion sur ses tenants et aboutissants. Les mêmes motifs ont conduit
à négliger les études, ce qui se traduit notamment par le prix dérisoire des études :
environ 3 DA le m² pour l'aménagement d'un lotissement qui reviendra 300 à 400 DA le
m², soit 1 % du coût de la réalisation.

Cette raison nous semble cependant insuffisante pour expliquer la persistance d'une
telle attitude face aux dérives et aux problèmes évidents posés par ces réalisations sans
aménageurs : procédures juridiques de transfert de propriétés non accomplies, plans
d'urbanisme directeurs non respectés, retards de viabilisation, inutilisation et/ou
revente spéculative de lots, non respect des cahiers des charges et règlements
d'urbanisme, qualité médiocre du cadre bâti, etc. Les documents préparatoires à ce
colloque en font état.

Les investissements importants consentis tant par les particuliers que par l'Etat (cession
de terrains, viabilisation, équipements) ont été dévalorisés par la mauvaise
organisation de la production de lotissements.

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2.DES PERSPECTIVES DIFFICILES

2.1. UNE NOUVELLE DONNE

La crise économique et sociale que connaît l'Algérie a conduit à une accélération des
réformes à partir des émeutes d'octobre 1988. L'objectif était de passer d'un système
qui se voulait planifié et autocentré à un système libéral 5 inséré dans les marchés
internationaux. Les réformes ont été suffisamment engagées pour rendre inopérant
l'ancien système. Le poids de la dette, ses incidences économiques, et la crise sociale
entre autres, n'ont pas permis d'achever et d'établir la cohérence des réformes ni d'en
obtenir les résultats attendus.

Le domaine de l'urbanisme et du foncier souffre particulièrement de cette situation. Un


système ultra-libéral a commencé à être mis en oeuvre en 1989-1991 par la nouvelle
Constitution et les lois n° 90-29 du 1er décembre 1990 relative à l'aménagement et
l'urbanisme, n° 90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale et n° 91-11 du 27
avril 1991 fixant les règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le
système de fiscalité locale et foncière qui en était le pendant indissociable n'a pas été
mis en place.
Le décret exécutif 91-454 du 23 novembre 1991 fixant les conditions et modalités
d'administration et de gestion des biens du domaine privé et du domaine public de
l'Etat et l'arrêté interministériel du 19 février 1992 ont rétabli la cession à l'amiable des
terrains bâtis ou non appartenant à l'Etat, sur avis d'un comité technique de wilaya
constitué de membres de l'exécutif de wilaya. Ces dispositions, qui ne sont pas de
nature à résoudre les problèmes de fond rappellent la situation antérieure et vont à
contre courant de l'esprit initial des réformes.

2.2. DES ACTIONS FONCIERES DIFFICILES

La séparation des aspects fonciers et d'urbanisme a contribué à ce qu'aucune procédure


incluant les aspects urbains et foncier n'ait été créée. Il y a des procédures d'urbanisme
directeur et de détail, des procédures foncières, mais aucune procédure
d'aménagement ou d'urbanisme opérationnel avec relations contractuelles entre
différents acteurs y compris les collectivités locales. La procédure du lotissement n'est
pas adaptée aux actions complexes (incluant procédures foncière et d'urbanisme)

5
Avec cependant des distorsions. La propriété foncière est particulièrement bien protégée : causes
d'expropriation strictement limitées et paiement préalable à la prise de possession d'une indemnité
juste et équitable. La propriété d'un lot de terrain à bâtir, c'est à dire du droit de réaliser une
construction dans un environnement donné, défini et garanti par un cahier des charges et un règlement
d'urbanisme de détail, est mal protégée. Le cahier des charges et donc le règlement d'urbanisme de
détail peut en effet être modifié, après enquête d'utilité publique, pour être mis en conformité avec un
POS. L'enquête est une garantie insuffisante, l'accord d'une large majorité de propriétaires devrait être
nécessaire.

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nécessaires pour la production, à une échelle suffisante et de façon adaptée, de


terrains viabilisés.

Le système fiscal qui, dans la logique initiale des réformes, devait permettre
l'autofinancement du processus d'extension urbaine (acquisition, viabilisation,
équipement et revente des terrains ou acquisition au prix du marché et utilisation) n'a
pas été mis en oeuvre6.

