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© Dunod, 2020
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-081285-1
Sommaire
Couverture
Page de titre
Page de copyright
Préface du traducteur
Préface de l'auteur
Chapitre 1 - Les objectifs - (Quel est le sujet de ce livre ?)
Chapitre 2 - Pourquoi se préoccuper des objectifs ? - (De
l'importance d'être très clair)
Chapitre 3 - Caractéristiques des objectifs valables - (Sont-ils
capables d'établir une communication ?)
Chapitre 4 - La performance - (Que doit faire concrètement
l'étudiant ?)
Chapitre 5 - Les conditions - (Quelles conditions rendrez-vous
impératives ?)
Chapitre 6 - Définition des critères - (Comment savoir si
l'étudiant a réussi ?)
Chapitre 7 - Pièges et quiproquos - (Problèmes courants)
Chapitre 8 - Entraînez-vous d'arrache-pied - (Exercices
pratiques)
Chapitre 9 - Auto-test - (Quel est votre score ?)
Préface du traducteur
Georges Décote,
agrégé de l’Université,
professeur à l’université
de Paris X-Nanterre.
Préface de l’auteur
Il était une fois un souriceau qui rassembla les sept louis d’or qu’il
possédait, puis s’en fut chercher fortune par le vaste monde. Peu après
son départ, il rencontra une belette qui lui tint ce langage :
« Hé ! l’ami ! Où t’en vas-tu de ce pas ?
– Je m’en vais chercher fortune par le vaste monde, répliqua le
souriceau.
– Pour toi, c’est jour de chance, dit la belette. Contre quatre louis
d’or, je te donnerai cette voiture de course qui te permettra
d’arriver beaucoup plus vite.
– Magnifique ! » dit le souriceau qui monta dans la voiture et
s’éloigna cent fois plus vite.
Bientôt, survint un renard qui lui tint ce langage :
« Hé ! l’ami ! Où t’en vas-tu comme cela ?
– Je m’en vais chercher fortune par le vaste monde, répliqua le
souriceau.
– Pour toi, c’est jour de chance, dit le renard. Il ne t’en coûtera
qu’une petite somme pour avoir cette baguette magique qui te
permettra d’aller encore beaucoup plus vite. »
Le souriceau acheta donc la baguette magique avec l’argent qui lui
restait et s’en fut mille fois plus vite, sur terre et sur mer, comme une
flèche.
Peu après, voici qu’il rencontra un requin qui lui tint ce langage :
« Hé ! l’ami ! Où t’en vas-tu à cette allure ?
– Je m’en vais chercher fortune par le vaste monde, répliqua le
souriceau.
– Pour toi, c’est jour de chance. Si tu prends ce raccourci, dit le
requin en montrant sa gueule béante, cela te fera gagner un temps
précieux.
– Oh ! Grand merci », dit le souriceau qui fila tout droit dans la
gueule du requin et fut ainsi promptement dévoré.
La morale de cette fable, c’est que lorsque vous ne savez pas au
juste où vous allez, votre voyage a des chances de mal se terminer –
avant même que vous ayez pu vous en apercevoir.
Avant d’établir vos programmes d’enseignement, avant de
déterminer la méthode ou le matériel à utiliser, il est important de
pouvoir exprimer clairement le but que vous voulez atteindre. Le
présent ouvrage concerne justement les objectifs d’enseignement et la
manière dont vous pouvez déterminer ceux qui sont les plus aptes à
communiquer vos intentions à autrui. Il ne traite absolument pas de la
philosophie de l’éducation, et ne concerne ni les choix de ceux qui
doivent fixer les objectifs, ni la sélection de ces derniers.
Ce livre part naturellement de l’hypothèse que vous cherchez à
mettre au point un enseignement efficace et que vous avez enseigné,
enseignez actuellement, ou apprenez à enseigner. Il suppose en outre
que vous cherchez à communiquer certaines techniques et
connaissances à vos étudiants, et cela de façon telle qu’ils soient
capables de prouver par leur succès qu’ils peuvent atteindre les
objectifs que vous leur assignez. Si vous ne vous intéressez pas à la
réalisation effective de vos objectifs, il est inutile d’aller plus loin dans
la lecture de ce livre.
