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COLLOQUE INTERNATIONAL
Tewfik GUERROUDJ
Architecte-urbaniste
Malgré cela, la décennie 80 a été une période faste pour la construction de "maisons
individuelles". Le secteur public a initié environ 600.000 lots et le secteur privé 500.000
dont 300.000 dits illicites. Cependant, fin 1989, moins de 100.000 lots étaient viabilisés.
Cette période faste a débuté avec la circulaire du ministre de l'intérieur, demandant en
1980 à chaque commune de lotir et vendre annuellement 200 lots de terrains et les
autorisant à le faire préalablement à la viabilisation.
Trois facteurs ont largement contribué à l'expansion des maisons individuelles
* une disponibilité foncière supérieure à la capacité de construction
* des prix publics du terrain et des matériaux de construction peu élevés
* des taux d'intérêt très bas.
Bien que les prix du foncier se soient maintenus à un niveau élevé, le marché est
déprimé et de nombreuses constructions à l'état de carcasse ou presque achevées sont
mises en vente et ne trouvent que très difficilement acquéreur.
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L'achat de terrain est considéré comme un placement, au même titre que la possession d'or. En
l'absence de fiscalité foncière, la possession d'un terrain à bâtir ne coûte rien. La demande est donc
trop élastique pour pouvoir être satisfaite aux prix publics.
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Les éléments de base de cette typologie ont été élaborés par M. Rachid Sidi Boumediene. Nous les
avons précisé à l'occasion d'une étude typo-morphologique de la ville d'Oran.
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Le qualificatif d'illicite s'applique à des constructions et lotissements réalisés sans respecter la
réglementation, le plus souvent par défaut de titre de propriété authentique. Les titres ne pouvaient
pas être obtenus car le terrain avait été acquis de façon irrégulière ou parce que la zone n'était pas
cadastrée. Environ 300.000 constructions illicites à usage d'habitation étaient dénombrées en 1989.
D'après une enquête réalisée par le ministère en 1989, la taille moyenne des logements
était inférieure à trois pièces et les lots du secteur public avaient une taille moyenne de
350 m² avec une densité de 20 lots à l'hectare. Les lots du secteur privé étaient plus
petits.
L'offre officielle a assez largement ignoré les segments extrêmes de la demande. Elle a
visé principalement la classe moyenne supérieure. Etant donnée la tension foncière, les
lots de terrain ont en règle générale été densifiés au delà de ce que permettaient les
règlements.
La règle internationale, quand une forte croissance est prévue, est d'organiser
l'urbanisation grâce à des opérateurs d'urbanisme opérationnel qui prennent en charge
l'aménagement des terrains. Ces opérations sont menées par des opérateurs, appelés
maîtres d'ouvrage en aménagement ou aménageurs. Ces opérateurs, qui ont souvent
des prérogatives de puissance publique, font ou font faire si nécessaire les études
préliminaires, achètent les terrains, effectuent ou font effectuer les études d'urbanisme
et les travaux de viabilisation puis revendent les terrains aux promoteurs. Les
opérations d'aménagement prennent charge des réseaux secondaires et souvent
primaire (cas par exemple des villes nouvelles). Les aménageurs gèrent en principe tous
les budgets publics affectés à la zone considérée.
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La caisse Algérienne d'Aménagement du Territoire était un organisme aménageur. Elle a depuis été
transformée en Centre national d'Etudes et de Réalisations en urbanisme, CNERU, puis restructurée.
La législation de 1974 sur les réserves foncières communales confiait aux APC le
monopole des transactions sur les terrains à bâtir. De ce fait les seuls maîtres d'ouvrage
possible étaient les APC ou pour les ZHUN le Wali, représentant de l'Etat. Or, pour
différentes raisons, il était évident que ni le Wali, ni les APC ne pouvaient assurer cette
fonction.
Le Wali déléguait sa maîtrise d'ouvrage, par parties, à différentes directions et services.
Aucune direction ni service n'avait la maîtrise de l'opération. La fonction d'aménageur
était "dissoute" dans cette dispersion des responsabilités et il en résultait une
juxtaposition de pratiques sectorielles.
