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Fr i n g i l l i d é s

Le chardonneret
élégant
Carduelis carduelis (Linné, 1758)

Le vocable d’élégant qui figure dans sa Des cas d’hybridation spontanée entre sous-
dénomination lui convient parfaitement. espèces sont fréquemment constatés.
La nature, en harmonisant dans sa livrée Le chardonneret a été introduit en
une palette de couleurs assez disparates, Amérique du Nord et du Sud, en Australie
a fait de lui l’un de nos plus beaux oiseaux. et en Nouvelle-Zélande, où il s’est consti-
tué quelques territoires.
Systématique et distribution
L’espèce ne comporte pas moins de 14 Description
sous-espèces, réparties sur un vaste C’est le masque rouge cramoisi qui
périmètre, qui couvre toute l’Europe en entoure le bec qui frappe d’emblée chez
deçà du 30e parallèle, et s’étend jusqu’à le chardonneret : il couvre la face de l’oi-
l’Ouest de la Sibérie et aux confins de la seau jusqu’au-delà de l’œil. Un casque
Chine. Elle est également présente au noir couvre le crâne et s’étend en demi-
proche et Moyen-Orient, et sur le pour- croissant derrière la joue, blanche ou
tour du bassin méditerranéen. Trois beige selon la sous-espèce. La partie
sous-espèces (C. C. paropanisi, C. C. dorsale est brun chamois jusqu’au crou-
subulata et C. C. caniceps) présentent un pion crème. La gorge et la face ventrale
phénotype particulier, puisqu’elles sont sont blanches, avec, sur les flancs, une
dépourvues de noir à la tête. Elles occu- zone brune qui forme sur le poitrail un
pent la partie orientale de l’aire de répar- dessin en forme de dôme, appelé, en lan-
tition. gage technique, « le champignon ».
Mise à part cette particularité, les diffé- L’aile est noire et effilée. Les rémiges sont
rences entre sous-espèces se manifes- marquées à la pointe d’une perle blanche,
tent surtout par des écarts de taille : et comportent à mi-longueur un large
15/16 cm pour la plus grande (C. C. major), miroir jaune vif, très visible en vol. La
10/11 cm pour les plus petites (C. C. parva, queue, échancrée, est assez courte. Les
C. C. tschusii), et l’intensité des couleurs rectrices sont noires, avec, à l’extrémité,
plus ou moins marquées de gris ou de la même perle qu’aux rémiges. L’avers
brun. Les plus grandes occupent le Nord des six plus grandes porte un ovale blanc.
de la zone, les plus petites le secteur Le bec est clair, fin et pointu. C’est un
méditerranéen. En France, les plus com- outil parfaitement adapté à l’extraction
munément observées sont C. C. cardue- des graines de composées (dont le char-
lis, C. C. britanica, et dans le Sud C. don), qui composent l’essentiel de son
C. parva et C. C. tschusii. alimentation.

Chardonneret élégant.

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Le dimorphisme sexuel et très peu mar-


qué. Le masque de la femelle est généra-
lement un peu moins étendu que celui du
mâle. Le signe le plus distinctif est la
couleur des plumes de l’épaule, noire
chez le mâle, brun grisâtre chez la
femelle. Il n’est évidemment décelable
qu’avec l’oiseau en main.
Les juvéniles portent une livrée gris
beige marquée de stries. Dépourvus de
rouge et de noir à la tête, ils portent le
même dessin alaire que l’adulte. Ils sont
facilement repérables par leur cri d’ap-
pel saccadé, très caractéristique.
Malgré sa livrée bigarrée, le chardonne-
ret s’intègre parfaitement à son milieu
lorsqu’il est posé. Ses ailes noir et or, et
le cri particulier qu’il émet à chaque bat-
tement d’ailes le font, par contre, repérer
immédiatement en vol.
Son chant est un gazouillis cristallin,
entrecoupé de trilles, de roulades et de
sons métalliques qu’il émet en strophes
plus ou moins longues. Il est surtout l’apa-
nage du mâle, bien que la femelle gazouille
parfois quelque peu. L’oiseau chante
généralement à découvert, en position
élevée. Le cri d’appel est clair, saccadé, en
trois syllabes. Il est parfaitement traduit
par l’une des appellations allemandes du
chardonneret : « stiegelitz ».

Régime
Le chardonneret est essentiellement gra-
nivore. Il recherche sa nourriture dans les
friches, les champs, et les terrains vagues.
Bardane, centaurée, pissenlit, mouron,

Chardonneret élégant agate


(femelle à gauche et mâle à droite).