La réalisation de logements, ou de façon plus générale l'extension urbaine, ne sont pas


considérées par la loi 91-11 du 27 avril comme d'utilité publique. les terrains
nécessaires ne peuvent donc pas être expropriés au prix des terres agricoles et doivent
être acquis au prix du marché.
Dans un tel contexte, étant donné la rareté des terrains urbanisables 7 en Algérie, il était
évident que le prix des terrains sur le marché foncier serait tel que les opérations de
promotion immobilière ne pourraient pas être montées de façon rentable et/ou à des
prix acceptables. Ce blocage prévisible a conduit à revenir à une pratique antérieure qui
consiste à céder administrativement et à l'amiable des terrains de l'Etat 8 à un prix
inférieur à celui du marché9.

2.3.UNE PANOPLIE PRESQUE COMPLETE D'INSTRUMENTS


ET DE PROCEDURES

La loi relative à l'aménagement et l'urbanisme a mis en place un système d'instruments


et procédures (cf tableau ci-après) et posé comme principe que les droits à construire
sont attachés à la propriété du sol mais ne peuvent être créés que par les instruments
d'urbanisme (sauf dans certains conditions limitées) ou bien découlent de l'état de fait
environnant et des règles générales d'aménagement et d'urbanisme. Les instruments
et procédures mis en place sont :
Le PDAU, plan directeur d'aménagement et d'urbanisme, instrument qui crée les droits
à construire. Il est opposable aux tiers et réglementant le territoire d'une ou
plusieurs communes.

6
Les expériences étrangères montrent par ailleurs qu'il est utopique de penser que l'aménagement
peut s'autofinancer de façon générale. La demande en terrain ne peut être satisfaite a des coûts et dans
des conditions socialement acceptables qu'avec une intervention de l'Etat et des collectivités locales.
7
Malgré la superficie du pays, les terrains urbanisables, là où existe la demande, de l'eau et des activités
sont rares. Du fait du relief, de la répartition des précipitations et de la géotechnie, agriculture, activités
et habitat entrent en compétition sur une quantité limitée de terrain. Pour une surface de 2.380.000
km², le pays ne dispose que de 70.000 km² de surface agricole utile.
8
Les promoteurs immobiliers souhaitant acquérir un terrain dans ce cadre doivent en faire la demande
auprès du directeur de l'urbanisme. A l'appui de cette demande ils doivent fournir le programme de
l'opération prévue, son plan de financement et une étude préliminaire du projet avec notamment devis
descriptif, estimatif et planning des travaux.
9
A titre d'exemple, les lots de terrain à bâtir se négocient à environ 10.000 DA le m² dans les quartiers
les plus recherchés d'Alger et Oran, environ 400.000 DA dans l'agglomération et 150.000 DA aux
alentours de la ville, sans viabilisation complète. Le secteur public vend des terrains à des prix allant de
quelques dizaines à 800 DA le m².

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Le POS, plan d'occupation du sol, deuxième instrument d'aménagement et


d'urbanisme, précise les droits à construire et peut définir un projet urbain. Il est
aussi opposable aux tiers, peut couvrir toute une commune mais ne peut être
élaboré que dans le cadre de l'application d'un PDAU approuvé.
Le permis de construire est une autorisation nécessaire pour l'utilisation des droits à
construire. Il permet de vérifier le respect des dispositions réglementaires, de
l'imposer éventuellement et engager le demandeur. Il est à noter que,
contrairement à l'ancienne réglementation, l'absence de réponse de
l'administration ne vaut pas accord tacite.
Le permis de lotir, à obtenir préalablement au morcellement en vue de la construction,
fixe les conditions à remplir pour utiliser des droits à construire existants. Il crée un
réseau d'obligations entre :
. la commune qui prend en charge les espaces publics réalisés,
. le lotisseur qui viabilise et revend les lots,
. les acquéreurs qui achètent les lots et doivent respecter le règlement
d'urbanisme de détail.
Ce réseau d'obligations croisées est très mal perçu. L'obtention du permis peut être
conditionnée par l'affectation par le lotisseur de certains emplacements destinés à la
construction d'équipements publics et par la contribution du lotisseur à la réalisation
de certains équipements. La vente de lots de terrain n'est autorisée qu'après
exécution de tous les travaux de viabilisation et des prescriptions imposées par
l'arrêté portant permis de lotir.
Le certificat de morcellement qui autorise le morcellement sans préciser à quelle fin10

Les nouveaux instruments diffèrent des anciens essentiellement par le contexte différent
dans lequel ils devront être mis en oeuvre et secondairement par leur contenu.
Les règles du jeu sont différentes, de nouveaux acteurs surgissent, les anciens n'ont
plus ni la même importance, ni les mêmes rôles.
L'élaboration des instruments d'urbanisme doit être concertée. la concertation est
l'occasion de mettre en relation les différents intérêts en présence, d'évaluer les
rapports de force, de préciser, d'ajuster la politique foncière et urbaine locale et de la
mettre en oeuvre en établissant des relations contractuelles entre les différents acteurs
privés et publics. L'adoption et l'approbation des plans n'est qu'une étape de
cristallisation dans le processus de gestion urbaine.