Ce livre n’a pas pour tâche de fixer quels sont les objectifs
désirables ou justes. Il concerne la manière dont doit être formulé un
objectif pour être efficace plutôt que son choix proprement dit. Nous
nous limiterons donc à vous aider à préciser et à communiquer les
buts que vous vous êtes fixés dans votre enseignement.
L’enseignement n’est efficace que dans la mesure où il atteint un objectif
primordial : IL DOIT FAIRE ÉVOLUER L’ÉTUDIANT DANS LE SENS SOUHAITÉ.
S’il n’y parvient pas, c’est qu’il est stérile et improductif. S’il va même
jusqu’à étouffer toute vocation et tout désir d’apprendre, c’est que, loin
d’être efficace, il est franchement pernicieux. N’est donc souhaitable que le
cours qui atteint les objectifs qu’il s’était fixés.
Une fois qu’un enseignant – qu’il s’agisse d’un moniteur, d’un instituteur
ou d’un professeur de lycée ou de faculté – a décidé de transmettre une
technique ou un savoir à ses élèves, il lui faut nécessairement prendre un
certain nombre de mesures s’il veut réussir.
Il doit d’abord s’assurer que :
1. le sujet enseigné répond bien à un besoin réel ;
2. les étudiants n’ont pas encore connaissance de ce qu’il se propose
d’enseigner.
Il doit ensuite fixer les buts qu’il entend atteindre à la fin de son cours, et
enfin, ayant fait le choix d’une méthode, évaluer les progrès de l’étudiant en
fonction des objectifs retenus au départ. En d’autres termes, on commence
par décider de sa destination, après quoi on trouve les moyens de s’y
rendre ; et ce n’est qu’après coup que l’on vérifie si on est bien arrivé.
Trois étapes se dégagent dans ce cheminement :
– l’analyse,
– le dessein,
– l’exécution,
et il existe pour les mener à bien tout un réseau de techniques et de
procédés. L’étape analytique par exemple, doit permettre de répondre à des
questions de ce type :
– Ce thème fait-il problème ?
– Peut-il être résolu par le biais d’un enseignement ?
– Et si oui, quel objectif précis ce dernier doit-il se donner ?
L’enseignement, après tout, n’est qu’une manière parmi bien d’autres de
résoudre les problèmes posés par les entreprises humaines ; et pas toujours
la plus en vogue !
À moins de faire au préalable une bonne analyse de la situation, on peut
très bien mettre au point un cours superbe mais parfaitement inutile, soit
qu’il n’ait aucun rapport avec le problème dont il était supposé traiter, soit
que les étudiants l’aient déjà entendu sous une autre forme. Des techniques
comme l’analyse de performances ou l’analyse d’objectifs permettent
seules d’éviter un tel gaspillage.
Si, au travers de l’analyse, le besoin d’un enseignement se fait sentir, il
est temps de passer à l’étape suivante, à savoir l’ébauche des principaux
objectifs visés par cet enseignement. Il s’agit donc, en fin de compte, de
répondre à la question : « Que vaut-il la peine d’enseigner ? »
Cela fait, on ébauche des tests pour déterminer le taux d’efficacité de
l’enseignement en question.
C’est seulement à ce stade que le cours lui-même est mis au point,
examiné, revu, et professé. Et n’oubliez surtout pas que c’est seulement une
fois l’analyse de la situation complétée que l’on ébauche les objectifs !
Ce livre traite plus des caractéristiques d’un objectif bien défini que de
ses conséquences ou de sa sélection. C’est-à-dire que si l’ouvrage atteint
l’objectif que nous lui avons assigné, il devrait vous permettre de
reconnaître les caractéristiques de tout objectif bien défini, avant d’élaborer
vous-même vos propres objectifs.
Formulons notre propos d’une manière plus précise :
Étant donné un objectif, quel qu’il soit, dans un domaine qui vous
est familier, vous devrez toujours être capable d’identifier la
performance, ses conditions et le critère de performance acceptable,
lorsque les caractéristiques de cet objectif ont été bien définies.
