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Patrimoine culturel

et enjeux territoriaux
en Afrique francophone

Appui aux politiques locales

Ce projet est cofinancé par l’Union européenne et l’aimf


Cet ouvrage est dédié à la mémoire de Jean-Michel Moulod,
député-maire de Grand-Bassam.
Cet ouvrage a été réalisé Contributeurs
sous la direction de
M. Léonard Ahonon
Mme Arianna Ardesi administrateur des Actions culturelles, ministère de la
chef du projet «  Patrimoine culturel et développement Culture, de l’Alphabétisation,de l’Artisanat et du Tourisme
local », conseillère technique, aimf du Bénin
Mme Bakonirina Rakotomamonjy M. Mohamed Allaly
architecte, coordinatrice pédagogique du projet maire de Oualata, Mauritanie
«  Patrimoine culturel et développement local », aimf
M. Charles Samson Akibodé
et chercheur associé au Laboratoire CRAterre-ensag
conseiller au cabinet du ministre de la Culture, Cap-Vert
(unité de recherche Architecture Environnement
& Cultures constructives) M. Mohamed Ould Biha
maire de Tidjikja, Mauritanie
Rédacteurs principaux : M. Moctar Keyla Maiga
Mme Emmanuelle Robert secrétaire général de la commune de Diafarabé, Mali
et Mme Youmna Tabet M. Sébastien Moriset
aimf architecte, chercheur associé
Comité de rédaction de l’ouvrage : au laboratoire CRAterre-ensag

Mme Victoire Adegbidi M. Samba Ndiaye


coordinatrice pôle « Territoires et patrimoines », epa adjoint au maire de Podor, Sénégal
M. Christian Belinga Nko’o
M. Pierre Baillet architecte, dsa-Terre, consultant « Habitat économique
secrétaire permanent, aimf et patrimoine bâti en terre »
Professeur Hamady Bocoum M. Boris Ogoussan
directeur du patrimoine culturel du Sénégal directeur de l’Office de tourisme de Ouidah, Bénin
et directeur de l’Institut fondamental d’Afrique noire (ifan) M. Soumaïla Sangaré
M. Lassana Cissé secrétaire général de la commune urbaine de Djenné, Mali
directeur de la Mission culturelle de Bandiagara, Mali M. Adamou Sanni
chargé des Affaires culturelles de la commune de Nikki,
M. Lazare Eloundou-Assomo Bénin
chef de l’unité Afrique, Centre du patrimoine mondial,
Unesco M. Aly Sine
directeur de la Planification urbaine et du Patrimoine
Mme Isabelle Longuet à l’Agence de développement communal (adc), Mali
directrice de la « Mission Val-de-Loire, Patrimoine mondial », M. Jocelyn Kongo
France chef du service Affaires socioculturelles,
Professeur Vincent Negri Grand-Bassam, Côte-d’Ivoire
juriste, chercheur au cnrs (Centre d’études sur la
coopération juridique internationale), France
Professeur Ahmed Ragel
directeur de l’Institut supérieur de commerce et
d’administration des entreprises (iscae), Mauritanie
M. Klessigué Sanogo
directeur national du Patrimoine culturel du Mali
M. David Stehl
spécialiste du programme Culture, Unesco

Conception graphique, SUIVI éditorial


Surletoit
www.surletoit.com

Impression
Sipap Oudin, Poitiers
Ce document s’inscrit en appui aux politiques patrimoniales engagées par les collectivités territoriales africaines, dans un
contexte où les acteurs locaux sont amenés à jouer un rôle croissant dans le champ du patrimoine. Destiné en priorité aux
élus et aux techniciens municipaux, il intéressera également les professionnels.
Fruit du travail collectif réalisé par les partenaires du projet « Patrimoine culturel et développement local », piloté par l’aimf et
cofinancé par l’Union européenne, cet ouvrage s’appuie sur une expérience de terrain portée par les communes, étayée par
l’analyse d’experts ou de professionnels. Les expériences présentées correspondent au contexte spécifique des pays bénéficiaires
du projet (le Bénin, le Cap-Vert, la Côte-d’Ivoire, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal). L’ambition, à terme, est d’inspirer des
démarches similaires dans des collectivités d’autres pays du continent.

Comité de pilotage du projet « Patrimoine culturel et développement local »


Bénin Mauritanie
Association nationale des communes du Bénin : Association des maires de Mauritanie
M. Soulé Alagbé, président, maire de Parakou ; et Communauté urbaine de Nouakchott,
M. Arnaud Sossou, secrétaire permanent ; Mauritanie :
M. Eusébio Santos, chargé des études et de la recherche M. Ahmed Hamza Ould Hamza, président
École du patrimoine africain (epa) : Institut supérieur de commerce et
M. Baba Keita, directeur ; Mme Victoire Adegbidi, d’administration d’entreprises (iscae) :
coordinatrice pôle « Territoires et patrimoines » professeur Ahmed Ould Ragel, directeur
Partenariat pour
le développement municipal (pdm) : Sénégal
M. Owens Biram N’diaye, secrétaire exécutif ; Association des maires du Sénégal :
M. Félix Adegnika, chargé de programme M. Abdoulaye Balde, président, maire de Ziguinchor ;
M. Ousmane Drame, maire de Nioro du Rip
Cap-Vert Institut supérieur des arts et culture de Dakar :
Association nationale professeur Aloyse N’Diaye, directeur
des municipalités du Cap-Vert :
Mme Arlinda Neves, secrétaire permanente
Autres institutions associées 
Ville de Praia : direction du Patrimoine culturel du Bénin :
M. José Ulisses Correia e Silva, maire ; M. Richard Sogan, directeur
Mme Aléluia Barbosa Andrade, maire-adjointe
pour la Coopération décentralisée et la Formation Instituto da investigação
e do património cultural :
M. Humberto Lima, directeur
Côte-d’Ivoire direction nationale
Ville de Grand-Bassam : du Patrimoine culturel du Mali :
M. Anokoi Martin Ackah, maire ; M. Sanogo Klessigué, directeur
M. Josselyn Kongo, chef du service
Affaires socioculturelles direction du Patrimoine culturel de Mauritanie :
M. Nami Ould Mohamed Kaber, directeur
direction du Patrimoine culturel du Sénégal :
France M. Hamady Bocoum, directeur
craterre-ensag :
Unesco : M. Lazare Eloundou Assomo,
M. Thierry Joffroy, président
chef de l’unité Afrique du Centre du patrimoine mondial

Mali
Association des municipalités du Mali :
M. Boubacar Bah, président, maire de la commune V
du district de Bamako ;
M. Boubacar Traoré, responsable du service Programmes
Ville de Bamako :
M. Adama Sangaré, maire du district ;
M. Mamadou S. Koné, secrétariat général du district
Institut universitaire de développement
territorial (iudt), université de Bamako :
professeur Bani Touré, recteur de l’université
des Sciences sociales et de Gestion de Bamako,
directeur de l’iudt
Patrimoine culturel
et enjeux territoriaux
en Afrique francophone

Sommaire
09 ... 1. Projet « Patrimoine culturel et développement local »
Renforcer les capacités des autorités locales d’Afrique de l’Ouest dans le domaine
de la protection et de la valorisation durables du patrimoine culturel

10 ... Patrimoine et développement : une vision commune, un engagement partagé


11 ... Les collectivités locales au cœur du processus
12 ... Une démarche portée par l’aimf
13 ... Le projet en bref
14 ... Les collectivités locales parlent de leur patrimoine : conclusions de l’enquête
16 ... Sensibiliser et former les élus et les techniciens : ateliers et séminaires

19 ... 2. Outil d’aide à la décision


Élaborer et mettre en œuvre une politique locale du patrimoine

20 ... Construire une vision politique


24 ... Agir avec les populations
28 ... S’approprier le territoire et ses patrimoines
36 ... S’organiser pour agir
42 ... Identifier les biens prioritaires
46 ... Faire des choix et programmer
54 ... Prendre des mesures de protection ou de préservation
58 ... Assurer la gestion quotidienne et optimiser les ressources
62 ... Encadrer la conservation et la mise en valeur du patrimoine
66 ... Élaborer un projet et le financer

71 ... 3. Actions locales


Onze collectivités partagent leur expérience

72 ... Abomey, Bénin


76 ... Cidade Velha, Cap-Vert
80 ... Diafarabé, Mali
84 ... Djenné, Mali
88 ... Grand-Bassam, Côte-d’Ivoire
92 ... Nikki, Bénin
96 ... Oualata, Mauritanie
100 ... Ouidah, Bénin
104 ... Podor, Sénégal
108 ... Saint-Louis, Sénégal
112 ... Tidjikja, Mauritanie

5
Préfaces

L’ L
intérêt qu’a toujours porté l’Association inter- e patrimoine de nos communes représente un
nationale des maires de France (aimf) au formidable levier de développement, une res-
patrimoine, à son identification, à sa préservation, source essentielle qu’il nous faut prendre en compte
à sa projection dans l’avenir est le reflet de la pré- dans le processus de développement des colectivités
occupation pour l’universel qui anime notre réseau. locales. Les villes africaines traversent aujourd’hui
Ces legs, matériels comme immatériels, sont le témoi- une étape charnière de leur histoire. Amenées à
gnage de développements économiques et culturels accueillir des populations croissantes, elles doivent
passés. Par leur transmission, certains d’entre eux imaginer leur avenir dans un contexte de mutations
sont aussi le reflet d’un monde en paix, l’expression rapides et de contraintes fortes. Le défi auquel nous,
d’une culture de tolérance, d’une culture qui accepte décideurs locaux, faisons face est de concevoir des
toutes ses racines et toutes ses origines. politiques d’aménagement sur mesure, adaptées
Le présent ouvrage, conçu comme un outil d’aide à la réalité sociale et culturelle des territoires. La
à la décision, expose ces enjeux de manière très démarche « Patrimoine et développement » nous
didactique. Surtout, il communique son enthousiasme. invite à porter un regard neuf sur nos territoires, à
À sa lecture, on prend la mesure de l’importance de reconsidérer notre rapport à l’histoire, et à inventer
la concertation, de la participation, du respect des de nouvelles stratégies de développement pour mieux
autres dans leurs différences. Ici, le lien concret entre répondre aux besoins essentiels des populations.
patrimoine et développement devient une réalité à Préserver, valoriser et faire vivre nos patrimoines,
travers des actions de terrain, autrement dit à travers constitue donc un enjeu majeur, non seulement
une volonté politique chaque fois réaffirmée. pour la qualité de vie de nos populations, mais
Le travail accompli par les États et les organismes inter- aussi pour la stabilité sociale. Nos sociétés sont
nationaux traditionnellement en charge de ce domaine multiculturelles, évolutives, parfois sous tensions.
est à présent inséparable de l’action des élus locaux Encourager les expressions culturelles, favoriser la
gardiens au quotidien de ces trésors, resitués dans pérennité des savoirs et savoir-faire traditionnels,
les plans d’aménagement des territoires de demain. c’est aussi encourager le dialogue et permettre la
cohabitation pacifique des différentes communautés.
Avec ce livre, chacun comprendra que le patrimoine
Ce travail de médiation est au cœur de notre mandat
n’est plus l’affaire des seuls architectes, archéologues
d’élu local.
et ethnologues. De par les fonctions qui leur sont
confiées par le suffrage populaire, les élus locaux Inscrite sur la Liste du patrimoine mondial, la ville de
sont devenus décideurs en cette matière. Ils ont la Saint-Louis se présente comme un laboratoire pour
charge d’identifier, de conserver, de valoriser, de faire expérimenter de nouvelles pratiques d’aménagement
vivre dans le cœur de chacun, ces legs qui jalonnent et de gestion plus soucieuses des valeurs patrimo-
l’histoire, en veillant à ce que cette gestion s’ouvre sur niales. Je me réjouis de constater que nombreux sont
le durable, sur une relation avec le futur. Il nous appar- les élus qui inscrivent aujourd’hui au cœur de leur
tient ensemble de léguer notre patrimoine à l’avenir ! politique cette vision du patrimoine comme source
génératrice de revenus et d’emplois, et comme vivier
Apporter un appui pour atteindre cet objectif, telle
inestimable dans la quête de l’amélioration du bien-
est la vocation de l’aimf, et que cet ouvrage marque
être et du développement humain. Cette démarche
nos remerciements pour la confiance que nous porte
doit faire école. Gageons que cet ouvrage, et nos
l’Union européenne qui a accepté de financer avec
efforts associés, y contribueront.
nous ce projet.
Cheikh Mamadou Abiboulaye Dieye,
Pierre Baillet,
maire de Saint-Louis du Sénégal,
secrétaire permanent de l’aimf.
ministre de l’Aménagement du territoire
et des Collectivités locales.

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C L
et ouvrage est le fruit d’un travail collectif, e processus de décentralisation à l’œuvre
produit par de nombreux experts, universi- à l’échelle mondiale depuis une quinzaine
taires et professionnels majoritairement issus de d’années, est aujourd’hui très avancé sur le continent
six pays d’Afrique de l’Ouest. C’est donc au nom africain. Dans ce contexte, les organismes interna-
de tous les collègues qui ont animé et fait vivre ce tionaux sont appelés à travailler plus étroitement
projet pendant trois ans que je souhaite m’exprimer. avec les acteurs locaux. C’est en décembre 2003,
Saluons tout d’abord la vision de l’aimf, qui nous lors du sommet « Africités III » organisé à Yaoundé
a rassemblés dans cette aventure commune et a au Cameroun, que l’Unesco a introduit le sujet du
fait le choix d’associer plusieurs organismes de patrimoine auprès des collectivités locales africaines.
formation de la sous-région. Construire une offre À cette occasion, la session spéciale « Villes afri-
de formation pérenne pour les collectivités et caines et patrimoines » proposait de sensibiliser les
les professionnels, c’est avant tout travailler en maires à la valeur de leur patrimoine culturel et à sa
réseau : ce projet nous en a offert l’opportunité. contribution au développement de leurs territoires.
Je me réjouis de la démarche pédagogique élaborée La rencontre de 2003 a marqué l’émergence d’une
au cours du projet et perfectionnée au fil des sessions dynamique associant directeurs du Patrimoine, élus et
de formation : une démarche multidisciplinaire qui techniciens de collectivités locales et professionnels
associe universitaires et professionnels d’horizons dif- du secteur.
férents – experts du patrimoine, géographes, anthro- Depuis lors, des progrès significatifs ont été accomplis.
pologues, juristes… Une démarche résolument La conscience des valeurs patrimoniales et culturelles
pragmatique aussi, destinée à faire émerger des a progressé au sein des collectivités locales africaines.
projets et à appuyer la construction des politiques Ces dernières ont gagné en maturité, en compétences,
locales. Car l’enjeu pour nos pays, confrontés à des et sont plus impliquées dans les efforts de préserva-
problèmes cruciaux de développement, est bien de tion et de gestion de leurs richesses patrimoniales.
former des « promoteurs du développement local », Des solutions ont été développées pour mettre en
d’offrir aux gestionnaires et aux techniciens des place des dispositifs de gestion efficaces, et prendre
outils et des méthodes pour imaginer des solutions en compte les préoccupations patrimoniales dans les
de développement adaptées à leurs territoires. instruments d’aménagement et de développement.
En ce sens, la démarche « Patrimoine et dévelop- Face aux enjeux pressants du développement, il est
pement » me semble particulièrement porteuse. essentiel de poursuivre les efforts déployés pour
Sensibiliser les décideurs et techniciens locaux à la identifier, protéger et gérer les patrimoines des
richesse de leur patrimoine, leur donner les outils collectivités. Le projet « Patrimoine culturel et déve-
pour construire des politiques de développement loppement local » a permis de mettre au point les
adaptées à la réalité culturelle des territoires, c’est outils de compréhension et d’intervention innovants,
offrir une piste d’avenir pour nos collectivités. Il est adaptés aux collectivités, qui sont présentés dans cet
essentiel que les universités et organismes de forma- ouvrage. Je me réjouis de constater que les biens du
tion accompagnent ce mouvement et élaborent des Patrimoine mondial en Afrique sont engagés dans
contenus de formation qui répondent aux besoins une démarche d’excellence, de promotion des pra-
des collectivités locales. Le projet y a contribué, à tiques de conservation et de gestion, et de partage
nous désormais de poursuivre et pérenniser le travail d’expérience. Cet esprit d’innovation est au cœur de
engagé à travers nos actions respectives. la Convention du patrimoine mondial, tout comme
le sont les valeurs de solidarité, de paix et de respect
Professeur Bani Touré,
des identités culturelles.
recteur de l’université des Sciences
sociales et de Gestion de Bamako, Lazare Eloundou Assomo,
directeur de l'Institut universitaire chef de l’unité Afrique,
de développement territorial (iudt). Centre du patrimoine mondial de l’Unesco.

7
8
1
Projet
« Patrimoine
culturel et
développement
local »
Renforcer les capacités
des autorités locales
d’Afrique de l’Ouest
dans le domaine
de la protection
et de la valorisation durables
du patrimoine culturel

9
Patrimoine et développement :
une vision commune,
un engagement partagé
continent et pourrait s’accélérer en l’absence d’une
prise de conscience collective et d’une inflexion
des politiques publiques.

Une nouvelle approche


du développement local
Dans un contexte où les villes africaines traversent
des mutations rapides, liées notamment aux flux de
populations et au développement des infrastructures,
la destruction du patrimoine se fait bien souvent au
détriment de la qualité de vie. Cet ouvrage, comme le
projet dans lequel il s’inscrit, valorise une approche
du développement local au sein de laquelle le patri-
moine culturel est considéré comme une ressource
essentielle. Intégrer le patrimoine dans les choix
Séminaire régional d’échanges entre élus. d’aménagement et de développement, c’est assurer
Grand-Bassam, Côte-d’Ivoire. un mode de développement respectueux des spécifi-
© aimf cités locales et soucieux des retombées économiques
pour les populations. Concilier les traces du passé
et les attentes du présent et de l’avenir, c’est avant
Un patrimoine remarquable tout bâtir à partir des forces d’un territoire, préserver
en voie d’effacement ses richesses et valoriser ses potentialités.
Les territoires africains portent la trace d’un patri-
moine culturel exceptionnel : paysages, architectures,
aménagements de l’espace, pratiques culturelles Premier cours technique.
Remise de diplôme par le maire de Ouidah. Ouidah, Bénin
immatérielles et objets reflètent l’histoire des civili- © epa
sations antérieures et l’intelligence des hommes
dans l’exploitation des ressources comme dans
l’organisation des sociétés. Cette richesse extraor-
dinaire demeure pourtant sous-estimée. Trop souvent
délaissée, y compris par ses propres détenteurs, elle
ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite. Face aux trans-
formations sociales et aux aléas divers – catastrophes
naturelles, conflits, etc. –, le risque est grand de voir
ces témoignages de la mémoire collective s’effacer
progressivement au profit de nouveaux modèles
culturels, souvent importés, entraînant ainsi une
banalisation du cadre de vie. Cette rupture avec le
passé est déjà perceptible dans certaines villes du

10
Les collectivités locales
au cœur du processus
Des acteurs clés Une demande
pour la reconquête clairement formulée par les élus
du patrimoine des territoires C’est en 2003 que le Centre du patrimoine
Si l’engagement de l’État demeure fondamental mondial de l’Unesco a, pour la première fois, porté
– la politique du patrimoine étant généralement une officiellement la question du patrimoine auprès des
compétence nationale –, l’appropriation du patrimoine collectivités locales africaines. La session spéciale
se joue aussi sur le plan local, et ce d’autant plus que « Villes africaines et patrimoines » organisée dans le
de nombreux pays sont aujourd’hui engagés sur la cadre du sommet « Africités iii » (Yaoundé, Cameroun,
voie de la décentralisation. Dotées de compétences décembre 2003) a permis de souligner l’intérêt
nouvelles, notamment en matière de contrôle de la croissant des collectivités locales pour leur patrimoine,
construction et de mise en œuvre des projets urbains, de valoriser les bonnes pratiques et de faire émerger
les collectivités locales jouent un rôle majeur pour un réseau de collectivités et de professionnels. Les élus
intégrer le patrimoine dans un projet de territoire. y ont clairement affirmé leur engagement en faveur
de la valorisation de leurs patrimoines. Ils ont sollicité
la production d’outils pédagogiques et de formation
Atelier de formation pour les techniciens pour les accompagner dans cette démarche.
municipaux. Visite de terrain. Ségou, Mali.
© aimf

11
Une démarche
portée par l’aimf
Le patrimoine, Une synergie efficace
un axe stratégique d’intervention avec le programme Africa 2009
Le réseau international des maires francophones Suite à la rencontre de Huê, les partenaires – à ce
place depuis plusieurs années la question du patri- stade : l’aimf, le Partenariat pour le développement
moine parmi ses domaines d’intervention prioritaires. municipal (pdm), craterre, l’École du patrimoine
Divers projets de restauration de bâtiments et de africain (epa), l’Institut supérieur de commerce et
quartiers historiques ont ainsi été financés au cours d’administration d’entreprises (iscae), l’université
de la dernière décennie dans des villes membres. de Bamako et l’Unesco – ont réalisé une première
En 2007, l’aimf a dédié son séminaire annuel, à formation pilote à l’attention des élus du Bénin,
l’occasion de sa 22e Assemblée générale à Huê du Togo et du Burkina Faso en novembre 2008 à
(Vietnam), au thème du patrimoine culturel. Les élus Porto-Novo (Bénin). Elle a été organisée conjoin-
ont alors exprimé leur souhait de disposer d’outils tement avec le 10e séminaire des directeurs du
pédagogiques et de formations pour mieux maitri- Patrimoine culturel du programme Africa 2009 – pro-
ser cette problématique. Ils se sont aussi engagés, gramme décennal visant à renforcer les capacités
avec l’appui de l’aimf, dans la mise en œuvre de des professionnels du patrimoine à l’échelle du
programmes globaux associant en un même projet continent africain. La rencontre visait à renforcer
les services déconcentrés de l’État, la société civile, la synergie entre les représentants de l’État central
l’expertise fonctionnelle et les bailleurs internationaux et les collectivités locales.
(en l’occurrence l’Union européenne).

Conférence de presse. Atelier de sensibilisation des élus. Bamako, Mali. © aimf

12
Le projet en bref
Objectifs et bénéficiaires
Le projet « Patrimoine culturel et développement
local » a été initié en 2010 en réponse aux besoins
de formation formulés par les collectivités locales
africaines. L’objectif était de renforcer leurs capacités
et leur légitimité à intervenir directement dans les
activités de développement basées sur les qualités
patrimoniales des territoires. Il s’agit non seulement
de sensibiliser de façon globale l’ensemble des
acteurs du patrimoine mais aussi de faire naître
des projets et des initiatives au sein des collectivités
locales. Dans un premier temps, le projet a choisi
de cibler six pays d’Afrique francophone : le Mali,
le Bénin, la Mauritanie, le Sénégal, le Cap-Vert et
la Côte-d’Ivoire.
Deuxième cours technique. Travaux de groupe.
Structures partenaires et associées epa, Porto-Novo.
© C. Belinga
Le projet mobilise les collectivités locales par
l’intermédiaire des associations de municipalités
des pays bénéficiaires (Association nationale des
communes du Bénin, Association nationale des du programme Africa 2009. Le projet est cofinancé
municipalités du Cap-Vert, Association des munici- par l’Union européenne (programme Acteurs non
palités du Mali, Association des maires de Mauritanie, étatiques et autorités locales) et l’aimf.
Association des maires du Sénégal, pdm) et de
quelques villes partenaires (Ville de Grand-Bassam, Activités
Ville de Praia, Communauté urbaine de Nouakchott, Pour contribuer à l’émergence d’une vision globale et
Ville de Bamako). aider à l’élaboration de programmes pédagogiques
Pour structurer l’offre de formation et renforcer adaptés aux différentes réalités, une enquête a été
les liens entre collectivités locales et universités, le conduite dans les pays bénéficiaires sur les besoins
projet fait intervenir des organismes de formations et les attentes des collectivités en matière de patri-
spécialisés dans la gestion du patrimoine ou de moine culturel et sur l’offre de formation existante
la culture (craterre, Institut supérieur des arts et au niveau régional. Une étude publiée en avril 2012
culture de Dakar, epa) et des instituts dédiés à la rend compte des résultats de l’enquête et donne une
formation des promoteurs du développement local vision d’ensemble du cadre législatif et institutionnel
(université de Bamako, iscae). Associer ces deux du secteur patrimonial des pays cibles.
publics constitue l’originalité du projet. Pour les formations, le projet associe des activités
Afin de renforcer les liens entre les stratégies locales nationales et régionales, conçues à l’attention de deux
et nationales, le projet associe enfin les directions types de publics : les maires et élus (sur des formats
nationales du Patrimoine (Bénin, Cap-Vert, Mali, courts de sensibilisation et d’échange d’expériences)
Mauritanie et Sénégal) et l’Unesco (Centre du patri- et les techniciens municipaux (sur des formats plus
moine mondial, Convention France-Unesco). Il détaillés). En complément, des séminaires régionaux
s’appuie, de façon globale, sur le réseau d’institutions permettent des échanges d’expérience entre élus et
spécialisées et de professionnels créé dans le cadre professionnels du patrimoine.

13
Les collectivités locales
parlent de leur patrimoine :
conclusions de l’enquête
Pour mieux cerner la perception par les collecti- réservé aux questions patrimoniales sont largement
vités locales de leur propre patrimoine, et mieux minoritaires (26 %). En terme d’outils de gestion
comprendre leurs besoins spécifiques, une enquête du patrimoine, 49 % des communes disposent d’un
a été menée dans les pays bénéficiaires à partir d’un inventaire de leur patrimoine, mais seules 33 % ont
questionnaire diffusé aux collectivités par l’intermé- participé activement à son élaboration. Si la plupart
diaire des associations nationales des municipalités. des collectivités ont mis en place un outil de gestion
Les résultats soulignent l’intérêt des collectivités du territoire – Plan de développement communal
pour leur patrimoine, et détaillent les contraintes (pdc) (80 %) ou schéma directeur (58 %) –, celui-ci
principales qu’elles rencontrent. inclut rarement une dimension patrimoniale. Seules
25 % des communes disposent d’un règlement
Perception du patrimoine d’urbanisme spécifique assurant une protection
Les collectivités locales interrogées reconnaissent du patrimoine. 33 % des communes procèdent à
en majorité la richesse de leur patrimoine (75 %), des études d’impact avant travaux, mais celles-ci
et en particulier du patrimoine culturel immatériel prennent très rarement en compte la dimension
(85 %). Elles jugent toutefois préoccupant l’état de patrimoniale.
conservation du patrimoine (74 %) et l’estiment
menacé en l’absence d’une intervention forte (79 %). Cadre d’intervention
Parmi les menaces principales, elles relèvent en et actions réalisées
priorité les facteurs humains, notamment le manque Les communes sont globalement insatisfaites du cadre
de moyens techniques et financiers et la faiblesse législatif et administratif associé à la gestion du pa-
des capacités de gestion (34 %), l’abandon du bâti trimoine, qu’elles estiment peu efficace (67 %), ainsi
(10 %), le vandalisme et le non-respect des valeurs que des mécanismes de gestion entre les différentes
patrimoniales. Elles s’inquiètent aussi des menaces échelons de l’État (68 %). Si 60 % affirment collaborer
d’origine naturelle, en particulier les inondations, régulièrement avec l’État, ces échanges sont d’ordre
l’érosion ou le changement climatique. Les collecti- plus administratif que technique et portent rarement
vités sont convaincues que le patrimoine représente sur des projets. Seules 21 % ont ainsi pu mettre en
une opportunité réelle pour leur développement
(75 %), mais qu’il demeure largement sous-exploité,
en particulier dans le cadre des activités éducatives.

Moyens humains,
techniques et financiers
La majorité des collectivités disposent de conseillers
dans le domaine de l’urbanisme (74 %) ou de la
culture (85 %), parfois également du patrimoine
Atelier de formation pour élus
(62 %). Toutefois, peu d’entre elles disposent de
et techniciens municipaux.
personnel technique dédié à la mise en œuvre des Visite de terrain. Abomey.
décisions, qu’il s’agisse de cadres (42 %) ou d’agents © aimf
(52 %). Les collectivités disposant d’un budget

14
place de réels partenariats avec l’État dans le domaine
À lire
du patrimoine. Malgré les problèmes rencontrés, les
collectivités se montrent actives : 47 % ont déjà mené Les résultats de l’enquête, le cadre administratif
des actions de protection, de conservation ou de mise et institutionnel, ainsi que l’offre de formation par
en valeur du patrimoine, et 64 % ont engagé des pays sont insérés dans l’étude réalisée dans le
activités pédagogiques sur ce thème au sein des écoles. cadre du projet :
Dans ce contexte, les collectivités expriment un besoin
clair de renforcement des capacités, en particulier pour http://www.aimf.asso.fr /
l’identification et la gestion du patrimoine, et pour le
(programme « Culture et patrimoine », projet
montage de projets culturels.
« Patrimoine culturel & développement local »)

15
Sensibiliser et former
les élus et les techniciens :
ateliers et séminaires
Démarche pédagogique de profil varié (architectes, experts du patrimoine,
Le dispositif pédagogique est construit autour de urbanistes, géographes, juristes…) laissant une
deux modules complémentaires : des ateliers natio- large place aux experts et personnes ressources
naux de cinq jours associant élus et techniciens, et nationales (issues notamment des directions du
des ateliers régionaux d’approfondissement de trois Patrimoine ou des universités). À cela s’ajoutent
semaines dédiés aux techniciens. Selon des modalités des séminaires régionaux d’échange d’expériences :
différentes, ces deux types d’ateliers s’appuient les élus sont invités à présenter leur politique locale
sur une « pédagogie de l’opérationnel » associant et à en discuter avec leurs pairs, ainsi qu’avec des
l’apport théorique et l’expérimentation pratique professionnels du patrimoine (représentants de
à partir de cas réels proposés par les auditeurs. l’État, experts, chercheurs). L’enjeu est en effet de
Les ateliers sont animés par une équipe pédagogique créer une synergie plus grande entre les collectivités

Atelier de formation pour élus et techniciens du Sénégal et du Cap-Vert. Visite de terrain. Saint-Louis du Sénégal. © aimf

16
et les sources d’expertise à l’échelle nationale, et de gestion et de valorisation du patrimoine. Les parti-
confronter les pratiques des villes de la sous-région. cipants sont répartis en quatre groupes et appelés à
travailler sur des biens culturels identifiés dans la ville
Ateliers nationaux d’accueil de la formation. À travers des présentations
Pour tenir compte des spécificités institutionnelles théoriques, des travaux de groupe, des sorties sur
nationales, des formations sous forme de modules le terrain et des simulations in situ (organisation de
ont été menées dans chaque pays afin de sensibiliser réunions avec les parties prenantes des sites, séances
les élus et de former les techniciens. Deux cent élus de restitution, etc.), ils sont accompagnés pour élabo-
et techniciens ont ainsi bénéficié de modules courts, rer un diagnostic et une politique d’intervention sur
respectivement de trois et cinq jours. les biens proposés. Par un tutorat individuel, chaque
Les communes bénéficiaires sont sélectionnées par participant est invité à tirer les enseignements de
l’intermédiaire de l’association nationale des mu- la formation au bénéfice de son territoire d’origine.
nicipalités, via un appel à candidatures. Chaque Pour renforcer les liens entre les stratégies locales
atelier rassemble quarante participants issus de vingt et nationales, deux séminaires régionaux de ré-
communes, chaque commune étant représentée flexion ont rassemblé des élus et des directeurs du
conjointement par un élu et un technicien. L’objectif patrimoine des six pays sur les thèmes « Économie
est en effet de faire évoluer la politique communale culturelle et patrimoine culturel » (Praïa, Cap-Vert,
tout en développant les outils de compréhension décembre 2010) et « Système de gestion des biens
et d’intervention. Les participants travaillent sur patrimoniaux urbains : quelles collaborations entre
la réalité de leur propre territoire. À partir d’une acteurs gouvernementaux, collectivités locales
identification préliminaire des patrimoines clés de et détenteurs traditionnels ? » (Grand-Bassam,
leur commune, les élus sont invités à désigner le Côte-d’Ivoire, octobre 2011). Les exemples
ou les biens culturels qu’ils estiment prioritaires. locaux ont été sélectionnés sur la base d’un appel à
À travers des travaux de groupe encadrés par les candidature international.
personnes ressources, les techniciens sont ensuite
accompagnés pour élaborer les différentes étapes
À lire
d’une politique ou d’un projet de protection, de ges-
tion et de valorisation. Chaque module est introduit Les programmes des différentes formations,
par une séquence de présentation générale du cadre les listes des participants, les résultats et
institutionnel et réglementaire propre à chaque recommandations, sont disponibles sur la page
pays, de la notion de patrimoine dans le contexte du projet :
du développement local, et des différentes étapes
de la chaîne patrimoniale (identification, gestion, http://www.aimf.asso.fr /
valorisation…). Quelques exposés d’expériences
(programme « Culture et patrimoine », projet
réussies viennent illustrer le propos.
« Patrimoine culturel & développement local »)
Ateliers régionaux
Pour consolider les acquis et créer une synergie entre
techniciens et professionnels, deux cours d’appro-
fondissement régionaux de trois semaines ont
été organisés au Bénin, à Ouidah (juillet 2012) et
Porto-Novo (septembre 2012), à l’attention des
techniciens municipaux des six pays bénéficiaires
– certains ayant préalablement participé à des
modules de formation nationale. Chaque atelier
rassemble vingt-cinq participants. Le cours offre
une formation technique approfondie destinée à
développer une approche globale du patrimoine et
à maîtriser les différentes étapes d’une politique de

17
18
2
Outil d’aide
à la décision
Élaborer et mettre
en œuvre une politique
locale du patrimoine

Cette partie du guide fournit


des éléments de compréhension
et d’analyse du processus politique
et technique par lequel une collectivité
peut agir en faveur de son patrimoine.
Elle détaille les différentes étapes d’une
intervention, depuis le diagnostic jusqu’à
la réalisation. Chaque étape est étayée
d’exemples issus de projets réalisés ou
en cours de réalisation, et de témoignages
d’élus ou de professionnels.