Les APC n'avaient pas de service technique apte à assurer la fonction d'aménageur. En
outre, les présidents et membres de l'APC soumis à la pression de ceux qui les avaient
fait élire, et de ceux qui les avaient élus, en l'absence de tout contrôle transparent et
efficace, ne pouvaient pas remplir cette fonction.
Actuellement les agences foncières qui ont vocation à être des aménageurs éprouvent
parfois des difficultés à acquérir des terrains. L'administration des domaines qui vend
directement et en l'état à des personnes physiques et morales publiques ou privées,
des terrains du domaine privé de l'Etat.
Cette raison nous semble cependant insuffisante pour expliquer la persistance d'une
telle attitude face aux dérives et aux problèmes évidents posés par ces réalisations sans
aménageurs : procédures juridiques de transfert de propriétés non accomplies, plans
d'urbanisme directeurs non respectés, retards de viabilisation, inutilisation et/ou
revente spéculative de lots, non respect des cahiers des charges et règlements
d'urbanisme, qualité médiocre du cadre bâti, etc. Les documents préparatoires à ce
colloque en font état.
Les investissements importants consentis tant par les particuliers que par l'Etat (cession
de terrains, viabilisation, équipements) ont été dévalorisés par la mauvaise
organisation de la production de lotissements.
La crise économique et sociale que connaît l'Algérie a conduit à une accélération des
réformes à partir des émeutes d'octobre 1988. L'objectif était de passer d'un système
qui se voulait planifié et autocentré à un système libéral 5 inséré dans les marchés
internationaux. Les réformes ont été suffisamment engagées pour rendre inopérant
l'ancien système. Le poids de la dette, ses incidences économiques, et la crise sociale
entre autres, n'ont pas permis d'achever et d'établir la cohérence des réformes ni d'en
obtenir les résultats attendus.
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Avec cependant des distorsions. La propriété foncière est particulièrement bien protégée : causes
d'expropriation strictement limitées et paiement préalable à la prise de possession d'une indemnité
juste et équitable. La propriété d'un lot de terrain à bâtir, c'est à dire du droit de réaliser une
construction dans un environnement donné, défini et garanti par un cahier des charges et un règlement
d'urbanisme de détail, est mal protégée. Le cahier des charges et donc le règlement d'urbanisme de
détail peut en effet être modifié, après enquête d'utilité publique, pour être mis en conformité avec un
POS. L'enquête est une garantie insuffisante, l'accord d'une large majorité de propriétaires devrait être
nécessaire.
Le système fiscal qui, dans la logique initiale des réformes, devait permettre
l'autofinancement du processus d'extension urbaine (acquisition, viabilisation,
équipement et revente des terrains ou acquisition au prix du marché et utilisation) n'a
pas été mis en oeuvre6.
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Les expériences étrangères montrent par ailleurs qu'il est utopique de penser que l'aménagement
peut s'autofinancer de façon générale. La demande en terrain ne peut être satisfaite a des coûts et dans
des conditions socialement acceptables qu'avec une intervention de l'Etat et des collectivités locales.
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Malgré la superficie du pays, les terrains urbanisables, là où existe la demande, de l'eau et des activités
sont rares. Du fait du relief, de la répartition des précipitations et de la géotechnie, agriculture, activités
et habitat entrent en compétition sur une quantité limitée de terrain. Pour une surface de 2.380.000
km², le pays ne dispose que de 70.000 km² de surface agricole utile.
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Les promoteurs immobiliers souhaitant acquérir un terrain dans ce cadre doivent en faire la demande
auprès du directeur de l'urbanisme. A l'appui de cette demande ils doivent fournir le programme de
l'opération prévue, son plan de financement et une étude préliminaire du projet avec notamment devis
descriptif, estimatif et planning des travaux.
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A titre d'exemple, les lots de terrain à bâtir se négocient à environ 10.000 DA le m² dans les quartiers
les plus recherchés d'Alger et Oran, environ 400.000 DA dans l'agglomération et 150.000 DA aux
alentours de la ville, sans viabilisation complète. Le secteur public vend des terrains à des prix allant de
quelques dizaines à 800 DA le m².