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ortie et bourse à pasteur constituent la base vert, et se limite à l’offrande de nourriture


de son régime estival. On le voit souvent, en entre partenaires, et d’un dandinement
fin d’été, suspendu, ailes battantes, à la semi-circulaire, les ailes pendantes, le tout
cime des chardons. Il pille volontiers les ponctué de strophes répétées.
plantes potagères montées en graines, et Sans être réellement migrateur, le char-
les tournesols encore tendres. En hiver, il donneret est de nature assez erratique. Dès
consomme les graines d’aulne et de bou- septembre, son instinct grégaire l’incite à
leau, et les graminées mûres qu’il pros- des rassemblements en groupes d’impor-
pecte au sol. Il lui arrive aussi, au prin- tance variable, qui se déplacent en fonction
temps, de picorer bourgeons et jeunes des conditions climatiques et des res-
pousses. Il ne dédaigne pas non plus les sources alimentaires, parfois mêlés à
menus insectes : araignées, drosophiles, d’autres espèces de Fringillidés. Seuls les
pucerons, petites larves, qu’il consomme oiseaux vivant sous les latitudes septentrio-
occasionnellement tout au long de l’année, nales pratiquent une migration véritable, et
mais de façon beaucoup plus importante en peuvent, selon le temps, se replier vers les
période de nidification. régions méditerranéennes.

Comportement Nidification
L’espèce vit à peu près partout, en plaine Nicheur assez tardif, le chardonneret ne
comme en montagne, jusqu’à l’altitude débute sa reproduction qu’après mi-
de 1 000 m. Il n’y a guère qu’en forêt avril. L’emplacement est choisi par le
dense qu’elle soit rare. Les paysages couple, après prospection du territoire
ouverts, buissonnants, les bouquets choisi. Le nid est généralement fixé en
d’arbres, à proximité de friches ou de hauteur, entre 2 et 6 m dans une enfour-
pâturages lui conviennent. Elle s’est bien chure proche de l’extrémité d’une
adaptée à l’urbanisation, et niche volon- branche, ce qui n’est pas sans provoquer
tiers dans les vergers, les jardins publics, des accidents par grand vent. Les arbres
ou les rues bordées d’arbres. De nature fruitiers ou d’ornement à l’accès dégagé
assez vagabonde, le chardonneret va font souvent office de support, parfois les
parfois quêter sa nourriture assez loin. conifères, et plus rarement les buissons
La notion de territoire n’est pas très élevés, les haies ou les treilles.
développée chez lui, la zone qu’il reven- La construction incombe essentielle-
dique se limitant généralement aux ment à la femelle, que le mâle escorte
abords immédiats du lieu de nidification. dans le transport des matériaux. Le nid
Fin mars, début avril, les couples se for- correspond en tout point à ce qu’évoque
ment et s’isolent. La parade nuptiale est l’imagerie populaire : un berceau en
assez discrète. Elle se passe souvent à cou- forme de coupe, dont l’intérieur est moel-

À gauche : Chardonneret élégant satiné.