La gestion de ce processus est complexe et nécessite un apprentissage de la part des


différents acteurs.

L'aspect contractuel et commercial, l'importance des négociations, conséquence des


orientation politiques libérales, n'est pas explicité par les textes et est en général très
mal compris par les opérateurs. C'est ce qui contribue à expliquer soit les tentations de
recours aux anciennes méthodes soit l'abandon au jeu du marché de la production du
cadre bâti.

10
Cette procédure est utilisée pour morceler en vue de la construction des terrains non constructibles,
et pour lesquels un permis de lotir ne peut donc pas être accordé.

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SITUATION DES INSTRUMENTS ET PROCEDURES D'URBANISME


INSTRU- OBJET NATURE PREALABLES DELAIS D'ETU- VALIDITE
MENTS OU DES OU DE
PROCEDU- NOTIFICATION
RES
PDAU Produit des droits - Planification aucun plus de 2 ans non limitée
à construire spatiale locale mais à révi-
- Gestion ser tous les
urbaine 20 ans
POS - Précise les droits Gestion ur- PUD ou PDAU 18 mois et plus illimitée
à construire baine approuvé
- peut définir un
projet urbain
Néant Production de Aménage- PDAU ou POS environ 18 à créer
(urbanisme terrains viabilisés ment approuvé mois
opération-
nel)
Permis de Définit les condi- Procédure de - existence de 3 ou 4 mois illimitée
lotir tions à remplir morcellement droits à
pour utiliser les et construire
droits à viabilisation - étude de via-
construire bilisation
- titre de pro-
priété
Certificat permet de Autorisation titre de 2 mois 1 an
de mor- détourner la propriété
cellement logique des textes
Certificat Garantie pour le Attestation titre de 2 mois 1 an
d'urba- montage d'une engageant propriété
nisme opération l'autorité
Permis de engage le deman- autorisation - titre de pro- 3 ou 4 mois délais fixés
construire deur priété
- plans signés
Certificat authentifie l'exis- attestation construction 3 semaines -
de tence de la conforme au
conformité construction PC

Dans un tel contexte une offre maîtrisée et en quantité suffisante de terrain à bâtir n'est
pas du tout acquise. Nous entendons par offre maîtrisée une offre de terrains avec
garantie d'équipement, de viabilisation et dotée de règlements d'urbanisme visant à la
réalisation de projets adaptés aux besoins et aux ressources disponibles.
Le cadre réglementaire foncier et de l'urbanisme risque donc de freiner le
développement des lotissements et des maisons individuelles. Directement par une
offre de terrain à un coût trop élevé, ce qui écartera certains segments du marché
potentiel, indirectement par une maîtrise insuffisante de la production du terrain
urbanisable et du cadre bâti ce qui ne permettra pas une bonne valorisation des
investissements effectués11.
11
Après une production trop homogène de lots de terrain (fréquemment 300 à 450 m², rarement 250
m²) on constate une tendance à réaliser des lots économiques de 80 m². Ce mouvement de balance

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3. PROPOSITIONS EN GUISE DE CONCLUSION

L'habitat individuel a joué dans le passé un rôle important pour la production de


logements et du cadre bâti. Il conservera à l'avenir ce rôle.

L'enjeu réside dans le rapport qualité-coût des maisons et, au delà des maisons de la
qualité et du cadre bâti qui sera réalisé.

Soit l'Etat définit une politique globale des établissements humains, ayant ses propres
finalités, et se donne les moyens en terme foncier, réglementaire, d'organisation,
d'animation, d'information, etc de la mener à bien, soit l'habitat individuel sera réalisé
de façon plus ou moins illicite et désordonnée. Dans les deux cas le coût sera le même :
ce que les citoyens et l'Etat peuvent payer. Les résultats en termes de qualité de vie, de
résolution des problèmes et de dynamisation d'un secteur ne seront cependant pas les
mêmes.

