Vous êtes sur la page 1sur 11

Revue de botanique appliquée et

d'agriculture coloniale

Le Chêne-Liége et le Liège en Algérie.


L. Saccardy

Citer ce document / Cite this document :

Saccardy L. Le Chêne-Liége et le Liège en Algérie. . In: Revue de botanique appliquée et d'agriculture coloniale, 18ᵉ année,
bulletin n°203, juillet 1938. pp. 488-497;

doi : https://doi.org/10.3406/jatba.1938.5885

https://www.persee.fr/doc/jatba_0370-3681_1938_num_18_203_5885

Fichier pdf généré le 03/05/2018


— 488 —

Nous pourrions allonger cette liste d'un grand nombre d'autres


Labiées les unes originaires des pays tempérés et cultivées parfois
dans les jardins tropicaux (Thym, Lavande, Romarin, etc.) pour leur
parfum agréable, les autres devenues pantropicales et subspontanées
près des habitations, leur dissémination étant sans doute due à leurs
propriétés médicinales. [Leonurus sibiricus L., Leucas martini-
censis R.Br., Platystoma africanum'P. Beauv., Basilicum polysla-
chyum Mœnch (= Moschosma polystachyum Benth.), etc.].

Le Chêne-Liége et le Liège en Algérie.


Par L. SACCARDY.
Inspecteur des Eaux et Forêts.

I. Le Chêne-liège.
Caractères botaniques et écologiques. — Le Chêne-liège
{Quercus suber L.) (1) appartient à la section Cerris des Quercus,
caractérisée par les écailles de la cupule terminées en lanières plus
ou moins longues. Cette section groupe entre autres des espèces
méditerranéennes, telles que Q. cerris (Chêne chevelu), Q. JEgilops sensu
lato (Chêne vélani d'Orient), Q. castaneafotia E.-A. Meyer., du
Caucase, et son vicariant algérien Q. A fares Pomel. La classification
récente de 0. Schwartz en a extrait à juste raison le Q. coccifera L.
(Chêne Kermès), pour le ranger avec Q. Hex L. (Chêne vert) dans la
section Sclerophyllodyrs Schwz.

C'est un arbre d'assez grande taille qui atteint ordinairement 10 à


14 m. de haut, exceptionnellement jusqu'à 20 et 22 m. Il peut vivre
150 à 200 ans. Le tronc est assez court, la lige principale est tortueuse
et la ramification peu serrée. De l'ensemble se dégage une impression
de robustesse qui n'est qu'apparente. En effet dans ces grosses
branches le bois, élément de résistance, ne forme qu'un petit cylindre
central entouré d'une épaisse couche d'écorce subéreuse. D'où la
sensibilité de l'arbre aux chutes de neige lourde et aux grands vents.
Le liège apparaît à l'œil nu sur les jeunes rameaux de deux à trois

(1) On consultera avec intérêt un travail récent: les Quercus de l'Herbier d'Alger
par Em. H. del Villar. Publication de l'Université d'Alger, Bull. Soc. Hist, nat,
Afrique Nord, 1937.
— 489 —

ans en forme d'une couche rosée qui se crevasse. Celle couche


subéreuse prend de plus en plus d'importance avec l'âge, se crevasse déplus
en plus profondément, devient gris clair, se couvre de lichens et d'autres
epiphytes. C'est le liège mâle. Il persistera pendant toute la vie de
l'arbre en s'épaississant lentement.

Les feuilles du Chêne-lièga sont persistantes en ce sens qu'elles


vivent plus d'une année entière. Elles meurent et tombent
généralement au cours de la deuxième année. De taille variable mais plutôt
petites, elles sont fermes, coriaces, glabres et un peu luisantes à la
face supérieure, tomenteuses et blanchâtres à la face inférieure. Elles
sont portées par un pétiole assez court. Les nervures secondaires, au
nombre de cinq à sept de chaque côté forment l'axe d'autant de dents
plus ou moins marquées et se prolongent au-delà du limbe en une fine
pointe flexible.
Dans l'ensemble, le feuillage grêle et rare, porté par une ramification
peu serrée, donne un couvert assez léger qui explique l'abondance du
sous-bois.
Comme chez tous les chênes la floraison est monoïque. Les chatons
mâles, allongés et réunis par bouquets pendants, apparaissent à
l'extrémité des pousses de l'année précédente. Les fleurs femelles naissent à
l'aisselle des pousses de l'année sous forme d'une petite cupule écail-
leuse. La floraison a lieu d'avril à mai.