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autant que pour celui de son ramage. En installer son nid à sa convenance, que
certains lieux, notamment dans le Bassin l’on aura le plus de chance de le voir se
méditerranéen, il a ses inconditionnels, reproduire. Un élément « standard » (2 x
au point de faire l’objet d’une véritable 2 x 1 m) sera suffisant. Le sol devra être
culture. très perméable, et garni d’une matière
Il n’est pas pour autant d’un élevage simple, absorbante (tourbe) pour en réguler
aussi adapté qu’il soit à la captivité. Ceux qui l’hygrométrie. On veillera à retirer régu-
le pratiquent le savent bien, au point que lièrement les déchets. La volière sera,
certains le qualifient de « bête à chagrin ». bien entendu, entièrement couverte.
Son attitude primesautière et sa sponta- Indépendamment d’une éventuelle plan-
néité masquent en effet des incertitudes tation, elle pourra être garnie de bou-
pourtant bien réelles. Son handicap essen- quets de buis, de thuya ou de genêt assez
tiel, c’est sa vulnérabilité à l’humidité denses. Dès que vous remarquerez les
ambiante, surtout à basse température : il premières manifestations de parade,
en résulte fréquemment des troubles mettez à disposition les matériaux néces-
digestifs de toute nature. Il est très sensible saires à la construction du nid. Ensuite,
aux infestations parasitaires, dont les vers laissez faire, en veillant toutefois au
(ascaris et ténias) qui sont fréquemment déroulement normal des choses.
Chardonneret élégant (nid).
décelés chez lui. Le régime sera adapté dès le début de la
Il faut aussi tenir compte de l’attitude mise en condition : la pâtée sera enrichie
souvent imprévisible des mâles, qui peu- d’éléments animalisés tels qu’additifs
vent se montrer les plus attentionnés des « insectivores », pinkies ou vers de
leux, tapissé d’aigrettes de pissenlit et de sous forme de graines et de menus insectes pères, mais aussi détruire la ponte ou farine. Des graminées et plantes sau-
bourre cotonneuse de saule ou de peu- qu’il régurgite. La femelle dégorge ensuite éjecter les poussins. La vigilance sera vages seront distribuées journellement.
plier. L’extérieur est fait de mousse, dans le bec des petits une bouillie blan- donc de mise, ceci d’autant plus que si de Peu après l’envol des petits, la femelle
crins, lichens, menues racines, le tout châtre d’aliments prédigérés. Après tels comportements ne sont pas forcé- entreprendra une seconde nichée. Si
entrelacé et fixé à l’aide de toile d’arai- quelques jours, les parents participent en ment chroniques, ils peuvent être occa- l’espace est suffisant, on pourra laisser
gnée. Il est parfaitement adapté à la taille commun au nourrissage. Les appels inces- sionnels. Le seul remède en la matière les jeunes en place, ce que les parents
de la couveuse. sants des jeunes trahissent alors la pré- est d’isoler le coupable en le plaçant supportent habituellement bien.
La ponte comporte 4 à 5 œufs d’un bleu vert sence du nid. Ils le quitteront vers 15 jours, dans un compartiment contigu, ou dans L’élevage se pratique généralement en
très pâle marqué de points bruns, que la et volent normalement une semaine après. une cage que l’on accrochera dans la couple, mais on peut tenter d’adjoindre
femelle couve seule durant 12 à 13 jours. Les parents entreprennent alors une volière. Il sera remis en place dès que les une seconde femelle. Veillez, dans ce
Elle est nourrie au nid par le mâle, qui seconde nichée. jeunes auront atteint 8 jours. Tout ren- cas, à ce qu’une une situation de rivalité
chante dans le voisinage quand il n’est pas trera, en général, en ordre. ou de dominance ne s’installe pas, qui
en quête de nourriture. Elle ne quitte pas le Élevage Le chardonneret s’accommodera à la pourrait tout compromettre. Sauf en
nid durant les premiers jours de vie des Le chardonneret est détenu depuis très rigueur d’un espace réduit, mais c’est en espace important, évitez de mettre deux
poussins. Le mâle lui apporte la nourriture longtemps pour l’attrait de son plumage, volière aménagée, où il pourra évoluer et mâles en présence. La concurrence et

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les revendications territoriales qui ne s’annonce donc prometteur : il y a,


manqueront pas de se produire seront comme on dit, du pain sur la planche !
aussi source d’échec. Mais on aura compris que l’élevage du
Le chardonneret est certainement celui chardonneret n’est pas à conseiller aux
de nos passereaux qui se prête le mieux amateurs débutants. Même les plus
à l’hybridation. Il s’apparie assez facile- expérimentés ne sont pas à l’abri de sur-
ment, non seulement avec le canari, mais prises et de déceptions. Mieux vaut donc,
avec d’autres Fringillidés indigènes ou pour le néophyte, faire ses classes avec
exotiques, tels que verdiers, tarins, bou- des espèces de pratique plus simple.
vreuils, linottes, voire pinsons, becs croi-
sés, et d’autres… On utilise essentielle- Statut réglementaire
ment le mâle, mais la femelle, accouplée Le chardonneret élégant figure sur la
avec des spécimens présentant des liste des espèces protégées au niveau
variations de couleur, peut donner des national et communautaire. Sa détention
résultats particulièrement spectacu- en phénotype sauvage est donc assujet-
laires. Ses hybrides comptent parmi les tie, en France, au certificat de capacité, et
Chardonneret satiné. Chardonneret agate. plus prisés, tant pour leur beauté que ce à compter du premier spécimen
pour la qualité de leur chant. détenu. Par contre, les variétés de cou-
leur officiellement homologuées sont
Sélection considérées comme domestiques, et
L’obtention des premières mutations exemptes de formalités.
remonte à une quinzaine d’années envi-
ron. Elles sont restées longtemps assez
confidentielles, peut-être du fait de la
difficulté. Dès le début des années
2000, la situation a considérable-
ment évolué, tant dans l’appari-
tion de nouvelles obtentions que
dans leur diffusion. Et, l’effet de mode
jouant, le mouvement se poursuit.
Les mutations actuellement homolo-
guées sont les suivantes : brun, agate,
isabelle, pastel, satiné, ainsi que jaune et
tête blanche, qui sont spécifiques. Mais
d’autres, plus récentes, comme opale,
lutino, eumo, albino, perlé…, sont, bien
que fixées, encore à l’étude. L’avenir
Chardonneret brun. Chardonneret « eumo ».

Chardonneret élégant.

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