19
Construire
une vision politique
Voir : Abomey, p. 72 • Grand-Bassam, p. 88 • Ouidah, p. 100 • Saint-Louis, p. 108

Formuler une vision : traditionnels, la perte de repères culturels, la standar-


le patrimoine au cœur disation des modes de construction, la paupérisation
du développement de la commune des quartiers historiques, l’abandon de parties de la
Définir une approche globale de la place du patri- ville ou des lieux d’échanges sociaux sont autant de
moine dans un territoire est l’étape première : le témoignages de désaffection à l’égard du patrimoine.
patrimoine doit être considéré non comme une
politique sectorielle isolée mais comme un élément Engager le débat avec
transversal de la politique de développement de la les populations : une vision partagée
commune. Ainsi, formuler une vision claire de la place De nombreux élus soucieux de protéger le patrimoine
du patrimoine dans l’histoire d’un territoire et du rôle de leur commune se heurtent à des résistances de
qu’il peut jouer dans son devenir, la partager et la la part des populations ou des acteurs économiques.
faire partager, constitue le socle de toute démarche Les arguments employés par les populations relèvent
de protection et de valorisation (voir p. 21). fréquemment d’une méconnaissance de l’autre et
de sa culture, d’inquiétudes légitimes sur l’éven-
Cette volonté politique initiale s’inscrit dans la
tuelle altération de leurs conditions de vie qu’une
réflexion globale engagée par le maire et les acteurs
patrimonialisation excessive pourrait entraîner. Enga-
communaux sur les fondamentaux du développement.
ger le débat avec la totalité des parties prenantes est
Quelles sont les forces et les faiblesses du territoire ?
donc une condition essentielle pour construire une
Qu’est-ce qui constitue sa caractéristique première ?
vision collective et l’inscrire dans la durée.
Comment les ressources patrimoniales peuvent-elles
contribuer à garantir l’accès aux services essentiels ? Par ailleurs, dans un contexte souvent multiculturel,
Comment assurer le bien-être des populations ? c’est la mairie qui représente et assure la médiation
entre les différentes communautés installées sur son
Comment concilier les intérêts socio-culturels et
territoire. Elle se doit de valoriser équitablement les
économiques des différents acteurs de la commune ?
cultures des diverses communautés et d’assurer leur
Comment préserver la cohésion sociale et le « vivre
cohabitation pacifique. Le projet communal doit donc
ensemble » ? Ces questions clés de l’agenda commu-
tenir compte de l’ensemble des réalités culturelles
nal constituent le fil rouge de l’approche « patrimoine
du territoire, dans toute leur diversité.
et développement ». Le plan communal de Gorée en
fournit un exemple intéressant (voir page suivante).

Dresser un constat préliminaire :


les signaux d’alerte
Cette orientation politique peut être étayée par
un premier constat dressé par l’équipe municipale.
Certains éléments d’observation de la réalité quoti-
dienne constituent, pour les décideurs locaux, des
signaux d’alerte de la dégradation progressive du
patrimoine et des conséquences possibles pour la
commune. La disparition progressive des savoir-faire

20
Vue panoramique de la ville de Gorée, Sénégal.
© Manu25

L’île de Gorée a connu différents visages. l’émergence de “Gorée ville-musée”


“Gorée la bonne rade”, port d’étape aux à partir des années 1970.
portes de Dakar, est devenue “Gorée la Il nous appartient aujourd’hui de
douloureuse”, marquée par l’histoire de réinterpréter les différentes facettes de cette
l’esclavage. L’île s’est ensuite affirmée histoire pour construire une autre Gorée, une
comme “Gorée la bâtisseuse”, “Gorée goréenne”, ville vivante résolument
pôle commercial et culturel jusqu’à la fin tournée vers son développement. Tel est
du xixe siècle avant de tomber dans l’oubli le défi que se lance la commune dans son
dans la première moitié du xxe siècle Plan local de développement 2009-2014.
et de devenir “Gorée l’abandonnée”.
Annie Jouga, maire-adjointe de Gorée, Sénégal.
Puis le regain d’intérêt a favorisé

21
Patrimoine et développement : local permettent de revitaliser des métiers et des
arguments clés filières de production, et de créer des emplois locaux.
Un facteur d’identité et d’unité Elles contribuent également à l’attractivité de la
commune et au développement touristique. De plus,
Le patrimoine culturel est l’expression des valeurs et
l’attachement des communautés à leur patrimoine
des idées d’un peuple. Connaître son patrimoine, c’est
contribue à leur ancrage territorial. Or, une démo-
avant tout s’approprier son histoire et son identité
graphie stable ou croissante constitue une base
pour la mettre au cœur d’un projet collectif. Dans
essentielle du développement économique.
des sociétés africaines multiculturelles et exposées à
de profondes mutations, le patrimoine constitue un
Un outil pour l’aménagement du territoire
lien entre le passé et l’avenir, un élément de stabilité
et pour un développement durable
et de continuité. Il offre un support d’éducation et
de transmission aux générations futures. Source La démarche « patrimoine et développement » est
de fierté, il permet aussi à un peuple de se faire une application concrète des principes du dévelop-
connaître, de manifester son génie propre auprès pement durable. Elle encourage la prise en compte
des autres cultures.

Un moteur de développement
économique local La pression du développement
génère souvent des formes d‘habitat
La promotion et la valorisation du patrimoine culturel en rupture avec la tradition
engendre des retombées économiques directes. La et transforme le tissu urbain.
Rufisque, Sénégal.
conservation du bâti et la promotion de l’artisanat
© Sébastien Moriset, CRAterre

22
confort moderne. De même, l’artisanat ou les pro-
Promouvoir le patrimoine communal, ductions artistiques traditionnelles sont des supports
c’est faire évoluer l’image du monde rural, de créativité susceptibles d’ouvrir de nouveaux
stimuler les capacités d’entreprendre marchés. De façon générale, le patrimoine s’inscrit
et la volonté d’agir. dans un processus vivant et évolutif, il s’adapte et se
Pascal Danha, maire de Diakotomey, Bénin.
transforme au fil du temps, au gré des dynamiques
sociales et économiques. L’observation des sites
archéologiques nous rappelle que nos ancêtres
du patrimoine dans l’aménagement du territoire, le ont su conserver certains patrimoines antérieurs,
développement d’une économie de proximité fondée mais également les abandonner, les détruire ou les
sur la revitalisation des savoirs et des savoir-faire transformer en fonction de leurs besoins. Malgré
locaux, et promeut un habitat sain adapté aux ces évolutions successives, le patrimoine perdure
conditions climatiques. Elle participe également à dès lors que les sociétés en conservent la maîtrise.
l’utilisation rationnelle des ressources existantes
(culturelles et naturelles) et à la réactivation des sys- Identités, témoignages et appropriations :
tèmes de gestion traditionnels du territoire, souvent quelles interprétations du patrimoine ?
plus respectueux des éléments naturels. Un pan du patrimoine est hérité de la colonisation et
d’une présence exogène que nous jugeons étrangère
Patrimoine et développement :
à nos valeurs. Il est parfois le rappel de périodes
éléments de débat
sombres de l’histoire – tels l’esclavage et le travail
Valeur du patrimoine forcé – dont nous voudrions nous affranchir. Qu’ils
et réalités socio-économiques : soient positifs ou négatifs, ces témoignages font
le patrimoine coûte-t-il vraiment plus cher ? partie de notre histoire collective. Assimiler et se
On reproche parfois au patrimoine d’être un « luxe », réapproprier cette histoire, la transmettre aux jeunes
un enjeu secondaire du développement, mobilisant générations, c’est aussi se projeter dans l’avenir.
un investissement important pour des effets limités.
Pourtant, la démarche patrimoniale permet sou-
vent de faire mieux à moindre coût et de générer
des retombées économiques directes. Une maison Le maintien du bâti traditionnel n’est pas incompatible
avec l’amélioration des conditions de vie.
construite en terre peut coûter nettement moins cher Île d’Ayorou Goungou, département de Tillabéri, Niger.
qu’une maison équivalente en béton (en particulier © Amélie Essesse
lorsqu’il s’agit d’auto-construction). De même, la pro-
duction locale d’un objet artisanal est plus rentable
économiquement : elle mobilise des matériaux et des
savoir-faire directement disponibles, et stimule la
création d’une filière locale pour concevoir, fabriquer
et commercialiser les produits.

La dualité tradition / modernité
perçue sous l’angle du patrimoine :
comment rentabiliser les ressources locales ?
Les populations aspirent légitimement à améliorer
leurs conditions de vie. Privilégier les modes de
construction traditionnels c’est, aux yeux de certains,
perpétuer un mode d’existence identifié au passé et
à la pauvreté. Bâtir en matériaux locaux n’empêche
pourtant pas de doter les habitations de tout le

23
Agir avec les populations
Voir : Djenné, p. 84 • Saint-Louis du Sénégal, p. 108

Des acteurs clés


Le patrimoine culturel d’un territoire est avant tout
« L’heure est grave, les sites pour la
celui de ses détenteurs (actuels et passés). Le cadre
plupart sont dans un état de dégradation
bâti, les objets, les manifestations culturelles sont
avancé et il est urgent que les collectivités
l’expression de valeurs et d’un rapport au monde, le
acceptent et adhèrent à une gestion
témoignage vivant de l’histoire d’ancêtres et de leurs
collective de ces nombreux patrimoines
héritiers. Ils font partie de la vie quotidienne, sont historiques afin que la mémoire ne se
attachés à des symboles, des manifestations et des perde.
expressions, à des événements communautaires. Si
ces patrimoines nous parviennent aujourd’hui, c’est Landry Médard Hinnou, secrétaire adjoint
de la mairie de Ouidah, Bénin.
aussi parce que leurs détenteurs ont su les préserver
au fil des siècles. La base d’une collaboration entre les
Agir avec les populations est donc une condition municipalités et les collectivités impose
première de la réussite d’une démarche patrimoniale. des traditions et le souci de sauvegarde
Cette étape est parfois escamotée par les décideurs des valeurs et de l’esprit de conception
publics par manque de temps, de connaissance du des sites concernés.
terrain ou simplement parce que les impératifs tech- Dagbo Dehoué, dignitaire de la religion traditionnelle,
niques prennent le dessus. Sous-estimer le regard des Ouidah.
détenteurs entraîne parfois erreurs de jugement et
conflits qu’il aurait été possible d’éviter. À cet égard,
les élus communaux, investis de la légitimité démo- qu’ils soient en capacité de se faire les porte-parole
cratique et d’une relation de proximité, détiennent de leur patrimoine.
une indéniable valeur ajoutée.
De façon générale, établir une relation équilibrée
Une relation de confiance avec les détenteurs du patrimoine est un gage de
Construire une politique patrimoniale implique une réussite et de pérennité. Certes, les populations
disponibilité à l’échange et au partage d’informations. doivent respecter des contraintes et s’inscrire dans
Les détenteurs sont invités à montrer leurs objets, à la politique communale, mais en contrepartie elles
révéler leurs pratiques ou leurs savoirs – dont certains souhaitent légitimement bénéficier d’un appui et
possèdent parfois une dimension secrète ou rituelle. d’une reconnaissance. Ces notions d’équilibre et
Il est donc important que les détenteurs se sentent de contrepartie – qu’elles soient d’ordre spirituel
investis, reconnus dans leur identité culturelle, et
ou matériel – sont essentielles.
que le caractère « incommunicable » de certaines
pratiques soit respecté.
Par ailleurs, les mesures de protection engendrent des
contraintes. C’est le cas notamment du patrimoine
bâti, dont les habitants sont appelés à respecter les
règles de construction (gabarits, matériaux, etc.). Il À Tombouctou, au Mali, le crépissage annuel
de la mosquée est un événement
est donc essentiel d’établir une relation de confiance, qui rassemble les différentes communautés.
non seulement pour que les détenteurs comprennent © Francesco Bandarin, unesco
la raison d’être des réglementations, mais aussi pour

24
25
Construire et formaliser le dialogue Accompagner les habitants
avec les parties prenantes et les initiatives locales
Si les communautés sont les dépositaires du patri- La désaffection des populations à l’égard de leur
moine et les bénéficiaires finaux de sa conservation, patrimoine est souvent nourrie par les frustrations
il revient à la commune d’identifier des interlocuteurs éprouvées du fait des difficultés économiques quoti-
légitimes parmi elles pour engager un dialogue effi- diennes, des contraintes de leur cadre de vie, ou simple-
cace. Les « parties prenantes » sont les individus ou ment du sentiment d’être peu écouté. Le travail de
concertation mené par la commune permet à celle-ci
groupements directement concernés par le patrimoine,
d’être à l’écoute des habitants et des détenteurs du
soit parce qu’ils en sont les détenteurs (familles
patrimoine, de mieux comprendre leurs contraintes
propriétaires ou personnes chargées d’assurer la
et leurs besoins. Ce dialogue permet d’enclencher
gestion communautaire d’un espace), soit parce
une dynamique positive de réappropriation sociale
qu’ils ont un lien direct avec le bien (occupants du du territoire et de ses patrimoines, qui peut prendre
bâti, opérateurs économiques, etc.). la forme de dispositifs concrets d’accompagnement
Avec eux, un dispositif de dialogue doit être construit soutenus par la municipalité (banque de matériaux,
et formalisé par la municipalité, à l’aide de réunions fonds d’aide…).
régulières, éventuellement formalisées dans des
Entreprendre
protocoles d’accord précisant les responsabilités
une gestion participative
de chacun. Quelques principes clés peuvent être
La participation directe des populations est souvent
utilement rappelés pour assurer un dialogue efficace
une condition essentielle à la pérennité des disposi-
et crédible : employer les langues locales, s’appuyer tifs de gestion. La mise en place d’un tel processus
sur les leaders de communautés et les associations passe par une identification claire des menaces
de femmes, prévoir un ordre du jour clair et assurer pesant sur la conservation du patrimoine, et des
une restitution régulière des décisions prises. besoins et contraintes des parties prenantes. Ceci
afin d’élaborer de façon consensuelle une feuille de
route en faveur des actions prioritaires.

Sensibiliser le grand public


Le patrimoine est avant tout un bien commun, qui
doit faire l’objet d’une appropriation collective.
Au-delà des mesures de conservation engagées
par les décideurs et les techniciens, la pérennité
du patrimoine et des valeurs culturelles repose
sur les communautés elles-mêmes. Bien souvent,
musées et bâtiments remarquables sont très peu
fréquentés par les populations locales, et l’histoire
locale reste méconnue des jeunes générations. Pré-
voir des programmes pédagogiques pour trans-
mettre la connaissance, susciter une curiosité ou un
« appétit » pour le patrimoine, inviter les populations
à le découvrir est donc une étape essentielle, dans
laquelle les communes ont un rôle de premier plan.

Dans le cadre de l’atelier régional


de formation (Ouidah, juillet 2012),
les participants animent une réunion
de parties prenantes avec les communautés
du quartier de Zoungbodji.
© aimf

26
À Ségou, une banque de matériaux
a été mise en place par la commune
avec l’aide de l’Association
nationale des villes d’art et
d’histoire et des villes à secteur
sauvegardé (anvpah & vss) pour
permettre aux habitants de Somono
– quartier historique en terre crue –
de bénéficier, pour un tarif modique,
des matériaux nécessaires à la
construction et à l’entretien de
leur maison (terre, paille…).
© anvpah & vss

Suite à des dérives d’exploitation de la


forêt sacrée d’Itchèdè-Toffo à Adja-Ouéré,
au Bénin, un partage des tâches et des
responsabilités a été décidé, sur la base
d’un plan d’aménagement participatif.
Par le biais de l’Association villageoise de
gestion de la plantation domaniale (avg),
les communautés locales collaborent
avec les communes avoisinantes et
l’État pour gérer le bien. En vue de la
préservation des richesses culturelles
et des ressources naturelles de la forêt,
l’avg régule au sein de la population
le marché rural du bois destiné à
l’exploitation et à la commercialisation
des produits de la plantation.
© Ville d’Adja-Ouéré, Bénin

À Abomey, un parcours-jeune
a été élaboré, sur proposition
de l’atelier de gestion des
publics, afin de renforcer la
fréquentation des palais royaux.
Un partenariat a été engagé avec
le milieu éducatif (chefs de la
circonscription scolaire, directeurs
d’école maternelle et primaire,
enseignants du primaire et de
la maternelle), et une malette
pédagogique a été élaborée pour
servir de support d’enseignement.
© Léonard Ahonon

27
S’approprier le territoire
et ses patrimoines
Voir : Podor, p. 104

Diversité du patrimoine de la quotidienneté : ce qui fait le patrimoine, c’est


et réalités territoriales avant tout la valeur attribuée par une communauté
Des patrimoines divers et vivants,
à des objets, à des lieux, à des pratiques qui les
caractérisent et illustrent son rapport au monde.
fondement de l’identité collective
Ce patrimoine ordinaire – habitations, points d’eau,
Urbain ou rural, chaque territoire possède ses propres objets quotidiens… –, contribuant à l’identité locale,
ressources patrimoniales. L’histoire des hommes et de est directement du ressort des collectivités et des
leur adaptation à l’environnement produit des objets, populations riveraines.
des pratiques et un cadre de vie qui reflètent tantôt
leurs valeurs, tantôt leurs conceptions spirituelles. Les Connaître son patrimoine
architectures mobilisent des matériaux disponibles et comprendre ses valeurs
à proximité et développent des formes adaptées au Construire une politique patrimoniale, c’est donc
climat et aux activités humaines. L’organisation de dans un premier temps apprendre à observer le
l’espace est le fruit d’un projet social ou politique. territoire – son environnement et ses habitants –, et
Les savoir-faire artisanaux détenus et transmis par comprendre ce qui le caractérise et fait sa richesse
les populations s’inscrivent dans le tissu économique particulière. Connaître les patrimoines d’un territoire,
local. L’observation de l’environnement nourrit les c’est aussi mieux comprendre les dynamiques sociales
récits de la tradition orale. Au fil du temps, le terri- qui ont présidé à son développement et déceler,
toire s’imprègne des idées et de l’ingéniosité de ses dans l’ingéniosité de ceux qui nous ont précédé,
occupants successifs. Cet « esprit du lieu », propre des solutions aux questionnements contemporains.
à chaque commune, s’incarne dans la diversité des À l’occasion des séminaires régionaux organisés
patrimoines matériels et immatériels. dans le cadre du projet « Patrimoine culturel et
développement local », élus et techniciens municipaux
ont travaillé en groupe sur une sélection de biens
Les objets portent la dynamique des idées culturels matériels et immatériels du site d’accueil
et des sentiments des hommes et des de la formation (Ouidah en juillet 2012, Porto-Novo
femmes qui les ont conçus et réalisés. en septembre 2012). Après des investigations de
terrain, ils ont été invités à s’interroger sur les valeurs
Alioune Badiane, professeur à l’Institut supérieur
des arts et culture de Dakar, Sénégal. – sociales, économiques, culturelles – des biens étu-
diés : qu’est-ce qui rend le bien unique ? Quel est
son apport à la communauté ? En quoi reflète-t-il
Certains patrimoines – monuments emblématiques les valeurs sociales ? Le fruit de ces réflexions est
ou paysages remarquables – sont de valeur excep- retranscrit à p. 30 pour un des biens concernés, le
tionnelle à l’échelle nationale voire internationale « Cimetière des Phytons ». Cet exercice réalisé in
et relèvent, de ce fait, de la responsabilité de l’État. situ offre une méthode possible pour aborder le
De nombreux patrimoines participent néanmoins patrimoine communal dans une première approche.

28
Pour poser les bases d’un développement Le patrimoine vivant est une composante
essentielle de l’identité culturelle au pays
durable et endogène, nous devons revenir bassari, Sénégal.
à nos propres réalités culturelles, les faire © Sébastien Moriset, CRAterre
vivre et fructifier, œuvrer pour les concilier
avec la modernité. Porter attention à notre
patrimoine, c’est aussi apprendre à nous
respecter nous-mêmes. Ecoutons nos
anciens qui nous rappellent à cette réalité
simple : « Comment savoir où l’on va si l’on
ne sait pas d’où l’on vient ? »

Abdoulaye Sidibé, conseiller municipal chargé de la


culture et de l’animation urbaine, ville de Ziguinchor,
Sénégal.

Les peintures murales réalisées


avec des pigments naturels sur
des maisons de Oualata (Mauritanie) sont
des éléments précieux du patrimoine.
© C. Hug

29
Les participants de l’atelier
Ouidah 2012 se sont livrés à
l’exercice de mettre des mots
sur les valeurs associées par le règne animal mettent en scène les valeurs
au temple du Python de Ouidah. sociales ou le rapport à la nature. Bordé par des
Depuis le xvie siècle, le python est
considéré comme le protecteur
limites physiques repérables (montages, forêts, fleuves,
des Xwéda, premiers habitants de berges), le territoire est une entité géographique
la ville. Le temple est le lieu sacré dont les caractéristiques inspirent à ses occupants un
où l’on vénère xwéda dangbé, sentiment d’appartenance et d’attachement, source
le serpent protecteur.
de construction d’une identité collective.

Du cadre bâti au paysage :


les différentes échelles du patrimoine
Du patrimoine au territoire
La notion de patrimoine peut être abordée à diffé-
Deux notions indissociables rentes échelles. Le territoire est constitué de multiples
Réfléchir au patrimoine, c’est avant tout s’interroger lieux et espaces, du plus proche au plus vaste. Dans
sur le territoire. Entité géographique et culturelle, le l’environnement quotidien, le patrimoine concerne
territoire reflète la façon dont les sociétés humaines d’abord la maison, construite traditionnellement
se sont insérées dans leur environnement, ont appris avec les matériaux disponibles à proximité. Dans
à en exploiter les ressources naturelles pour répondre cet espace de vie, se déploient des pratiques et
à leurs besoins et assurer leur développement. des usages propres aux différents lieux – la cour, la
cuisine… Les objets du quotidien, parfois légués
De l’occupation agricole à la construction des villes et
par les générations précédentes, sont l’expression
des villages, il porte les traces physiques de l’histoire
matérielle de ces pratiques et des représentations
du peuplement. De nombreuses œuvres de l’homme culturelles qui s’y rattachent : ils témoignent de savoir-
ou celles conjuguées de l’homme et de la nature faire et racontent l’histoire de la lignée familiale. À
puisent leur source dans l’environnement le plus une échelle plus large, la concession, le quartier, les
immédiat : faune, flore, cycles de la nature. Ainsi, places, les rues et les espaces publics, les villages et
les fêtes agraires marquent l’arrivée des pluies, les les ensembles urbains résultent de l’interaction entre
offrandes aux génies des eaux témoignent de la les hommes et de leur vision du monde. Ils abritent
spiritualité attachée aux fleuves, les épopées inspirées des activités économiques, des pratiques culturelles

30
Dans la ville de Grand-Bassam cohabitent
un patrimoine d’origine coloniale et un
ou cultuelles et incarnent des valeurs sociales. À plus patrimoine vernaculaire.
vaste échelle encore, les points forts du paysage © Ministère de la Culture et de la
– montagnes, forêts, lacs ou fleuves – structurent Francophonie de Côte-d’Ivoire
et caractérisent le territoire. Ces éléments naturels
et culturels, matériels et immatériels, participent
de notre perception globale du patrimoine et sont
constitutifs de l’identité du territoire. À l’heure où les villes du continent grandissent de
façon accélérée, optant pour des solutions d’amé-
Cités, sites habités et ensembles urbains nagement parfois contestables, nombre d’élus et
de responsables locaux s’interrogent sur l’identité
La ville est un phénomène très ancien en Afrique.
culturelle et les racines historiques de leur territoire.
Situées dans les zones historiques du peuplement
Dans nos sociétés en profonde mutation, des modèles
(vallées fluviales, plaines, hauts plateaux), les villes
sociaux et économiques importés tendent à s’imposer
étaient souvent des carrefours d’échanges et des
au détriment des modes de vie traditionnels. Les
centres de savoirs. Au fil des siècles, se sont déve-
migrations occasionnent fréquemment des conflits
loppés des formes architecturales et des modes
d’usage entre occupants historiques et nouveaux
d’occupation de l’espace, adaptés à la spécificité
arrivants. Comment, dès lors, assurer le bien-être
des pratiques sociales et culturelles de ses occupants.
des populations et leur cohabitation pacifique ?
Les traces de cette histoire sont encore visibles et
Comment permettre l’appropriation du patrimoine
cohabitent avec les témoignages plus récents de
par les populations en contexte de multiplicité cultu-
la période coloniale. Ce double visage africain et
relle ? Comment faciliter la pérennité des modes de
européen, la particularité des formes et des matériaux,
vie traditionnels ?
l’importance accordée aux lieux d’échanges et aux
espaces sacrés, sont les composants de l’identité de Face à ces questionnements, qui sont au cœur
la ville africaine contemporaine. de l’action publique locale, réfléchir sur l’identité

31
L’identité culturelle de la ville de Mopti
repose notamment sur la présence de l’eau
spécifique de la ville, valoriser les traces visibles de et du fleuve, et sur la richesse de son patrimoine
en terre crue, pourtant sous-estimé.
son histoire, apprendre à observer le tissu urbain © Steven Gayme
et déceler ses particularités, comprendre l’organi-
sation historique de l’espace, sont des enjeux clés.
Consciente des valeurs patrimoniales, la commune
est à même d’encourager des choix d’aménagement
mieux adaptés à la spécificité culturelle, plus sou- matérielle – à la fois naturelle (géomorphologie,
cieux de l’« esprit des lieux » et de la mise en valeur hydrographie, climat, faune, flore…) et culturelle
des espaces d’échanges sociaux, nécessaires aux (architecture, occupation des sols…) –, mais égale-
manifestations culturelles comme au développement ment dans sa dimension immatérielle et symbolique
des savoir-faire traditionnels. Elle dispose ainsi de (cosmogonie, pratiques cultuelles…).
moyens de contribuer à limiter la normalisation de Cette approche transversale est particulièrement
l’espace urbain et la perte de références culturelles. féconde en contexte africain, où nature et culture sont
si intimement liées. Dans l’espace rural aussi bien que
Paysages culturels dans l’espace urbain, les arbres, les forêts, les rochers,
Œuvres conjuguées de l’homme et de la nature, les les sources et les rivières sont porteurs d’âmes et de
paysages culturels illustrent le lien étroit entre les valeurs culturelles. Vénérés par les populations, ils
sociétés humaines et leur environnement. Issue sont parfois le siège de rituels divinatoires, le support
de la géographie, la notion de paysage culturel a d’épopées ou de mythes fondateurs associés aux
été progressivement introduite dans le cadre de la divinités qu’ils hébergent. Le lien entre l’homme
Convention du patrimoine mondial de l’Unesco pour et la nature est également attesté par les modes
mieux prendre en compte la diversité des patrimoines, traditionnels de gestion des ressources naturelles.
les liens étroits entre patrimoines culturels et naturels, Au fil du temps, les hommes ont développé des
et l’importance du territoire. Au-delà d’une catégorie manières d’exploiter l’eau, le bois, les terres agricoles
ou d’une norme, c’est avant tout un outil de lecture, et les territoires de pêche, répondant à leurs besoins
qui invite à observer le territoire dans sa dimension tout en assurant le renouvellement des ressources.

32
La notion de paysage culturel offre aux responsables
locaux un outil de compréhension du territoire dans
sa globalité. Elle les invite à considérer l’ensemble
des catégories du patrimoine – matériel et immaté-
riel – en même temps que leur inscription dans un
territoire. Elle souligne le lien étroit entre l’homme et
son environnement, qui façonne les valeurs sociales et
les traits culturels des sociétés humaines, et favorise
l’émergence de bonnes pratiques de gestion des
ressources naturelles. Mobiliser ces valeurs sociales et
revitaliser ces bonnes pratiques de gestion offre aux
décideurs des perspectives nouvelles pour répondre
aux enjeux contemporains du développement durable.