Pour vous aider à atteindre ces objectifs, je vais décrire certains des
avantages qu’offre leur définition précise ainsi que les caractéristiques de
ceux qui sont précisés avec efficacité ; je vais aussi montrer comment on
peut reconnaître un objectif bien défini et sélectionner des éléments-tests
pour évaluer la détermination correcte d’un objectif ; je vous donnerai
ensuite l’occasion de voir dans quelle mesure j’ai réussi dans mon
entreprise.
Un objectif est la description d’un ensemble de comportements (ou
performances) dont l’étudiant doit se montrer capable pour être reconnu
compétent. Un objectif décrit donc une intention plutôt que le processus
d’enseignement lui-même.
Il est impossible d’évaluer avec efficacité la valeur d’un cours ou d’un
programme lorsqu’il n’y a pas d’objectif clairement défini et que l’on ne
dispose d’aucune base sûre pour choisir convenablement les moyens, les
sujets ou les méthodes d’enseignement. Aucun ouvrier ne choisit un outil
avant de connaître l’opération qu’il doit effectuer, pas plus qu’un
compositeur d’orchestre un morceau avant de savoir quels effets il entend
obtenir. De même, aucun maçon ne choisira ses matériaux ni ne fixera les
délais d’une construction avant d’avoir les plans (c’est-à-dire les objectifs)
à sa disposition. On entend par contre trop d’enseignants discuter des
mérites relatifs présentés par les manuels et autres moyens utilisés dans les
classes, ou par les travaux pratiques de laboratoire, sans qu’ils aient jamais
précisé au juste les buts que ces moyens ou méthodes doivent permettre
d’atteindre. Un instituteur ou un professeur travaillera totalement dans le
vague tant qu’il ne saura pas vraiment ce qu’il souhaite voir ses élèves
capables de faire à la fin de son enseignement : je ne saurais trop insister sur
ce point.
Il est également important de définir avec précision les objectifs pour
pouvoir évaluer dans quelle mesure l’étudiant est capable de progresser
dans le sens voulu. Les tests ou les examens sont des jalons placés au cours
de l’enseignement pour montrer au professeur et à l’étudiant jusqu’à quel
point ils réussissent tous deux à atteindre les objectifs du cours. Mais ces
tests ne peuvent être, au mieux, que décevants, tant que les objectifs ne sont
pas fixés de façon claire et définitive dans l’esprit des deux partis ; au pire
ils sont hors de propos, faux ou sans utilité. Pour être utiles, ils doivent
mesurer les performances par rapport aux objectifs. Tant que celui qui met
au point les tests n’a pas lui-même une image précise de ses intentions
pédagogiques, il reste incapable de choisir des éléments de contrôle qui
puissent refléter clairement : l’aptitude de l’étudiant à effectuer les activités
désirées, ou la réussite de l’étudiant démontrant qu’il a acquis l’information
voulue.
En outre, cette détermination précise des objectifs offre un avantage
supplémentaire : l’étudiant a le moyen d’évaluer ses propres progrès tout au
long du cours et la possibilité d’organiser ses efforts dans le cadre
d’activités appropriées. Ayant des objectifs clairs en vue, il sait quelles
activités de sa part peuvent mener à la réussite et il n’a plus besoin de
chercher à deviner les intentions cachées de l’instructeur. Comme vous ne
le savez que trop bien, les élèves consacrent un temps et des efforts souvent
considérables à chercher à connaître les manies de leurs professeurs ;
malheureusement, cette connaissance est souvent très utile aux élèves
perspicaces qui peuvent parfois obtenir de bons résultats sans autre effort
que celui de mettre en pratique un certain nombre de « trucs » et de recettes
destinés à impressionner favorablement le professeur.
Disons, pour finir, que définir clairement un objectif permet par la même
occasion une réflexion sérieuse et approfondie sur le contenu même du
cours à élaborer ; et si les objectifs ébauchés rejoignent par hasard un cours
déjà existant, les objectifs peuvent servir d’une part à mettre en lumière la
valeur de ce cours, d’autre part à y suggérer des améliorations futures.
Distinction de base
Avant de commencer la discussion sur ce que j’entends par « objectif
convenablement fixé », il est bon de s’assurer que vous avez bien compris
ce qu’est un objectif.
Rappelons ici qu’un objectif décrit le résultat que veut atteindre un cours
plutôt que le processus d’enseignement ou les moyens mis en œuvre.