Les glands mûrissent généralement dans l'année même de la


floraison. Ils sont de grosseur très variable et leur chute s'échelonne
d'octobre à janvier. Les glandées abondantes n'apparaissent que tous
les deux ans, parfois même tousles trois ans.
Ces glands sont ordinairement amers et ne sont pas comestibles
pourThomme, sauf quelquesexceptions individuelles (var. dulcis Trab.),
qui peuvent devenir collectives dans certaines régions (forêt de la Ma-
mora au Maroc).
La fructification débute à l'âge de quinze ans, elle devient abondante
et soutenue vers la trentième année.

La cupule est portée par un gros pédoncule très court. Les écailles
légèrement saillantes croissent en longueur à partir de la base. Les
supérieures se terminent en lanières molles assez allongées, dépassant
le bord de la cupule. D'abord apprimées elles se hérissent par
dessiccation. Mais, tout en répondant généralement à cette description, la
— 490 —

cupule varie beaucoup d'un arbre à l'autre, dans tous les éléments de
sa structure.
Les divisions taxonomiques qu'on a voulu introduire dans le lin-
néon : Q. Si'ber, presque toujours basées sur la présence ou
l'exagération d'un seul caractère, ont une très faible valeur. Ce qu'on peut
dire c'est qu'à travers un polymorphisme individuel intense
apparaissent çà et là de petites collections plus ou moins homogènes et, aux
limites de l'aire, des races plus ou moins différenciées.
Parmi ces collections on peut distinguer cependant la variété occi-
dentalis décrite par Gay, comme « espèce », des environs de Lisbonne.
On y a assimilé le « Chêne occidental » français qui est précisément
l'une de ces petites races, intéressante au point de vue cultural et
forestier par son tempérament plus résistant au froid et qui s'étend
dans le S W de la France à la limite Nord occidentale de l'espèce.
Le Chêne- liège a un enracinement robuste, pivotant chaque fois
que la nature du sol le permet et en tout cas constitué par de fortes et
longues racines qui fixent l'arbre solidement même dans les sols les
plus ingrats. Il rejette vigoureusement de souche jusqu'à un âge
avancé pourvu que les jeunes rejets disposent de beaucoup de lumière.
Il drageonne aussi, quoiqu'on l'ait parfois nié, en particulier après un
incendie ou sur les tranchées pare-feu.

Chromosomes. — Comme chez tous les Chênes et d'ailleurs chez


toutes les Fagacées V équipement chromosomique est constitué p.ir
une garniture diploïde de 24 chromosomes. De plus, chez tous les
Chênes étudiés jusqu'ici, la grandeur ni la forme de chaque type de
chromosome de la garniture haploïde n'offrent de variations
sensibles. Les fortes différences de morphologie externe qui séparent les
espèces dans ce genre n'apparaissent donc pas dans la structure
chromosomique. L'étude caryologique ne permet pas de démontrer ou de
déceler l'origine hybride d'uu individu.

Hybridation. — Les deux Quercus dont le suber est le plus voisin


sont Q. cerris et Q. A fares : il s'hybride facilement avec l'un comme
avec l'autre. En Algérie où le Q. cerris n'existe pas, chaque fois que
le Chêne-liège et ÏAfares sont en contact ils se croisent copieusement
en donnant des bâtards fertiles.
Les hybrides à leur tour se croisent soit entre eux, soit avec Tun ou
l'autre des progéniteurs. On observe en définitive de multiples formes
intermédiaires à variations désordonnées. Trabut considérant les
— 491 —