Les catégories de patrimoine les plus


représentées dans nos communes
Pour aborder les typologies du patrimoine, on distin- Le paysage culturel du pays bassari, au Sénégal,
inscrit sur la Liste du patrimoine mondial, illustre
gue communément le patrimoine matériel – archi- le lien étroit entre le paysage, les pratiques
tecture, objets, paysages, sites archéologiques – et culturelles immatérielles et le bâti.
le patrimoine immatériel – expressions culturelles, © Sébastien Moriset, CRAterre
littérature orale. À chacune de ces catégories cor-
respondent des contraintes et des menaces particu-
lières, un mode de description, de préservation et
de transmission spécifique. Cette distinction entre dans l’habitat quotidien mais aussi dans l’architecture
le matériel et l’immatériel est donc avant tout des- monumentale (palais, lieux de pouvoirs…).
tinée à faciliter la compréhension et l’action, elle La conservation de l’architecture traditionnelle sou-
ne constitue pas les deux types de patrimoines lève le problème de la transmission des savoir-faire et
correspondant en deux catégories étanches. Ceux-ci de l’évolution des modes de vie. Les populations, en
cohabitent sur nos territoires et sont souvent étroi- particulier lorsqu’elles s’urbanisent, ont tendance à
tement liés. Ainsi, les valeurs d’un bâtiment sont délaisser les modèles traditionnels au profit d’un habi-
indissociables de l’usage social et culturel qui en tat plus standardisé, qu’elles estiment plus confor-
est fait. Symétriquement, les traditions culturelles table mais qui se révèle souvent inadapté et anonyme.
peuvent trouver une matérialisation physique dans Les élus locaux ont un rôle important à jouer pour
des lieux, des objets et des paysages. valoriser auprès de leurs populations les formes
constructives traditionnelles, démontrer au moyen
Éléments d’architecture de projets pilotes qu’elles peuvent accueillir toutes
Les villes et villages d’Afrique se caractérisent par les commodités modernes, qu’elles offrent un rapport
une grande richesse architecturale. Les matériaux coût-bénéfice intéressant et qu’elles sont, avant tout,
employés dans l’architecture traditionnelle sont un élément fort d’identification culturelle dans un
généralement disponibles à proximité (terre, pierre…). environnement que la mondialisation uniformise.
Les constructions témoignent d’une intelligence Les formes architecturales portent en outre l’em-
constructive (économie des matériaux, ingéniosité preinte de l’histoire, des mouvements de population
des structures, propriétés climatiques, etc.) et d’une et des occupations successives. Ces legs d’une histoire
créativité dans les formes et les volumes. Les modes parfois sombre et douloureuse invitent à un travail
d’organisation de l’espace sont directement liés aux de mémoire et à une réflexion sur l’identité collective.
pratiques sociales et culturelles, comme en témoigne Les communes recèlent ainsi de nombreuses traces
l’importance des cours intérieures et autres lieux de la période coloniale, qui a produit des formes
d’interaction. Ce savoir-faire constructif est visible architecturales variées, issues du métissage avec

33
Pêcheur réparant un filet.
© Marc Heller
le plan international avec l’adoption en 2003 par
l’Unesco de la Convention pour la sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel. La communauté
les formes vernaculaires. Parfois très dégradés, ces intellectuelle et scientifique africaine a activement
bâtiments soulèvent des problèmes complexes de contribué à l’émergence de ce nouveau regard, qui
conservation, nécessitant des compétences spéci- réinterprète la concept de patrimoine dans un sens
fiques. De grande dimension, ils sont souvent réaffec- particulièrement adapté à la réalité africaine.
tés à un usage public ou administratif. Les bâtiments
les plus récents – à partir de la fin du xixe siècle –
sont le produit du premier essor de la construction Un projet de développement autour de
industrielle, mettant en œuvre structures métalliques la préservation du patrimoine immatériel
et modules préfabriqués. a été mené à Rosso (Mauritanie) pour
développer des activités de pêche fluviale.
Patrimoine culturel immatériel C’est une activité à laquelle s’adonnent
La culture de chaque peuple s’incarne et se manifeste plusieurs villages, en coopérative pour les
dans le patrimoine bâti ou mobilier, mais aussi dans besoins d’autosuffisance alimentaire, mais
des pratiques et des expressions immatérielles. La surtout pour la lutte contre la pauvreté et
notion de patrimoine culturel immatériel (pci) a été le maintien des populations autour d’un
consolidée et théorisée pour donner plus de place à terroir.
des réalités sociales et culturelles longtemps restées Cheikh Gaye, maire-adjoint de Rosso, Mauritanie.
en dehors du débat sur le patrimoine. L’enjeu était
à la fois d’attirer l’attention sur la nécessité de pré-
server la diversité culturelle face à l’uniformisation Le patrimoine culturel immatériel recouvre les savoirs,
des modèles, et d’ancrer la notion de patrimoine au compétences ou processus culturels qui reflètent les
sein des communautés. Le concept de patrimoine valeurs d’une communauté et son rapport au monde,
culturel immatériel a été reconnu officiellement sur autrement dit, selon les termes de la Convention de

34
2003 : « Les pratiques, représentations, expressions,
connaissances et savoir-faire – ainsi que les instru-
ments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur
sont associés – que les communautés, les groupes et,
le cas échéant, les individus reconnaissent comme
faisant partie de leur patrimoine culturel. » Selon la
typologie établie par l’Unesco, il englobe les traditions
et expressions orales (y compris la langue), les arts
du spectacle, les pratiques sociales, les rituels et
événements festifs, les connaissances et pratiques
concernant la nature et l’univers, et les savoir-faire
liés à l’artisanat traditionnel.
Souvent transmis oralement, le patrimoine culturel
immatériel se caractérise avant tout par sa dimension
vivante. Il reflète la dynamique culturelle contem-
poraine d’une communauté, qui absorbe diverses
influences, se réapproprie l’héritage transmis par les
générations précédentes, l’adapte, le renouvelle, le
réinterprète sans cesse et construit ainsi sa propre
identité. Protéger le patrimoine culturel immatériel, ce
n’est donc pas le figer dans le temps mais au contraire
lui permettre de s’épanouir et de se perpétuer dans
la vie quotidienne des populations.
Les décideurs locaux ont une contribution importante
à apporter à la vitalité de ce patrimoine. Ils assurent
avant tout une fonction de médiation dans le but
de mobiliser les communautés et de contribuer à la
construction du lien social et d’une identité collective, La technique traditionnelle d’application de teintures
notamment dans des contextes multiculturels. naturelles sur coton (fabrication de bogolans et galas)
est perpétuée et actualisée dans l’atelier N’domo, Mali.
© aimf
Objets et productions patrimoniales
Outils de transport, instruments de musique, objets
rituels et objets du quotidien : la diversité des pro- création de monuments qui, illustrant tantôt des
ductions illustre la force créatrice d’un peuple et sa conflits, tantôt des espoirs, tantôt des visions d’avenir,
capacité à résoudre simultanément fonction, symbo- commencent à marquer nos espaces urbains.
lique, esthétique et optimisation des matériaux. Qu’ils
aient une valeur esthétique, technique, religieuse, Sites archéologiques
symbolique ou identitaire, ces objets méritent d’être Les sites archéologiques sont les témoins de la longue
préservés et valorisés à travers une documentation histoire de l’humanité. Des vestiges visibles au sein
rigoureuse et la création de collections. des zones habitées les rendent parfois familiers aux
populations. Les vestiges archéologiques prennent
Lieux de mémoire des formes variées (ensembles urbains, mégalithes,
Une grande importance est accordée aux lieux de peintures rupestres, artefacts…) et sont susceptibles
mémoire où se sont déroulés des événements histo- d’être mis au jour de manière fortuite, dans le champ
riques marquants. Certains faits sont relatés dans d’un agriculteur par exemple. Souvent menacés par
des gravures et des peintures rupestres, d’autres en le pillage et les opérations d’aménagement, il est
des lieux et sous des formes récents. Cette volonté très important de les identifier et d’adopter à leur
commémorative se retrouve aujourd’hui dans la égard des principes de prévention.

35
S’organiser pour agir
Voir : Abomey, p. 72 • Diafarabé, p. 80 • Grand-Bassam, p. 88 • Nikki, p. 92

Porter un projet à dimension patrimoniale implique effectif (réunions régulières, élaboration et adoption
pour une commune de mobiliser des compétences des rapports, restitution au conseil municipal et aux
spécifiques et de prendre des dispositions institution- populations, etc.).
nelles pour assurer un suivi efficace au sein de ses
propres services comme auprès des autres acteurs du Prévoir un budget et identifier des ressources
territoire. Déterminées au cas par cas en fonction de L’identification de ressources financières pérennes
la taille et des problématiques spécifiques de chaque est une condition clé pour la faisabilité du projet
commune, ces mesures dépendent également du patrimonial. Pour crédibiliser son engagement, il
cadre national de la décentralisation, des compé- est important que la commune engage des fonds
tences dévolues aux communes et des ressources propres, à la mesure de ses moyens, sur son budget
dont celles-ci disposent. de fonctionnement et d’investissement. Une enve-
Construire un cadre d’intervention loppe peut être spécifiquement dédiée aux activités
efficace : les conditions minimales patrimoniales dans le budget communal. À défaut, les
ressources nécessaires peuvent être mutualisées avec
Organiser les services communaux
des programmes existants : les activités patrimoniales
La première étape consiste à désigner, au sein des étant souvent de nature transversale, des synergies
services communaux, le service ou la personne qui peuvent être trouvées avec différentes lignes de crédit
endossera la responsabilité politique et technique des sectorielles. Ainsi, l’appui à l’artisanat local peut être
activités liées au patrimoine. Sur le plan politique, un incorporé dans le budget consacré au développement
élu en charge du patrimoine, de l’urbanisme ou des économique, l’entretien des abords des bâtiments
affaires culturelles peut-être désigné ; une commission historiques dans celui de la voirie, les activités de
ad hoc peut être mise en place, ou une commission restauration du bâti en zone urbaine dans le budget
existante redynamisée. Sur le plan technique, un affecté à l’aménagement urbain, etc.
service ou a minima une personne ressource doit
En complément de ses fonds propres, la commune
être identifié pour assurer le suivi des activités et
peut mobiliser au niveau national des financements
l’interface avec les partenaires et les populations.
complémentaires dans le cadre des dispositifs
Pour une commune rurale, c’est souvent le secrétaire
général qui assure cette mission. Pour une plus grande d’appui aux collectivités locales. Sur les programmes
commune, un service technique doit être désigné : de restauration nécessitant des investissements
le service du patrimoine lorsqu’il existe, celui des importants, une synergie peut être recherchée avec
affaires culturelles ou du tourisme, ou encore celui l’État . Ainsi, sur l’impulsion initiale de la commune
des domaines ou de l’urbanisme. Un programme sec- de Grand-Bassam, un programme de réhabilitation du
toriel sur le patrimoine peut également être élaboré. Palais de justice a été engagé, avec un financement
Quel que soit le dispositif retenu, il est important de conjoint de la mairie et du ministère de la Culture et
veiller à son caractère opérationnel, en valorisant de la Francophonie de Côte-d’Ivoire, et une contri-
le plus possible les mécanismes existants (éviter bution de l’aimf mobilisée par la Ville.
la multiplication des commissions et des groupes Un appui peut également être recherché auprès
de travail), en l’officialisant (par arrêté municipal de la coopération bilatérale ou multilatérale. La
par exemple), et en veillant à son fonctionnement coopération décentralisée représente un potentiel

36
Après la restauration du port, le service de
la voirie de la commune urbaine de Mopti
a inscrit au budget de fonctionnement une
ligne spécifique pour l’entretien annuel des
de soutien aux initiatives culturelles proposées par
espaces réhabilités, couvrant notamment certaines délégations de l’Union européenne en
la réfection des peintures du muret et du Afrique offrent aux communes ou associations de la
mobilier urbain, l’entretien de la végétation société civile des opportunités de financement pour
et des trottoirs.
© Daniel Roussel une grande variété de projets (festivals, expositions,
tourisme culturel, restauration…). Certaines d’entre
elles fournissent, en amont, un appui technique aux
porteurs de projet pour l’élaboration de leurs dossiers
intéressant pour appuyer les activités patrimoniales. et documents.
Des programmes de coopération décentralisée peu-
vent être engagés sur une thématique patrimoniale Mobiliser les compétences
avec des communes aux problématiques similaires. L’élaboration et la conduite d’un projet patrimo-
Un volet patrimonial peut également être intégré nial nécessite des compétences spécifiques que la
dans des coopérations existant de longue date, commune doit mettre en place au sein de ses services
comme ce fut le cas entre Saint-Louis (Sénégal) et ou, si nécessaire, mobiliser auprès de structures
Lille (France), et entre Kayes (Mali) et Évry (France). extérieures. Une commune ne dispose pas toujours
Pour plus d’informations, l’ouvrage Vade-mecum d’un spécialiste du patrimoine culturel en tant que
« patrimoine et coopération décentralisée », publié tel, il est cependant important que la personne en
en 2012 par l’Association nationale des villes et charge du patrimoine soit en mesure d’élaborer
pays d’art et d’histoire et villes à secteur sauvegardé et de mettre en œuvre une stratégie globale en
(anvph&vss) et le ministère français des Affaires faveur de la politique patrimoniale, de conduire un
étrangères, dresse un bilan des coopérations en faveur diagnostic, de programmer les actions prioritaires et
du patrimoine portées par des collectivités locales de mobiliser l’expertise nécessaire. Une personne de
françaises. Sur le plan multilatéral, les programmes profil généraliste, formée à la gestion publique et

37
à la conduite du développement local, peut assu- et acceptés par tous, afin d’assurer une gestion
rer cette mission si elle bénéficie d’une formation durable du patrimoine et des retombées profitables
complémentaire. Le projet « Patrimoine culturel et au développement local. La commune a tout intérêt à
développement local » a démontré qu’il était possible, faciliter cette concertation : elle garantit la pérennité
au moyen de modules courts de cinq jours, de donner et l’efficacité des décisions, elle permet d’établir
à des techniciens communaux les outils minimum une relation de confiance et de repérer ou de faire
de compréhension et d’intervention pour conduire émerger les forces vives de la commune (personnes
une démarche patrimoniale (voir la description de ressources, propositions…). Ce cadre de concertation
la méthodologie en partie 1 du présent ouvrage). est élaboré au cas par cas, en fonction de la nature
De façon générale, les programmes de formation à des biens et des parties prenantes. Il peut prendre
l’attention des collectivités locales se développent la forme d’un comité de gestion composé d’élus et
dans la sous-région. Certains d’entre eux disposent d’acteurs de la communauté locale. Les modalités
à présent de modules de spécialisation en gestion de collaboration, d’échange d’informations, ainsi
du patrimoine culturel. C’est le cas de l’Institut que le mode de partage des tâches, sera précisé
universitaire du développement territorial (iudt) de entre les acteurs.
l’université de Bamako (Mali), qui, dans le cadre du
cursus de formation, propose aujourd’hui une option Utiliser les instruments existants : l’exemple
de spécialisation de 200 heures intitulée « Gestion des plans de développement communaux
du patrimoine culturel et du développement local ». Le cadre national de la décentralisation prévoit la
Cette formation continue du personnel communal mise en place, par les communes, d’instruments
est essentielle : elle doit être planifiée et budgétée. de programmation des politiques communales, en
Des bourses sont d’ailleurs mobilisables à cet effet. particulier de plans de développement communaux.
Selon ses besoins, la commune doit également savoir Présents dans la plupart des pays du projet, ces
mobiliser des compétences techniques complé- outils demeurent très peu utilisés au bénéfice de
mentaires dans différentes spécialités (archéologie, la protection du patrimoine. La valorisation des
anthropologie, géographie…). Ces compétences ressources culturelles peut pourtant y être affichée
peuvent être identifiées au niveau local, au sein des comme un objectif stratégique, voir un secteur d’acti-
ong ou au sein de la communauté (collecte de la vité à part entière.
mémoire et de la connaissance orale). Des groupes
de travail spécifiques peuvent être constitués à cet
effet. L’expertise peut enfin être recherchée au plan La commune de Sakété décline
national, auprès des directions du Patrimoine culturel sa vision stratégique dans son Plan
(qui disposent parfois de services déconcentrés en de développement communal : « Filles
régions), des universités, des instituts de recherche et fils de Sakété, unis dans la paix et la
ou des musées. Bien souvent, les communes mécon- concorde pour un développement intégré
naissent la qualité de l’expertise disponible sur le basé sur l’agriculture, une administration
territoire national, susceptible d’accompagner les performante et une culture positivement
initiatives locales. valorisée en vue d’un bien-être social de
toutes les familles à l’horizon 2025. »
Formaliser un cadre de concertation
Plan de développement communal,
La mise en place de mécanismes de coopération commune de Sakété, Bénin.
efficaces et crédibles est essentielle au succès de
la démarche patrimoniale. Prendre en compte les
idées, les intérêts et les contraintes des différents
acteurs (opérateurs économiques, populations,
détenteurs traditionnels, etc.) permet d’élaborer
une vision partagée des valeurs patrimoniales de la
ville et d’élaborer des principes directeurs compris

38
Maison de tourisme et de patrimoine, Ouidah.
Créer ou désigner un opérateur © B. Rakotomamonjy, CRAterre
du projet patrimonial
Mettre en place une structure
de gestion du patrimoine
Lorsque la nature ou la dimension du projet le À Porto-Novo, elle est un pôle de ressources : elle
justifie – en particulier en matière de patrimoine centralise les données techniques et iconographiques
urbain – une commune peut mettre en place, de sur le patrimoine de la ville, et conduit des inventaires
sa propre initiative ou en coopération avec l’État, et des études techniques. À Grand-Bassam, elle est
une structure opérationnelle de mise en œuvre des centrée depuis sa création sur la médiation et la sen-
activités patrimoniales. Les Villes de Grand-Bassam, sibilisation au patrimoine, et accueille régulièrement
Saint-Louis du Sénégal et Porto-Novo ont ainsi créé expositions et événements. Depuis l’inscription du
des Maisons du patrimoine pour appuyer la mise site sur la Liste du patrimoine mondial en 2012, un
en œuvre de leur politique patrimoniale. La nature décret a renforcé ses missions, désormais étendues
et l’étendue de leurs missions varient d’un site à au contrôle architectural.
l’autre. À Saint-Louis, la Maison du patrimoine est
chargée notamment de garantir la mise en œuvre de Responsabiliser les offices du tourisme
la réglementation patrimoniale (Plan de sauvegarde Le patrimoine est bien souvent au cœur des straté-
et de mise en valeur, psmv), de délivrer un avis lors gies touristiques communales. Certaines communes
de l’examen des permis de construire dans les zones font ainsi le choix de mettre à profit leur office du
protégées, et de conseiller les porteurs de projet. tourisme pour renforcer les activités patrimoniales.

39
Intégrer le patrimoine dans
les projets et programmes
de développement communal et urbain
Sur certains sites urbains, la commune délègue à des
agences spécialisées des missions d’aménagement
ou de développement économique. Sensibiliser ces
acteurs du territoire aux valeurs patrimoniales et
les impliquer en amont est essentiel pour garantir
la cohérence entre le projet patrimonial porté par
la commune et les décisions d’aménagement ou de
développement. Dans certains cas, les questions
patrimoniales peuvent être directement incorporées
dans le mandat de ces agences, en créant un pôle
ou une division spécifique, ou en en faisant un
élément clé de sa stratégie d’intervention. C’est le
cas de l’Agence de développement communal de
Saint-Louis du Sénégal.

Agir en synergie
Coopérer efficacement avec l’État
La mise en place d’une coopération efficace entre la
commune et les services de l’État est essentielle pour
garantir la cohérence entre les initiatives patrimoniales
locales et le cadre national. Elle permet d’assurer une
mobilisation plus efficace des ressources, de renforcer
l’impact local et de favoriser l’application effective des
réglementations. D’une façon générale, ce dialogue
permet également de construire une approche plus
fine du patrimoine, nourrie à la fois de la vision
Réunion de parties prenantes.
Lors d’un atelier de formation globale portée par l’État et de la connaissance du
« Africa 2009 » réalisé en 2008, terrain apportée par les collectivités. Elle peut s’établir
les participants ont fait des tantôt au niveau de la direction nationale du Patri-
propositions pour le plan
moine culturel, tantôt, lorsqu’ils existent, au niveau
de gestion des villages lacustres
aguégué, au Bénin. des services déconcentrés.
© B. Rakotomamonjy, CRAterre La répartition des rôles entre État et collectivités
locales dans la gestion du patrimoine est inscrite
en premier lieu dans la réglementation nationale,
À Ouidah, la Maison du tourisme et du patrimoine en particulier dans les lois cadre sur le patrimoine
est officiellement habilitée à « exploiter les valeurs et dans les lois de décentralisation. Bien que les
patrimoniales de la ville ». Elle joue un rôle d’in- contextes nationaux diffèrent, on peut d’une façon
formation, de communication et de médiation sur générale distinguer patrimoine classé et non classé. Le
le patrimoine, à travers un centre multimédia et patrimoine classé (patrimoine national ou Patrimoine
la commercialisation de produits touristiques. Ses mondial) relève en premier lieu de la responsabilité
activités s’inscrivent dans une stratégie de tourisme de l’État, qui doit coopérer pour sa gestion avec
responsable et durable. Au-delà de leur mission tradi- les acteurs locaux. Le patrimoine non classé est du
tionnelle d’information, certains offices du tourisme ressort de la collectivité sur le territoire de laquelle il
sont donc amenés à devenir de véritables centres se situe. Elle en assure la responsabilité première et
d’interprétation du patrimoine. peut solliciter l’appui de l’État si nécessaire.

40
À Djenné, la réflexion en cours sur
le plan de gestion a permis de clarifier
la répartition des missions entre la
commune et la Mission culturelle
(service déconcentré de l’État chargé de
la gestion du site Patrimoine mondial).
Dans ce cadre, la commune est chargée
en particulier de la sensibilisation
des populations et de la gestion de
l’assainissement, élément clé du maintien
de l’intégrité et de l’authenticité du site
(voir Djenné, p. 84).
Dépôt de transit. © Ville de Djenné

À partir de cette distinction fondamentale, la coopé- Travailler en réseau : l’intercommunalité


ration entre État et collectivités s’organise à toutes les Lorsqu’un patrimoine s’inscrit à l’échelle d’un vaste
étapes de la chaîne patrimoniale (inventaire, sensibi- territoire ou qu’il est partagé entre plusieurs collecti-
lisation et consultation des populations, conservation, vités, la mise en place d’un dispositif de coopération
contrôle architectural, entretien du bâti, aménage- intercommunale s’impose, aussi bien au moment des
ment, financement…). Lorsque c’est nécessaire, travaux préliminaires (inventaire, collecte de données
elle est formalisée par la signature d’accords ou de ou d’objets…) qu’au moment de conserver et de
conventions. Dans le cas d’un site Patrimoine mon- gérer le bien concerné. La coopération intercom-
dial, c’est le plan de gestion qui établit clairement munale peut notamment porter sur la gestion d’un
le partage des responsabilités entre acteurs locaux Patrimoine mondial (voir Oualata, p. 96), sur l’orga-
et nationaux. nisation d’un événement culturel (voir Nikki, p. 92,
Ce point essentiel que constitue l’interaction entre et Diafarabé, p. 80), ou encore sur la gestion d’un
État et collectivités a fait l’objet, dans le cadre du équipement culturel (musée ou centre de ressources).
projet, d’un séminaire régional intitulé « Système
de gestion des biens patrimoniaux urbains : quelles
collaborations entre les acteurs gouvernementaux, les
collectivités locales et les détenteurs traditionnels ? »
(Grand-Bassam, 7-8 octobre 2011). Pour renforcer
cette coopération, qui demeure insuffisante malgré Le musée régional de Kinkinhoué à
les progrès constatés dans la plupart des pays, il est Djakotomey, au Bénin, présente des objets
royaux, rituels et artisanaux qui racontent
important que les collectivités adoptent une démarche l’histoire de la culture des peuples Adja. Pour
proactive et prennent des initiatives en faveur de la revitaliser ce musée, récemment restauré avec
protection de leur patrimoine en mobilisant leurs l’aide de l’État mais pas encore ouvert au
public, les communes des départements du
propres moyens et en sollicitant l’aide de l’État
Mono et du Couffo ont décidé de joindre leurs
lorsqu’elle est nécessaire. De son côté, l’État doit efforts afin de collecter des objets à l’échelle
renforcer la concertation en amont avec les collectivi- régionale, d’engager des études historiques
tés pour les décisions qui les concernent directement et d’envisager une gestion partagée (mise en
place d’un comité de gestion intercommunal,
(par exemple : la nomination d’un gestionnaire de partage des recettes…).
site Patrimoine mondial, ou la réaffectation des
bâtiments de propriété étatique).

41
Identifier les biens prioritaires
Voir : Ouidah, p. 100 • Podor, p. 104

L’inventaire, programmer les actions de conservation, de restau-


une démarche essentielle ration ou de protection. L’inventaire peut être réalisé
Un outil de connaissance, d’appropriation pour tous les types de patrimoines, matériels aussi
et de protection du patrimoine bien qu’immatériels.
À l’exception des sites et des monuments les plus
L’implication croissante
remarquables, le patrimoine est souvent perçu comme
des collectivités locales
un élément quotidien, presque banal. En le côtoyant
tous les jours, on perd de vue sa valeur et ses poten- L’inventaire du patrimoine classé au niveau national
tialités. Connaître et documenter le patrimoine est est, par essence, une mission régalienne sous la
une étape nécessaire de toute politique patrimoniale. responsabilité de l’État. Dans de nombreux pays,
L’inventaire est un outil de connaissance, de protec- les collectivités locales jouent cependant un rôle
tion et d’appropriation. Il permet de se forger une croissant dans la mise en œuvre de l’Inventaire
vision globale de la richesse culturelle du territoire, national. Aux prises directes avec la réalité locale,
de repérer les biens prioritaires, d’apprendre à décrire elles sont de plus en plus associées à l’identification
leurs attributs et leurs valeurs, et d’apprécier leur du patrimoine, à la mobilisation des parties prenantes
état de conservation. Au-delà d’un exercice descriptif, locales et à la réalisation d’enquêtes.
l’inventaire s’inscrit dans une vision prospective, Par ailleurs, les collectivités peuvent, de leur propre
destinée à évaluer la contribution potentielle du initiative, dresser l’inventaire du patrimoine commu-
patrimoine au développement de la commune et à nal et mobiliser pour cela, si nécessaire, les services
déconcentrés de l’État ou une expertise complémen-
taire. Prendre la responsabilité de l’inventaire permet
Un agent de la direction nationale du Patrimoine aux communes de s’approprier le patrimoine de leur
culturel dresse un inventaire à Moribabougou,
territoire et de développer leur capacité d’intervention.
à proximité de Bamako, dans le cadre de
l’inventaire thématique sur le fleuve Niger, Mali.
© Modibo Bagayoko, dnpc Mali Quelques principes fondementaux
Fixer des objectifs clairs
Il est important de préciser les objectifs assignés à
l’inventaire : quel type d’inventaire souhaite-t-on
mener pour quels résultats ? Si la démarche générale
d’un inventaire consiste à collecter des informations
fondamentales à propos d’un bien culturel, on distin-
gue plusieurs formes d’inventaires, selon la nature et
le niveau de précision des informations souhaitées.
L’Inventaire général du patrimoine est généralement
du ressort de l’État ; il s’inscrit dans une approche
globale et dans un objectif de connaissance ou de
protection. Les collectivités locales ont elles aussi
la possibilité d’engager des travaux d’inventaire,
généralement à visée plus opérationnelle (réflexion
préalable à un projet d’aménagement, par exemple)
et selon des modalités distinctes : pré-inventaire

42
Chanteuses traditionnelles, Cap-Vert.
© Sébastien Moriset, CRAterre
Dans le cadre du processus de
décentralisation et de déconcentration
(simple répertoire de biens culturels), inventaire engagé par le gouvernement du Mali,
sélectif (en fonction de critères déterminés), ou le ministère de la Culture a mis en place
encore inventaire thématique (selon les priorités du des directions régionales de la Culture,
projet culturel de la Ville). dans la perspective du transfert effectif
aux collectivités locales de compétences
Adopter une démarche pragmatique et de ressources en matière culturelle.
Il est généralement illusoire de souhaiter finali- Les collectivités décentralisées deviennent
ser un inventaire exhaustif avant d’engager des progressivement des acteurs privilégiés
actions patrimoniales. Une démarche pragmatique de la conception et de la réalisation de
et itérative est souvent plus efficace. Sur la base programmes de développement culturel.
d’une première consultation des parties prenantes, Elles sont étroitement associées à la mise
il est possible d’opérer une pré-sélection des biens en œuvre de la politique nationale de
conservation, d’inventaire et de promotion
prioritaires en vue d’un pré-inventaire. Les résul-
du patrimoine culturel, en rapport direct
tats pourront être affinés ou approfondis par des
avec les communautés
enquêtes complémentaires ou des études théma-
tiques. De fait, l’inventaire s’inscrit dans la durée. Il Klessigué Sanogo, directeur national
est réalisé par étapes successives et nécessite des du Patrimoine culturel du Mali.
mises à jour régulières.

43
Impliquer les communautés son usage originel et son usage actuel ? Etc. Selon
Si l’inventaire est une démarche technique mobi- les objectifs de l’inventaire et le niveau de précision
lisant de l’expertise, l’implication des populations souhaité, les fiches peuvent également rassembler des
détentrices du patrimoine est une exigence croissante. données destinées à préparer les différentes étapes
Cette démarche participative est l’un des principes de la politique patrimoniale : protection, gestion,
fondateurs de la Convention pour la sauvegarde du entretien / conservation et mise en valeur (voir le
patrimoine culturel immatériel de l’Unesco (2003), qui modèle de fiche ci-contre).
préconise d’associer à l’identification du patrimoine
des personnes ressources issues des communautés Collecter la documentation
(facilitateurs, informateurs ou médiateurs). Ce nou- Un travail documentaire peut ensuite être engagé
veau regard fait évoluer les pratiques d’inventaire par les services municipaux pour collecter des infor-
contemporaines, qui donnaient traditionnellement mations sur les biens pré-identifiés et les replacer
une place plus prépondérante aux experts. L’identifi- dans un contexte historique. Ce travail peut recevoir
cation du patrimoine est désormais le fruit d’échanges l’appui de partenaires techniques (direction du Patri-
entre les communautés détentrices et des profes- moine culturel, universités, musées…). Différentes
sionnels aux profils variés. sources d’informations sont disponibles : archives
Les étapes clés ou services de documentation, ouvrages théma-
tiques. Les recherches iconographiques concernent
Faire un premier repérage du patrimoine
les plans, les relevés architecturaux, les photographies
Un premier repérage du patrimoine peut être effec- contemporaines ou anciennes, les plans cadastraux,
tué en s’appuyant sur les communautés (habitants, les vues aériennes… En complément, de précieux
associations, scolaires, érudits…) et sur les membres témoignages peuvent être collectées auprès de
du Conseil municipal, afin qu’ils désignent ce qu’ils personnes ressources, historiens ou détenteurs tradi-
considèrent comme le patrimoine de leur commu- tionnels, qui viendront consolider et étayer la matière
nauté et transmettent des informations à ce sujet. bibliographique collectée.
Cette première étape permet de cibler le champ de
l’inventaire et de l’ancrer dans les représentations Mettre en œuvre les enquêtes sur le terrain
des populations. Elle peut faire l’objet de réunions
L’équipe d’inventaire associe donc des professionnels
publiques ou individuelles, de promenades urbaines
de compétences variées (architectes, anthropologues,
en groupe, d’un forum de discussion, etc. Une colla-
géographes…), des responsables traditionnels et
boration peut également être engagée avec les
écoles, les universités et les ong. Les résultats de des représentants de la communauté. Pour pré-
cette première étape doivent être synthétisés dans parer les enquêtes, une première information des
un rapport et diffusés. détenteurs est recommandée, sous la forme d’une
réunion préliminaire par exemple. Un équipement
Préparer la méthode : minimum (appareil photo, dictaphone) est requis
fiches d’inventaire et personnes ressources pour mener l’enquête.
Les données collectées sont généralement synthéti-
Exploiter et partager les résultats
sées dans des fiches d’inventaire. Celles-ci peuvent
être pré-imprimées pour être renseignées directe- Au retour de l’enquête, les données sont enregis-
ment sur le terrain, ou remplies a posteriori sur la trées et analysées. Certains éléments nécessiteront
base des notes d’enquête. Il est donc important une recherche documentaire complémentaire. Paral-
de déterminer le contenu prioritaire de ces fiches, lèlement, il est essentiel de restituer et de partager
c’est-à-dire de définir les informations essentielles les résultats par le biais de séances ouvertes aux
recherchées. A minima, les fiches d’inventaire doi- citoyens, en mettant à profit les relais de la société
vent permettre d’identifier et de décrire le bien de civile (écoles, structures d’animation socioculturelle,
façon sommaire : quel est son nom (notamment en associations, radio, presse) afin de responsabiliser les
langue locale) ? Quelles sont ses valeurs ? Quel est communautés et de faciliter leur adhésion au projet.