Examinez donc la définition suivante et répondez ensuite à la question
qui vous est posée. Vérifiez le bien-fondé de votre réponse en passant à la
page indiquée en regard de la réponse que vous avez choisie.
Alors qu’un objectif précise ce que l’élève doit être capable de faire après
avoir suivi un enseignement donné, la description du cours s’occupe
seulement du contenu de cet enseignement.
Cette distinction est fort importante, car la description d’un cours ne dit
pas ce qui doit être considéré comme un résultat convenable : elle n’indique
pas à l’élève quelles sont les règles du jeu. Certes, la description d’un cours
peut montrer à l’élève sur quel terrain il va jouer, mais sans préciser quelles
en sont les limites, où se trouvent les buts et comment on peut savoir qu’on
a réussi à marquer le point.
Il est utile de savoir reconnaître la différence entre un objectif et une
description ; essayez donc avec ce nouvel exemple.
Laquelle de ces deux définitions ressemble le plus à un objectif ?
Passez à la page 33
Il y a quelques années, l’instructeur responsable d’un cours militaire de
32 semaines, nota que les résultats des étudiants étaient plutôt médiocres à
intervalle régulier : les notes étaient faibles pour le premier examen, puis
considérablement supérieures pour les deux suivants, etc. Comme les notes
étaient régulièrement faibles, puis fortes pour tous les élèves, y compris les
plus brillants, l’instructeur conclut, à juste titre, que cette particularité
n’était pas due à l’intelligence ou à la médiocrité des étudiants. Il décida
alors que les arbres lui cachaient la forêt et il fit appel à des conseillers
extérieurs. Au cours de leur analyse de la situation, ces conseillers
relevèrent que le cours était divisé en cinq parties, chacune d’elles confiée
à une équipe d’instructeurs différente et donnant lieu à trois examens. On
remarqua que les étudiants répondaient médiocrement au premier examen
car ils ne savaient pas ce qu’on attendait d’eux. Ils devaient utiliser ce
premier examen pour découvrir par eux-mêmes ce que désiraient leurs
instructeurs. Les objectifs une fois saisis, ils répondaient beaucoup mieux
aux deux examens suivants ; mais c’est une autre équipe d’instructeurs qui
prenait alors la relève pour la partie suivante du cours. Les étudiants, eux,
pensaient que les examens ultérieurs seraient semblables à ceux qu’ils
venaient de passer et se préparaient en conséquence – ce qui les amenait à
découvrir que les règles avaient été modifiées à leur insu. Ils répondaient
médiocrement au quatrième examen (le premier préparé par une nouvelle
équipe d’instructeurs). La situation se répétait tout au long du cours. Les
objectifs étaient vagues et on n’expliquait jamais aux étudiants ce qu’on
attendait d’eux.
Il fut facile à l’instructeur en chef de remédier à cette situation, une fois
que ces éléments furent portés à sa connaissance.
Allons ! Allons ! Ce que vous venez de lire offre la description d’un
cours, description assez médiocre qui plus est… J’espère que vous ne vous
êtes pas fourvoyé du fait que bien des programmes universitaires sont
composés de phrases semblables. Il n’y a là aucune définition des résultats
attendus de l’enseignement et nous n’y trouvons rien de ce qui nous
intéresse ici.
Permettez-moi d’essayer d’expliquer comme suit la différence : la
description d’un cours donne les divers aspects d’une SUITE D’ACTIVITÉS
désignées sous le nom de « cours ». L’objectif d’un cours par contre décrit
un PRODUIT, c’est-à-dire ce que l’élève est censé être capable de faire une fois
le processus achevé.
Voici un autre exemple, pris dans un cours sur les relations humaines :
Supposez que je vous ai fait une leçon sur les amplificateurs et que vous
me traciez le diagramme d’un amplificateur pour me montrer que vous
savez comment il fonctionne. Et supposez que je vous mette une mauvaise
note en disant qu’être capable de dessiner un objet ne prouve pas que l’on
sache RÉELLEMENT comment il marche. Supposez maintenant que vous
réunissiez des pièces détachées et quelques outils, que vous me construisiez
un amplificateur fonctionnant correctement et que je vous donne à nouveau
une mauvaise note en disant que le fait de construire un amplificateur ne
prouve pas que vous SACHIEZ VRAIMENT comment fonctionne un tel appareil.