caractères morphologiques de la feuille, le port de l'arbre et la qualité


du liège a distingué deux formes : Q. numidica dont le port et les
feuilles rappellent ÏAfares, mais donnant un véritable liège etQ. ka-
bylica dont le port et les feuilles rappellent le Chêne-liège, mais
donnant un liège de formation très lente et impropre à l'exploitation. En
réalité l'examen d'un grand nombre de pieds hybrides montre que les
différents caractères (forme et dimension des feuilles, port de l'arbre,
cupule, gland, persistance du feuillage, etc..) varient
indépendamment les uns des autres. Chez la plupart des hybrides cependant
l'héritage du liège apparaît surtout dans la chute des feuilles plus ou moins
retardée et dans la production d'une écorce subéreuse susceptible de
se reformer après démasclage mais donnant un produit très grossier ;
l'héritage de YAfares se manifeste par un port assez élancé et une
ramification plus robuste qui résiste bien à la neige.
On connaît aussi des cas de croisement, beaucoup plus rares il est
vrai, entre Q. suber et Q. Hex. L'hybride a reçu le nom de Q. Mo-
risii Borzi.
Mais en dépit du contact extrêmement fréquent de Q. suber avec
Q. Mirbeckii Dur., on n'a jamais constaté de croisement entre ces
deux 'essences.

Exigences écologiques. — Le Chêne-liège veut'de la lumière, de la


chaleur, de l'humidité et un sol dépourvu de calcaire et de sel marin. H
supporte mal l'ombre où il végète et finit par mourir. Il exige une tem pé-
rature 'moyenne de 16 à 17° environ, et, en Algérie son extension en
altitude est généralement limitée àla cote 1200, rarement 1300 à 1400,
exceptionnellement 1600 (Teniet-el-Haad, qui est l'une des stations les
plus éloignées du littoral). Le Chêne-liège ne croît bien ici que si la
pluviosité annuelle atteint au minimum 600 mm. Il lui faut en outre
une humidité atmosphérique constamment élevée, de l'ordre de 60%
dans la saison la plus sèche. Sur la côte atlantique du Maroc, il peut
vivre dans des régions où les pluies ne dépassent pas 500 et même
400 mm., mais au-dessous de ces pluviosités réduites, l'essence est en
régression. Le Chêne-liège redoute avant tout le calcaire assimilable.
Les terrains salés ne lui conviennent pas davantage, non plus que les
argiles compactes et les sous-sols imperméables qui aboutissent à des
terrains mouilleux. Il vient indifféremment sur tous les autres sols
siliceux. En Algérie, ses terrains d'élection sont les grès éocènes (Nu-
midien et Medjanien), terrains forestiers par excellence. Sa végétation
est belle aussi sur les terrains azoïqucs et sur les granits.
— 492 —

Association du Chêne-liège. — On peut distinguer deux aspects


principaux de l'association :
Vers le littoral et en basse montagne un faciès à Myrtus communis
avec strate frutescente très développée, comprenant notamment :
Erica arbor ea, Arbutus Unedo, Phylliraea media, Pistacia Len-
tiscus, Rhamnus alaternus, Viburnum Tinus, Myrtus communis,
Çalycotome, Genista et Cistus divers, Lavandula stoechas, av«c
parfois Q. cocci fera, plus de nombreuses lianes des genres Smilux,
Hedera, Rubia, Rubus, Rosa, Clematis, Lonicera, Asparagus.
En montagne, faciès à Cytisus triflorus avec strate frutescente
restreinte, ne comprenant plus que : Cytisus triflorus, Erica arborea
(qui disparaît môme à partir de 1300 m.), Çalycotome , Genista tri-
cuspidata, Cratoegus monogyna. Les lianes sont rares et se réduisent
à Rubia, Lonicera, Rosa. En revanche le lapis herbacé se développe
davantage.
L'association se dégrade d'abord par disparition de l'essence
principale ne laissant que le maquis d'essences secondaires. Le maquis,
par l'action des incendies répétés et d'un pâturage excessif,
s'appauvrit et se dégrade à son tour ; sa dernière expression est une lande
de cistes {Cistus monspeliensis) pouvant comporter Lavandula
sloechas et quelques Genistées, ainsi que Chamoerops humilis sur
le littoral. En montagne l'ultime forme de dégradation est la steppe de
diss (Ampelodesma maure tanica).

Essences concurrentes. — En Algérie le Chêne-liège se voit nu


contact de presque" toutes les autres essences principales: Q.
Mirbeckii, Q- A fares, Q. Hex, Olea europea, Cedrus atlantica, Pinus
halepensis, P. pinaster, Callitris articulât a, Alnus glutinosa.
Mais c'est surtout avec Q, Mirbeckii que la concurrence est apparente
et même gênante pour le forestier. Quant à la facilité d'hybridation
entre Q. A fares et Q. Suben, elle donne des sujets dont Técorce est
pratiquement dépourvue de valeur. De plus, à proximité des zones de
contact actuelles ou anciennes l'héritage de l'Afares peut diminuer
chez certains individus ou même chez des collections d'individus la
qualité et par conséquent la valeur de l'écorce.