44
Questions associées à la fiche d’inventaire
La grille ci-dessous a été développée dans le cadre du projet pour guider le travail d’inventaire.
Les questions sont proposées à titre indicatif, elles peuvent être précisées ou remaniées.

Identification

Contexte
• Décrire l’environnement global du bien
(caractéristiques du quartier et des alentours, ancienneté du quartier, accessibilité)
• Description sommaire
• De quoi s’agit-il globalement ?
• Quels sont les éléments importants, matériels ou immatériels, qui s’y trouvent ?
• Quels sont les éléments importants, matériels ou immatériels, associés au bien ?

Histoire
• Depuis quand ce patrimoine existe-t-il ?
• Quelle est l’histoire du bien ? Que s’est-il passé d’important sur le site ?

Valeur / usages
• Quels étaient ses usages originels ?
• Quels sont ses usages actuels ?
• Quel message patrimonial le bien véhicule-t-il ?
• Quelles sont les valeurs du bien ?
• Quelle est l’échelle d’influence du bien ? (familial / communautaire / communal /  national / international)

Gestion
• Qui gère le bien ?
• Qui l’accompagne dans cette gestion ? (listez les parties prenantes)
• Quel est le statut du bien ? (public / communautaire / familial / privé)
• Existe-t-il des dispositifs réglementaires (traditionnels ou non) de gestion du bien ?
• Le mode de gestion est-il efficace et durable ?

Protection
• Qui en est le propriétaire ou le détenteur ?
• Existe-t-il des dispositifs réglementaires (traditionnels ou non) protégeant le bien ? (si oui, le(s) nommer)
• Existe-t-il des dispositifs physiques protégeant le bien ?
• La délimitation du bien est-elle claire et perceptible ?
• La protection est-elle efficace ? (très / un peu / pas suffisamment)

Entretien / conservation
• Le bien offre-t-il une image agréable ?
• Le bien souffre-t-il d’une menace pressante ?
• Le site a-t-il gardé son intégrité ?
• Le site a-t-il gardé son authenticité ?
• Le site souffre-t-il d’empiétement ?
• Quelles sont les menaces ?
• Qui entretient le bien ?
• Le bien est-il bien entretenu ? (très bien / moyennement / insuffisamment)

Mise en valeur
• Quels sont les supports de mise en valeur ?
(Internet / signalétique / office de tourisme / éducation / festival / spectacle)

Divers
• Possibles développements ?
• Souhaits des détenteurs ?
• Recherches potentielles ?

45
Faire des choix et programmer
Voir : Tidjikja, p. 112

Analyser : de prendre des décisions. Il s’agit à ce stade d’estimer


dresser un diagnostic préliminaire de façon globale l’état du patrimoine et son potentiel
Une démarche globale et prospective socioculturel et économique. Ce diagnostic s’inscrit
dans une démarche prospective, qui non seulement
Le travail d’inventaire a permis de rassembler une
considère l’état actuel du patrimoine mais envisage
connaissance de base sur les biens culturels du terri-
sa contribution potentielle au développement du terri-
toire et d’identifier, de façon préliminaire, leurs attri-
toire. Par la suite, et selon les besoins, la municipalité
buts et leurs valeurs. Forte de cette vision d’ensemble,
sollicitera l’appui d’un spécialiste du patrimoine afin
la commune doit à présent établir un diagnostic plus
d’approfondir le diagnostic technique sur des points
précis, qui lui permettra de déterminer des priorités et
particuliers (par exemple sur la stabilité des structures
ou la composition des matériaux).

Un travail de concertation en plusieurs étapes


Le travail de diagnostic s’inscrit dans un processus
dynamique de concertation et d’échanges entre de
multiples acteurs. Le responsable désigné au sein de
la municipalité peut mobiliser la compétence tech-
nique d’agents de l’État ou de professionnels dans
différents domaines (conservateurs, artisans, spécia-
listes du tourisme, environnementalistes…). Il peut
également explorer la connaissance des populations
du site concerné (responsables traditionnels, habitants,
commerçants, associations de quartier, passionnés
du patrimoine, artistes, historiens traditionnels…).
Créer des passerelles entre les mondes professionnel
et communautaire est souvent porteur de solutions.
Sur le plan technique, le diagnostic requiert à la
fois une analyse des données disponibles et une
observation de l’évolution du bien sur le terrain. Le
schéma de la démarche est la suivante :
• analyse préliminaire à partir de l’inventaire
et de la documentation pour déterminer l’état
d’origine du bien ;
• observation sur le terrain par des promenades
urbaines et des rencontres avec les autorités
coutumières, pour identifier les signes de
dégradation ;

Vote. © Claudia Dewald

46
Diagnostiquer Environnement
du bien
Est-ce que ça a toujours
Entretien /
conservation
été comme ça ?
Le patrimoine
matériel et immatériel, Qu’est-ce qui a changé
et pourquoi ?
ses valeurs, les détenteurs
Gestion Usage
associés
Est-ce que c’est grave ?
(vitesse et gravité)

Qu’est-ce qui pourrait


être amélioré ?
Protection Et comment ? Mise en valeur

• discussion et analyse par le coordinateur pour Pour répondre à ces questions, les différentes théma-
comprendre les sources de dégradation et tiques peuvent être analysées à travers une série
estimer l’évolution possible de la situation ; d’indicateurs :
• restitution de l’analyse auprès des autorités Environnement du bien
et des populations du quartier ;
• Aspect général de la ville.
• synthèse du diagnostic et des problèmes clés, • Maîtrise de la trame urbaine (pas d’obstruction
éventuellement appuyée par une expertise de places, continuité historique).
complémentaire. • Degré d’animation sociale dans les rues.
• Cohésion sociale entre
Structurer la réflexion : les communautés présentes.
six paramètres fondamentaux • Exode de la population.
Le diagnostic patrimonial prend en compte six para- • Propreté de la ville
mètres : l’environnement du bien, la gestion, la pro- (assainissement, évacuation des ordures).
tection, l’usage, l’entretien et la mise en valeur. Ces • Contrôle de la publicité.
six points permettent de comprendre l’importance • Sérénité des ruelles et placettes
du patrimoine, d’en décrire le contexte global (social, dans le centre historique.
institutionnel, réglementaire…) et d’analyser son
Mode de gestion
évolution, qu’elle soit liée à des facteurs internes
(relevant du bien lui-même) ou externes (associés • Pérennité des modes traditionnels de gestion.
à l’environnement). Pour chacun des paramètres, • Harmonie entre gestion administrative
l’évaluation s’organise à partir d’une série de ques- et gestion traditionnelle.
tionnements sur les indicateurs de menaces pesant • Respect de la parole des chefs coutumiers.
sur le bien. La collectivité locale est en mesure • Vivacité du système de gestion traditionnelle
d’identifier les signaux d’alerte, mais elle devra sol- (fréquence des cérémonies, réunions, réceptions).
liciter l’intervention d’un professionnel pour analyser Protection
le processus de dégradation d’un bien patrimonial.
• Respect des codes de conduite
Le travail de diagnostic s’organise autour de quelques et de l’organisation sociale.
questions essentielles : • Sacralité des sites sacrés.
• Est-ce que ça a toujours été comme ça ? • Nombre de fouilles illégales
Qu’est ce qui a changé ? Pourquoi ? et pillages enregistrés.
• Est-ce grave (en termes de vitesse et de niveau • Respect de la réglementation d’urbanisme.
de dégradation) ? Qu’est ce qui pourrait être • Respect des zones interdites (non-installation
amélioré ? Comment ? d’habitations ou d’équipements touristiques

47
Usage
• Abandon des sites.
• Respect de l’usage
et des fonctions traditionnelles.
• Évolution des usages, compatibilité
des fonctions avec les valeurs.
• Fréquence des cérémonies.
• Animations et festivités de rues.
• Respect des phases d’initiation.
Mise en valeur
• Attrait touristique / fréquentation.
• Participation des élèves des écoles
aux événements associés au site.
• Modes de transports utilisés
dans le centre ancien.
• Satisfaction des chercheurs.
Le diagnostic se base sur un travail • Volume de documentation
de concertation en plusieurs étapes. scientifique disponible.
Réunion de sensibilisation des populations.
© Ville de Ouagadougou, Burkina Faso
Structurer l’analyse : la démarche ffom
Pour organiser le diagnostic, un outil d’aide à la
décision a été développé à titre expérimental dans le
dans les zones naturelles protégées ou dans
cadre des cours régionaux dispensés au sein du projet.
les zones culturelles sensibles du fait de leur
Il s’appuie sur la démarche ffom (« forces, faiblesses,
valeur sacrée, archéologique ou autres).
opportunités, menaces »), appliquée notamment dans
Conservation le domaine de l’économie, adaptée ici au champ
• État de conservation et authenticité des sites. du patrimoine. À propos de chacun des paramètres
• État de conservation et authenticité d’analyse du bien – environnement du bien, gestion,
des habitations dans leurs formes, protection, usage, entretien, mise en valeur –, les
matériaux,usages et détails. techniciens municipaux sont invités à s’interroger sur
• Vulnérabilité des sites aux aléas naturels les forces et faiblesses (aspects positifs et négatifs liés
(ensablement, inondations, pluies…). au bien lui-même) et sur les menaces et opportunités
• Vulnérabilité des sites aux aléas culturels. (conditions favorables ou défavorables dans l’envi-
• Pérennité des savoir-faire. ronnement du bien). Cette grille d’analyse permet de
• Fréquence des travaux d’entretien s’interroger de façon prospective sur les potentiels
sur la mosquée et autres monuments. liés à un bien culturel, et sur sa contribution possible
• Pérennité et créativité des filières artisanales. au développement local : quels sont les réutilisations
• Accès aux matériaux. possibles du patrimoine ? Les communautés sont-
• Influence et prédominance de matériaux elles disposées à le partager ? Des initiatives locales
importés (tôles, par exemple). sont-elles susceptibles d’accompagner la mise en
• Disponibilité des ressources naturelles valeur du bien ? Etc.
(faune et flore).
• Respect des prières, des pratiques sacrées Synthétiser les données :
et des sacrifices lors de la construction une vision d’ensemble
ou de l’entretien du bâtiment. À partir des éléments du diagnostic et des résultats
• Danses, chants et instruments de la démarche ffom, la commune est à même de
de musique utilisés. sélectionner les points essentiels, en s’appuyant

48
sur deux critères : l’état de conservation (urgence à
intervenir) et la capacité de la commune à agir. Elle
en offrira une synthèse récapitulant les atouts et les
faiblesses du site, les menaces principales pesant sur
sa conservation, et les opportunités pour permettre sa
bonne gestion et sa contribution au développement
local. Ce texte, décrivant de façon simple la vision
de la Ville, pourra être diffusé aux partenaires et aux
parties prenantes.

Décider : désigner les biens


culturels prioritaires
Les critères de décision
Les patrimoines sont nombreux et les moyens limités :
une intervention globale et exhaustive est la plupart
du temps illusoire. Les décideurs locaux doivent donc
faire des choix : quels patrimoines feront l’objet d’une
intervention prioritaire ? Quels sont ceux qui ne doi-
vent pas disparaître ? Quels sont ceux qui méritent
d’être mieux connus et valorisés ? Avons-nous les
moyens d’agir ? Pour prendre une décision, ils peuvent
s’appuyer sur quelques critères fondamentaux, qui
relèvent à la fois de l’état actuel du patrimoine et
de son évolution possible.
Le respect de la sacralité des lieux, des pratiques
sacrées et religieuses est un paramètre essentiel à
prendre en compte dans le processus de diagnostic.
Donner la priorité à un patrimoine car… Objets rituels, domaine royal de M’bé, Congo.
© B. Rakotomamonjy, CRAterre
• il est rare ou unique,
• il est particulièrement représentatif
d’un groupe culturel,
• il présente des valeurs exceptionnelles Les différents biens inventoriés sont ainsi évalués et
(esthétiques, historiques, éducatives etc.), hiérarchisés en fonction de leur moyenne globale.
• son état de conservation appelle une
Programmer : décliner les principes
intervention urgente,
et les actions à mener
• il peut être un levier économique ou un élément
Une démarche stratégique et participative
fédérateur pour la communauté.
Programmer, c’est en premier lieu décider ce que l’on
veut faire d’un patrimoine, à quel usage l’affecter,
quelles actions entreprendre pour sa conservation,
Un outil de synthèse sa gestion et sa mise en valeur. C’est également
Pour organiser les critères et faciliter la prise de s’interroger sur l’impact potentiel du projet envisagé
décision, un outil de synthèse a été développé dans le pour un patrimoine : est-il susceptible de contribuer
cadre des cours régionaux. Un exemple est présenté au développement local ? Risque-t-il d’affecter ou
pp. 51-53. Les thèmes et questionnements y sont de dénaturer le patrimoine ? Quelles seront les
proposés à titre indicatif. Ils peuvent être remaniés en retombées pour les détenteurs et les communautés
fonction des besoins. Les champs peuvent être remplis environnantes ? Cette démarche s’inscrit dans un
et chiffrés à partir des éléments issus du diagnostic. dialogue avec les parties prenantes, et dans un cadre

49
stratégique qui identifie les priorités à court terme conservation (actions d’urgence, protocoles d’entre-
(interventions rapides avec les moyens existants), à tien, conservation, revitalisation des savoir-faire…) ;
moyen et à long terme (interventions de plus grande protection (dispositifs de protection, règlements
ampleur nécessitant des appuis complémentaires). urbains…) ; usage (réutilisation, valorisation…).

Quelques balises fondamentales


Pour s’assurer de la pertinence et de la cohérence
Préserver l’authenticité et l’intégrité
des décisions prises sur un patrimoine donné, il est
du patrimoine : quelques questions clés
important de déterminer quelques principes clés qui
constitueront des balises. Ces principes concernent • Le projet entraîne-t-il des changements
à la fois le patrimoine dans son état actuel et son impor-tants (en termes matériels, d’usage
inscription dans le développement local. Ils doivent ou de gestion) ?
être intégrés au plan stratégique des décideurs locaux. • Ces évolutions sont-elles préjudiciables à
Quelques exemples sont fournis ci-contre. l’authenticité du patrimoine ?
• Sont-elles consenties par les détenteurs
et les bénéficiaires ?
Le site d’Agonsa Honto à Porto-Novo
• L’usage futur du bien est-il compatible
(Bénin) est un lieu de grande cérémonie
avec son usage originel ?
de vodoun où les membres de la famille et
d’autres communautés procèdent à divers • L’authenticité du bien est-elle maintenue sur les
sacrifices pour conjurer les mauvais sorts, plans matériel et immatériel (usages, fonction,
guérir les maladies, invoquer les bienfaits systèmes de gestion et d’entretien…) ?
ou s’attirer la protection et le bonheur.
Optimiser l’impact sur le développement
Il est dans un état de conservation
relativement bon. Malheureusement, son local : quelques principes essentiels
environnement est soumis à la pression • Impliquer les détenteurs dans la planification
urbaine et de modernité. Le classement et la protection de leur patrimoine.
et la réglementation urbaine élaborée par • Privilégier la prévention et l’entretien
la mairie en collaboration avec les autorités comme stratégies efficaces et économiques
traditionnelles, pourraient participer à de préservation.
contrôler ces pressions. 
• Favoriser les solutions simples pouvant aisément
Le domaine sacré du vodoun Yèdomè à être mises en œuvre au sein du cadre existant.
Porto-Novo a besoin d’un véritable plan • Donner la priorité aux savoir-faire,
de gestion participative, d’une politique à la main d’œuvre, aux compétences et
d’assainissement et de protection pour aux matériaux locaux.
la pérennité du culte et de la culture
rattachées au domaine de cette divinité. • Renforcer les capacités existantes.
• Créer une base équilibrée et stable
Participants du cours technique de Porto Novo.
pour un développement durable.
• Assurer des retombées économiques pour les
Décliner les actions prioritaires communautés et les collectivités locales.
Une fois ces principes opérationnels déterminés, la • Sensibiliser les usagers au respect
commune évalue les actions prioritaires selon les des normes de préservation.
quatre axes thématiques utilisés pour le diagnostic :
gestion (mode de gestion, modalités de collabo-
ration avec les parties prenantes…) ; entretien et

50
Outil d’aide à la décision développé
dans le cadre des cours techniques du projet

1. L’échelle d’importance du bien


Si oui, inscrire 1 valant
Critères
2,5 points
Le bien a une valeur familiale 0
Le bien a une valeur communautaire 0
Le bien a une valeur communale 0
Le bien a une valeur nationale 0
Le bien a une valeur internationale 0
Agir sur le bien est urgent, sinon on risque de perdre le patrimoine 0
Le bien est rare ou particulièrement représentatif 0
Points Échelle d’importance du bien /20 0

2. Faisabilité en termes de conservation


Si oui, inscrire 1 valant
Critères
10 points
Le bien est dans un état satisfaisant permettant sa récupération,
ou le bien est dans un état médiocre mais les capacités techniques 0
pour le récuperer existent encore ou peuvent être revitalisées
Les moyens financiers utiles à la conservation sont disponibles
0
au niveau des détenteurs ou des parties prenantes

Points Faisabilité conservation /20


0
Si note insatisfaisante, lancer une documentation du bien

3. Faisabilité en termes de protection


Si oui, inscrire 1 valant
Critères
10 points
Les parties prenantes sont motivées pour un renforcement de la protection du bien 0
Le voisinage et les utisateurs comprennent le bien fondé
0
d’un renforcement de la protection du bien
Points Protection /20
0
Si note insatisfaisante, évaluez la neccessité de mener une campagne de sensibilisation

51
4. Faisabilité en termes de gestion
Si oui, inscrire 1 valant
Critères
4 points
Les actions à mener sur le bien font partie des actions sous la responsabilité de la mairie 0
Les détenteurs sont en demande d’appui 0
Les détenteurs sont engagés pour une gestion participative 0
Les détenteurs sont engagés sur le long terme 0
Les détenteurs ont les moyens de gérer leur patrimoine.
0
S’ils ne les ont pas, il est envisageable de renforcer leurs capacités
Il existe des structures ayant des moyens (techniques et financiers)
0
pour participer à la gestion du bien

Points Faisabilité en termes de gestion /20


Si note insatisfaisante, limitez vos ambitions et engagez 0
des actions d’information sur le bien-fondé de la collaboration

5. Faisabilité en termes de mise en valeur


Si oui, inscrire 1 valant
Critères
4 points
Les informations relatives au bien sont encore disponibles 0
Les détenteurs sont disposés à mettre à disposition leur patrimoine, à le partager 0
Le bien est dans un contexte géographique favorable pour sa mise en valeur 0
Le projet de mise en valeur est compatible avec la valeur culturelle du bien 0
La mise en valeur du bien est à l’échelle des moyens des parties prenantes 0

Points Mise en valeur /20


0
Si note insatisfaisante, limitez vos ambitions

6. La faisabilité financière
Si oui, inscrire 1 valant
Critères
6,8 points
Des actions concrètes sur le bien sont faisables avec des moyens à l’echelle de la commune 0
Des contributions diverses sont identifiées ou peuvent l’être 0
Les moyens investis peuvent être recouvrés 0

Points Finance /20


Si note insatisfaisante, réfléchissez à une stratégie 0
de génération de revenus à travers d’autres projets

52
7. Importance stratégique pour la commune et son développement
Si oui, inscrire 1 valant
Critères
2,2 points
Une action sur le bien est en adéquation avec la politique communale 0
Une action sur le bien répond aux besoins de la collectivité 0
Une action sur ce bien est succeptible de renforcer la cohésion sociale 0
Une action sur ce bien est succeptible de générer des revenus 0
Une action sur ce bien est succeptible de contribuer à l’éducation
0
et au renforcement des capacités
Une action sur ce bien est succeptible d’améliorer les conditions d’hygiene et de santé 0
Une action sur ce bien est succeptible d’améliorer la qualité de l’environnement naturel
0
(couvert végétal, faune, flore, etc.)
Une action sur ce bien est succeptible d’améliorer les espaces publics (voies, place, etc.) 0
Une action sur ce bien est succeptible d’améliorer les infrastructures de la commune 0

Points Projet /20


Si note insatisfaisante, ajustez votre projet 0
pour qu’il ait un plus grand impact sur le développement

8. Pérennité du projet et effets multiplicateurs


Si oui, inscrire 1 valant
Critères
4 points
L’action contribue à une meilleure autonomie des bénéficiaires 0
L’action sur le bien est susceptible de renforcer
0
les structures existantes et leurs capacités d’action
Une action sur ce bien est susceptible d’avoir une effet exemplaire et multiplicateur 0
L’action sur le bien peut susciter d’autres envies et d’autres partenariats 0
Points Pérennité /20
0
Si note insatisfaisante, ajustez votre projet pour que ces résultats soient mieux exploités

Récapitulatif des Points


1. L’échelle d’importance du bien 0
2. Faisabilité en termes de conservation 0
3. Faisabilité en termes de protection 0
4. Faisabilité en termes de gestion 0
5. Faisabilité en termes de mise en valeur 0
6. Faisabilité financière 0
7. Importance stratégique pour la commune et son développement 0
8. Pérennité du projet et effets multiplicateurs 0

Moyenne 0

53
Prendre des mesures de
protection ou de préservation
Voir : Oualata, p. 96 • Saint-Louis du Sénégal, p. 108

Maîtriser la construction culturelles. Cela ne signifie nullement le figer dans


et l’aménagement de l’espace le temps, mais comprendre les processus à l’œuvre
Les outils réglementaires : et orienter les choix d’aménagement de manière à
un moyen d’action sous-exploité pérenniser ce qui fait l’essence culturelle du territoire,
ses valeurs fondamentales.
Dans la plupart des pays bénéficiaires du projet, les
lois de décentralisation octroient aux communes des Pour ce faire, les communes disposent des docu-
compétences dans les domaines de la culture, de ments de planification urbaine de premier degré
l’environnement, de l’urbanisme et de la gestion du (schéma directeur d’urbanisme) et de second degré
domaine foncier. En matière de culture et d’environne- (plans d’urbanisme sectoriels, plans d’urbanisme de
ment, le partage de responsabilité entre État et collec- détail…) – qui existent, selon des modalités variables,
tivités reste imprécis : les compétences de l’État sont dans tous les pays impliqués dans le projet. Placés
rarement redistribuées et les compétences locales sous la maîtrise d’ouvrage directe des collectivités
apparaissent comme additionnelles. Toutefois, en ce locales, ces outils permettent de définir de façon glo-
qui concerne l’urbanisme et la gestion foncière, les bale l’utilisation des sols et de déterminer les règles
collectivités locales disposent de prérogatives claires d’occupation attachées à chaque zone. Les valeurs
pour planifier les modes d’utilisation ou d’occu- culturelles du territoire et les résultats du diagnostic
pation du sol, délivrer les autorisations afférentes, et patrimonial sont directement inscriptibles dans ces
parfois même – comme au Bénin – contrôler la confor- documents. Ceux-ci peuvent identifier des zones sen-
mité des constructions avec le règlement d’urba- sibles devant faire l’objet d’une protection particulière
nisme. Différents outils réglementaires permettent (zones naturelles, historiques ou archéologiques), des
l’exercice de ces compétences. Ce sont des moyens « points forts » du territoire devant être valorisés ou
d’intervention directs sur le patrimoine, à l’échelle mis en scène (éléments bâtis ou naturels), ou encore
d’un territoire aussi bien qu’à l’échelle d’un bâtiment. des zones devant rester inconstructibles dans le but
Toutefois, de nombreuses collectivités méconnaissent de préserver l’intégrité paysagère.
la portée de ces outils, qui demeurent de ce fait
largement sous-utilisés à des fins de protection et Le contrôle de la construction :
de valorisation du patrimoine. un levier essentiel
La délivrance des autorisations afférentes à l’uti-
Planifier l’utilisation lisation de l’espace (permis de construire, permis
et l’occupation du territoire d’habiter, etc.) relève, dans la plupart des pays, des
Outre l’intégrité physique des bâtiments, l’authenticité compétences exclusives des municipalités. C’est le
d’un territoire dépend de l’aménagement et des modes levier principal, au quotidien, pour préserver l’inté-
d’appropriation de l’espace par ses populations. grité et l’authenticité du patrimoine urbain. Selon les
Le patrimoine, c’est le territoire, sa morphologie, son pays, la loi prévoit différents dispositifs (réglements,
mode d’occupation, ses usages sociaux, économiques servitudes d’urbanisme) qui permettent de contrôler
et culturels. Protéger le patrimoine, c’est donc aussi les formes architecturales, gabarits et implanta-
se donner les moyens de maîtriser l’évolution du tions. Au Mali, la loi 02-016 du 2 juin 2002 prévoit
territoire, dans ses dimensions physiques et socio- ainsi des servitudes d’urbanisme qui permettent aux

54
À Mopti, la commune, avec l’appui de la Mission
Val-de-Loire, a engagé une réflexion sur l’identité
culturelle de la ville et sur la place particulière La question de la maîtrise foncière
du fleuve et de l’eau dans l’espace urbain. Ce est cruciale pour que les communes
travail de diagnostic a permis d’identifier les puissent engager une politique
valeurs patrimoniales de la ville (paysage fluvial,
opérationnelle de protection et de mise
architecture en terre crue…) et de souligner les
contraintes urbaines (manque de foncier du fait en valeur de leurs patrimoines.
de la topographie insulaire, congestion de la zone Pour permettre l’intervention de la Ville
portuaire, concurrence des usages économiques…). de Dakar sur la sauvegarde du marché
Sur la base des objectifs fixés par la commune
de Kermel, une procédure d’affectation
(préserver le cadre de vie et créer des emplois), un
certain nombre de préconisations urbaines ont été de la parcelle à la ville a été engagée
formulées en vue de permettre un développement par l’État. Ce dispositif complexe passe
harmonieux des activités économiques tout en par la déclassification de la parcelle dans
pérennisant l’identité particulière de la ville : contrôle
le patrimoine de l’État et l’immatriculation
des hauteurs et des typologies architecturales dans
les zones historiques, programme de plantation pour au nom de la commune. Encore assez peu
établir une « coulée verte » et valoriser l’identité utilisée, cette procédure gagnerait à être
paysagère, mise en place d’un itinéraire « Mopti, ville simplifiée et systématisée.
propre », etc. Il revient maintenant à la commune
de s’emparer de ces propositions dans le cadre de la Sidy Sall, chef de la Division du patrimoine
révision des documents d’urbanisme. et des affaires domaniales, Ville de Dakar, Sénégal.
© Steven Gayme

55
communes de contrôler l’implantation des bâtiments,
le volume, les hauteurs, la densité, les caractéristiques
architecturales, la végétalisation, mais aussi les
matériaux mis en œuvre. Ces prescriptions peuvent
porter sur tout élément de valeur historique, artistique
ou culturelle, mais aussi sur un ensemble. Quels que
soient les outils disponibles, il est important que le
système de contrôle de la construction s’inscrive dans
une vision d’ensemble pour garantir la cohérence
des décisions. Les secteurs sauvegardés (existant
notamment au Mali) ou les plans de sauvegarde
et de mise en valeur (tel celui de Saint-Louis du
Sénégal) sont des outils réglementaires développés
à l’échelle d’un périmètre historique et destinés à
guider la délivrance des permis de construire.

Agir de facon préventive


Pour prévenir les destructions et garantir la pérennité
de son patrimoine, la municipalité peut également
intervenir à titre préventif. La conservation préventive
désigne les mesures destinées à éviter ou à minimiser
les détériorations ou pertes à venir, tels les plans
d’urgence, le contrôle environnemental (lumière,
humidité, pollution, infestation…) et les précau-
tions concernant les objets (stockage, manipulation, Plan de délimitation de la zone
emballage, transport…). À une plus large échelle, tampon du site des palais royaux
d’Abomey, Bénin. © dpc / epa
la commune peut également agir pour prévenir les
effets négatifs des grands projets d’infrastructure,
par exemple en imposant la réalisation d’études
d’impact et la prise en compte, à travers celles-ci,
de la dimension patrimoniale.

S’appuyer sur les communautés


Au-delà des dispositifs réglementaires directs, la
municipalité a la possibilité de s’appuyer sur les
dispositifs traditionnels de protection des biens. De
nombreuses communautés ont mis en place des
systèmes de protection par le biais de brigades ou
de lois coutumières. Au Mali, les pêches collectives
sont ainsi « encadrées » par des brigades de jeunes,
chargés de garantir le respect des lois coutumières
(notamment la mise en défense des eaux). La recon-
naissance de ces dispositifs traditionnels et leur prise
en compte dans la gestion des biens culturels est un
enjeu important, souligné notamment dans le rapport
périodique sur l’application de la Convention du
Évolution du périmètre communal
patrimoine mondial, produit par l’Unesco à propos de la ville de Saint-Louis du Sénégal.
de l’Afrique en 2011. © Ville de Saint-Louis

56
Réunion de leaders
communautaires au Mali.
© Laurent Lévi-Strauss, Unesco

La planification de l’espace
permet de valoriser des lieux
emblématiques de la ville.
Place de l’Indépendance à Dakar.
© Mostroneddo

Plan de conservation et de
gestion de Tombouctou, Mali,
2006-2010 : limites de la vieille
ville par la zone tampon, objet de
l’arrêté n° 02/cut du 16 mai 2005
portant sur la détermination
de la zone tampon.
© Ministère de la Culture du Mali

57
Assurer la gestion quotidienne
et optimiser les ressources
Voir : Cidade Velha, p. 76 • Diafarabé, p. 80 • Nikki, p. 92 • Ouidah, p. 100 • Tidjikja, p. 112

Entretenir le patrimoine, et parfois détérioration du bâti, en particulier lorsqu’il


une mission au quotidien s’agit de terre crue (infiltration, fissuration, désta-
Une responsabilité partagée bilisation des structures). À Djenné, ce point a été
identifiée comme central dans la préservation du
Valoriser et pérenniser le patrimoine, c’est aussi
site Patrimoine mondial (voir l’étude de cas, p. 84).
entretenir au quotidien les biens et leur environ-
nement. Souvent sous-estimée, cette notion est
Un rôle de veille et de vigilance
pourtant essentielle : l’absence ou l’insuffisance
d’entretien dévalorise le patrimoine matériel et Du fait de sa connaissance du territoire et de sa pré-
accélère sa dégradation. À cet égard, la responsa- sence quotidienne sur le terrain, la collectivité locale
bilité est partagée entre la collectivité publique et a un rôle important à jouer pour surveiller l’évolution
les propriétaires. Assurer le nettoyage régulier des du patrimoine. Elle peut relever des signaux de
espaces publics ou le défrichage des abords des dégradation du cadre bâti par des visites régulières
bâtiments historiques, veiller à l’entretien du réseau ou par la mise en place de mécanismes de suivi.
d’éclairage et de voirie, du mobilier urbain ou de Témoin quotidien de la vie sociale et culturelle,
la végétation, relève directement du mandat des elle peut également observer l’évolution des pra-
collectivités locales et de leurs services techniques. tiques traditionnelles, constater la disparition ou
L’entretien des toitures ou des façades par exemple
relève de la responsabilité des propriétaires, qui
peuvent bénéficier pour cela de l’accompagnement Panneaux d’information touristique
de la commune via des dispositifs techniques ou à Saint-Louis du Sénégal.
© Jacques-Antoine Frouin
financiers (fonds d’aide, banque de matériaux, etc.).
Les responsables locaux peuvent également s’appuyer
sur les dispositifs traditionnels d’entretien (crépissage
annuel, entretien par des brigades de jeunes, etc.)
pour mobiliser et responsabiliser les communautés
dans l’amélioration de leur cadre de vie.