Vous auriez probablement des réactions très vives et vous auriez raison.
Mais vous avez sans doute compris le but de cette démonstration. Il n’y a
rien à redire au mot SAVOIR, sinon qu’il ne veut pas dire grand-chose quand
on l’utilise comme seul mot explicatif dans la définition des objectifs. Son
pouvoir de communication est trop faible.
Savoir comment fonctionne un amplificateur peut sous-entendre la
capacité d’en concevoir un, d’en construire un, de décrire les fonctions de
chacun de ses composants, etc. Chacune de ces capacités constitue un
objectif intéressant en soi, mais on ne sait vraiment pas LAQUELLE est contenu
dans le mot SAVOIR.
Externe/interne
Oui, mais… Un instant je vous prie.
N’y a-t-il pas là « anguille sous roche » ? Comment savoir si quelqu’un
additionne vraiment ? Il pourrait rester immobile et prétendre qu’il le fait
mentalement. Serait-ce toujours une performance ?
Pour moi, oui, puisque tout ce qui s’observe ou se vérifie directement est
une performance. Or il suffirait d’exiger une seule réponse écrite ou orale
pour savoir si la personne additionnait réellement. D’ailleurs, exclure toute
opération mentale de nos objectifs ne serait guère pratique puisqu’il s’agit
souvent d’aider les étudiants à résoudre ou à mémoriser.
Les termes « interne » et « externe » se réfèrent à des performances
respectivement mentales (et donc invisibles) et physiques (c’est-à-dire
visibles ou audibles).
Disons qu’une performance mentale doit toujours pouvoir se traduire
physiquement afin que le professeur puisse vérifier si elle a atteint
l’objectif.
Voulez-vous éviter toute contestation au sujet des performances
internes ? Suivez cette règle :
« Chaque fois que la performance requise par un objectif est d’ordre
interne, ajoutez un INDICATEUR DE COMPORTEMENT à l’objectif. »
En d’autres termes :
Voulez-vous qu’un étudiant sache additionner ? Précisez votre objectif
comme suit.
« Sachez additionner des chiffres (par écrit) dans le système binaire. »
Ou encore ;
« Sachez identifier (souligner ou entourer) les mots dont l’orthographe
est défectueuse dans un journal donné. »
Ainsi l’opération interne par excellence qu’est « identifier » devient-elle
physiquement vérifiable. Entraînons-nous un peu.
Vous trouverez ci-dessous quelques expressions décrivant des
performances externes ou internes.
Faites une croix (X) en face des premières et fournissez un indicateur de
comportement très simple en face des autres.
◾ Jouer du saxophone________________________
◾ Savoir distinguer les rayons X normaux des rayons X spéciaux
________________________
◾ Connaître la procédure pour faire un emprunt
________________________
◾ Identifier les transistors sur un diagramme schématique
________________________
◾ Résoudre un problème d’algèbre ________________________
Passez à la page 62.
◾ Jouer du saxophone ................................... X (Directement
vérifiable ; aucun indicateur de comportement n’est nécessaire.)
◾ Savoir distinguer les rayons X normaux des rayons X spéciaux
................................... Les classer en deux groupes.
◾ Connaître la procédure pour faire un emprunt
................................... L’indiquer par écrit.
◾ Identifier les transistors sur un diagramme schématique
................................... Les entourer.
◾ Résoudre un problème d’algèbre ................................... Noter la
solution par écrit.
Indiquez toujours l’objectif de base
Soit un certain nombre de formulaires remplis : entourer d’un cercle les
réponses fausses.
Répondez maintenant aux deux questions suivantes :
1. Quelle est la performance indiquée ?
2. Quel est le but essentiel de l’objectif ?
La performance, vous l’avez compris, est « d’entourer ». Et le but
essentiel est d’identifier des erreurs. Cependant, au lieu de l’indiquer
clairement, on s’est contenté de sous-entendre ce dernier. Mais trêve de
discours, venons-en à une première récapitulation.
Première récapitulation
1. Un objectif pédagogique décrit un résultat attendu et n’est jamais
la présentation ni le résumé d’un cours.