Les nouveaux instruments diffèrent des anciens essentiellement par le contexte différent
dans lequel ils devront être mis en oeuvre et secondairement par leur contenu.
Les règles du jeu sont différentes, de nouveaux acteurs surgissent, les anciens n'ont
plus ni la même importance, ni les mêmes rôles.
L'élaboration des instruments d'urbanisme doit être concertée. la concertation est
l'occasion de mettre en relation les différents intérêts en présence, d'évaluer les
rapports de force, de préciser, d'ajuster la politique foncière et urbaine locale et de la
mettre en oeuvre en établissant des relations contractuelles entre les différents acteurs
privés et publics. L'adoption et l'approbation des plans n'est qu'une étape de
cristallisation dans le processus de gestion urbaine.
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Cette procédure est utilisée pour morceler en vue de la construction des terrains non constructibles,
et pour lesquels un permis de lotir ne peut donc pas être accordé.
Dans un tel contexte une offre maîtrisée et en quantité suffisante de terrain à bâtir n'est
pas du tout acquise. Nous entendons par offre maîtrisée une offre de terrains avec
garantie d'équipement, de viabilisation et dotée de règlements d'urbanisme visant à la
réalisation de projets adaptés aux besoins et aux ressources disponibles.
Le cadre réglementaire foncier et de l'urbanisme risque donc de freiner le
développement des lotissements et des maisons individuelles. Directement par une
offre de terrain à un coût trop élevé, ce qui écartera certains segments du marché
potentiel, indirectement par une maîtrise insuffisante de la production du terrain
urbanisable et du cadre bâti ce qui ne permettra pas une bonne valorisation des
investissements effectués11.
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Après une production trop homogène de lots de terrain (fréquemment 300 à 450 m², rarement 250
m²) on constate une tendance à réaliser des lots économiques de 80 m². Ce mouvement de balance
L'enjeu réside dans le rapport qualité-coût des maisons et, au delà des maisons de la
qualité et du cadre bâti qui sera réalisé.
Soit l'Etat définit une politique globale des établissements humains, ayant ses propres
finalités, et se donne les moyens en terme foncier, réglementaire, d'organisation,
d'animation, d'information, etc de la mener à bien, soit l'habitat individuel sera réalisé
de façon plus ou moins illicite et désordonnée. Dans les deux cas le coût sera le même :
ce que les citoyens et l'Etat peuvent payer. Les résultats en termes de qualité de vie, de
résolution des problèmes et de dynamisation d'un secteur ne seront cependant pas les
mêmes.
nous semble excessif et risque de poser des problèmes pour l'évolution des maisons réalisées sur des
parcelles trop petites.
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L'emphytéose donne à la fois des droits réels et permet l'hypothèque tout en préservant l'intérêt
public et le respect des règlements d'urbanisme et d'utilisation des biens. En effet les conditions que
l'on veut faire respecter peuvent être intégrées au bail comme clauses résolutoires (c'est à dire dont le
non respect entraîne l'annulation du bail). Elle peut être avantageuse pour l'emphytéote (celui qui
acquiert le bail) dans la mesure où il n'a pas à payer d'un seul coup le terrain mais peut payer par
annuités. sa capacité d'investissement sera ainsi préservée. L'emphytéose est utilisée comme outil de
gestion urbaine par certains pays et notamment les Pays-Bas.
Des mesures d'une autre nature sont aussi à prendre, elles concernent en particulier une
meilleure connaissance du marché et l'animation du secteur.
Le marché foncier et de la construction individuelle est très mal connu. La création d'un
observatoire du logement et le lancement d'études de marché sont nécessaires. Les
promoteurs n'ont pas individuellement les moyens d'accéder à une connaissance
suffisante du marché. Il existe un risque non négligeable de voir s'édifier des maisons
qui correspondent à des segments saturés de la demande, alors que dans d'autres
segments, notamment en bas de gamme, l'offre serait insuffisante.