Aire de répartition.
Le Chêne-liège est une essence de la Méditerranée occidentale et
des côtes atlantiques (depuis le Maroc jusqu'au golfe de Gascogne).
Les latitudes extrêmes sont le 31° et le 45° degré de latitude Nord.
— 493 —

On le Irouve à l'étal sponlané sur le pourtour Ouest de la


Méditerranée, depuis le détroit de Messine jusqu'à Gibraltar: Sicile, péninsule
Italienne (littoral W), Sardaigne, Corse, France (D^paitement des
Alpes-Maritimes, du Var et des Pyrénées-Orientales), Espagne
(Catalogne, Andalousie) et le long du littoral méditerranéen de l'Afrique du
Nord. De tout cet habitat, la tache la plus dense et la plus étendue est
située en Algérie et Tunisie. La station extrême à l'E est proche de
Brindisi. C'est d'ailleurs le seul point du littoral de l'Adriatique où
l'espèce existe encore. En dépit d'anciennes citations elle est en effet

"REPARTITION
CHENE-LIEG-E

Fig. 25. — Carte indiquant la reparution du Chêne- liège


{échelle : 1/30.000.000).

absente de l'Istrie et delà Dalmatie. Ou ne la rencontre pas non plus,


à l'état spontané, sur la côte orientale de la mer Ionienne : ni en
Grèce, ni dans les îles Ioniennes, ni en Morée. En Istrie cependant»
comme en Dalmatie et en Albanie, on signale des exemplaires spora-
diques de Q. Pseudo-Suber Santi (= Q. crenata Lam. =Q. Fonta-
nesii Guss.), que quelques botanistes ont pu confondre avec le vrai
Q. Suber. Nous sommes portés avec Hickel à considérer que ces
formes sont des hybrides cerris X suber, ou issues d'un tel hybride, ce
qui conduit à l'hypothèse de l'existence ancienne, aujourd'hui éteinte,
du Q. Suber sur la côte orientale de l'Adriatique.
Dans son aire atlantique le Chêne-liège s'étend au Maroc, au
Portugal, dans l'Eslremadure espagnole et enfin sous la forme de Chêne
occidental, dans le S W de la France. La province espagnole
d'Andalousie, au N de Gibraltar, et le Maroc de Tanger au S. du détroit, cons-
Revue de Bot. Appl. 33
— 494 —

tituent comme une zone de transition entre l'aire purement


méditerranéenne et l'aire atlantique de l'essence.
En Algérie-Tunisie, le Chêne-liège s'étend le long d'une zone
littorale d'Alger àBizerte sur environ 600 km. Parfois discontinue, cet le
aire s'amincit à ses deux extrémités et offre sa largeur maxima (60 à
70 km.) dans la partie moyenne. Le taux de boisement est considérable
dans toute cette région. A parlir d'Alger vers l'W, l'essence ne forme
plus que des îlots très disséminés dont les extrêmes au S sont celui de
Teniet-el-Haad, à 85 km. de la mer et celui de Frenda à 120 km. (lj.
Les surfaces occupées par le Chêne-liège dans les différents pays
sont approximativement :
Portugal 600.000 ha. \
Espagne 310.000 ha. [ 1.015.000 ha.
Italie 75.000 ha. )
Algérie 440.000 ha. \
Tunisie
Maroc
™ . . .,300.000
140.000
An AArt ,
ha. (f, 1.030.000
1 non nnn v,o
ha.
France et Corse 150.000 ha. /
Total 2.045.000 ha.

Ainsi la France, avec ses colonies et protectorats, délient à peu près


la moitié des forêts de Chêne-liège du monde et le N Africain occupe
une place de première importance par l'étendue de ses peuplements.
Les forêts domaniales d'Algérie comprennent 252.400 ha., dont 200. 000
sont en valeur. Les autres massifs appartiennent aux grandes sociétés,
aux Communes et aux particuliers.