2. Un objectif est utilement défini, lorsqu’il est défini en termes de
comportement ou de performances, c’est-à-dire lorsqu’il décrit ce
que l’élève FERA lorsqu’il devra prouver qu’il a atteint l’objectif.
3. Pour établir un objectif décrivant une intention pédagogique :
a) Indiquez par écrit la performance centrale attendue de
l’élève.
b) Si cette performance est d’ordre mental, ajoutez-lui un
indicateur de comportement qui permette de juger de la
performance. Que cet indicateur reste le plus simple et le
plus direct possible.
L’objectif que vous rédigerez sera bien moins équivoque que la plupart
de ceux offerts aujourd’hui, si vous y précisez le comportement que doivent
manifester vos élèves pour prouver qu’ils ont suivi avec succès votre
enseignement. En effet, vous n’aurez pas attendu que vos élèves devinent
vos intentions à partir de mots aussi ambigus que « comprendre »,
« savoir », ou bien « apprécier » ; vous aurez au contraire identifié pour eux
et pour vous-même le type d’activité que vous acceptez comme témoignage
de leur réussite. Chose peut-être encore plus importante, vous aurez
commencé par préciser vos objectifs d’une façon qui vous permette de
choisir des éléments valables pour votre propre enseignement et vous
fournisse une base pour évaluer celui que d’autres ont préparé.
Mais la simple précision du comportement final peut être insuffisante
pour éviter qu’on ne vous comprenne mal, « Être capable de courir un 100
mètres » contient sans doute une définition suffisante pour empêcher toute
erreur d’interprétation. Mais il n’en est pas de même pour la définition
suivante : « être capable de calculer un coefficient de corrélation ». Ce
dernier objectif indique bien un comportement final, mais la définition n’en
reste pas moins faible et l’élève peut commettre diverses erreurs
d’interprétation. Quels types de corrélation veut-on lui faire calculer ? Est-il
important qu’il suive une méthode donnée ou bien suffira-t-il qu’il présente
une solution correcte ? Donnera-t-on à l’élève une liste de formules ou
attend-on qu’il travaille sans moyen de référence et sans aide d’aucune
sorte ? La réponse à chacune de ces questions modifie notablement le
contenu et l’importance du cours, l’orientation exacte des efforts de l’élève
et le type d’examen convenant à l’objectif.
Pour définir un objectif capable de communiquer efficacement votre
intention pédagogique, vous devrez souvent préciser le comportement final
en déterminant les conditions que vous imposerez à l’élève au moment où il
devra prouver qu’il a atteint l’objectif. Voici quelques exemples :
– Étant donné un problème du type suivant…
– Étant donné une liste de…
– Étant donné une référence quelconque choisie par l’élève…
– Étant donné une matrice d’intercorrélations…
– Étant donné un jeu standard d’outils…
– Étant donné un appareil fonctionnant normalement…
– Sans l’aide d’aucune référence…
– Sans l’aide de la règle à calcul…
– Sans l’aide d’outils…
Ainsi, au lieu de dire simplement : « être capable de résoudre des
problèmes d’algèbre », nous pouvons améliorer le pouvoir de
communication de notre définition en la rédigeant comme suit :
a) ................................... 2 + 4x = 12
b) ................................... 9x – 3 = 6
Nous savons à présent ce sur quoi nous devons travailler et ce que nous
avons comme tâche. Nous allons maintenant tester votre compréhension.
Avons-nous dit que nous ajouterions toujours des éléments-tests aux
objectifs ?
La rapidité
Il est d’usage d’introduire la notion de temps limite lorsqu’on décrit un
critère de performance acceptable. Cette notion de temps limite intervient
par exemple dans la plupart des examens ou des concours où les élèves
doivent remettre leurs copies à une heure donnée. Si la rapidité est une
caractéristique importante de la performance à réaliser, il faut bien sûr la
spécifier clairement, car on évite ainsi de faire deviner aux élèves ce que
l’on attend d’eux. Lorsque la notion de temps est l’élément primordial il est
essentiel de préciser ce critère. Examinons par exemple ce dialogue de
sourd :
LE PROFESSEUR : Vous êtes recalé.