Dans le domaine de la législation foncière et de l'urbanisme, certaines mesures peuvent


faciliter la réalisation de maison individuelle. Il s'agit notamment de :
- Garantir la possibilité de créer un flux régulier et suffisant de terrains urbanisables à
des prix socialement acceptables. Pour cela les règles d'expropriation doivent être
assouplies et les extensions urbaines être considérées d'intérêt public. Ceci
permettrait l'expropriation systématique des terres nécessaires et leur acquisition
au juste prix des terres agricoles ou naturelles, et non au prix du marché foncier
urbain.
Pour des raisons de justice sociale et pour faciliter l'application de la réglementation,
ces terrains devraient être mis à disposition des promoteurs et utilisateurs dans le
cadre de baux emphytéotiques12.
- Revoir l'articulation entre le PDAU et le POS dans le sens d'une plus grande souplesse.
Un instrument d'aménagement ou d'urbanisme opérationnel prévoyant la définition
et la réalisation d'un projet urbain et fixant le cadre contractuel des relations entre
différents acteurs devrait être créé.
Le POS pourrait être modifié pour jouer ce rôle.
- Articuler la procédure du lotissement avec les procédures d'aménagement et clarifier
le rôle des différents acteurs. Un cahier des charges devrait être négocié entre le
lotisseur et l'APC de façon à fixer clairement les conditions que l'une et l'autre partie
doivent respecter (réalisation d'espaces publics de qualité suffisante, mise à

nous semble excessif et risque de poser des problèmes pour l'évolution des maisons réalisées sur des
parcelles trop petites.
12
L'emphytéose donne à la fois des droits réels et permet l'hypothèque tout en préservant l'intérêt
public et le respect des règlements d'urbanisme et d'utilisation des biens. En effet les conditions que
l'on veut faire respecter peuvent être intégrées au bail comme clauses résolutoires (c'est à dire dont le
non respect entraîne l'annulation du bail). Elle peut être avantageuse pour l'emphytéote (celui qui
acquiert le bail) dans la mesure où il n'a pas à payer d'un seul coup le terrain mais peut payer par
annuités. sa capacité d'investissement sera ainsi préservée. L'emphytéose est utilisée comme outil de
gestion urbaine par certains pays et notamment les Pays-Bas.

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disposition de terrain pour les équipements par le lotisseur ; classification et prise en


charge des espaces publics réalisés, cession de terrain à un prix avantageux par
l'APC). Le cahier des charges habituel entre lotisseur et acquéreur devrait
uniquement indiquer les conditions destinées à parfaire la transaction entre le
lotisseur et chaque acquéreur. Le règlement d'urbanisme de détail applicable
devrait être un document particulier.
- Autoriser les APC à déléguer la maîtrise d'ouvrage en urbanisme pour les POS à des
organismes aménageurs à qui seraient dévolues des prérogatives de puissance
publique et qui seraient l'acteur principal, avec un contrôle des élus et de
l'administration.
- Permettre aux agences foncières ou à des organismes aménageurs d'exercer
pleinement leurs prérogatives, en leur donnant le monopole des cessions des
terrains appartenant au domaine privé de l'Etat. Leurs prérogatives devraient leur
permettre de procéder aux expropriations nécessaires aux extensions urbaines et
aux préemptions. Si les terrains sont cédés dans le cadre de baux emphytéotiques,
les agences pourraient gérer ces baux (encaissement, novation, vérification du
respect du cahier des charges, adaptation des cahiers des charges etc...).

Des mesures d'une autre nature sont aussi à prendre, elles concernent en particulier une
meilleure connaissance du marché et l'animation du secteur.

Le marché foncier et de la construction individuelle est très mal connu. La création d'un
observatoire du logement et le lancement d'études de marché sont nécessaires. Les
promoteurs n'ont pas individuellement les moyens d'accéder à une connaissance
suffisante du marché. Il existe un risque non négligeable de voir s'édifier des maisons
qui correspondent à des segments saturés de la demande, alors que dans d'autres
segments, notamment en bas de gamme, l'offre serait insuffisante.

Les mutations en cours ne peuvent réussir subitement. Une période d'apprentissage et


d'expérimentation est nécessaire. Cette période peut être raccourcie par des actions
d'animation, de recyclage et de perfectionnement, par le lancement d'études générales
et l'incitation à la recherche scientifique. Un effort de communication et d'édition doit
aussi être fait pour diffuser les informations disponibles.

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