Opérations culturales. — En Algérie où la culture du Chêne-


liège peut être qualifiée d'extensive les interventions qu'il convient de
pratiquer sont celles de la sylviculture ordinaire :
Régénération obtenue par coupe rase ou par larges trouées, avec
débroussaillement du sous-bois, suivie d'un dégagement des rejets
d'avenir et complétée par le réensemencement naturel ou même
artificiel s'il est nécessaire.
Eclaircie des peuplements trop denses, tendant à l'élimination des
producteurs de liège les plus médiocres dans la mesure où elle peut
profiter aux meilleurs producteurs, en vue d'aboutir en somme aune
véritable sélection.

(1) Comme aux autres stations extrêmes on peut citer le petit îlot de la forêt
de Bou Acif (3 exemplaires) à l'E de Batna (Département de Gonstantine), et, au
Maroc, les stations d'Amsitten au S E de Mogador, et de Zerekien au S S E de
Marakech, récemment signalées par le service lorestier marocain.
— 495 —

II. Le Liège.

Généralités. — En examinant une coupe transversale dans un


tronc de Chêne-liège, on voit de l'intérieur à l'extérieur trois zones
concentriques : le bois, le liber, le liège.
Entre bois et liber, se trouve une assise génératrice interne appelée
assise cambiale ou cambium donnant à l'extérieur des tissus libériens
et à l'intérieur des tissus ligneux. Une seconde assise génératrice
fonctionne entre le liber et le liège, c'est l'assise génératrice externe ou
phellogène. Vers l'extérieur, elle donne naissance au liège et vers
l'intérieur au phelloderme, tissu insignifiant qui se réduit à un feuillet
très mince visible seulement au microscope.
Le liber est très chargé en tanin ce qui lui fait donner le nom
d'écorce à tan. Les liégeurs lui donnent plutôt le nom de mère en
raison de son rôle dans la formation du liège de reproduction. C'est un
tissu de couleur rosée, rugueux, dur, renfermant de nombreux
granules qui crissent sous le couteau (cellules pierreuses). Il est
essentiellement vivant et sert à la conduction de la sève élaborée qui vient des
feuilles.
Le liège au contraire, est souple, compressible, élastique, isolant.
C'est un tissu mort qui joue vis-à-vis de l'arbre le rôle d'un
revêtement protecteur par excellence.

Structure du Liège de reproduction. — On peut distinguer


dans le liège deux éléments : le suber et les lenticelles.

Le suber ou liège proprement dit est constitué par des cellules dont
les parois minces sont dépourvues de toute ponctuation. Ces cellules
sont pleines de gaz (les auteurs admettent sans preuve expérimentale
que ce gaz est de l'air), régulièrement disposées en files radiales et
étroitement soudées les unes aux autres. Leur forme est celle d'un
prisme à base polygonale et souvent hexagonale dont les génératrices
sont radiales. Trois éléments de mesure déterminent les dimensions
cellulaires : la largeur ou diamètre de base, — le rapport r = h : l de la
hauteur à la largeur, — l'épaisseur des parois. Dans le liège de
reproduction la largeur mesure généralement de 20 à 50 p. Elle varie d'une
file de cellule à l'autre mais reste sensiblement constante dans une
même file. Le rapport r offre en général d'assez fortes oscillations dans
les assises formées au début de la période de végétation, il tend à se
régulariser pendant l'été, puis décroît brusquement dans les dernières
— 496 —