L’assainissement, une question centrale


L’assainissement des eaux usées ou des déchets
solides – question essentielle car directement liée à
l’hygiène et à la santé – est un point crucial pour de
nombreux sites urbains. Souvent liés à un déficit de
gouvernance, plus qu’à des questions purement tech-
niques, les problèmes d’assainissement pèsent lour-
dement sur les sites culturels : dégradation du cadre
de vie des habitants, dévalorisation du patrimoine,

58
Réfection de la voierie
à Cidade Velha, Cap-Vert. apportant un soin particulier aux lieux d’exercice des
© Sébastien Moriset, CRAterre
pratiques culturelles, en rénovant la voirie, les réseaux
d’éclairage, l’aménagement de latrines ou de points
la perte d’authenticité de certains usages. Cette d’accès à l’eau dans les lieux publics, par exemple. Des
mission d’alerte et de vigilance est essentielle et règles spécifiques peuvent être élaborées pour éviter
complémentaire des efforts de l’État. Assurer ce la pollution visuelle ou l’engorgement des quartiers
suivi aux côtés des autorités traditionnelles est très historiques (contrôle de la signalétique publicitaire,
important. Celle-ci se voient renforcées dans leur de la circulation et du stationnement).
légitimité et seront disposées, en retour, à apporter
un appui aux collectivités locales pour des besoins Améliorer le cadre de vie
d’intérêt commun. en respectant l’intégrité et l’authenticité
Dans ses missions d’aménagement du territoire, la
Aménager dans le respect
commune doit veiller à respecter l’authenticité et
du patrimoine et de
l’intégrité du patrimoine, et prêter attention à l’esprit
la diversité culturelle
des lieux. Elle cherchera par exemple des solutions
Valoriser et faciliter l’accès aux sites de pavement ou de mobilier qui respectent l’intégrité
Par des travaux d’aménagement, parfois modestes, visuelle d’un ensemble urbain. Elle veillera à recourir,
la commune a les moyens d’agir pour valoriser son autant que possible, aux matériaux locaux dans la mise
patrimoine. La lisibilité des sites culturels peut être en œuvre des aménagements publics, qu’ils soient
améliorée par une signalétique adaptée ou par l’amé- temporaires ou définitifs. Pour répondre aux besoins
nagement de voies d’accès. Il est possible de favoriser des populations, elle privilégiera les solutions simples
la pérennité des manifestations traditionnelles en et légères, moins dommageables pour l’intégrité

59
du patrimoine et souvent moins coûteuses. Elle
Les habitants de Saint-Louis du Sénégal développent s’assurera enfin que les projets d’aménagement
généralement au rez-de-chaussée de leur maison (infrastructures, espaces publics) ne dénaturent
des activités de proximité (vente de vêtement, de
pas le patrimoine (rupture d’échelle, destruction
lait caillé, etc.), auxquelles la dégradation du bâti
porte directement atteinte. Pour soutenir ce tissu d’éléments remarquables, perte de lecture du pay-
économique tout en permettant la restauration du sage) et ne portent pas atteinte à l’exercice des
bâti, un fonds d’aide a été mis en place en 2005 avec pratiques traditionnelles (respect des lieux sacrés
l’appui de l’Unesco. Administré par une mutuelle
locale d’épargne crédit pour le compte de la mairie,
et des lieux de mémoire, des espaces de rencontre
ce fonds proposait aux habitants porteurs de projets et de convivialité…). Ces exigences patrimoniales
un micro-crédit destiné à développer leur activité constituent bien souvent des contraintes positives.
et une subvention permettant une réhabilitation Elles encouragent à faire preuve d’ingéniosité et de
sommaire du bâti. La réhabilitation devait s’inscrire
dans un cahier des charges architectural. Ce créativité pour trouver des solutions adaptées et
dispositif expérimental, qui a su susciter l’intérêt des « faire mieux avec moins ».
populations gagnerait aujourd’hui à être pérennisé.
Maison à Saint-Louis. Réaliser des aménagements préventifs
© Sébastien Moriset, CRAterre
Même si la restauration du patrimoine n’est pas
nécessairement de son ressort, la commune peut
agir à titre préventif sur des bâtiments menacés
pour prévenir ou ralentir les dégradations par des
interventions ponctuelles et minimales : poser une
bâche pour mettre les toitures hors d’eau, réaliser

60
de petites réparations des planchers, reboucher taxe à l’entrée…). D’autres types de mécanismes
les fissures pour limiter les infiltrations. Le principe sont également expérimentés (taxe sur l’assainis-
essentiel est de privilégier des interventions légères sement, taxe sur les déplacements…). Quelle que
et réversibles afin d’éviter de porter atteinte au patri- soit la solution envisagée, il est important de mettre
moine ou d’aggraver les désordres. En cas de doute, en place un dispositif de gouvernance pérenne qui
la commune peut demander l’avis de professionnels s’appuie sur la réglementation en vigueur en matière
du patrimoine. de taxation locale.

Accompagner les projets d’aménagements


d’actions de récupération du patrimoine.
Les projets de restructuration urbaine, de voirie ou
de construction réalisés sur des lieux habités ou
anciennement habités peuvent faire l’objet d’études
d’impact, et par la suite d’une action de récupé-
ration du patrimoine. La loi prévoit généralement
que ces études – ainsi que les projets de réduction
des impacts causés par l’aménagement – soient
prises en charge par l’aménageur. Cela peut offrir
l’opportunité de mettre en œuvre des fouilles de
sauvetage, de réaliser inventaires ou travaux de
collecte de biens mobiliers, ou encore de documenter
des lieux historiques.

Offrir ou générer des ressources


financières
Proposer un appui technique
et financier aux populations
Pour accompagner la restauration et la valorisation du
patrimoine, la commune peut mettre en place des dis- La Mairie de Gorée (Sénégal) a mis en place
positifs d’appui techniques et financiers aux commu- une taxe de cession des services municipaux, fixée
à 500 francs cfa par personne et prélevée par
nautés – habitants ou porteurs de projets – sous le bureau d’accueil et d’information (chargée
forme de fonds d’aide ou de banque de matériaux. de délivrer des informations aux visiteurs). Toutefois,
Destinés à faciliter la restauration du bâti par la mise cette taxe n’est collectée que partiellement du fait
à disposition de matériaux, de conseils techniques ou de la configuration de l’île et de l’accueil des visiteurs
à leur arrivée. En complémentarité, une taxe sur
de subventions directes, ces mécanismes s’inscrivent l’utilisation du nom et de l’image de Gorée a été
également dans une logique de soutient du tissu mise en place en 2004.
économique local en vue de susciter une dynamique Bureau d’accueil et d’information.
© B. Rakotomamonjy, CRAterre
positive de réappropriation du patrimoine par les
communautés.

Développer des taxes


et mécanismes de financement
La mise en place de systèmes de financement locaux
autonomes des politiques du patrimoine est un enjeu
important. Étant donné l’impact touristique de la
valorisation du patrimoine, de nombreuses collecti-
vités développent des systèmes de taxe touristique,
selon divers modes de prélèvement (taxe de séjour,

61
Encadrer la conservation et la
mise en valeur du patrimoine
Voir : Cidade Velha, p. 76 • Djenné, p. 84

Accompagner les projets importants pour évaluer les propositions techniques


d’aménagement et de conservation : transmises par la maîtrise d’œuvre.
un rôle de garant Le cahier des charges peut prévoir des prescriptions
Valoriser les spécificités du territoire techniques sur la conception (utilisation de matériaux
et privilégier le « sur mesure » locaux, respect des gabarits et des volumes…) et /
De nombreux territoires voient se développer des ou sur les conditions de réalisation. Il peut égale-
constructions ou des aménagements étrangers à ment exiger une analyse du contexte et des valeurs
l’identité locale, souvent standardisés ou dupliqués. patrimoniales. Il est essentiel de demander aux
Conçus parfois selon des impératifs techniques ou maîtres d’œuvre d’effectuer des visites du site, et
économiques et avec une connaissance insuffi- de leur faire rencontrer les personnes ressources
sante du terrain, ces aménagements contribuent à nécessaires, afin qu’ils puissent concevoir un projet
« diluer » l’identité culturelle locale, à effacer les traits en pleine connaissance des réalités du territoire.
spécifiques d’une communauté ou d’un ensemble Trop nombreux sont encore les projets conçus à
patrimonial et, in fine, à rendre les communautés distance en toute ignorance du terrain. Il est utile
étrangères à leur propre patrimoine. également de fournir aux entreprises et aux bureaux
d’études retenus des exemples de bonnes pratiques
Forte de sa connaissance du territoire et du cadre
susceptibles de les guider.
stratégique qu’elle a élaborée pour son développe-
ment, la collectivité locale est garante de l’intégration En amont des projets, la commune a enfin la possi-
harmonieuse de ces projets et de leur adaptation au bilité de mettre en place des règlements urbains
tissu existant. C’est le sens de la démarche « patri- spécifiques définissant les modes de construction
moine et développement » : accompagner les projets
pour mieux les ancrer dans la réalité territoriale,
veiller à préserver et valoriser la diversité culturelle,
Quelques questions pour guider
et favoriser les retombées locales.
la réflexion du maître d’ouvrage
Faire respecter quelques principes de base • Le projet proposé risque-t-il de dénaturer
Lorsqu’elle assure la maîtrise d’ouvrage d’un pro- le patrimoine ?
jet de construction ou d’aménagement urbain, la • Le volume, les matériaux et le style architectural
municipalité est en mesure de peser sur les choix s’intègrent-ils harmonieusement ?
fondamentaux. Au moyen du cahier des charges, elle • La localisation est-elle adaptée ? Risque‑t‑elle
peut imposer aux opérateurs et aux maîtres d’œuvre de perturber l’exercice de pratiques
de respecter les patrimoines, et les encourager à traditionnelles ?
s’inspirer de l’identité culturelle locale pour conce-
• Les solutions techniques préconisées sont‑elles
voir des projets adaptés au territoire. Les notions
adaptées aux pratiques locales ?
d’authenticité et d’intégrité – qui sont au cœur de
la stratégie patrimoniale – demeurent des critères

62
Pour préserver le tissu traditionnel il est
important que les nouvelles constructions
respectent les matériaux et gabarits d’origine. à la municipalité de poser les conditions auprès des
Rupture d’échelle et de style (Cap-Vert). porteurs de projet ou des partenaires de la coopé-
© Sébastien Moriset, craterre
ration pour maximiser les répercussions positives.
Ces conditions peuvent être intégrées au cahier des
charges. Elles peuvent aussi être négociées au cas
par cas. La collectivité a notamment la légitimité
et d’aménagement les plus appropriés à proximité de demander que soient privilégiées les entreprises
de lieux à forte valeur patrimoniale. locales ; que soient valorisées en priorité les filières
d’approvisionnement de matériaux de proximité ;
Poser les conditions pour favoriser l’impact qu’un transfert de technologie soit effectué ; que
positif sur le développement local la main d’œuvre locale soit formée (sous forme
L’impact local est l’un des piliers de la démarche d’ateliers ou de chantiers écoles). Si les travaux entraî-
« Patrimoine et développement » : le processus de nent des déplacements d’habitants, une attention
valorisation du patrimoine doit permettre de mobiliser particulière devra être apportée aux conditions du
les forces locales et d’optimiser les effets en faveur relogement en veillant, autant que possible, à pri-
de l’économie locale et des communautés. Lorsque vilégier les formes constructives traditionnelles afin
des projets sont réalisés sur son territoire, il revient de permettre la continuité des pratiques culturelles.

63
Au Cap-Vert, les machines traditionnelles de production
du grogue sont un élément important du patrimoine.
Valoriser les patrimoines © Sébastien Moriset, craterre
locaux : un rôle moteur
Soutenir l’artisanat
Des partenariats peuvent être engagés avec des
et les industries culturelles
centres de formation professionnelle et avec des
Les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel consti- écoles d’art en vue d’améliorer la créativité et le
tuent un pan important du patrimoine immatériel. design des objets en accord avec la demande du
Souvent transmis oralement, ils sont fragilisés par marché. Une coopération peut également être recher-
l’insuffisance des dispositifs de formation et de chée avec les acteurs du tourisme afin de renforcer
transmission des connaissances, fragilisés également la visibilité de ces savoir-faire et les intégrer dans
par la réticence des jeunes générations à s’engager des circuits touristiques.
dans ces professions. L’isolement de certains artistes
et artisans, leurs difficultés d’accès aux marchés
constituent des défis supplémentaires pour la péren-
nité de ces métiers pourtant essentiels à la vitalité
du tissu économique local. Les municipalités ont les Au pays dogon, Mali, un travail
moyens de repérer et de donner de la visibilité à ces de repérage a permis d’identifier
savoir-faire, ainsi que de créer un cadre favorable à 3 000 artisans. Un centre d’artisanat
a été construit à Koundou pour
la production et à la distribution des objets. Plusieurs valoriser leurs produits et en faciliter
communes ont investi dans la construction de centres la distribution. Il dispense des
artisanaux destinés à valoriser les savoir-faire et à formations spécialement dédiées
aux jeunes.
améliorer les conditions de production et de vente.
D’autres privilégient la formation professionnelle et
la sensibilisation de la jeunesse aux métiers artisa-
naux sous forme d’ateliers ou de chantiers écoles.

64
Développer les musées locaux
Un nombre croissant de communes s’engage dans
la création de musées locaux ou communautaires
destinés à conserver les objets, promouvoir les
cultures locales et favoriser la transmission des
savoirs traditionnels, notamment à destination des
jeunes. Ce type d’initiatives est l’occasion de créer
une dynamique territoriale à partir de la valorisation
du patrimoine culturel d’une communauté. Le travail
de recherche historique ou scientifique et la collecte
des objets nécessitent souvent la mobilisation de
compétences spécialisées des services de l’État ou des
universités, ou l’intervention d’experts indépendants.
La durabilité économique des musées locaux demeure
un défi majeur et la création d’activités génératrices
de revenus (festivals, événements spéciaux, vente
d’objets, restauration) est souvent nécessaire.

Faire vivre les métiers liés à la restauration


La construction et la restauration du patrimoine
bâti ont généré de nombreux métiers et savoir-faire
optimisés au fil du temps pour s’adapter au climat,
à la disponibilité des matériaux et aux besoins des
hommes. La concurrence des matériaux et des modes
Le système original des banques culturelles,
constructifs importés a cependant entrainé un recul expérimenté avec succès au Mali, permet
de ces pratiques traditionnelles, qui contribuaient la conservation de biens mobiliers appartenant
pourtant activement à la vie communautaire – l’acte aux familles et leur valorisation au sein d’un
musée, et permet de plus l’octroi de microcrédit
de construire étant, au sein des sociétés tradition-
aux familles propriétaires désireuses d’engager
nelles, une activité éminemment sociale. Pour redon- des activités génératrices de revenu.
ner leur place à ces savoir-faire, il est possible aux Musée communautaire à Soroli, au Mali.
collectivités locales d’engager des chantiers témoins © Unesco
Le musée des masques d’Adjarra, au Bénin,
ou des activités de formation. Elles peuvent égale- regroupe des objets traditionnels qui font partie
ment faciliter l’accès des artisans aux marchés de de la vie des communautés.
travaux – dont ils sont souvent exclus – en affinant © epa
les termes de référence des appels d’offre afin de
les aider à mieux se positionner.

À Porto-Novo, la Maison du patrimoine


engage un inventaire des savoir‑faire
liés à la construction, en particulier
sur le patrimoine afro-brésilien, en vue
de réaliser des chantiers écoles.
Rue du quartier historique.
© B. Rakotomamonjy, CRAterre

65
Élaborer un projet
et le financer

Le travail entrepris lors des ateliers a permis d’appor- qu’au vu des contributions diverses des détenteurs,
ter aux collectivités les éléments de compréhension souvent investis depuis des décennies.
nécessaires à la connaissance de leur patrimoine • Au regard des priorités de développement local,
et à l’identification des ressources et des moyens la commune peut faire valoir les réponses que le
d’action pour le valoriser. Les élus et techniciens patrimoine est en mesure d’apporter aux besoins
municipaux ont été invités à identifier les priorités de la collectivité, et l’intérêt de l’action en tant que
et à développer un argumentaire sur la pertinence, source de bénéfices et levier de développement.
la faisabilité et la durabilité de l’action de mise en
• Les arguments en faveur de la pérennisation du
valeur du patrimoine, ainsi que sur sa contribution
projet peuvent être étayés par la durabilité et la
au développement durable.
réplicabilité de l’action patrimoniale.
Ces éléments portés par la politique communale
peuvent être utilisés pour construire des documents
de projet et solliciter des financements auprès de Dans notre proposition de projet de
divers partenaires. Quel que soit le projet, il est dans revalorisation du site mémorial de
l’intérêt des collectivités de l’inscrire dans un cadre l’huilerie d’Avrankou (Bénin), nous avons
général d’action afin de maintenir la cohérence mis en avant la disponibilité du Conseil
globale de la politique communale et d’éviter les communal, le caractère public des
actions isolées, dispersées ou incohérentes. bâtiments, leur importance historique,
l’existence de savoir-faire locaux et le
Construire un projet : soutien de la direction du Patrimoine et de
quelques lignes directrices l’École du patrimoine africain. Nous avons
Le présent chapitre n’est pas un guide au montage de aussi étés clairs sur les risques majeurs à
projet selon les normes internationales ou les formats considérer, ce qui démontre notre bonne
destinés aux bailleurs de fonds – d’autres documents connaissance du contexte.
plus complets sont disponibles –, mais il permet de
pointer des éléments directement exploitables dans Appolinaire Oussou Lio,
secrétaire général, mairie d’Avrankou.
le montage de tout projet patrimonial :
• La pertinence du projet peut être soulignée en expli-
citant l’importance du bien et l’urgence de l’action Sources de financement
(dégradation menant à une perte, par exemple), ainsi Diverses sources de financement de projets patrimo-
que son importance stratégique. niaux sont accessibles aux acteurs locaux, aussi bien
• La faisabilité du projet est déterminable au vu des sur le plan local (budget public, particuliers, diaspora)
moyens techniques mis en œuvre pour la conservation que sur le plan international (agences de coopération,
et la mise en valeur du patrimoine, des motivations coopération décentralisée). Les opérateurs privés
des usagers et de leur implication dans la protection, et les fondations peuvent également être sollicités.
la gestion et la mise en valeur, au vu des moyens Certains financements sont spécifiquement dédiés
financiers de la commune pour cette action ainsi aux actions culturelles. Sur le plan national, ils

66
Les projets menés pour sauvegarder
proviennent essentiellement du ministère de la le patrimoine de nos ancêtres
Culture ou de programmes présidentiels spéciaux. Sur permettent de le transmettre
aux générations futures.
le plan international, le Programme de soutien aux Village aguégué, Bénin.
initiatives culturelles (psic) de l’Union européenne © B. Rakotomamonjy, craterre
soutient des projets portés par des collectivités.Le
Fonds international pour la diversité culturelle (fidc)
de l’Unesco soutient des projets visant à favoriser

67
l’émergence d’un secteur culturel dynamique. De collectivités : Fonds européen de développement
nombreuses fondations privés viennent en aide à (fed) de l’Union européenne, programmes d’aide au
des actions culturelles : parmi elles, la fondation développement de la Banque mondiale, agences de
edf Diversiterre finance des projets de restauration coopération bilatérales ou multilatérales, collectivités
du patrimoine et de transmission et de valorisation à travers la coopération décentralisée et réseaux
des éléments fondamentaux de la culture. d’élus (aimf, Organisation des villes du Patrimoine
Au-delà de ces financements dédiés aux actions mondial, anvpah & vss), etc.
culturelles, la dimension transversale du patrimoine Il revient donc à la commune de faire preuve d’inven-
permet de solliciter des mécanismes d’aide au déve- tivité et de dynamisme dans sa recherche de finan-
loppement (infrastructures, eau et assainissement…) cements comme dans la mobilisation des partenaires
ou encore des dispositifs spécifiques d’appui aux de projets patrimoniaux.

Format de présentation du projet


Le travail d’atelier a permis d’établir une proposition de format de présentation d’un projet
patrimonial à même d’interpeller les partenaires financiers. Cette trame n’est ni exhaustive,
ni prescriptive : c’est un exemple qui reprend les thèmes liés au patrimoine et peut être adapté
selon les projets.

intitulé du projet

Résumé du projet

Énoncé du problème majeur auquel le patrimoine et la collectivité est confronté


et que le projet souhaite résoudre.

Énoncé de l’importance stratégique du projet pour la collectivité.

CHAPITRE 1. Contexte

Considérations historiques, socio-économiques et culturelles pertinentes.

Brève description du patrimoine et de son importance.

CHAPITRE 2. Justification du projet


Développer la problématique.

Argumentation sur la pertinence du projet :


• Argumenter à propos de l’état du patrimoine, de ses valeurs, de son utilisation, de sa fréquentation, etc.
• Évoquer les impacts positifs du projet :
- sur le patrimoine,
- sur l’aménagement du territoire (ex : revitalisation d’un quartier),
- sur les communautés et leur qualité de vie :
- aspects sociaux, renforcement de la confiance en soi, soutien à l’éducation formelle ou informelle,
possibilité de générer de l’emploi, revitalisation des savoir-faire existants pour différents usages
(conservation et/ou construction de bâtiments, revitalisation de l’artisanat traditionnel, etc.),
• Évaluer le potentiel fédérateur du projet :
- soutien aux initiatives locales déjà existantes,
- rôle déclencheur d’une dynamique de développement.

68
CHAPITRE 3. Objectifs général et spécifiques, Résultats attendus et indicateurs

Énoncer l’objectif général, les objectifs spécifiques, les principales activités à mener,
les résultats attendus, ainsi que les indicateurs. Ci-dessous, quelques questionnements
qui peuvent vous guider dans l’élaboration du projet :
- Assurer une meilleure connaissance du patrimoine.
Quelles mesures prendre pour une meilleure connaissance du patrimoine ?
- Assurer une protection effective du patrimoine.
Quelles mesures légales mettre en place pour mieux protéger le bien ?
Quels outils existants utiliser (classement, plan et règlements d’urbanisme,
installation de limites physiques, surveillance, etc.) ?
- Mettre en place un système de gestion cohérent et pérenne autour du bien.
Les détenteurs actuels sont-ils en demande de soutien ? Qui sont les détenteurs traditionnels à impliquer ?
Quelles mesures administratives, organisationnelles renforcer ou mettre en place afin d’améliorer l’efficacité
de la prise de décision, de la coordination des actions et de la diffusion des informations ?
- Assurer la préservation du patrimoine. Quelles actions mettre en œuvre pour assurer :
1. une conservation d’urgence,
2. un entretien régulier du bien ?
- Permettre une meilleure utilisation et mise en valeur du patrimoine.
Quels types d’activités et d’usages mener autour de ce patrimoine (valorisation, conservation, revitalisation) ?
Ces futurs usages ont-ils été validés par la communauté ?
Qui devrait bénéficier en priorité de cette action de mise en valeur ?
Comment le patrimoine peut-il être utilisé au bénéfice de la collectivité ?
Quels sont les usages non souhaités ou interdits ? Quels sont les dérives possibles ?

CHAPITRE 4. Modalités de mise en œuvre

Décrire les stratégies de mise en œuvre.

Définir un plan d’action. Élaborer un chronogramme.

CHAPITRE 5. Stratégie de pérennisation


Décrire comment les résultats du projet perdureront au-delà de la période de financement
(il est important que cette section décrive les activités et/ou les étapes planifiées pour assurer
la pérennité du projet et/ou de ses résultats à long terme).

CHAPITRE 6. Suivi, contrôle et évaluation


Décrire les modalités de suivi du projet et du bien :
• Qui assurera le suivi ?
• À qui devra-t-il rendre compte ?
• Selon quelle périodicité ?

CHAPITRE 7. Ressources
Valoriser les investissements actuels sur le bien.

Définir un système de génération de revenu permettant un meilleur équilibre budgétaire :


• Qu’est ce que ce projet produit ?
• Peut-on commercialiser ce produit, le dupliquer, en produire des dérivés ?

Ce projet est-il susceptible de mobiliser d’autres partenaires ?

69
3
Actions locales
Onze collectivités
partagent leur expérience

Les fiches qui suivent ont été rédigées


avec l’appui des communes concernées,
sur la base de documents et de
témoignages. Elles donnent un aperçu
non exhaustif des actions patrimoniales
qui sont menées à   :
Abomey, Bénin
Cidade Velha, Cap-Vert
Diafarabé, Mali
Djenné, Mali
Grand-Bassam, Côte-d’Ivoire
Nikki, Bénin
Oualata, Mauritanie
Ouidah, Bénin
Podor, Sénégal
Saint-Louis du Sénégal
Tidjikja, Mauritanie
72
bénin

Abomey
Construire une vision politique p. 20

S’organiser pour agir p. 36

Position géographique
Chef lieu du département du Zou,
à 145 km au nord de Cotonou.
Superficie
142 km² (47 ha inscrits au Patrimoine mondial)
Nombre d’habitants
101 586
Décembre 1985
Inscription des « Palais royaux d’Abomey »
au Patrimoine mondial (Unesco)

L
a ville d’Abomey, capitale historique de
la République du Bénin, est fondée au Dans la prise en compte du
milieu du xviie siècle et reste la capitale patrimoine sur son territoire, l’élu
du royaume danxome jusqu’à la fin du a un rôle primordial. Il doit éduquer
xixe siècle. Les palais des rois de cette dynastie la communauté à avoir un rapport
puissante et créative, installés au cœur de cette ville, responsable au patrimoine, à savoir
sont inscrits par l’Unesco au Patrimoine mondial de que les valeurs tangibles et intangibles
l’humanité depuis 1985. Le mode d’organisation sont aussi des sources de richesse
de l’espace est constant, chaque palais est entouré et de réduction de la pauvreté.
de murailles et s’articule autour d’une succession C’est notre défi aujourd’hui.
de cours et de bâtiments adaptés aux activités Ahanzo Glélé, maire d’Abomey 2003-2011, ministre
du roi. Ils sont le lieu de pratiques culturelles et de l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme.
traditionnelles, dont la vivacité est entretenue par
les autorités locales et coutumières.
Depuis plus d’une décennie, le Conseil communal
Axes développés
d’Abomey a fait de la valorisation du patrimoine par l’action publique locale
matériel et immatériel de son territoire une orien-
tation stratégique prioritaire. Ce site Patrimoine Une vision urbaine globale
mondial qui couvre une superficie de 47 ha, se Une réflexion à l’échelle urbaine est tout d’abord
présente comme un grand espace central que menée afin de préserver le patrimoine culturel
les autorités nationales et traditionnelles gèrent d’Abomey sur le long terme. La commune entre-
de manière participative. La commune d’Abomey prend la planification du territoire communal en
s’engage à collaborer avec ses partenaires pour distinguant une zone touristique et culturelle, une
mobiliser les ressources financières nécessaires à zone dédiée à l’agriculture périurbaine et une zone
la revitalisation culturelle, sociale et économique industrielle, qui prend en compte les enjeux du
via la valorisation du patrimoine. développement durable.

73
Dans le cadre du Plan de développement communal La Mairie initie la « Fête internationale des cultures
(pdc), les autorités locales expriment clairement du Danxome » organisée annuellement depuis 2003.
leur volonté de développer le secteur du tourisme Ce festival, véritable base de l’industrie touristique
comme source substantielle de revenu. Cela à Abomey, draine un flux important de visiteurs. à
implique la réhabilitation et la promotion du cette occasion des danses folkloriques, des repré-
patrimoine de la commune, le développement et sentations théâtrales, des activités sportives et des
la promotion de circuits touristiques ; la réalisation expositions d’art contemporain sont organisées dans
d’un festival annuel du Danxome et l’appui à toute la ville. Des cérémonies traditionnelles liées au
l’amélioration de la qualité et de la gestion des culte vodoun et aux ancêtres-rois de Danxome sont
infrastructures hôtelières. aussi célébrées, de même que des danses royales,
notamment avec la participation du Conservatoire
Les activités de valorisation
de danses cérémonielles et royales d’Abomey.
des patrimoines matériel et immatériel
La mairie collabore aux travaux de restauration du Une politique de partenariats
patrimoine historique reconnu (les palais de fonction Les besoins financiers et techniques liés à la mise
des rois et les palais privés), ainsi qu’à la réhabili- en place de cette politique patrimoniale sont
tation de sites et espaces publics emblématiques. conséquents. Au cours des ans, la ville d’Abomey
Ce sont des lieux de mémoire comme la place Leto a su mobiliser différents acteurs afin de créer
où le roi Agadja avait convié les chefs de villages des synergies durables et d’assurer l’expertise
environnants à sceller un pacte de non-agression, spécialisée et le cofinancement des projets. Des
des lieux de cultes comme les temples liés au vodoun, partenariats nationaux sont établis avec les minis-
ou des lieux industriels comme la manufacture de tères béninois en charge de la Culture et du
Hodja où étaient extraits le minerai de fer pour la Tourisme, avec les communes environnantes et
production d’armes à feu. l’Université d’Abomey-Calavi. De nombreux par-
Elle soutient la réhabilitation du musée historique tenariats internationaux sont noués avec des
d’Abomey, logé dans les palais de Ghézo et Glélé collectivités (Albi en France, Gwangju en Corée
depuis 1944 et abritant une exposition permanente du Sud, Perfugas en Italie, Ostrava en République
polythématique. Elle participe à sa gestion, par tchèque) avec des gouvernements (Coopérations
l’intermédiaire du maire, premier vice-président du allemande, française, italienne, norvégienne et sué-
conseil de gestion. La municipalité perçoit sur les doise) et des organismes internationaux tels l’aimf,
droits d’entrée une taxe dévolue au développement l’Unesco, l’Iccrom, craterre, le Getty Conservation
de la ville. Institute et l’epa.
L’Office du tourisme (ot), dont le président du conseil Pour citer un exemple, dans le cadre de la
d’administration est le maire d’Abomey, est créé coopération décentralisée engagée en 2005 avec
suite à une enquête menée grâce à la participation la Ville d’Albi en France, la Ville d’Abomey a pu
financière de la coopération allemande sur les procéder à la reconstitution du portail d’entrée
besoins de la ville. Cette structure intercommunale (Honnouwa) du palais du roi Agadja, un des
devient – cas unique au Bénin – régionale en 2007. plus monumentaux du site, avec l’objectif de
L’ot assure l’interface avec les opérateurs touris- participer à la conservation du site, de renforcer les
tiques, les partenaires et les bailleurs, et développe capacités locales et d’impliquer les acteurs locaux
les activités liées au tourisme (artisanat, documents à travers un chantier d’envergure. Différentes
d’information, panneaux de signalisation, etc.). Il institutions se sont solidarisées à l’initiative d’Albi
forme et accompagne le réseau des guides tou- et Abomey. Le projet est piloté avec le soutien
ristiques. En 2008, l’ot enregistre plus de 30 000 du ministère des affaires étrangères français et
visiteurs – dont près d’un tiers d’étrangers – sur le l’aval de l’état propriétaire du site et du Conseil
site des palais royaux d’Abomey. de gestion du site du patrimoine mondial, dont

74
le maire d’Abomey assure la vice-présidence. Les
conservateurs du site sont commandités pour
élaborer et coordonner la mise en œuvre du projet,
ils collaborent avec craterre. Le projet fédère les
anciens, les utilisateurs du site (familles royales et
dignitaires du culte), les artisans mais aussi l’ot
et des scientifiques (archéologues, architectes…).
En 2010, le nouveau plan d’action de la coopé-
ration avec la Ville prévoit la réhabilitation du
seul quartier habité du site classé des palais
royaux d’Abomey, où logent des femmes appelées
Dadassi. Celles-ci jouent un rôle important dans
la préservation du patrimoine culturel immatériel
puisqu’elles « incarnent » les rois défunts lors des
cérémonies commémoratives. Le projet permet à
terme d’une part d’améliorer leurs conditions de vie
dans ce lieu qu’elles ont tendance à délaisser pour
des raisons d’insécurité et d’insalubrité, et d’autre
part d’améliorer la compréhension du site grâce
à une enquête ethnologique. Cette réhabilitation
fait à nouveau l’objet d’un fort consensus.