L’ÉLÈVE : Mais j’ai couru ce 100 mètres d’un seul trait, comme vous
me l’aviez demandé.
LE PROFESSEUR : Exact. Mais vous n’avez pas été assez rapide.
L’ÉLÈVE : Mais vous n’avez pas précisé en quel temps limite je devais
effectuer ce parcours.
LE PROFESSEUR : Allons, est-ce que je vous aurais demandé de courir si
ce n’était pas pour que vous couriez vite ? Vous auriez dû vous
douter que la rapidité était l’élément essentiel.
Si la rapidité est importante, dites-le en indiquant les objectifs, et un plus
grand nombre d’élèves atteindront les performances demandées.
Si vous n’avez PAS l’intention de juger une performance en termes de
rapidité, vous ne devez pas imposer un temps limite. Seuls les critères
importants doivent être imposés. Si le critère essentiel de la course est un
critère de rapidité, mieux vaut formuler ainsi votre objectif :
« Être capable de courir un 100 mètres sur une piste sèche en moins
de 14 secondes. »
La qualité
Bien souvent ni la vitesse, ni la précision d’une performance n’ont
d’importance. Par contre, quelque autre élément sera essentiel.
C’est ainsi que pour l’entretien des missiles, on doit exiger des
techniciens l’aptitude à régler avec précision un écran de télévision rond
appelé PPL Cet écran comporte un dispositif indicateur électronique et le
travail des spécialistes d’entretien consiste notamment à régler cet
indicateur jusqu’à ce qu’il soit rond. Mais qu’appelle-t-on au juste « être
rond » ? Et comment indiquer à l’élève quel degré de précision il doit
atteindre avant qu’on estime son travail satisfaisant ?
Dans le cas considéré, il est important que l’indicateur soit « très rond » ;
mais il est visible que ces mots ne communiquent pas grand-chose et qu’il
faut chercher un meilleur mode de description en fonction de la qualité des
performances recherchées. L’une des méthodes possibles consiste à définir
l’importance de la déviation acceptée par rapport à une certaine norme. Il
est ainsi possible d’appliquer un cercle témoin sur l’écran et de dire à
l’élève que son indicateur sera « suffisamment rond » lorsqu’aucune
déviation ne dépassera trois millimètres par rapport au cercle témoin.
L’objectif peut être alors exprimé comme suit :
Récapitulation générale
1. La définition d’un objectif pédagogique est un ensemble de mots
ou de symboles décrivant une de vos intentions pédagogiques.
2. Un objectif communique vos intentions dans la mesure où vous
avez décrit ce que l’élève FERA lorsqu’il démontrera qu’il a atteint
l’objectif, ainsi que la manière dont vous pouvez vérifier qu’il l’a
réellement atteint.
3. Pour décrire le comportement final (c’est-à-dire ce que l’élève
FERA), il vous faut :
Balivernes
C’est de ce terme sans compromis de « balivernes » que nous tenons à
flétrir les expressions, malheureusement trop nombreuses et trop souvent
employées à mauvais escient, du type :
« Manifestez une compréhension de plus en plus globale. »
« Démontrez une appréhension générale. »
« Acquerrez une conscience profonde et une saisie humaine de… »
« Développez votre capacité de croissance personnelle en insistant sur
votre compréhension, votre volonté et un recyclage permanent. »
Ce n’est pas que de telles expressions, suivies de la performance voulue,
soient désastreuses, mais elles sont tout simplement encombrantes. Si par
contre elles ne sont suivies de rien, le danger se précise. Quel danger,
demanderez-vous ? Et bien, que les gens soient tentés, par ces phrases
ronflantes, de penser qu’il a été dit quelque chose d’important, et en
arrivant à remettre en question leur propre équilibre et leur propre
intelligence parce qu’ils n’ont pas saisi le sens – en fait inexistant – de ces
sottises.
Un tel verbiage paraît toujours impressionnant mais de quelle utilité est-
il, je vous prie, lorsqu’il s’agit de communiquer un but pédagogique ? Et
comment améliorer ces libellés puisque je ne sais même pas ce que leurs
auteurs tentaient de transmettre ? Heureusement qu’il existe une solution
toute simple.