formations de l'automne. Celles-ci en nombre restreint (une à trois


cellules généralement) prennent une forme tabulaire fortement
aplatie. Dans l'ensemble et en dehors de ces formations tabulaires le
rapport r est le plus souvent compris entre 0,8 et 2. D'ailleurs les
variations d'épaisseur que l'on peut constater, soit entre les différents
accroissements d'une même plante, soit entre les accroissements
de bois à différents niveaux du tronc ou dans les branches, soit
même entre les accroissements d'arbres différents, résultent
principalement de variations dans le nombre des assises qui composent ces
accroissements, tandis que la hauteur moyenne des cellules reste
sensiblement constante et voisine de 35 p. En somme la rapidité de
formation du liège est beaucoup plus fonction du nombre des assises
cellulaires que des dimensions des cellules.
L'épaisseur des parois est de l'ordre de 1 [/. à 1 fx 25 dans les cellules
ordinaires ; elle croît rapidement (souvent très brusquement) dans les
assises formées à la fin de la période de végétation pour atteindre une
valeur sensiblement double dans les formations tabulaires. Par leur
forme aplatie combinée à la plus forte épaisseur des membranes, ces
formations dessinent une fine ligne brune qui limite les
accroissements annuels et permet de les compter, même à l'œil nu.
Parmi les cellules à membrane subérifiée on en renconlre souvent
d'autres à parois fortement ligniliées, perforées par de très fines
ponctuations. Il s'agit d'élément de sclérenchyme court disséminés soit
isolément, soit par petits îlots. Ces sclériles résultent d'une anomalie
momentanée dans le fonctionnement du phellogène. Ils sont
généralement trop peu nombreux pour influer sur la qualité du liège. II arrive
cependant qu'ils forment des assises presque continues dans un ou
plusieurs accroissements annuels. Ils augmentent alors la densité et la
dureté du liège qui est dit ou ligneux on boisé et peuvent gêner
l'évaluation de l'âge du liège.

Les lenticelles sont des canaux ou pores qui traversent radiale-


mentla masse du suber dans toute son épaisseur. L'intérieur est plus
ou moins rempli d'un tissu friable riche en tanin. A l'inverse du suber
elles sont perméables aux gaz, aux vapeurs et aux liquides. Leur rôle
est de permettre les échanges gazeux entre les tissus vivants de l'arbre
et le milieu extérieur.
Les pores exercent une influence prépondérante sur la qualité du
liège. C'est principalement sur leur importance relative par rapport au
suber ou en d'autres termes sur leur nombre et leur grosseur qu'est
— 497 —

basée la classification des écorces en différentes catégories


commerciales. Si les lenticelles sont rares et fines, le liège est de première
qualité. Si elles sont grosses et très nombreuses le liège se classe dans
le rebut. Entre ces deux extrêmes, les liégeurs distinguent un certain
nombre de qualités intermédiaires. L'importance relative des lenti-
celles ou porosité et par conséquent dans une large mesure la qualité
du liège s'apprécient macroscopiquement par l'examen de la mie ou
ventre de la planche où les lenticelles débouchent sous forme de
petites protubérances souvent perforées. La porosité peut s'apprécier
aussi, après démasclage, sur la mère dont la mie est le moulage.
Elle s'apprécie enfin et plus sûrement par le procédé industriel du
« visage » qui consiste à trancher les planches avec un couteau spécial
pour examiner la surface des sections. Notons enfin que pour être
imperméables les bouchons doivent être façonnés de manière que leslen-
ticelles s'y présentent dans le sens transversal.

Les parois subéreuses. — Les parois cellulaires du suber,


souples et imperméables en raison de leur composition chimique et de
leur continuité absolue, sont dites subérifièes. D'après Klauber leur
composition chimique comprendrait : subérine 58 %» cellulose 22 %,
lignine 12 °/0, eau 5 %> cérine 2 °/0, vanilline, acide tannique, autres
acides 1 °/0
La subérine, peu connue au point de vue chimique, est un mélange
complexe de corps analogues aux graisses et qui se saponifient comme
elles. La cérine est une cire végétale également complexe. C'est bien
à ces deux substances cependant que les parois du suber doivent leur
imperméabilité puisque après leur élimination le liège gonfle dans l'eau
et s'y dissout en partie.
La densité des parois subéreuses, déterminée par plusieurs
méthodes ayant donné des résultats à peu près concluants, peut être
évaluée à 1,25, intermédiaire par conséquent entre celle de l'eau et
celle des membranes lignifiées (1,56).
Si l'on remarque que la densité du liège préparé est d'environ 0,16
un calcul très simple montre que le pourcentage volumétrique des gaz
inclus dans les cellules du suber est voisine de 87 %•
Cette proportion considérable de gaz hermétiquement inclus dans de
minuscules alvéoles à parois souples explique les qualités mécaniques et
physiques de la substance : sa légèreté, sa souplesse, son élasticité,
sa très faible conductibilité thermique. Elle explique aussi que tout
comme l'air le liège est facilement traversé par les sons, mais qu'en
revanche il les réfléchit très peu. (A suivre).

Vous aimerez peut-être aussi