La réussite de tout ceci tient avant tout


à notre volonté politique, à la cohérence
de nos actions, à la motivation des
acteurs et à la qualité des échanges.

Extrait de l’intervention conjointe de Philippe


Bonnecarrère, maire d’Albi, et Blaise Onésiphore
Ahanhanzo Gélé, maire d’Abomey 2003-2011,
lors du sommet « Africités III », 2009.

Retombés et perspectives
La commune a entrepris une enquête pour évaluer
l’impact social et économique de sa politique en
faveur du patrimoine. La recherche souligne les
retombées positives et démontre que la sauvegarde
et la valorisation du patrimoine peuvent contribuer
au développement local et à la lutte contre la pau-
vreté. Elle confirme l’apport indéniable du tourisme
culturel national et international, et met en valeur
le renforcement du sentiment d’appartenance et
de fierté des populations locales ainsi que les
opportunités offertes pour la création d’emplois Musée. © CRAterre
Procession à la source sacrée. © Ville d’Albi
et la génération de revenus substantiels. Bas-relief. © CRAterre
Palais Adjalala de Gbéhanzin. © spra

75
76
CAP VERT

Cidade Assurer la gestion quotidienne


et optimiser les ressources p. 58

Velha Encadrer la conservation


et la mise en valeur du patrimoine p. 62

Position géographique
Siège de la municipalité de Ribeira-Grande-de-Santiago,
île de Santiago, à 12 km au sud-ouest de Praia.
Superficie
2,09 km² inscrits au Patrimoine mondial.
Nombre d’habitants
1 320 sur le site inscrit (estimation de 2008
sur la base du recensement de 2000)
26 juin 2009
Inscription de « Cidade Velha, centre historique
de Ribeira Grande » au Patrimoine mondial (Unesco)

L
a ville de Ribeira Grande, escale por- est entrepris, porté par les Coopérations portugaise,
tuaire rebaptisée Cidade Velha à la fin espagnole et anglaise. Il inclut progressivement des
du xviiie siècle au moment de son déclin, interventions de rénovation de l’ensemble urbain.
est fondée sur l’île vierge de Santiago La municipalité de Ribeira Grande, qui a pour siège
quelques années après sa découverte par les Por- Cidade Velha, n’est créée qu’en 2005. En 2010,
tugais. Elle bénéficie dès 1466 d’une charte royale Cidade Velha obtient officiellement le statut de
autorisant ses habitants à pratiquer le commerce Ville. L’installation de la municipalité facilite les
des esclaves et devient une étape essentielle du interventions de restauration et le travail d’élabora-
commerce triangulaire transatlantique. Elle obtient tion du dossier d’inscription au Patrimoine mondial
un statut de ville royale en 1533. Marquée par son mené par l’état via l’Instituto de Investigação e do
histoire, la ville possède un important patrimoine Património Culturais (iipc). Elle favorise, de manière
culturel immatériel, conserve une partie de son plus large, la valorisation du patrimoine pour le
tracé viaire et d’importants vestiges, dont deux bien-être des populations locales.
églises, une forteresse royale et la place du Pilori
avec sa colonne de marbre, symbole du pouvoir Axes développés
municipal et de la sévérité de l’ordre esclavagiste. par l’action publique locale
Seul ensemble architectural classé au Cap-Vert, Conservation et valorisation
elle est déclarée patrimoine national en 1990 et du tissu urbain
inscrite sur la Liste du patrimoine mondial en 2009. Pour soutenir le gouvernement dans sa volonté
Dans les années 1960, la ville qui est alors une claire de contrôler le développement urbain du site,
petite bourgade partiellement reconstruite béné- la municipalité s’appuie sur des outils stratégiques
ficie d’une première campagne de restauration et réglementaires qui prennent en compte les
menée par l’état pour trois de ses monuments valeurs culturelles et naturelles de son territoire :
emblématiques. à la fin du xxe siècle, de nouvelles le Plan de gestion urbanistique, le Plan stratégique
interventions de préservation mobilisent des parte- de développement durable de la municipalité, le
naires internationaux : un second programme de Plan directeur municipal et le Plan de récupération
consolidation des vestiges et de restauration du fort et transformation architecturale de Cidade Velha.

77
Dans le cadre des travaux de conservation du Conservation et valorisation
tissu urbain, le programme de réhabilitation des du patrimoine immatériel
habitations est mené avec le soutien de la Coopé- Dans la perspective de soutenir la politique de
ration espagnole et l’implication de l’architecte
développement économique du pays autour d’un
portugais Alvaro Siza, qui contribue à placer très
tourisme durable et équitable, et d’améliorer les
haut le degré d’exigence en termes de conservation.
conditions de vie des populations, la municipalité
Le programme d’amélioration architecturale des
sensibilise les habitants à l’importance du patri-
quelque 200 maisons historiques du site vise à opti-
miser les conditions de vie des habitants par l’amé- moine immatériel de Cidade Velha et travaille au
lioration de l’assainissement et de l’accès à l’eau, développement des industries créatives.
et à redonner une unité à l’ensemble urbain. Les
éléments récents et inadaptés sont remplacés en
utilisant les techniques de construction tradition- Le patrimoine immatériel à l’heure
nelle et les matériaux locaux. Ce programme permet de l’économie de la culture est une
également de former de nombreux artisans et de opportunité pour les municipalités du
raviver les savoir-faire. Cap-Vert. L’économie de l’immatériel
nous permet de maîtriser notre avenir.
Pour faire face aux pressions démographiques, les
Nous partons à armes égales. Mieux,
services techniques de la Municipalité de Ribeira
nous avons autant d’atouts, voire plus
Grande garantissent avec les agents de l’iipc le
que d’autres, tant notre tradition nous
respect des règles liées à la protection du site. Un
porte spontanément vers l’analyse
cabi-net conjoint mairie-iipc a été crée 2009 : il se
conceptuelle et l’inventivité scientifique.
réunit chaque semaine pour suivre les évolutions du
bâti, décider des développements urbains dans la Charles Samson Akibodé, conseiller au cabinet
du ministre de la Culture.
zone protégée et délivrer les permis de construire
ou de modification des bâtiments existants.
Ce comité s’appuie sur le Plan de gestion urbanis- La mairie organise des activités culturelles, festivals
tique qui est traduit sous forme de dessins pour de théâtre, de danses et de chants traditionnels, de
une meilleure compréhension par les populations foires culinaires et artisanales. Elle participe aussi
et les entrepreneurs. Le Plan limite les surfaces à un programme d’identification du patrimoine
constructibles et enraye ainsi la pression foncière en culturel immatériel de la ville, en partie financé
empêchant le développement de grandes résidences. par l’unesco, qui permet de repérer les associa-
La municipalité résiste également aux pressions des tions culturelles et les « trésors humains vivants »
opérateurs touristiques. Elle s’oppose notamment possèdant les connaissances et les savoir-faire
à la construction de complexes hôteliers dans le nécessaires à l’interprétation ou à la restitution de
centre historique, ou la transformation de la plage la tradition (proverbes, poèmes épiques, coutumes,
de pierres en plage de sable. rituels, art culinaire, costumes…). Il en résulte un
La municipalité dispose d’un budget de fonction- « Guide culturel municipal », élaboré en collabo-
nement qui lui permet de payer son personnel ration avec l’état, sorte d’inventaire des richesses
technique, y compris les personnes employées à immatérielles de la ville.
l’entretien des espaces publics, des voiries et des Afin de soutenir le développement local participatif,
réseaux. Depuis 2009, le ministère de la Culture a l’accent est mis sur l’aide à l’émergence de nou-
intégré une ligne budgétaire pour la conservation velles productions locales : les industries créatives.
de Cidhade Velha : c’est un financement régulier sur La municipalité joue un rôle d’identification des
lequel la mairie se concerte annuellement avec l’iipc. populations porteuses de savoir-faire et leur donne,

78
avec le soutien du gouvernement, la possibilité de
développer leurs produits par l’attribution d’un
microcrédit compétitif (2 % qui s’appliquent uni-
quement si le remboursement se fait après vingt-
quatre mois). Elle promeut également le produit
auprès des opérateurs touristiques et auprès des
réseaux de commerce national.

Retombées et perspectives
La gestion des monuments et des équipements
d’accueil de Cidade Velha étant déléguée à une
agence privée, la municipalité de Ribera Grande
profite indirectement des retombées des visites.

Cette politique de valorisation du


patrimoine auprès des populations a
un impact réel et palpable. Il n’est pas
mesurable, il est de l’ordre du sentiment.
Elles ont pris conscience de leur
patrimoine et en sont fières.

Charles Samson Akibodé.

Un travail est entrepris afin d’attribuer aux produits


de l’industrie créative un certificat de qualité. Cette
politique ouvre des opportunités de création de
coopératives artisanales et agricoles qui pourraient
intégrer les circuits touristiques prévus, de dévelop-
pement des métiers du tourisme et de réduction du
chômage local, évalué à 18 % en 2008.
Par ailleurs, une étude de l’impact de la politique
de valorisation culturelle à l’échelle nationale est
en cours d’élaboration, et devrait permettre la
consolidation du secteur de la culture au Cap-Vert.

Vue du site © Sébastien Moriset, CRAterre


église © Sébastien Moriset, CRAterre
Fort © Sébastien Moriset, CRAterre
Placette © Sébastien Moriset, CRAterre

79
80
mali
Construire une vision politique p. 20

Diafarabé Assurer la gestion quotidienne


et optimiser les ressources p. 58

Position géographique
Chef-lieu d’une commune rurale de dix villages
dans le Cercle de Ténenkou, région de Mopti,
à 438 km au nord-est de Bamako
Superficie
980 km²
Nombre d’habitants
16 210 (totalité de la commune rurale en 2010)
25 novembre 2005
« L’espace culturel du yaaral et du degal » est proclamé
Patrimoine culturel immatériel (Unesco)

L’
histoire de la traversée pastorale à et spectaculaire de certaines manifestations du
Diafarabé sur le Diaka, un défluent du yaraal (traversée du fleuve, défilés et courses de
fleuve Niger, ainsi que les célébrations troupeaux), Diafarabé est devenu un pôle d’at-
qui y sont associés remonte à 1821, trac-tion important régionalement, nationalement,
soit trois ans après la création du village. La fête internationalement, et présente un fort potentiel
du yaaral qui se déroule entre fin novembre et de développement touristique. Au-delà de l’affir-
début décembre dans la commune de Diafarabé mation identitaire, les enjeux liés à la sauvegarde
est un prélude à la fête du degal qui a lieu dans de ce patrimoine immatériel sont donc sociaux et
la commune de Dialloube. Ces communes fêtent économiques.
chaque année respectivement le départ et le retour
de transhumance du bétail dans le Delta intérieur Axes développés
du Niger. Les itinéraires pastoraux respectent encore par l’action publique locale
de nos jours la circulation codifiée sous l’empire La réflexion globale menée par la commune de
peulh du Macina. Yaraal et degal intègrent le Patri- Diafarabé est structurelle. Elle est tournée vers
moine culturel immatériel de l’Unesco en 2005, en le développement durable des potentialités de
raison de l’expression endogène de la culture peulh la célébration du yaaral. L’objectif majeur est de
qu’offrent les préparatifs de retour, le défilé et le s’organiser pour sauvegarder et pérenniser un
concours de troupeaux, la déclamation des poésies patrimoine qui valorise ses atouts économiques.
pastorales, et autres manifestations populaires Dès la mise en place des communes en 1999 dans
traditionnelles. le contexte de la décentralisation au Mali, la mairie
C’est à Diafarabé, selon le code de préséance et de de Diafarabé s’est appropriée les manifestations
conduite oral et coutumier, que s’organise le retour du yaraal en créant une commission d’organisation.
des troupeaux. Au plan social, cette manifesta- Celle-ci se réunit le mois précédant les célébrations
tion témoigne de l’interdépendance de différentes afin de mettre en place toutes les activités liées
communautés (Peulh, Bambara, Marka, Bozo et au retour de la transhumance par le biais de cinq
Somono) et constitue un instrument de régulation sous-commissions (traversée, défilé des troupeaux,
des tensions et de renforcement de leur cohésion. restauration et hébergement, finances, festivités).
Par ailleurs, en raison du caractère esthétique Chaque sous-commission rassemble sept à dix

81
membres représentant les autorités coutumières Le Conseil communal initie et organise une ren-
et communales ainsi que la société civile, en par- contre annuelle, la Conférence régionale sur les
ticulier les associations de femmes et de jeunes et bourgoutières, qui offre un terrain d’échange régio-
les corporations professionnelles (éleveurs peulh, nal quant aux les questions liées à la transhumance
riziculteurs marka, cultivateurs de mil bambara, pastorale et à la gestion de l’espace-ressource. Elle
pêcheurs bozo et somono) qui se concertent pour réunit, sous l’égide du gouverneur de Mopti, des
améliorer l’organisation de la fête. La commission représentants des cercles de la région et des cercles
d’organisation est à l’origine de l’invitation, en 2003, de Niono, Macina, San, de la région de Ségou. La
du président du Mali aux festivités du yaraal. Ce Conférence proposa notamment de :
patronage initia les travaux menés par la commune
en collaboration avec la direction du Patrimoine du • fixer la date des festivités dès le mois de septembre,
ministère de la Culture, qui aboutirent à l’élabora- en accord avec les localités avoisinantes impliquées
tion du dossier d’inscription au Patrimoine culturel dans la gestion pastorale, afin de permettre aux
immatériel de l’humanité. touristes et aux partenaires de s’y préparer ;
Depuis lors, la commune a pris conscience des • renforcer le consensus et la cohésion sociale
potentialités de l’événement et renforce ses intercommunautaire autour du festival, pour sa
capacités. La gestion des pâturages, le tracé pérennisation ;
des pistes de transhumance et le regroupement • envisager les interventions nécessaires à la sauve-
des troupeaux en des points spécifiques ayant garde des pratiques de transhumance menacées par
déjà permis d’améliorer l’organisation des fêtes la dégradation du couvert végétal et par les crues
pastorales, elle a formulé le projet d’exploiter du fleuve Niger (activités liées à la régénération du
l’événement et d’organiser les célébrations en
Bourgou, aménagement du territoire, délimitation
un festival interculturel destiné à pérenniser le
de la zone géographique) ;
yaaral dans le cadre d’un développement durable
bénéfique aux localités. • envisager le développement touristique en relation
avec l’attraction de pôles voisins tels Mopti et le
pays dogon, dans le contexte de circuits organisés.

Aucun peuple ne pourra se développer


sans sa culture. Le développement de
Diafarabé doit nécessairement passer Au-delà du facteur de consolidation des
par le festival du yaaral sur le Diaka. relations entre éleveurs, agriculteurs et
pêcheurs, les traversées recèlent des
Moctar keyla Maïga,
secrétaire général de la commune. intérêts majeurs pour la promotion du
tourisme et la culture, que nous devons
chercher à revaloriser à tout prix.
Lorsque le yaaral sera transformé en
festival, nous pourrons valoriser d’autres Extrait du discours du gouverneur de la région de
sites et manifestations culturels comme Mopti à la Conférence régionale sur les bourgoutières,
2009-2010.
l’arbre de l’Indépendance, le site de
Guerey, le site de Kara, les bâtiments
coloniaux, la mare sacrée de Tamara, Pour développer les actions liées à la sauvegarde et
les veillées nocturnes des chasseurs, à la valorisation du patrimoine culturel, le Conseil
ou la chambre de l’écrivain Amadou communal crée en 2011 par délibération une
Hampâté Bah.
seconde structure de gestion, la commission « Patri-
Mamoudou Y. Diall, premier adjoint du maire. moine culturel ». Elle assure l’implication des popu-
lations dans les prises de décision relatives à la

82
sauvegarde du patrimoine. Soutenant une vision
du développement fondée sur la culture, elle entre-
prend avec la participation des populations l’inven-
taire des différents patrimoines (sites, poèmes, récits,
chants, contes, danses). Chacun de ces domaines
d’expression se caractérise par des potentialités
de créativité, de diffusion et de valorisation qui
peuvent générer des revenus pour ses acteurs
(vente de supports audiovisuels, spectacles, etc.).
Elle regroupe et mène une réflexion sur les possibi-
lités de présentation d’objets valorisant les formes
culturelles et esthétiques de l’identité peulh (lances,
gourdes, tenues vestimentaires traditionnelles,
couteaux, chaussures, calebasses…) notamment
en vue de la revitalisation de l’artisanat local.
La création d’infrastructures culturelles touristiques
sur les lieux de la traversée (lieux d’exposition et
de vente, infrastructures d’accueil, espaces de
transactions, écomusée) est envisagée et plébiscitée
par tous les acteurs locaux, car elles permettrait
de mettre en scène les savoir-faire locaux, les
produits culturels et alimentaires de la région, et
de créer des emplois.

Retombées et perspectives
Les bénéfices sont réels pour la commune, en termes
économiques comme en termes de renforcement
des liens intercommunautaires. Toutefois, renforcer
durablement les effets économiques locaux passe
par des investissements importants, notamment en
infrastructures d’accueil, qui demeurent hors de
portée de la commune. Celle-ci doit donc recher-
cher des appuis techniques et financiers auprès de
partenaires extérieurs.

Le festival du yaaral, c’est vraiment


un cadeau pour la commune de
Diafarabé. Ce ne sont pas seuls les
commerçants qui en bénéficieront, mais
la communauté toute entière.

Lamine Djiré, maire de Diafarabé.

Traversée. © Pierre-Alain Uniack


Cérémonie. © dnpc
Parure traditionnelle. © dnpc
Troupeau. © dnpc

83
84
mali
Agir avec les populations p. 24

Djenné Encadrer la conservation


et la mise en valeur du patrimoine p. 62

Position géographique
Chef-lieu du Cercle de Djenné, région de Mopti,
à 570 km au nord-est de Bamako
Superficie
308 km² (ensemble insulaire de 88 ha
dont 48,5 ha inscrits au Patrimoine mondial)
Nombre d’habitants
20 000 (en 2009)
décembre 1988
Inscription des « Villes anciennes de Djenné »
au Patrimoine mondial (Unesco)

L
a ville actuelle de Djenné se situe sur un des eaux domestiques et à l’accumulation de
espace occupé dès le iiie siècle av. J.-C., déchets solides sur les berges du bras du fleuve
comme l’attestent les sites archéologiques Bani. Ces deux facteurs dégradent le patrimoine
environnants. Fondée vers le viiie siècle, architectural et urbain, entravent sa conservation
elle devient progressivement une ville importante et son développement touristique.
du commerce transsaharien, ainsi qu’un centre
important d’enseignement et de diffusion de l’islam. Axes développés
Sa grande mosquée, construite originellement au par l’action publique locale
xiiie siècle, est l’un des plus grands édifices en Dans le cadre de la décentralisation, la commune
terre crue du monde. Elle est le symbole majeur de urbaine de Djenné a une responsabilité touchant la
l’influence de la ville dans la diffusion de l’islam en gestion et la protection du patrimoine. Elle alloue
Afrique noire. La ville historique conserve encore les ressources financières pour la conservation du
aujourd’hui une trame urbaine représentative et patrimoine architectural.
une architecture de terre raffinée aux façades La sensibilisation des populations conjuguée à des
richement décorées. Ces valeurs lui ont valu d’être mesures d’assainissement constituent les éléments
inscrite depuis 1954 sur la Liste des monuments et clés de la politique municipale de valorisation du
sites historiques nationaux, et en 1988 sur la Liste patrimoine en faveur du développement local et
du patrimoine mondial de l’humanité. du bien-être des populations.
La ville présente un potentiel de développement
touristique important. La reconnaissance de ses Une démarche de gestion participative
qualités patrimoniales lui a valu le soutien de Afin d’encadrer la conservation et la mise en va-
nombreux partenaires internationaux. Néanmoins, leur du patrimoine, de concilier ses qualités avec
du fait de la topographie du site, et du fait de sa les projets de développement de la ville et les
localisation en zone inondable du Delta intérieur aspirations de la population, la municipalité a
du fleuve Niger, la forte densité urbaine de la zone établi un cadre de concertation permanent (séance
historique est source de difficulté de gestion du ordinaire trimestrielle, séances extraordinaires)
patrimoine. La ville est confrontée, depuis plusieurs entre de nombreux acteurs et parties prenantes du
décennies, à une insalubrité due à la stagnation développement culturel, parmi lesquels la Mission

85
culturelle (service déconcentré du ministère de de gestion, elle s’est fortement impliquée en faveur
la Culture en charge du Patrimoine mondial), la de la mobilisation des parties prenantes, et a ainsi
corporation des maçons (ou Bareyton, les proprié- contribué à faciliter leur adhésion et leur partici-
taires d’édifices), les populations, les associations pation à tout le processus de l’activité.
culturelles et professionnelles, les groupements
d’intérêt économique, l’antenne de l’Office malien La sensibilisation des populations
de l’hôtellerie et du tourisme, et les partenaires La mairie développe des activités de sensibilisa-
techniques et financiers tels l’Unesco, la Fondation tion visant à encourager la population à montrer
Aga-Khan pour la culture, et autres. son respect et son attachement aux valeurs pa-
La gestion du bien historique s’inscrit dans une trimoniales de Djenné en mettant en œuvre de
démarche participative destinée à mettre en synergie bonnes pratiques de conservation, de valorisation
les acteurs du développement territorial. Elle et d’assainissement. Elle solidarise à cette initiative
s’appuie sur différents comités, créés à l’initiative différents intermédiaires : le Réseau des commu-
ou avec la participation de la mairie : le comité de nicateurs traditionnels (Recotrad), les chefs de
conservation et de gestion des « Villes anciennes villages/quartiers et leurs conseillers, le Bareyton,
de Djenné », le comité de gestion de la mosquée, les associations. Elle utilise divers moyens de dif-
la commission « Art et culture » et le Comité fusion de l’information (radio locale, assemblées
d’assainissement et d’éducation à la santé (caes). générales, réunions publiques, etc.).

L’histoire particulière de la ville et Le projet de restauration de la mosquée


les contraintes liées à son statut de illustre bien les avancées en matière
Patrimoine mondial génèrent parfois de sensibilisation des populations.
des tensions et des incompréhensions Des heurts avaient eu lieu lors d’une
et rendent sa gestion très délicate. première installation de ce projet en
D’où le choix d’un mode de gestion 2006. En effet, les informations données
basé sur le dialogue, la concertation aux populations étaient insuffisantes,
et la participation de tous les acteurs incomplètes voire erronées. Celles-ci
et parties prenantes du bien pour une n’ayant que peu perçu la réalité de ce
meilleure prise en compte tant des projet, craignaient qu’il se fasse sans
valeurs du patrimoine à préserver que elles et sans concertation. Quand le
des besoins de développement de la projet a été remis sur la table en 2008,
ville et des aspirations de modernisation sur sollicitation des autorités de la Ville,
de la population. toutes les dispositions ont été prises
afin de mieux l’expliquer : seules les
Bamoye Traoré, maire de Djenné. techniques locales seraient employéeset
le projet se ferait en association étroite
avec le Bareyton et les populations.
Des outils réglementaires
La municipalité s’appuie sur des outils de plani- Christian Belinga Nko’o, architecte, coordinateur
technique de la restauration de la mosquée de Djenné.
fication et de gestion complémentaires : le Plan
de développement économique, social et cultu-
rel (pdsec) 2010-2015, le Plan de gestion et de La problématique de l’assainissement, cruciale dans
conservation de Djenné qui intègre le Schéma la conservation et la valorisation du patrimoine
directeur d’aménagement et de gestion (sdau) bâti de Djenné fait également l’objet de rencontres,
2006-2025, et le réglement d’urbanisme adopté débats et réflexions spécifiques, régulièrement
par la municipalité. Dans l’élaboration de ce plan menés par la municipalité, le service déconcentré

86
de l’assainissement et la Mission culturelle avec les
parties prenantes et les partenaires impliqués, afin
de trouver des solutions appropriées aux difficultés
et d’harmoniser les actions. La municipalité consacre
près de 15 millions de francs cfa à l’assainissement.

La dynamique partenariale
Pour renforcer ses capacités, la mairie s’engage
dans des partenariats internationaux. Les différentes
synergies développées lui donnent l’occasion, entre
autres, d’améliorer ses objectifs en matière d’assai-
nissement pour la valorisation de l’environnement,
la préservation de son patrimoine et le bien-être
des populations. À titre d’exemple, dans le cadre
du projet « Niger-Loire : gouvernance et culture »
(2008-2012), cofinancé par l’Union européenne
et piloté par l’Unesco :
• le caes est revitalisé, il met en œuvre les actions
de sensibilisation des populations et organise la
collecte des déchets ;
• le système communal de gestion des déchets
solides est renforcé (amélioration du système de
ramassage des ordures ménagères, aménagement
d’un dépôt de transit des déchets, acquisition
d’équipements, expérimentation de poubelles in-
dividuelles, formation des femmes au tri sélectif et
au compostage…) ;
• une étude sur la taxation locale au profit de
l’assainissement est réalisée ainsi qu’une étude de
faisabilité pour la construction d’une décharge finale.

Retombées et perspectives
Grâce à ces choix de gestion, des améliorations
tangibles ont été apportées à la conservation du
patrimoine de la ville et au cadre de vie des habitants.
Les communautés s’y sentent désormais impliquées.
Des comportements ont changé à l’égard de la
gestion des ordures et des eaux usées domestiques,
de l’utilisation de matériaux de construction et de la
valorisation du bâti en terre. Le mode opératoire de
la commune s’est amélioré. Les sources de revenu
se sont diversifiées.
La commune cible à présent l’objectif de développer
la valorisation du patrimoine par la mise en place
Vue de Djenné. © Christian Belinga Nko’o
de circuits touristiques et de structures d’accueil. Vue sur Djenné. © Christian Belinga Nko’o
Marché. © Christian Belinga Nko’o
Architecture de terre. © Christian Belinga Nko’o

87
88
CôTE-D’IVOIRE

Grand-
Bassam
Construire une vision politique p. 20

S’organiser pour agir p. 36

Position géographique
Chef-lieu du département de Grand-Bassam,
région du Sud-Comoé, 40 km à l’est d’Abidjan.
Superficie
400 km² (40 ha inscrits au Patrimoine mondial)
Nombre d’habitants
83 576 (en 2010 ; 7 000 dans la zone inscrite
au Patrimoine mondial)
29 juin 2012
Inscription de la « Ville historique de Grand-Bassam »
au Patrimoine mondial (Unesco)

L
a ville historique de Grand-Bassam, située les autorités municipales et nationales à intégrer
au sud de la commune et fondée au milieu le constat effectué sur les ressources pour le dé-
du xixe siècle est, de 1893 à 1900, la pre- veloppement du patrimoine urbain africain […]
mière capitale de Côte-d’Ivoire. Construite et à agir pour sa sauvegarde et sa valorisation ».
sur un lido de terre le long du littoral, elle est le
siège de l’administration coloniale, et connaît à ce
titre un essor économique qui l’érige au rang de cité
cosmopolite – dans laquelle la cohabitation avec les Le Conseil municipal et moi-même, en
autochtones Abouré et N’zima est harmonieuse. Son association avec toutes les composantes
déclin est provoqué par une épidémie de fièvre jaune de la population bassamoise, allions faire
suivie du transfert de la capitale à Bingerville. Suite de la conservation et de la préservation
du patrimoine en détresse une priorité
à un long travail de sauvegarde et de valorisation
municipale.
mené par les pouvoirs municipaux et centraux, la
ville est inscrite en 2012 au Patrimoine mondial de Jean-Michel Moulod, maire de Grand-Bassam,
l’humanité, notamment pour ses qualités urbaines 2000-2011
témoignant de l’interaction des populations et
du brassage prolifique des genres et des cultures.
La politique de développement culturel de la Axes développés
commune prend racine en 2003 lors du sommet par l’action publique locale
« Africités III » à Yaoundé (Cameroun), au cours Le projet d’inscription de son patrimoine devient
duquel le maire de Grand-Bassam est sollicité un élément fédérateur de la politique de déve-
pour présenter le « patrimoine en détresse » de sa loppement de la commune. Une vision globale,
commune, vidée des activités qui faisaient jadis sa s’appuyant sur la promotion du patrimoine com-
gloire. Sur avis du Conseil municipal, il est décidé munal, prend corps : il s’agit de régénérer l’attrait
d’élaborer en collaboration avec l’État un dossier de Grand-Bassam. Le projet, exigeant, permet de
d’inscription au Patrimoine mondial pour répondre poser le cadre d’une dynamique multiple : culturelle,
à la recommandation du sommet. Celle-ci « incite sociale, urbaine, environnementale et économique

89
(valeurs et traditions, projets éducatifs, restaura- culture des peuples Abouré et N’zima, et dans le
tion de bâtiments et du couvert végétal, tourisme développement de l’industrie touristique ivoirienne.
culturel, foires, marchés, etc.). Les autorités municipales effectuent des missions
Les pouvoirs locaux mettent en place une stratégie à Grand-Lahou et à Bingerville pour apporter de
opérationnelle qui va leur permettre d’une part la consistance à l’analyse comparative du dossier
d’assurer le soutien institutionnel requis pour la et rencontrent à Abidjan les personnes impliquées
mise en œuvre du projet d’inscription, d’autre dans le processus d’inscription. Elles initient des
part de regrouper les compétences techniques et séances de travail avec la première dame du pays
les moyens financiers nécessaires à l’élaboration et le cabinet du président de la République, ainsi
du dossier. qu’avec trois ministres de la Culture et de la Fran-
cophonie successifs. Ne disposant pas des compé-
tences requises pour répondre aux contraintes
Sur le plan touristique, l’aboutissement techniques liées aux exigences d’élaboration du
de ce type de projet suscitera un dossier d’inscription, la mairie de Grand-Bassam,
engouement des touristes nationaux et
demande qu’un secrétariat permanent du comité
internationaux. Cet afflux permettra de
local chargé de la rédaction du dossier d’inscription
dynamiser les secteurs de l’artisanat,
soit créé par arrêté ministériel et logé au sein de
de l’hôtellerie, de la restauration et du
la Mission d’appui à la conduite des opérations
transport. Il contribuera au bonheur
des populations locales par la création
municipales (Macom) du ministère de la Culture
de richesses, et au rayonnement de la et de la Francophonie, à Abidjan. Cette équipe
Côte-d’Ivoire au niveau international. opérationnelle rassemble des techniciens pluri-
disciplinaires (géographes, sociologues, conserva-
Maurice Kouakou Bandaman, ministre de la Culture
et de la Francophonie. teurs, environnementalistes…), des agents de la
Commission ivoirienne pour l’Unesco. Des experts
nationaux et internationaux seront mobilisés pour
La mairie comprend que l’effort visant la restau-
finaliser le dossier.
ration, la conservation et la valorisation du
patrimoine culturel et architectural est avant En parallèle à ces démarches nationales, la
tout collectif. Il nécessite la sensibilisation des mairie s’engage dans un processus d’échange
populations et l’identification des parties prenantes. d’expériences au niveau international : elle effectue
La mairie organise donc des séances de travail des missions au Centre du patrimoine mondial
avec les autorités traditionnelles locales, à l’issue de l’Unesco, à Paris, se rend à Bordeaux, ville
desquelles elle obtient implication et appui. Dans nouvellement inscrite sur la Liste du patrimoine
un environnement encore fortement coutumier, mondial, et dans la ville de Porto-Novo au
c’est le préliminaire à l’adhésion des populations Bénin. Elle organise également des séances de
autochtones et à leur participation à la gestion du travail avec les partenaires de développement
site. La finalité du processus est de parvenir, par la (pnud, Coopération française) afin d’obtenir leur
concertation, à des choix consensuels qui ne seront, implication et leur appui.
de ce fait, entravés par aucune contestation ultérieure. Pour financer les activités liées à la réalisation du
La mairie plaide sa cause auprès du gouverne- dossier d’inscription, y compris les travaux de va-
ment en vue de créer un cadre de concertation lorisation du site (environ 230 000 €), les autorités
permanent entre les autorités locales et celles du municipales sollicitent plusieurs partenaires natio-
ministère de la Culture et de la Francophonie, ainsi naux (la Macom, l’Union des villes et communes
qu’une synergie autour du patrimoine de la ville : de Côte-d’Ivoire) et internationaux (l’Unesco Accra,
l’enjeu national du projet réside dans la pérenni- la Convention France-Unesco, le pnud, la Coopé-
sation de l’histoire coloniale, la valorisation de la ration française…).