La meilleure manière d’améliorer un objectif est de le confier à un ou
deux étudiants et de leur demander leur version du contenu de l’objectif.
Leurs réponses peuvent paraître humiliantes mais elles opéreront
certainement un sain rajustement.
N’oubliez pas non plus les éditeurs qui grâce à quelques changements
minimes, savent miraculeusement simplifier notre texte. (Mais qu’on ne les
laisse pas trop s’auto-féliciter : ils sont – hélas ! trop souvent – de tristes
prisonniers de leurs manuels de style !)
Performance de l’enseignant
Critères erronés
Un défaut des plus insidieux est celui qui consiste à proposer un critère
qui ne livre aux étudiants rien qu’ils ne sachent déjà.
Par exemple :
« Jusqu’à ce que l’enseignant se déclare satisfait. »
« Doit pouvoir remplir 80 % des questions de cours. »
« Doit réussir l’examen de fin d’année. »
Les étudiants sont déjà conscients qu’ils doivent satisfaire leur
professeur. La nouveauté serait de leur apprendre comment ils peuvent y
parvenir. Après tout, si le professeur a des critères selon lesquels il juge ses
étudiants, pourquoi les garder jalousement secrets ?
Les deux autres exemples cités ci-dessus livrent bien quelques miettes
administratives aux étudiants, mais ne leur disent toujours rien sur le niveau
de performance attendu. Nous savons tous fort bien combien il est aisé de
transformer la difficulté d’un examen en échangeant le choix des questions
et la formulation.
Pour évaluer le critère dans un objectif, demandez-vous s’il :
1. donne des renseignements sur la qualité de la performance
requise ;
2. définit la performance individuelle plutôt que le niveau global du
groupe ;
3. s’attache à cerner des niveaux réels plutôt qu’imaginaires.
Thèmes annexes
Il me reste à commenter quatre questions qui, bien que non directement
reliées au libellé des objectifs, font assez souvent problème en ce domaine
pour qu’il vaille la peine de les citer.
Fausses taxonomies
Une taxonomie est une classification qui tient compte des relations des
objets entre eux. Si le terme vous est inconnu, passez donc directement à la
section suivante, puisque ce problème ne vous concerne pas.
Il vous arrive parfois de rencontrer des individus qui prétendent avoir des
difficultés insurmontables dans la rédaction des objectifs. Ils les trouvent
insuffisants même lorsque – vérification faite – ces derniers couvrent bien
leurs buts essentiels. Quelle est donc leur maladie ? Taxonomite aiguë. Ces
malheureux veulent à tout prix établir une classification ! Comme si le fait
que cela fût possible signifiait que c’était nécessaire ! « Nous avons besoin
de niveaux différenciés », se plaignent-ils. Mais pourquoi diable ?… Je ne
sais d’où cette idée saugrenue leur vient mais je donnerais cher pour qu’elle
disparaisse par le même chemin.
Une fois que vous avez dit ce que vous attendez des étudiants, vous avez
vous-même rempli votre premier objectif. Point n’est besoin de taxonomie.
Un objectif pédagogique :
– Est-il un énoncé décrivant un résultat attendu ?
– Décrit ce résultat en termes de la performance estudiantine.
– Décrit une performance exigée en fin d’études, c’est-à-dire au
moment précis où s’achève la tutelle professorale.
– Se concentre sur la performance de l’étudiant et non sur celle du
professeur.
Comment corriger un objectif défectueux
Vous trouverez ci-dessous quelques objectifs en piètre condition.
Données fausses, verbiage, incohérence : effacez tout cela. Leur manque-t-il
une des caractéristiques essentielles d’un bon objectif ? Rajoutez-la.
La liste de vérification que nous venons d’établir sur la page précédente
vous sera peut-être d’un certain secours en la matière.
1. Après 3 semaines de cours sur les moyens de transport, sachez
classer ceux-ci sous deux rubriques : a) ceux qui servent au transport
humain ; b) le fret de marchandises.
2. Sachez changer un pneu de voiture.
3. Faites preuve d’une vaste compréhension de la procédure
régissant les entretiens dans la compagnie CS 30.
4. Connaissez le mécanisme du grille-pain automatique.
5. Après une conférence de 50 minutes, soyez capable de prendre la
température d’un malade.