90
Dans cette dynamique, le soutien
du réseau international des maires
francophones (aimf) a été important
du point de vue du renforcement des
capacités et du financement, à travers la
tenue en octobre 2011 d’un séminaire
international sur le thème de la gestion
multi-acteurs des sites patrimoniaux,
et de l’appui, en partenariat avec
le ministère de la Culture et de la
Francophonie de Côte-d’Ivoire,
à la réhabilitation d’un monument
emblématique, l’ancien Palais de justice.
Jocelyn Kongo, chef du servivce
des Affaires socioculturelles de Grand-Bassam.

Retombées et perspectives
L’inscription du site, en juin 2012, témoigne de
l’efficacité de la stratégie mise en place par les
autorités locales en vue de l’élaboration du dossier.
Elle atteste aussi de leur faculté à programmer la
sauvegarde et la valorisation du patrimoine.
Une des réussites de la politique dynamique de
valorisation patrimoniale menée par les pouvoirs
municipaux de Grand-Bassam en coopération avec
le ministère de la Culture et de la Francophonie,
est la création, par décret présidentiel du 13 juin
2012, d’un établissement public à caractère admi-
nistratif dénommé Office ivoirien du patrimoine
culturel : « Cet office national, recommandé par
l’Unesco, aura pour mission de coordonner au
plan national les activités de conservation et de
valorisation des sites et monuments, ce qui facilitera
la mobilisation de ressources par la promotion
culturelle, touristique et commerciale des biens
concernés, la possibilité de recevoir des dons et
subventions, ainsi que celle de contracter avec des
opérateurs culturels, scientifiques, économiques
ou touristiques. »

Vue aérienne. © Ministère de la Culture


et de la Francophonie de Côte-d’Ivoire
Maison du patrimoine. © Ville de Grand-Bassam
Fête de génération. © Moossou
Musée. © Ville de Grand-Bassam

91
92
BÉNIN
S’organiser pour agir p. 36

Nikki Assurer la gestion quotidienne


et optimiser les ressources p. 58

Position géographique
Chef-lieu de la région de Nikki, département
du Borgou, à 550 km au nord de Cotonou.
Superficie
3 171 km²
Nombre d’habitants
128 987 (en 2010)

L
a commune de Nikki, cité royale jusqu’au et de coopération. Elle offre ainsi de formidables
xxe siècle, est un haut lieu d’expression opportunités de développement local et régional.
du pluralisme culturel béninois. Ce dernier
atteint son apogée lors de la fête annuelle Axes développés
de la Gaani, dont l’origine remonte à plus de sept par l’action publique locale
siècles et qui constitue un patrimoine immatériel Pour administrer et gérer les manifestations de
vivace, partagé à l’échelle de la sous-région. Cet la fête de la Gaani, la mairie de Nikki se charge
événement traditionnel à la mémoire des peuples de structurer l’organisation de l’événement sur le
Baatombou et Boo est à la fois cultuel et festif. Les territoire communal. Elle mise sur la concertation au
cérémonies aux ancêtres sont associées à la danse, niveau local en organisant des séances régulières
à la musique et au chant, ainsi qu’à des manifes- d’échange et de partage de l’information entre la
tations théâtrales, sportives et équestres. Symbole cour royale et l’administration communale. Afin de
d’échanges et de convivialité, la Gaani rassemble faciliter la mise en application des décisions prises
sept jours durant près de 150 000 personnes dont durant ces rencontres, elle diffuse l’information aux
plus de la moitié provient des communes voisines populations par le biais de lettres, d’avis d’invitation
et des pays frontaliers. et de communiqués radiophoniques.
Il revient à la cour royale de déterminer, selon le Différentes collectivités locales participant à la
calendrier lunaire, la période et les dates de la fête de la Gaani, il revient à la mairie d’assurer la
fête, et à la mairie d’organiser son déroulement. représentation de ses membres dans les processus
C’est une tâche complexe compte-tenu de l’impor- de concertation et de mise en œuvre des activités.
tante affluence de visiteurs sur une période limitée. Des mesures institutionnelles sont prises pour
La mairie est également engagée dans tous les permettre une bonne gestion de l’événement :
domaines connexes de sécurité, d’hygiène et de • Un comité d’organisation présidé par le maire
salubrité, de santé, d’approvisionnement en eau, a été installé par arrêté municipal. Il est chargé
de transports, d’entretien et de pavoisement de d’établir le programme du déroulement de la fête et
la ville, d’accueil des officiels, de communication d’adresser des demandes de contribution à toutes
et de gestion des médias. La fête présente un les personnes physiques et morales impliquées :
grand potentiel d’activités économiques annexes État, collectivités, associations et autres structures.
(hébergement, restauration, loisirs, artisanat, etc.) Chaque responsable de sous-comité est chargé de
et ouvre un champ de dialogue intercommunal mobiliser les membres de son secteur pour réaliser

93
les activités retenues. Le comité d’organisation et appui financier). Il arrive enfin que la mairie ait
regroupe des acteurs de toutes les couches de la besoin de prendre des dispositions réglementaires
société, actives lors de la fête : représentants de la pour faire respecter des mesures. Ainsi, un arrêté
cour royale – y compris de celle du Nigéria –, élus communal a été publié pour interdire l’occupation
locaux, maires des communes environnantes, cadres des sites du parcours rituels par les riverains afin
de l’État, membres de la société civile, communau- de les protéger de l’envahissement des populations.
tés religieuses, agents communaux, responsable des La gestion d’une fête de cette ampleur nécessite
services déconcentrés de l’État, responsables de une capacité de mobilisation des compétences et
la commission linguistique baatonu et personnes des ressources. La mairie, à travers les comités mis
ressources issues de la diaspora. en place, mobilise et gère les frais d’organisation
et les moyens matériels et humains. Environ 50 %
des financements sont assurés par la mairie, 33 %
À titre d’illustration, le président du par l’État (dépenses liées au volet cultuel), 15 %
collectif des artisans de Nikki est
par les autres communes et 2 % par les sponsors.
responsabilisé pour l’organisation de la
Le fonctionnement des comités étant bénévole, la
foire et est appuyé dans cette tâche par
mairie met à leur disposition certains moyens pour
les présidents des collectifs d’artisans
les aider à accomplir leur mission. Concernant le
des autres communes de l’aire culturelle
budget de fonctionnement, le maire décaisse une
baatonu, ce qui amène les artisans à
somme importante du budget communal (environ
participer pleinement à l’exécution de
8 millions de francs cfa en 2009) pour financer
cette activité.
les interventions nécessaires à la valorisation de la
Adamou Sanni, chargé des Affaires culturelles fête de la Gaani, et prend également en charge les
de la commune de Nikki.
frais d’électricité et d’eau ainsi que le ramassage
des ordures ménagères.
• Un comité de coordination est instauré. Il regroupe Ces charges sont partiellement amorties par les
trois représentants de la cour royale, huit maires recettes de la Gaani. En effet, pendant la fête, la
du Borgou, deux maires du Nigéria, deux membres mairie de Nikki déploie les collecteurs pour perce-
de la diaspora, deux responsables des services voir des taxes sur l’occupation du domaine public
déconcentrés de l’État, un membre de la commis- auprès des commerçants, et perçoit des droits
sion linguistique baatonu et un représentant de la d’autorisation de manifestation et de promotion
société civile. Il veille au bon fonctionnement des (réseaux de communication gsm, loterie nationale,
autres comités et décide des grandes orientations Société de brasserie…), des revenus de location
nécessaires aux préparatifs de la fête. de stand par les artisans. Depuis peu, elle a initié
La mairie veille également à coopérer avec ses la vente de produits promotionnels (autocollants,
partenaires et à s’assurer les soutiens requis. Au tee-shirts).
niveau local, la mairie dispose d’un service chargé
des affaires culturelles qui, avec le concours des Retombés et perspectives
forces de l’ordre (gendarmerie et autorités adminis- La politique de valorisation de ce patrimoine culturel
tratives), appuie la cour royale lors de la désignation immatériel menée par la mairie de Nikki est à
des chefs traditionnels afin de régler d’éventuels l’origine, au-delà des bénéfices socio-économiques,
conflits et troubles de l’ordre public, et renforcer d’importants projets de développement de l’infras-
la cohésion sociale. Au niveau national, la mairie tructure locale soutenus par les communes
prend les dispositions pour l’autorisation officielle environnantes, par l’État, par des associations
de la fête (communication introduite en Conseil des locales et par des partenaires extérieurs tels la
ministres), et pour assurer le soutien du gouver- Coopération suisse et l’Unesco : construction de
nement (mesures d’accompagnement sécuritaire la Maison de la Gaani, construction d’un musée et

94
d’un centre régional des métiers, édification d’un
second château d’eau, réalisation d’un barrage
hydraulique afin de pallier au manque d’eau et
fournir en ressources halieutiques pendant la Gaani,
amélioration de l’éclairage public, réfection et
réhabilitation partielle du palais royal, construction
de hangars pour abriter les festivaliers, etc.

L’immeuble qui abrite la Maison de la


Gaani est une initiative de la population
de toute l’aire culturelle baatonu et boo
depuis 1978, au total dix-huit communes.
Les plus-values de la vente du coton
étaient directement versées par les
paysans pour financer la réalisation de
cette infrastructure qui abrite aujourd’hui
la grande foire artistique, culturelle
et commerciale lors de la fête de la
Gaani. Lors de la construction de cet
immeuble, chaque village envoyait des
jeunes (garçons comme filles) pour le
renforcement de la main-d’œuvre
et ceci à tour de rôle.

Adamou Sanni.

La mairie maintient cette dynamique de dévelop-


pement et de valorisation de son patrimoine à
travers le Plan de développement communal (pdc)
2011-2015 et a d’ores et déjà entrepris les
démarches de sollicitation auprès de l’État et des
partenaires du développement dans le but de mener
des travaux d’infrastructure et d’aménagement
(réalisation de gradins et réfection du palais royal,
travaux d’assainissement, construction d’un
hippodrome, renforcement des capacités de service
de la commune…) qui permettront d’améliorer
encore les retombées économiques de la fête, de
renforcer la sauvegarde de la culture baatonu et
de favoriser l’épanouissement et la cohésion des
populations.

Cavalier. © Nathalie Jagot-Laplanche


Griots. © Nathalie Jagot-Laplanche
Danse. © Razack Bio Mama
Assemblée. © Razack Bio Mama

95
96
M a u r i ta n i e

Oualata Prendre des mesures


de protection ou de préservation p. 54

Position géographique
Commune de la région (wilaya ) Hodh Ech Chargui,
à 1 200 km à l’est de Nouakchott
Superficie
13,4 ha
Nombre d’habitants
10 111
Décembre 1996
Inscription des « Anciens ksour de Ouadane, Chinguetti,
Tichitt et Oualata » au Patrimoine mondial (Unesco)

F
ondée avant l’apparition de l’islam, Oua- Axes développés
lata est la plus ancienne cité vivante de par l’action publique locale
Mauritanie. Au xive siècle, c’est l’une Pour préserver son patrimoine et développer son
des plus grandes villes de l’empire du économie face aux contraintes environnementales
Mali et une étape importante du commerce trans- et sociales la mairie initie, planifie et assiste des
saharien. Alors cité de science et de culture, elle projets de réhabilitation architecturale et urbaine et
témoigne aujourd’hui d’une civilisation millénaire. encourage le développement d’activités culturelles.
La ville ancienne de Oualata a préservé son tissu
urbain original et conservé ses monuments et ses Une gestion participative
constructions traditionnelles en pierre enduite Le territoire communal, de par sa topographie,
exceptionnellement décorées de motifs peints. Avec est soumis à l’érosion hydrique et à une érosion
Ouadane, Chinguetti, Tichit, elle forme un ensemble éolienne qui entraîne un ensevelissement partiel
de quatre cités médiévales classées par l’Unesco de la ville, menaçant des habitations anciennes et
sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité. les principaux édifices culturels. Le contexte foncier
Les routes continentales et sahariennes ayant été complexifie l’intervention sur le bâti du fait de la
progressivement délaissées au profit d’échanges multiplicité des statuts de propriété, dont l’origine
maritimes et intercontinentaux, la ville de Oualata, n’est attestée que par des témoins garants de la
enclavée et soumise à de rudes conditions clima- tradition. Enfin, la population majoritairement
tiques, est désormais menacée d’abandon. Seul très pauvre ne place pas la préservation du bâti
un développement touristique, culturel et urbain historique au cœur de ses préoccupations. Les
pourrait maintenir la commune en vie, fournir des habitants immigrés enrichis investissent quant à eux
ressources aux habitants et endiguer leur migration dans des constructions modernes. Pour faire face à
vers des lieux plus attractifs. Dans ce contexte, ces difficultés, les populations sont régulièrement
la mairie fait de la restauration culturelle de la impliquées dans la démarche de conservation du
ville historique une priorité de sa politique de centre historique.
développement. Afin de lutter contre la dégradation des bâtiments
par les pluies diluviennes, la municipalité remet au

97
jour la pratique d’entretien des façades par les sance et à la sauvegarde du patrimoine culturel.
habitants après la période des pluies, et veille à Dès 1996, la mairie, en collaboration avec la fnsva,
ce que les interventions réalisées, notamment la développe une coopération avec le gouvernement
peinture des motifs, respectent la tradition. Contre espagnol afin de mener des projets de restauration
l’érosion éolienne, la municipalité opère des actions de bâtiments (maisons et bibliothèque des manus-
communautaires de désensablement, financées par crits) et d’aménager des places et des ruelles
le fonds de conservation locale de la Fondation historiques. Son partenariat avec l’imrs enclenche
nationale pour la sauvegarde des villes anciennes d’autres activités de sauvegarde et des actions de
(fnsva). Des actions de fixation mécanique des sensibilisation de la population.
dunes sont également entreprises. Pour la réhabi-
litation de demeures historiques abandonnées, la Le « Projet de sauvegarde et
commune collabore avec les autorités religieuses de développement des villes du
de la mosquée (jemaa) pour que soient émis des Patrimoine mondial de Mauritanie » :
avis juridiques relevant de la loi islamique (fetwa). une démarche intercommunale
Ils permettent à la mairie d’enrayer les dégradations La mairie s’appuie sur un instrument de dévelop-
et d’assurer les restaurations. pement socio-économique et de conservation du
patrimoine bâti, le « Projet de sauvegarde et de
développement des villes du Patrimoine mondial
Il faut que nous puissions toujours rester de Mauritanie », approuvé en Conseil des ministres
dans la légalité ! On ne peut pas laisser en décembre 2006 et mis en œuvre pour les quatre
le Patrimoine mondial se dégrader et villes avec le soutien de l’Unesco, de la Banque
disparaître parce que les propriétaires mondiale et des autres communes. L’étude intègre
ne se manifestent pas. Ce sont tout de un état des lieux et un inventaire, des schémas
même des maisons qui datent du ixe d’urbanisme et de développement, ainsi que des
et du xe siècle !
propositions de mesures de sauvegarde et d’actions
Mohamed Allaly, maire de Oualata. à mener en matière de tourisme et d’organisation
institutionnelle. Cette étude constitue la pièce-
référence à l’égard des problèmes de gestion du
Une politique partenariale
patrimoine urbain et architectural.
En raison de l’importance patrimoniale de la ville,
Des activités de réhabilitation urbaine et d’assai-
la mairie bénéficie du soutien de plusieurs insti-
nissement sont menées conformément à l’étude :
tutions nationales :
de nombreuses demeures sont réhabilitées avec les
• la fnsva créée en 1993 dans le but de préparer subventions de l’État, les ruelles du centre historique
et accompagner le dossier de nomination des sont pavées et équipées d’une canalisation centrale
quatre villes anciennes, compte depuis 2004 une destinée à l’écoulement des eaux usées, la mosquée
entité technique décentralisée qui s’occupe spéci- de Oualata, dont les systèmes d’évacuation des
fiquement de la sauvegarde et du développement eaux pluviales et la restauration du minaret sont
des quatre citées. financés par l’État mauritanien, est désensablée,
• l’Institut mauritanien de recherche scientifique ainsi que ses abords.
(imrs), chargé d’enrichir et de diffuser l’information Afin de soutenir la dynamique de développement
sur le patrimoine culturel (manuscrits et fouilles local, la mairie demande à intégrer à ces projets des
archéologiques). opérations de chantiers écoles sur les manières de
• la direction du Patrimoine culturel, chargée de la « construire et reconstruire » selon les techniques
mise en place et de l’application des dispositions traditionnelles. Ces chantiers sont destinés à former
législatives et réglementaires relatives à la connais- des ouvriers et à sensibiliser les habitants aux valeurs

98
du bâti historique, à sa restauration et à l’utilisation
de matériaux traditionnels. Dans le prolongement
de cette initiative, la mairie collabore à la réalisation
d’une étude de faisabilité pour la création d’une
maison artisanale à portée touristique. Un bâti-
ment historique est déjà restauré afin de faciliter
le regroupement de coopératives artisanales et
d’héberger des activités de formation des ouvriers
et de transfert des savoir-faire traditionnels.

Les ouvriers locaux étaient découragés,


manquaient de travail. En tant que maire
je les ai incités à s’organiser en patronats
et avec le budget municipal disponible
j’ai programmé chaque année des
projets de restauration et de sauvegarde
du patrimoine afin de fixer ces ouvriers
dans leur terroir.
Mohamed Allaly.

Le « Festival des villes anciennes »


Sous l’impulsion de l’Association des maires des
villes anciennes, le ministère en charge de la culture
organise depuis 2011 un festival annuel, itinérant
dans les quatre localités. Les deux premières éditions
ont eu lieu à Chinguetti et à Ouadane, et en 2013
le festival est programmé à Tichit. La mairie de
Oualata se prépare pour 2014 : elle considère
l’évènement comme une excellente opportunité de
promotion de l’artisanat local et de mobilisation
des fonds complémentaires en vue, par exemple,
de restaurer des bâtiments historiques destinés à
héberger les festivaliers.

Retombées et perspectives
Par le biais de cette gestion participative, la mairie
a impulsé à la ville une dynamique de développe-
ment. Elle a sensibilisé les populations au statut de
Patrimoine mondial, renforcé la cohésion sociale
et revitalisé les pratiques traditionnelles. Forte des
actions de valorisation de son patrimoine, elle
s’apprête à accueillir un flux touristique dès que
la situation géopolitique le permettra. Vue panoramique. © Ville de Oualata
Chantier de restauration. © Ville de Oualata
Mosquée. © Ville de Oualata
Rue. © C. Hug

99
100
Construire une vision politique p. 20
BÉNIN
Identifier les biens prioritaires p. 42

Ouidah Assurer la gestion quotidienne


et optimiser les ressources p. 58

Position géographique
Chef-lieu du département de l’Atlantique,
à 40 km à l’ouest de Cotonou.
Superficie
364 km²
Nombre d’habitants
83 325 (en 2003)

L
a ville de Ouidah – à l’origine un village La prise en compte du patrimoine
lagunaire nommé Gléxwé – est principale- dans les outils règlementaires
ment connue pour son rôle important dans La politique territoriale intègre directement les
la traite des esclaves. C’est vers 1580 qu’a questions patrimoniales au processus de déve-
lieu la rencontre des autochtones et des Européens. loppement local. Il est clair pour les autorités de
Au milieu du xviiie siècle, le commerce des hommes Ouidah que patrimoine et développement territorial
atteint son apogée. sont solidaires.
De nos jours, la ville de Ouidah témoigne de ce patri-
moine par la « Route de l’esclave », un parcours
d’environ 3 km qui commence place aux Enchères Dans la planification du développement,
patrimoine et territoire sont presque
et se termine à la Porte du Non-Retour, mais aussi
toujours liés et donc indissociables. C’est
par des places et des forts installés par les anciens
pourquoi, nous devons toujours avoir
occupants européens, et par son architecture afro-
à l’esprit le souci d’un développement
brésilienne, construite par des esclaves affranchis
local intégré, pensé, conçu et mis en
du Brésil retournés dans leur pays d’origine. Ouidah
œuvre à partir des réalités culturelles
est également un important centre de la religion
et des particularismes liés à nos
vodoun au Bénin. De nombreux sites attestent différents territoires. L’aménagement
encore de son caractère sacré. de nos territoires ne peut donc être
envisagé sans le patrimoine qu’il porte
Axes développés
et qui lui confère tout son sens. Le
par l’action publique locale
rôle de l’élu est d’abord de prendre
Consciente des atouts historiques, culturels, cultuels et de faire prendre conscience de
et naturels de la ville, la mairie soutient une poli- l’importance du patrimoine comme
tique globale de mise en valeur de son patrimoine levier de développement local, et
matériel et immatériel, avec l’objectif spécifique de de veiller surtout aux choix des
développer son potentiel touristique. La conserva- objectifs stratégiques dans le Plan de
tion du patrimoine culturel et naturel de Ouidah développement communal (pdc)
est définie comme un objectif stratégique et un Séverin Adjovi, maire de Ouidah, ancien ministre
élément transversal de la politique communale. de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme du Bénin.

101
Le Plan de développement communal (pdc) a pour L’inventaire du patrimoine : un outil
but de concilier les objectifs d’aménagement du de connaissance et de planification
territoire, les objectifs de développement socio- Améliorer la connaissance de l’héritage culturel
économique et les objectifs de conservation du de la localité étant une étape primordiale à toute
patrimoine. Le schéma directeur d’aménagement prise de décision, la commune a sollicité en 2006
communal (Sdac) de Ouidah précise les unités l’appui technique et financier de l’aimf pour réa-
d’affectations du sol. Il prévoit le renforcement liser l’inventaire de son patrimoine culturel. Elle
des mesures conservatoires et de protection du revendique à présent d’être l’une des rares villes
patrimoine, des mesures sécuritaires sur les sites du Bénin à posséder « un important document de
et des dispositifs de gestion par des dispositions planification territoriale qui lui permet d’envisager
réglementaires au niveau communal. des perspectives pour un tourisme patrimonial
prospère et durable à travers un marketing terri-
Une politique partenariale
torial solide ». À la suite de cet inventaire, un plan
Des recherches de financement sont lancées pour de réhabilitation et de réaffectation des anciens
mettre en œuvre de nouveaux projets de territoire bâtis est mis en œuvre.
intégrant le patrimoine, telles la réhabilitation et la
transformation de bâtiments de style afro-brésilien La Maison du tourisme et du patrimoine
et colonial en vue d’en faire des équipements tou- Dans cette dynamique, et toujours avec le soutien
ristiques : maisons d’hôtes, centres d’interprétation de l’aimf, la mairie a réhabilité un bâtiment colonial
historique, etc. Dans cette perspective, un travail a symbolique – la première mairie de Ouidah – et
été initié depuis plus d’une décennie avec l’Unesco y a installé en 2009 la Maison du tourisme et du
et les autorités nationales afin que la ville puisse un patrimoine de la ville. Cette institution est chargée
jour être inscrite sur la Liste du patrimoine mondial. de manière globale de la promotion et de la valo-
L’inscription représente une formidable opportunité risation des patrimoines culturels matériels (bâtis,
de valorisation touristique et de différenciation des sites, « terroirs villageois ») et immatériels (arts
offres, synonyme d’emplois, d’augmentation de vivants, danses et musiques sacrées, fêtes), ainsi que
chiffre d’affaire pour les opérateurs touristiques, naturel (zone lagunaire, îlot forestier, mangroves…).
de rayonnement économique local et de revenus
supplémentaires pour la commune.
Beaucoup de communautés ont fait
l’erreur de ne montrer qu’une partie
Le combat pour le patrimoine, nous y folklorique de leurs cultures. Nous avons
sommes engagés depuis longtemps. également appris que les communautés
En tant qu’ancien ministre de la ne doivent pas se lancer tête baissée
Culture, de l’Artisanat et du Tourisme dans l’aventure du tourisme, mais
du Bénin, je sais que le tourisme ne doivent chercher à créer des alliances
sait pas exister sans l’écrin culturel et surtout à savoir s’il existe un marché
qui l’abrite. En ma qualité de maire potentiel pour leurs activités.
de cette ville historique, j’ai continué
à procéder systématiquement à Séverin Adjovi.
la prise d’arrêtés portant mesures
conservatoires, de protection et de mise La Maison est aussi l’organe habilité à exploiter
en valeur du patrimoine. Je continuerai les valeurs patrimoniales de la ville dans le cadre
inlassablement à lutter contre toute
d’une politique d’approche solidaire. Il s’agit de
forme de dénaturation de nos sites
miser sur un tourisme responsable et durable
Séverin Adjovi. par le biais d’une « promotion de qualité et une
commercialisation équitable du “produit Ouidah” ».

102
Les acteurs de l’exploitation touristique, les commu-
nautés d’accueil, les prestataires de services locaux
et les organismes de vente de produits touristiques,
sont accompagnés par les services de la Maison du
tourisme et du patrimoine pour suivre et respecter
des principes de gestion durable des activités
touristiques :
• un travail de partenariat sur le long terme ;
• une contractualisation concertée sur les projets
de développement touristique (respect des droits
sociaux fondamentaux) ;
• une négociation équitable des prix de prestations ;
• un réinvestissement des bénéfices des organismes
de promotion et de vente dans des actions de déve-
loppement local et de préservation du patrimoine ;
• une information de qualité au touriste.
L’implication de la société civile est au cœur du
travail mené par cet organisme. À titre d’exemple,
un projet agroalimentaire a été mené auprès des
femmes de la commune avec le soutien du Centre
du commerce international (cci) : la buvette de
la Maison, dénommée « Espace Xwéda », assure
la vente de produits locaux développés par des
groupements de femmes en difficulté.

Retombées et perspectives
Ce type d’organisation, œuvrant pour le dévelop-
pement local basé sur le patrimoine et misant sur
des solutions durables, sous-tend une implication
croissante des populations qui va de pair avec un
intérêt pour la conservation et la mise en valeur du
patrimoine. Il permet aussi d’être profitable à la ville
et de participer à son développement et sa moder-
nisation, à son épanouissement et à son émergence.

Porte du Non-Retour. © Boris Ogoussan


Basilique de Ouidah. © Boris Ogoussan
Fort portugais. © Unesco
Cérémonie du vodoun. © Boris Ogoussan

103
104
sénégal

Podor
S’approprier le territoire et ses patrimoines p. 28

Identifier les biens prioritaires p. 42

Position géographique
Chef-lieu du département de Podor,
région de Saint-Louis, à 215 km
à l’est de la ville de Saint-Louis
et 487 km au nord-est de Dakar.
Superficie
26,28 km²
Nombre d’habitants
15 768

L
a ville de Podor est l’une des plus vieilles grande sécheresse entre 1963 et 1973. Depuis la
communes de la région de Saint-Louis. construction des barrages de Diama et Manantali,
Fondée aux frontières de la Mauritanie les populations ont dû abandonner les cultures
sur l’île Morfil du fleuve Sénégal, c’est un de décrue. Suite au conflit entre le Sénégal et la
comptoir de commerce stratégique et cosmopolite Mauritanie (1989-1991), la ville perd 160 km² de
et un pôle d’échanges important entre la Mauritanie, pâturages et de terres agricoles.
le Sénégal et le Soudan français (actuel Mali). à La valorisation du patrimoine devient un des axes
l’époque les bateaux y débarquent des marchan- important de la politique municipale, qui cherche
dises venues d’Europe et embarquent des produits à dynamiser la vie culturelle et touristique de Podor,
locaux : mil, ambre, gomme arabique, or et ivoire. et à relancer l’économie locale.
Elle fait également partie d’un réseau d’escales du
D’abord érigée en commune mixte, Podor devient
fleuve qui joue un rôle majeur dans la traite négrière
une commune de plein exercice en 1960. Le
au Sénégal, et fait la richesse de Saint-Louis. Podor, Conseil municipal, composé de 46 conseillers, a
comme chacune des escales importantes, est dotée la particularité de représenter toute la collectivité, y
d’un fort, d’un quai et d’installations de commerce, compris les femmes (37 %) et les jeunes (43,47 %).
maisons et entrepôts. De son passé colonial, la Des délégués de quartier jouent un rôle de
ville garde une structure urbaine orthogonale. Le coordination et de relais avec les populations
fort, construit en 1774 et reconstruit en 1854 afin de les impliquer dans l’action publique.
par le général Louis Faidherbe, témoigne de la
mainmise militaire et administrative des Français Axes développés
sur la région du Fouta. La ville possède aussi un par l’action publique locale
riche patrimoine culturel immatériel véhiculé par La mairie s’implique fortement dans des pro-
les différentes communautés, Haal Pulaar, Wolof, grammes et des activités qui permettent de valo-
Maure et Bambara. riser son patrimoine matériel et immatériel sur la
L’économie de la cité périclite à partir de la fin de base d’un inventaire entrepris en collaboration
la colonisation et du recul du commerce fluvial, avec l’université Gaston-Berger et la Maison du
accentué par la construction d’une route nationale fleuve Sénégal basée à Saint-Louis. Pour développer
située à 20 km au sud de Podor, à l’écart des zones cet axe de sa politique, la mairie se rapproche de
inondables. Enclavée, la ville subit de plus une partenaires du développement touristique.

105
Une politique de valorisation touristique la Culture afin que nous puissions nous
Podor est engagé dans la mise en valeur de l’arti- approprier davantage ce monument
sanat local – autrefois réputé mais aujourd’hui majeur de Podor et mener les travaux
fragilisé – et dans la revitalisation des métiers du de restauration nécessaires. Nous
patrimoine. Un village artisanal a été construit avons le projet d’y loger aussi un
Centre de développement culturel et
avec le cofinancement de l’état. Des stands
touristique. Notre désir est de faire de
et espaces aménagés accueillent les artisans
Podor une commune sociale, dynamique
(potières, teinturières, tisserands, cordonniers,
économiquement et très culturelle.
bijoutiers…) pour leur donner la visibilité qui leur
permet de toucher la clientèle touristique. Une Samba Ndiaye, adjoint au maire de Podor.
salle d’exposition présente les créations locales.
La mairie participe au financement du matériel
nécessaire, elle subventionne particulièrement les Un lien retrouvé avec le fleuve
potières (1 695 000 francs cfa) et les teinturières
Des travaux sont programmés pour la réhabilitation
(1 522 238 francs cfa), et collabore avec le Centre
des quais dans le cadre des activités de l’Organi-
départemental de la formation professionnelle
sation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal
et le Centre d’enseignement technique féminin
(omvs), organisation intergouvernementale de
pour renforcer leur capacités. Des sessions de
développement qui regroupe le Mali, la Mauritanie
formation des artisans aux métiers du patrimoine
et le Sénégal en vue de gérer le bassin versant du
sont aussi organisées (architecture de terre, menui-
fleuve Sénégal. Le programme d’infrastructure
serie, etc.).
régional comprend en effet l’aménagement du
Un circuit touristique est tracé entre les quais, fleuve en voie navigable permanente entre Saint-
les maisons de commerces, le fort et le village Louis et Ambidédi. L’objectif de la collaboration
artisanal. La mise en place d’un point d’infor- avec la Société de gestion et d’exploitation de la
mation dans la boutique d’une des maisons de navigation (Sogenav) est de redonner à Podor son
commerce sur les quais est envisagée. rôle d’escale fluviale. La mairie ébauche des travaux
Le fort de Podor, restauré grâce à l’appui de la de restauration et d’allongement du quai Boubou-
Coopération française dans le respect des tech- Sall pour permettre d’accueillir plusieurs bateaux
niques et matériaux d’origine, a été inauguré en et de développer des équipements touristiques sur
2006. Il abrite une exposition sur l’histoire de la les quais. Le financement de ces travaux dépassant
ville et sur le patrimoine historique de la région les capacités municipales, elle cherche un soutien
dont l’organisation a été confiée à l’Association auprès de l’omvs et formule des requêtes auprès de
pour la restauration et la conservation de l’archi- bailleurs de fonds. Elle travaille à la mise en place
tecture saint-louisienne (Arcas) et au Centre de d’un syndicat d’initiative et à la classification des
recherche et de documentation du Sénégal (crds). sites touristiques.
La municipalité cherche à participer davantage La municipalité joue un rôle important de sensi-
à la gestion du monument. bilisation des populations aux valeurs du fleuve.
Pour développer le tourisme, elle s’implique dans
la mobilisation des associations locales et des
La municipalité ne peut intervenir partenaires privés (Podor Rive-Gauche, Maison du
sur le fort qui se dégrade à nouveau. fleuve Sénégal, Office de tourisme de Saint-Louis,
Il est classé au patrimoine national compagnies de tourisme fluvial, etc), diffuse la
et les travaux relèvent des autorités réglementation attenante à la sauvegarde du
gouvernementales. Nous entreprenons patrimoine et appuie des projets de restauration
une démarche auprès du ministère de des maisons de commerce.

106
Nous avons vécu comme une agression
la destruction par l’état d’une bâtisse
faisant partie du patrimoine de Podor.
Depuis nous menons un combat pour
sa préservation. Nous encourageons
les partenaires privés à investir ces
anciennes maisons de commerce et à
développer des activités touristiques
(maison d’hôte, restaurant, etc.) mais
nous veillons à ce que les restaurations
respectent la forme et les matériaux
originels ainsi que le tissu architectural
du quai.
Samba Ndiaye.

Dans cette dynamique de valorisation, la mairie


coorganise un festival du fleuve (« Le blues du
fleuve ») qui met en scène le patrimoine immatériel
de Podor au travers de la musique, de la danse et
d’activités culturelles. Des courses de pirogues
sont ainsi organisées et le pékhaan – la culture
des hommes de l’eau – est présenté : les pêcheurs
récitent des incantations destinées à apprivoiser le
fleuve et à garantir une pêche fructueuse. Le dilléré,
chants et danses qui illustrent les festivités liées
aux mariages et le yeela, le chant des braves, sont
également à l’honneur. L’objectif du festival est de
faire revivre les manifestations traditionnelles pour
rapprocher les jeunes de leur culture et organiser
la transmission du savoir des personnes âgées vers
les jeunes. De manière globale, cette manifestation
permet d’engager la réflexion sur le patrimoine
local grâce à l’organisation de conférences cultu-
relles. Des expositions d’art et d’artisanat sont
également réalisées.

Retombées et perspectives
Cette dynamisation touristique encourage de plus
en plus d’investisseurs, notamment saint-louisiens,
à s’intéresser au potentiel de Podor. La mairie
compte profiter de cet attrait retrouvé pour mettre
en œuvre les projets d’aménagement touristique
et faire revivre à part entière les manifestations
culturelles de la ville (fête de la récolte, mariages Costumes traditionnels, Fête des tout-petits. © Ibrahima Ndiaye
Vue aérienne. © Léon Philibien
traditionnels…). Quais. © Cours du fleuve
Fort. © Cours du fleuve

107
108
Construire une vision politique p. 20
sénégal
Agir avec les populations p. 24

Saint-Louis Prendre des mesures


de protection ou de préservation p. 54

Position géographique
chef-lieu de la région de Saint-Louis,
à 270 km au nord-est de Dakar.
Superficie
20 km² (87,5 ha inscrits au Patrimoine mondial)
Nombre d’habitants
200 000 (en 2007, dont 15 000 sur la zone inscrite
au Patrimoine mondial)
30 novembre 2000
inscription de l’« île de Saint-Louis »
au Patrimoine mondial (Unesco)

L
a ville historique de Saint-Louis, située sur en valeur du patrimoine. L’adc développe une
une île à l’embouchure du fleuve Sénégal, stratégie de gestion participative et de promotion
est en 1659 le premier comptoir français sur du développement économique local et assure le
la côte atlantique de l’Afrique occidentale suivi des programmes de coopération décentralisée.
et un important centre du commerce des esclaves, Malgré les efforts de tous les acteurs et l’existence
de l’or, de la gomme arabique et de l’ivoire. Elle d’un système de gestion fonctionnel, le patrimoine
est la capitale politique de la colonie française et urbain se dégrade, menacé par le manque d’entre-
de l’Afrique occidentale française (aof) jusqu’en tien et par des constructions ne respectant pas le
1902, et la capitale du Sénégal et de la Mauritanie bâti traditionnel. En 2004, la situation est critique :
jusqu’en 1957. Ville au plan urbain régulier et à 35 à 50 % des bâtiments menacent ruine ou néces-
l’architecture coloniale remarquable témoignant sitent de gros travaux de restauration.
d’une société faite de brassages et de métissages,
elle joue un rôle culturel et économique prépondé- Axes développés
rant dans l’ensemble de l’Afrique occidentale. Elle par l’action publique locale
est inscrite sur la Liste nationale des monuments Les autorités municipales font alors preuve d’un enga-
et des sites historiques en 1973, et sur la Liste du gement politique important : elles se coordonnent
patrimoine mondial de l’humanité en 2000. avec l’État pour renforcer le cadre institutionnel et
Très tôt, Saint-Louis bénéfice, au niveau national, assurer une gestion concertée du territoire intègrant
de mesures de sauvegarde particulières : dès 1928, des projets de développement basés sur la valori-
la ville est dotée d’un plan directeur d’urbanisme sation du patrimoine. Elles développent plusieurs
auquel plusieurs plans de gestion sont successive- outils ou mécanismes techniques, sociaux et insti-
ment associés. Dans le cadre de la décentralisation, tutionnels de gestion du patrimoine et s’appuient
la municipalité joue depuis plusieurs années un systématiquement sur une démarche participative,
rôle essentiel aux cotés de l’État dans la protection, en associant les nombreuses associations locales et
la gestion et la mise en valeur de son patrimoine. en mobilisant des acteurs internationaux.
Faisant preuve d’innovation, le Conseil municipal
L’inventaire du patrimoine urbain
se dote dès 2000 d’un service technique, l’Agence
de développement communal (adc), qui appuie la L’inventaire architectural et urbain du patrimoine
Ville dans sa politique de sauvegarde et de mise est établi en 2004 dans le cadre de la coopération

109
décentralisée entre la commune de Saint-Louis et Les conseils de quartiers et
Lille Métropole Communauté urbaine. Cet outil de la sensibilisation des populations
connaissance et de gestion étaie les démarches La commune implique les communautés locales en
de restauration, de formation aux métiers du instituant des conseils de quartier. Ces structures
patrimoine, d’information et de sensibilisation. Il permettent d’associer les populations aux politiques
permet à la commune de se positionner en acteur de développement, de sensibiliser les habitants
incontournable de la gestion du patrimoine de à la valeur de leur patrimoine et de renforcer le
l’île de Saint-Louis. consensus collectif. Regroupant des associations
thématiques (tels l’Association pour la restauration
Les mesures réglementaires
et la conservation de l’architecture saint-louisienne
et la mise en place du Plan de sauvegarde
(arcas), le Syndicat d’initiative du tourisme), des
et de mise en valeur (psmv)
groupements d’intérêt économique (gie) à but
Déjà en 2000, la municipalité instaure et approuve non lucratifs, des regroupements traditionnels de
un règlement provisoire d’architecture qui prévoie femmes (mbotayes ) et différents comités techniques,
une commission d’instruction pour toute demande les conseils de quartier appuient la commune dans
de réhabilitation, de construction ou d’améliora- la mise en œuvre de sa politique de sauvegarde et
tion du bâti de l’île, ainsi qu’un certain nombre de mise en valeur du patrimoine, tout en jouant
de recommandations architecturales. Suite à la sur le terrain un rôle de veille et d’alerte. Ils sont
réalisation de l’inventaire du patrimoine urbain et sensibilisés aux outils de gestion du patrimoine
à l’appui technique et financier de la Convention (plan de gestion, réglementation) et organisent
France-Unesco, un règlement plus précis, le psmv, des activités de valorisation au travers de visites
est réalisé. La municipalité participe activement à guidées, d’émissions radiophoniques, de projections
son élaboration. nocturnes, de réalisation d’une signalétique adaptée
Instrument dynamique apte à accueillir la modernité et de plaquettes d’information sur les bonnes et
sans compromettre l’authenticité urbanistique les mauvaises pratiques de restauration, etc. Ils
de la ville, il pose les bases de la reconquête des sensibilisent également les populations au patri-
valeurs architecturales. Depuis sa promulgation, moine culturel immatériel via des manifestations
d’importants chantiers écoles ont formé plus de qui mettent en scène la lutte (lamb), la danse du
deux cents artisans dans les différents métiers de la faux lion (simb) ou la récitation de contes.
restauration revalorisant le savoir-faire traditionnel,
l’utilisation des matériaux originels et la diffusion
des bonnes pratiques. J’en appelle au soutien de tous sur le sujet
du patrimoine qui est déterminant pour
La Maison du patrimoine
la ville de Saint-Louis. Nous avons des
La Maison du patrimoine, service de l’Agence de règles élémentaires du psmv à respecter.
développement communal (adc), initialement Nous ne pouvons accepter certains types
dénommée Bureau du patrimoine, est le pivot de construction ou les carreaux sur les
du dispositif de sauvegarde et de mise en valeur. murs, nous avons des couleurs à respecter,
Elle coordonne et dynamise les actions liées au l’harmonie de l’île de Saint-Louis en
psmv. Elle fournit un espace de concertation dépend. Il faut que nous soyons vigilants
permanent favorisant la synergie des autorités au quotidien et que nous dénoncions
locales et centrales. Elle apporte son appui aux fermement tout ce qui pourrait nous
actions de surveillance, d’évaluation et de contrôle amener un jour à être déclassés. 
des constructions ainsi que de rénovation du
Cheikh Bamba Dieye, maire de Saint-Louis, ministre
patrimoine bâti. Elle contribue à la formation et la de l’Aménagement du territoire et des Collectivités locales
sensibilisation des acteurs et des parties prenantes.

110
Retombées et perspectives
Cette synergie institutionnelle et collective concré-
tise la volonté d’enraciner l’avenir du territoire dans
la transmission patrimoniale et permet d’impulser
les bases d’un développement durable.
En une dizaine d’années, l’attraction touristique du
site est multipliée par dix, atteignant annuellement
près de 50 000 touristes, soit près de 10 % du
tourisme national. Pour pérenniser cette dynamique,
un programme de développement touristique est
financé par l’Agence française de développement
(afd). La commune, par le biais de l’adc, en assure
la maitrise d’ouvrage. Un Office communal du tou-
risme et de la culture, en cours de création, devrait
relayer l’action. Le programme est élaboré autour
des composantes du renforcement institutionnel, du
patrimoine bâti, de la gestion de l’environnement
et du tourisme. La composante « patrimoine bâti »,
dénommée « Opération programmée d’amélioration
de la sécurité du tourisme et du patrimoine » (opa-
stp) s’articule autour de deux axes : la réhabilitation
complète de quarante-six édifices de grand intérêt
architectural en mauvais et moyen état ou en péril
(axe A) et la sécurisation et/ou la réhabilitation
des toitures et façades d’environ quatre-vingt-dix
édifices d’intérêt architectural moyen en mauvais et
moyen état situés sur des zones urbaines à grande
fréquentation touristique (axe B).
Pour les autorités, les populations et les partenaires,
ce programme cristallise l’espoir de sauvegarde
du patrimoine de Saint-Louis, et l’espoir de son
développement social et touristique.

C’est un formidable défi qui est devant


nous, c’est une opportunité économique
de développement et de relèvement du
pouvoir d’achat de l’ensemble des Saint-
Louisiens qui est en jeu.

Cheikh Bamba Dieye.

Vue de Saint Louis. © Gilles Walusinski


Vue aérienne. © Laurent Gerrer
Quais. © Unesco
Pont Faidherbe © Sébastien Moriset - craterre

111
112
m a u r i ta n i e
Faire des choix et programmer p. 46

Tidjikja Assurer la gestion quotidienne


et optimiser les ressources
p. 58

Position géographique
capitale de la région (wilaya ) de Tagant,
à 600 km à l’est de Nouakchott.
Superficie
225 km²
Nombre d’habitants
17 000

L
a ville fortifiée de Tidjikja, point de conver-
gence des circuits commerciaux caravaniers Le Conseil municipal s’est fixé
et de flux migratoires transsahariens, est comme principal défi de conjuguer, dans
fondée en 1660 par la tribu maure Idaw’ali. son action de développement communal,
Les palmeraies de Tidjikja, plantées au xviie siècle et l’exigence d’efficacité et d’innovation
regroupant plus de cent espèces, sont parmi les plus que requiert la gestion d’une ville
importantes de Mauritanie. Ce sont de gigantesques moderne au souci d’authenticité et
pépinières maintenues par le savoir-faire que se d’originalité qu’impose le respect de
transmettent depuis des générations les cultivateurs l’identité d’une cité multiséculaire.
oasiens. La culture du palmier dattier est la princi- Mohamed Ould Biha, maire de Tidjikja.
pale activité des populations, dont l’existence est
organisée autour de la période de cueillette (guetna ).
La commune de Tidjikja est créée en 1987. Pour se Axes développés
donner les moyens d’assurer un développement par l’action publique locale
local harmonieux et cohérent, prenant véritablement Pour valoriser sa culture et préserver son patrimoine,
en compte les réalités du territoire, elle sollicite et la commune de Tidjikja décide, dans le cadre de son
obtient l’appui financier du Programme de dévelop- pdl et en collaboration avec les structures nationales
pement urbain (pdu) financé par la Banque mondiale, et des partenaires privés, d’organiser annuelle-
et élabore en 2008 son Plan de développement ment un « Festival des dattes » d’une durée de
local (pdl). trois jours. Trois éditions de ce festival ont déjà eu
Le pdl souligne le potentiel touristique de la commu- lieu. La première édition, en 2010, bénéficie d’une
ne, riche en attractions puisque lieu d’escale entre large couverture médiatique. Son succès conforte la
les cités historiques de Tichit et de Chinguetti, mais il commune dans ses choix. Elle décide de développer
met parallèlement en garde contre les menaces qui les activités du festival et d’en faire le rendez-vous
pèsent sur les productions dattières, qui subissent de tous les acteurs nationaux et internationaux
l’effet combiné de l’ensablement, de la baisse des concernés par le patrimoine oasien. Elle affiche de
nappes phréatiques et de la disparition progressive multiples objectifs :
des savoir-faire oasiens. • valoriser le patrimoine culturel oasien dans son

113
ensemble, et celui relatif au palmier dattier en particulier ;
• sauvegarder l’écosystème oasien, préserver et pro- Solidement ancrée son histoire, Tidjikja
mouvoir les espèces de dattes spécifiques à Tidjikja ; est résolument tournée vers l’avenir et
• créer un cadre d’échange d’expériences en matière aspire à occuper toujours la place qui
de culture du palmier dattier ; lui revient dans l’ensemble mauritanien.
• favoriser le développement de la recherche scienti- Marcher sur la voie des ancêtres, le
fique dans le domaine phoenicicole ; regard tourné vers le futur ; tel est donc
• encourager l’esprit d’initiative et le sens de l’inno- le credo de notre cité.
vation chez les cultivateurs oasiens ;
Mohamed Ould Biha.
• faire revivre la Guetna de jadis, foire aux dattes et
grand festival des cultures oasiennes ;
• promouvoir le tourisme oasien dans la région au La Ville profite du festival pour valoriser l’ensemble
service du développement local ; de son patrimoine, sensibiliser les habitants sur des
• encourager le retour au terroir des ressortissants thèmes liés au développement et solliciter le soutien
de la ville, très nombreux à s’être installés ailleurs à des autorités et personnalités invitées. Ainsi, le
cause des sécheresses et de l’enclavement. festival favorise la prise de conscience patrimoniale
Dès les préparatifs de la seconde édition du festival, la et la mobilisation générale.
mairie se structure en conséquence. Des commissions À l’occasion de la troisième édition du festival (13‑15
spécialisées sont mises en places sous la houlette de juillet 2012), la municipalité obtient le soutien
la commission de supervision, qui garantit le suivi financier de la Coopération française en Mauritanie
régulier des préparatifs et évalue leur état d’avance- pour la réhabilitation de l’école 1, fondée en 1919
ment. La commission financière élabore un budget et l’une des plus anciennes du pays. L’inscription de
et obtient le financement du festival, notamment la visite guidée du ksar El-Ghadima au programme
à travers le sponsoring (plus de quarante-deux de chaque édition et son inauguration par une
sponsors en 2011). La commission d’hébergement délégation gouvernementale permettent d’attirer
détermine la liste des invités et élabore un plan l’attention sur l’état de conservation de la vieille
d’hébergement. La commission culturelle élabore ville menacée par l’abandon et l’utilisation du béton.
les programmes, les concours culturels, prépare les Cette visite, suivie d’un exposé-débat sur le thème
visites guidées et l’exposition des manuscrits. La de la sauvegarde d’El-Ghadima, incite les pouvoirs
commission technique organise l’exposition des publics à envisager de classer le ksar et d’œuvrer
dattes, pilote les ateliers spécialisés et réalise une à sa conservation et permet de recueillir des contri-
brochure didactique. La commission de communica- butions aux efforts de restauration. L’exposition
tion produit les supports de communication, assure des manuscrits, qui présente des ouvrages rares
la publicité et la couverture médiatique du festival. expliqués par des spécialistes, alerte sur la nécessité
Enfin, la commission d’animation programme et de sauvegarder ce patrimoine, et permet d’obtenir
supervise les soirées artistiques. l’aide du département spécialisé du ministère de
Deux assemblées générales sont également orga- la Culture, ainsi que le financement annuel de la
nisées. L’une à Nouakchott réunit les représentants publication d’ouvrages anciens.
des commissions qui se basent sur le rapport de la Le festival réactive la filière dattière, une foire et
précédente édition élaboré par la commune pour une exposition qui présentent la culture oasienne,
formuler leurs recommandations. L’autre se tient le savoir-faire local, les produits artisanaux réalisés à
à l’hôtel de Ville de Tidjikja pour sensibiliser les partir du palmier – activité riche mais méconnue – et
habitants et les préparer à l’événement dont ils sont les variétés de dattes locales et nationales. La foire
les principaux acteurs et bénéficiaires. Parallèlement permet une commercialisation massive des produits.
est mené un travail de mobilisation des pouvoirs Elle est une occasion d’échange, notamment entre
publics, des partenaires pour le développement et cultivateurs et autorités, et accueille des ateliers, qui,
des sponsors. en vue de soutenir les actions de développement

114
communal, abordent les thématiques oasiennes.
De nouveaux équipements sont inaugurés chaque
année dans le cadre du festival (Maison des jeunes,
équipement sportif…), et des travaux d’infrastruc-
tures sont lancés. La route de l’oasis est réalisée par
la commune de Tidjikja sur un financement du pdu
pour faciliter l’accès aux différentes palmeraies et
l’écoulement des productions oasiennes ; un réseau
d’électrification et la construction d’une route
de 18 km, financés par la Banque mondiale, sont
réalisés pour désenclaver l’oued. Par ailleurs, des
ateliers sur le développement local ainsi que des
activités éducatives et humanitaires sont organisés
(colonie d’enfants, caravane médicale, campagne
de dépistage du diabète, etc.).

Retombées et perspectives
Le succès confirmé du festival qui repose largement
sur l’engagement de la population et l’organisation
efficace de la commune implique des retombées
économiques importantes et permet de mobiliser
et de sensibiliser au niveau national et internatio-
nal un nombre grandissant de partenaires et de
visiteurs, d’amorcer le retour des ressortissants
non résidents et d’ouvrir ainsi de nouvelles voies
de développement communal.
Forte de cette réussite et soutenue par la population,
la commune décide la pérennisation du festival des
dattes, son internationalisation, et le renforcement
des mesures de sauvegarde de son patrimoine.

Le festival est une aubaine pour de


nombreuses familles, pour lesquelles
le retour des parents émigrés signifie
une aide financière substantielle et une
occasion de réhabilitation de maisons
et de palmeraies jusque-là abandonnées.
Par ailleurs, les visites guidées ont
permis de faire découvrir aux visiteurs
les potentialités économiques,
patrimoniales et touristiques de la ville
et donné des idées d’investissement
à plus d’un.

Mohamed Ould Biha. Foire aux dattes. © Ville de Tidjikja


Palmiers. © Ville de Tidjikja
Architecture oasienne. © Ville de Tidjikja
Artisanat. © Ville de Tidjikja

115
L’ensemble des partenaires souhaite remercier vivement les participants et les formateurs qui, avec leurs
experiences et leurs échanges, ont contribué à la réussite du projet. A. Daniel Abatcha, Ahmed Ould Abba
Nvissa Mint, Abdel Wedoud, Wane Cheikh Abdel-Aziz, Ahmed Ould Abderrahmane, Mohamed Ould Abdessalame,
Dicko Abdoul, Yacoub Ould Abdoullah, Mohamed Fadel Ould Aboubekrene, Hawa Adama, C. E. Joseph Adande,
Mohamed Ag Erless, Blandine Agbaka, Blaise O. Ahanhanzo Glélé, Fall Moussa Ahmed, Léonard Ahonon, Cheikh
Talibouya Aidara, Charles Akibode, Mohamed Ould Allaly, Adechina Alaofe, Fabrice Aliman, Moctar Ould Aly, Raliou
Kanda-Olouwa Arinloye, Alice Assoua N’Dri Comoe, Osseni Avocetien, Joseph A. Awo Adeoye, Gallo Ba, Correra Adama
Baba, Maïmouna Mint Baba, Ali Ould Baba, François d’Assise Bachola, Alioune Badiane, E. Innocent Badou, Mady
Bagayoko, Modibo Bagayoko, Ismailou Balde, Fakambi Bankolé, Ibrahima Bao, Mohamed Fouad Barrada, Christian
Belinga Nko’o, Marcelino Betife, Djoman Beugre, Meissa Beye, Mohamed Adnan Ould Beyrouk, Calixte-Bertin Biah,
Mohamed Ould Biha, Razack Bio Mama, Hamady Bocoum, Georges Bouko, Mohamed Abdellahi Ould Boutah, José
Joaquim Cabral, Abdoulaye Camara, Maguy Capitolin, Gaye Cheikh, Jidou Ould Cheikh, Ahmed Oumou Kalsoum
Cisse, Lassana Cissé, Yaya Cissé, Kamimakan Comara, Cheick Ahmed Correira, Badie Coulibaly, Moulaye Coulibaly,
Fadima Coulibaly, Moussa Coumare, Association « Cours du fleuve », Jacky Cruchon, Abiba Dafia, Deih Ould Dah,
Yacouba Dama, Pascal Danha, Ibrahima Danioko, Josué David, Carlos De Carvalho, Gaël De Guichen, H. James Degbo,
M. Dembele, Christophe Denadi, Abdoulaye Deyoko, Mady Diabate, Bamba Diabate Mamou, Coumba Moussa Diabira,
Babou Diaby, Mohamed Cheikhou Diagana, Moussa Moriba Diakite, Ousmane Sima Diallo, Amara Diallo, Mamadou
Yero Diallo, Mamadou Mady Diallo, Coumba Moussa Diallo, Ide Diara Fatoumata Diarassouba, Haoua Bekaye Diarra,
Niara Diarra, Youssouf Diarra, Jaucoure Awa Diawara, Zoumana Diawara, Etienne Diene, Cheikh Mamadou Abiboulaye
Dieye, El Hadj Lamine Dieye, Oumar Din Koue Dioma, Ndeye Mbathio Diop, Mamadou Moustapha Diop, Mahecor
Diouf, Abdourahemane Diouf, Louis Djegbate, E. Gabin Bernard Djimasse, Lamine Djiré, Makan Doucoure, Boubacar
Doumbia, Moham Doumbia, Diocolo Doumbia, C. Mesmin Dovonou, Humberto Lelis Druorte, Viriato Duarte, Dahid
Ould El ghassem, Soumare El hadj, Hafsa Mint El hadrami, Cheikh El mamy, Mohamed Ould El mamy, Sidi Ould
El mane, Mkayli Mint El moctar, D. Charlemagne Elegbede, Dahid Ould Elghassem, Yahia Ould Elhoussein, Fatma
Ely, S. G. Aline Esse, Amélie Essesse, Djiman Fachola, Fatima Fall, M. Fané, Yamoussa Fané, Mahecor Faye, Francisco
Fernandes Tavares, Luc Ferry, Arlindo Fortes, Lucia Garcia Sidera, Steven Gayme, Vincent Gbolou, H. Pierre Glodji, El
Hadj Gueye, Alassane Guindo, Mariam Guindo, Amadou Guindo, Abdoul Aziz Guisse, Urbain Hadonou, Marc Heller,
Alain-Maxime Hongbete, Jean Marie Honvo, Raymond Houangni, Ludovic Houede, Didier-Marcel Houenoude, Léon
Hounnou, Mohamade Hyabie, Nathalie Jagot-Laplanche, Domingos De Barros Correla Joao, Anne-Marie Thérèse
Jouga, Gauret Florent Kacoubi, Sidy Mokhtar Kante, Niamke Julien Kanwa, Bakary Balla Keita, Mahamadou Keïta,
Rodrigue Kessou, Aboua Louis Koffi, Oumar Koita, Mamadou Kone, Boubacar Konta, Amani Kouadio, Elias Kouadio
N’Guessan, S. Edouard Koutinhouin, Amoussou Bertin Kpakpa, B. Oumarou Lafia, Brahim Mohamed Ould Lehbib,
Humberto Lelis, Carlos Albertos Lopes, Idrissa Ly, Ernesto Machado, Ahmed Hamed Ould Mahfoud, Mohamed Ould
Mahfoudh Ould Amara, Mohamed Ould Mahmoud, Moctar Keyla Maiga, Nouhoum Maïga, Sallia Mallé, Nourou-
Dine Manza, Damien Martin, Mohamed Ould Mbaka, Papa Reye Mbaye, El Hadj Ibrahim M’bodj, El Hadje Mbody,
Assane Khalifa Babacar Mboup, Sid’Ahmed Ould Meimed, Alberto Mello, Mohamed Marouf Ould Meme, Caroline
Mint Elemine, Ghassem Mohamed Moctar, Haja Mint Mohamed, Mohamed M’bareck Ould Mohamed Huibib, Namy
Ould Mohamed Kaber, Cheikh Ahmed Ould Mohamed Moctar, Hamada Ould Mohamed, Ahmed Ould Mohamedou,
Cherif Ould Abdel Momene, Kane Limam Monza, Sébastien Moriset, Allali Ainine Mouhamed, Salek Ould Moulaye,
Joumaa Ould Moustapha, Félix N’Pocha, Alhabib A.O. Naiga, Medabdellahi Ould Nava, Malick Alioune Ndaye, Alassane
Ndiaye, Ibrahima Ndiaye, Ndene Ndiay,e Samba Ndiaye, Amadou Yero N’Diaye, Vincent Negri, Elisio Neves, Ngaida,
Samba Niang, Demba Niang, S. Georges Nounagnon, El Khalil Ould N’Thah, Franck Ogou, Boris Ogoussan, Edouard
Ohonyi, Marylise Ortiz, A. Robert Otchande, Issiaka Ouattara, Lafia Boubacar Oumarou, Mohamed Ould Oumar,
Appolinaire Oussou Lio, Kariboye Pascky, Valery Patin, Léon Philibien, Jorge Pires Lima, Ana Pons Calvo, Fructueux
Prudencio, Daniel Roussel, Ivalena Rosario, Brehima Sacko, Bienvenu Saho, Maïmouna Mint Saleck, Abderrahmane
Ahmed Salem, Yacoub Ould Salem Vall, Sidy Sall, Soumaïla Sangare, Adamou Sanni, Aly Savadogo, C. Herman Savi,
Hussein Saye, Fernand Sekongo, Natalino Semeda, Rassoul Seydi, Methiour Seye, Siyda Mint Sid’Ahmed, Sidi El Moctar
Ould Sidi Brahim, Badi Ould Sidi Elmoctar, Beye Ould Sidi M’Beye, Moulaye Elmehdi Ould Sidi Mohamed, Yahya Ould
Cheikh Sidi Mohamed, Taleb Ould Sidi Mohamed, Sidi Ould Mohamed Lemine, Abdoulaye Sidibe, S. Sidibé, Antonio
Lopes Da Silva, Aly Simpara, Aly Sine, Djibril Tara Sissoko, Fousseyni Sissoko, Batouba Sissoko, Founeke Sissoko,
Bakary Sogore, Sandra Sossou, Osseni Souberou, Néné Soukouna, Souleiman Ould Ahmed Ould Ebety, Jessika Sousa,
Abdoul Sow, Moussa Demba Sow, Alassane Sow, Amsatou Sow, Sidibe Marcelle Sow, Ousmane Sy, Kadia Sy, Metou
Syla, Abdoulaye Sylla, O. Dominique Tagbonou, Yacoub Ould Taleb, El Moubarack Ould Taleb Ahmed, Minata Mint
Taleb Khayar, Hadiya Tandiya, Hugues Tchaou, Kaggou-Ousmane Touré, Amadou A. Touré, Fatoumata Tahirou Toure,
Bamoye Sory Traore, Sima Oumer Traore, Sidy Traore, Mahamane Traore, Joachim Traore, Harouna Traore, Alpha B.
Traore, Seydina Oumar Traore, Bamoye Traore, Soumoila Traoré, Pierre-Alain Uniack, Akouete Vlavonou, Diomande
Vra, Ndeye Khady Wade, Gilles Walusinski, Ibrahim Yacoubou, Lambert Yapi, Koffi Bile Yapo, H. Rigobert Zinsou.
Partenaires
Association nationale des communes du Bénin
Association nationale des municipalités du Cap-Vert
Association des municipalités du Mali
Association des maires de Mauritanie
Association des maires du Sénégal
Partenariat pour le développement municipal, Bénin
Ville de Grand-Bassam, Côte-d’Ivoire
Ville de Praia, Cap-Vert
Communauté urbaine de Nouakchott, Mauritanie
Ville de Bamako, Mali
CRAterre, France
Institut supérieur des arts et culture de Dakar, Sénégal
Université de Bamako, Mali
école du patrimoine africain, Bénin
Institut supérieur de commerce et d’administration d’entreprises, Mauritanie

Associés
Directions du Patrimoine culturel de Bénin, Cap-Vert, Mali, Mauritanie et Sénégal
Unesco (Centre du patrimoine mondial, Convention France-Unesco)

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